Mme Nicole Bricq. Eh oui, elles vont jusqu’à 2015.
M. Alain Chatillon. Peut-on vraiment valider les chiffres d’évolution proposés pour le PIB et la CVAE ? J’en doute fort ! Je suis prêt, si nécessaire, à vous donner quelques exemples à l’appui de mes propos.
Et qu’en est-il de la compensation pour toutes les communes et intercommunalités qui ont fait un effort important, tant en fonctionnement qu’en investissement, en accueillant des entreprises et développant l’emploi ? Faute de mesures de péréquation justes et efficaces, elles seront les premières perdantes !
Madame la ministre, doit-on vraiment attendre mi-octobre pour débattre alors que les collectivités territoriales ont besoin de visibilité et de lisibilité pour établir leur budget pour 2011 et pour accompagner les investissements légitimes et indispensables en donnant du travail aux entreprises de leur territoire ? Vous comprendrez ainsi, madame la ministre, le dilemme qui est le mien : soutenir le projet de la majorité à laquelle j’appartiens ; respecter les engagements pris à l’égard des élus !
Puis-je vous suggérer, pour la sécurité de nos collectivités, de reconduire en 2011, le modus vivendi de 2010, d’augmenter les bases dans les mêmes proportions, y compris pour la taxe foncière industrielle, qui n’a pas évolué depuis 1970 ? Il y a là un gisement qu’il serait souhaitable d’utiliser !
Laissons-nous du temps et programmons, en 2011, deux clauses de revoyure – le 1er juin et le 1er décembre – afin de sécuriser une réforme aussi importante pour nos collectivités.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je m’abstiendrai sur la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui. Je vous remercie de votre compréhension.
En tout état de cause, je reste le défenseur des collectivités. (Applaudissements sur diverses travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de résolution, présentée par M. Philippe Marini, m’offre une double opportunité : d’une part, revenir sur la méthodologie que nous avons adoptée pour élaborer ensemble le projet de réforme de la taxe professionnelle ; d’autre part, vous rappeler certaines des garanties qui en sont consubstantielles et répondre aux interrogations que soulèvent les rendez-vous, nécessaires, qui sont susceptibles de déboucher sur d’éventuelles modifications législatives.
J’évoquerai en premier lieu la méthode que nous avons suivie pour élaborer la réforme de la taxe professionnelle, qui est d’une ampleur sans précédent pour nos collectivités territoriales.
Tout d’abord, cette réforme modifie la fiscalité applicable aux entreprises pour leurs investissements en équipements et biens mobiliers. Elle s’inscrit dans la suite d’une précédente réforme dont notre majorité ne porte pas la responsabilité, mais qui impliquait ipso facto d’être modifiée plus avant.
Ensuite, cette réforme vise à garantir et, comme l’indique le rapport Durieux, à assurer la dynamique du financement des collectivités territoriales.
Le projet de réforme a donné lieu à une concertation que nous avons souhaitée la plus large possible. Comme peuvent l’attester ceux qui ont pris part à cette concertation, de multiples réunions techniques ont précédé la rédaction du projet soumis à votre examen lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010.
Enfin, nous avons fixé plusieurs rendez-vous pour examiner les conséquences de la réforme. Cette démarche est certes inhabituelle, mais j’espère qu’elle fera jurisprudence, tant il est important de pouvoir examiner l’effet réel des lois qui sont votées.
La préparation, puis la discussion d’un texte sont sans nul doute des étapes importantes, auxquelles nous consacrons beaucoup de jours et de nombreuses nuits. Une fois le vote acquis, il reste, et c’est important, à vérifier les conditions d’application de la loi, à mesurer ses effets et à en assurer la pérennité.
Dans cette optique, j’ai confié à une mission conjointe de l’Inspection générale des finances, l’IGF, et de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA, le soin d’évaluer les effets du texte, et de le faire sur la base des meilleures indications et des chiffres les plus pertinents.
Certains d’entre vous se sont interrogés, en les contestant, sur les hypothèses qui ont été retenues par l’équipe Durieux, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire par la mission conjointe de l’IGF et de l’IGA, qui a travaillé de janvier 2010 à la mi-mai 2010, et dont le rapport m’a été remis le 25 mai.
Soyons clairs, les simulations qui ont été effectuées par l’équipe de Bruno Durieux se fondent sur les hypothèses que nous avons retenues dans le programme de stabilité qui a été soumis à Bruxelles et à nos partenaires européens. Ces hypothèses, qui tiennent compte de la révision à laquelle il a été procédée par la loi de finances rectificative de février dernier, retiennent un taux de croissance de 1,4 % pour 2010 et un taux prévisionnel de croissance de 2,5 % sur les années 2011 et 2012.
Nous avons toutes les raisons de penser que nous tiendrons l’objectif de 1,4 % de croissance pour 2010. C’est du moins ce que laissent penser les chiffres les plus récents dont nous disposons en matière de rentrées d’impôt sur les sociétés et de créations d’emplois pour le premier trimestre 2010. Nous avons à ce jour un acquis de croissance de 0,8 % qui devrait, me semble-t-il, être conforté par les chiffres du deuxième trimestre, qui seront connus à la mi-août.
Ces prévisions correspondent à celles du Fonds monétaire international et de la Commission européenne, bien que cette dernière nous place à 1,3 %, contre 1,4 % selon nos propres évaluations.
J’en viens à la prévision de croissance pour 2011 et 2012, que j’ai moi-même qualifiée d’« ambitieuse et peut-être un peu audacieuse », mais je revendique et l’ambition et l’audace !
Comme le savent ceux d’entre vous qui ont exercé les fonctions que j’occupe aujourd’hui, après une grande crise – et dieu sait combien la crise de 2009 fut brutale, entraînant pour notre économie une croissance négative de 2,5 % ! – il est classique que la reprise soit beaucoup plus forte que celle qui était escomptée. Ainsi, en 1993, année de croissance négative à 0,9 %, la prévision pour 1994 avait été de 1,3 %, pour une croissance réelle de 2,2 %.
C’est sur la foi de cette observation et à la lumière des projections de croissance mondiale qui sont publiées sous l’autorité du Fonds monétaire international et de la Commission européenne que nous avons élaboré cette hypothèse de croissance ambitieuse, un peu audacieuse.
Si je revendique l’ambition et l’audace de cette prévision de croissance, c’est aussi parce que nous avons engagé, depuis trois ans, des réformes de consolidation, de réorganisation de nos politiques, notamment avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Je prendrai le seul exemple du rapprochement, dans un souci d’efficacité, de l’ANPE et des ASSEDIC au sein de Pôle emploi. Lorsque l’on engage des réformes, c’est parce que l’on en espère des retombées positives…
Les cycles économiques classiques – récession et forte croissance –, les prévisions d’évolution du commerce international et de la croissance du PIB mondial, et ma confiance dans les résultats des réformes que nous avons engagées me conduisent à maintenir mon hypothèse « ambitieuse et peut-être un peu audacieuse » d’une croissance à 2,5 % pour 2011. Si nous devions la réviser – je n’ai pas dit que nous la réviserons –, nous le ferions à l’automne, à l’aube de la discussion du projet de loi de finances.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les hypothèses de croissance pour les années 2010 et 2011.
J’en viens au dépôt du rapport du Gouvernement, initialement prévu pour le 1er juin. Plusieurs d’entre vous ont évoqué le non-respect de cet engagement.
Comme je l’ai indiqué lors de mon audition devant la commission des finances élargie, le 22 juin, je plaide coupable sur le retard de dix jours avec lequel vous avez reçu ce rapport !
Permettez-moi un bref rappel. Le rapport Durieux, qui m’a été remis le 25 mai, a été transmis aux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, le 28 mai. J’attire votre attention sur le fait qu’il ne s’agissait encore que du rapport Durieux, et non pas du rapport du Gouvernement.
Comme l’a rappelé M. Guené, le 1er juin, l’ensemble des documents était disponible sur site. Le 1er juin est aussi la date à laquelle le Comité des finances locales s’est réuni, sous la présidence de Gilles Carrez, mais son avis, partiel d’ailleurs, ne m’est parvenu que le 10 juin. J’ai alors transmis sans délai aux présidents des commissions des finances des deux assemblées ce qui était désormais le rapport du Gouvernement, et qui était accompagné du procès-verbal de l’avis partiel du Comité des finances locales. J’ajoute que M. Carrez souhaite réunir une nouvelle fois le Comité des finances locales le 6 juillet, afin d’approfondir l’examen du document.
J’ai donc transmis le rapport du Gouvernement aux assemblées le 10 juin. Je l’ai complété, le 18 juin, d’un CD rom et d’une version papier – volumineuse et consistante, je le reconnais – de l’intégralité des simulations annexées au rapport Durieux.
Le 25 juin, j’ai transmis à la commission des finances un ampliatif destiné à répondre de manière très ciblée aux questions précises que M. Jean Arthuis m’avait posées lors de mon audition du 22 juin. Et, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous avoue qu’avant de préparer mon sac pour Toronto j’ai attendu que l’ensemble du document soit prêt et que le motard quitte Bercy à quinze heures, car je tenais à m’assurer que la Haute Assemblée puisse disposer du rapport complet avant la fin de la semaine.
Mme Nicole Bricq. Nous l’avons reçu le 27 : le tampon fait foi !
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Bricq, je ne connais pas les mécanismes d’accusé de réception du Sénat, mais je répète que j’ai veillé personnellement à ce que ce document vous soit transmis dans les meilleurs délais, afin que votre assemblée ait en sa possession toutes les informations nécessaires à la préparation de ce débat.
J’insiste sur la méthodologie, car ce texte me semble emblématique de la démarche que je préconise, celle du travail en commun et de la concertation la plus large possible, tant la matière est complexe. Ainsi, le Premier ministre a demandé à six parlementaires, dont les sénateurs François-Noël Buffet, Alain Chatillon et Charles Guené, de mener leurs propres investigations, en plus de la mission conjointe de l’IGF et de l’IGA, en s’appuyant à la fois sur les éléments d’analyse statistique et sur la perception des élus sur le terrain, pour évaluer leurs attentes. Nous attendons avec impatience leurs conclusions, qu’ils soumettront tout prochainement et qui contiendront probablement des remarques, observations et prescriptions utiles dans différents domaines.
La commission des finances du Sénat a également mené plusieurs tables rondes thématiques et je sais que son président, Jean Arthuis, a l’intention d’organiser, dès la rentrée prochaine, des ateliers pour aborder ces questions et mener à bien le réexamen éventuel d’un certain nombre de mesures.
Tout au long de ces travaux, nous avons été attentifs à mettre à la disposition des acteurs de la réforme tous les éléments nécessaires.
En premier lieu, pour permettre à chaque collectivité d’apprécier les effets de la réforme et de connaître le montant des ressources dont elles disposeront, notamment en vertu de la clause de garantie, des simulations ont été mises en ligne, dès que les chiffres ont été connus.
En second lieu, un simulateur a été développé pour les entreprises, leur permettant de calculer, sur la base de leur liasse fiscale et de leur avis précédent de taxe professionnelle, le montant de la contribution économique territoriale dont elles devront s’acquitter.
Le Gouvernement a tenté d’apporter toutes les informations possibles et d’associer tous les parlementaires qui souhaitaient participer à ces travaux.
J’en viens maintenant aux objectifs de la réforme de la taxe professionnelle.
Le premier objectif était d’ordre économique, cela va de soi. Avant de répartir, de procéder à une péréquation, de garantir, il faut de la matière économique et de la matière fiscale disponible. Pour cela, il faut que les entreprises se créent, se développent, emploient, investissent en France. C’est dans cette optique que nous avons mis en place une nouvelle fiscalité qui nous semblait à la fois plus raisonnable, plus dynamique et mieux répartie sur l’ensemble du territoire. En effet, nous avons à cœur de défendre l’emploi – c’est le principal but que se fixe le Gouvernement –, l’investissement et de nous assurer que, sur l’échelle de la valeur ajoutée, les entreprises françaises se trouvent le plus haut possible.
Le second objectif était de sécuriser et de rationnaliser le financement à long terme des collectivités territoriales. Nous les avons dotées d’une fiscalité moderne et dynamique, de financements lisibles par nos concitoyens et, si possible, cohérents avec leurs missions, même si nous avons quelque peu renoncé au principe de spécialité qui nous a paru peu praticable, voire rigide. (M. Gérard Longuet acquiesce.)
Pour dresser le bilan de ces objectifs, je m’appuie sur les conclusions du rapport Durieux.
La réforme a permis un allégement global de la charge fiscale des entreprises. Le Gouvernement s’était demandé si la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale – sur le foncier et la valeur ajoutée –, profiteraient à toutes les entreprises et si les PME et les TPE n’en feraient pas les frais.
Le rapport Durieux nous apprend que la suppression de la taxe professionnelle bénéficiera, au contraire, en priorité aux PME et aux entreprises industrielles, avec des allégements de charges pouvant atteindre de 40 % à 60 % dans certains secteurs, notamment celui de l’automobile, des biens intermédiaires, de la construction, de l’industrie agro-alimentaire. De ce point de vue, l’objectif est donc bien atteint.
En revanche, et je l’ai indiqué à la commission des finances, sur deux autres éléments, il va falloir revoir la copie, si vous me permettez cette expression, et retravailler.
Ainsi, des ajustements seront nécessaires sur l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, que nous avons mise en place pour compenser le manque à gagner résultant de la réforme de la taxe professionnelle au bénéfice des collectivités territoriales.
Ces ajustements porteront, d’une part, sur l’IFER applicable aux répartiteurs principaux, qui pèse aujourd'hui de manière très lourde sur ceux-ci. Il faudra probablement en corriger l’assiette, afin que les opérateurs concurrents de France Télécom ne voient pas le tarif des locations de ligne de cuivre majoré du fait de la répercussion de l’IFER supporté par l’opérateur historique.
Ces ajustements porteront d’autre part, et certains d’entre vous s’en réjouiront, sur l’IFER applicable aux éoliennes. Le rapport Durieux propose de revoir son affectation au profit du bloc communal, c'est-à-dire au plus près du terrain.
J’en viens aux conséquences sur les collectivités territoriales.
Je tiens à réaffirmer de manière très claire un principe que certains d’entre vous ont évoqué : le dispositif qui a été voté en loi de finances pour 2010 prévoit bien la garantie de ressources pour les collectivités territoriales à la fois pour l’année 2010 et pour l’année 2011. Certains s’inquiètent, gèlent leurs investissements, se proposent de tout arrêter, voire informent l’ensemble des associations installées sur leurs territoires qu’il n’y aura pas de ressources disponibles. Que nenni ! Une garantie juridique est prévue dans la loi pour l’année 2010 et pour l’année 2011. J’ai le texte sous les yeux et je pourrais vous citer l'article qui prévoit une garantie de ressources pour les trois échelons de collectivités territoriales et pour chaque collectivité territoriale prise individuellement.
En outre, le Conseil constitutionnel a statué sur l’autonomie financière des collectivités territoriales et a considéré que celle-ci n’était en aucune manière remise en cause.
Certaines collectivités territoriales seront-elles perdantes dans la réforme ? Sur cette question, la conclusion du rapport Durieux est sans appel : c’est non ! Certes, certaines seront un peu plus gagnantes que d’autres, mais toutes seront gagnantes, notamment grâce au mécanisme de garantie de ressources.
Mme Nicole Bricq. Ah ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Bricq, vous avez évoqué le Fonds de solidarité de la région d’Île-de-France. Je précise que celui-ci subsiste, tel que modifié dans la loi de finances pour 2010. Les fonds de péréquation communaux, départementaux, régionaux sont supprimés et remplacés par le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, mais, à ma connaissance, le FSRIF n’est pas remis en cause !
Mme Nicole Bricq. La compensation, ce n’est pas la péréquation !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il s’agit là de deux choses différentes : la compensation est créée par la loi, et le mécanisme de solidarité propre à la région d’Île-de-France demeure en l’état.
Il est clair que le rapport Durieux nous invite à la réflexion sur les mécanismes de péréquation. Certes, la péréquation reste prévue par les textes, mais elle n’est pas suffisante. Le rapport préconise d’y revenir si telle est la volonté du Parlement. En effet, les inégalités de potentiel fiscal entre régions devraient diminuer de 2 % entre 2010 et 2015, grâce aux petits éléments de péréquation prévus dans le texte. Pour les départements, cette réduction devrait atteindre 6 %. En revanche, nous le savons, le texte ne prévoit aucun mécanisme de péréquation pour les communes.
Sur ces deux volets de la réforme, les entreprises et les aménagements de l’IFER sur les répartiteurs principaux et de l’IFER sur les éoliennes, d’une part, les collectivités territoriales et les problèmes de péréquation à l’échelon communal, d’autre part, un débat entre le Gouvernement et le Parlement semble nécessaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voici comment le Gouvernement l’envisage en termes de calendrier et de méthodologie.
Ce débat spécifique, qui portera sur ces questions et sur tout autre sujet que vous souhaiterez évoquer, pourrait avoir lieu à la rentrée prochaine. Il appartiendra à la conférence des présidents d’en fixer la date. Par ailleurs, si des modifications législatives devaient être envisagées, il faudrait qu’elles soient prises en compte et préparées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011. Il va de soi que l’ensemble des autres clauses de revoyure seront respectées et que les engagements pris seront tenus.
D’ici là, nous aurons eu le temps d’étudier en détail les simulations que j’ai envoyées le 18 juin et que j’ai adressées de nouveau à la Haute Assemblée en pensant qu’elles arriveraient vendredi après-midi dernier, alors qu’elles n’ont été réceptionnées qu’hier. Par ailleurs, dans la mesure où les entreprises auront établi leur déclaration de la valeur ajoutée et des effectifs salariés le 30 juin prochain, nous disposerons d’estimations plus précises pour évaluer le montant de la contribution sur la valeur ajoutée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
Proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu le chapitre VIII bis du règlement du Sénat,
Vu l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances,
Vus les articles 3, 76, 77 et 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010,
Entendant faire respecter les clauses de rendez-vous prévues, à son initiative, par l’article 76 de la loi de finances pour 2010,
Prend acte de la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport évaluant l’impact de la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2010, ainsi que de l’avis du comité des finances locales, conformément à l’article 76 ;
Prend note du fait qu’il sera complété par la remise du rapport des parlementaires en mission auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
Insiste sur la nécessité de disposer au plus tôt de simulations complémentaires, actualisées et détaillées des recettes fiscales, collectivité par collectivité, à court, moyen et long termes, demandées par la commission des finances du Sénat et le comité des finances locales ;
Souhaite, en conséquence, que les précisions et les adaptations législatives prévues par l’article 76 soient reportées à l’automne 2010, en vue de leur adoption avant la fin de l’année, afin de laisser le temps nécessaire à l’analyse de ces données, à l’élaboration des dispositifs techniques et à la concertation, dans l’esprit des clauses de rendez-vous ;
Réaffirme, à cet égard, son attachement à ce que la « territorialisation » de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ait pour corollaire une péréquation renforcée ;
Souligne en conséquence la nécessité de renforcer le lien entre l’entreprise et le territoire pour mieux favoriser, à l’avenir, les nouvelles implantations industrielles ;
Rappelle la nécessité que soient opérationnels, dès l’année 2011, les dispositifs de péréquation régionale et départementale prévus par la réforme ainsi que le cadre du dispositif de péréquation entre les communes et les intercommunalités qui doit se substituer aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et au Fonds de solidarité de la région Île-de-France ;
Rappelle que doivent être adaptées, dès l’année 2011, les notions de potentiel financier et de potentiel fiscal afin de prendre en compte la disparition de la taxe professionnelle et la création de la contribution économique territoriale et de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux ;
Attend la révision des mécanismes de répartition de la dotation globale de fonctionnement au profit des régions, des départements, des établissements publics de coopération intercommunale et des communes afin de privilégier une péréquation équitable ;
Estime nécessaire d’ajuster les tarifs de certaines composantes de cette imposition forfaitaire, en particulier dans le domaine des énergies alternatives ;
Exprime sa vive préoccupation sur le statut de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle créée par la loi de finances pour l’année 2010, compte tenu des contraintes qui s’appliqueront à l’enveloppe fermée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales ;
Insiste sur la fragilité de la situation financière de nombreux départements et appelle de ses vœux, en complément du renforcement du dispositif de péréquation départementale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, l’élaboration d’une législation sur le « cinquième risque », fixant des règles du jeu claires et répondant aux attentes des conseils généraux.
Explications de vote
M. le président. Je rappelle que la conférence des présidents a fixé la durée des explications de vote à cinq minutes par groupe, les non-inscrits disposant de trois minutes.
La parole à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les explications laborieuses de Mme la ministre ... (Mme la ministre s’exclame. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini. Nous sommes tous des travailleurs ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Je suis gentille quand j’emploie ce qualificatif !
Les explications laborieuses de Mme la ministre pour répondre à cette initiative des collègues de l’UMP ne masquent pas la réalité. Le Gouvernement ne respecte pas l’engagement qu’il a pris devant le Parlement, singulièrement le Sénat, dont la commission des finances avait pourtant réécrit l'article 2 de la loi de finances pour 2010, après que la commission des finances de l'Assemblée nationale l’eut déjà fait. Voilà qui, en soi, suffisait à démontrer l’imprévision et l’impréparation de cette réforme qui déséquilibre en profondeur la fiscalité locale.
Je reviendrai sur l’hypothèse à partir de laquelle sont réalisées les simulations.
Madame la ministre, une fois encore – c’est maintenant récurrent ! –, vous vous réfugiez derrière le paravent de la crise pour expliquer les différentiels. Or, en tant qu’habituée des sommets internationaux et de la finance mondiale, vous êtes plus qualifiée que moi pour savoir qu’il s’agit non pas d’une crise ordinaire du capitalisme, mais d’une crise très profonde et durable.
Au moment où le débat entre réduction des déficits et soutien à la croissance est particulièrement pertinent, nous observons, les uns et les autres, dans nos collectivités respectives, et notamment dans celles qui participent à l’effort d’investissement et qui tirent la croissance, que ces dernières réduisent la voilure, et ce parce qu’elles n’ont aucune visibilité sur leurs finances.
Comme vous y a appelé notre collègue Chatillon tout à l’heure, vous prolongerez peut-être en 2011 la compensation consentie en 2010, mais cette mesure ne rassurera pas les élus pour autant. La réalité, c’est que les collectivités réduiront leurs efforts sur le plan des investissements. On veut leur faire porter la responsabilité de l’impécuniosité budgétaire de l’État dans le prochain budget et elles ne l’acceptent pas.
À partir du moment où vous ne répondez pas à leur angoisse – aujourd’hui ce n’est plus une inquiétude, c’est une angoisse –, attendez-vous à ce que, comme les ménages, du reste, elles puisent dans leur épargne pour continuer à consommer.
Pour nous, Français, le moteur de la consommation est essentiel, ce qui nous différencie de nos partenaires allemands, qui ont un autre schéma, fondé sur l’exportation. Cela signifie que tout le monde va souffrir et que, au travers de la souffrance des collectivités, ce seront finalement les services publics locaux qui trinqueront. Les Français paieront ainsi deux fois la crise, et à l’échelle nationale, et à l’échelle locale.
Pour conclure, je tiens à souligner que le non-respect de la clause de revoyure constitue quand même une défaite pour le Parlement, en particulier pour le Sénat, qui avait réclamé une telle clause. Dans ces conditions, je comprends que certains de nos collègues de la majorité, ainsi que l’a très bien exprimé M. Chatillon il y a quelques instants, ne souhaitent pas voter cette proposition de résolution.
Le groupe socialiste, quant à lui – ce n’est pas une surprise – votera contre la proposition de résolution. En fait, tout n’est que supercherie depuis le début de la réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame le ministre, la bonne méthodologie consiste à respecter ses engagements. Or nous constatons que tel n’est pas le cas en l'occurrence. En matière juridique, cela s’appelle un dol, c’est-à-dire une erreur délibérément provoquée.
En fait, nous voyons dans cette affaire la fin de la clause de revoyure. La réponse donnée à la question d’actualité que j’ai posée récemment semblait déjà signifier que la revoyure était renvoyée. Un tel renvoi me semble grave, car le Gouvernement s’était engagé dans le cadre de l’article 76 de la loi de finances pour 2010. De surcroît, il nous avait alors été indiqué que nombre de nos collègues avaient voté la suppression de la taxe professionnelle parce qu’une clause de revoyure avait été prévue.
Nous avons également compris que le rapport Durieux tiendrait lieu de rapport du Gouvernement. Or il ne répond pas aux obligations qui avaient été définies dans l’article 76, ce qui fait subsister nombre d’interrogations.
En outre, le rapport Durieux s’appuie sur des estimations et des simulations très favorables. Il prévoit en effet que, d’ici à 2015, les recettes des collectivités connaîtront une augmentation de l’ordre de 15 % à 18 % selon le type d’imposition, ce qui correspond à une approche extrêmement optimiste, pour ne pas dire davantage.
Je note d’ailleurs au passage qu’il est également indiqué dans ce rapport qu’entre 2010 et 2011 l’augmentation prévisible des impôts sur les ménages serait de 8 % et de 9 % pour le foncier bâti et la taxe d’habitation. Or je ne vois pas comment une telle augmentation serait possible, et je n’ai toujours pas obtenu d’explication à ce sujet malgré mes demandes répétées !
Par cette résolution, il est demandé au Gouvernement de prendre de bonnes résolutions. (Sourires.) Il est rappelé dans l’exposé des motifs, ce qui est un peu dur pour ceux qui l’avaient préparée et qui l’avaient fait voter à l’époque, que « le caractère antiéconomique » de la taxe professionnelle « est unanimement dénoncé depuis plus de trente ans ». C’est quand même extraordinaire…