M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question n° 914, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Mme Françoise Cartron. Ma question porte sur la situation du syndicat intercommunal de regroupement pédagogique, le SIRP, des communes de Cazalis, de Lucmau et de Préchac, en Gironde, syndicat exemplaire pour le monde rural.
À ce jour, ce SIRP, classé en zone de revitalisation rurale, ou ZRR, comprend deux classes de maternelle et trois classes élémentaires. Le 24 mars dernier, l’administration de l’éducation nationale a proposé le blocage, avant fermeture, d’un poste de l’école maternelle de Lucmau dès la rentrée de 2010, en raison d’un effectif global jugé trop faible.
J’ai été saisie de ce problème par les élus des communes concernées, inquiets de cette décision, d’autant que les projections réalisées par les services communaux et les enseignants font état, pour la rentrée de 2010, d’un nombre d’inscriptions supérieur aux années précédentes.
La décision de l’éducation nationale se fonde, notamment, sur la comptabilisation d’un seul élève pour sept enfants âgés de deux à trois ans au jour de la rentrée scolaire. Or cette pratique administrative a été condamnée par une décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 12 février dernier. Cette juridiction a considéré que le refus par l’inspecteur d’académie de comptabiliser les enfants de moins de trois ans dans les effectifs prévisionnels d’une commune située dans une zone de revitalisation rurale était entaché d’excès de pouvoir et méconnaissait les dispositifs de l’article L. 113-1 du code de l’éducation.
Par ailleurs, la communauté de communes à laquelle appartiennent les trois communes du SIRP ne dispose, pour l’accueil des tout-petits, que de vingt-deux places de crèche. Cette situation rend indispensable la scolarisation des enfants de deux ans dès lors qu’ils remplissent les conditions requises.
La décision de l’éducation nationale est d’autant plus incompréhensible que les communes concernées ont, à la demande expresse de l’inspecteur de l’éducation nationale, réalisé un investissement de 450 000 euros sur l’exercice 2007-2008 afin d’aménager une salle de motricité pour les élèves de maternelle. Il serait absurde que cet investissement, pour lequel les communes se sont endettées, ait été réalisé en pure perte.
Je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à la situation délicate de ces communes. D’une manière plus générale, comment sera mis en œuvre le principe de scolarisation des enfants de deux à trois ans en zone de revitalisation rurale, réaffirmé par la cour administrative d’appel de Bordeaux ?
Une plus grande attention doit être portée à la cohérence entre la gestion des personnels de l’éducation nationale, d’un côté, et les efforts financiers et humains exigés des collectivités territoriales, de l’autre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser M. Luc Chatel, qui m’a chargé de vous transmettre la réponse suivante :
« L’école maternelle est pour moi une vraie école, à laquelle nos compatriotes sont légitimement attachés. D’ailleurs, j’ai la conviction que la lutte contre l’échec scolaire et la prévention de l’illettrisme supposent d’agir de manière précoce, dès l’école maternelle, au moment où les enfants s’approprient le langage et se préparent aux apprentissages fondamentaux. » Je pense, madame la sénatrice, que vous serez d’accord avec M. Chatel sur ce point !
Mme Françoise Cartron. C’est parfait !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. « Au début du mois de mai, je suis allé, en compagnie d’Alexandre Jardin, président de l’association Lire et faire lire, dans une école maternelle du Val-de-Marne et j’ai pu y observer une pédagogie fructueuse pour transmettre le goût de la lecture dès le plus jeune âge.
« Dans le même sens, j’ai réuni à la fin du mois de mai l’ensemble des cent inspecteurs de l’éducation nationale chargés spécifiquement de l’école maternelle dans chaque département. Je leur ai dit ma confiance pour le travail qu’ils accomplissent depuis le mois de septembre et je leur ai demandé de concentrer leur action sur l’apprentissage de la maîtrise de la langue, sans laquelle aucune réussite n’est durablement possible, mais aussi de s’assurer que tous les apprentissages se déroulent en conformité avec les programmes qui ont été récrits en 2008.
« Vous le comprenez : la prévention de l’échec scolaire est ma première priorité et ce combat passe par une attention accrue à l’école maternelle.
« Mais je dois également vous rappeler, madame la sénatrice, que notre politique de la petite enfance est très claire. Le rapport publié en 2005 avec la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école n’a rien perdu de son actualité ni de son sens. J’attire votre attention, entre autres, sur le passage suivant : “L’école maternelle précède la scolarité obligatoire. L’accueil des enfants de deux ans reste assuré en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé.”
« Par environnement social défavorisé, il faut d’abord entendre, bien sûr, les écoles qui font partie des réseaux de réussite scolaire et des réseaux ambition réussite.
« Là, il faut assurer la scolarisation d’enfants souvent non francophones, ou de ceux qui sont issus de milieux maîtrisant mal les usages de la langue et les codes sociaux qui permettent une véritable intégration.
« Il est alors nécessaire de donner toute leur place à des apprentissages que les familles, souvent, ne peuvent pas transmettre.
« Certes, vous pouvez penser que l’expression “environnement social défavorisé” devrait également s’appliquer aux zones de revitalisation rurale. Pourtant il faut reconnaître que les conditions des apprentissages et de la transmission y sont très différentes.
« En outre, je constate que le jugement de la cour administrative de Bordeaux en date du 12 janvier 2010 auquel vous faites référence porte sur un cas particulier. Il ne doit en rien masquer le travail quotidien de consultation et de dialogue mené par les inspecteurs d’académie, selon les caractéristiques de chaque commune, dans le but d’adapter le réseau des écoles à l’évolution de la démographie scolaire et aux besoins spécifiques de chaque territoire.
« Ainsi, en Gironde, le syndicat intercommunal de regroupement pédagogique des communes de Cazalis, de Lucmau et de Préchac se caractérise par une démographie prévisionnelle en baisse.
« À la rentrée 2009, le RPI était constitué de cinq classes, dont deux maternelles à Lucmau. Le taux général d’encadrement était inférieur à dix-neuf élèves par division.
« La mesure conservatoire que vous contestez a été prise, après consultation réglementaire des comités techniques et du conseil départemental de l’éducation nationale en mars, en tenant compte d’une prévision pour la rentrée 2010 qui culmine à quatre-vingt-treize élèves. Il en résulte un taux général d’encadrement de vingt-trois élèves par division. Il s’agit d’un chiffre encore pleinement favorable aux apprentissages dans de bonnes conditions.
« Une nouvelle prévision est à l’étude, qui porte sur quatre-vingt-dix-neuf élèves, dont huit enfants de moins de trois ans. L’inspecteur d’académie va l’affiner d’ici à l’été.
« En effet, comme vous ne l’ignorez pas, le “blocage” du poste au sein du SIRP est une mesure d’ordre technique. Il montre clairement la volonté de l’inspecteur d’académie de ne pas d’ores et déjà fermer la classe, en dépit des chiffres qui pouvaient y conduire.
« Cette décision permettra d’affecter tout de même un professeur des écoles, pour la rentrée de septembre, si les opérations finales de décompte des élèves en juin prochain conduisaient clairement à ce besoin, à la suite d’une évolution des prévisions démographiques.
« Car vous savez bien, comme tous les élus – et je suis un élu local moi aussi –, que les chiffres présentés dans les écoles diffèrent parfois de façon très sensible des chiffres réellement observés à la rentrée.
« En conséquence, je demande à l’inspecteur d’académie de porter une attention vigilante à l’évolution des données démographiques au sein du syndicat intercommunal de regroupement pédagogique. En tout premier lieu, il sera attentif aux dates de naissance des enfants de moins de trois ans, dont la scolarisation ne s’envisage pas de la même façon qu’après trois ans.
« Je vous rappelle d’ailleurs que le secrétariat d’État chargé de la famille continue ses travaux destinés à prendre en charge les tout-petits lorsque les propositions de places en crèche sont insuffisantes, et que ces enfants ne sont pas encore en situation de tirer parti d’une scolarisation en maternelle. C’est bien ce cas, madame la sénatrice, que vous signalez vous-même. »
Voilà la réponse, certes un peu longue, mais très précise, que M. Chatel m’a chargé de vous communiquer.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. La réponse de M. le ministre de l’éducation nationale laisse la porte entrouverte. J’en prends acte.
Je partage l’analyse de M. Chatel sur l’importance de l’école maternelle pour les enfants de moins de trois ans en zones rurales. Celles-ci ne souffrent peut-être pas d’un déficit social aussi criant que certains quartiers, mais elles manquent de structures. En milieu rural, l’école maternelle, comme l’école en général, occupe une place toute particulière.
nombre insuffisant des unités de visite familiales
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, en remplacement de Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 886, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame Marie-Thérèse Hermange appelle l’attention sur le nombre insuffisant des unités de visite familiales, les UVF.
Privilégier le maintien des liens familiaux des personnes incarcérées est l’une des meilleures garanties de leur réinsertion. De surcroît, la loi pénitentiaire du 25 novembre 2009 consacre le droit fondamental des personnes détenues au maintien des liens familiaux.
Depuis de nombreuses années, diverses opérations ont été menées pour favoriser le maintien de ce lien. L’administration pénitentiaire a notamment ouvert, depuis 2003, des unités de visite familiales destinées aux condamnés à de longues peines, ne bénéficiant pas de permissions de sortie. Les visiteurs peuvent être soit des membres de la famille justifiant de leur lien de parenté, soit des personnes avec lesquelles le détenu a un lien affectif durable, la réalité de ce lien faisant l’objet d’une enquête.
Les visites en UVF sont autorisées par le responsable de l’établissement pénitentiaire après consultation du personnel et à la suite d’entretiens avec les futurs visiteurs et le détenu. Les décisions de refus ne peuvent être justifiées que par des motifs tenant à la sécurité.
La durée de la visite – entre six et quarante-huit heures – est déterminée par le chef de l’établissement en fonction du dossier, de la demande de l’intéressé et des possibilités d’accueil. La circulaire recommande un allongement progressif des visites. Une fois par an, une visite de soixante-douze heures peut être accordée.
Les visites en UVF sont limitées à une par trimestre. Pendant la visite, les personnels pénitentiaires ont la possibilité de pénétrer dans les UVF. Les contrôles ont lieu à des heures précisément fixées, selon des modalités définies par le règlement intérieur et préalablement communiquées au détenu ainsi qu’à ses visiteurs.
Enfin, l’UVF participe également d’une dynamique intéressante pour le personnel. Un surveillant soulignait « l’approche plus sociale de la personne détenue » et les « liens plus forts avec les personnels d’insertion et de probation ».
Actuellement, on compte trente et une UVF réparties dans onze établissements pour peines, ce qui est nettement insuffisant. Cependant, pour la période 2009-2013, l’administration pénitentiaire prévoit d’ouvrir quarante et une unités supplémentaires, situées dans quatorze établissements.
Au regard de l’importance que revêt ce dispositif, Mme Hermange souhaiterait connaître l’état d’avancement, à ce jour, du programme d’extension des UVF et disposer d’un calendrier prévisionnel de l’ouverture des prochaines unités.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Michèle Alliot-Marie, qui m’a chargé de vous transmettre la réponse suivante.
Le développement des unités de visite familiales vise à améliorer les conditions du maintien des liens familiaux des personnes détenues.
Les articles 35 et 36 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 rappellent expressément le droit au respect des liens familiaux. Ils généralisent l’accès aux UVF et aux parloirs familiaux pour toutes les personnes détenues. Ils prévoient, pour chaque détenu, l’accès à au moins un parloir de ce type par trimestre.
Ces dispositifs sont prévus dans les nouveaux établissements et ils seront étendus aux sites existants. Un décret d’application a été soumis au Conseil d’État la semaine dernière.
Au total, douze établissements sont déjà dotés d’unités de vie familiales. À l’issue du programme actuel de construction d’établissements pénitentiaires, soixante-dix UVF auront été réalisées à la fin de l’année 2013. L’objectif fixé est de mettre en œuvre la loi pénitentiaire dans les délais les plus brefs.
Le nouveau programme immobilier pénitentiaire augmentera le nombre d’UVF et de parloirs familiaux pour favoriser les rencontres longues entre les personnes détenues et leurs proches, conformément aux dispositions de la loi pénitentiaire.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je remercie Mme le secrétaire d'État de cette réponse. Mme Hermange, accorde une attention toute particulière aux dispositifs des unités de visite familiales.
refus des infirmiers salariés de l'assujettissement obligatoire au tableau de l'ordre infirmier
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 871, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Thierry Repentin. L’article 63 de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit l’inscription automatique des infirmiers salariés au tableau de l’Ordre infirmier et impose le paiement d’une cotisation.
Je rappelle que les syndicats FO, CGT et CFDT, très largement majoritaires aux élections professionnelles, se sont toujours prononcés contre l’obligation d’assujettissement à un ordre pour les infirmiers salariés, tant du secteur privé que du secteur public.
Comme eux, je considère que les conditions d’exercice des salariés et fonctionnaires sont d’ores et déjà encadrées par des règles professionnelles, d’une part, et par des conventions collectives, d’autre part. L’Ordre infirmier n’a donc pas à intervenir dans ces dispositifs. Les infirmiers salariés et fonctionnaires ne peuvent admettre les pressions disciplinaires et déontologiques supplémentaires que cet ordre entend exercer.
Les principes dont l’Ordre infirmier est le garant – équité, moralité, probité et compétence –, les devoirs professionnels ainsi que les règles édictées par le code de déontologie de la profession d’infirmier sont intrinsèquement liés à l’exercice de la profession pour un infirmier salarié. L’autorité hiérarchique s’assure en outre du respect de ces règles.
En s’abstenant massivement aux élections professionnelles de 2008, les intéressés ont signifié qu’ils ne considéraient pas l’Ordre infirmier comme représentatif.
Par ailleurs, ils notent avec intérêt que les infirmiers du ministère de la défense sont, eux, exonérés de toute inscription ou cotisation.
Enfin, le régime fiscal des salariés et fonctionnaires ne leur permet pas, le plus souvent, de déduire la cotisation ordinale de leurs revenus, contrairement aux membres de professions libérales.
Dans une période où le pouvoir d’achat subit des tensions, ce nouveau prélèvement est difficilement accepté, en raison tant de son fondement que de la dépense supplémentaire et inutile qu’il représente. Il pénalise plus lourdement encore les agents travaillant à temps partiel.
Devant l’incompréhension totale que suscite l’assujettissement obligatoire des infirmiers salariés au tableau de l’Ordre infirmier, le Gouvernement envisage-t-il de mettre fin à la mesure ou de restreindre substantiellement son champ, comme le suggèrent, à l'Assemblée nationale, les auteurs d’une proposition de loi allant dans ce sens ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur Repentin, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Bachelot-Narquin, qui m’a chargé de vous répondre.
L’Ordre infirmier a été créé par la loi du 21 décembre 2006. Dès sa mise en place, le niveau de cotisation de 75 euros annuels, défini par l’Ordre lui-même, a posé problème. Avant même que ce taux ne soit arrêté, la ministre de la santé et des sports a conseillé à l’Ordre de fixer une cotisation d’un montant symbolique, de l’ordre d’une vingtaine d’euros par an. Elle a, depuis, continué de recommander à l’Ordre infirmier de réviser à la baisse cette cotisation de 75 euros.
Roselyne Bachelot-Narquin avait également introduit dans la loi du 21 juillet 2009, dite « Hôpital, patients, santé et territoires », une disposition permettant à l’Ordre infirmier de moduler le montant des cotisations. Malheureusement, l’Ordre n’a pas suivi ce conseil de bon sens.
Depuis, les difficultés se sont accumulées. La majorité des infirmiers refusent de payer la cotisation de 75 euros annuels, qui semble disproportionnée par rapport à leurs revenus.
Il faut rendre hommage aux efforts que les parlementaires ont consentis, de concert avec le Gouvernement, pour permettre à l’Ordre infirmier de trouver ses marques. Je citerai, par exemple, la mission de médiation lancée par Pierre Méhaignerie et conduite par Bérangère Poletti et Richard Mallié.
Malgré ces efforts, malgré les demandes insistantes de la profession, malgré les appels à la raison des organisations syndicales, l’Ordre infirmier n’a fait aucun geste pour modérer le montant de la cotisation due par les infirmiers salariés. Le montant de la cotisation est resté, comme en 2009, fixé à 75 euros, les jeunes diplômés et les infirmiers exerçant à titre bénévole bénéficiant, quant à eux, d’une réduction de moitié de ce montant.
Une très forte majorité des infirmiers n’ayant pas réglé leur cotisation en 2009, ils devraient être nombreux à recevoir un appel de cotisation de 150 euros à l’occasion de la campagne qui a débuté courant mai 2010. Même si l’Ordre infirmier est indépendant pour fixer le montant de la cotisation, une telle perspective n’est ni raisonnable ni acceptable.
Il ne faut pas que les infirmiers soient inquiétés dans leur exercice quotidien. Nous ne devons pas non plus accepter que les employeurs soient menacés de « complicité d’exercice illégal de la profession ». Nous ne pouvons imaginer que le système de santé s’interrompe au motif que des acteurs de premier plan, à savoir les infirmières et les infirmiers, n’auraient pas tous réglé leur cotisation.
C’est la raison pour laquelle la ministre de la santé et des sports s’est exprimée en faveur de la proposition de loi déposée par M. Bur, député du Bas-Rhin, tendant à limiter le champ de l’inscription obligatoire aux seuls infirmiers libéraux, pour lesquels l’Ordre est très utile.
D’ici au débat sur cette proposition de loi, il est possible et souhaitable que le conseil national de l’Ordre infirmier fasse un pas vers la raison, en proposant notamment une cotisation réduite pour les personnels salariés.
L’Ordre peut accéder à une telle demande en construisant son budget de façon pragmatique, à partir de ses recettes certaines et non des dépenses qu’il souhaite engager.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d’État.
Il est étonnant qu’un ordre infirmier créé par la loi ne soit pas plus attentif aux demandes insistantes de son ministre de tutelle et des parlementaires.
Je déplore qu’il nous faille légiférer deux fois sur cette question, à quelques mois d’intervalle, pour corriger la situation.
Plus largement, peut-être doit-on s’interroger sur l’utilité d’un ordre des infirmiers.
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder la question orale suivante, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures trente.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 888, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
Mme Anne-Marie Payet. Ma question s’adresse effectivement à Mme Bachelot-Narquin, mais je sais que M. Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, sera un excellent interprète.
Au début des années quatre-vingt, les enquêtes sur les risques lors de l’accouchement montraient que la France était l’un des pays européens où la mortalité maternelle était la plus importante. La situation a heureusement changé depuis, mais l’accouchement représente toujours un risque pour la mère, puisqu’on dénombre aujourd’hui encore entre neuf et treize décès pour 100 000 naissances vivantes : de soixante-quinze à quatre-vingts femmes décèdent chaque année de leur grossesse ou de ses suites.
D’après l’Organisation mondiale de la santé, si en matière de mortalité maternelle la France se situe dans la moyenne des pays européens – elle se place au seizième rang selon ce critère –, elle reste en deçà des meilleurs et très loin de la Suède, dont les taux sont deux fois plus faibles.
Le Comité national d’experts sur la mortalité maternelle a publié en avril 2009 un rapport issu d’un travail mené avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’Institut de veille sanitaire. L’étude porte sur les années 2001-2006 : le premier constat est que 463 décès maternels ont été identifiés sur l’ensemble du territoire, dont la moitié étaient évitables car ils étaient le plus souvent liés à des mesures thérapeutiques inappropriées.
Durant cette période d’étude, l’âge moyen des femmes décédées de mort maternelle était de 33,3 ans. Le risque de mort maternelle était trois fois plus élevé entre 35 et 39 ans qu’entre 20 et 24 ans, huit fois plus fort entre 40 et 44 ans et trente fois plus élevé au-delà de 45 ans. Ne faudrait-il pas encourager les femmes à avoir leurs enfants plus jeunes ?
Cette même étude montre une disparité régionale surprenante. En effet, le taux de mortalité maternelle en couches en Île-de-France est de 30 % supérieur à la moyenne nationale. Quant aux départements d’outre-mer, la mortalité maternelle y est trois fois plus fréquente qu’en métropole.
Ce taux demeure supérieur chez les femmes de nationalité étrangère, notamment originaires d’Afrique subsaharienne, qui peuvent avoir des complications obstétricales plus sévères. En Île-de-France, le taux de mortalité maternelle chez les Africaines est de 28,9 pour 100 000 naissances, contre 10,2 chez les Françaises. Un quart des morts maternelles surviennent pendant la grossesse, un tiers dans les premières vingt-quatre heures après la naissance et un autre tiers au-delà de ces vingt-quatre heures, mais moins de quarante-deux jours post-partum.
Les hémorragies restent la principale cause de décès, étant à l’origine de 25 % d’entre eux. On devrait pouvoir améliorer la situation en appliquant les recommandations du Comité national d’experts émises en 2004, en particulier en mesurant la quantité de sang perdu après l’accouchement. La très grande majorité de ces décès par hémorragie – 90 % – seraient évitables. Parmi les autres causes obstétricales de décès figurent, à parts égales, l’hypertension artérielle et les thrombo-embolies veineuses ainsi que les embolies amniotiques.
« L’existence de lacunes dans le système national de recueil d’informations laisse supposer un nombre encore plus important de ces décès évitables », admettent même les experts. Dès lors, il me semble fondamental d’éclaircir plusieurs points : la qualité des soins et la formation des praticiens ; le fait que le nombre de praticiens soit en constant recul, alors que la France est en tête des pays européens pour la natalité, avec plus de 800 000 naissances par an ; la prévention et l’information des futures mères avant l’accouchement ; enfin les erreurs médicales et l’abus de césariennes.
Le rapport met en exergue le fait que la césarienne n’est pas un système de prévention à part entière. Le risque zéro n’existe pas. La généralisation de cette pratique ne diminue pas les risques, au contraire : le risque de décès maternel est ainsi multiplié par 3,5 par rapport à la voie basse. Les causes en sont les complications de l’anesthésie, les infections et les thrombo-embolies. S’ajoutent à cela la surmédicalisation et les protocoles de prise en charge de gestion de l’accouchement.
Conduire des études plus ciblées sur les populations à risques au regard des complications maternelles sévères serait nécessaire afin de préciser les facteurs intervenant non seulement à l’échelon d’une zone géographique, mais également à l’échelon individuel. Cela permettrait ultérieurement le développement de politiques de santé publique mieux adaptées régionalement aux besoins des populations.
Il semble donc urgent que la France, qui se targue d’avoir l’un des meilleurs systèmes de soins, agisse pour préserver la santé des futures mères et, bien sûr, des enfants. C’est pourquoi je voudrais connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de remédier à cette situation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, qui m’a chargé de vous répondre.
La tendance à la baisse de la mortalité maternelle se poursuit en France, avec une diminution du nombre des décès de 16 % entre les périodes 2001-2003 et 2004-2006, d’après le récent rapport du Comité national d’experts publié par l’Institut de veille sanitaire.
La France se situe, selon ce critère, dans la moyenne européenne. Néanmoins, comme vous l’avez souligné, de soixante-dix à soixante-quinze femmes meurent chaque année au cours de leur grossesse, lors de l’accouchement ou dans les jours qui suivent.
Cette situation est intolérable, d’autant que, d’après les experts, près d’un décès sur deux, soit de trente à trente-cinq par an, serait potentiellement évitable par une prise en charge appropriée. D’autres pays européens, comme la Suède, ont de biens meilleurs résultats.
Par ailleurs, il existe des disparités régionales et sociales : les taux sont particulièrement élevés pour les femmes originaires d’Afrique subsaharienne, en Île-de-France et dans les DOM.
Comme le souligne le professeur Gérard Levy, président du Comité national d’experts sur la mortalité maternelle, les hémorragies sont la première cause de mortalité maternelle, avec environ 25 % des cas. Pour éviter qu’elles ne provoquent le décès, il faut s’assurer que, pour chaque accouchement, il y ait en permanence la possibilité de réunir rapidement toute une équipe compétente.
L’autre facteur qui permettra d’améliorer la situation est l’organisation des maternités en réseaux. Si ces événements sont rares, le personnel doit être particulièrement entraîné pour y répondre efficacement, ce qui n’est pas toujours possible dans les établissements réalisant un faible nombre d’accouchements chaque année.
La politique du Gouvernement pour diminuer la mortalité maternelle s’appuie donc sur ces constats. C’est pourquoi Mme Bachelot-Narquin a tenu à rééquilibrer qualitativement l’offre de soins au regard des besoins de la population et des exigences des parturientes et des familles en termes de prise en charge. Elle a également souhaité une amélioration de la qualité des soins, dans une logique de gradation.
L’égalité d’accès aux soins doit être aussi une égalité devant la qualité des soins. Toutes les femmes doivent avoir accès à un ensemble d’établissements de santé, du plus proche au plus technique. C’est l’organisation des filières de soins qui compte : il faut tisser de véritables relations entre les établissements, les médecins de ville et le secteur médico-social pour mettre en place une véritable gradation des niveaux de recours, du plus courant au plus spécialisé.
En particulier, la fixation de seuils d’activité – inférieurs à 300 accouchements par an actuellement – vise à garantir la sécurité et la qualité des soins.
En effet, comme nous le montre notamment l’exemple suédois, le plus probant en la matière, c’est bien le volume d’actes réalisés et la fréquence de ceux-ci qui garantissent à chaque parturiente la prise en charge la plus sûre. Ainsi, plus le personnel est entraîné à prendre en charge des situations parfois compliquées, plus la réponse est efficace, pour la mère et pour l’enfant.