Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Michelle Demessine.
2. Candidature à un organisme extraparlementaire
3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
4. Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Motion no 416 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. – Rejet par scrutin public.
Motion no 77 de M. Jean-Claude Peyronnet. – MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Pierre Fourcade. – Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 365 de M. Yvon Collin. – MM. Yvon Collin, le rapporteur, Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. – Rejet par scrutin public.
5. Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire
6. Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Amendement n° 192 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. – Rejet par scrutin public.
M. Bernard Vera.
Amendement n° 110 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 193 de M. Alain Anziani.
Amendement n° 292 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 293 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 294 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 295 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 296 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 297 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 298 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 299 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 300 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 301 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 408 du Gouvernement. – M. le ministre.
Amendement n° 302 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 303 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 304 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 406 du Gouvernement.
Amendement n° 409 du Gouvernement.
Amendement n° 305 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 407 du Gouvernement.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 193, 292 rectifié, 296 rectifié et 298 rectifié ; adoption des amendements nos 293 rectifié à 295 rectifié, 297 rectifié et 299 rectifié.
MM. Bruno Sido, le ministre, Jacques Mézard, Yves Pozzo di Borgo. – Adoption des amendements nos 300 rectifié, 408 et 303 rectifié ; rejet des amendements nos 301 rectifié et 302 rectifié.
M. le ministre. – Rejet de l’amendement no 304 rectifié ; adoption des amendements nos 406 et 409.
M. Jacques Mézard. – Retrait de l’amendement no 305 rectifié ; adoption de l’amendement no 407.
Adoption de l'article et de l’annexe, modifié.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 55 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 277 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendements nos 306 rectifié et 307 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
MM. le rapporteur, le ministre, François Zocchetto, Alain Anziani, François Pillet, Alain Fouché, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, Yann Gaillard, Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des amendements nos 55 rectifié, 277 rectifié, 306 rectifié et 307 rectifié.
Amendement n° 194 rectifié de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 195 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.
Amendement no 111 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre.
Amendement no 308 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet de l’amendement no 111 ; adoption de l’amendement no 308 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 196 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Bernard Frimat. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 418 de la commission. – MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Adoption.
Amendements identiques nos 3 de M. Yves Détraigne, 197 de M. Richard Yung et 198 de M. Alain Anziani. – MM. Yves Détraigne, Richard Yung, Alain Anziani, le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre ; Mme Catherine Dumas. – Retrait de l’amendement no 3 ; rejet des amendements nos 197 et 198.
Adoption de l'article modifié.
M. Gérard Longuet.
Mme Virginie Klès
Amendement n° 65 de Mme Virginie Klès. – MM. le rapporteur, Brice Hortefeux, ministre. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
8. Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Amendement n° 113 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 199 de M. Alain Anziani. – M. Alain Anziani.
Amendements identiques nos 41 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 309 rectifié de M. Yvon Collin. – Mmes Alima Boumediene-Thiery, Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 4 de M. Yves Détraigne. – M. Yves Détraigne.
MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. – Rejet des amendements nos 113, 199, 41 et 309 rectifié ; adoption de l’amendement n° 4.
Amendement n° 200 de M. Alain Anziani. – Mme Virginie Klès, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 201 de M. Alain Anziani. – Devenu sans objet.
Amendement n° 202 de M. Alain Anziani. – Mme Virginie Klès, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 114 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Mme Éliane Assassi.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 5
Amendement n° 115 de Mme Éliane Assassi. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 203 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 116 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 419 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel avant l'article 10
Amendement n° 204 de M. Alain Anziani. – MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 117 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié bis de M. François-Noël Buffet. – M. Jean-René Lecerf.
Amendement n° 120 de Mme Éliane Assassi. – M. Guy Fischer.
Amendement n° 205 de M. Alain Anziani. – M. Jean-Claude Peyronnet.
MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet des amendements nos 120 et 205 ; adoption de l’amendement n° 9 rectifié bis.
Amendement n° 310 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 118 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 119 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre.
Amendement n° 311 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet des amendements nos 119 et 311 rectifié.
Amendement n° 121 de Mme Éliane Assassi. – MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, Guy Fischer. – Rejet.
Amendement n° 312 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.
Amendement n° 206 de M. Alain Anziani. – M. Alain Anziani.
Amendement n° 123 de Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 313 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 314 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 207 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.
MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, Jacques Mézard, Alain Anziani. – Rejet des amendements nos 206, 123, 313 rectifié, 314 rectifié et 207.
Amendement n° 122 de Mme Éliane Assassi. – MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 124 de Mme Éliane Assassi. – MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 125 de Mme Éliane Assassi. – MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 315 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 208 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 316 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier. – Retrait.
Amendement n° 209 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendements identiques nos 126 de Mme Éliane Assassi et 210 de M. Alain Anziani. – Mme Éliane Assassi, MM. Alain Anziani, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 127 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme Marie-Thérèse Hermange. – Rejet.
Amendements nos 128 et 129 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l’article modifié.
Demande de réserve des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 10. – MM. le secrétaire d'État, le président, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. – La réserve est ordonnée.
Amendement n° 130 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 211 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme Virginie Klès. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 131 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 368 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme Virginie Klès. – Rejet.
Amendements identiques nos 132 de Mme Éliane Assassi et 212 de M. Alain Anziani. – Mme Éliane Assassi, MM. Alain Anziani, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 133 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 213 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 134 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 214 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
Mme Michelle Demessine.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence française de développement, en remplacement de M. Adrien Gouteyron, dont le mandat est arrivé à expiration.
La commission des finances a fait connaître qu’elle propose de renouveler M. Adrien Gouteyron dans ses fonctions au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
3
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur la mise en œuvre du plan de relance de l’économie pour le deuxième trimestre 2010, en application de l’article 6 de la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.
4
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (projet n° 292, texte de la commission n° 518, rapports nos 517, 480 et 575).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des motions.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, d’une motion n° 416.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 518, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à rappeler que je n’ai jamais été favorable à la disposition du règlement selon laquelle, au Sénat, les motions sont présentées après la clôture de la discussion générale, disposition que je considère, pour ma part, comme anormale.
Cela dit, mon groupe a décidé de déposer cette motion d’irrecevabilité, car nous considérons que votre projet de loi, assorti d’amendements de dernière opportunité depuis le vote du texte à l’Assemblée nationale, est irrecevable, et ce, en premier lieu, pour des raisons politiques.
Je veux d’abord parler du discours qui accompagne la présentation de ce texte. Vous aviez d’ailleurs commencé à le tenir avant le débat au Parlement, monsieur le ministre, et vous le tenez à nouveau depuis hier.
Ce discours, hélas récurrent, repose sur l’opposition entre fermeté, que vous et vos amis êtes censés représenter, et laxisme, dont feraient preuve tous les autres. Ce procédé a pris une tournure ubuesque lorsque vous avez évoqué « la gauche milliardaire », que vous avez opposée au « peuple ».
Le peuple n’appartient à personne ! À la gauche milliardaire s’opposerait, si l’on suivait votre raisonnement, la droite smicarde. Ce n’est pas raisonnable !
Très sérieusement, disons-le tout net : personne, en tout cas parmi les élus de mon groupe, ne souhaite ou ne réclame qu’un délit reste impuni. Tout délit, tout crime et, pour être clair, tout acte contraire à la loi, doit être sanctionné.
Une fois ce principe posé, le peuple, que nous sommes censés représenter, attend des politiques qu’ils soient capables de trouver les responsables des actes commis et d’appliquer des sanctions justes, proportionnées et utiles pour que ces actes ne se renouvellent pas.
Vous êtes au pouvoir depuis bientôt dix ans. Vous avez défait un grand nombre des moyens de prévention de proximité, allant jusqu’à supprimer ou réorienter des effectifs de police, alors que ces mêmes policiers sont chargés de faire respecter la loi.
Vous avez fait voter, chaque année, au moins une loi d’aggravation pénale, si ce n’est deux. Et quel est le résultat ?
Vous vous targuez d’une augmentation du taux d’élucidation, qui serait passé de 21 % à 37 % globalement.
S’agissant de la délinquance de proximité, c’est-à-dire les vols et les cambriolages, ce taux serait passé de 11 % à 14 %. Or le nombre de vols constatés a diminué. En réalité, seul un voleur sur sept est arrêté. Bien piètre résultat !
Quant au taux d’élucidation en matière de délinquance financière, il est important de souligner qu’il a diminué !
En ce qui concerne la violence aux personnes, le taux d’élucidation est stable ; mais il y a pourtant un problème, puisque vous arguez de la violence croissante à l’égard des personnes pour dire que les dispositions précédentes ne sont pas performantes et pour prendre de nouvelles mesures d’aggravation pénale.
Non, la sémantique ne suffit pas. Il faut un diagnostic précis de l’absence de résultat des lois précédentes.
En l’absence de ce diagnostic, on ne peut pas accepter de pousser la roue de la suspicion généralisée, de la stigmatisation, de l’aggravation pénale et de la prison.
Un pays que je ne nommerai pas – disons qu’il s’agit d’un pays « du Sud » – avait instauré la peine de mort pour les voleurs de bicyclettes, parce que sa police n’arrivait pas à arrêter les voleurs de bicyclettes ! C’est assez instructif...
La deuxième raison pour laquelle ce texte est irrecevable tient à la sécurité et à la tranquillité publique. Le « vivre ensemble », qui, bien entendu, implique de faire reculer la délinquance est une question complexe. Elle met en jeu beaucoup de facteurs économiques et sociaux, dont je vous fais grâce, mais que l’on ne peut pas ignorer ; la politique que vous menez depuis dix ans est, là encore, en cause.
Sont aussi en cause la confiance envers les politiques, les forces de police, la justice, les intervenants sociaux, et l’exemplarité de ceux qui dirigent et sanctionnent.
Est également en jeu la proximité, géographique et humaine, entre ceux qui faillissent et ceux qui doivent faire respecter la loi. Là aussi, les moyens font défaut, et votre politique est, encore une fois, en cause.
Vous opposez à ces questions des réponses simplistes – encore plus de fichage, vidéosurveillance, polices privées, prison ... –, dont les résultats, tout au moins ceux que l’on peut observer en France ou ailleurs, ne sont guère probants. Il est dangereux de faire croire le contraire !
Enfin, même si cela n’est, hélas, pas nouveau, l’amalgame entre délinquance et immigration ou étrangers, et l’opposition entre Français de longue date – je ne sais pas ce que signifie « de souche » ! – et Français récent, atteignent leur paroxysme ! Un élu de la majorité n’a-t-il pas osé dire que Français ne rimait pas avec délinquance ? Doit-on en conclure qu’un délinquant français n’existe pas ? La question se pose...
Ce discours est irrecevable. Il porte la haine et suscite tous les débordements. Il est contraire au « vivre ensemble », condition indispensable de la sécurité.
Mais votre loi recèle aussi plusieurs dispositions irrecevables parce que contraires à nos principes fondamentaux, voire constitutionnels.
Premièrement, votre loi dite d’orientation et de programmation ne comporte aucune disposition concernant la sincérité des moyens de sa mise en œuvre dans les trois ans à venir. Elle ne peut donc être considérée comme une loi de programmation ayant une portée normative.
Dans le contexte de la révision générale des politiques publiques, on voit bien que cela pose un problème de fond, problème qu’ont souligné hier plusieurs intervenants et que le Conseil constitutionnel serait bien avisé de sanctionner !
Deuxièmement, ce projet de loi pose la question du droit de chacun au respect de sa vie privée, garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Ainsi, ce texte organise le fichage quasi-systématique de toute la population.
Il y a trois ans, l’actuel ministre de l’industrie avait fait sensation en plein Conseil européen, en déclarant « que les citoyens seraient mieux protégés si leurs données ADN étaient recueillies dès leur naissance ». À l’époque, ces propos avaient soulevé l’indignation.
Aujourd’hui, la réalité dépasse presque la fiction, puisque le texte qui nous est soumis organise le fichage tant des victimes que des témoins, sans parler des personnes ayant été poursuivies mais n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation.
Plus grave encore, ce texte n’offre aucune garantie réelle en cas de dérive de ce fichage. Aucun mécanisme de contrôle et de recours n’est prévu en cas d’erreur. Le procureur et un hypothétique magistrat pourront connaître des demandes de rectification. Cependant, aucun recours n’est offert aux justiciables au cas où ces autorités refuseraient de faire droit à leurs demandes.
Pourtant, il faut encore une fois le rappeler, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, avait souligné que 83 % des fiches figurant dans le système de traitement des infractions constatées, le STIC, contenaient des informations erronées.
Ces dispositions risquent d’ailleurs de coûter à la France une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme. Chacun se rappelle, en effet, que le Royaume-Uni a déjà été sanctionné, en 2008, pour avoir conservé des empreintes digitales, échantillons cellulaires et profils génétiques après la conclusion des poursuites pénales menées contre deux particuliers.
Ensuite, ce projet de loi autorise la surveillance informatique de potentiels délinquants, dont la liste est si étonnamment longue que tout un chacun devrait pouvoir y figurer. Ainsi, la police pourrait pratiquement s’introduire au domicile de chaque citoyen pour y installer des mouchards informatiques.
Enfin, ce projet prévoit l’extension de la vidéosurveillance.
Précisons, tout d’abord, qu’en permettant aux représentants de l’État de mettre en place des systèmes de vidéosurveillance ad hoc sur la voie publique en cas de manifestation, ce projet est une remise en question de la liberté d’association, d’opinion, de réunion et de manifestation. Dorénavant, les manifestants pourront être épiés par les forces de l’ordre ; d’ici à ce que les participants à un mouvement de grève ayant pris part à une manifestation soient automatiquement fichés et sanctionnés, il n’y a qu’un pas, que d’aucuns pourraient franchir...
Troisièmement, la liste des crimes et délits permettant ces entraves est si longue que le texte remet clairement en cause les principes de proportionnalité et de pédagogie de la peine. Figure d’ailleurs dans la liste la suspicion d’aide à l’entrée illégale d’étrangers commise en bande organisée ; comprenez ici « deux personnes », puisqu’un binôme constitue dorénavant une bande organisée ... Cette disposition devrait permettre au Gouvernement de mettre en œuvre avec plus de latitude ses actions discriminatoires et xénophobes à l’encontre des populations migrantes.
Quatrièmement, le texte qui nous est soumis, en mettant en place des peines quasi-automatiques, revient également sur le principe d’individualisation des peines. Certes, le Gouvernement feint d’avoir tenu compte de la décision du Conseil Constitutionnel tendant à prohiber le recours aux peines automatiques. Ainsi, le projet de loi autorise le juge judiciaire à prononcer une peine différente de la peine prévue, mais en mettant à sa charge, dans ce cas, une obligation de motivation spécifique.
Doit-on comprendre que les décisions ayant fait l’objet d’une telle motivation seront décomptées et que les mauvais élèves seront mis à l’index ? La question mérite d’être posée.
Dans le même esprit, le projet de loi méconnaît les droits de la défense des plus démunis. Le recours systématisé à la visioconférence constitue une remise en cause des garanties d’un procès équitable. En effet, comment les prévenus seront-ils défendus dans de telles conditions ? Comment leur avocat pourra-t-il réellement faire valoir leurs droits ?
Enfin, ce texte viole le principe de proportionnalité des peines en aggravant de façon quasi systématique des sanctions pénales déjà existantes. Les amendements déposés par le Gouvernement ne feraient, s’ils étaient adoptés, qu’aggraver les choses en instituant des peines plancher et des peines incompressibles et en étendant la surveillance de sûreté post-peine, ce qui modifie l’esprit même de notre droit pénal.
Cinquièmement, ce projet de loi organise le désengagement de l’État de ses missions de sécurité publique.
Bien évidemment, ce désengagement s’inscrit entièrement dans les multiples transferts de charges induits par la diminution des dépenses publiques utiles de l’État. Ainsi, en l’absence de moyens d'État suffisants – déficit dans la police nationale – les collectivités locales devront supporter le coût de polices municipales supplétives de plus en plus incontournables. Lorsque l’État ordonne, par exemple, le développement de la vidéosurveillance, dont je tiens à souligner le coût excessif, les collectivités locales doivent assumer la charge nouvelle, sous la houlette des préfets.
Au-delà des transferts de charges, l’État abandonne sa fonction régalienne, normalement garante de l’égalité sur le territoire et de l’éthique républicaine. Votre projet de loi confère des prérogatives de police judiciaire à la police municipale, avec tous les risques de dérive possibles et les conséquences envisageables d’une police à plusieurs vitesses.
Vous souhaitez ainsi doter les polices municipales d’armes de quatrième catégorie, alors même que des réserves répétées, émanant de personnes autorisées, notamment du Conseil d’État, se sont exprimées quant à l’utilisation de ces armes de façon générale et a fortiori par des personnes n’ayant pas reçu de formation suffisante.
En outre, votre projet de loi opère un autre glissement des missions régaliennes de sécurité : leur délégation à un vaste pan du secteur privé, au travers de la vidéosurveillance sur la voie publique et la substitution pure et simple de la technologie à la présence humaine.
Tout le monde le sait, le marché de la surveillance est très juteux. D’ailleurs, les entreprises en attendent beaucoup. Mais qui se préoccupe du respect des libertés publiques ? Ce bouleversement complet dans l’organisation des prérogatives de l’État devrait inquiéter au plus haut point tous les républicains.
Au cours de l’été, les excès de langage, les propos « guerriers » tenus par le Gouvernement et les pratiques préconisées, tout aussi guerrières, ont suscité bon nombre de réactions, y compris dans les rangs de la majorité et parmi ses soutiens.
M. Guy Fischer. Ces propos étaient scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je veux croire que la réflexion fait son chemin. C’est d’ailleurs le cas parmi nos concitoyens.
Aussi est-il sage de surseoir à aggraver un arsenal pénal déjà très lourd et incapable d’apporter des réponses adéquates au « vivre ensemble » dont nous avons tant besoin et de refuser d’entériner un texte éminemment contestable au regard de nos principes fondamentaux.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les auteurs de la motion fondent l’irrecevabilité du projet de loi sur le fait qu’il contreviendrait aux principes constitutionnels du droit pénal, à la liberté d’association, à la liberté d’opinion, de réunion et de manifestation, ainsi qu’au droit au respect de la vie privée.
La commission des lois a veillé à assurer un juste équilibre entre les contraintes inhérentes à la préservation de l’ordre public et à la protection de la sécurité des personnes et le respect des libertés individuelles. Cependant, comme le Conseil constitutionnel l’a lui-même rappelé, la recherche des auteurs d’infraction est nécessaire à la sauvegarde des principes et droits de valeur constitutionnelle.
Il appartient ainsi au législateur d’assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et l’exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties. Aussi est-il tout à fait légitime que des limitations soient apportées à ces principes constitutionnels afin d’assurer leur conciliation avec les nécessités liées à la poursuite des auteurs d’infraction et à la répression effective des manquements au droit pénal.
De telles exigences justifient notamment l’alourdissement de certaines peines ou la création de nouvelles infractions afin de rendre compte de l’évolution des différentes formes de la délinquance. De même, des restrictions à l’exercice des libertés publiques peuvent être apportées au nom d’un intérêt légitime dès lors qu’elles sont elles-mêmes encadrées et entourées de garanties suffisantes.
Tel est le cas par exemple en matière de vidéoprotection ou d’utilisation des fichiers judiciaires. À plusieurs reprises, soucieuse de garantir la conformité des textes aux principes constitutionnels précités, la commission des lois a renforcé les garanties apportées par le texte aux libertés individuelles, notamment en confiant le contrôle des systèmes de vidéoprotection à la CNIL ou en s’attachant à préserver les prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles.
Elle s’est en outre montrée vigilante dans la définition des nouvelles incriminations, par exemple en ce qui concerne le délit d’identification d’une source ou d’un collaborateur occasionnel d’un service de renseignement.
Considérant que le projet de loi ainsi amendé ne contrevient pas aux principes constitutionnels rappelés par les auteurs de la motion, la commission des lois s’est déclarée défavorable au vote de cette dernière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Mme Borvo Cohen-Seat est à l’évidence dans son rôle d’opposant lorsqu’elle demande que ce projet de loi ne soit pas discuté. Le contraire eût été surprenant ! De ce côté, il n’y a guère de surprise. Il arrive qu’il y en ait de l’autre côté… (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Cela dit, vous faites fausse route, madame, lorsque vous laissez entendre que ce texte est liberticide. Est-ce liberticide de vouloir protéger les Français ? Est-ce liberticide de vouloir créer des peines incompressibles pour des meurtriers de policiers, de gendarmes, de pompiers, de magistrats, de membres de l’administration pénitentiaires, de tous ceux qui sont détenteurs de l’autorité publique ? Est-ce liberticide de prévoir des peines aggravées lorsque ce sont des personnes âgées ou vulnérables qui sont victimes d’agression ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces dispositions figurent d’ores et déjà dans le code pénal !
M. Brice Hortefeux, ministre. Est-ce liberticide de trouver de nouveaux moyens pour empêcher les criminels d’internet de diffuser des contenus pédopornographiques ?
M. Guy Fischer. Nous disposons déjà de tout un arsenal juridique pour cela !
M. Brice Hortefeux, ministre. La liste est longue. Je rappelle que ce texte a été examiné par le Conseil d’État, qui ne l’a pas jugé liberticide. Vous aurez compris, madame Borvo Cohen-Seat, que je ne partage pas votre avis. Je rejoins celui de M. le rapporteur et invite le Sénat à rejeter cette motion.
M. Guy Fischer. Voilà qui est étonnant ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 416, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 263 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Peyronnet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°77.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 518, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la motion.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis chargé de vous démontrer qu’il n’y a pas lieu de discuter de ce texte. Cela peut paraître paradoxal puisque notre groupe fait partie de ceux qui ont souhaité une loi de programmation et surtout d’orientation de la sécurité. Mais ce projet de loi ne répond pas à nos attentes.
Le texte que vous nous soumettez, véritable fourre-tout juridique, est en fait une loi portant diverses dispositions d’ordre sécuritaire, la dix-septième en huit ans ! Je maintiens ce chiffre, monsieur le ministre, malgré vos propos d’hier soir. Il me semble qu’il pourrait même atteindre la trentaine si l’on considère toutes les dispositions diverses d’ordre sécuritaire qui se trouvent elles-mêmes dans diverses lois dont l’objet n’est pas exclusivement sécuritaire…
Ce projet de loi donc ne livre aucune vue d’ensemble, ne définit aucun objectif clair. En fait, tout votre discours repose sur l’idée erronée selon laquelle la délinquance a baissé depuis 2002 et qu’il serait bon de continuer sur la voie tracée par le Président de la République lorsqu’il était ministre de l’intérieur.
Or il se trouve que cette orientation a conduit au désastre que l’on sait et dont tout le monde a conscience, sauf vous, monsieur le ministre, qui pratiquez la politique de gribouille pour complaire à votre inspirateur, le Président de la République.
Cette loi n’est pas une loi d’orientation ; je vais le démontrer. Elle ne propose rien de nouveau, si ce n’est de poursuivre les objectifs, les méthodes et les solutions qui ont échoué depuis huit ans et qui ont provoqué notre régression.
Cette méthode, on commence à bien la connaître dans les banlieues : cantonner les trafics, contenir la délinquance qui les accompagne dans un périmètre localisé, isolé du reste de la population par un cordon de forces de sécurité qui ne pratiquent que des patrouilles sporadiques et des opérations coup-de-poing, si possible à grand spectacle. De telles opérations sont évidemment vouées à l’échec puisqu’elles ne sont pas fondées sur une réelle connaissance de la population et ne visent que quelques personnes repérées le plus souvent après dénonciation et non grâce à un travail approfondi et quotidien de renseignement.
Pour démontrer l’efficacité de ces opérations, il peut arriver que vous invitiez la presse. J’ai pu ainsi voir cet été une rediffusion télévisée d’une opération de ce type menée dans le quartier des Tarterêts : six ou huit policiers – je ne sais plus – répartis en deux groupes de part et d’autre de la rue, se couvrant mutuellement, avançaient l’œil aux aguets vers les fenêtres des immeubles, armés jusqu’aux dents, casqués et bottés ! On se serait cru devant une scène de guérilla urbaine en Irak ou en Afghanistan ! Voilà la guerre que vous menez contre la délinquance !
Mais qu’espérez-vous avec une telle mise en scène, sinon, comme en Irak, comme en Afghanistan, le rejet des forces de l’ordre par une population apeurée qui comprend que tous les habitants de ce quartier sont mis dans le même panier ?
C’est cette même méthode que vous avez pratiquée à Grenoble. Très vite après les événements que l’on sait, à grand tapage, vous avez arrêté une dizaine de personnes. Toutes ont été relâchées, sauf une, à l’égard de laquelle le procureur de la République lui-même a déclaré qu’il ne possédait pas de charges indiscutables. Beau succès !
En réalité, vous gesticulez ! Vous faites croire que vous agissez pour que les habitants des quartiers calmes, dont vous espérez les suffrages, se croient protégés et dorment tranquilles. Simple gesticulation, je vous dis ! Débauche incroyable d’énergie pour un résultat assurément nul, voire contre-productif !
Lors d’une précédente législature, en 1995, la loi dite « Pasqua » fixait des objectifs, précisait le dimensionnement des services et la répartition des forces sur le terrain. Vous-même, monsieur le ministre, en 2002, aviez des objectifs. Je vais en faire le rappel, même si ce dernier sera douloureux pour vous puisque vous ne les avez pas atteints !
Le premier d’entre eux, qui était bon, visait l’éradication des zones de non-droit. Le deuxième, excellent, tendait à lutter contre les violences faites aux personnes, mais, en l’espèce, votre échec est patent. Le troisième était la « lutte contre la délinquance des mineurs » alors que vous nous rappelez sans cesse que les délinquants sont de plus en plus jeunes. Votre quatrième et dernier objectif visait la « consolidation de la police de proximité en renforçant ses capacités judiciaires », alors qu’en fait cette police de proximité vous l’avez supprimée !
Votre échec est donc cuisant, mais vous affichiez tout de même des objectifs.
Or rien de tel ne figure dans le présent projet de loi. Il faut aller chercher dans les annexes les quelques embryons de perspectives.
Autrement dit, ce texte n’a aucune valeur normative. C’est un coup d’épée dans l’eau. Une fois de plus, vous en restez à l’affichage : pas de priorités claires ; le projet de loi comporte de simples affirmations volontaristes, purement déclamatoires ; il n’apporte rien ou presque sur l’organisation et la répartition des forces de sécurité, rien sur les déploiements entre police et gendarmerie, rien sur la politique menée en direction des banlieues, sur la façon dont elle pourrait s’harmoniser avec la politique de la ville, rien sur les zones périphériques des villes, vers lesquelles la délinquance se déplace et qui sont gravement dépourvues de forces de gendarmerie.
Pour asseoir cette poursuite de l’action entreprise depuis huit ans, vous ne vous basez que sur les statistiques et, lorsque celles-ci ne sont pas assez démonstratives, vous les manipulez !
Monsieur le ministre, je veux revenir sur les propos que vous avez tenus cette nuit. Je tiens tout d’abord à vous féliciter sur la forme car vous avez longuement et courtoisement répondu aux différents orateurs dans la discussion générale. En cela votre attitude fut fort appréciable.
En revanche, le fond de votre intervention est plus discutable. Vous avez eu recours aux statistiques, mais vos choix sont partiaux : stigmatisation systématique de l’action de la gauche, en particulier du gouvernement Jospin.
Pour votre démonstration, vous avez utilisé les critères de délinquance générale, qualifiée de « globale » en un certain temps, mais passons… Or mêler les homicides et les vols d’oranges sur un étal n’a aucun sens, sinon de constater des actes de délinquance !
Par ailleurs, vous vous êtes félicité de la progression du taux d’élucidations, mais cette remarque est toute relative. Encore faut-il savoir de quoi il est réellement question : lors de l’arrestation d’un fumeur de joint, constat et élucidation sont concomitants. Si cette personne avoue avoir fumé également un joint la veille et trois jours auparavant, il y aura trois élucidations pour un seul fait constaté. C’est pourquoi, dans les statistiques, le nombre d’élucidations peut être supérieur au nombre de faits constatés…
Par ailleurs, vous vous félicitez d’une baisse de 1,04 % de la délinquance au cours de l’année 2009. Mais, dans le même temps, les délits enregistrés en simple main courante ont augmenté de 10 %. Cela signifie, à l’évidence, que la délinquance a non pas diminué mais augmenté !
Monsieur le ministre, pouvez-vous en tout cas nous assurer que ce n’est pas sur instruction de leur hiérarchie que les services chargés d’enregistrer les délits orientent les plaignants plutôt vers la main courante que vers le procès-verbal de plainte ?
M. Jean-Pierre Sueur. Poser la question, c’est y répondre !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je passe sur la décision de ne plus publier chronologiquement les incendies de voitures… Je note tout de même que l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, a recensé en 2010 une augmentation de 7,2 % desdits incendies sur douze mois : leur nombre a augmenté de 3 061, soit au total 42 513 voitures incendiées dans l’année, 116 chaque jour. Beau succès là aussi ! On comprend que vous ne vouliez pas que l’on parle trop de ces chiffres !
Si, dans un autre domaine, les vols avec effraction ont baissé, cela ne vous empêche pas de proposer dans ce projet de loi l’aggravation des sanctions afférentes à ce type de crimes. Ce n’est pas bien sûr cette proposition qui permettra de faire diminuer encore plus les infractions, mais, comme c’est déjà le cas, l’efficacité grandissante des systèmes de protection dont se dotent les particuliers ; il en est de même pour les téléphones portables pour lesquels les techniques de blocage sont de plus en plus rapides et perfectionnées.
En réalité, les infractions qui touchent et inquiètent le plus la population – je veux parler des atteintes volontaires à l’intégrité physique – sont en forte augmentation de façon constante. Au mois de novembre dernier, l’ONDRP a constaté qu’un pic avait alors été atteint : 457 390 actes de violences et menaces constatés, chiffre le plus élevé depuis – tenez-vous bien, mes chers collègues – 1996 ! Et, actuellement, le total est toujours proche de cette valeur, avec simplement un ralentissement de la progression lors des derniers mois ; quoi qu’il en soit, au mois de mai, on notait une augmentation de ces infractions de 2 % depuis douze mois.
Paradoxalement et malgré vos déclarations de la nuit dernière, monsieur le ministre, tout cela résulte de la politique du chiffre décidée par le Président de la République, ci-devant ministre de l’intérieur, voilà plus de huit ans. Chacun se souvient de sa visite au commissariat de Toulouse et de sa déclaration devant les fonctionnaires assemblés leur intimant de ne pas se comporter en travailleurs sociaux et de s’en tenir à deux missions : l’investigation et l’interpellation. Dont acte !
Mais il fallait pouvoir afficher des résultats rapidement. On mit donc la pression sur les fonctionnaires de police et sur les gendarmes. Faute de moyens – ce n’est pas forcément le cas dans le quartier du Mirail, où le Président de la République doit, me semble-t-il, se rendre bientôt –, on exige donc des préfets, des commissaires, des officiers, de tous les fonctionnaires des chiffres positifs destinés à démontrer l’efficacité de la politique voulue par le pouvoir. Tous les fonctionnaires et leurs représentants le disent : ils sont fatigués par ces exigences et par les « rafales » de réformes, terme employé par un syndicaliste. Cette situation a donné lieu à une scène stupéfiante à Melun le 23 mars, lors de l’enterrement d’un policier tué en service : certains de ses collègues de la brigade anti-criminalité, la BAC, ont tourné ostensiblement le dos au Président de la République pendant son discours d’hommage. Inimaginable ! On n’avait jamais vu ça !
Les policiers se sentent trahis, car l’exigence de résultats est concomitante avec la baisse des effectifs commencée en 2007.
Si le projet de loi que vous nous proposez ne programme rien en la matière, la gestion des effectifs se fait ailleurs, en parallèle, par le biais de la révision générale des politiques publiques. Ainsi, 9 000 postes de policiers et de gendarmes ont été supprimés. Le résultat est dramatique. Si une suppression globale de fonctionnaires est peut-être justifiée, certains secteurs – police, éducation, santé – devraient être épargnés.
Pouvez-vous me confirmer, monsieur le ministre, que dans une ville de banlieue comportant environ 50 000 habitants une seule voiture de police peut patrouiller la nuit ?
Pouvez-vous me confirmer que dans une ville de province de 150 000 habitants une seule voiture de la BAC est en service de nuit ?
Vous avez créé, dans l’urgence, les GIR départementaux à partir de l’expérience de Grenoble. Avez-vous les moyens d’étendre cette innovation à d’autres villes, à d’autres départements ? J’en doute.
En fait, vous agissez au coup par coup, sous la pression de la nécessité, sans ligne directrice et dans un objectif d’affichage.
C’est très exactement l’inverse qu’il faudrait faire : mieux utiliser les fonctionnaires sur le terrain en les soulageant de leurs autres missions.
La prévention, ce n’est pas, comme vous le dites, d’abord la répression. Augmenter les peines, alors que les magistrats n’utilisent que très partiellement les possibilités qui leur sont offertes, ne sert à rien. Non, la prévention, c’est effectuer un travail de proximité, assurer une présence constante. C’est une question de confiance entre population et police. C’est de cela que nous avons besoin. On ne peut se satisfaire d’une situation dans laquelle les policiers, les pompiers sont accueillis par des jets de pierres lorsqu’ils entrent dans certains quartiers. Il faut reconquérir ces quartiers. Ce sera forcément long, beaucoup plus difficile qu’en 2002. Nécessairement, il faudra trouver des moyens supplémentaires. Ce sera donc coûteux, et beaucoup plus qu’en 2002. Vous nous avez fait perdre vingt ans !
Dans votre logique, vous feignez de croire que le vote d’une loi suffit à faire évoluer les choses. C’est un mirage ! Nous avons besoin non pas de lois sécuritaires supplémentaires, mais d’une police plus présente, aux effectifs plus nombreux, et donc plus efficace.
L’appareil législatif est suffisant. Vous le constateriez si vous faisiez une véritable évaluation des lois antérieures avant d’en proposer de nouvelles.
Interrogez les gardiens d’immeubles et demandez-leur s’ils sont désormais bien outillés pour faire évacuer les halls. Ils vous répondront que rien n’a changé.
Interrogez les vétérinaires et demandez-leur combien de propriétaires de chiens dangereux sont en règle avec la loi, notamment au regard de la formation. Moins de 20 % d’entre eux le sont ! On pourrait multiplier les exemples.
L’échec de votre politique n’a jamais été mieux mis en évidence que cet été. Tous les ans, ou presque, on assiste à un feuilleton sécuritaire. Cette année, il a pris les allures d’un grand festival.
Le facteur déclenchant a été constitué par les événements survenus à Saint-Aignan et à Grenoble dans lesquels le Président de la République s’est personnellement impliqué. Cette opération prend tout son sel et dévoile ses buts quand on apprend par le journal Le Monde qu’elle a été préparée de longue date depuis l’échec de la majorité aux élections régionales. Il suffisait d’attendre le moment favorable.
Il est venu avec l’implication de gens du voyage dans un acte criminel inadmissible. Une aubaine pour les objectifs à atteindre. Pensez ! Désigner à la vindicte populaire une communauté qui génère chez les autres, depuis des siècles, toutes les peurs et tous les rejets. C’était du pain béni !
Et sans crainte de l’amalgame, on a assimilé de façon scandaleuse délinquance et immigration, identité française et qualité d’être français, gens du voyage, très majoritairement français, et Roms étrangers. Ce n’est que justice que ce type d’assimilation méprisable se soit retourné contre vous.
À grand renfort de déclarations guerrières, vous vous êtes lancés dans une politique de reconduite des populations roms dans leur pays, politique présentée comme une nouveauté face à l’exaspération et aux dangers que ces populations feraient courir aux bons Français de souche. Chemin faisant, cependant, les Français ont appris que cette politique n’était pas du tout nouvelle, que, bon an mal an, vous expulsiez quelque 10 000 Roms en douze mois, soit une moyenne de 800 à 850 par mois, à peine moins que les 900 que vous avez reconduits chez eux le mois dernier. Et ces 800 à 850 volontaires, indemnisés pour partir, reviennent dès qu’ils le peuvent, maintenant en permanence un nombre de Roms d’environ 15 000 sur notre territoire.
Vous avez réussi le tour de force de vous mettre au ban de l’opinion française et internationale, en raison moins des expulsions que du discours quasi raciste qui a été mis en exergue. Quelle volée de bois vert de la part de toute la presse, internationale comme nationale, de gauche comme de droite, à l’exception du Figaro. Trois anciens Premiers ministres se sont élevés contre votre action : M. de Villepin, avec le panache que l’on connaît, M. Juppé et, dans nos rangs, M. Raffarin. Beau succès là encore ! C’est tout un symbole.
Le discours qui a accompagné les opérations de l’été avait pour objectif, comme toute votre politique sécuritaire, non pas de protéger les Français d’un danger réel ou potentiel, mais de les convaincre que vous agissez. Peu importe que cette politique n’ait aucun effet positif : ce qui compte, c’est ce que vous ferez dire à la presse, qui fera l’opinion et conduira les citoyens à voter en votre faveur lors des prochaines échéances électorales. Et pour cela, vous n’hésitez pas à crédibiliser les discours racistes du Front national. Cette vieille recette a bien marché en 2007. Pourquoi n’en serait-il pas de même en 2012 ?
Hélas pour vous, et sans doute pour les Français, toutes les enquêtes d’opinion semblent bien indiquer que cette fois vous courez à l’échec : vous donnez en réalité de la valeur aux discours extrémistes et vous renforcez l’influence du parti extrême qui les porte.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte marque le désengagement de l’État en matière de politique de sécurité publique de proximité, au détriment des collectivités locales, en s’appuyant sur le tout technologique, en annexant les moyens des polices municipales et en privilégiant le secteur de la sécurité privée.
Tout cela est inacceptable. C’est pourquoi le groupe socialiste et moi-même considérons qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le projet de loi de programmation vise à inscrire dans la durée l’engagement majeur de l’État dans la lutte contre l’insécurité. Comptant près de cent dix articles, il définit à la fois les objectifs et les moyens de cette lutte en permettant aux forces de l’ordre de tirer parti des innovations technologiques, en les adaptant aux nouvelles formes de la délinquance.
Il s’agit de conforter les bons résultats obtenus dans ce domaine depuis 2002. Sur ce point, la technique de la loi de programmation a fait ses preuves, comme l’a montré la précédente loi de programmation adoptée en la matière.
Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs de la motion, les sujets développés par le présent texte méritent toute l’attention du Sénat, qu’il s’agisse de la lutte contre la cybercriminalité, du développement encadré de la vidéoprotection, de la lutte contre les nouvelles formes de violence, contre la délinquance quotidienne ou contre l’insécurité routière, ou encore du renforcement des pouvoirs de la police municipale.
À cet égard, l’importance du champ couvert par le présent projet de loi rend compte de la très grande diversité des formes de délinquance, des évolutions qu’elles ont connues récemment et de la nécessité d’agir sur tous les leviers d’action disponibles pour garantir la sécurité des Français.
L’étendue du champ couvert par le présent projet de loi constitue ainsi le gage de l’efficacité du texte.
S’agissant des moyens, l’enjeu est celui, dans un contexte budgétaire contraint, d’un recentrement des forces de l’ordre sur le cœur de leur métier et d’un renforcement de leurs moyens, grâce, notamment, aux nouvelles technologies disponibles. C’est ce que prévoit le présent texte.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cette motion opposant la question préalable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos de M. Jean-Claude Peyronnet. Comme il l’a souligné – et j’y suis sensible – j’ai répondu, hier, à chacun des intervenants à la fin de la discussion générale. Je m’adresserai à lui, également, avec la plus grande courtoisie.
Au demeurant, tout ce que vous avez dit, monsieur Peyronnet, démontre une chose simple : le parti socialiste ne répond pas encore aux défis de la sécurité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) J’étais sûr que cela ne vous plairait pas, mais ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’un des vôtres, le député socialiste Julien Dray !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. M. François Rebsamen aussi !
M. Brice Hortefeux, ministre. Il a parfaitement raison ! (M. David Assouline s’exclame.) M. Assouline dit non par principe, il dit toujours non d’ailleurs ! Mais tels sont les propos de l’un des vôtres. Il a parlé d’or, et je partage totalement son avis.
Je ne veux pas créer de difficultés au sein de votre groupe, mais je ferai tout de même observer qu’un sénateur socialiste, maire d’une très grande ville, n’a pas du tout adopté la même position que vous.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Brice Hortefeux, ministre. Vous avez la chance de compter parmi vous ce sénateur maire particulièrement responsable. Il a dit des choses vraies et justes et il a refusé de s’associer à des manifestations où vous étiez main dans la main avec l’extrême gauche ! D’ailleurs, il faudra aussi clarifier ce point-là. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
J’ai été très attentif aux leçons que vous souhaitez nous donner concernant le bilan : ce serait à se tordre les cotes de rire, si le sujet n’était pas aussi sérieux ! Quand vous étiez au pouvoir, la délinquance montait, explosait : elle avait augmenté de plus de 15 % ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Vous évoquez les violences aux personnes. Sur la seule année 2001, elles avaient augmenté de plus de 15,5 % !
Je n’ai pas dit, hier, que tout était réglé. J’ai simplement dit que nous avions cassé la spirale de la hausse. Nous l’avons limitée à 1,46 %. Ces chiffres sont simples et on peut tout à fait les comparer. (Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste.)
Vous avez évoqué la police de proximité, à laquelle je suis moi-même très attentif. À la vérité, je regrette que M. Jean-Pierre Chevènement ne soit pas présent dans l’hémicycle en ce moment, car la police de proximité, c’est vous-mêmes et vos amis qui y avez renoncé, tant elle était un échec, tant elle demandait d’effectifs et de moyens ! Il n’y a pas eu besoin d’attendre 2002 pour renoncer à cette forme de police, qui était en réalité inefficace et particulièrement budgétivore ! En termes de bilan, regardez ce que vous avez fait !
J’espère que votre intervention, monsieur Peyronnet, sera largement diffusée : elle a démontré que vous n’avez rien retenu, rien appris et rien compris sur le défi de la sécurité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai décidé de faire cette explication de vote d’abord en écoutant notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet, qui a parlé avec beaucoup de sérénité, de calme et de sérieux, chacun a pu le constater, mais surtout, monsieur le ministre, en entendant votre réponse.
En effet, elle a fait écho à quelques phrases que vous avez déjà prononcées hier soir. « Rien, rien, rien » : il y a ceux qui ne comprennent rien, qui ne veulent rien comprendre, et ceux qui ont tout compris.
Vous ne pouvez pas vous-même, monsieur le ministre, souscrire à cette rhétorique. Nous vous connaissons. Vous jouez un rôle, vous êtes dans une posture ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, tout au long de son discours, M. le ministre a voulu faire croire que, d’un côté, les avis seraient divergents alors que, de l’autre, tous penseraient la même chose et formeraient un bloc soudé.
Comme M. Jean-Claude Peyronnet, je lis le journal ; j’ai donc lu les propos du Président de la République, de certains membres du Gouvernement ; j’ai lu les propos de M. Dominique de Villepin, des mots extrêmement durs ; j’ai lu ce que dit, avec sa personnalité, certes différente, M. Jean-Pierre Raffarin, et ce que dit M. Alain Juppé, avec sa personnalité encore différente ; j’ai lu aussi ce que dit Mme Christine Boutin, pour m’informer complètement, j’ai lu également ce que disent nombre de sénateurs et députés de la majorité. Et, vous le comprendrez, monsieur Brice Hortefeux, j’accorde une attention toute particulière à ce que dit M. Gérard Larcher.
M. Nicolas About. Il y a une montée en puissance dans votre discours ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur About, vous aussi, vous prenez connaissance de ces différents points de vue.
M. Nicolas About. Je suis solidaire du Gouvernement !
M. Jean-Pierre Sueur. En vérité, mes chers collègues, ces questions de sécurité sont difficiles, elles donnent lieu partout à des débats légitimes. Si quelqu’un avait trouvé un remède miracle au cours des dernières années, on l’aurait vu !
M. Pierre Hérisson. Ah, voilà ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il est très difficile de plaider que tout va bien alors que l’on a supprimé 9 000 postes de policiers et de gendarmes lors des trois dernières années. Je sais très bien, monsieur le ministre, ce que vous avez prétendu : vous avez fait une démonstration chiffrée qu’il était parfois extrêmement difficile de suivre.
En tout cas, vous aurez beaucoup de mal à expliquer à la radio et à la télévision qu’avec 9 000 gendarmes et policiers en moins la sécurité va augmenter ! C’est assez difficile à comprendre…
Nous sommes prêts à mener un débat objectif et réaliste sur ces questions extrêmement difficiles, mais cela exigerait, de la part de chacun, un peu de modestie… Monsieur le ministre, nous ne sommes pas dans la situation du tout ou rien ; il n’y a pas, d’un côté, ceux qui ne comprennent rien, ceux qui n’ont jamais compris, qui ne comprendront jamais et, de l’autre, ceux qui ont déjà tout compris, depuis toujours et pour toujours !
Le débat pourrait être d’une nature un peu différente ! Je le sais, monsieur le ministre, vous êtes d’accord, mais alors pourquoi vous sentez-vous obligé d’utiliser cette rhétorique ? C’est qu’il faut regagner les voix, taper fort, et encore plus fort, employer des mots qui frappent ! Derrière cela, il y a peut-être tout simplement une certaine conception de l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voterai la motion tendant à opposer la question préalable.
Les faits et les idées évoqués le montrent, la question de la sécurité concerne tout le monde. Mais il n’y a pas, d’un côté, les uns et, de l’autre côté, les autres, même si les politiques sont différentes. En tout cas, il s’agit d’une question très complexe, sinon le Gouvernement actuel, qui s’est voulu le champion de la sécurité, aurait sans doute obtenu d’autres résultats que ceux qu’il a aujourd’hui.
Cela dit, nous obtenons toujours la même réponse à nos questions ; on nous renvoie toujours un langage de division opposant les uns aux autres, dans tous les domaines. Mais, finalement, cette façon de faire a des limites. En effet, une majorité de nos concitoyens, à qui l’on a désigné les Roms comme boucs-émissaires « faciles », ainsi qu’il est habituel de le faire dans notre histoire, en prenant pour cible les Juifs ou les Tziganes, une majorité de nos concitoyens, disais-je, toutes croyances et opinions confondues, commencent à considérer que la façon dont le Gouvernement traite cette population est absolument inacceptable.
En conséquence, je soutiendrai cette motion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous sommes en train de discuter d’une loi de programmation et d’orientation. Se battre sur des chiffres ou des comportements n’est pas à la mesure du débat que nous devons avoir.
La commission des lois et son rapporteur ont fait un excellent rapport qui montre la nécessité d’adapter nos méthodologies à l’évolution des technologies et à l’évolution de la société dans laquelle nous sommes.
Par conséquent, le groupe UMP ne votera pas la question préalable. Il considère, en effet, qu’il est important d’avoir un débat de fond sur les sujets abordés dans le texte.
Je remercie M. Jean-Claude Peyronnet, qui a proposé que le débat soit calme et serein. Nous avons tous, dans cette assemblée, une expérience des problèmes quotidiens de délinquance. Nous savons tous que les problèmes de vidéoprotection, de prévention et de lutte contre la cybercriminalité sont de plus en plus importants.
C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il ne faut pas esquiver le débat mais nous y engager. Nous voterons donc contre motion opposant la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 77, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du texte de la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 264 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n°365.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 518, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Yvon Collin, auteur de la motion.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre assemblée est amenée à débattre – une nouvelle fois ! – d’un projet de loi portant sur la sécurité.
Depuis 2002 et l’alternance qui a eu lieu cette année-là, il ne s’agit ni plus ni moins que du dix-septième texte portant sur la lutte contre la délinquance, avec les résultats que nous connaissons. La présentation de tant de textes en si peu de temps ne vaut-elle pas aveu d’échec ?
Nous nous souvenons tous que, à l’époque, on nous promettait que la délinquance reculerait et que le sentiment d’insécurité s’estomperait grâce à une politique volontariste et efficace... Qu’en est-il aujourd’hui ? La majorité n’a-t-elle pas disposé de tous les leviers du pouvoir de l’État et de tous les moyens budgétaires qu’elle souhaitait pour mettre en œuvre son programme d’action et de lutte contre l’insécurité ?
Il est surtout vrai que, malgré ses incantations auto-persuasives, le Gouvernement n’a pas atteint ses objectifs. Des données statistiques confirment d’ailleurs une hausse de la délinquance. Les chiffres en la matière sont éloquents et nombreux ; je n’en citerai que trois. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous les contesterez peut-être, comme vous l’avez fait hier en répondant aux orateurs qui s’étaient exprimés lors de la discussion générale, avec beaucoup de courtoisie d'ailleurs. À cet égard, je m’associe aux propos de notre collègue Jean-Claude Peyronnet, car vous vous êtes donné beaucoup de mal et avez fait preuve d’une grande patience pour répondre à tous.
M. Yvon Collin. Néanmoins, les chiffres sont là ! Il y avait moins de 350 000 actes de violence contre les personnes en juillet 2003 ; il y en a eu 454 318 en juillet 2009. Le nombre de cambriolages a augmenté de 12 % en un an à peine. Les crimes et délits enregistrés en simple main courante se sont accrus de 10 % au cours de l’année 2009. Comme tous les chiffres, ceux que j’ai en ma possession sont sans doute contestables ; en tout cas, j’affirme qu’ils sont fondés.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la statistique pénale et sa production, à travers la création de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, qui centralise toutes les recherches pour mieux en contrôler la diffusion.
De fait, l’inflation législative devient difficilement acceptable : peines planchers, abaissement de l’âge de la majorité pénale, loi anti-bandes, interdiction du port de la cagoule, castration chimique envisagée à un moment, extension exponentielle de la vidéosurveillance, peines de sûreté, élargissement de la mise à disposition du Taser aux polices municipales, détection des comportements délinquants dès l’école maternelle, couvre-feu pour les mineurs, entre autres.
Si l’enjeu, à savoir la défense des libertés publiques, n’était particulièrement grave, une telle célérité à faire voter ces textes, année après année, relèverait presque de l’obsession ! Mais qu’a concrètement obtenu cette majorité depuis 2002 ? Que sont devenus les engagements pris devant le pays par un ancien ministre de l’intérieur, qui proclamait à l’Assemblée nationale en juillet 2002 que « l’éradication des zones de non-droit livrées à l’économie souterraine et à la loi des bandes constitu [ait] un devoir prioritaire » ?
Huit ans après l’installation au pouvoir de l’actuelle majorité parlementaire, la situation est loin de s’être améliorée. Que signifie alors la discussion d’une loi de programmation au moment où nous entrons dans la dernière période de la législature, mais aussi du quinquennat présidentiel ?
Pendant ce temps, les effectifs de la gendarmerie devraient baisser d’au moins 3509 emplois ETPT, c'est-à-dire équivalents temps plein travaillés, dans le cadre triennal 2009-2011, ce qui alimente toutes les inquiétudes sur le maillage territorial de la gendarmerie en milieu rural. Les élus ruraux que nous sommes sont sensibles à ce problème. Dans la police, on annonce une deuxième vague de la RGPP pour 2012-2013. Cette mesure devrait se traduire par la suppression de 3963 ETPT supplémentaires. À l’issue de cette deuxième vague, en 2014, le plafond d’emploi du programme « Police » serait ainsi de 138 308 ETPT, soit 8 000 de moins qu’en 2009. Je note un certain décalage entre les discours et les actes !
En réalité, le présent projet de loi est l’exemple même de ce que Pierre Mazeaud, alors président du Conseil constitutionnel, qualifiait en 2005 de « dégénérescence de la loi en instrument de la politique spectacle ». La fonction législative du Parlement est dénaturée au profit d’une politique émotionnelle, dictée par le rythme de la rubrique « fait-divers » des journaux.
Les lois sont à peine votées, leur encre n’a pas eu le temps de sécher qu’un autre texte est adopté pour en renforcer ou en supprimer les dispositions, sans recul ni analyse. Parfois, vos propres textes ne sont même pas encore votés que vous déposez des amendements pour les modifier, comme vous venez de le faire ces derniers jours ! Mes chers collègues, ce n’est pas du bon travail législatif ; ce n’est pas de cette façon que la Haute Assemblée aime exercer sa mission de législateur !
Monsieur le ministre, à la lecture de ce projet de loi, la très grande majorité des membres de mon groupe est extrêmement inquiète pour le respect des droits fondamentaux. Et les orateurs du RDSE qui m’ont précédé, Anne-Marie Escoffier, Jacques Mézard et Jean-Pierre Chevènement, ont tous évoqué avec justesse et pertinence les raisons qui devraient logiquement conduire à rejeter ce texte. Développement tous azimuts de la vidéosurveillance sans étude sur son efficacité dans la prévention de la délinquance, extension des mesures de confiscation avant dire droit, instauration d’un couvre-feu pour les mineurs de treize ans, extension des pouvoirs des agents de police judiciaire adjoints, transformation des personnels de Pôle emploi en indicateurs de la police : toutes ces mesures renforcent encore un peu plus l’emprise sécuritaire qui pèse sur notre société, sans que leur finalité trouve de justification à travers des résultats probants. Il est au surplus significatif que la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, n’ait été saisie que de sept des articles du texte et que son avis fût plus que réservé sur ces dispositions…
Messieurs les ministres, ce texte mérite au minimum un examen plus poussé en commission, afin de renforcer les garanties des droits des justiciables et de l’ensemble des citoyens.
Manque d’homogénéité et de cohérence : tel est le premier constat qui s’impose au vu de ce texte, dont la seule ligne directrice est de pousser plus loin la logique du chiffre, pudiquement camouflée sous le vocable de la performance ! Messieurs les ministres, votre texte ne modifie pas moins de 18 codes et accroît le recours aux nouvelles technologies, repoussant encore davantage les limites de la vie privée. Et vous persistez dans cette voie en déposant 31 amendements...
Nous sommes aussi très perplexes à la lecture du rapport annexé à l’article 1er. La programmation des objectifs et moyens de la sécurité intérieure à l’horizon 2013 qu’il contient n’est, au mieux, qu’un satisfecit adressé au Gouvernement. Nous y voyons surtout une fiction, une compilation de déclarations qui n’engagent d’ailleurs nullement le Gouvernement, étant donné la valeur non normative de ce rapport. J’ai été particulièrement frappé que, tout au long de ces quarante pages, les mots « droits fondamentaux », « libertés publiques » ou « dignité de la personne » n’apparaissent pas une seule fois, ce qui en dit long sur la philosophie sous-jacente de ce texte !
Quid également des réalités quotidiennes, comme l’inquiétude des policiers vis-à-vis d’une politique du chiffre, le malaise des gendarmes qui craignent pour leur statut et leur présence en zone rurale, la dégradation des rapports entre la police et les citoyens, la multiplication des violences scolaires et des affrontements entre bandes ? Comment donner une crédibilité à vos déclarations de satisfecit lorsque ces phénomènes majeurs sont passés sous silence et que les engagements votés en 2002, dans la première LOPSI, se sont depuis lors évanouis ?
À ce stade, le législateur ne peut à l’évidence voter un texte qui s’abstrait à ce point de la situation sur le terrain et qui s’inscrit dans une vision aussi utopique de la lutte contre la délinquance.
Par ailleurs, le recours aux nouvelles technologies, déjà étendu depuis quelques années, est aujourd’hui érigé en dogme, au nom des mesures d’économie qu’il autorise.
Messieurs les ministres, j’entends bien que l’usage des nouvelles technologies puisse rendre le travail des enquêteurs et de la justice plus efficace, mais pas au point de sacrifier l’équilibre de toute procédure ! Or il est avéré que nous manquons, à cette heure, d’éléments d’évaluation pour analyser objectivement les effets sur la délinquance de la mise à disposition des NTIC aux services de police.
J’en veux pour preuve l’utilisation des scanners corporels : alors que ceux-ci sont toujours en phase d’expérimentation à l’aéroport de Roissy, le projet de loi en généralise l’usage, sans que tous les enseignements de ce dispositif aient été établis, ni même qu’aient été mises en œuvre les recommandations du groupe de travail G29, constitué au sein de la Commission européenne afin de réfléchir à la protection des données.
De plus, si le présent texte offre de nouveaux moyens d’investigation, il reste muet sur les garanties encadrant leur usage et les moyens de contrôle de la déontologie policière qui s’y rattache. Nous estimons indispensable de revoir en profondeur ces dispositifs, à la lumière du renforcement de ces garanties.
Il nous paraît d’ailleurs incompréhensible que les travaux de la mission parlementaire sur les fichiers de police des députés Batho et Bénisti n’aient pas été davantage considérés, alors qu’ils portaient précisément sur les moyens de s’assurer du strict respect des droits et libertés des citoyens, mais aussi de la performance des instruments confiés aux forces de sécurité pour lutter contre la délinquance.
De la même façon, la discussion, le 23 mars dernier, de la proposition de loi sur le respect de la vie privée à l’heure du numérique, défendue par notre excellente collègue Anne-Marie Escoffier, a très clairement montré la nécessité de nourrir un véritable débat démocratique sur l’utilisation des NTIC.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme n’a d’ailleurs pas manqué de relever, dans son avis sur le présent texte, qu’il était impératif de renforcer dans la loi les pouvoirs de contrôle. Or de tout cela il n’y a nulle trace dans le texte soumis à notre assemblée !
Il en est de même du recours aux télécommunications audiovisuelles à tous les stades de la procédure pénale. Les articles 36 A et 36 B – dans sa version initiale pour ce dernier –, font disparaître la nécessité de justifier le recours à la vidéoconférence. Pour ma part, je me réjouis que notre commission ait supprimé un tel dispositif s’agissant des audiences à distance pour les étrangers retenus en centre de rétention administrative. Je me réjouis également que notre commission ait relevé les risques d’inconstitutionnalité que portait la version initiale de l’article 36 A.
Néanmoins, le dispositif perdure pour le droit commun. Or la Cour européenne des droits de l’homme a posé dans son arrêt Marcello Viola c/Italie de 2006 que la pertinence du recours aux NTIC ne pouvait être appréciée qu’au cas par cas, et non érigée en principe, sous peine de porter atteinte au caractère équitable de la procédure.
Si l’article 706-71 du code de procédure pénale modifié par l’article 36 A ne concerne pas le procès à proprement parler, il porte sur un stade de la procédure pouvant aboutir à une privation de liberté. La généralisation de la télécommunication audiovisuelle reste en l’état insuffisamment encadrée : si le consentement de l’intéressé est requis en principe, il pourra y être passé outre en cas de risque de trouble à l’ordre public ou d’évasion. Sur ce point, la formulation de l’amendement de la commission reste encore trop vague et sujette à des interprétations excessivement larges, me semble-t-il.
Des abus restent possibles, qui aboutiraient à altérer le droit d’accès au juge, à l’avocat ou à l’interprète le cas échéant, viciant irrémédiablement le caractère équitable de la procédure.
Je constate par ailleurs que la nouvelle extension des fichiers mis à la disposition des autorités judiciaires et des forces de police et de gendarmerie soulève en l’état beaucoup trop d’interrogations. Il en est ainsi du détournement de la finalité du fichier national automatisé des empreintes génétiques, auquel le projet de loi attribue le recueil des empreintes génétiques des ascendants, descendants ou collatéraux des victimes de catastrophes naturelles afin de permettre leur identification.
Nous n’approuvons pas l’élargissement du recours aux fichiers d’analyse sérielle SALVAC, le système d’analyse des liens de la violence associée aux crimes, et ANACRIM, analyse criminelle. Les modalités de leur utilisation couvrent non seulement un champ d’infractions bien trop large, puisqu’il est étendu aux infractions punies de cinq ans d’emprisonnement, mais aussi des données d’une nature dont on peine à trouver la pertinence en matière de lutte contre la délinquance, à savoir les informations portant sur les opinions politiques ou religieuses, sur l’orientation sexuelle ou sur l’appartenance syndicale, recueillies de surcroît sans aucune limite d’âge et concernant les victimes, les témoins et les mis en cause ! M. le rapporteur ne sait que trop bien les grandes réserves qu’a exprimées la CNIL sur la mise en œuvre d’une telle extension, réserves que nous partageons pleinement.
M. le rapporteur a également voulu démontrer toute son habileté en tentant de se porter au secours de l’une des dispositions les plus dangereuses de ce texte, à savoir l’instauration par l’article 24 bis d’un couvre-feu pour les mineurs de treize ans. Cela ne nous trompe pas.
Quand bien même il a été transformé en sanction pénale prononcée par un tribunal pour enfants et n’est plus une sanction administrative édictée par le préfet, le couvre-feu individuel n’en demeure pas moins inutile et, selon nous, dangereux. Inutile, car les dispositifs de protection de l’enfance en danger prévoient déjà de raccompagner au domicile de ses parents un mineur de treize ans non accompagné se trouvant la nuit sur la voie publique. Dangereux en ce qu’il est contraire aux principes généraux du droit pénal des mineurs qui se fondent sur l’éducation de la personne et la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société. Il est évident que les objectifs du couvre-feu, qu’il soit individuel ou collectif, contreviennent à ces principes et ne facilitent pas la construction de la personnalité du mineur.
Plus largement, les dispositions relatives à la responsabilité parentale détournent les finalités de l’action sociale en transformant les travailleurs sociaux en surveillants d’internat ou en agents de surveillance sociale. Ainsi en est-il des agents de Pôle emploi, appelés à dénicher les fraudes et à les dénoncer. En cette période de chômage élevé, le rôle de ces agents est d’accompagner les demandeurs d’emploi dans la construction de leur projet professionnel, de les conseiller, de nouer une relation de confiance permettant à terme la réinsertion sur le marché du travail.
Dans ces conditions, comment envisager de faire de ces agents des supplétifs de la lutte contre la fraude, alors que ce n’est pas leur vocation et qu’ils n’ont ni la formation ni la qualification requises ? Nous rejetons avec force cette philosophie qui institue une présomption de fraude sur les plus défavorisés de nos compatriotes.
Je pourrais encore vous parler de la question non réglée du recueil, de la conservation et de la destruction des données à caractère privé issues de captations informatiques à distance, des rectifications des données contenues dans les fichiers judiciaires ou bien encore de la généralisation des peines complémentaires de confiscation de véhicule, tous sujets qui soulèvent de très sérieux doutes quant à la capacité de l’autorité judiciaire à les conserver dans de bonnes conditions.
En toute hypothèse, ce projet de loi, dont la pertinence est sujette à caution, nous paraît insuffisamment abouti pour pouvoir être soumis au vote de notre assemblée. Surtout, il entérine l’abandon de toute politique de prévention de la délinquance en restant arcbouté sur une conception ancienne mettant en opposition prévention et répression.
Mes chers collègues, soyez sûrs que nous refusons l’angélisme qui consiste à ne voir dans les délinquants que des victimes de la société. Nous sommes profondément attachés au principe de la responsabilité individuelle, mais nous ne faisons que constater les dégâts de l’abandon de la politique de terrain, politique engagée par mon excellent collègue et ami Jean-Pierre Chevènement au travers de la police de proximité. Cet abandon a creusé les inégalités face à l’insécurité, et ce au détriment, naturellement, des plus défavorisés. D’ailleurs, la création en 2008 des unités territoriales de quartier signe l’aveu de l’échec complet de la politique impulsée depuis 2002. Ce rétropédalage reste laborieux. Nous croyons profondément que la lutte contre la délinquance commence par l’éducation et l’accompagnement social quand il est nécessaire.
Les tensions qui font de certains de nos quartiers des zones de non-droit manifestent également une misère sociale insupportable, qui trouve son développement extrême dans la formation d’une économie parallèle de trafics en tous genres. Où en est le « plan Marshall » pour les banlieues que nous avait promis le candidat Sarkozy en 2007, censé offrir une formation, un emploi et une rémunération à 250 000 jeunes des quartiers difficiles, alors que seuls 1 160 jeunes ont bénéficié depuis de ces dispositions ?
Quand l’éducation, l’aide sociale et les services publics régressent, c’est toute la République qui régresse. Or la République ne s’honorera pas du projet de loi que vous nous proposez, elle qui a tant besoin de renouer avec ses valeurs fondatrices de respect, de dialogue, de tolérance, d’humanisme et de fraternité, valeurs qui sont au fondement même du groupe que j’ai l’honneur de présider.
En conséquence, mes chers collègues, dans l’intérêt de la République et de ses citoyens les plus fragiles, mais aussi au nom du respect des principes fondamentaux de notre droit, je vous invite à adopter cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Rien ne paraît justifier le renvoi à la commission du présent texte.
En effet, la commission a été très vigilante à garantir la juste conciliation entre les libertés publiques, l’objectif de protection de l’ordre public et la sécurité de nos concitoyens. C’est ce que montrent clairement les positions qu’elle a adoptées, notamment en matière de couvre-feu des mineurs ou d’utilisation de la visioconférence.
Enfin, contrairement à ce que les auteurs de la motion laissent entendre, le rapport annexé repose sur des estimations fiables, concordantes avec celles qu’a fournies l’Observatoire national de la délinquance, et apporte des réponses pénales. En outre, il repose sur des projections budgétaires conformes aux dispositions adoptées dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et des différentes lois de finances.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cette motion de renvoi à la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet un avis identique à celui que vient d’exprimer le rapporteur au nom de la commission, et ce pour deux raisons.
La première raison porte sur la forme. Je rappelle que le texte qui va être discuté en séance publique dans quelques instants est celui qui est issu des travaux de la commission. Par conséquent, quel intérêt y aurait-il à le renvoyer en commission ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est vrai !
M. Henri de Raincourt, ministre. La seconde raison porte sur le fond. À l’occasion de l’examen des deux motions précédentes, le ministre de l’intérieur a apporté un certain nombre de réponses sur les statistiques. Je tiens à souligner que tous les chiffres qu’il a cités émanent de l’Observatoire national de la délinquance et non des services du ministère de l’intérieur. Ils sont par conséquent fiables !
MM. Charles Gautier et Jean-Claude Peyronnet. Pas tous !
M. Henri de Raincourt, ministre. C’est pourquoi le Gouvernement, considérant qu’il n’y a absolument rien à gagner au renvoi en commission, sinon à retarder le débat et l’adoption d’un certain nombre de mesures qui ont été élaborées pour améliorer la sécurité des Français, demande au Sénat de rejeter cette motion. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 365, tendant au renvoi à la commission.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 265 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
5
Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Adrien Gouteyron membre titulaire du conseil d’administration de l’Agence française de développement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
6
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Nous passons à la discussion des articles.
Chapitre Ier
Objectifs et moyens de la politique de sécurité intérieure
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Intitulé
Rédiger ainsi cet intitulé :
Missions prioritaires et orientations permanentes de la politique de sécurité
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, avec votre permission, je présenterai simultanément les amendements nos 192 et 193, les deux étant liés.
Il s’agit de supprimer le rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure et de le remplacer par une énumération des missions prioritaires de la police et de la gendarmerie nationales.
Avant d’aborder ces amendements, je formulerai une observation qui me semble importante au moment où nous entamons l’examen de ce projet de loi.
À de multiples reprises, nous avons entendu dans cet hémicycle que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles et que la délinquance baissait.
J’ai rappelé hier certains chiffres figurant dans le rapport de M. Courtois, mais visiblement cela n’a pas été repris, ni même combattu. Je suis tout de même étonné que nul n’ait mentionné ces faits.
Dans les deux premiers paragraphes de la page quinze de son rapport, M. Courtois expose des éléments comme toujours très intéressants, peut-être encore plus intéressants là qu’ailleurs. Il indique en effet : « En revanche, certaines atteintes aux personnes ont connu des évolutions moins favorables. Ainsi, les coups et blessures volontaires sont passés pendant la même période de 138 000 à 193 000, soit une hausse de près de 40 % ; les violences contre les dépositaires de l’autorité ont également enregistré une augmentation significative […] » de plus de 40 %.
Dans le paragraphe suivant, le rapporteur précise : « Au total, la baisse constatée pour les données globales est ainsi principalement due à la baisse des faits de vol ». On a beaucoup, beaucoup insisté sur cette première partie du paragraphe, mais on n’a pas du tout mentionné la seconde : « tandis que les violences aux personnes ont connu une croissance relativement forte » ; c’est le rapporteur qui l’écrit ! Il me paraissait nécessaire d’apporter cette précision.
J’en viens à nos amendements. Ils posent une question relative à la méthode utilisée. La LOPSI 1 couvrait la période 2003-2007 ; que s’est-il passé entre 2007 et aujourd’hui ? Au fond, nous avons un blanc durant trois ans d’exercice.
Il s’agit évidemment d’un blanc législatif, et non d’un vide dans la réalité. Les missions de la police et de la gendarmerie se sont en effet poursuivies sans cadre légal : au fond, on agit puis on vient devant le Parlement en demandant à ce dernier de donner sa bénédiction à ce qui a déjà été accompli. À nos yeux il y a donc un premier problème de méthode.
Le second problème de méthode est le suivant : faut-il opter pour une annexe – tel est le choix qui a été fait – ou pour la loi ? Pour notre part, nous préférons cette seconde option, parce que la loi a une valeur normative que l’annexe n’a pas.
J’aimerais aborder un dernier point sur lequel je serai très bref. Dans l’amendement n° 193, nous reformulons les priorités assignées à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Parmi celles-ci, je voudrais en souligner une.
Avec d’autres sénateurs, dont M. Retailleau, j’ai été chargé d’une mission sur les conséquences de la tempête Xynthia et les moyens de prévenir la survenue d’une nouvelle catastrophe naturelle de ce type.
À l’évidence, il y a un point faible : c’est l’ensemble du système d’alerte et de prévention en matière de catastrophes naturelles. Or il me semble que, parmi les missions régaliennes de l’État, celle qui consiste à assurer la protection des populations devrait avoir une place importante, place que ce texte ne lui octroie au mieux que de manière implicite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je donnerai l’avis de la commission sur les amendements nos 192 et 193, puisqu’ils viennent d’être présentés conjointement.
L’amendement n° 192 vise à introduire au début de la LOPPSI 2 un chapitre intitulé « Missions prioritaires et orientations permanentes de la politique de sécurité ». Il est solidaire de l’amendement n° 193, qui tend à fixer ces missions et ces orientations.
Or, comme nous le verrons à l’occasion de l’examen de cet amendement, la liste de ces quelques grandes orientations ne peut suffire à donner leur feuille de route aux services en charge de la sécurité pour les prochaines années.
En outre, et c’est ce qu’il y a de plus surprenant pour une loi de programmation, cette liste n’évoque pas les moyens financiers qui seront mobilisés. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 192.
Quant à l’amendement n° 193, il prévoit de placer les missions prioritaires des forces de l’ordre et les orientations permanentes de la politique de sécurité non pas dans un rapport annexé mais en début de texte.
Or, comme je viens de l’indiquer, le rapport annexé comporte une description beaucoup plus complète et détaillée de ces missions et de ces orientations.
Ainsi, il n’est rien dit dans l’amendement proposé ni des crédits qui seront consacrés à la politique de sécurité au cours des années à venir, ni des formations dont bénéficieront les policiers et les gendarmes, ni des moyens techniques et technologiques dont ils disposeront.
Par ailleurs, d’un point de vue juridique, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a rendu possible les lois de programmation comportant un rapport annexé dans tous les domaines d’action de l’État.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur l’amendement n° 193.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. Le rapport annexé auquel renvoie le seul article constituant le chapitre Ier est lui-même intitulé « Rapport sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à horizon 2013 ».
Il ne s’agit pas d’énumérer les missions prioritaires et les orientations de la politique de sécurité mais, dans un souci de réelle efficacité, de rechercher la juste adéquation entre les objectifs et les moyens. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est ce qui s’appelle mener une politique de sécurité.
Une telle politique ne peut se réduire à des incantations ; elle s’évalue dans l’action, laquelle n’est utile que si elle est tendue vers un objectif et qu’elle met en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre ce dernier. Nous nous inscrivons donc pour notre part dans une dynamique.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 192.
Le même avis vaut pour l’amendement n° 193, puisque le groupe socialiste souhaite par cet amendement inscrire les missions prioritaires qu’il entend voir assigner à la police et à la gendarmerie non pas dans une annexe mais dans la loi.
Monsieur Anziani, vous nous proposez ainsi une liste de missions et d’orientations permanentes. Cependant, pour être franc, je m’interroge quelque peu sur la nécessité de rappeler que la police et la gendarmerie nationales doivent lutter contre les violences, l’économie souterraine, le trafic de drogue, l’insécurité routière, les filières d’immigration irrégulière, le terrorisme et qu’elles doivent également assurer le maintien de l’ordre et accompagner les victimes.
Il s’agit bien de la mission essentielle et quotidienne de nos forces de sécurité ; il nous paraît tout à fait inutile de le rappeler.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 192.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 266 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 1er
(Non modifié)
Le rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à horizon 2013 est approuvé.
ANNEXE
RAPPORT SUR LES OBJECTIFS ET LES MOYENS DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE À HORIZON 2013
LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS
I. – ASSURER LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS GRÂCE À UNE APPROCHE GLOBALE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ
1. Mobiliser tous les acteurs au service de la sécurité de nos concitoyens
2. Mieux répondre aux besoins de sécurité des différents territoires
3. Mieux mobiliser les différentes réponses : prévention, dissuasion et répression
4. Mieux lutter contre les différentes formes de délinquance
5. Préparer l’avenir
II. – OPTIMISER L’ACTION DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT POLICE/GENDARMERIE
1. Optimiser la coopération et la complémentarité opérationnelles
2. Systématiser la mutualisation des moyens et des actions de gestion en matière de ressources humaines
III. – ACCROÎTRE LA MODERNISATION DES FORCES EN INTÉGRANT PLEINEMENT LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES
1. Des policiers et des gendarmes mieux équipés pour faire face aux nouvelles menaces
2. Des technologies nouvelles au service de la sécurité du quotidien
3. La modernisation du système d’alerte des populations
4. Des technologies nouvelles au service des victimes
5. Moderniser le parc automobile dans le cadre d’une politique de développement durable
IV. – RÉNOVER LE MANAGEMENT DES RESSOURCES ET LES MODES D’ORGANISATION
1. Mettre un terme à l’emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à leur cœur de métier
2. Faire de l’immobilier un levier de la modernisation
3. Des carrières modernisées pour des professionnels mieux accompagnés
Les forces de police et de gendarmerie, dans la lutte qu’elles mènent contre toutes les formes de délinquance, ont enregistré des résultats majeurs entre 2002 et 2008. Tandis que le nombre total des crimes et des délits constatés affichait un recul de 13,5 %, la délinquance de proximité, celle qui est susceptible de toucher le plus grand nombre dans son quotidien, baissait de 34,07 %. Dans le même temps, les différents indicateurs de suivi de l’activité des services étaient révélateurs d’un niveau d’engagement particulièrement élevé, avec un nombre d’infractions révélées par l’action des services en hausse de 50,74 %, un taux d’élucidation passant de 26,27 % à 37,61 %, un nombre de personnes placées en garde à vue progressant de 51,52 % et un nombre total de personnes mises en cause en augmentation de 29,26 %.
L’année 2009 a été révélatrice des nouveaux enjeux de la politique de sécurité. L’ensemble de la société est en effet confronté à une évolution du monde contemporain qui modifie profondément l’approche des problématiques de sécurité et remet en cause les cadres d’action habituels des forces de police et de gendarmerie. Les services de l’État doivent répondre à une demande de sécurité de plus en plus diversifiée et la police et la gendarmerie doivent faire face à une triple attente de la population : une attente de protection, une attente d’autorité et une attente de justice. Cette attente est d’autant plus pressante que les lignes bougent.
Ainsi, la mondialisation a remis en cause la notion même de frontières et de territoires, lesquels sont traversés de flux humains, matériels et immatériels, de plus en plus difficiles à contrôler. La « judiciarisation » de la société contribue à la rendre plus complexe. Dans le même temps, l’évolution des modes de vie, une plus grande mobilité ou l’allongement de l’espérance de vie, laquelle contribue au vieillissement de la société, débouchent sur de nouveaux besoins de sécurité.
Plus exposées aux risques et aux menaces, nos sociétés modernes sont plus exigeantes en matière de sécurité et leur demande en la matière augmente d’autant plus que l’insécurité présente une physionomie à la fois mouvante et évolutive. Si des formes anciennes de délinquance persistent, comme les violences aux personnes ou le trafic de produits stupéfiants, d’autres, d’apparition plus récente, s’inscrivent dans le champ de la criminalité émergente. C’est le cas, notamment, de la cybercriminalité, mais également de l’activité délictuelle liée au phénomène des bandes ou de l’économie souterraine sous ses divers aspects.
D’autres préoccupations prennent une nouvelle dimension, comme le développement des pratiques délinquantes ou criminelles parmi les mineurs ou les facilités apportées aux délinquants et criminels par certains progrès technologiques. Cette tendance est également confortée par les progrès de la prévention situationnelle dans la mesure où la protection renforcée des biens peut entraîner une vulnérabilité accrue des personnes.
Faire face à cette situation nécessite de sortir des schémas de pensée traditionnels, d’une part en réexaminant dans le détail les modes d’action et leur efficacité, d’autre part en travaillant autrement et avec d’autres acteurs, chaque fois que nécessaire. Cette stratégie passe, en premier lieu, par un recensement hiérarchisé des risques et des menaces, pour ensuite fixer des objectifs en délimitant précisément les territoires concernés, tout en priorisant les actions à conduire et en adaptant le mode de fonctionnement des organisations.
Il s’agit de continuer à améliorer les résultats en matière de délinquance afin de répondre aux besoins de sécurité des Français. Dans une situation budgétaire contrainte où tout doit être fait pour maîtriser la dépense publique, ce qui oblige à faire preuve de responsabilité en matière de ressources humaines, il convient d’améliorer la performance par la mise en place de moyens juridiques et technologiques innovants.
L’action engagée pour faire reculer la délinquance et lutter contre toutes les formes de criminalité s’organise dès lors selon quatre axes principaux.
Assurer la sécurité partout et pour tous grâce à une approche globale de la politique de sécurité
La diversité des risques et des menaces conduit à concevoir une politique de sécurité globale qui dépasse le clivage traditionnel entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. C’est précisément ce à quoi invite le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en 2008 à la demande du Président de la République. Il s’agit, en effet, d’assurer à l’ensemble de la collectivité un niveau suffisant de prévention et de protection contre ces menaces, de quelque nature qu’elles soient et en quelque endroit qu’elles se manifestent. Cela signifie de prendre en compte l’échelle des territoires qui peut considérablement varier, l’impact des différents flux sur la sécurité intérieure, le renseignement pour déceler les signes annonciateurs de crise et enfin les événements naturels, accidentels ou provoqués, qu’il faut savoir anticiper, gérer et maîtriser.
Optimiser l’action des forces de sécurité intérieure dans le cadre d’un rapprochement police/gendarmerie fondé sur la complémentarité, la coopération opérationnelle et la mutualisation des moyens
La loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale a garanti le respect de l’identité des deux forces de sécurité et, tout particulièrement, l’identité militaire de la gendarmerie. Il n’y a donc pas fusion mais rapprochement. Ce rapprochement n’est pas synonyme de compétition ou de juxtaposition, mais s’inscrit dans une démarche de complémentarité et d’efficacité opérationnelle. Si des résultats tangibles ont déjà été obtenus grâce à la mutualisation des fonctions support, la coopération doit être développée dans le domaine opérationnel, comme c’est déjà le cas au sein des groupes d’intervention régionaux (GIR), des offices centraux, du réseau des attachés de sécurité intérieure ou de la coordination des forces mobiles. Cette synergie et cette complémentarité opérationnelles sont un des enjeux majeurs de l’adaptation de nos forces de sécurité intérieure d’ici à 2013 et l’une des conditions de la baisse durable de la délinquance.
Accroître la modernisation des forces de sécurité en intégrant pleinement les progrès technologiques
Cette modernisation conditionne l’amélioration des capacités d’élucidation et contribue à substituer une culture de la preuve à une culture de l’aveu. Elle a pour finalité d’accroître les performances des outils de prévention, de détection et de protection, afin de s’adapter aux nouvelles menaces et aux formes naissantes de délinquance. Elle veillera notamment à mettre de nouveaux outils à la disposition des services enquêteurs afin de lutter contre les infractions à caractère sériel et la criminalité organisée.
Cette modernisation porte également sur la protection des policiers et gendarmes, le renforcement des moyens de police technique et scientifique et le développement des outils d’investigation technique, de recueil et de traitement du renseignement. Elle a également pour but de systématiser le recours aux moyens vidéo, de doter les services de nouveaux types d’équipement et d’armement, en particulier les moyens de force intermédiaire, de renforcer les moyens de lutte contre la cybercriminalité et d’intensifier le recours aux moyens aériens.
Rénover le management des ressources humaines et les modes d’organisation
L’évolution des modes d’organisation et de gestion des ressources humaines et matérielles doit correspondre aux évolutions de la société. Aussi convient-il de :
– ouvrir encore plus largement le recrutement à toutes les catégories de la population ;
– développer les logiques de formation permanente, de validation des acquis et de promotion sociale ;
– permettre la fidélisation sur les zones difficiles en accroissant les efforts d’accompagnement social, notamment par un accès privilégié au logement, que ce soit par des logements à loyer modéré ou par l’accession sociale à la propriété ;
– privilégier les logiques fonctionnelles et les filières de métier dans l’organisation des services ; à ce titre, la rénovation de la gestion des ressources humaines de la police nationale passe à la fois au niveau central par la fusion des deux directions de l’administration et de la formation et au niveau déconcentré par le développement de projets de service ;
– moderniser le maillage territorial au service de la sécurité au quotidien.
Le protocole « corps et carrières » de la police nationale continuera naturellement d’être mis en œuvre, comme prévu, jusqu’en 2012. La gendarmerie mettra en place la nouvelle grille indiciaire « défense » et respectera le calendrier et les objectifs du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), d’ici 2012.
La LOPSI 2003-2007 avait programmé, pour la police, 2 750 millions d’euros, dont l’essentiel (57 %) pour les crédits du titre 2 et, pour la gendarmerie, 2 800 millions d’euros (dont 40 % de crédits du titre 2).
Les crédits de paiement des missions « Sécurité » et « Sécurité civile », hors charges de pensions, exprimés en millions d’euros, évolueront sur la période 2009-2013 conformément au tableau suivant :
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
|
Sécurité |
11 456 |
11 438 |
11 452 |
11 554 |
11 766 |
Sécurité civile |
381 |
381 |
383 |
442 |
436 |
Total |
11 837 |
11 819 |
11 835 |
11 996 |
12 201 |
Au sein de ces crédits, la LOPPSI identifie et programme les ressources indispensables qui permettront à la gendarmerie, à la police et à la sécurité civile sur la période 2009 à 2013, d’améliorer la modernisation, la mutualisation et le management de la sécurité intérieure. Ces ressources incluent les effets du plan de relance, qui réalise une anticipation d’achats de véhicules : 100 millions d’euros de dépenses ont ainsi été anticipés en 2009, qui devaient initialement être réalisés à hauteur de 45 millions d’euros en 2011 et 55 millions d’euros en 2012.
Ces ressources, en crédits de paiement, hors charges de pensions, exprimés en millions d’euros, sont retracées dans le tableau suivant :
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Total |
|
Titre 2 |
67 |
124 |
151 |
195 |
228 |
766 |
Hors titre 2 |
120 |
251 |
332 |
462 |
608 |
1 773 |
Total |
187 |
375 |
483 |
657 |
836 |
2 539 |
La mise en œuvre de ces moyens fera l’objet d’un rapport annuel présenté au Parlement dans le cadre du débat budgétaire portant sur les missions « Sécurité » et « Sécurité civile ».
Ces projets marquent la volonté des institutions de se doter de moyens faisant appel à la haute technologie, au service de la sécurité publique générale et de la lutte contre toutes les formes de délinquance.
I. – ASSURER LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS GRÂCE À UNE APPROCHE GLOBALE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ
Assurer la sécurité partout et pour tous est une mission dont la responsabilité incombe, au premier chef, à la police et à la gendarmerie nationales. Mais la prise en compte des nouveaux enjeux impose de recomposer l’architecture générale de la sécurité, avec une meilleure répartition des tâches entre les acteurs concernés pour clarifier les missions des uns et des autres et recentrer policiers et gendarmes sur leur cœur de métier. Cela suppose de mobiliser l’ensemble des ressources au sein de territoires aux périmètres redéfinis et de mettre en cohérence les différentes réponses à apporter, qu’elles soient préventives, dissuasives ou répressives. L’approche globale des problématiques de sécurité induit, nécessairement, une politique transversale et partenariale.
1. Mobiliser tous les acteurs au service de la sécurité de nos concitoyens
La nécessité d’apporter une réponse globale aux problèmes de sécurité conduit tout d’abord à instaurer et à développer des procédures d’action interministérielles.
Plusieurs ont été récemment engagées ou confortées. Ainsi, une circulaire commune a été signée le 23 septembre 2009 avec le ministre chargé de l’éducation nationale afin de renforcer la sécurité des établissements scolaires. Elle prévoit, notamment, de multiplier les opérations de sécurisation aux abords des établissements et de généraliser la pratique des diagnostics de sécurité, éventuellement complétés de diagnostics de sûreté, dont les préconisations, comme le développement de la vidéoprotection, doivent être mises en œuvre pour renforcer la prévention situationnelle des lycées et collèges.
Ce même jour était signé, avec le ministre chargé du budget, un protocole précisant les modalités de l’implication de cinquante agents du fisc dans la lutte contre l’économie souterraine dans certains quartiers, en étroite collaboration avec les services de police et de gendarmerie. L’objectif est de « redresser » les activités lucratives non déclarées qui permettent à certains trafiquants d’afficher un train de vie sans commune mesure avec les revenus qu’ils sont censés officiellement percevoir. Dans ce cadre, en liaison avec l’autorité judiciaire, le recours à la procédure de saisie sera développé.
De même, un rapprochement opérationnel, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, sera réalisé entre les services de douanes d’une part et les services de police et de gendarmerie nationales d’autre part.
Parallèlement, la coopération entre les préfets et les procureurs de la République a été renforcée avec la création à l’été 2009 des états-majors de sécurité. Préfets et procureurs réunissent ensemble et chaque mois les états-majors départementaux de sécurité chargés d’impulser les politiques de sécurité dans chaque département.
Ce travail partenarial doit être, à la fois, intensifié et étendu à tous les acteurs institutionnels intéressés par les problématiques de sécurité.
Les maires ont un rôle clé à jouer en matière de prévention de la délinquance et il ne s’agit pas là d’une action subsidiaire de lutte contre l’insécurité, mais d’un mode d’action à part entière. La mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne de prévention est un facteur de réussite fondamental. Le plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, présenté le 2 octobre 2009, a pour objectif d’exploiter toutes les possibilités offertes par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Il vise, entre autres, à mieux coordonner l’action des acteurs locaux de la prévention, en plaçant le maire au cœur du dispositif.
C’est dans le même esprit que doit être systématisée et développée la complémentarité avec les polices municipales. Celles-ci jouent un rôle essentiel en matière de sécurité de proximité et les modalités de leur coopération avec les services de police et de gendarmerie devront être précisées au travers, notamment, d’une nouvelle convention-cadre. En effet, si elles sont un maillon important de la chaîne de sécurité intérieure, leurs missions, leurs modes d’organisation et leurs moyens affichent une grande hétérogénéité.
Les entreprises de sécurité privée sont également devenues un acteur à part entière de la sécurité intérieure. Elles interviennent dans des domaines où certaines compétences peuvent être partagées, voire déléguées par l’État. Mais cette répartition des tâches doit se faire dans la transparence et en parfaite complémentarité entre des acteurs clairement identifiés. Il conviendra, à cet égard, de définir le champ du partenariat opérationnel à développer entre le ministère de l’intérieur et les représentants du secteur de la sécurité privée, en respectant une triple exigence d’éthique, de compétence et de contrôle des secteurs ainsi délégués au secteur privé.
La sécurité étant l’affaire de tous, la mobilisation doit également s’étendre à l’ensemble des citoyens, qu’ils participent aux réunions de quartier animées par les policiers ou les gendarmes, qu’ils s’investissent plus activement au sein du service volontaire citoyen de la police nationale ou qu’ils rejoignent le dispositif de « participation citoyenne » développé par la gendarmerie nationale.
2. Mieux répondre aux besoins de sécurité des différents territoires
Les mutations de ces dernières années ont vu s’organiser différemment une délinquance qui n’a pas attendu pour s’adapter aux nouvelles concentrations de population, aux réseaux de communication et aux modes de transports, s’affranchissant depuis longtemps des frontières administratives.
La criminalité étant devenue plus mouvante, des bassins de délinquance ont émergé, dessinant des zones incluant les lieux de commission des infractions et ceux où résident habituellement leurs auteurs, sans qu’il y ait nécessairement concordance avec les frontières administratives de la circonscription, de la brigade ou même du département. Pour autant, il importe que les forces de sécurité soient en mesure de prévenir ces actes délictueux et, dès lors qu’ils ont été commis, de poursuivre leurs auteurs, sans que les limites administratives territoriales n’entravent leur action.
L’analyse fine de la nature, du volume et de la fréquence des actes de délinquance, ainsi que de l’amplitude de la mobilité de leurs auteurs a permis de bâtir une cartographie définissant les contours des bassins au sein desquels l’action des forces de sécurité doit s’organiser de façon plus efficiente, sous un commandement unique et cohérent.
C’est sur la base de ce constat que la « police d’agglomération » a été mise en place, le 14 septembre 2009, en région parisienne. Il s’agissait de mettre en œuvre une intégration de l’organisation policière à l’échelle de Paris et des trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), c’est-à-dire sur un territoire qui constitue une zone urbaine continue, aux dimensions limitées et à forte densité de population.
Cette police d’agglomération, placée sous l’autorité du préfet de police, favorise, grâce à la mutualisation des unités et renforts projetables, une optimisation de la présence policière sur la voie publique, aux heures et dans les lieux où la délinquance est la plus forte. En permettant aux services de police d’agir plus efficacement, elle améliore les conditions de sécurité dans toute l’agglomération parisienne.
Ailleurs en France se dessinent des espaces urbains dépassant largement les limites administratives des communes centre, les flux de population se densifiant et s’accélérant grâce, notamment, au développement important des réseaux de transports. Ces flux concernent également la délinquance, qui profite des mêmes facilités de déplacement. Aussi a-t-il été décidé d’étendre le dispositif de la police d’agglomération à d’autres grandes villes comme Lille, Lyon et Marseille. En effet, pour lutter plus efficacement contre le phénomène de délinquance, chaque jour plus mobile, il faut mettre en place une organisation supracommunale qui prenne en compte cette nouvelle réalité qu’est l’agglomération et si possible la confier à une seule et même force. Lorsque les territoires continuent de relever de forces différentes, un renforcement de la coopération s’impose naturellement entre police et gendarmerie. Cette coopération doit être de première importance dans les zones périurbaines, qui constituent des zones tampon entre la ville et la profondeur des territoires. Cette évolution majeure dans l’approche des problématiques de sécurité a vocation à s’étendre à d’autres agglomérations.
Par ailleurs, la logique qui préside à l’organisation des forces de police dans les grandes agglomérations doit également inspirer l’évolution du dispositif sur le reste du territoire où existe un maillage hérité de l’histoire qu’il convient d’améliorer en y apportant les adaptations nécessaires. La sécurité doit être appréhendée, aujourd’hui, sous un angle global et les citoyens qui ne vivent pas dans les grandes agglomérations, qui circulent ou qui séjournent temporairement hors de celles-ci, doivent bénéficier d’un niveau équivalent de sécurité.
À une vision statique de la géographie sécuritaire, il faut substituer une vision dynamique. À l’instar de la police d’agglomération, la police des territoires doit mettre en œuvre, avec les forces de la gendarmerie nationale, une stratégie homogène de la sécurité au profit de la population répartie sur des territoires étendus et hétérogènes.
La police des territoires doit être capable de contrôler des espaces étendus, composés de petites villes, de zones périurbaines et de zones rurales, ainsi que les flux nationaux et internationaux de personnes et de biens qui les traversent. Elle doit être parallèlement en contact permanent avec une population dispersée. Tout en s’appuyant sur le maillage des brigades et l’organisation intégrée de la gendarmerie, elle doit favoriser la subsidiarité et la mobilité des unités appelées à intervenir en dehors de leur périmètre d’action habituel.
Police d’agglomération, police des territoires et mise en cohérence territoriale chaque fois que nécessaire constitueront les éléments clés de l’action engagée pour adapter les forces de police et de gendarmerie aux nouveaux bassins de délinquance.
3. Mieux mobiliser les différentes réponses : prévention, dissuasion et répression
Il ne peut y avoir d’action efficace contre la délinquance qu’à la condition d’agir de façon cohérente et combinée sur les différents leviers que sont la prévention, la dissuasion et la répression, sans omettre la communication qui permet d’expliquer les raisons qui prévalent au choix du mode d’intervention.
La sécurité est une chaîne qui va de la prévention de la délinquance à l’exécution effective d’une peine, mais également jusqu’à la réinsertion du délinquant une fois que sa peine a été exécutée. Chaque victime est une victime de trop. La prévention doit donc être considérée comme l’un des volets essentiels de la lutte contre la délinquance. La mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2010, des dispositions du plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes permet de mobiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne de prévention et d’exploiter toutes les possibilités offertes par la loi du 5 mars 2007 n° 2007-297 précitée. Cette mobilisation porte tant sur les procédures que sur des objectifs renouvelés, selon des modalités simples, opérationnelles et efficaces. Les maires sont appelés à jouer un rôle fondamental dans la coordination des différents acteurs locaux, en particulier dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Ils sont au cœur du dispositif.
Parmi les objectifs de ce plan gouvernemental figure, notamment, le développement de la vidéoprotection, en association avec les maires. La vidéoprotection a un effet préventif et dissuasif certain et son exploitation facilite l’identification des auteurs d’infractions. D’ailleurs, une majorité de Français est favorable à l’installation de caméras pour améliorer la sécurité générale. Selon un rapport de l’inspection générale de l’administration (juillet 2009), les crimes et délits chutent, en effet, deux fois plus vite dans les villes équipées que dans celles où aucun dispositif n’est installé. L’objectif est de tripler en deux ans le nombre de caméras installées sur la voie publique (environ 20 000 en 2009).
C’est ce même souci d’une meilleure coordination des différents leviers que sont la prévention, la dissuasion et la répression qui a conduit à la mise en place des états-majors départementaux de sécurité. Afin d’améliorer et de rendre plus efficace la lutte contre la délinquance, il importait de faire en sorte qu’existe une véritable continuité entre l’action menée sous la responsabilité de l’autorité préfectorale et celle relevant de l’autorité judiciaire. Organe opérationnel du comité départemental de sécurité, l’état-major départemental de sécurité, sous la présidence conjointe du préfet et du procureur de la République, permet un pilotage plus fin et une réponse mieux coordonnée de l’action menée au plan local contre les différents phénomènes criminels et délictuels.
Agir efficacement contre la délinquance c’est, également, mobiliser toutes les ressources juridiques qui peuvent aider au quotidien l’action des services de police et de gendarmerie. C’est notamment le cas des mesures de police administrative. Elles constituent un moyen d’action dont l’utilité est avérée, qu’il s’agisse des pouvoirs de police générale du maire et/ou du préfet, ou qu’elles portent sur des domaines plus spécialisés tels que les débits de boisson, les établissements de nuit, les lieux festifs, les brocantes, vide-greniers, dépôts-vente ou sur la sécurité des établissements recevant du public.
Au-delà de la mobilisation des instruments juridiques existants, il convient d’adapter la législation et la réglementation aux besoins de sécurité et aux évolutions de la délinquance. Les attentes de nos concitoyens évoluent, les besoins de sécurité évoluent, la loi doit aussi évoluer. C’est toute l’ambition de la présente loi qui vise précisément à renforcer la protection des citoyens et la tranquillité nationale. De nouveaux moyens juridiques seront mis en place, comme celui permettant de réprimer plus sévèrement les cambriolages ou les agressions de personnes âgées, ou ceux permettant aux forces de police et de gendarmerie de disposer d’instruments juridiques mieux adaptés aux nouvelles formes de délinquance ou aux possibilités technologiques.
4. Mieux lutter contre les différentes formes de délinquance
Les services de police et de gendarmerie doivent être en mesure de faire face plus efficacement aux différentes formes de délinquance existantes, tout comme ils doivent être en situation de prendre en compte les formes de délinquance émergentes, telles celles relevant, par exemple, de la cybercriminalité. L’action des forces de sécurité s’inscrit, en effet, dans un environnement mouvant et incertain, car le phénomène de délinquance est à la fois évolutif, changeant et protéiforme. La délinquance présente une physionomie de plus en plus diversifiée, qu’il s’agisse des délinquants eux-mêmes, avec la part de plus en plus importante prise par les mineurs ou les jeunes femmes, ou des modes opératoires qui s’adaptent en temps réel aux évolutions technologiques ou aux modes d’intervention des forces de sécurité.
La nécessité s’impose de renforcer l’action dans trois domaines prioritaires : la lutte contre le trafic de drogue, la lutte contre les violences aux personnes et notamment contre les bandes, enfin la délinquance des mineurs.
Les trafics de stupéfiants constituent un véritable fléau par la nature des problèmes qu’ils génèrent. Ils corrompent tout d’abord la jeunesse, favorisent le développement d’une économie souterraine de plus en plus puissante et engendrent de très nombreux actes de délinquance pouvant aller jusqu’à la professionnalisation de certains réseaux criminels.
Aussi, le plan global de lutte contre le trafic de drogue prévoit-il d’agir aussi bien contre les gros trafiquants que contre les dealers de proximité. Le 11 décembre 2009 a été installé auprès du ministre de l’intérieur un secrétaire général chargé de définir et de mettre en œuvre la politique de lutte contre le trafic de drogue dans le cadre d’une action interministérielle très étroite. La mise en application de ce plan exige une totale implication des états-majors départementaux de sécurité, afin de décliner, au plan territorial, les dispositions du plan national. L’action s’organise à partir de l’élaboration d’une cartographie précise des territoires où s’exercent les trafics. Des opérations « coups de poing » sont organisées dans les quartiers les plus touchés par le phénomène afin de déstabiliser les trafiquants et faire reculer le « deal » de proximité, tout spécialement aux abords des établissements scolaires.
Si ce plan appelle à une plus grande mobilisation des structures existantes, avec, en particulier, un recentrage de l’activité des groupes d’intervention régionaux (GIR), il prévoit, également, un renforcement des moyens :
– humains, avec notamment l’affectation, depuis le 1er décembre 2009, de cinquante inspecteurs des services fiscaux au sein des « groupes cités » des services de police et de gendarmerie, ou la création de nouvelles unités cynophiles,
– technologiques, dans les domaines, en particulier, de la géo-localisation et de la télédétection,
– ou juridiques, avec la création d’un cadre juridique adapté pour améliorer la circulation et le partage des informations entre les services administratifs, policiers et judiciaires concernés et partager les informations soumises au secret professionnel, pour faciliter l’identification et la saisie des avoirs criminels.
Cet arsenal est complété par un important volet européen et international de nature non seulement à harmoniser les législations et les pratiques professionnelles, mais aussi à échanger encore plus efficacement les informations opérationnelles nécessaires pour combattre les trafics au plan international.
La lutte contre les violences aux personnes est une préoccupation majeure, tant elle paraît difficile à mener, du moins pour certaines composantes de cet agrégat. C’est le cas, notamment, des violences intrafamiliales sur lesquelles les services de police ou de gendarmerie n’ont qu’une influence minime, dès lors qu’elles se déroulent dans l’intimité du foyer familial et qu’elles ne font pas l’objet d’un signalement. C’est en améliorant les conditions d’accueil dans les commissariats et les brigades et en aidant et accompagnant celles et ceux qui ont le courage de briser la loi du silence qu’on parviendra à améliorer la prévention de ces comportements et à être plus efficace dans la répression des auteurs de ces actes de maltraitance. La mise en place, en octobre 2009, de brigades de protection de la famille vise à mieux faire face à ces situations difficiles qui touchent les publics particulièrement vulnérables comme les femmes battues, les mineurs victimes de violences et les personnes âgées maltraitées.
Mais les atteintes à l’intégrité physique sont aussi, et trop souvent, le fait de bandes, plus ou moins organisées, qui terrorisent un quartier, un immeuble et/ou un moyen de transport et tentent d’imposer par la violence leur propre vision du monde. Lutter contre ce phénomène étroitement lié à ceux de la drogue et de l’économie souterraine est une nécessité absolue. Dès le mois d’octobre 2009, des groupes spéciaux d’investigation sur les bandes ont été mis en place dans les trente-quatre départements les plus touchés par les violences urbaines et des référents ont été désignés dans tous les autres services. Par ailleurs, la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique permet, désormais, de remplir plus efficacement la mission de prévention des phénomènes de violence et donc, de mieux lutter contre les bandes. En région parisienne, la mise en œuvre de la police d’agglomération qui permet de coordonner l’action de 33 000 policiers sous le commandement unique du préfet de police facilite les synergies opérationnelles et renforce l’efficience des services dans la lutte contre les violences et les bandes. Enfin, l’incrimination de l’appartenance à une bande violente complétera utilement l’arsenal législatif en la matière.
La délinquance des mineurs constitue le troisième axe sur lequel les forces de sécurité doivent faire porter leurs efforts. En effet, la part des mineurs dans la délinquance générale s’élève à 18 %. Le nombre total des mineurs mis en cause a progressé de 15,21 % entre 2002 et 2008. De surcroît, ces mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes. Ces mineurs sont majoritairement impliqués dans des faits de dégradations, de vols, de violences ou d’infractions à la législation sur les stupéfiants. La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 précitée établit un cadre général d’action pour combattre la banalisation de la violence, depuis les incivilités à l’école, jusqu’aux bagarres entre bandes. Au-delà de l’activité des brigades de protection de la famille et des brigades de prévention de la délinquance juvénile, les référents et correspondants police-jeunesse développent des actions de prévention en direction de la jeunesse. Les correspondants sécurité-écoles remplissent également ce rôle dans le cadre du partenariat établi avec l’éducation nationale. Les policiers et gendarmes formateurs anti-drogue sensibilisent les jeunes en milieu scolaire. Le concept de sanctuarisation de l’espace scolaire (SAGES) mis en place par la gendarmerie contribue à améliorer la sécurité des établissements les plus sensibles. Le plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes 2010-2012 prévoit une batterie de mesures pour mieux prévenir la délinquance des mineurs, notamment de ceux qui sont déscolarisés. Parmi celles-ci figure la systématisation de l’échange d’informations entre acteurs concernés pour faciliter le repérage des mineurs dont la situation est préoccupante au regard du risque de passage à l’acte ou de récidive, ainsi que le renforcement de la collaboration entre les institutions pour assurer une réponse rapide et adaptée qui s’adresse tant aux mineurs concernés qu’à leurs familles. Les brigades de protection de la famille sont mobilisées dans le cadre de ce plan en vue, également, d’initier et d’animer des actions de prévention. Des mesures plus dissuasives sont à l’étude, comme celles consistant à permettre aux préfets de décider d’un couvre-feu ciblé pour des mineurs de 13 ans.
5. Préparer l’avenir
Il s’agit, d’abord, de faire en sorte que les forces de sécurité puissent s’adapter aux évolutions de la délinquance liées aux nouvelles technologies. Cela passe à la fois par la recherche, mais également par l’acquisition de nouveaux équipements et la formation des personnels. Le développement des nouvelles technologies doit être mis à profit dans tous les domaines intéressant l’activité des services, aussi bien dans les missions de sécurité générale qu’en matière de lutte anti-terroriste ou d’investigation judiciaire : traitement de l’information et des données techniques, moyens de communication, d’observation et d’enregistrement, vidéoprotection, biométrie, matériel roulant, moyens aériens et nautiques, systèmes de signalisation, armement, équipements de protection…
La préparation de l’avenir nécessite, aussi, de conforter la protection du territoire et de la population, en France comme à l’étranger, d’une part contre les menaces terroristes ou extrémistes et, d’autre part, contre les nouvelles formes d’insécurité susceptibles de se développer au niveau mondial. Déjà, la globalisation économique permet une propagation de la criminalité organisée ; la multiplication des conflits extérieurs porte la menace d’une possible transposition sur notre territoire ; les infrastructures critiques d’importance vitale constituent des cibles potentielles pour les organisations criminelles et le cyberespace devient le champ d’action des criminels de tous genres. La vigilance est donc de rigueur et doit rester tendue vers la détection des signaux faibles, précurseurs ou annonciateurs de menaces ou de crises imminentes.
D’autres vulnérabilités, liées aux évolutions sociales et sociétales, sont à prendre en compte dès à présent. C’est précisément le cas du vieillissement démographique qui donne naissance à de nouvelles fragilités. Les personnes âgées sont notamment des cibles privilégiées dans le cadre du développement des escroqueries et de la délinquance itinérante. Elles sont, en outre, beaucoup plus sujettes aux pressions et sollicitations de leur entourage, comme elles sont plus exposées aux infractions sanitaires et sociales au sein des établissements spécialisés ou à domicile. Cette problématique particulière a fait l’objet d’une mission temporaire confiée par le Premier ministre à M. Édouard Courtial, député, afin d’analyser les besoins de sécurité liés au vieillissement de la population et de proposer un plan d’action.
Préparer l’avenir, c’est aussi développer de nouvelles relations entre les forces de sécurité et la population. Seules une police et une gendarmerie exemplaires, c’est-à-dire agissant dans le respect des valeurs républicaines, peuvent être efficaces. Cette efficacité réside dans la qualité de la réponse que les deux forces apportent aux attentes du corps social dont elles procèdent et qui les a investies. La déontologie est donc au cœur des relations entre les représentants des forces de sécurité et les citoyens. C’est parce que la déontologie est et sera respectée que s’établira un véritable lien de confiance avec la population. C’est le respect de la déontologie qui permet d’affirmer le sens du discernement et de conforter l’éthique de la responsabilité, gages du professionnalisme des policiers et des gendarmes.
La qualité de ce lien tissé avec la population sera d’autant plus grande que les victimes seront prises en charge avec toute la considération qui leur est due. L’aide aux victimes constitue l’une des quatre priorités du plan national de prévention de la délinquance. C’est dans ce cadre que sera développé le dispositif des intervenants sociaux dans les services de police et de gendarmerie, de même que les permanences d’associations d’aide aux victimes. L’expérimentation de la pré-plainte en ligne puis, le cas échéant, son extension, peut contribuer à améliorer l’accueil des victimes en facilitant les démarches des usagers, et des initiatives nouvelles seront prises pour favoriser le dialogue entre les forces de sécurité et la population et, notamment, avec les jeunes.
Enfin, les états statistiques existants seront enrichis dans leur contenu et adaptés dans leur présentation. Au terme de la réflexion conduite avec l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), seront proposés de nouveaux outils qui offriront non seulement un support de communication pertinent, mais également les moyens de mieux mesurer les attentes de la population et de permettre un pilotage plus fin de l’activité des services, ainsi que des indicateurs appropriés pour évaluer la performance des différents services et des principaux acteurs, et les résultats concrets obtenus en matière de lutte contre l’insécurité.
II. – OPTIMISER L’ACTION DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT POLICE/GENDARMERIE
La gendarmerie nationale est placée sous l’autorité fonctionnelle du ministre de l’intérieur depuis le 15 mai 2002 pour ses missions de sécurité intérieure. La loi n° 2009-971 du 3 août 2009 précitée a scellé son rattachement organique, tout en garantissant le statut militaire de la gendarmerie. Le rapprochement des deux forces sous un seul et même commandement est une réforme majeure et structurante pour les années à venir. Il ne s’agit pas d’instaurer une concurrence entre police et gendarmerie, mais de développer les complémentarités dans un but essentiellement opérationnel. L’objectif est, en effet, de donner plus d’efficacité aux dispositifs de sécurité, certes en mutualisant les moyens, mais surtout en développant les synergies et en renforçant la maîtrise des territoires. Beaucoup a déjà été entrepris en ce sens, mais la symbiose ne pourra être effective qu’à la condition d’être progressive et résolue pendant la période couverte par la LOPPSI.
1. Optimiser la coopération et la complémentarité opérationnelles
La coopération doit être développée dans le domaine opérationnel, comme c’est déjà le cas au sein des groupes d’intervention régionaux (GIR), des offices centraux, du réseau des attachés de sécurité intérieure ou de la coordination des forces mobiles.
Un travail d’analyse systématique des compétences opérationnelles et des actions des deux forces a été engagé. Il doit déboucher sur un schéma d’organisation des forces de sécurité intérieure qui soit le mieux adapté à l’efficacité opérationnelle dans les différents domaines d’activité, comme le renseignement, la sécurité générale, l’ordre public, la police judiciaire ou la coopération internationale. Ce schéma, qui tendra à réduire les doublons et les redondances, proposera, selon les cas, de désigner une direction pilote, de mettre en place une structure d’action commune, d’élaborer un protocole de coopération ou de dégager des doctrines d’emploi ou des règles d’action communes. Cette démarche engagée au deuxième semestre 2009 sera menée à bien dans le courant de l’année 2010. D’ores et déjà, il a été décidé de créer une structure d’action commune dans le domaine de la coopération internationale. En outre, les systèmes d’information et de commandement et les technologies de la sécurité intérieure participant directement à l’efficacité et à la modernisation des forces, il a été décidé de créer une structure commune pour favoriser les synergies.
Au-delà de ces ajustements, il s’agira de réaliser une approche plus globale en termes d’organisation, de couverture territoriale et de fonctionnement des forces de sécurité intérieure.
Ainsi, les ressources de la police et de la gendarmerie doivent être optimisées pour répondre au mieux aux attentes de la population en prenant en compte la réalité de la délinquance et son évolution. L’effort doit porter sur la recherche de la meilleure adaptation, localement, du dispositif tout en préservant les liens de confiance avec la population, en améliorant la capacité de lutte contre les diverses formes d’insécurité et en mettant à profit le développement des nouvelles technologies.
La mise en œuvre des redéploiements des zones de sécurité publique entre les deux forces, associée à l’évolution des charges auxquelles la gendarmerie et la police devront faire face, nécessitera une adaptation des modes d’organisation et de fonctionnement. Le cadre réglementaire régissant la compétence territoriale de la gendarmerie et de la police nationales sera aménagé afin d’assurer une plus grande cohérence opérationnelle pour couvrir les différents bassins de délinquance.
Les missions de garde et d’escorte au profit des centres de rétention administrative (CRA) seront intégralement transférées à la police aux frontières ; le schéma des forces mobiles de la gendarmerie sera aménagé pour tenir compte de ce transfert. Plus généralement, l’évolution des missions des forces mobiles de la gendarmerie et de la police rendra nécessaire une adaptation de leurs conditions d’emploi.
Tout en garantissant une qualité de l’offre de sécurité au moins équivalente selon le mode d’organisation et de fonctionnement propre à chaque force, l’attention sera portée notamment sur un rééquilibrage des moyens entre les territoires. Les délais d’intervention devront rester adaptés à la nature des zones, au nombre et à la fréquence des sollicitations.
Tirant les enseignements de la généralisation des différents contrôles automatisés, les modalités d’emploi des unités spécialisées en sécurité routière seront également réaménagées et un effort particulier sera consacré au réseau dit secondaire.
2. Systématiser la mutualisation des moyens et des actions de gestion en matière de ressources humaines
Au plan de l’appui opérationnel, la lutte contre les violences urbaines, les troubles graves à l’ordre public et l’immigration clandestine imposent l’intensification du recours aux moyens spécialisés.
Dans ce cadre, afin d’optimiser l’utilisation des matériels dont les coûts d’acquisition et de maintenance sont particulièrement élevés, les moyens aériens et nautiques, les véhicules blindés et les fourgons-pompes de la police et de la gendarmerie seront engagés au profit des deux forces. Les bornes de signalisation par empreintes digitales de la police pourront dans certains départements être ouvertes aux services de gendarmerie.
Pour ce faire, des protocoles seront systématiquement établis pour compenser les coûts liés à l’augmentation d’activité, coordonner l’engagement de ces moyens et garantir une réactivité optimale.
La convergence sera activement engagée en matière d’équipements automobiles et de moyens de communication. Les deux forces opérationnelles se doteront massivement de systèmes embarqués dans les véhicules d’intervention.
Après l’achèvement du déploiement du réseau de communication de la police (ACROPOL), une convergence des nouveaux vecteurs de communication des différents services de la sécurité intérieure devra être recherchée pour une interopérabilité complète, à terme, de leurs réseaux de transmission. Les réseaux seront ouverts progressivement aux autres services contribuant à la sécurité dans la limite des ressources disponibles du réseau. Des modalités de gestion opérationnelle seront déterminées pour gérer le partage des ressources des réseaux ACROPOL (police et gendarmerie mobile) et ANTARES (réseau de communication des services départementaux d’incendie et de secours et de la sécurité civile) dans le cadre de la mise en place d’une infrastructure partagée des télécommunications.
Sur la base de ces réseaux, les centres d’information et de commandement (CIC) de la police seront modernisés pour fournir une réactivité optimale des forces. S’agissant des forces de gendarmerie, la poursuite du système départemental de centralisation de l’information COG RENS (projet ATHENA adossé au réseau RUBIS), offrira des fonctionnalités similaires.
L’optimisation des moyens de transports à vocation logistique sera assurée entre la gendarmerie et la police aux niveaux national et local.
La sécurité civile sera pleinement associée à cette démarche, notamment en ce qui concerne les aéronefs, les bases et la politique de maintenance. Dans le respect des objectifs opérationnels, cette mutualisation sera particulièrement recherchée outre-mer, où le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales se verra confier à partir de 2012 de nouvelles responsabilités en lieu et place des armées.
Le domaine des prestations de soutien constitue un champ de mutualisation privilégiée entre police et gendarmerie, notamment dans les domaines suivants : immobilier, moyens d’entraînement, équipement et maintenance automobile, police technique et scientifique, risque NRBC (nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique).
Mutualiser l’immobilier
S’agissant de l’immobilier, le redéploiement des zones de compétence entre police et gendarmerie, au cours des cinq prochaines années, conduira à un partage des implantations immobilières selon la nature des futurs services compétents.
Ce redéploiement des zones de compétence s’accompagnera d’une réorganisation de la conduite d’opérations. Les secrétariats généraux pour l’administration de la police (SGAP) sont appelés à devenir les services constructeurs de droit commun pour l’ensemble du ministère de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales. Quant à la définition et la mise en œuvre de la politique immobilière de la police et de la gendarmerie, elles sont confiées au secrétaire général du ministère sur la base des priorités définies par les deux directions générales concernées.
Une expérimentation de mutualisation et d’externalisation de la maintenance des infrastructures est actuellement menée en régions Auvergne et Limousin. Les résultats de cette expérimentation pourront conduire à une extension du dispositif à d’autres régions.
Des moyens d’entraînement communs
L’utilisation d’un centre d’entraînement commun à la lutte contre les violences urbaines sera favorisée dans l’optique du développement de standards européens, dynamique déjà engagée, par exemple, avec le centre national d’entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier (Dordogne).
De même, la formation à des spécialités communes à la police et à la gendarmerie pourra être mutualisée dans une même école ou un même centre.
Mutualiser l’équipement et le soutien automobile
Sauf exception, la mutualisation des achats, des équipements ainsi que du soutien automobile est désormais la règle entre les deux forces.
En matière d’habillement, la police nationale a externalisé cette prestation. La gendarmerie nationale mettra en œuvre des modalités d’externalisation de la gestion de son habillement.
Le nouveau site logistique de la police nationale de Limoges assurera désormais le soutien des armes et la transformation des véhicules spécifiques pour les deux forces.
Ses activités sont complémentaires de celles du site de la gendarmerie nationale du Blanc (Indre) qui se spécialisera dans le soutien des effets de matériels de protection et la mutualisation des transports de matériels en métropole et en outre-mer.
La complémentarité de ces deux sites permettra de rendre plus performante la coopération entre les deux forces, à commencer par la mutualisation, au Blanc, de la chaîne de reconditionnement des gilets pare-balles.
Le service de diffusion de la gendarmerie de Limoges exerce ses activités au bénéfice des deux forces.
Sur l’ensemble du territoire, police et gendarmerie ont engagé des actions en vue de mutualiser leurs ateliers de soutien automobile. Plus de soixante-dix projets sont aujourd’hui en cours d’étude, qui seront déclinés dans des plans zonaux de mutualisation du soutien automobile.
Enfin, la passation de marchés mutualisés de véhicules spécifiques a permis à la police et à la gendarmerie d’optimiser leurs coûts d’achats et d’entretien.
La définition conjointe de futurs véhicules permettra une optimisation financière dans la passation des marchés mais aussi une rationalisation déjà engagée dans le soutien mutuel.
Complémentarité dans le domaine de la police technique et scientifique
Dans le domaine de la police technique et scientifique, une complémentarité technique des interventions sera organisée, fondée sur la recherche du plus haut niveau de professionnalisme disponible sur un territoire donné, à l’instar de l’unité nationale d’identification des victimes de catastrophes (UNIVC). De même, l’harmonisation des technologies de pointe utilisées et leur concentration sur des sites uniques spécialisés par domaine particulier seront examinées et mises en œuvre le cas échéant. Une complémentarité technique pourra être étudiée dans certains départements en matière de recherche et de traitement des indices dans les plateaux techniques locaux. Des expérimentations ponctuelles pourront être proposées pour en évaluer les possibilités.
Une gestion partagée du risque NRBC
Comme le livre blanc sur la défense et la sécurité l’a souligné, l’évolution des menaces et des risques NRBC (nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique) impose d’améliorer et de renforcer la coordination des capacités de protection et de conduire des programmes de recherche et d’équipement.
Cet effort s’impose en tout premier lieu à la direction de la sécurité civile. Celle-ci devra disposer des capacités mobiles d’identification des agents chimiques et biologiques. Ainsi, est retenu l’objectif d’un parc de 16 véhicules de détection, prélèvement et identification biologique et chimique, et son évolution au fur et à mesure des avancées, pour assurer la couverture des seize principales agglomérations de métropole. De plus, le nombre de chaînes de décontamination mobiles sera triplé (68 en 2008) d’ici 2013, avec une attention particulière aux moyens disponibles dans les départements et collectivités d’outre-mer (DOM-COM).
Ainsi, l’interopérabilité entre le détachement central interministériel (DCI), chargé de l’intervention technique sur tout engin, et les unités d’intervention de la police et de la gendarmerie, dont l’action est tournée contre les auteurs d’une menace terroriste, sera développée. Cette complémentarité doit être obtenue et exploitée tant lors des phases préventives (détection, sécurisation des lieux, protection des cibles potentielles) que lors des phases d’intervention (neutralisation de la menace d’origine humaine, démantèlement de l’engin NRBC) ou de police judiciaire (préservation de la preuve), en garantissant la continuité des opérations.
Enfin, conformément aux préconisations du livre blanc, sera projetée la création d’un centre national de formation en matière NRBC. Ce centre aura vocation à regrouper l’ensemble des services, civils et militaires, susceptibles d’intervenir à ce titre. Il devra ainsi concourir à renforcer l’efficacité de l’État.
Mutualiser des actions de gestion en matière de ressources humaines
Au-delà des démarches déjà engagées de mutualisation dans le domaine logistique, d’autres formes de partenariat seront explorées, concernant notamment certains aspects du recrutement et de la formation, ainsi que certaines mesures relatives à l’accompagnement des gendarmes adjoints volontaires et des adjoints de sécurité.
S’agissant du recrutement, le partenariat doit permettre des économies d’échelle. Ainsi, dans le respect des conditions d’emploi attachées à l’état de militaire ou de fonctionnaire civil, la cohérence et la complémentarité des dispositifs de recrutement des deux institutions, dans l’organisation matérielle de la sélection, seront recherchées. En outre, les emplois de soutien techniques et administratifs des deux forces relèvent d’une même logique fonctionnelle et nécessitent le recrutement d’agents titulaires de qualifications identiques.
La gendarmerie, qui développera largement le recours aux personnels civils à l’occasion de la LOPPSI, fera appel aux moyens ministériels pour former ses nouveaux collaborateurs.
La formation des plongeurs des deux forces de sécurité sera assurée dans le centre existant de la gendarmerie implanté à Antibes. Des projets de mutualisation des centres de formation des maîtres-chiens et des motocyclistes sont actuellement à l’étude, une expertise de la faisabilité des opérations de regroupement étant en cours. La police, en étroite coordination avec la gendarmerie, assurera des formations spécialisées dans le domaine du renseignement et de la prévention situationnelle.
Enfin, la logique d’accompagnement des gendarmes adjoints volontaires et des adjoints de sécurité dans leur recherche d’emploi à l’issue de leurs contrats successifs est développée par les deux forces de sécurité. Cette démarche d’accompagnement sera étroitement concertée.
III. – ACCROÎTRE LA MODERNISATION DES FORCES EN INTÉGRANT PLEINEMENT LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES
1. Des policiers et des gendarmes mieux équipés pour faire face aux nouvelles menaces
Des tenues plus protectrices
Les phénomènes de violences urbaines et les agressions dirigées contre les forces de l’ordre, de plus en plus par usage d’armes à feu, rendent nécessaire l’adaptation continue des équipements des policiers et des gendarmes. Les exigences sont accrues en matière de résistance des matériaux utilisés pour les tenues ainsi que pour les véhicules : nouveaux textiles, nouvelles matières pour les effets pare-coups, les casques, les visières, les boucliers, etc.
Les risques croissants auxquels sont exposés les policiers justifient de passer d’une logique de dotation collective à un régime de dotation individuelle du casque pare-coups. Dans cette perspective, 40 000 casques seront acquis pour compléter l’équipement des policiers d’ici la fin 2010.
Les militaires de la gendarmerie mobile seront équipés d’une tenue d’intervention de nouvelle génération, de conception modulaire (insertion de coques souples ou rigides selon le besoin, protection contre les projections de produits corrosifs), tout en maintenant un certain confort grâce, notamment, à une meilleure isolation thermique. Par ailleurs, 4 000 gilets pare-balles à port apparent ainsi que des pare-coups et des chasubles d’emport pour les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) viendront améliorer la protection individuelle des gendarmes départementaux servant dans les zones les plus exposées.
Des moyens gradués d’intervention, notamment les moyens de force intermédiaire
La police et la gendarmerie se sont dotées depuis 1995 de lanceurs de balles « Flash Ball Super pro » de calibre 44 millimètres et de la grenade de dispersion.
Depuis 2006, elles ont engagé conjointement des procédures d’acquisition du pistolet à impulsions électriques, du lanceur de balles de défense (LBD de calibre 40x46 millimètres) et du dispositif d’interception des véhicules automobiles permettant la neutralisation d’un véhicule en toute sécurité par le dégonflage progressif des pneumatiques.
Au sein de la gendarmerie, le déploiement de dix stands de tir mobiles (en mutualisation avec la police nationale) dans les centres de formation et les départements les plus sensibles (également mutualisés avec la police nationale) permettra de parfaire la maîtrise des armes en dotation.
Le lanceur de balles de défense de 40x46 millimètres sera généralisé par l’acquisition de 4 300 matériels supplémentaires destinés aux unités spécialisées de la police (2 500) et de la gendarmerie (1 800) nationales.
Différents équipements, armes et munitions seront développés en partenariat pour diversifier la réponse à la violence : munitions marquantes, lacrymogènes, cinétiques, éblouissantes, incapacitantes, assourdissantes. Une attention particulière sera portée au développement de technologies nouvelles (générateurs de sons, munitions électriques, ...).
L’équipement de la gendarmerie mobile en moyens lourds de dégagement et d’appui au déplacement (engin du génie EGAME) ainsi que de neutralisation d’axes (dispositif de retenue du public DRAP dans la catégorie des barres ponts) sera poursuivi.
Des moyens d’observation adaptés à l’intervention nocturne en milieu urbain
Les équipements discrets pour les services de renseignement ou d’investigation permettront d’établir la participation à des faits délictueux et violents à base d’enregistrements numériques.
Un équipement automobile, instrument de la lutte contre la délinquance
Afin de prévenir toute contestation sur les modalités d’intervention des forces de l’ordre, l’expérimentation de vidéo embarquée dans les véhicules légers, engagée en 2006 dans la police et la gendarmerie nationales, sera étendue. Cette avancée technologique, corrélée à celle de la montée en puissance des centres d’information et de commandement de la police et des centres opérationnels de la gendarmerie, permettra un pilotage en temps réel des interventions des effectifs de la police nationale et des patrouilles de la gendarmerie nationale.
Le parc automobile s’adaptera aux phénomènes de violences urbaines. Ainsi, les compagnies d’intervention de la police nationale disposeront sans délai de véhicules adaptés à la nature de leurs missions et aux risques auxquels les personnels sont exposés.
Les policiers et les gendarmes, notamment ceux appelés à intervenir dans les zones sensibles, seront équipés de véhicules à la maniabilité et à la protection renforcées, intégrant des dispositifs de liaison permanente entre les personnels embarqués et au sol.
2. Des technologies nouvelles au service de la sécurité du quotidien
Au-delà de la poursuite des programmes déjà engagés, de nouveaux programmes visant une rupture technologique seront développés notamment en ce qui concerne la vidéoprotection, la biométrie, les moyens aériens de type drones et les outils de traitement de l’information.
Des technologies nouvelles embarquées pour un emploi plus rationnel des effectifs
Elles offrent, grâce à la sécurisation et au développement de la transmission des données, des outils de consultation des fichiers et des moyens de contrôle sur le terrain qui permettent aux policiers et aux gendarmes d’être plus efficaces dans leur travail de contrôle, mais aussi plus réactifs vis-à-vis de la population.
Dans cette optique, l’informatique embarquée dans les véhicules de police sera développée afin de faciliter la consultation des fichiers à distance.
D’ici à 2013, l’ensemble du parc des véhicules sérigraphiés de la sécurité publique et des CRS (10 000 véhicules) devra être équipé en terminaux embarqués polyvalents. La gendarmerie nationale a achevé en 2009 l’équipement des terminaux informatiques embarqués (TIE) de 6 500 véhicules et 500 motocyclettes.
La lecture automatique des plaques d’immatriculation
Le dispositif prévu par la loi de lutte contre le terrorisme de janvier 2006, actuellement en cours d’expérimentation, sera déployé par la police et la gendarmerie. Les douanes s’associeront au programme qui sera constitué de systèmes fixes et mobiles. Un système central permettra de traiter plus spécifiquement des données liées à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. 500 véhicules seront équipés du dispositif mobile.
Le renforcement des moyens de renseignement et de lutte contre le terrorisme
La collecte d’information et le traitement des données seront favorisés pour permettre de détecter les signaux faibles en amont de la commission d’attentat. Les outils de fouille opérationnelle, d’analyse de texte et des bases de données et la lutte contre le terrorisme NRBC sont autant d’axes de développement. L’effort d’équipement porte aussi sur le pistage de nouvelle génération miniaturisé, le traitement des données techniques liées à la téléphonie et à l’utilisation des réseaux IP, l’interception et le renseignement transfrontière.
La capacité de contre-renseignement sera également accrue par le déploiement de scanners plus performants, l’interception et le brouillage des téléphones portables et satellitaires.
Une vidéo plus largement utilisée
L’usage de la vidéo sera intensifié pour améliorer l’efficacité de l’action policière avec le développement d’une vidéoprotection moderne et normalisée, des caméras embarquées, des moyens vidéos pour lutter contre les violences urbaines, etc.
L’enjeu sera avant tout de traiter les informations et d’intégrer à l’ensemble des flux vidéos l’intelligence logicielle capable d’apporter des réponses rapides pour prévenir l’infraction ou encore apporter des éléments utiles aux enquêteurs. Des outils d’exploitation seront mis en place aux niveaux national et local. En particulier, le cas de l’exploitation des données massives post-attentat fera l’objet d’un projet dédié.
Un plan de développement de la vidéoprotection est en cours de déploiement par le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, pour tripler (de 20 000 à 60 000) le nombre de caméras sur la voie publique et permettre aux services de police et de gendarmerie d’accéder aux images. 75 villes ont bénéficié en 2009 d’un accompagnement financier par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour compléter les installations existantes.
Au-delà de l’installation des caméras, l’effort portera sur la qualité des matériels et des images, sur le raccordement des centres d’information et de commandement (CIC) de la police et des centres opérationnels de la gendarmerie (COG) aux dispositifs de vidéoprotection urbaine et sur leur équipement en moyens de visualisation des images.
À Paris, la préfecture de police bénéficiera du renforcement de son réseau de vidéoprotection pour le porter au total à environ un millier de caméras. Afin d’optimiser le coût global de cette opération, une solution de contrat en partenariat public-privé a été retenue et sa mise en œuvre est en cours.
Des outils plus performants au service de l’investigation judiciaire et de la lutte contre la cybercriminalité
Les outils technologiques devront contribuer de façon majeure à l’investigation judiciaire pour faire sensiblement progresser l’élucidation.
Les outils de lutte contre la cybercriminalité seront généralisés et renouvelés pour permettre d’être en phase avec ce type de criminalité très évolutive. En particulier, la lutte contre les usages illicites d’internet, comme la radicalisation religieuse ou la pédopornographie, fera l’objet de mesures particulières.
Pour améliorer le taux d’élucidation de la délinquance et mettre davantage en évidence le caractère multiréitérant de nombreux auteurs de faits, les forces de sécurité s’engageront dans le déploiement de dispositifs de détection des phénomènes sériels. La multiréitération pourra ainsi être mieux prise en compte sur le plan pénal.
La modernisation de la gestion de l’urgence et des grands événements
Les centres d’information et de commandement (CIC) de la police nationale seront modernisés. Ils constitueront ainsi de réels centres opérationnels recueillant l’ensemble des données permettant une analyse des situations.
Après les 35 premiers centres achevés et livrés fin 2009, la poursuite du déploiement devra tenir compte des besoins nouveaux affichés : équipement de la préfecture de police, équipement des aéroports et des centres zonaux de la police aux frontières, équipement des centres de commandement autoroutiers CRS. Ces sites seront équipés de nouvelles installations qui permettront notamment de mettre en place la géo-localisation des équipages en véhicules et à pied, de rationaliser et professionnaliser la gestion des appels de police-secours, de mettre à disposition des référentiels cartographiques, d’exploiter les données de vidéoprotection urbaines et d’optimiser l’emploi des forces dans la logique de la police d’agglomération.
Avec le développement et la réalisation du projet ATHENA, la gendarmerie lancera la modernisation des COG dans chaque département. Le système de centralisation de l’information départemental offrira des fonctionnalités nouvelles dans la centralisation des appels, la gestion du renseignement et la gestion des interventions par géolocalisation.
La gendarmerie poursuivra le déploiement de systèmes de retransmission des images captées par les caméras gyrostabilisées installées sur les nouveaux hélicoptères légers de surveillance. Ce moyen constituera un dispositif d’aide à la décision précieux à l’occasion des événements majeurs. Il sera donc interopérable avec les systèmes d’information de la police afin de renvoyer les images dans les CIC et les COG.
La police déploiera son programme de minidrones d’observation et poursuivra la location d’avions pour les missions d’observation et d’appui. L’usage des moyens aériens sera mutualisé entre les deux forces, en liaison avec les moyens techniques, logistiques et humains de la sécurité civile.
Pour faire face aux situations de crise, la police mettra en place un système spécifique de gestion de crise et de prises d’otages. Il accompagnera la montée en puissance de la force d’intervention de la police nationale (FIPN).
Parallèlement, la gendarmerie poursuivra la montée en puissance de son état-major de projection et de gestion de crise. Conjugué à la réorganisation récente du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), ce dispositif permettra d’accroître les capacités de riposte face aux situations extrêmes, telles que les prises d’otages de masse ou complexes, tant sur le territoire national qu’à l’étranger. Doté de structures modulaires transportables avec systèmes de communication intégrés, cet état-major viendra appuyer les échelons de commandement locaux pour la planification et la conduite de services majeurs de sécurité occasionnés, notamment, par des déplacements d’autorités de premier plan ou par des grands rassemblements de personnes.
Un renforcement des moyens de la police scientifique et technique
En priorité, une solution immobilière sera trouvée pour l’implantation des laboratoires de la région parisienne. Leur relogement devra prendre en compte, d’une part, la forte augmentation prévisionnelle des effectifs de la police scientifique parallèlement à la poursuite de la substitution entre actifs et administratifs, d’autre part, la nécessaire modernisation des moyens de fonctionnement des laboratoires. Ce sera aussi l’occasion de renouveler certains outils de laboratoire.
Dans le même temps, le transfert de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), dont la construction du pôle génétique est déjà amorcée, et du service technique de recherche judiciaire et de documentation (STRJD) sera conduit à son terme sur le site de Pontoise. L’ensemble des capacités judiciaires nationales spécialisées de la gendarmerie seront ainsi regroupées sur ce site dans une logique de cohérence des procédures et des protocoles d’enquêtes.
Le changement de génération du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et du fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) permettra le traitement des empreintes palmaires, l’échange avec les pays signataires du traité de Prüm et l’accélération des temps d’exploitation des traces.
La modernisation des moyens employés sur la scène de crime doit permettre de doter les techniciens de police technique et scientifique de tous les moyens de détection utilisables pour accéder et faciliter a posteriori le traitement des données recueillies.
L’accroissement du nombre de personnes signalées dans le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) conduira à une augmentation des prélèvements sur les scènes d’infractions liées à la délinquance de masse afin d’améliorer le taux de résolution des affaires. Les laboratoires de police scientifique (INPS et IRCGN) devront être en mesure de traiter de nouveaux flux (individus et traces) en se dotant de chaînes analytiques adaptées.
La gendarmerie renforcera ses outils permettant une élucidation des infractions à partir de l’analyse des phénomènes sériels et d’une analyse des phénomènes de flux de délinquance.
Une recherche en sécurité au service de la performance technologique
Facteur plus général de changement, la recherche en sécurité doit s’inscrire au cœur de l’action de soutien aux forces de l’ordre.
La création d’un centre de recherche moderne au périmètre élargi aux forces de sécurité intérieure et doté de moyens renforcés apparaît à ce titre indispensable. Il veillera à la bonne application des orientations retenues sous la gouvernance d’un conseil scientifique qui sera créé.
La recherche visera notamment à trouver les solutions innovantes dans des domaines tels que les dispositifs d’arrêt de véhicules, la détection de drogues et d’explosifs, la protection des fonctionnaires, la miniaturisation des capteurs, la vidéoprotection intelligente, la transmission de données sécurisée, la fouille des données sur internet, la reconnaissance faciale, les nouvelles technologies de biométrie…
Une ligne de crédits sera donc dégagée pour favoriser l’implication des petites et moyennes entreprises innovantes dans ces travaux et participer aux travaux de normalisation intéressant la sécurité.
3. La modernisation du système d’alerte des populations
En dehors des 2 000 sirènes communales, le réseau national d’alerte, composé de 4 300 sirènes dont 3 900 opérantes, date de 1950. Ni sa technologie obsolète, ni sa vocation, ni son implantation ne répondent plus aux objectifs actuels, a fortiori ceux de demain. Il est donc indispensable d’adopter un nouveau système d’alerte.
Celui-ci, présent dans les grandes agglomérations et les bassins de risques, devra pouvoir utiliser les technologies les plus modernes et être déclenché de manière sélective. En particulier, le nouveau système d’alerte devra être en mesure de répondre aux risques de tsunami.
Le nouveau système sera réalisé d’ici la fin de la période de programmation de la LOPPSI : il comprend une modernisation du réseau traditionnel, ainsi que la mise en œuvre d’un système permettant la diffusion de l’alerte dans un périmètre défini par l’envoi de messages SMS à tout détenteur de GSM (système dit « cell broadcasting »), ainsi que l’établissement de conventions de partenariat avec les médias.
4. Des technologies nouvelles au service des victimes
Les moyens technologiques doivent contribuer à la qualité du service offert aux citoyens et en particulier aux victimes, au-delà de l’amélioration de l’efficacité des forces de l’ordre en matière de prévention des crimes et délits et de leur élucidation.
Des procédures dématérialisées
L’utilisation d’internet pour le signalement des faits et la disponibilité des bases d’information ou documentaires sont des vecteurs d’amélioration de la satisfaction des citoyens. Ces innovations doivent être envisagées en toute sécurité pour ne pas altérer la confiance que le public porte aux forces de l’ordre.
Des auditions des gardes à vue enregistrées pour une plus grande sécurité
Dans le cadre de la réforme de la justice, ce dispositif contribuera à mieux sécuriser les procédures et donc à améliorer la qualité du service fourni aux victimes.
Un accueil irréprochable
Il reste une priorité en phase avec les nouveaux modes de vie de nos concitoyens. La confidentialité des échanges sera facilitée par un réaménagement des locaux d’accueil. Un réseau de bornes visiophoniques, déployé dans les 4 300 unités de gendarmerie, permettra de mieux répondre aux sollicitations du public et des plaignants.
5. Moderniser le parc automobile dans le cadre d’une politique de développement durable
Fortes collectivement de quelque 245 000 agents, la gendarmerie et la police se situeront aux premiers plans de l’action publique en faveur du développement durable.
Une modernisation du parc automobile sera entreprise par un plan de réforme des véhicules les plus anciens, souvent les plus polluants et entraînant des coûts de maintenance élevés.
Une dotation de référence sera définie afin de ramener le parc automobile de la police vers une cible de 28 500 véhicules, pour 31 500 aujourd’hui. Cette baisse qui dépasse l’évolution programmée du plafond d’emplois témoigne de l’effort d’optimisation de la gestion du parc automobile. Pour ce qui concerne la gendarmerie, le même effort de rationalisation permettra une réduction de son parc automobile de 3 000 véhicules d’ici 2012, ramenant sa dotation à 29 000 véhicules.
Les deux forces se fixent pour objectif de parvenir à ce que 50 % des véhicules acquis chaque année rejettent moins de 130 grammes de dioxyde de carbone au kilomètre.
Enfin, les procédures de certification des garages de la police seront généralisées afin de parvenir à une gestion rigoureuse des déchets industriels. S’agissant de la gendarmerie, la gestion de ces déchets est externalisée.
IV. – RÉNOVER LE MANAGEMENT DES RESSOURCES ET LES MODES D’ORGANISATION
1. Mettre un terme à l’emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à leur cœur de métier
L’efficacité des forces de gendarmerie et de police impose qu’elles se consacrent à leurs métiers et ne soient pas employées dans des tâches auxquelles elles ne sont pas destinées. Le transfert des tâches administratives et techniques actuellement remplies par des policiers et des gendarmes à des agents spécialisés dans ces fonctions sera mis en œuvre avec ambition.
Au sein de la police, les effectifs des personnels administratifs, techniques et scientifiques, représenteront au moins 21 000 ETPT (équivalent temps plein travaillé) d’ici la fin de la période de programmation de la LOPPSI. Cet objectif évoluera en fonction des restructurations de services territoriaux et de la montée en puissance des applications métiers.
Au sein de la gendarmerie, le système de soutien doit radicalement évoluer au travers d’une politique volontariste de transformation de postes de sous-officiers et officiers de gendarmerie en personnels militaires du corps de soutien de la gendarmerie et en personnels civils dont le nombre passera de 6 000 à 10 700 en 2017.
En outre, l’apport des nouvelles technologies conduira à rechercher la suppression des missions de garde statique et de toutes les tâches non directement liées aux missions de sécurité pour permettre un réengagement plus dynamique des forces dans le domaine de la sécurité publique.
En tout état de cause, les évolutions annoncées de l’emploi public au cours des années à venir rendent indispensable que gendarmes et policiers soient déchargés d’activités non directement liées à leurs missions de sécurité.
Dans ce cadre, à l’instar de la fonction habillement au sein de la police, la solution de l’externalisation sera examinée à chaque fois qu’elle est susceptible d’assurer un service de qualité au moins égal avec un coût moindre par rapport à l’organisation actuelle. Tel sera particulièrement le cas pour les fonctions logistiques comme l’habillement dans la gendarmerie, la gestion immobilière et celle du parc des autocars.
2. Faire de l’immobilier un levier de la modernisation
Au-delà de l’enjeu majeur que représentent le relogement et le développement des capacités des laboratoires de police technique et scientifique évoqués supra, l’adaptation du patrimoine immobilier des forces de sécurité intérieure constitue un levier majeur de la modernisation des services et de la rationalisation des dépenses de fonctionnement.
Les procédures innovantes de construction prévues par la loi d’orientation du 29 août 2002 seront pérennisées tout en veillant à ce que le coût global des opérations immobilières soit maîtrisé.
Le patrimoine immobilier des forces mobiles
La rénovation du patrimoine immobilier des CRS sera réalisée dans le cadre d’une rationalisation de l’implantation des structures correspondant aux besoins opérationnels. Des économies d’échelle seront recherchées par un regroupement des implantations territoriales.
Un regroupement dans les grandes agglomérations et, en particulier, autour de Paris, sera opéré afin de rapprocher les forces mobiles de leurs terrains privilégiés d’intervention.
De nouveaux cantonnements seront construits en Île-de-France afin de réduire les coûts d’hébergement des unités.
Les sites de formation
La gendarmerie est en passe d’achever le schéma directeur de ses écoles et centres de formation qui vise, dans une démarche de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC), à mettre en adéquation la capacité d’acquisition des compétences avec l’estimation du besoin en formation sur les années à venir.
Quatre sites de formation initiale de la gendarmerie nationale ont ainsi été fermés en 2009 : Libourne, Châtellerault, Le Mans et Montargis. Le choix de ces quatre écoles s’est opéré en tenant compte des besoins de formation de la gendarmerie, tant pour les sous-officiers que les gendarmes adjoints volontaires, des modalités fonctionnelles propres à la formation initiale de ces personnels et de l’état du patrimoine existant.
Huit centres de formation de la police (CFP) ont été fermés et trois autres ont été transformés en 2009, conduisant à une rationalisation des capacités de formation. Compte tenu des besoins prévisionnels de la formation initiale au sein de la police, plusieurs écoles seront fermées en 2010 et 2011. Les critères retenus seront équivalents à ceux retenus pour les écoles de la gendarmerie.
Une solution de relogement sera étudiée pour l’École nationale supérieure des officiers de police, actuellement installée à Cannes-Ecluse (77).
L’institut de formation des personnels administratifs, techniques et scientifiques de la police, implanté à Gif-sur-Yvette, sera transformé et installé à Lognes, nouveau pôle de formation mutualisée pour l’ensemble des services du ministère. Le Centre national d’études et de formation de Gif-sur-Yvette (CNEF) sera lui aussi adapté et transféré sur le site de Lognes.
Un service public rénové dans les quartiers en difficulté
Les besoins immobiliers de la préfecture de police et de la sécurité publique dans les circonscriptions couvrant des zones sensibles, en particulier en Île-de-France et dans les grandes agglomérations, seront traités avec la plus grande attention. L’état de vétusté du parc, l’insuffisance des capacités immobilières et les niveaux de délinquance des zones concernées constitueront les principaux critères de choix des projets.
Les conditions d’accueil des usagers, notamment des victimes, seront une des priorités de la modernisation immobilière des services de police. L’accueil devra permettre une prise en charge individualisée des victimes et des conditions favorables pour les dépôts de plaintes.
L’intervention complémentaire de personnels spécialisés dans la prise en charge des victimes (psychologues, assistants sociaux) devra être prise en compte dans les projets immobiliers de la sécurité publique par la mise à disposition de locaux appropriés.
Parallèlement, l’immobilier de la sécurité publique devra mettre l’accent sur la poursuite de la modernisation et de l’humanisation des locaux de garde à vue.
Consolider le patrimoine immobilier de la gendarmerie
À l’occasion de la loi de programmation précédente, un effort marqué a été engagé au profit de l’immobilier de la gendarmerie. Il est nécessaire de le prolonger dans le cadre de la LOPPSI et d’achever la réhabilitation du parc en veillant à assurer aux personnels et à leurs familles des conditions de travail et de vie en rapport avec les normes actuelles, tout en garantissant un haut niveau de qualité environnementale.
Un effort tout particulier de maintenance préventive à des niveaux conformes aux standards du marché permettra de conserver toute sa valeur au patrimoine immobilier de l’État et d’éviter l’entretien curatif particulièrement onéreux.
3. Des carrières modernisées pour des professionnels mieux accompagnés
Policiers et gendarmes exercent un métier particulièrement exigeant et souvent dangereux. Cette réalité, a fortiori dans une période marquée par de nombreuses réformes et un objectif accru d’optimisation des moyens, exige un accompagnement renforcé des personnels dans leur vie professionnelle et privée.
a) Une formation moderne, rigoureuse, adaptée aux nouveaux enjeux
La gendarmerie maintiendra la formation d’un encadrement spécialisé en logistique opérationnelle en mesure d’être engagé en situation de crise sur le territoire métropolitain, outre-mer et en opérations extérieures.
Par ailleurs, les officiers de gendarmerie issus du rang, désormais recrutés par concours, recevront une formation d’une durée d’un an adaptée à leurs futures responsabilités. Réalisée par l’école des officiers de la gendarmerie nationale, elle permettra l’acquisition des connaissances indispensables à l’exercice d’un commandement et sera sanctionnée par l’attribution d’un diplôme.
Les policiers doivent faire face aux exigences d’une police nationale efficace, proche des citoyens, réactive et capable d’anticiper les nouvelles formes de criminalité. Chaque agent est concerné par les enjeux d’une formation moderne, rigoureuse et adaptée aux priorités que sont :
– le développement de pôles d’excellence pour la formation initiale ;
– l’élargissement du domaine de la police technique et scientifique ;
– l’accentuation de la formation continue, condition d’une promotion tant personnelle que sociale à laquelle chaque policier doit pouvoir accéder tout au long de sa carrière.
La formation initiale fera une place importante à trois domaines essentiels : la déontologie, la communication, pour être en capacité d’expliquer, de justifier l’action menée et les mesures prises, et l’international, qui va intéresser un nombre de plus en plus grand de policiers en raison de la mondialisation des problématiques et de l’européanisation des procédures.
Les formations initiales des commissaires, des officiers et des gardiens de la paix viennent d’être rénovées. Celles des agents des corps administratifs, techniques et scientifiques seront développées pour tenir compte de leurs responsabilités nouvelles.
En outre, le caractère obligatoire des formations continues liées aux franchissements de grades sera élargi aux changements professionnels importants, tels que la prise du premier poste de chef de circonscription par un officier ou celle de directeur départemental. Dans un même esprit, les gradés du corps d’encadrement et d’application disposeront d’une préparation accrue dans les domaines correspondant aux fonctions, jusque-là exercées par des officiers, auxquelles ils sont progressivement appelés.
Enfin, une attention particulière sera portée à l’accueil en nombre croissant de stagiaires étrangers et au renforcement de la dimension internationale des cycles de formation pour les commissaires et officiers de police.
b) Des déroulements de carrière répondant aux besoins des forces et reconnaissant les mérites individuels
Donner toute sa place à la filière administrative, technique et scientifique
La montée en puissance des personnels administratifs, techniques et scientifiques sur les emplois relevant de leurs compétences, en lieu et place des personnels actifs revenant sur leur cœur de métier, constitue une priorité de la LOPPSI.
Cette ambition passe par la définition précise des besoins et, par conséquent, par la mise en œuvre d’un recrutement spécifique adapté à ces métiers.
Le choix du développement de filières spécifiques de fonctionnaires sous statut ou de contractuels se pose d’autant plus que beaucoup de ces métiers nécessitent une technicité particulière, a fortiori au moment où les différents services de police s’engagent dans l’utilisation renforcée de technologies sophistiquées.
À cet égard, une attention toute particulière sera portée aux besoins spécifiques de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), en cohérence avec les préconisations du livre blanc sur la défense et la sécurité.
Le régime indemnitaire de ces personnels sera fixé en fonction des responsabilités leur incombant.
Des outils de motivation accrus
Introduite dans la LOPSI 2003-2007, confortée par le protocole « corps et carrières » de la police, la culture du résultat constitue désormais un axe stratégique de la gestion des ressources humaines pour mieux récompenser la performance individuelle et collective.
La manière de servir et les résultats obtenus doivent progressivement devenir un élément essentiel de l’évaluation annuelle, mais également d’une part du système indemnitaire. Ce mode de management devra être développé. Il convient désormais de parfaire les nouvelles grilles d’évaluation des commissaires de police et des officiers en y intégrant les éléments relatifs aux objectifs qui leur sont fixés (objectifs, actions et indicateurs).
L’expérimentation de la contractualisation sur les postes particulièrement difficiles, et pour lesquels des difficultés de recrutement existent, prendra fin au début de l’année 2010. Elle sera intégrée dans le nouveau système d’indemnité lié à la performance et concernera 250 postes, conformément au protocole signé avec les organisations syndicales le 8 avril 2009. Elle pourra être étendue au corps de commandement.
Les régimes indemnitaires pour les corps de conception et direction et de commandement devront davantage être liés à la difficulté des responsabilités exercées, aux résultats, à la manière de servir et non plus seulement au grade détenu.
La prime de résultats exceptionnels a été consolidée et dotée de 25 millions d’euros en 2008, ce qui constitue un montant minimal pour les années ultérieures. Afin de récompenser de façon substantielle la performance individuelle et collective, elle sera attribuée à environ 30 % des effectifs du programme « Police nationale ».
En outre, la culture du résultat s’inscrira dans la mise en place de projets de service pour chaque service de police en relation avec le public. Ces projets relèveront des règles de l’assurance qualité qui permettront d’évaluer l’atteinte des objectifs. Chaque chef de service répondra de leur mise en œuvre.
Optimiser le temps de travail effectif des fonctionnaires de police et leur répartition sur le territoire
Cet objectif majeur du protocole « corps et carrières » sera atteint en 2012. Les régimes de travail ont connu, au cours des dernières années, des modifications qui ont eu pour effet de produire des heures supplémentaires sans que la productivité du processus soit systématiquement assurée. L’institution ne peut conserver une telle contrainte opérationnelle et financière. Les négociations avec les organisations représentatives des personnels devront aboutir à une solution pérenne préservant le potentiel opérationnel des forces de police.
Dans ce cadre, en application du protocole signé à l’automne 2008, ont été supprimés l’heure non sécable ainsi que plusieurs jours de RTT.
Enfin, les mesures prises depuis 2002 pour adapter la répartition des effectifs sur le territoire aux besoins opérationnels seront consolidées et amplifiées. La définition des effectifs départementaux de fonctionnement annuel sera affinée, tout particulièrement à partir des évolutions de la démographie et de la délinquance.
Une nouvelle politique de fidélisation en Île-de-France
La région parisienne souffre d’un déficit structurel de candidats aux différents métiers de la police. Les lauréats de concours qui ne sont pas d’origine francilienne ont souvent l’objectif de retourner dans leur région d’origine en raison du coût de la vie, plus particulièrement du logement, et des conditions de travail dans certaines zones sensibles.
Dès lors, les services de police, qui sont fréquemment confrontés aux missions les plus difficiles, disposent de personnels peu âgés, sans l’expérience nécessaire aux contraintes opérationnelles et pressés de trouver une autre affectation.
Au-delà des dispositions statutaires qui obligent désormais les fonctionnaires de police à rester pour une durée minimale de cinq ans dans leur première région administrative d’affectation (principalement la région parisienne), de nouvelles mesures seront progressivement mises en œuvre dans le prolongement de celles déjà intervenues ou en cours d’exécution :
– création d’un concours à affectation nationale et d’un concours à affectation régionale en Île-de-France assorti d’une durée minimale d’exercice de fonctions de huit ans par le décret n° 2009-1551 du 14 décembre 2009 ;
– prise en compte de l’expérience acquise par les agents affectés dans des circonscriptions et services territoriaux difficiles d’Île-de-France ; une voie d’avancement consacrée à la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle sera créée pour ces agents, conformément au décret n° 2009-1551 du 14 décembre 2009.
En outre, la poursuite de la refonte du dispositif indemnitaire de fidélisation permettra de mieux rémunérer les fonctionnaires actifs exerçant leurs missions en Île-de-France, tandis que des mesures d’accompagnement, notamment pour le logement, contribueront à cet effort (cf. d ci-après).
Une meilleure respiration des carrières au sein de la police
Le protocole « corps et carrières » a eu notamment pour objectif de mieux distribuer les fonctions entre corps. Des ajustements complémentaires aux mesures de repyramidage et d’accès au corps supérieur, comme l’amélioration de la voie d’accès professionnelle au corps de commandement, sont nécessaires.
Rendre plus attractives les carrières au sein de la gendarmerie
Offrir des parcours de carrière attractifs et rémunérer ces professionnels à hauteur des contraintes, des sujétions et des responsabilités exercées constituent les deux objectifs prioritaires de la gendarmerie.
Le niveau de recrutement au concours externe (universitaire) sera aligné sur celui des officiers recrutés en sortie des grandes écoles militaires. La carrière des officiers les plus performants sera accélérée grâce à la modification du décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des officiers de gendarmerie. En outre, la prise de responsabilités élevées, notamment lors de l’accession à des postes de commandements territoriaux, sera mieux valorisée.
Pour ce qui concerne les sous-officiers, trois voies d’avancement coexisteront, permettant à chaque personnel méritant d’accéder à une promotion :
– une voie « encadrement-commandement », qui représentera au moins 80 % des promotions, pour les titulaires des diplômes d’officier de police judiciaire, d’arme, de spécialité, du GIGN, avec promotion systématique au grade de maréchal des logis-chef l’année qui suivra l’obtention des titres requis, sauf cas particuliers ;
– une voie « professionnelle », au choix et jusqu’au grade d’adjudant-chef, dans la limite de 10 % des promotions annuelles, pour les sous-officiers expérimentés possédant au moins quinze ans de service pour l’accession au grade de maréchal des logis-chef et qui ont exercé des responsabilités avérées ;
– une voie « gestion des fins de carrière », au choix et jusqu’au grade d’adjudant, dans la limite de 10 % des promotions annuelles pour les sous-officiers du grade de gendarme les plus méritants.
Le repyramidage initié depuis 2005 par le PAGRE sera poursuivi. Il visera à assurer des normes d’encadrement comparables avec celles en vigueur dans les corps similaires de la fonction publique civile et à assurer la juste reconnaissance des responsabilités exercées par des parcours professionnels attractifs et valorisants. Ce pyramidage sera mis en œuvre jusqu’en 2012 et atteindra les cibles suivantes : 62 % de gendarmes et maréchaux des logis-chefs, 29 % d’adjudants, adjudants-chefs et majors et 9 % d’officiers.
c) Des carrières plus ouvertes
Des passerelles statutaires entre police et gendarmerie
Le rapprochement des deux forces, avec le développement de la mutualisation et de la coopération dans de nombreux domaines, conduira à la mise en place de passerelles statutaires permettant aux policiers d’intégrer la gendarmerie et, réciproquement, aux gendarmes de rejoindre la police.
La réalisation de cet objectif se traduira notamment par l’ouverture aux adjoints de sécurité du concours d’accès au corps des sous-officiers de gendarmerie, d’une part, aux gendarmes adjoints volontaires du concours interne d’accès au corps d’encadrement et d’application, d’autre part.
Une autre passerelle statutaire, entre les titulaires des grades de gardien de la paix et de gendarme, sera instaurée afin de faciliter la mobilité entre les corps des deux forces. Les statuts seront modifiés en conséquence.
Un recrutement plus diversifié
De manière plus générale, le statut particulier du corps des sous-officiers de gendarmerie sera modifié pour ce qui concerne le recrutement. Le concours pour tous et la détention du baccalauréat seront la règle pour les recrutements externes tout en maintenant, au titre de la politique d’intégration et de l’égalité des chances, une proportion d’au moins un tiers de recrutement interne sans exigence de diplôme.
Par ailleurs, des mesures spécifiques seront prises pour aider les jeunes diplômés de milieux défavorisés à accéder aux corps d’officiers de gendarmerie. Ainsi, une classe préparatoire intégrée sera créée pour favoriser la réussite au concours d’entrée à l’école des officiers de la gendarmerie nationale.
Le dispositif des cadets de la République sera adapté et consolidé, notamment pour tenir compte des niveaux de recrutement dans la police et la gendarmerie ainsi que des besoins dans le secteur de la sécurité privée.
Consolider le recours à la réserve militaire
La politique de la réserve militaire, véritable service citoyen, sera poursuivie. L’admission dans la réserve reflète aujourd’hui un véritable modèle tant opérationnel que d’intégration. En 2008, plus de 26 000 réservistes servaient en gendarmerie, dix-huit jours par an en moyenne, rémunérés en missions opérationnelles, aux côtés de leurs camarades d’active. Cette réserve opérationnelle constitue un relais essentiel entre la société civile et l’esprit de service indispensable à la sécurité de nos concitoyens. Elle est mise en œuvre dans un cadre territorial de proximité. La ressource allouée sera consolidée sur la période 2010-2013.
Élargir l’accès à la réserve civile et poursuivre sa montée en puissance
La réserve civile de la police nationale répond aujourd’hui aux objectifs qui lui ont été fixés depuis 2003. Elle apporte un appui essentiel aux fonctionnaires en activité dans l’exercice de leurs missions. Aussi, pour ajuster la capacité opérationnelle des services de police, voire la renforcer en cas de crise grave, il est prévu de doubler, au moins, son potentiel d’ici la fin de la LOPPSI.
L’harmonisation des réserves de la police et de la gendarmerie sera renforcée par l’ouverture de la réserve civile de la police à d’autres publics que les retraités des corps actifs.
Cette orientation développera le lien police-population et l’adhésion aux enjeux de sécurité. Une telle diversification du recrutement prolongera les dispositions déjà prises par la gendarmerie.
La future réserve de la police aura donc vocation à accueillir aussi bien des jeunes intéressés par une expérience valorisante que des spécialistes sur des fonctions correspondant à leurs compétences dont la police serait déficitaire.
Les réservistes disposeront d’une formation pour des missions d’un format comparable à celles confiées aux réservistes de la gendarmerie. La définition de ces missions prendra en compte les spécificités de leur environnement et l’organisation des services. Enfin, la formation des réservistes leur permettra d’acquérir la qualification d’agent de police judiciaire adjoint.
Inciter les adjoints de sécurité (ADS) à mieux préparer leur projet professionnel
Les ADS, agents contractuels, interviennent en appui des fonctionnaires de police. Leur cadre d’emploi constitue une voie privilégiée pour l’intégration de jeunes issus de milieux en difficulté.
Si, pour la plupart d’entre eux, ces agents intègrent le corps d’encadrement et d’application par la voie du concours interne, le dispositif actuel ne les incite pas suffisamment à préparer leur projet professionnel.
Dans cette perspective, la formule de deux contrats de trois ans viendra se substituer au contrat actuel de cinq ans. De même, pour pallier les risques inhérents à la recherche d’un emploi au-delà de la limite d’âge actuelle, qui est de vingt-six ans, celle-ci sera portée à trente ans.
Ce dispositif sera accompagné d’un effort accru en matière d’aide à la reconversion.
d) Des agents soutenus dans leur vie professionnelle et privée
La gendarmerie s’est dotée d’un dispositif de soutien psychologique placé au niveau central, compétent sur la totalité du territoire national. Compte tenu de la montée exponentielle des besoins exprimés par les unités opérationnelles, la gendarmerie étudiera la nécessité de créer une chaîne territoriale de soutien psychologique de proximité dont la vocation sera d’assurer le suivi des personnels confrontés à des événements traumatiques importants liés au service.
De son côté, la police renforcera l’accompagnement de ses agents dans leur vie quotidienne :
– le nombre de réservations de logements, en particulier pour les policiers affectés en Île-de-France, aura doublé au terme de la LOPPSI ;
– la création annuelle de 100 places supplémentaires de crèches sur la période 2009-2013, en Île-de-France, apportera une aide significative à la petite enfance ;
– toutes les familles monoparentales d’Île-de-France disposent, depuis 2009, d’un chèque emploi-service universel ; ce dispositif pourra progressivement être étendu aux bassins d’emploi rencontrant sur le territoire national une situation identique à celle de l’Île-de-France.
e) L’application de la parité globale
Dans le respect de l’identité des forces de gendarmerie et de police, une parité globale devra assurer l’équilibre de traitement pérenne voulu par le Président de la République.
Par une approche concertée, l’harmonisation devra être constamment recherchée pour corriger les disparités susceptibles d’apparaître dans le domaine de la gestion des ressources humaines.
Au-delà des différences structurelles, la mise en œuvre de composantes communes permettra, tout en gommant les points de divergence, de concrétiser une fonction publique policière cohérente et moderne.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 1er, vous nous demandez d’approuver un rapport annexé au projet de loi proprement dit.
Ce rapport est censé fixer les objectifs et les moyens dévolus à la politique de sécurité intérieure pour les cinq prochaines années.
Il est la clé de voûte de votre projet de loi ; il définit, parfois jusque dans le détail, votre stratégie globale en matière de sécurité, mais il traite également des aspects budgétaires.
Or un tel procédé est contestable, car il vous permet de ne prendre aucun engagement devant la représentation nationale, le rapport n’ayant pas de valeur normative.
C’est la première raison pour laquelle nous refusons de voter cet article et proposons un amendement de suppression.
Cependant, plus fondamentalement, ce procédé vous permet aussi de masquer l’échec de votre politique de sécurité.
Voilà maintenant huit ans que vous ne cessez de déclarer la guerre à la délinquance en renforçant régulièrement votre arsenal sécuritaire sans faire reculer celle-ci de façon probante.
Le rapport annexé expose ainsi une stratégie et des moyens qui sont inadaptés pour lutter efficacement contre la délinquance. Surtout, il masque la réalité de la réduction des moyens qui sont consacrés à cette lutte.
C’est d’ailleurs l’un des paradoxes de la politique du Président de la République dans ce domaine : proclamer à chaque occasion son soutien aux forces de sécurité et, dans le même temps, supprimer des postes et réduire certains moyens.
Comment peut-on faire plus et être plus efficace avec moins de présence humaine sur le terrain ?
Je rappelle qu’en trois ans vous avez supprimé quelque 9 000 postes de policiers et de gendarmes.
Le rapport annexé ne permet pas non plus de comprendre que, pour la seule année 2011, le budget de fonctionnement de la police sera de 950 millions d’euros contre 1 032 millions d’euros en 2010, et que celui de la gendarmerie prévoit en réalité une baisse des crédits de fonctionnement supérieure à 20 %.
Pour la gendarmerie, en 2010, 1 303 postes devraient être supprimés après 1 246 réductions en 2009, ce qui aboutira donc au total à une réduction d’environ 3 500 postes en trois ans.
Contrairement à la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, la LOPPSI 2 n’indique plus la répartition des crédits entre la police et la gendarmerie du fait du rattachement de celle-ci au ministère de l’intérieur et du regroupement des crédits affectés à ces deux forces au sein d’une même mission « Sécurité ».
Dans ces conditions, toute évolution de crédits paraît assez difficile à mesurer.
Mais on comprendra aisément que, puisqu’il s’agit de moderniser les forces de gendarmerie à effort budgétaire constant, cela ne pourra se faire que par redéploiement de crédits.
Prosaïquement, cela s’appelle déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Le recours accru aux nouvelles technologies pour le renseignement et le développement des moyens de la police scientifique et technique, s’ils sont indispensables, ne sauraient donc totalement compenser la réduction des effectifs due à une application mécanique de la RGPP.
Au-delà de la réalité des chiffres, qui démontre qu’au total la gendarmerie disposera de moyens réduits et moins bien répartis pour lutter contre la délinquance et assurer la sécurité de nos concitoyens, nous persistons à penser que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, que consacre le rapport annexé, est inefficace et dangereux.
La façon dont s’est opéré ce rattachement prouve d’ailleurs que l’objectif était non pas la modernisation et la mutualisation des moyens, ni l’amélioration des conditions d’emploi et de coopération des deux forces, mais bien la volonté de constituer rapidement une seule force de sécurité sous la seule autorité civile de l’exécutif.
Nous ne cesserons donc d’alerter sur les dangers de cette concentration des pouvoirs de police en une seule main, dont l’objectif est de mettre en œuvre une politique toujours plus sécuritaire, fondée sur la seule répression.
Cela est d’autant plus inquiétant que, avec ce projet de loi, nous nous orientons, selon la juste expression de la Ligue des droits de l’homme, vers « la construction d’une société de la surveillance, du soupçon et de la peur ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L’amendement n° 110, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les arguments avancés par mon collègue à l’instant justifient à eux seuls notre amendement de suppression de l’article 1er.
J’y ajouterai une petite remarque sur le vocabulaire employé, tant dans les discours que dans le texte de loi lui-même, pour justifier l’orientation et les choix du Gouvernement en matière de sécurité. C’est toujours le sempiternel refrain sur la « synergie » et la « mutualisation » que l’on retrouve dans toutes les justifications de la RGPP.
Or personne, aujourd’hui, ne doit plus se laisser impressionner par cette novlangue, qui n’est pas spécifique à la police. On l’emploie pour tous les services, quelles que soient leurs missions, qu’elles fassent appel ou non à la technologie, à propos de tout ce qui relève des dépenses de personnel.
Autrement dit, ces mots sont destinés à nous faire croire que, en matière de dépenses publiques utiles, rien ne vaut un « débordement » de technologie. Il n’y aurait donc aucun problème à supprimer des postes par dizaines de milliers, dans la police ou ailleurs, puisque l’on entend la même chose dans le domaine de la santé.
Malheureusement pour le Gouvernement et sa majorité, sur le terrain, dans la pratique, nos concitoyens ne vont pas se laisser prendre longtemps à ce genre de discours. À force d’entendre marteler les mêmes propos sur les avantages de la mutualisation, ils s’apercevront bien que, en réalité, le service public rendu là où ils vivent est d’une moindre efficacité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Cet amendement n° 110 est le premier d’une longue série d’amendements de suppression. À l’évidence, l’article 1er et l’annexe constituent le cœur du dispositif, puisqu’y sont définies les orientations et la programmation, même si le texte de loi contient nombre d’éléments importants par ailleurs.
La commission émet donc bien entendu un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. Le Gouvernement a exactement le même avis que la commission. Si l’article 1er venait à être supprimé, il n’y aurait plus rien dans le projet de loi ! Ce n’est vraiment pas ce que nous souhaitons pour contribuer à assurer une meilleure sécurité à nos compatriotes.
M. le président. Je suis saisi de dix-neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 193, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Les missions prioritaires assignées à la police nationale et à la gendarmerie nationale pour les années 2010 à 2013 sont les suivantes :
- la lutte contre les violences faites aux personnes, en particulier les plus vulnérables ;
- la lutte contre les violences urbaines et l’économie souterraine ;
- la lutte contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et la grande délinquance économique et financière ;
- la lutte contre les atteintes aux biens et la délinquance quotidienne ;
- la lutte contre l’insécurité routière ;
- la lutte contre les filières d’immigration irrégulière ;
- la protection du pays contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ;
- le maintien de l’ordre public ;
- l’accueil, la prise en charge et l’accompagnement des victimes.
II. - Constituent les orientations permanentes de la politique de sécurité :
- l’extension à l’ensemble des territoires prioritaires d’une police de quartier répondant aux attentes et aux besoins des personnes en matière de sécurité ;
- la prévention des atteintes aux personnes et aux biens par la dissuasion, le renseignement et la coopération avec l’ensemble des partenaires de la politique de sécurité ;
- le développement de l’action judiciaire des forces de sécurité intérieure ;
- le renforcement de la coopération entre la police, la gendarmerie et la douane dans leur action en faveur de la sécurité ;
- la responsabilisation des personnels de direction et de commandement et l’adaptation constante des stratégies territoriales de sécurité élaborées sous leur direction au plus près des besoins ;
- l’affectation des policiers et gendarmes aux missions concourant directement au maintien ou au renforcement de la sécurité ;
- l’évaluation constante de l’efficacité des forces de sécurité en fonction du service rendu à la population, de l’efficacité répressive mesurée par le taux de déferrement à la justice, de l’évolution de la criminalité mesurée par les enquêtes de victimation ;
- le renforcement de la coopération internationale en matière de sécurité, à partir des engagements internationaux et européens auxquels la France a souscrit ;
- l’adaptation des modes d’organisation et de gestion des ressources humaines et matérielles des services ;
- la mise à jour et le développement de nouveaux systèmes d’alerte des populations.
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 292 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
en matière de délinquance
Insérer les mots :
tout en garantissant le respect des droits fondamentaux,
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er a pour objet d’approuver le rapport annexé au projet de loi. Dans ce document de plus de quarante pages, qui fixe les grandes orientations tout en étant d’ailleurs très révélateur de la volonté du Gouvernement par rapport aux problèmes de sécurité, il nous apparaît qu’il manque un certain nombre de mots. Il n’est en effet jamais question des droits fondamentaux, des droits de l’homme, ni des libertés publiques.
Je l’ai rappelé hier, nous sommes tous profondément attachés à ce que la sécurité règne dans notre pays ; il n’y a pas, d’un côté, ceux qui verseraient dans l’angélisme en étant totalement étrangers aux problèmes de sécurité, et, de l’autre, ceux qui auraient le souci du bien public et de la sécurité de nos concitoyens. Néanmoins, on ne peut pas se contenter de répéter : « Chers concitoyens, dormez tranquilles, nous veillons sur vous. » Il est nécessaire de viser un juste équilibre.
L’alinéa 7 de l’annexe commence ainsi : « Il s’agit de continuer à améliorer les résultats en matière de délinquance ». Bien sûr ! Qui pourrait être contre une telle déclaration de principe ? Malgré tout, comme les débats l’ont montré jusqu’ici, il serait nécessaire de la compléter par les mots « tout en garantissant le respect des droits fondamentaux ». Et ce n’est pas faire preuve d’angélisme que de vouloir apporter cette précision, qui est loin d’être inutile.
Ce matin encore, il a été question dans la presse des déclarations de Mme le garde des sceaux sur la garde à vue. Il est bien évident que ce combat pour garantir le respect des droits fondamentaux est indissociable du problème de la sécurité : c’est un tout.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons ajouter ces quelques termes très importants au niveau des principes.
M. le président. L’amendement n° 293 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer le mot :
Français
Par les mots :
personnes résidant sur le territoire de la République
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Toujours à l’alinéa 7, il est indiqué que l’objectif visé est « de répondre aux besoins de sécurité des Français ». L’emploi du mot « Français » est très révélateur de l’état d’esprit qui a animé les rédacteurs du texte. Il nous semblerait plus sage de remplacer le terme « Français » par les mots « personnes résidant sur le territoire de la République ».
En effet, la lutte contre la délinquance s’adresse aussi bien aux ressortissants français qu’aux ressortissants étrangers résidant en France. Tous ceux qui vivent et travaillent dans notre pays ont droit à la sécurité.
M. le président. L’amendement n° 294 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Mézard, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Compléter ainsi cet alinéa :
, en vue d’assurer l’égalité de tous les citoyens devant le droit à la sécurité.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’évolution de l’organisation des services assurant la sécurité doit naturellement prendre en compte l’évolution des besoins. Mais le maillage territorial résultant de cette réorganisation doit fondamentalement préserver l’égalité de tous devant le droit à la sécurité, aussi bien en agglomération qu’en zone rurale.
M. le président. L’amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 52, seconde phrase
Remplacer le mot :
équivalent
Par le mot :
égal
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le droit à la sécurité ne peut être conditionné par le lieu d’habitation ou de séjour. Cela a un sens profond au regard du maillage territorial. L’équivalence de protection due à la population n’est pas suffisante : il convient de préciser que l’État est obligé d’assurer un niveau égal de sécurité pour tous, quel que soit le lieu.
Si les problèmes ne sont bien évidemment pas les mêmes sur l’ensemble du territoire national, en revanche, l’objectif qui doit être assigné aux missions des forces de l’ordre dans un tel projet de loi d’orientation et de programmation est d’assurer un niveau égal de sécurité à tous nos concitoyens.
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet, Mézard, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Au début de l’alinéa 57
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La prévention demeure le socle fondamental de toute politique de lutte contre la délinquance.
II. - Alinéa 57, première phrase
Après les mots :
Il ne peut
insérer les mots :
en effet
III. - Alinéa 58, troisième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Toute politique de lutte contre la délinquance implique que soit en même temps mise en place une politique de prévention très volontariste. Là encore, tout est lié.
M. le président. L’amendement n° 297 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 58, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Pourquoi vouloir inscrire dans la loi que « chaque victime est une victime de trop » ? C’est l’évidence même ! Voilà une phrase qui n’apporte rien au texte ni au dispositif : elle n’est là que pour jouer, une nouvelle fois, sur le registre de l’émotion. Il convient donc de la supprimer.
M. le président. L’amendement n° 298 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard et Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 59, première et deuxième phrases
Remplacer le mot :
vidéoprotection
par le mot :
vidéosurveillance
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Par cet amendement, il ne s’agit pas de régler une simple question de vocabulaire, car le problème est beaucoup plus vaste. Nous ne méconnaissons pas la nécessité de la vidéosurveillance, sur laquelle les différents orateurs ont beaucoup insisté depuis le début des débats, les uns la considérant comme un élément essentiel de la protection des citoyens, les autres récusant quelque peu cet argument.
Aujourd’hui, sans avoir encore l’ensemble des éléments à notre disposition, nous ne pouvons pas contester que, sur un certain nombre de points, la vidéosurveillance a pu « protéger » nos concitoyens ; d’où le changement de dénomination proposé.
Pour avoir tout récemment séjourné en Italie, j’ai constaté qu’on y parlait non pas de « vidéosurveillance » ou de « vidéoprotection », mais de « surveillance amie », ce qui a quelque chose de réconfortant. Mais je dis cela à titre simplement indicatif, bien entendu ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 299 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 64, deuxième phrase
Supprimer le mot :
, changeant
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Nous croyons pouvoir relever, dans la deuxième phrase de l’alinéa 64, un véritable pléonasme : « L’action des forces de sécurité s’inscrit, en effet, dans un environnement mouvant et incertain, car le phénomène de la délinquance est à la fois évolutif, changeant et protéiforme. » Pour nous, il est clair qu’un phénomène évolutif est changeant. Nous proposons donc la suppression du terme redondant.
M. le président. L'amendement n° 300 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 67, première phrase
Remplacer le mot :
dealers
Par le mot :
trafiquants
II. - Alinéa 67, dernière phrase
Remplacer le mot :
« deal »
par le mot :
trafic
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement me donne l’occasion de reprendre l’argument utilisé tout à l’heure par mon collègue Mézard sur l’utilisation de la langue. Certes, les mots dealer et deal font aujourd’hui partie de notre vocabulaire. Mais, à tout prendre, ne serait-il pas préférable d’utiliser les mots « trafiquant » et « trafic » qui sont respectivement les équivalents français de ces termes anglais ?
M. le président. L'amendement n° 301 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 80, dernière phrase
Après les mots :
qui permet
insérer les mots :
, sous le nécessaire contrôle le cas échéant de la Commission nationale de déontologie de la sécurité,
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Nous souhaitons que soit introduite dans le texte de l’annexe la mention de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, à qui est confiée une mission éminente en la matière.
M. le président. L'amendement n° 408, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 81
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tous les deux ans, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales procédera en liaison avec l'Institut national de la statistique et des études économiques à une enquête nationale de victimation dont les résultats seront publiés.
La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Avec votre autorisation, monsieur le président, et dans un souci de cohérence, je présenterai également les amendements nos 406, 409 et 407.
Le rapport annexé à l’article 1er fixe les orientations de la politique générale que le Gouvernement souhaite mener au cours des prochaines années pour assurer la sécurité partout et pour tous, au travers d’une approche globale de la politique de sécurité. Cela passe par une optimisation et une modernisation de l’action des forces de sécurité intérieure, ainsi que par une rénovation du management des ressources et des modes d’organisation.
Soucieux d’insister sur le facteur humain, qui est clairement au cœur des questions que nous avons à traiter, et de bien faire prendre en compte son importance, tant du côté des victimes que de celui des agents des forces de sécurité intérieure, le Gouvernement vous suggère d’ajouter quelques alinéas au rapport annexé.
Premièrement, il propose un alinéa mentionnant que l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales publiera tous les deux ans les résultats d’une enquête nationale de victimation réalisée en liaison avec l’INSEE.
Le ministre de l’intérieur a, dès cette année, profondément modernisé l’outil statistique qui permet de mesurer l’évolution de la délinquance et d’orienter efficacement l’action. Mais la connaissance des phénomènes criminels doit aller au-delà de la simple perception administrative et comptable des infractions enregistrées par les services. En effet, faute de dépôt de plainte ou en l’absence de la constatation de l’infraction, beaucoup de ces infractions restent ignorées.
Les enquêtes de victimation, largement développées aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, constituent une démarche complémentaire, qui permet d’affiner la compréhension des phénomènes et de prendre en compte l’insécurité vécue, au-delà de l’insécurité déclarée ou constatée. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite que, avec les données statistiques établies par les services de police et de gendarmerie, elles deviennent un instrument de référence en matière d’appréhension de la criminalité.
Deuxièmement, ce même souci de prendre en compte les droits, les besoins et les attentes des victimes nous conduit à vous proposer d’insérer, après l’alinéa 205, un nouvel alinéa. Il s’agit d’inscrire l’amélioration de l’accueil du public dans une démarche globale de qualité, laquelle doit faciliter le développement des projets de service à tous les niveaux de l’organisation.
Troisièmement, si la prise en compte des victimes est une priorité, le ministre de l’intérieur se fait également un devoir de veiller aux conditions de travail et aux modes de gestion des policiers et des gendarmes. C’est pourquoi il vous est suggéré d’insérer, après l’alinéa 242, deux alinéas annonçant la mise en place d’un observatoire des emplois des métiers et des compétences commun à la police et la gendarmerie, ainsi que la mise en œuvre de la charte du dialogue social.
La création de cet observatoire commun permettra de faciliter la mutualisation des ressources humaines et de développer de futures pratiques de mobilité entre les deux forces de sécurité.
Enfin, quatrièmement, puisqu’il est question de rénovation du management des ressources, il paraît opportun d’intégrer à ce rapport annexé, après l’alinéa 316, une disposition visant à donner toute son importance, dans la gestion des ressources humaines, à l’accompagnement individuel des agents en termes de déroulement de carrière.
M. le président. L'amendement n° 302 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 88
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En la matière, l'égalité de tous les citoyens, quel que soit le lieu, est un devoir de la République.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Comme nous l’avons rappelé en défendant une précédente proposition, nous considérons que les ajustements de l’organisation opérationnelle des forces de sécurité, notamment en matière de couverture territoriale, doivent tendre vers un objectif d’égalité au regard du devoir de l’État d’assurer la sécurité quel que soit le lieu.
Bien sûr, nous ne contestons pas que les difficultés soient plus importantes dans certains secteurs. Toutefois, si l’organisation opérationnelle tend à limiter le travail réalisé et les possibilités d’intervention dans des territoires où les problèmes de sécurité se posent de manière moins aiguë que dans d’autres, on arrivera à une situation qui ne sera pas satisfaisante à nos yeux.
M. le président. L'amendement n° 303 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 92, première phrase
Remplacer les mots :
au moins équivalente
par le mot :
égale
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement se situe dans le droit-fil du précédent. S’agissant de la lutte contre la délinquance, nous considérons que l’État ne saurait en aucun cas s’affranchir de l’impératif de garantir l’égalité de tous les citoyens. Or l’affirmation d’une simple équivalence s’apparente à une obligation de moyens qui, selon nous, n’est pas acceptable.
M. le président. L'amendement n° 304 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 105
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'État assistera également les collectivités territoriales dans leur politique immobilière, lorsque celles-ci subissent les conséquences des redéploiements d'effectifs.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Les nombreux élus locaux présents dans cet hémicycle comprennent immédiatement à quoi il est ici fait allusion : la suppression d'effectifs de gendarmerie en milieu rural a aujourd'hui d'importantes répercussions sur nos collectivités territoriales, qui ont souvent été mises à contribution pour la mise en œuvre de programmes immobiliers accompagnant la création des brigades communautaires.
Or la réorganisation du maillage territorial rend aujourd'hui totalement inutiles certains des programmes qui ont été lancés, alors que les investissements consentis ne seront remboursés que dans vingt ou trente ans.
Il convient donc de préciser que l'État devra accompagner les collectivités territoriales concernées lorsque des redéploiements d'effectifs pourraient conduire à la fermeture de casernes dont la construction ou la rénovation a été assurée sous leur maîtrise d'ouvrage, ce qui est assez fréquent.
M. le président. L'amendement n° 406, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 205
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces efforts d'accueil devront d'ailleurs s'inscrire dans une démarche globale de qualité, pour offrir le meilleur service au public. Le développement de projets de service aux différents niveaux de l'organisation garantira l'adaptation permanente du service public aux exigences de la population et à l'évolution de la société.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 409, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 242
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
À cet effet, un observatoire des emplois, des métiers et des compétences commun à la police et à la gendarmerie sera mis en place et un bilan social annuel sera élaboré pour la police nationale dès 2010.
La charte du dialogue social sera mise en œuvre.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 305 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 246, première phrase
Après les mots :
d'une police nationale
insérer les mots :
respectueuse des valeurs de la République,
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous considérons que le respect des valeurs de la République est le premier devoir des membres de la police nationale. Il conditionne nécessairement l'exemplarité dont ils doivent faire preuve et la recherche de l'efficacité de leur mission. Ce respect est, du reste, très généralement observé. Il nous semble néanmoins nécessaire de rappeler ce principe dans une annexe programmatique.
M. le président. L'amendement n° 407, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 316
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'accompagnement des agents dans le déroulement de leur carrière sera de règle. En particulier l'accompagnement de la mobilité tiendra compte de tous les impacts de celle-ci sur la vie des agents. Les nouveaux dispositifs d'évaluation mis en place devront aussi permettre, grâce à la généralisation des fiches de poste, une meilleure lisibilité des carrières à travers la mise en œuvre de véritables plans de carrière.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 292 rectifié tend à préciser que l’amélioration des résultats en matière de délinquance doit aller de pair avec la garantie des droits fondamentaux. Cette disposition allant de soi, je propose, au nom de la commission, le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis serait défavorable.
L’amendement n° 293 rectifié vise à préciser que la sécurité doit être garantie aussi bien pour les Français que pour les ressortissants étrangers résidant sur le territoire national. L’avis de la commission est favorable.
Aux termes de l’amendement n° 294 rectifié, l’évolution de l’organisation des services de sécurité doit assurer l’égalité de tous les citoyens devant le droit à la sécurité. La commission y est favorable.
Elle est également favorable à l’amendement n° 295 rectifié, qui est essentiellement rédactionnel.
L’amendement n° 296 rectifié tend à affirmer de manière contestable que la prévention est le « socle fondamental de toute politique de lutte contre la délinquance ». La prévention est, certes, indispensable, mais au même titre que la dissuasion par la loi pénale, la prévention situationnelle ou la répression. J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 297 rectifié, qui a pour objet de supprimer du rapport annexé la phrase « Chaque victime est une victime de trop », l’avis de la commission est favorable.
L’amendement n° 298 rectifié vise à remplacer le terme « vidéoprotection » par le terme « vidéosurveillance » dans le rapport annexé. Cette modification serait incohérente avec l’utilisation du terme « vidéoprotection » dans les articles du texte. Nous aurons l’occasion d’en reparler à l’article 17 A. J’émets, pour l’instant, un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 299 rectifié, qui est rédactionnel, l’avis est favorable.
L’amendement n° 300 rectifié vise à supprimer des anglicismes dans le rapport annexé : avis favorable.
L’amendement n° 301 rectifié a pour objet de mentionner la Commission nationale de déontologie de la sécurité comme garante de la déontologie des forces de sécurité. Il ne paraît pas opportun de citer dans une nouvelle loi une commission qui est appelée à disparaître sous sa forme actuelle : avis défavorable.
L’amendement n° 408 tend à inscrire au rapport annexé qu’une enquête de réclamation sera menée tous les deux ans par l’ONDRP et l’INSEE. Actuellement déjà réalisées tous les deux ans, ces enquêtes présentent une très grande utilité en permettant de mettre en perspective les statistiques des faits constatés, dont les défauts ont été à juste titre maintes fois soulignés. L’avis est favorable.
L’amendement n° 302 rectifié réaffirme un principe qui vaut, en tout état de cause, dans tous les domaines. Il n’est donc pas indispensable de le rappeler ici : avis défavorable.
L’amendement n° 303 rectifié est un amendement rédactionnel : avis favorable.
L’amendement n° 304 rectifié tend à affirmer que l’État assistera également les collectivités territoriales dans leur politique immobilière lorsque celles-ci subissent les conséquences des redéploiements d’effectifs. Bien qu’elle puisse sembler légitime sur le fond, une telle proposition est trop imprécise. En outre, elle pourrait tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution. L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 406 a pour objet de modifier le rapport annexé pour mentionner les projets de service comme l’un des moyens d’améliorer la qualité du service rendu par les forces de sécurité : avis favorable.
L’amendement n° 409 tend à prévoir la mise en place d’un observatoire des emplois, des métiers et des compétences commun à la police et à la gendarmerie, ainsi que l’élaboration d’un bilan social annuel pour la police nationale. Enfin, il précise que la charte du dialogue social sera mise en œuvre. Avis favorable.
S’agissant de l’amendement n° 305, il va de soi que la police nationale doit respecter les valeurs de la République. Cette mention semble donc inutile, voire tout à fait superfétatoire. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement n° 407 tend à modifier le rapport annexé pour mettre l’accent sur l’accompagnement des agents dans le déroulement de leur carrière : avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. En vérité, monsieur le président, vous le verrez, cet avis ne coïncide pas toujours avec celui de la commission. (Sourires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
Toutefois, cela ne vaut pas pour l’amendement n° 292 rectifié, à propos duquel le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission, estimant que, dans un État républicain, le droit à la sécurité est un droit fondamental.
En revanche, contrairement à la commission, le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 293 rectifié, car il tient, quant à lui, au mot « Français », considérant que celui-ci est employé ici de façon générique, qu’il n’est pas exclusif et qu’il ne vise pas à priver de leur droit à la sécurité les ressortissants étrangers vivant régulièrement dans notre pays.
Il en va de même s’agissant de l’amendement n° 294 rectifié. En effet, la modernisation du maillage territorial dont il est question à l’alinéa 22 du rapport annexé est précisément destinée, ainsi que l’indique d’ailleurs son sous-titre, à assurer « la sécurité partout et pour tous ». Comment, dès lors, imaginer que le but poursuivi ne serait pas d’assurer l’égalité de tous les citoyens, qu’ils vivent en agglomération ou en zone rurale, devant le droit à la sécurité ?
L’amendement n° 295 rectifié vise à remplacer le mot « équivalent » par le mot « égal » s’agissant du niveau de sécurité dont doivent bénéficier les citoyens en dehors des grandes agglomérations. Certes, la sécurité est appréhendée globalement, mais les forces de sécurité ne sont pas organisées de manière uniforme, car elles doivent s’adapter à la réalité du terrain. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Pour ce qui est de l’amendement n° 296 rectifié, je rappelle que l’alinéa 57 précise bien que les différents leviers de l’action contre la délinquance sont : « la prévention, la dissuasion et la répression, sans omettre la communication ». Chacun de ces quatre leviers est tout à fait indispensable et l’importance de la prévention est soulignée dans la troisième phrase de l’alinéa 58. Le Gouvernement ne peut donc qu’être défavorable à cet amendement.
À Mme Escoffier, qui a défendu l’amendement n° 297 rectifié, je réponds que, du point de vue du Gouvernement, l’affirmation selon laquelle « chaque victime est une victime de trop » n’est pas une tautologie non plus qu’un argument émotionnel superflu. Cette phrase a justement pour objet de souligner l’importance de la prévention, laquelle vise à réduire le nombre des victimes. Faire en sorte qu’il y ait moins de victimes – et, évidemment, moins de délinquants – est la finalité de l’action des pouvoirs publics. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 298 rectifié vise à remplacer le mot « vidéoprotection » par le mot « vidéosurveillance ». Nous savons les uns et les autres que l’installation de caméras vidéo sur la voie publique ou aux abords de certains établissements a vocation à protéger la population de par leur effet dissuasif. Elles donnent en outre de très bons résultats lorsqu’il s’agit d’identifier les délinquants. Ces systèmes ne sont nullement destinés à assurer, fût-ce de manière subreptice, une surveillance intrusive de nos concitoyens. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 299 rectifié, le Gouvernement émet le même avis, car l’alinéa 64 lui paraît correspondre à la réalité, réalité dont il importe de retracer toute la complexité : le phénomène de la délinquance est en effet à la fois évolutif et changeant en ce qu’il est souvent affecté de changements brusques dans sa nature même, ces changements pouvant à leur tour engendrer des évolutions à plus au moins long terme.
S’agissant de l’amendement n° 300 rectifié, je veux faire remarquer que le mot dealer figure bien au dictionnaire de la langue française…
M. Bruno Sido. Lequel ?
M. Henri de Raincourt, ministre. …et surtout insister sur le fait qu’il renvoie à la réalité vécue au quotidien non seulement par tous ceux qui luttent d’arrache-pied contre le trafic des produits stupéfiants mais aussi par ceux qui sont les victimes de la drogue et par les trafiquants eux-mêmes.
Cela va donc au-delà d’une question de vocabulaire et l’avis du Gouvernement est défavorable.
Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 301 rectifié. La police et la gendarmerie sont certainement les corps de métier les plus observés, les plus évalués, les plus contrôlés, ainsi que les médias le démontrent du reste chaque jour. Dans un État républicain, ces évaluations et contrôles sont tout à fait légitimes. Il est évident qu’on ne peut citer ici toutes les instances internes ou externes, nationales ou internationales qui exercent un contrôle sur les policiers et les gendarmes et que ne citer que la Commission nationale de déontologie de la sécurité aurait un effet nécessairement réducteur.
S’agissant de l’amendement n° 302 rectifié, je rappelle que, comme l’indique l’alinéa 9, l’action menée par les services de police et de gendarmerie vise à « assurer la sécurité partout et pour tous », ce qui signifie bien que chacun a un droit égal à la sécurité, droit qui est défendu par des forces républicaines, porteuses des valeurs de la République. Il est bon de rappeler les devoirs de la République, mais offrir à ceux qui servent celle-ci les moyens d’assumer efficacement ces devoirs est exactement l’objet du présent projet de loi, ce qui me conduit à donner un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 303 rectifié, j’émets le même avis défavorable que sur l’amendement n° 295 rectifié puisqu’il a le même objet.
L'amendement n° 304 rectifié a trait aux redéploiements d'effectifs.
La mise en œuvre de la police d’agglomération se réalisant – les nombreux élus locaux qui siègent ici le savent – en concertation avec les élus, car cela est effectivement indispensable, il ne semble pas au Gouvernement qu’il y ait lieu d’indiquer dans un rapport d’orientation sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure que l’État assistera les collectivités territoriales dans leur politique immobilière.
Enfin, monsieur Mézard vous souhaitez préciser que la police nationale est « respectueuse des valeurs de la République ».
M. Bruno Sido. C’est tautologique !
M. Henri de Raincourt, ministre. Or, me semble-t-il, la police nationale est par définition respectueuse des valeurs de la République. Certaines de ces valeurs, auxquelles nous sommes les uns et les autres attachés, sont même, à bien des égards, incarnées par elle. Ce serait lui faire une mauvaise manière…
M. Bruno Sido. Un procès d’intention !
M. Henri de Raincourt, ministre. … que d’introduire une telle précision dans ce projet de loi, et le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 305 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l'amendement n° 300 rectifié.
M. Bruno Sido. Je souhaite tout simplement demander à M. le ministre dans quel dictionnaire il a lu que les mots deal et dealer étaient français…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Dans un dictionnaire de franglais ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Sous réserve de vérification, ces mots figurent dans le dictionnaire Le Robert, monsieur Sido, mais je ne sais pas s’il s’agit du petit ou du grand… (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, tout à l'heure, en émettant l’avis du Gouvernement, pour expliquer de quoi il s’agissait, vous-même avez employé les termes « trafic » et « trafiquants ». Dès lors que nous disposons des mots qui conviennent, il me semble illogique et regrettable que nous recourions dans un texte de loi à des expressions, certes couramment utilisées, mais qui n’appartiennent pas à notre langue, et l’attachement aux valeurs de la République dont vous faites toujours preuve devrait vous amener à soutenir notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Nous nous battons, et ce n’est pas toujours facile, pour que le français reste non seulement langue officielle, comme c’est le cas au Conseil de l’Europe ou à encore à l’ONU, mais aussi langue de travail.
En l’espèce, il s’agit d’un détail, mais je suis surpris que le Gouvernement n’accepte pas, ne serait-ce que par sympathie pour notre combat, de remplacer ces mots deal et dealer, qui, même s’ils figurent au Petit Robert – lequel contient d’ailleurs des mots qui n’appartiennent qu’au langage parlé – n’en sont pas moins des mots anglais !
M. le président. Monsieur le ministre, n’iriez-vous pas jusqu’à vous en remettre à la sagesse de notre assemblée ?... (Sourires.)
M. Henri de Raincourt, ministre. En raison de mon attachement très particulier à cette maison, j’accéderai à votre demande, monsieur le président ! (Nouveaux sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. M. le ministre est sage !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Si l’amendement n° 304 rectifié était adopté, il créerait une charge pour l’État, ce qui me conduit à invoquer l’article 40 de la Constitution.
M. le président. En l’absence momentanée du représentant de la commission des finances, qui ne peut donc donner l’avis de celle-ci sur l’applicabilité de l’article 40, je mets aux voix l'amendement n° 304 rectifié, qui a reçu, je le rappelle, un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n°305 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 305 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 407.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er et le rapport annexé, modifié.
(L'article 1er et le rapport annexé sont adoptés.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
I. - L'article 63 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « une infraction » sont remplacés par les mots : « un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement ».
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour toutes les autres infractions, l'autorisation du procureur de la République est requise. ».
II. - Le premier alinéa de l'article 63-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle est également immédiatement informée de son droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées. »
III. - L'article 63-4 est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut demander à s'entretenir avec un avocat » sont remplacés par les mots : « est assistée de son avocat » ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L'avocat peut consulter le dossier pénal sur place. Le dossier doit comporter, sous peine de nullité de la procédure, le procès-verbal d'interpellation, ainsi que le procès-verbal des diligences effectuées avant l'interpellation.
« Toutefois, le procureur de la République peut décider que l'alinéa précédent n'est pas applicable, lorsqu'il ressort des circonstances particulières de l'espèce qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre le droit de l'avocat de consulter le dossier pénal. Il avise sans délai l'officier de police judiciaire de sa décision.
« Sous peine de nullité de la procédure, l'avocat est avisé par tout moyen de la possibilité d'assister aux interrogatoires de son client, au moins deux heures avant ceux-ci. » ;
3° Au quatrième alinéa, les mots : « trente minutes » sont remplacés par les mots : « deux heures, ou de l'interrogatoire, » ;
4° Les deux premières phrases du dernier alinéa sont supprimées.
IV. - Le sixième alinéa de l'article 706-88 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« La personne dont la garde à vue est prolongée en application des dispositions du présent article peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l'article 63-4 ; elle est avisée de ce droit lorsque la ou les prolongations lui sont notifiées et mention en est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. À la suite d’une série d’arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil constitutionnel, dans une décision retentissante, a déclaré le régime de garde à vue de droit commun contraire à la Constitution, laissant au législateur jusqu’au mois de juillet 2011 pour réformer le système dans sa globalité.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel fournit plusieurs éléments permettant d’esquisser les exigences qu’il convient de retenir, reprenant d’ailleurs à son compte les principes développés par la Cour européenne des droits de l’homme dans divers arrêts.
Regardons la réalité en face : une réforme doit être adoptée avant juillet 2011 ; d’ici là, ce sont des centaines, voire des milliers de gardes à vue illégales qui seront prononcées, dans une hypocrisie institutionnelle sans pareil. Cela signifie que nous ne pouvons pas attendre 2011 : c’est aujourd’hui qu’il faut aménager notre système de garde à vue !
Cet amendement reprend les éléments de la proposition de loi déposée sur mon initiative et examinée par le Sénat en séance publique en avril 2010. Ce texte anticipait en tous points les conclusions du Conseil constitutionnel.
Parce qu’une mesure de garde à vue doit être réservée aux infractions les plus graves, notre première proposition vise à limiter la mesure aux cas où l’infraction que la personne est suspectée d’avoir commise est passible d’au moins cinq ans de prison. Pour toutes les autres infractions, le placement en garde à vue devra être autorisé par l’autorité judiciaire.
La deuxième proposition, c’est la notification du droit du gardé à vue de se taire et de ne pas participer à sa propre incrimination. Le Conseil constitutionnel y fait d’ailleurs directement référence dans sa décision.
La troisième proposition, la plus importante à mon sens, concerne le rôle de l’avocat dans le cadre de la garde à vue. Il doit évoluer vers une prise en compte accrue des droits de la défense.
Il s’agit, en premier lieu, d’allonger d’une durée raisonnable – au moins deux heures – la durée de l’entretien de la personne suspectée avec son avocat.
Il s’agit, en deuxième lieu, de permettre à l’avocat d’accéder au dossier pénal. C’est une autre exigence fondamentale si l’on souhaite que l’avocat puisse préparer la défense de son client et trouver des preuves à décharge. Ainsi, l’avocat disposera d’éléments suffisants pour préparer l’interrogatoire.
Il s’agit enfin, en troisième lieu, d’autoriser l’avocat à assister aux interrogatoires. Sur ce point aussi, la Cour européenne des droits de l’homme a été claire : cette présence doit être considérée comme un principe.
La commission des lois nous a dit que ces propositions n’avaient pas leur place dans cette réforme… Je ne vois pas pourquoi on ne les y intégrerait pas ! Je sais que Mme Alliot-Marie a présenté hier un projet de loi au Conseil d’État pour recueillir son avis, mais dans combien de temps ce projet de loi arrivera-t-il au Sénat ? Or la situation des gardés à vue est proprement inhumaine !
M. le président de la commission des lois lui-même a souhaité une accélération dans le règlement de cette grave question. Nous avons là une opportunité : saisissons-la !
M. le président. L'amendement n° 277 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :
« Art. 4. I. - Le mineur de dix-sept ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de treize ans à dix-sept ans contre lequel il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement peut, pour les nécessités de l'enquête, être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat du ministère public ou d'un juge d'instruction spécialisés dans la protection de l'enfance ou d'un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder douze heures. Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder douze heures, après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible. Elle doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à l'une des personnes visées au II.
« II. - Lorsqu'un mineur est retenu, l'officier de police judiciaire doit informer de cette mesure les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur.
« III. - Dès la retenue prévue au I, le procureur de la République ou le juge chargé de l'information doit désigner un médecin qui examine le mineur dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article 63-3 du code de procédure pénale.
« IV. - Dès le début de la retenue, le mineur doit être immédiatement informé de son droit à être assisté par un avocat ; il peut demander à s'entretenir avec un avocat, dans les conditions prévues à l'article 63-4 du même code. Lorsque le mineur n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux qui sont alors avisés de ce droit lorsqu'ils sont informés de la retenue en application du II. »
II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
A. Le premier alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après les mots : « il existe », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « des indices graves et concordants faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement » ;
2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Pour évaluer la peine encourue, les articles 132-10 et 132-11 du code pénal ne sont pas applicables. »
B. L'article 63-1 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La référence : « et 63-4 » est remplacée par les références : « 63-4 et 803 » ;
b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Elle est également immédiatement informée de son droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Sauf en cas de circonstance insurmontable, et sous peine de nullité de la procédure, les diligences résultant pour les enquêteurs de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3 doivent intervenir dès le moment où la personne a été placée en garde à vue. »
C. Le second alinéa de l'article 63-2 est supprimé.
D. La seconde phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 63-3 est complétée par les mots : « et une copie en est immédiatement remise au gardé à vue et à un membre de la famille s'il en fait la demande ».
E. L'article 63-4 est ainsi rédigé :
« Art. 63-4. - Dès le début de la garde à vue, la personne est assistée d'un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.
« Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
« Dès qu'il est contacté, l'avocat est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date alléguées de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
« Dès son arrivée, l'avocat a accès à l'ensemble du dossier pénal. Le procès-verbal d'interpellation, les procès-verbaux des diligences effectuées avant l'interpellation ainsi que tous les actes résultant de l'application des articles 63 à 64 doivent figurer dans le dossier.
« La personne en garde à vue ne peut pas être interrogée avant l'arrivée de l'avocat.
« À moins que la personne gardée à vue en fasse la demande par acte contresigné par son avocat, qui s'assure auprès de son client de la réalité de la sincérité de cette volonté, celui-ci assiste à tous les interrogatoires.
« Avant tout interrogatoire, l'avocat est mis en mesure de communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien.
« À l'issue de chaque entretien ou de chaque interrogatoire dont la durée ne peut excéder deux heures, l'avocat présente, s'il l'estime opportun, des observations écrites qui sont jointes aux procès-verbaux.
« Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut demander à être assistée d'un avocat dès le début de la prolongation dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents. »
F. L'article 63-5 est ainsi rédigé :
« Art. 63-5. - La fouille intégrale des personnes placées en garde à vue ainsi que les investigations corporelles sont interdites.
« La fouille de sécurité est réalisée une seule fois, si elle est indispensable pour assurer la sécurité des personnes, par des moyens de détection électronique. Elle est effectuée dans le respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique. »
G. Le premier alinéa de l'article 64 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il mentionne enfin le recours à la fouille de sécurité, l'identité de la personne qui l'a pratiquée ainsi que les raisons qui l'ont motivée. »
H. Après l'article 64, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art ... - Toute personne placée en garde à vue a le droit au respect de la dignité humaine, notamment dans le domaine du respect de l'intimité, de la pudeur et de l'hygiène.
« Toute atteinte à la dignité humaine de la personne placée en garde à vue engage la responsabilité de l'État. Le préjudice moral subi par la victime ne saurait être évalué à une somme inférieure à 1 000 €. »
I. L'article 77 est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « il existe », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « des indices graves et concordants faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement » ;
2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Pour évaluer la peine encourue, les articles 132-10 et 132-11 du code pénal ne sont pas applicables. »
J. L'article 706-88 est abrogé.
K. Après le premier alinéa de l'article 803, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les deux cas, il est dressé un procès-verbal, versé au dossier, qui motive substantiellement les mesures prises. »
III. - La méconnaissance d'une garantie applicable à la garde à vue entraîne la nullité de la procédure.
IV. - Les fouilles de sécurité, les contraintes et l'utilisation des menottes pratiquées sans motifs sérieux engagent la responsabilité disciplinaire de leur auteur, sans préjudice de leur qualification pénale et de la réparation du préjudice.
V. - Le fait pour toute personne de ne pas respecter l'interdiction posée à l'article 63-5 du code de procédure pénale dans le cadre de la procédure de garde à vue est puni de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 7 500 €.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement découle de tout le débat que nous avons eu sur la garde à vue. Tout le monde était d’accord, me semble-t-il, sur la nécessité de réviser notre législation en la matière, et ce avant même qu’intervienne la décision du Conseil constitutionnel.
Cette décision était d’ailleurs prévisible depuis longtemps puisque la France avait été alertée – pour ne pas dire blâmée ! – par des instances européennes quant à ses conceptions et pratiques concernant la garde à vue.
Chacun reconnaissait donc la nécessité de réviser le système de garde à vue, y compris la garde des sceaux, qui, à l’occasion du débat sur des propositions de lois déposées au Sénat, avait fourni quelques explications et esquissé quelques pistes.
Cet amendement reprend grosso modo les éléments de notre propre proposition de loi portant réforme de la garde à vue et concerne d’abord les mineurs, puis les garanties de la défense des gardés à vue et, enfin, les conditions mêmes de la garde à vue.
On peut prévoir la réponse qui va nous être opposée puisque le Gouvernement, fort opportunément, vient de déposer un projet de loi sur ce sujet. Mais ce projet de loi ne sera pas adopté demain matin ! Or la LOPPSI 2 pourrait être le cadre d’une évolution de la garde à vue et serait même très appropriée puisqu’il faut agir aussi rapidement que possible dans la mesure où, comme l’a observé ma collègue Alima Boumediene-Thiery, il va y avoir de très nombreuses gardes à vue qui ne respecteront pas les exigences mentionnées dans la décision du Conseil constitutionnel.
Le projet du Gouvernement, on l’a vu, tend à réserver l’application de la garde à vue aux personnes suspectées de délits passibles d’emprisonnement. Le débat sur ce sujet avait déjà eu lieu dans notre assemblée : c’est déjà exactement ce qui se passe aujourd’hui ! Et la LOPPSI 2 ne va rien arranger ! Mais, même sans prendre celle-ci en compte, aux termes du code pénal, le vol simple est passible de trois ans de prison ; les chauffards, eux-aussi, encourent des peines de prison… Bref, des peines d’emprisonnement, il y en a autant comme autant ! C’est pourquoi nous souhaitons limiter les mesures de garde à vue aux cas où une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans est susceptible d’être encourue.
Par ailleurs, nous avons également déjà eu ici même un débat avec la garde des sceaux au sujet de l’audition dite « libre ». De quoi s’agit-il en réalité ? C’est une sorte de garde à vue « allégée ». Mais, pour l’intéressé, s’il ne peut pas sortir, c’est la même chose ! C’est pourtant présenté comme une alternative au placement en garde à vue. On est là en pleine hypocrisie puisque la personne qui ne veut pas participer à l’audition libre est mise en garde à vue. Il est clair que cette audition libre permet en fait à la police d’obtenir des aveux avant que l’avocat ne soit présent. Dès lors, l’exigence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel selon laquelle le gardé à vue doit bénéficier immédiatement de la présence de sa défense n’est pas respectée.
Tout cela mérite donc réflexion. Nous aurons probablement l’occasion d’en débattre lorsque le projet de loi sera en discussion, mais je crois que la LOPPSI 2, qui va précisément aggraver les peines, pourrait être l’occasion de faire œuvre de parlementaires, c’est-à-dire d’essayer de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et, plus largement, de discuter de la condition et des droits des personnes gardées à vue.
M. le président. L'amendement n° 306 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Toute personne placée en garde à vue fait immédiatement l'objet d'une audition, assistée d'un avocat si elle en fait la demande. Son audition est alors différée jusqu'à l'arrivée de l'avocat. » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À l'issue de cette audition, la personne ne peut être entendue, interrogée ou assister à tout acte d'enquête hors la présence de son avocat, sauf si elle renonce expressément à ce droit. Le procès-verbal d'audition visé à l'article 64 mentionne la présence de l'avocat aux auditions, interrogatoires et actes d'enquête, ainsi que les motifs de son absence le cas échéant. » ;
3° Le quatrième alinéa est supprimé ;
4° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« L'avocat ne peut faire état auprès de quiconque du ou des entretiens avec la personne placée en garde à vue pendant la durée de cette dernière. » ;
5° Le sixième alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque la garde à vue a fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à faire immédiatement l'objet d'une audition, assistée d'un avocat si elle en fait la demande dans les conditions prévues aux premier et troisième alinéas. » ;
6° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est supprimée ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « Si elle » sont remplacés par les mots : « Si la personne » et les références : « aux 3° et 11° du même article » sont remplacées par la référence : « au 11° de l'article 706-73 ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous avions beaucoup insisté, il y a quelques mois, sur la nécessité de réformer la garde à vue. L’actualité et la décision du Conseil constitutionnel ont démontré qu’il y avait véritablement urgence.
Cette urgence s’intensifie, car nous sommes entrés, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel et d’un certain nombre de décisions de nos tribunaux, dans une période d’insécurité juridique.
Le 7 septembre, Mme le garde des sceaux a indiqué qu’un nouveau projet allait être présenté. Il a été transmis au Conseil d’État.
Pourtant, je crois que cet amendement constitue une piqûre de rappel, faisant d’ailleurs suite à celle qu’avait administrée le président de la commission des lois juste avant l’été, insistant sur la nécessité d’aller vite. C’est une nécessité eu égard à la sécurité, à la justice et au travail de nos policiers. J’ai retiré tout à l’heure un amendement qui pouvait, à cet égard, prêter à confusion : nous ne suspectons aucunement la police de mal faire son travail. Au contraire, la réforme de la garde à vue permettra de lui faciliter les choses.
Nous débattons aujourd’hui d’un projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et nous sommes dans un exercice d’équilibre.
J’ai sous les yeux le communiqué d’un syndicat de police rédigé à la suite de la déclaration du garde des sceaux sur la garde à vue. Ce communiqué, monsieur le ministre, est révélateur de ce climat de rupture et de division que j’ai évoqué, et qui résulte de nombreuses déclarations faites cet été.
Ce syndicat de police voit dans le projet de Mme le ministre de la justice « une conformation hâtive et inutilement servile à une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et déplore que l’activisme du lobby des avocats s’exerce au mépris du droit à la sécurité des plus faibles ». Et de poursuivre : « Si le voyou bénéficie désormais de l’assistance gratuite d’un avocat, la victime, même smicarde, devra en être de sa poche ! »
Ce syndicat de police, monsieur le ministre, est effaré par l’absence de réflexion de fond pour ébaucher une véritable politique pénale française, et cela au moment même où nous discutons de cette loi de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Cela est très révélateur du climat qui, malheureusement, règne à la fois dans la police et dans l’opinion au regard des enjeux de sécurité. Le ministre de l’intérieur y a malheureusement largement contribué par des propos tout à fait excessifs, utilisant non pas la sécurité, mais la psychose sécuritaire pour diviser nos compatriotes, alors que, j’en suis sûr, nous sommes très nombreux dans cette assemblée à nous trouver d’accord sur l’essentiel.
Si vous le permettez, monsieur le président, afin de gagner du temps, je défendrai également l’amendement suivant.
M. le président. C’est une excellente idée et nous allons donc joindre cet amendement à la discussion commune en cours.
L'amendement n° 307 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 323 du code des douanes est complété par douze alinéas ainsi rédigés :
4. Toute personne placée en retenue peut, à sa demande et sauf circonstance insurmontable, faire prévenir par téléphone, dans un délai de trois heures, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et sœurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet.
Si l'agent estime, en raison des nécessités de l'enquête, ne pas devoir faire droit à cette demande, il en réfère sans délai au procureur de la République qui décide, s'il y a lieu, d'y faire droit.
5. Toute personne placée retenue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou un agent des douanes. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois.
À tout moment, le procureur de la République ou un agent des douanes peut d'office désigner un médecin pour examiner la personne placée en retenue.
En l'absence de demande de la personne placée en retenue, du procureur de la République ou d'un agent des douanes, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le demande ; le médecin est désigné par le procureur de la République ou l'agent des douanes.
Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en retenue est versé au dossier.
Le présent article n'est pas applicable lorsqu'il est procédé à un examen médical en application de règles particulières.
6. Toute personne placée en retenue fait immédiatement l'objet d'une audition, assistée d'un avocat si elle en fait la demande. Son audition est alors différée jusqu'à l'arrivée de l'avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.
Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
À l'issue de cette audition, la personne ne peut être entendue, interrogée ou assister à tout acte d'enquête hors la présence de son avocat, sauf si elle renonce expressément à ce droit. Le procès-verbal visé aux articles 324 à 327 mentionne la présence de l'avocat aux auditions, interrogatoires et actes d'enquête, ainsi que les motifs de son absence le cas échéant.
L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par un agent de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
Lorsque la retenue a fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à faire immédiatement l'objet d'une audition, assistée d'un avocat si elle en fait la demande dans les conditions prévues aux premier et troisième alinéas du présent 6.
Veuillez poursuivre, monsieur Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise, quant à lui, les personnes retenues par les services des douanes.
Je ne pense pas qu’il puisse recevoir aujourd’hui un assentiment majoritaire, mais il me semble que nous devrons parvenir à un accord de cette nature dans les semaines ou les mois qui viennent.
Je vous invite d’ailleurs, mes chers collègues, à lire l’avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté sur ce qui se passe dans les services des douanes et dans certains centres de rétention. Nous avons là une œuvre utile à accomplir pour la justice et l’image de notre République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements traitent de la garde à vue et, sur toutes les travées, nous pensons qu’une réforme est nécessaire en la matière.
Néanmoins, après en avoir longuement débattu ce matin, les membres de la commission considèrent qu’on ne peut pas la mener dans le cadre de la LOPPSI, d’autant que Mme le garde des sceaux vient de présenter les grandes orientations d’une réforme plus globale intégrant la garde à vue.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable, en précisant bien qu’il porte non sur le fond de ces amendements, mais sur le moment où ils nous sont soumis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. Le Gouvernement prend évidemment acte de la décision du Conseil constitutionnel relative à la garde à vue. Mais celle-ci est assortie d’un calendrier qui nous permet d’élaborer un texte global et complet sur cette question très importante et très sensible avant le 30 juillet 2011.
Au nom du Gouvernement, et sans entrer dans le fond du texte sur la garde à vue, je veux vous dire, monsieur Mézard, qu’après un travail très approfondi et de nombreuses concertations, un avant-projet de loi est aujourd’hui soumis au Conseil d’État.
La révision constitutionnelle de juillet 2008 ayant introduit des délais dans le calendrier d’organisation des travaux parlementaires, et l’ordre du jour de l’automne étant traditionnellement chargé avec, entre autres, l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le projet de réforme de la garde à vue sera présenté dès 2011 au Parlement.
Toutefois, ce sont quatre livres du code de procédure pénale qui doivent être revisités, soit plus de 1 400 articles – Mme le garde des sceaux s’est exprimée à plusieurs reprises sur le sujet –, et chacun sait bien ce que cela représente en termes de travail parlementaire. C’est pourquoi je suis assez étonné que l’on veuille ainsi isoler un texte. Il nous semblerait logique que le Parlement examine simultanément le livre Ier, qui pose les grands principes, avec la partie du livre III relative à la garde à vue. C’est ce vers quoi nous essayons de tendre, afin de pouvoir réaliser un travail sérieux. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation et, puisqu’il convient de revoir notre système de garde à vue, autant resituer cette réforme dans le cadre plus général de celle du code de procédure pénale.
Je comprends bien les réactions qui peuvent d’ores et déjà émaner de telle ou telle organisation représentative. Mais à partir de quelle version des textes leurs communiqués sont-ils rédigés ?
J’ai le sentiment, après les concertations qui ont été organisées et les arbitrages qui ont été rendus aux plus hauts échelons de l’État, mais aussi après tout le travail qui sera mené, en interne, auprès des différents services qui auront à mettre en œuvre la nouvelle politique en matière de garde à vue, que l’on répondra aux éventuelles inquiétudes ou critiques qui peuvent surgir ici ou là et dont vous vous êtes fait l’écho, monsieur Mézard.
C’est parce que je suis optimiste sur l’évolution de cette importante question qu’il me semble possible, aujourd’hui, de demander aux sénateurs qui ont déposé ces amendements de faire preuve de sagesse en les retirant. S’il devait en aller autrement, je serais naturellement obligé d’émettre, à regret, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. À plusieurs reprises, le Sénat a réaffirmé très clairement son souhait de réformer le régime de la garde à vue, et nous avions dit que nous prendrions l’initiative de déposer un texte à l’automne si rien ne venait.
C’est dire que les éléments communiqués hier par Mme le garde des sceaux sont de nature à nous rassurer et que l’avant-projet de loi transmis hier au Conseil d’État est propre à satisfaire les auteurs de ces amendements.
En effet, ce texte permettra de limiter les gardes à vue en ce sens que seuls les délits et les crimes passibles d’emprisonnement pourront faire l’objet d’une garde à vue, et seuls ceux punissables de plus d’un an d’emprisonnement pourront donner lieu à sa prolongation. En outre, les fouilles à corps intégrales seront proscrites et le droit de garder le silence sera rappelé à chaque personne placée en garde à vue.
Il est également affirmé – c’est la grande nouveauté – que l’avocat pourra assister son client tout au long de la garde à vue, en étant présent pendant les interrogatoires et en consultant les procès-verbaux d’auditions.
Au surplus, cette réforme devrait intervenir rapidement, Mme le garde des sceaux ayant affirmé qu’elle entendait déposer les textes dès l’automne.
En laissant au législateur un délai d’un an, la décision du Conseil constitutionnel a écarté un risque d’insécurité juridique. J’ai tendance à penser que, dans moins d’un an, nous aurons un texte qui donnera satisfaction aux auteurs des trois amendements. En conséquence, je pense, moi aussi, que la sagesse consisterait à les retirer, dès lors que nous avons obtenu des assurances très précises de la part du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Mon point de vue est différent de celui qui vient d’être exprimé. Nous savons tous, depuis des années, que la garde à vue est un scandale ordinaire. Ordinaire en ce que la garde à vue touche beaucoup de monde et peut tous, un jour, nous concerner. On compte 900 000 gardes à vue dans ce pays : c’est sans doute beaucoup plus que le nombre de personnes qui mériteraient de se voir privées de liberté pendant ce laps de temps.
Ce scandale ordinaire a fait l’objet d’une dénonciation sur certaines des travées de cet hémicycle, y compris de la part de M. Zocchetto.
Nous avons toujours considéré que la garde à vue posait un problème constitutionnel. Mais, pendant des années, on nous a répété qu’elle était conforme à la Constitution et aux différentes règles européennes. La vérité vient de tomber : le 30 juillet, le Conseil constitutionnel a annulé quatre articles du code de procédure pénale relatifs à la garde à vue. Que fait-on maintenant ?
J’entends ce que vous dites, monsieur le ministre, mais je remarque que le même régime ne s’applique pas à tous. Lorsque le Président de la République estime que des faits divers commis pendant l’été justifient de modifier la loi, on utilise le premier véhicule législatif venu, en l’occurrence la LOPPSI, pour le faire. On évoque l’urgence et on agit immédiatement.
Or, pour la garde à vue, l’urgence est bien réelle, car, aujourd’hui, et au plus tard jusqu’en juillet prochain, la garde à vue, tout en étant inconstitutionnelle, demeurera légale. C’est quand même rare, dans un pays républicain, que le Conseil constitutionnel déclare une loi non conforme aux grands principes qui sont les nôtres tout en la laissant s’appliquer.
On comprend certes qu’il faille un délai pour modifier la loi, mais il devrait être le plus bref possible, et intervenir avant le début même de l’année 2011.
Certains de nos collègues ont choisi de procéder par voie d’amendements. Nous soutiendrons leur démarche.
Pour sa part, le groupe socialiste, comme il l’avait annoncé dès le 31 juillet, a choisi de déposer une proposition de loi, et le groupe socialiste de l'Assemblée nationale va déposer un texte qui sera sans doute identique.
Au regard des principes que nous y défendons, l’avant-projet transmis par Mme le garde des sceaux au Conseil d’État ne nous satisfait pas complètement. Je souhaiterais d’ailleurs obtenir une précision de votre part, monsieur le ministre. Vous avez affirmé tout à l’heure qu’un nombre considérable d’articles du code de procédure pénale étaient visés par la réforme, ce qui donne à penser que toute la réforme du code de procédure pénale vient d’être transmise au Conseil d'État, et non pas seulement la partie relative la garde à vue, qui doit faire l’objet d’un texte distinct…
M. Henri de Raincourt, ministre. Nous souhaitons toutefois coupler ce texte à la réforme du livre Ier.
M. Alain Anziani. Quoi qu'il en soit, les principes que nous défendons sont les suivants.
D’abord, qui doit décider de la garde à vue ? Si j’ai bien compris Mme le garde des sceaux – mes informations proviennent d’une émission de télévision et sont donc parcellaires –, j’ai l’impression que, dans l’avant-projet, c’est toujours l’officier de police judiciaire qui décidera de la garde à vue. Si tel est bien le cas, nous ne sommes pas d’accord, et nous nous en tenons à cette idée qu’une restriction de liberté doit relever d’une autorité judiciaire, qu’il s’agisse d’un juge ou d’un procureur, à condition que ce dernier soit indépendant.
Ensuite, qui doit subir la garde à vue ? Le fait que seules les personnes passibles d’une peine de prison soient concernées me semble constituer une avancée importante dans les propositions de Mme le garde des sceaux, même si ce n’est peut-être pas l’avancée que nous souhaitions tous. Il faudra expertiser cette proposition et voir si cette peine d’emprisonnement suffit à justifier la garde à vue. C’est un vaste débat.
Enfin, quels doivent être les droits des personnes gardées à vue ? Sur ce point, nous restons encore dans le flou, l’information n’ayant pas encore eu le temps de circuler. Le droit à l’avocat lors des auditions me semble aller de soi. Mais je pense qu’il faudra également affirmer le droit à l’avocat en dehors des auditions. Pour reprendre une expression employée par le bâtonnier du barreau de Paris, la visite de l’avocat ne devra pas être une simple « visite de courtoisie », mais une visite permettant à la personne de préparer sa défense. Cela suppose que l’avocat ait accès au dossier. Nous attendons évidemment des précisions sur les pièces du dossier qui pourront être transmises à l’avocat. Si, notamment, une tierce personne pouvait empêcher l’avocat d’avoir accès au dossier, cela constituerait un point de divergence avec nos propositions.
Nous saluons, dans les annonces qui ont été faites, l’interdiction de la fouille à corps, une pratique que nous n’avons eu de cesse de combattre, ainsi que le rappel du droit au silence.
Enfin, lorsque nous allons réformer la garde à vue, gardons-nous de réinventer pas la même chose sous une autre forme ! On prévoit la possibilité d’une audition « libre ». Mais libre de quoi ? Libre de conseil ? Libre d’avocat ? Libre de connaissance du dossier ? Nous avons déjà eu le traquenard de la garde à vue ; ne tombons pas demain dans un autre piège, en instituant une « garde à vue bis », avec une liberté qui sera sans doute relativement contrainte.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.
M. François Pillet. Mes chers collègues, je pense que nous pouvons parvenir à un consensus sur ce point, en reprenant notamment les termes du raisonnement de François Zocchetto.
À propos de la garde à vue, tout le monde a été choqué par certains événements qui ont amené nos collègues députés et nous-mêmes à intervenir.
Mais, depuis plus d’un an, sur l’initiative de Mme le garde de sceaux, des professeurs, des magistrats et des avocats appartenant à différents syndicats, ainsi que des parlementaires de diverses sensibilités, ont réfléchi.
Mme Alliot-Marie a déposé hier devant le Conseil d'État, non pas un texte qui aurait été rédigé dans la nuit, mais le premier livre de la réforme du nouveau code de procédure pénale.
Je comprends parfaitement que l’on veuille aller vite. Le Conseil constitutionnel, dans sa grande sagesse, a néanmoins pensé qu’il nous fallait tout de même un peu de temps : ce temps, nous devons l’utiliser pour réfléchir à un système cohérent.
Dans cette réflexion, plusieurs questions doivent être posées. D’abord, dans quelles hypothèses la garde à vue peut-elle être envisagée ? Ensuite, qui la décide ? Comment se déroule-t-elle et qui peut intervenir ?
Par ailleurs, un point a été complètement oublié aujourd’hui : qui tranche les incidents de la garde à vue ?
Tout cela n’est pas prévu dans les amendements qui nous sont présentés. Ils vont peut-être dans le bon sens, peut-être même dans le sens du texte qui nous sera soumis, mais il faut que nous adoptions une construction juridiquement cohérente. Or ces amendements ne créent pas une telle construction.
La raison voudrait, me semble-t-il, qu’ils soient retirés puisque, de toute façon, grâce au Conseil constitutionnel, nous disposons d’un délai pour mener une réflexion globale sur ce point.
J’ajoute, pour être tout à fait complet, que l’on ne peut pas réfléchir à la garde à vue sans réfléchir à tout le système d’enquête et les recours devant le juge des libertés et de la détention, le JLD, qui sera peut-être un jour le juge de l’enquête et des libertés.
Telle est la raison pour laquelle je partage le point de vue de François Zocchetto.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je suis sensible à un certain nombre d’arguments qui ont été avancés, concernant notamment les excès de la garde à vue. Nous autres avocats sommes probablement les mieux placés pour savoir ce qui se passe dans ce domaine.
Depuis plusieurs mois, nous sommes intervenus les uns et les autres, tous horizons politiques confondus, pour demander une réforme de la garde à vue et nous ne sommes pas étrangers, me semble-t-il, à l’initiative qu’a prise Mme la garde des sceaux.
La sagesse, me semble-t-il, est d’attendre que le texte nous soit soumis, que nous puissions y travailler, déposer des amendements, plutôt que de se précipiter aujourd’hui. C’est pourquoi je soutiendrai la position du Gouvernement dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne retirerai pas mon amendement. J’ai bien entendu les arguments qui ont été avancés par le Gouvernement et par quelques sénateurs. Le Gouvernement aurait pu, et à mon sens aurait dû, à partir des propositions des parlementaires d’opinions différentes qu’il a eu le loisir d’examiner, décider de réformer la garde à vue indépendamment de l’ensemble de la procédure pénale puisque, de toute façon, il sera obligé de le faire séparément. Or ce n’est pas le cas.
Franchement, on ne peut pas dire aujourd’hui, parce que le Gouvernement vient de déposer un projet de loi dont nous serons amenés à débattre, que nous avons satisfaction et qu’il n’y a plus qu’à nous mettre tous d’accord dans la perspective de l’examen de ce texte, qui interviendra quand le Gouvernement le décidera, en tout cas avant la date limite fixée par le Conseil constitutionnel.
Pourquoi ne pouvons-nous pas être satisfaits ? Parce que, entre-temps, il y aura d’innombrables gardes à vue et que la guerre entre la police et la justice ne pourra qu’augmenter le nombre des annulations de gardes à vue.
De plus, nous ne sommes pas non plus béats de satisfaction devant le projet présenté par le Gouvernement, car il ne nous paraît pas répondre à toutes les critiques qui ont été formulées lors des différents débats que nous avons eus ici.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je partage très souvent les réflexions mesurées et sages de François Zocchetto. Toutefois, s’agissant de ce problème de la garde à vue, sur lequel il y aura certes un texte plus complet que nos amendements, il n’en reste pas moins nécessaire, encore une fois, d’alerter et d’envoyer un signal.
On nous dit qu’il faut réfléchir. Il y a des textes sur lesquels le Gouvernement nous demande non pas de réfléchir mais de voter, en particulier pour modifier le code de procédure pénale et le code pénal, y compris d’ailleurs dans cette LOPPSI 2, qui comporte des modifications importantes du code de procédure pénale : c’est bien la preuve que, là, on n’attend pas la réforme de ce code.
On réfléchit sur la question de la garde à vue depuis très longtemps, sans doute trop longtemps. En effet, monsieur le ministre, sur ce point, le Gouvernement effectue une marche forcée à reculons : il a fallu la pression de tout le monde, y compris du Conseil constitutionnel – puisque celle de la Cour européenne des droits de l’homme n’était pas suffisante –, pour admettre qu’il n’était pas normal d’avoir aujourd'hui en France 850 000 gardes à vue, et souvent dans des cas qui ne justifient nullement un placement en garde à vue.
Je vais quelque peu modérer l’optimisme de notre collègue Alain Anziani sur le futur projet de loi de Mme la garde des sceaux. Il importe aussi, me semble-t-il, de rappeler qu’il y a des points sur lesquels on ne peut pas transiger, notamment sur le respect de la personne humaine.
Alain Anziani nous a dit que, aux termes du nouveau texte, il n’y aurait plus de fouilles à corps intégrales. En fait, elles seront « limitées aux cas indispensables pour les nécessités de l’enquête ». Ce n’est pas du tout la même chose !
Quant à dire que le problème évoluera de manière très positive parce que ne pourront être placées en garde à vue que les personnes soupçonnées d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement, cela ne changera pas grand-chose puisque l’immense majorité des délits – je ne parle pas des crimes bien évidemment – peuvent être sanctionnés par des peines d’emprisonnement. Je rappelle qu’aujourd’hui la peine encourue pour le délit d’usurpation de plaque est de sept ans, pour l’alcoolémie au volant, de deux ans. Je ne prétends pas que ces peines ne sont pas justifiées et qu’elles doivent être réduites : je dis que cela ne résoudra pas les difficultés actuelles.
Quant à la création de l’audition « libre », alors qu’on est enfermé, c’est une innovation assez originale qui nécessitera d’autres débats.
On sent bien que, sur ce point, le Gouvernement essaie de gagner du temps, car c’est un sujet difficile, qui va susciter des réactions hostiles au sein des forces de police, réactions que l’on peut d’ores et déjà percevoir, bien que nombre de syndicats soient convaincus de la nécessité de cette réforme.
Ces amendements constituent un signal, ou plutôt un rappel : cette situation ne peut perdurer. On nous annonce tous les trois mois, depuis plus d’un an, de nouvelles avancées, mais nous les attendons encore.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Je ne suis pas juriste et je suis donc très embarrassé par cette affaire.
L’idéal serait, me semble-t-il, que ces amendements soient retirés pour permettre l’application de la décision du Conseil constitutionnel dans le délai qu’il a fixé. Ainsi, compte tenu des positions prises très clairement par Mme la garde des sceaux, la réforme pourrait aboutir de façon convenable.
Si les amendements sont maintenus, nous serons obligés de voter contre. Or, personnellement, je n’ai pas envie de voter contre un amendement tendant à supprimer la garde à vue. Par conséquent, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je ne retirerai pas mon amendement pour trois raisons essentielles.
Premièrement, comme l’a dit M. Mézard, le projet de loi de Mme Alliot-Marie ne correspond pas à nos attentes.
Deuxièmement, il y a encore aujourd’hui et il y aura encore pendant près d’un an des centaines de gardes à vue inconstitutionnelles, en violation de la dignité et du droit. Cela, je ne peux pas l’accepter.
Troisièmement, qu’on arrête de nous dire qu’il faut attendre la réforme de la procédure pénale ! Sinon, quel est le sens de ce débat sur la LOPPSI 2, qui vise aussi à réformer la procédure pénale ? Il faudrait aussi attendre la réforme de la procédure pénale !
M. le président. L'amendement n° 194 rectifié, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À partir de 2011 et tous les deux ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un état des lieux, circonscription par circonscription pour la police nationale, brigade par brigade pour la gendarmerie nationale, de la répartition territoriale actuelle des effectifs chargés des missions de sécurité publique, en tenant compte de leur statut et de l'ancienneté.
Il présente les préconisations du Gouvernement pour résorber la fracture territoriale existante, redéployer les forces prioritairement vers les territoires les plus exposés à la délinquance, mettre fin à l'utilisation des personnels actifs dans des tâches administratives.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Nous avons rectifié cet amendement après une discussion en commission des lois. Il me semble correspondre parfaitement à l’esprit de la LOPPSI, qui a essentiellement pour but de mettre fin à la fracture territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Compte tenu de la rectification qui consiste à supprimer la référence à l’année 2007, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Chapitre II
Lutte contre la cybercriminalité
Article 2
Après l’article 226-4 du code pénal, il est inséré un article 226-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 226-4-1. – Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. »
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Pourquoi demandons-nous la suppression de l’article créant le délit d’usurpation d’identité ?
Au départ, ce délit concernait uniquement les infractions commises sur Internet. Il est désormais élargi à un ensemble d’hypothèses dans lesquelles il est porté atteinte à la tranquillité d’une personne dans sa vie quotidienne mais aussi à son honneur ou à sa considération.
Cette création d’un délit nouveau nous semble inutile puisque le droit en vigueur prévoit ces infractions : l’article 313-1 du code pénal prévoit le délit d’escroquerie ; l’article 226-1 du code pénal traite, quant à lui, du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui – nous sommes au cœur du sujet – et l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 règle les questions de diffamations et d’injures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. À l’heure actuelle, l’usurpation d’identité n’est réprimée que lorsqu’elle a été réalisée dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer des poursuites pénales contre la personne dont l’identité est usurpée. L’incrimination créée par l’article 2 du projet de loi a donc un champ plus large et tend à combler un vide juridique.
J’attire votre attention sur le fait que l’usurpation d’identité – qui consiste, pour la personne malveillante, à se faire passer pour un tiers afin de nuire à ce dernier en lui imputant indûment, par exemple, des propos, des attitudes – ne doit pas être confondue avec les infractions d’injure ou de diffamation, qui sont réprimées par la loi de 1881 sur la liberté de la presse et qui couvrent des hypothèses différentes d’atteinte à l’honneur ou à la considération. Dans l’injure ou la diffamation, l’auteur tient des propos et les assume en son nom propre.
La création de cette nouvelle incrimination participe de l’effort des pouvoirs publics, au niveau tant national que communautaire, pour mieux protéger la vie privée et les données personnelles de nos concitoyens.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Aujourd'hui, le délit d’usurpation d’identité sur un réseau de communications électroniques n’est pas réprimé dans tous les cas. Face à des comportements susceptibles d’entraîner des préjudices qui peuvent s’avérer importants, il faut apporter une réponse adaptée.
À cet égard, je prendrai un exemple simple, tiré de la vie courante. Imaginez un amoureux qui a été éconduit… Cela arrive ! (Sourires.) Blessé dans son amour-propre, il décide de se venger en diffusant sur un site dit « de charme » – tout le monde voit à quel genre de sites je fais allusion ! –, les coordonnées de la jeune femme et, éventuellement, une photo. Voilà qui entraîne indiscutablement un préjudice, préjudice encore plus important si l’amoureux dépité ajoute les coordonnées professionnelles de sa victime. Reconnaissez, monsieur Anziani, que cette situation n’est pas invraisemblable !
En l’état actuel du droit, aucunes poursuites ne peuvent être engagées dans un tel cas d’espèce. C'est pourquoi l’article 2 de ce projet de loi est indispensable.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 111, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 226-4-1. - Le fait d'usurper sur un réseau de communication électronique l'identité d'une personne physique ou morale ou une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de tromper toute personne physique ou morale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
II. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les peines prononcées se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour l'infraction à l'occasion de laquelle l'usurpation a été commise. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit ici de préciser et de circonscrire le champ d’application du délit d’usurpation d’identité sur un réseau de communications électroniques.
Dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois du Sénat, cette infraction concerne toute atteinte à la tranquillité, à l’honneur ou à la considération d’une personne. Le champ de l’infraction est donc extrêmement vaste, celle-ci étant caractérisée dès la moindre atteinte à la « tranquillité » d’une supposée victime. Une simple blague commise par des collégiens – ces dangereux délinquants que vous traquez parfois, monsieur le ministre ! – pourrait ainsi tomber sous le coup de cette infraction.
On a pu apprécier, à la lecture de ce projet de loi, votre goût marqué pour le « tout-répressif », mais l’abus est ici trop flagrant. Il faut donc circonscrire le champ de cette infraction.
On ne peut, sous couvert de protéger la tranquillité de certains, museler la liberté d’expression de tous sur Internet. Certes, on a entendu certains élus de la majorité rappeler que « rien ne justifie qu’on cherche à préserver la liberté de l’internet », mais restons sérieux et considérons qu’il s’agissait d’une boutade !
Précisons donc le champ d’application de cette infraction et limitons-le à ce qui est vraiment nécessaire : je pense notamment à la pratique du hameçonnage, qui consiste à usurper l’identité de sites établis pour récolter des données confidentielles dans un but crapuleux, que les auteurs ou les victimes soient des personnes physiques ou morales.
À l’heure où les échanges se font de plus en plus par la voie d’Internet, il convient de rétablir la confiance des internautes en leur garantissant le caractère privé des informations qu’ils livrent par ce biais, comme leurs coordonnées bancaires ou encore leur numéro de carte bancaire.
En outre, il faut rappeler que ces tromperies ne constituent que le premier maillon d’une chaîne d’exactions. En effet, les informations collectées le sont dans un but crapuleux : acheter, par exemple, des marchandises en utilisant des numéros de cartes bancaires usurpés. C’est pourquoi nous proposons de sanctionner ces tromperies de manière autonome.
M. le président. L'amendement n° 308 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots:
au public en ligne
par les mots:
électronique ouverte au public
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il s’agit de reformuler l’alinéa 3 de l’article 2 du projet de loi pour lui donner une plus grande lisibilité.
Dans un texte qui revêt une importance toute particulière en matière pénale, il nous semble important d’employer des termes précis, compréhensibles par tous. C’est pourquoi nous préférons parler d’un « réseau de communication électronique ouverte au public ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les vœux des auteurs de l’amendement n° 111 sont déjà satisfaits par les dispositions adoptées par notre commission, qui a expressément introduit dans la rédaction la notion d’« usurpation » d’identité, afin de bien distinguer cette incrimination des dispositions réprimant la diffamation ou l’atteinte à la vie privée.
En outre, la rédaction proposée dans l’amendement soulève des difficultés, le verbe « tromper » revêtant plusieurs significations, dont toutes n’ont peut-être pas vocation à entrer dans le champ du délit.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 308 rectifié est un amendement de précision, qui ne nous semble pas vraiment indispensable. La commission s’en remet toutefois à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Concrètement, vous souhaitez, madame Labarre, limiter la portée de l’article 2. Ainsi, certains comportements qui sont pourtant, à mon sens, susceptibles d’entraîner des préjudices importants ne seront plus réprimés, alors que c’est nécessaire.
Là encore, je prendrai un exemple concret, qui nous permettra d’appréhender le problème. Imaginez qu’un entrepreneur de votre circonscription qui ne serait pas moralement irréprochable inscrive l’adresse électronique de l’un de ses concurrents sur des dizaines de sites électroniques, en vue de lui nuire. En agissant ainsi, il saturera la boîte aux lettres électronique de ce dernier, laquelle deviendra totalement inexploitable et lui fera perdre certains clients ou certains marchés.
Certes, comme l’a souligné M. le rapporteur, l’inscription sur des listes de diffusion de sites commerciaux et de réseaux sociaux sur Internet ne constitue pas une tromperie en soi. Mais, compte tenu de la capacité de diffusion d’Internet, le risque de préjudice est incontestablement considérable. Telle est la raison pour laquelle cette rédaction vous est proposée, madame la sénatrice. Réfléchissez bien à ce cas d’espèce, auquel chacun d’entre vous peut être confronté sur son territoire.
Par conséquent, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 308 rectifié, le Gouvernement s’en remet, lui aussi, à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article 99 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République agit également d'office lorsque la rectification est rendue nécessaire par l'altération, la modification ou la falsification de l'acte d'état civil résultant de l'infraction mentionnée à l'article 226-4-1 du code pénal. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 2 du projet de loi complète l’incrimination d’usurpation d’identité en comblant un vide juridique, même si nous pensons que son extension à Internet risque de poser quelques difficultés.
Avec cet amendement, il s’agit de répondre à un problème concret, sur lequel plusieurs citoyens nous ont demandé d’intervenir : la rectification des actes d’état civil ayant été le support d’une usurpation d’identité.
En effet, notre droit ne facilite absolument pas la restauration de l’intégrité de l’état civil de personnes victimes d’une usurpation d’identité commise au moyen d’une falsification des actes d’état civil. La procédure est lourde, elle doit être menée sur leur initiative, elle prend du temps et elle a un coût. Il s’agit d’un véritable problème auquel nous avons souhaité apporter une solution pratique.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de compléter l’article 99 du code civil en prévoyant la possibilité d’enjoindre au procureur de la République, sans que la victime ait à déposer une requête, de saisir d’office le président du tribunal compétent afin qu’il procède à la restauration des mentions et inscriptions de l’acte d’état civil dans leur état antérieur à la commission de l’infraction d’usurpation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à imposer au procureur de la République de faire procéder aux rectifications d’actes d’état civil rendues nécessaires lorsque l’usurpation d’identité a été commise au moyen de la falsification d’un acte d’état civil.
Cette disposition ne paraît pas nécessaire. Ainsi que le rappelle l’instruction générale relative à l’état civil, l’ordre public étant toujours intéressé à ce que toute personne soit pourvue d’un état civil régulier, le procureur de la République, qui constitue l’autorité supérieure en matière d’état civil, est tenu de procéder ou de faire procéder à la rectification des erreurs qui pourraient y être relevées, voire de demander l’annulation de l’acte frauduleux, le cas échéant en saisissant, sur le fondement de l’article 1049 du code de procédure civile, le tribunal de grande instance compétent.
Sur le fondement du même article, la victime de l’usurpation d’identité a toujours la possibilité de demander elle-même au tribunal de grande instance la rectification de l’acte litigieux.
Prévoir un cas spécifique de rectification pour la seule usurpation d’identité pourrait créer le risque d’une interprétation a contrario pour tous les autres cas. Pour cette raison, il convient de conserver le principe d’une compétence générale du procureur de la République en la matière.
Dès lors que la commission aura reçu du Gouvernement des assurances sur ce point, elle émettra un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Certains pensent que ces débats sont convenus, mais il n’en est rien : à preuve, je n’avais pas d’opinion définitive sur le sujet et j’aurais pu émettre un avis défavorable simplement au motif que le présent texte n’était pas le bon support pour aborder ce sujet. Mais je viens d’être convaincu par les propos de M. le rapporteur, qui a clairement indiqué que cet amendement était superfétatoire.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, je me permets d’insister et prendrai, comme vous l’avez fait tout à l'heure, un exemple concret, car plusieurs d’entre nous ont été saisis du même problème.
J’évoquerai le cas d’une femme qui, ayant décidé de se marier, a sollicité la délivrance d’une copie intégrale de son acte de naissance et découvert alors qu’elle était déjà mariée… L’usurpatrice de son identité est identifiée et condamnée, et le mariage qu’elle n’avait pas contracté est annulé. Mais son acte d’état civil porte désormais les mentions « mariée » et « mariage annulé ». Elle a donc saisi le tribunal de grande instance pour demander la suppression de ces mentions puisqu’elles n’appartiennent pas à son histoire personnelle. Or le président du tribunal, dans son jugement, a refusé d’autoriser la suppression de ces mentions au motif que l’article 99 du code civil, dans sa lettre, ne le permettait pas.
Je pense que nous sommes tous d’accord ici pour considérer que cette personne est purement et simplement une victime, et il est facile de comprendre qu’elle soit perturbée face à une telle situation. Son souhait de voir disparaître de son acte d’état civil une telle mention n’est pas exorbitant !
Monsieur le ministre, comment peut-on agir ? Pouvez-vous déclarer ici que la lettre, c’est une chose, mais que l’esprit de la loi, c’est ce qui ressort des débats parlementaires – c’est le sens de la jurisprudence interprétative des débats –, afin de permettre à un tribunal de grande instance de restituer strictement l’acte d’état civil dans son état antérieur ?
Ne serait-il pas possible de faire droit à la demande de cette personne, dont la situation est, du reste, généralisable à toutes celles qui ont été victimes d’une telle usurpation d’identité ?
Vous nous dites que le projet de loi que nous examinons n’est pas approprié pour accueillir une telle disposition ; cela, je suis prêt à l’entendre. En revanche, il est faux de prétendre qu’une solution existe d’ores et déjà et que la disposition proposée est superfétatoire. Cette femme dont je viens d’évoquer le cas a suivi toute la procédure, mais le président du tribunal de grande instance oppose à sa demande la lettre de l’article 99 du code civil. Le problème est donc bien réel, même si nous n’avons sans doute pas la capacité de le régler aujourd’hui.
La jurisprudence interprétative des débats, cela a un sens ! C’est d’ailleurs pour cette raison que le bureau du Sénat a décidé que les réunions de commission feraient désormais l’objet d’un compte rendu. En effet, pour les magistrats, il est important de connaître l’esprit qui anime le législateur.
Il ne s’agit pas, monsieur le ministre, de vous « poser une colle » ! Je veux tout simplement évoquer une revendication précise, qui transcende, me semble-t-il, les divergences de vue que nous pouvons avoir sur d’autres sujets. Ma question est donc toute simple : que pouvons-nous faire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Frimat, votre argumentation a fait naître en moi à la fois un doute et une certitude.
Tout d’abord, en rayant simplement la mention sur les actes d’état civil, on montre bien qu’il y a eu manœuvre frauduleuse. Autrement dit, si nous faisions disparaître purement et simplement la mention, nous effacerions également la preuve de l’usurpation. Pour autant, bien que je doute de la pertinence de votre raisonnement, je suis sensible à votre démonstration, mais je ne sais comment vos collègues l’ont appréciée.
En revanche, j’ai la certitude que ces questions relèvent non pas de ma compétence, mais de celle de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice.
Plus concrètement, je m’engage à soulever cette question, sur la base du cas concret que vous avez évoqué, auprès de la Chancellerie. Il me semble en effet que la situation peut évoluer.
M. le président. L’amendement n° 196 est-il maintenu madame Boumediene-Thiery ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je maintiens cet amendement parce que, contrairement à ce que l’on pense, la mention n’est pas rayée. On ajoute une mention supplémentaire précisant que la première mention est annulée.
M. Bernard Frimat. Absolument !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ainsi, on ne revient pas à l’état antérieur, c'est-à-dire au document ne portant, en l’espèce, aucune mention d’un mariage.
M. Bernard Frimat. Absolument !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Par ailleurs, il n’existe pas d’automaticité en ce domaine. Il faut donc engager une procédure longue et coûteuse, dont l’issue n’est pas certaine.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 3
(Non modifié)
I. – Après l’article L. 163-4-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 163-4-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 163-4-3. – Les peines encourues sont portées à dix ans d’emprisonnement et 1 000 000 d’euros d’amende lorsque les infractions prévues aux articles L. 163-3, L. 163-4 et L. 163-4-1 sont commises en bande organisée. »
II. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 521-10, à la seconde phrase du 1 de l’article L. 615-14 et au dernier alinéa de l’article L. 716-9, après les mots : « en bande organisée ou », sont insérés les mots : « sur un réseau de communication au public en ligne ou » ;
2° À la seconde phrase de l’article L. 623-32 et au dernier alinéa de l’article L. 716-10, après les mots : « en bande organisée », sont insérés les mots : « ou sur un réseau de communication au public en ligne ».
M. le président. L'amendement n° 418, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la référence :
L. 163-4-2
par la référence :
L. 163-4-1
et la référence :
L. 163-4-3
par la référence :
L. 163-4-2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s’agit simplement de corriger une erreur de référence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Détraigne.
L'amendement n° 197 est présenté par MM. Yung, Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 3, 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Yves Détraigne. L’article 3 du projet de loi prévoit d'alourdir les peines encourues pour certains délits prévus par le code de la propriété intellectuelle, dès lors qu’ils sont commis sur Internet, en leur appliquant le régime des délits commis en bande organisée.
Selon moi, cette disposition ne va pas de soi ; elle est même tout à fait étonnante.
En premier lieu, force est de constater que le code pénal ne prévoit pas pareille circonstance aggravante pour le vol et l’escroquerie, qui sont pourtant les infractions les plus proches de la contrefaçon.
En second lieu, lorsqu’il prévoit une circonstance aggravante liée au recours à Internet, le code pénal n’aligne pas toujours les sanctions encourues sur celles qui sont applicables en cas de bande organisée. Quelles sont donc les raisons objectives qui justifient, uniquement en matière de propriété intellectuelle, un alignement des sanctions pour les délits commis par le biais d’Internet sur ceux qui le sont en bande organisée ?
Certaines atteintes aux personnes sont effectivement punies plus sévèrement lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits via Internet ; c’est notamment le cas pour les viols, les agressions sexuelles, le proxénétisme ou la traite des êtres humains. Mais, étonnamment, les actes de torture et de violence ne sont pas réprimés plus sévèrement lorsqu’Internet a facilité leur accomplissement.
On le voit bien, il y a un réel manque de cohérence entre les sanctions : tantôt le recours à Internet est un facteur aggravant, tantôt il ne l’est pas, alors qu’il s’agit de faits du même ordre de gravité. Et la cohérence fait également défaut s’agissant de l’assimilation ou non à des faits commis en bande organisée.
Dans ces conditions, une réflexion complète sur cette problématique est, me semble-t-il, nécessaire. C’est ce qui me conduit à proposer la suppression des alinéas 3 à 5 de cet article.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 197.
M. Richard Yung. Je formulerai tout d’abord une remarque qui ne porte pas directement sur cet amendement.
L’alinéa 2 de l’article 3 prévoit une aggravation des peines, puisque la peine de prison passerait de sept à dix ans et l’amende pénale, de 700 000 à 1 million d’euros. Si je comprends l’esprit d’une telle mesure, je dois souligner qu’elle ne correspond absolument pas à la réalité. À ma connaissance, la peine d’emprisonnement la plus lourde qui ait été prononcée en France était de six mois pour un trafiquant chinois qui avait introduit 4 000 contrefaçons de produits Microsoft. Ainsi les dispositions du projet de loi semblent-elles quelque peu irréelles.
J’en viens à l’amendement n° 197.
Nous sommes tous favorables à la lutte déterminée contre la contrefaçon. J’ai participé activement, avec notre collègue Laurent Béteille, à la rédaction de la loi du 29 octobre 2007, laquelle a prévu, je vous le rappelle, mes chers collègues, un doublement des peines dans les cas où la contrefaçon met en danger la sécurité des personnes. Il s’agit notamment des pièces mécaniques, comme les freins ou des pièces destinées aux avions, des médicaments ou des produits alimentaires.
Les dispositions que nous examinons aujourd’hui, qui visent à instaurer une aggravation des peines lorsque l’infraction est commise via Internet, me laissent assez rêveur. En quoi l’utilisation d’Internet constitue-t-elle en soi un facteur d’aggravation ? Il y a là une confusion entre le moyen utilisé et l’acte frauduleux lui-même.
Si nous retenons le principe inscrit à l’article 3, une personne qui vend des produits de contrefaçon sur un carton au pied de la tour Eiffel pourra encourir une peine d’un mois d’emprisonnement. Si elle vend ces mêmes produits dans un magasin ayant pignon sur rue, la peine passera à trois mois. Si elle a recours à une publicité dans les journaux ou à la radio pour vanter ses produits, la peine sera alors de six mois. On entre donc dans une mécanique qui n’a aucun sens et ne correspond absolument pas à la réalité de la lutte contre la contrefaçon. Les auteurs du projet de loi se sont égarés, en introduisant une confusion entre le but recherché et le moyen utilisé.
Nous proposons donc, comme notre ami Yves Détraigne, la suppression des alinéas 3, 4 et 5 de l’article 3. Mais sans doute faudrait-il également réfléchir plus en amont à toutes ces questions !
Je souligne également que les vols commis par le truchement d’Internet ne font pas l’objet d’une telle aggravation. Décidément, nous sommes en pleine incohérence !
M. le président. L'amendement n° 198, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Après le mot :
ligne
insérer les mots :
dans un but lucratif
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Mon raisonnement sera identique à celui qui vient d’être tenu par mes deux collègues.
Je pose à nouveau la question, qui est loin d’être anodine, soulevées par ces dispositions : un délit commis sur Internet doit-il être plus gravement réprimé qu’un délit commis sur un autre support ? Pour ma part, je ne le pense pas. Pourtant, c’est bien le sens profond de cet article. S’agit-il ici de créer dans le code pénal une nouvelle circonstance aggravante ?
Au-delà même de cette question, sur un plan symbolique, de telles dispositions sont hautement regrettables. En effet, on semble ainsi affronter un monde nouveau avec une sorte de méfiance, voire de peur. On a l’impression que ce texte s’en prend plus ou moins à tous ceux qui se réclament de ce monde nouveau, notamment notre jeunesse, qui est sans doute plus familiarisée avec Internet que nous-mêmes.
Selon moi, il convient de dissiper toutes ces ambiguïtés, lesquelles, je vous l’accorde bien volontiers, ne reflètent pas vos intentions.
L’amendement n° 198 est un amendement de repli et n’est donc pas, à ce titre, totalement satisfaisant. Il vise simplement à introduire la condition d’un but lucratif, pour appliquer le régime des délits commis en bande organisée à certains délits commis sur Internet.
Il serait toutefois préférable, mes chers collègues, de voter les amendements identiques présentés par Yves Détraigne et Richard Yung.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les amendements nos 3 et 197 tendent à supprimer les dispositions de l’article 3 relatives à l’alignement des peines pour certaines infractions au droit de la propriété intellectuelle commises par le biais d’Internet sur celles qui sont applicables lorsque ces délits sont commis en bande organisée.
La raison de cette aggravation tient naturellement aux effets démultiplicateurs qu’Internet peut conférer à certaines infractions. Il n’est donc pas injustifié d’assimiler à cet égard les sanctions relatives à ce type de délit à celles qui sont retenues pour les infractions commises en bande organisée.
Il n’en reste pas moins que les auteurs des amendements identiques soulèvent plusieurs questions pertinentes et pointent l’absence d’une vision d’ensemble sur le droit pénal concernant Internet, relevant notamment plusieurs incohérences dans l’échelle des peines.
La commission des lois souhaite qu’une réflexion soit menée sur cette question sensible, dont les enjeux sont extrêmement importants. Aussi demanderai-je à MM. Détraigne et Yung de bien vouloir retirer leurs amendements si M. le ministre s’engage à conduire une réflexion plus globale sur ce sujet. Il n’est en effet pas question de traiter un tel problème au détour de la discussion de ce projet de loi.
Quant à l’amendement n° 198, il tend à limiter la répression des infractions au droit de la propriété intellectuelle à celles qui sont commises à but lucratif, afin de marquer le caractère intentionnel de l’infraction. Néanmoins, la notion d’intentionnalité et celle de but lucratif ne se confondent pas.
En outre, l’absence de but lucratif n’exonère pas la responsabilité pénale de l’auteur. En revanche – et sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la loi –, l’intentionnalité est nécessaire pour caractériser l’infraction.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. J’ai bien écouté tout ce qui vient d’être dit, notamment les observations de M. le rapporteur.
J’ai la conviction que le recours à Internet constitue très clairement une atteinte plus grave que la simple copie sur un support numérique physique : on ne peut pas nier cette réalité.
La capacité très importante de diffusion d’un moyen de communication à destination d’un public qui est, par définition, large et non déterminé crée des situations qui me semblent totalement nouvelles par rapport à ce que nous connaissions. Une seule diffusion peut, en réalité, être dupliquée à de nombreuses reprises et rester en ligne de manière permanente. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit une notion de circonstance aggravante pour ce qui concerne la contrefaçon.
Cela étant dit, je suis prêt à me rallier à la position de M. le rapporteur si les auteurs des amendements identiques nos 3 et 197 acceptent de les retirer.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 198, le Gouvernement, comme la commission, y est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, à la suite de vos propos, je voudrais évoquer en un mot la question d’Internet.
Il n’est absolument pas question de stigmatiser l’usage et le développement inéluctable du commerce en ligne, mais Internet ne doit pas devenir un espace de non-droit. Certes, il ne faut pas d’avoir peur d’Internet, mais, pour autant, on ne peut accepter qu’on y fasse n’importe quoi, en l’absence de toute barrière juridique.
Les auteurs des amendements de suppression des alinéas 3, 4 et 5 contestent que la commission de certains délits au moyen d’Internet constitue une circonstance aggravante. Pourtant, personne parmi nous ne niera que ce média contribue à la multiplication des pratiques frauduleuses, notamment la contrefaçon : il suffit de surfer sur certains sites marchands pour s’en rendre compte. Ainsi, quelques clics suffisent pour acheter en Asie un produit contrefait d’une grande marque française à des prix défiant toute concurrence.
Pour entretenir des contacts réguliers avec l’Union des fabricants, l’Unifab, je puis vous dire que la contrefaçon – phénomène qu’Internet a indéniablement aggravé – préoccupe sérieusement ses membres, d’autant qu’elle est à l’origine de la destruction d’un grand nombre d’emplois dans notre pays. Ne craignons donc pas de dresser un certain nombre de barrières juridiques pour protéger notre industrie.
Pour ces raisons, je voterai l’article 3 tel qu’il nous est présenté.
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. L’article 2 tend à insérer dans le code pénal un article 226-4-1 ainsi rédigé : « Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
À l’alinéa suivant, il est précisé, en tenant compte de la modification strictement rédactionnelle que le Sénat y a apportée, que « cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication électronique ouverte au public ».
Or le II de l’article 3 tend à alourdir les peines réprimant certains délits dès lors que ceux-ci ont été commis sur un tel réseau de communication.
Force est de constater que le quantum des différentes peines encourues selon les délits est quelque peu incohérent. Ainsi, on ne voit pas pourquoi la commission de telle infraction au moyen d’Internet sera considérée comme une circonstance aggravante, cependant que telle autre infraction, tout aussi grave, échappera à cette circonstance aggravante en dépit du fait qu’elle a été commise dans des conditions identiques.
M. le ministre et M. le rapporteur, que j’ai bien écoutés, sont sensibles à cette problématique, d’autant que je ne doute pas que les faits visés à l’article 3 ne sont pas des cas isolés. Cette affaire est complexe et elle nécessite d’être étudiée de manière plus approfondie. C’est pourquoi j’accepte de retirer mon amendement, mais je souhaiterais que la commission des lois constitue un groupe de travail sur cette question, car, si j’en juge par certains amendements que nous avons examinés ce matin en commission, je crains que cette incohérence dans la fixation du quantum des peines ne se retrouve dans d’autres parties du texte.
Je précise à l’attention de notre collègue Catherine Dumas que, en proposant cet amendement de suppression, je ne fais preuve d’aucun laxisme. Je lui rappelle que notre collègue Anne-Marie Escoffier et moi-même avons rédigé un rapport consacré aux moyens permettant de mieux préserver la vie privée face au développement d’Internet et des mémoires numériques.
Je le répète, nous avons soulevé un vrai problème et je souhaite que la commission des lois mette en place un groupe de travail sur cette question. Cela étant, je retire mon amendement.
M. Richard Yung. Pour ma part, monsieur le président, je me montrerai moins souple que notre collègue Yves Détraigne et maintiendrai cet amendement.
La constitution d’un groupe de travail est toujours une excellente chose, personne n’en doute, et je serais heureux qu’il soit envisagé d’en créer un sur le sujet qui nous intéresse… Pour autant, il conviendrait de supprimer cette mauvaise disposition et d’attendre les conclusions de ce groupe de travail pour décider s’il convient ou non que la commission de certaines infractions pénales au moyen d’Internet constitue une circonstance aggravante.
Catherine Dumas, en substance, a estimé qu’il ne fallait faire preuve d’aucun laxisme dans la lutte contre la contrefaçon. Je tiens à lui dire que je suis l’un de ceux qui se sont le plus engagés dans ce combat. Pour en avoir parlé avec eux, je puis vous dire que les représentants de l’Unifab et du MEDEF eux-mêmes ne voient pas cette mesure d’un bon œil. Parce qu’elle contribuerait à rendre plus rigide notre législation, ils considèrent que le risque serait grand qu’une partie de l’industrie française de la vente en ligne s’installe hors de nos frontières pour échapper à ce corsetage. Vous n’ignorez pas que l’un de nos principaux sites de vente en ligne vient d’ailleurs d’être acheté par des Japonais.
L’adoption de cet article dans sa rédaction actuelle porterait un mauvais coup à l’activité de la vente en ligne, ainsi que plusieurs de ses responsables nous l’ont affirmé.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, le groupe UMP souhaite que la séance soit suspendue vers dix-huit heures trente.
Article 4
I. – L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa du 7 du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs présentant un caractère manifestement pornographique le justifient, l’autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai.
« Un décret fixe les modalités d’application de l’alinéa précédent, notamment celles selon lesquelles sont compensés, s’il y a lieu, les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des opérateurs. » ;
2° Au dernier alinéa du 7 du I et au premier alinéa du 1 du VI, les mots : « quatrième et cinquième » sont remplacés par les mots : « quatrième, cinquième et septième ».
II. – Le I entre en vigueur six mois à compter de la publication du décret prévu au sixième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée et, au plus tard, à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, sur l'article.
Mme Virginie Klès. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de me réjouir de votre présence parmi nous. Je voudrais éviter que les propos que je m’apprête à tenir sur la lutte contre la pédopornographie, un sujet que j’estime particulièrement important, ne fassent l’objet d’une interprétation hâtive ; mon but n’est surtout pas d’engager une polémique sur un pareil sujet. Dans cet hémicycle, nous sommes tous d’accord pour considérer que la pédopornographie constitue une forme de délinquance particulièrement infâme et abjecte, qu’il importe de combattre efficacement.
Plusieurs raisons motivent ma demande de suppression de l’article 4.
Premièrement, l’obligation, pour les fournisseurs d’accès à Internet, d’empêcher l’accès aux sites diffusant des images pédopornographiques est une fausse bonne idée, même si certains pays l’ont déjà mise en œuvre depuis plusieurs années. En fait, la mafia de la pédopornographie avait anticipé ces dispositifs de blocage en modifiant profondément son organisation de manière à contrer la lutte engagée dans ce domaine par les États. De même, en France, la mafia pédopornographique s’est déjà organisée pour contourner quoi qu’il advienne les dispositifs de blocage. Autrement dit, ce dispositif intervient beaucoup trop tard.
M’étant penchée attentivement sur cette question, je vais essayer de vous expliquer pourquoi une telle mesure serait aujourd’hui au mieux inefficace, au pis néfaste. Vous comprendrez bien, mes chers collègues, qu’il ne m’est pas aisé de vous déclarer que je ne souhaite pas qu’on bloque les sites pédopornographiques tout en vous expliquant que je souhaite rendre plus efficace la lutte contre cette forme de criminalité.
La mesure qui nous est proposée a pour premier objectif de prévenir toute connexion fortuite à ce genre de sites. Or tous les organismes de lutte contre la pédopornographie et les forces de sécurité qui combattent celle-ci le disent : la connexion à ces sites n’est jamais le fruit du hasard. Les voies pour y accéder sont complexes et l’on ne consulte ces sites que parce qu’on en a eu la ferme volonté.
Aussi, vouloir empêcher les enfants de se connecter par hasard à ces sites n’a pas de sens et, à tout le moins, c’est non pas grâce à ce genre de méthodes que cet objectif sera atteint, mais par l’éducation à Internet et à ses dangers.
Ensuite, les dispositifs de blocage ne permettent pas l’installation d’un programme destiné à alerter les parents d’un adolescent qui aurait réellement l’intention de se connecter à un tel site. En l’absence de tout message d’alerte, les parents ignoreront, le cas échéant, les raisons pour lesquelles l’accès à un site est refusé. Ils seront ainsi privés d’une information importante.
Par ailleurs, dans la mesure où la mafia pédopornographique s’est réorganisée – j’y reviendrai tout à l’heure –, ce dispositif de blocage ne concernerait, parmi les millions de consommateurs de contenus pédophiles, que quelques milliers d’entre eux. Pourquoi ? Précisément parce que seuls quelques milliers de consommateurs recourent aux méthodes « traditionnelles » – le mot n’est pas très heureux, mais c’est celui qui convient en l’occurrence – pour accéder aux sites d’e-commerce qui pourraient faire l’objet d’un blocage.
Ainsi, outre les problèmes techniques que poseraient les mesures de blocage, il faudrait employer énormément de moyens pour ne toucher au final qu’une très faible partie des consommateurs de sites pédophiles. Or ces consommateurs sont aujourd’hui parfaitement repérés par les forces de police et de gendarmerie, qui n’ont besoin que de moyens supplémentaires pour mettre en œuvre les techniques qui sont d’ores et déjà à leur disposition pour traquer ces quelques milliers de personnes adeptes de sites pédophiles.
Enfin, quelle que soit la méthode utilisée pour bloquer les sites, celle-ci peut toujours être contournée. Alors, à quoi bon consacrer des moyens très importants pour ne viser au final que quelques milliers de personnes, sans que l’industrie et la mafia de la pédopornographie, les vrais acteurs, ceux qui tirent réellement profit de ce commerce abject, en soient gênés de quelque manière que ce soit ?
Aujourd’hui, ceux qui tirent profit de la pédopornographie, ce sont non plus les producteurs d’images, mais les diffuseurs et les organismes qui permettent le paiement en ligne grâce à des cartes prépayées anonymes, autrement dit certaines banques ou organismes financiers.
Pourquoi est-il illusoire de vouloir bloquer les sites pédopornographiques importants, les sites « industriels », en bloquant simplement les sites Internet ? Parce que la mafia pédopornographique s’est parfaitement organisée pour ne plus utiliser le réseau Internet ou n’utiliser celui-ci que de façon très éphémère, très épisodique et indétectable. Au moyen de spams, elle a introduit dans certains ordinateurs ce qu’on appelle des Trojan, autrement dit des « chevaux de Troie », les transformant en « ordinateurs zombies ». Ces ordinateurs peuvent être le vôtre, monsieur le ministre, comme le mien. L’infection de ces ordinateurs et leur maîtrise à distance est possible tout simplement parce que les logiciels de contrôle parentaux, les antivirus et les pare-feu ne sont pas mis à jour régulièrement. Sont ainsi créées des passerelles très éphémères, qui ne sont actives parfois que quelques heures, entre le réseau de la mafia et le réseau Internet.
Vouloir bloquer les sites pédopornographiques en bloquant l’accès à Internet revient à vouloir bloquer des avions en plein vol en dressant des barrages routiers au sol, dans l’espoir fou que ces avions atterriront sur les pistes où ont été installés ces barrages. Sans doute, de temps à autre, un avion atterrira à proximité de l’un d’entre eux ; autrement dit, il sera parfois possible de neutraliser l’un de ces « ordinateurs zombies », mais ce sera vraiment le fruit du hasard. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons démanteler les réseaux de sites pédopornographiques. (M. le président signifie à l’oratrice qu’elle a dépassé son temps de parole.)
J’en arrive à ma conclusion, monsieur le président, mais, puisque je n’utiliserai pas le temps de parole qui m’est imparti pour présenter mon amendement, vous me permettrez peut-être de consacrer quelques minutes supplémentaires à mon intervention sur l’article.
Le coût de cette mesure est considérable. Il oscille, selon les dispositifs retenus, entre quelques centaines et une trentaine de millions d’euros.
En France, la mise en place de cette disposition soulèverait des difficultés techniques d’une extrême complexité dans la mesure où les fournisseurs d’accès à internet utilisent des moyens techniques différents. Pour être efficace, ne serait-ce que dans les quelques cas que j’ai évoqués tout à l’heure, il faudrait donc adapter le dispositif pour chaque fournisseur d’accès. Nous serions, en outre, inévitablement confrontés à des phénomènes de « surblocage », dont l’indemnisation n’a pas encore été chiffrée.
Pour ma part, je vous propose d’appliquer les peines prévues dans le code pénal dans toute leur rigueur et de sanctionner très sévèrement les consommateurs de sites pédophiles. À cette fin, il n’est d’ailleurs pas nécessaire de modifier le code pénal, notamment lorsqu’il s’agit de hauts fonctionnaires ou d’officiers généraux. Le conseil des ministres peut prononcer à leur encontre des sanctions statutaires en plus des sanctions pénales. Or je ne suis pas persuadée, au vu d’exemples récents, qu’il le fasse systématiquement. Le laxisme en l’occurrence n’est pas imputable à la justice.
Il conviendrait d’accorder des moyens supplémentaires aux forces de police afin qu’elles puissent pister les consommateurs que j’ai qualifiés tout à l’heure d’amateurs, ou ceux qui utilisent les anciennes méthodes de l’e-commerce.
Il faut renforcer la coopération internationale, notamment avec la Russie, pays hébergeur de ce genre de sites à partir desquels partent les Trojan.
Il faut également renforcer les outils de protection, voire rendre obligatoires les logiciels de contrôle parental, les systèmes antivirus, les pare-feu. Il importe d’améliorer l’information de M. et de Mme Tout-le-monde sur les dangers d’internet et la nécessité absolue de mettre à jour tous ces systèmes de contrôle.
Enfin, il faut sans doute accentuer la lutte contre la délinquance en col blanc, contre les paradis fiscaux, le blanchiment d’argent et les systèmes bancaires de paiement sur les sites pédophiles.
M. le président. Ma chère collègue, je vous sais gré d’avoir précisé que vous ne dépassiez votre temps de parole que dans la mesure où vous présentiez en même temps votre amendement.
L'amendement n° 65, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’article 4 vise à instaurer pour les fournisseurs d’accès à internet une obligation d’empêcher l’accès aux sites diffusant des images pédopornographiques.
Je rappelle, comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, « que la plupart des images de pornographie enfantine diffusées sur internet le sont via des sites hébergés hors de France ».
Le blocage de l’accès à ces sites depuis le territoire national constitue alors la seule parade. Telle est d’ailleurs la solution retenue par plusieurs pays européens comme le Danemark, la Grande-Bretagne, la Norvège, les Pays-Bas ou la Suède.
Une coopération internationale s’est engagée dans le cadre d’un projet de blocage des tentatives d’accès aux sites qui diffusent des images et représentations de mineurs, à caractère pornographique. Ce projet implique en particulier que les pays adhérents convainquent les fournisseurs d’accès à internet de mettre en place, sur leur propre réseau, un logiciel destiné à empêcher toute connexion à des sites à caractère pédophile, répertoriés par les services de police.
Le présent article est donc nécessaire pour donner une base juridique à un tel dispositif.
L’auteur de l’amendement a exprimé des craintes quant à l’efficacité du dispositif compte tenu de l’évolution des technologies, craintes sur lesquelles, je l’avoue, je suis incapable de me prononcer. Je souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement, mais, sur le principe, la commission est défavorable à l’amendement de suppression de l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Klès, comme vous l’avez indiqué, ce débat ne doit pas susciter de clivages systématiques. Je vous ai écoutée avec d’autant plus d’attention que j’ai dû m’absenter hier, alors que vous interveniez dans la discussion générale – vous m’en avez d’ailleurs fait le reproche – et que je n’ai donc eu que des échos, sans doute imparfaits, de vos propos.
Il y a, me semble-t-il, une faille dans votre raisonnement : faudrait-il ne rien faire sous prétexte qu’il n’existe pas de solution parfaite ?
Les dispositions proposées par le Gouvernement, j’en suis conscient, et je partage votre constat sur ce point, ne remédient pas à toutes les difficultés, ne répondent pas à tous les enjeux, mais elles y contribuent. Elles me paraissent de nature à protéger – tel est notre objectif – les internautes d’une manière générale et les enfants en particulier.
Je me suis bien évidemment interrogé lors de la préparation du projet de loi, me demandant en particulier si l’efficacité d’une telle mesure était démontrée. Nous avons des exemples – M. le rapporteur en a cité quelques-uns – qui nous permettent de répondre par l’affirmative. Permettez-moi de vous livrer des chiffres qui illustrent la situation de certains pays dans lesquels le dispositif de blocage est appliqué. Le nombre de connexions bloquées chaque jour est de 12 000 au Danemark, où la population compte moins de six millions d’habitants, de 15 000 en Norvège, de 30 000 en Suède, pays d’environ 10 millions d’habitants. Je ne vois pas pourquoi il devrait en aller différemment chez nous.
Le dispositif proposé par le Gouvernement devrait donc être efficace et, je le répète, même s’il ne résout pas tous les problèmes, il contribuera à améliorer la situation. C’est la raison pour laquelle, bien qu’ayant compris le sens de votre démarche, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Virginie Klès. Nous allons perdre de la traçabilité !
M. le président. Mes chers collègues, pour accéder à la demande formulée par M. Gérard Longuet, président du groupe UMP, le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd'hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE 2009-2010
Jeudi 9 septembre 2010
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (texte de la commission, n° 518, 2009-2010) ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Vendredi 10 septembre 2010
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Lundi 13 septembre 2010
À 15 heures et le soir :
- Projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 691, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 10 septembre 2010) ;
- au jeudi 9 septembre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le lundi 13 septembre 2010, à quatorze heures).
Mardi 14 septembre 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 887 de Mme Anne-Marie Payet transmise à Mme la ministre chargée de l’outre mer ;
(Utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les DOM et à La Réunion) ;
- n° 907 de M. Claude Bérit-Débat à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Devenir des activités ferroviaires en Dordogne) ;
- n° 927 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Renforcement des mécanismes de péréquation financière) ;
- n° 933 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Formation et recrutement des enseignants) ;
- n° 949 de Mme Marie-Thérèse Bruguière transmise à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Répercussions des retards dans l’acheminement postal sur la profession d’administrateur de biens et les syndicats de copropriété) ;
- n° 954 de Mme Catherine Troendle à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Recrutement des commissaires enquêteurs) ;
- n° 955 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre de la défense ;
(Situation de l’entreprise ROXEL à La Ferté-Saint-Aubin) ;
- n° 958 de M. Gérard Bailly à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Niveau sonore des publicités) ;
- n° 959 de M. Jean-Pierre Vial à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Accès du projet de nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin au bénéfice du fonds de solidarité territoriale) ;
- n° 960 de M. Alain Milon à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Publication du code de déontologie des infirmiers) ;
- n° 962 de Mme Catherine Dumas transmise à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Projet d’aménagement des voies sur berges à Paris) ;
- n° 963 de M. Jean-Claude Carle à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
(Réforme de l’article 55 de la loi SRU) ;
- n° 965 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Nécessité d’une redéfinition de la médecine du travail) ;
- n° 966 de M. Marcel Rainaud à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Perspectives financières des collectivités territoriales) ;
- n° 967 de Mme Françoise Cartron à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
(Réforme du dispositif de Pass foncier) ;
- n° 968 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Mesures budgétaires d’urgence pour l’année scolaire 2010-2011) ;
- n° 973 de M. Didier Guillaume à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Construction de la gare TGV d’Allan dans la Drôme) ;
- n° 981 de Mme Marie-France Beaufils à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Intérêt économique, social et écologique du transport en wagon isolé) ;
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
2°) Éventuellement, suite du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale ;
3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public (texte de la commission, n° 700, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 13 septembre 2010) ;
- au lundi 13 septembre 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 14 septembre 2010, à neuf heures trente) ;
4°) Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Mercredi 15 septembre 2010
À 14 heures 30 et le soir :
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre l’absentéisme scolaire (texte de la commission, n° 663, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 14 septembre 2010) ;
- au lundi 13 septembre 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 15 septembre 2010, le matin).
Jeudi 16 septembre 2010
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
1°) Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre l’absentéisme scolaire ;
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques (texte de la commission, n° 605, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 15 septembre 2010) ;
- au lundi 13 septembre 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 15 septembre 2010, le matin).
Éventuellement, vendredi 17 septembre 2010
À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :
- Suite de l’ordre du jour de la veille.
Suspension des travaux en séance plénière
pour les journées parlementaires
des groupes politiques
Lundi 27 septembre 2010
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités locales ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à vingt minutes le temps réservé au rapporteur général de la commission des finances et à dix minutes le temps réservé au président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des finances ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 24 septembre 2010) ;
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (texte de la commission, n° 644, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 24 septembre 2010) ;
- au vendredi 10 septembre 2010, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 15 septembre 2010, le matin).
Mardi 28 septembre 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 843 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;
(Recrutement des personnels des ambassades) ;
- n° 915 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Professionnalisation des AVS, des EVS et des AE) ;
- n° 946 de M. Jean-Paul Amoudry à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Compensation-relais pour 2010) ;
- n° 947 de M. Jacques Berthou à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Dysfonctionnements de la caisse d’assurance maladie des industries électrique et gazière) ;
- n° 950 de Mme Mireille Schurch à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Centre hospitalier de Montluçon) ;
- n° 952 de M. Rémy Pointereau à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Mise aux normes dans la petite hôtellerie en milieu rural et aménagements du fait de la crise économique) ;
- n° 953 de M. Bernard Piras à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
(Fixation à 65 ans de l’âge limite des professeurs invités dans les universités) ;
- n° 969 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Avenir du site parisien des Archives nationales) ;
- n° 970 de M. Christian Cambon à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Maintien et développement du service de cardiologie de l’hôpital universitaire Henri Mondor-Chenevier) ;
- n° 971 de M. Adrien Gouteyron à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Artisans et régime de l’auto-entrepreneur) ;
- n° 974 de Mme Marie-Thérèse Hermange à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Secourisme en France) ;
- n° 976 de Mme Odette Terrade à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Projet de prolongement de la ligne 14 du métro parisien) ;
- n° 978 de M. Yannick Botrel à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Fourniture des restaurants scolaires par des établissements agréés) ;
- n° 980 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre de l’éducation nationale, porte parole du Gouvernement ;
(Retour à la semaine scolaire de 4 jours et demi) ;
- n° 982 de M. François Marc à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Respect par l’État de l’objectif n° 1 du contrat de projet 2007 2013 concernant la desserte TGV du Finistère et de l’extrême ouest breton) ;
- n° 984 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Échangeur de Pujaudran) ;
- n° 985 de M. Jacques Mézard à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;
(Retards et difficultés dans la mise en œuvre du logiciel Chorus) ;
- n° 999 de M. Philippe Paul à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Schéma national des transports et ligne à grande vitesse Paris-Rennes-Quimper / Brest) ;
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
2°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.
Mercredi 29 septembre 2010
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.
Jeudi 30 septembre 2010
À 9 heures 30 :
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (Procédure accélérée) (A.N., n° 2338) ;
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mardi 28 septembre 2010, l’après-midi.
La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 29 septembre 2010) ;
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus (n° 664, 2009-2010) ;
3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn en vue d’éviter les doubles impositions (n° 665, 2009-2010) ;
4°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 666, 2009-2010) ;
5°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malaisie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu (n° 667, 2009-2010) ;
6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les revenus (n° 668, 2009-2010) ;
(Pour les cinq projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;
Selon cette procédure simplifiée, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le mercredi 29 septembre 2010, à dix-sept heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;
7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de régulation bancaire et financière (n° 555, 2009-2010) ;
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mardi 14 septembre 2010, l’après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : vendredi 10 septembre 2010, à dix-sept heures).
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 29 septembre 2010) ;
- au vendredi 24 septembre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 29 septembre 2010, à neuf heures trente) ;
À 15 heures et le soir :
8°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
9°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de régulation bancaire et financière.
SESSION ORDINAIRE 2010-2011
Éventuellement, vendredi 1er octobre 2010
À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :
1°) Ouverture de la session ordinaire 2010-2011 ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite de l’ordre du jour de la veille.
Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant réforme des retraites (A.N., n° 2760) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le lundi 27 septembre 2010, l’après-midi, et le mardi 28 septembre, le matin et éventuellement l’après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : jeudi 23 septembre 2010, à onze heures).
(La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance la veille de cette discussion générale) ;
- au lundi 4 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance).
Prochaine conférence des présidents : mercredi 29 septembre 2010 à dix-neuf heures
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
8
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Dans la suite de la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements au sein de l’article 4.
Article 4 (suite)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 113, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs présentant un caractère pornographique le justifient, l'autorité administrative saisit l'autorité judiciaire qui peut prescrire la notification aux personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent I des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l'accès sans délai. »
II. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorité administrative expose dans sa saisine les raisons pour lesquelles les mesures visant à empêcher l'accès au service incriminé sont nécessaires. L'autorité judiciaire se prononce sur le caractère illicite du contenu incriminé et contrôle la proportionnalité de la mesure ordonnée. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 4 du présent projet de loi vise à contraindre les fournisseurs d’accès en ligne à empêcher sans délai l’accès à des services de communication au public en ligne dont les adresses ont été notifiées par l’autorité administrative, et ce pour le domaine particulier de la diffusion des images ou représentations de mineurs revêtant un caractère pédopornographique.
À l’origine, la notification par l’autorité administrative devait être précédée de l’accord de l’autorité judiciaire, mais un amendement a permis que cet accord ne soit plus requis, au motif que celui-ci serait susceptible de recours selon la procédure de droit commun.
Pour notre part, nous considérons qu’il revient à l’autorité judiciaire, gardienne des libertés, de se prononcer sur des mesures susceptibles de porter atteinte à la liberté de communication, quelle que soit la gravité de l’infraction supposée.
Pour illustrer mon propos, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a estimé, s’agissant de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, dite loi HADOPI, qu’une connexion ne pouvait être coupée sans décision du juge et qu’une autorité administrative ne pouvait pas prendre une telle décision. Il est donc vraisemblable que, en se passant de l’intervention du juge judiciaire, la mesure que vous souhaitez instituer sera potentiellement soumise à la même censure.
Nous estimons que toute mesure de blocage doit être prescrite par le juge judiciaire.
Par ailleurs, le texte instaure la création d’une liste noire de sites qui se verront privés d’un accès au réseau internet, liste noire définie par l’autorité administrative. Mais nous n’avons que peu d’éléments pour savoir comment les autorités compétentes pourront actionner la procédure, ces questions ayant été renvoyées à un décret réglementaire. Selon nous, cette procédure doit être définie par la loi.
Il est également inquiétant que rien ne permette aujourd’hui de garantir la publicité de cette liste.
En outre, nous considérons que ces mesures doivent s’adresser non pas uniquement aux fournisseurs d’accès à Internet, comme le prévoit en l’état le texte, mais aussi aux hébergeurs, afin que l’efficacité de ces dispositions soit renforcée.
Il faut bien avouer que nous restons un peu circonspects sur les préconisations de cet article.
Nous vous proposons, par cet amendement, une amélioration des dispositions introduites à l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.
M. le président. L'amendement n° 199, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
l'autorité administrative notifie
insérer les mots :
, après accord de l'autorité judiciaire statuant en référé,
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. C’est une des surprises de ce débat, l’Assemblée nationale a été plus vigilante que le Sénat s’agissant du pouvoir judiciaire.
La question est de savoir s’il faut ou non un contrôle judiciaire pour le filtrage de ces sites. L’Assemblée nationale, dès le stade de l’examen du texte en commission des lois, avait prévu ce contrôle judiciaire. Les députés l’ont voté. Procédant à son tour à l’examen du projet de loi, la commission des lois du Sénat a finalement considéré que l’intervention de l’autorité administrative pouvait suffire.
Dans cette affaire, je regrette de dire que l’Assemblée nationale a fait preuve d’une plus grande sagesse que le Sénat. En effet, nous allons nous heurter immédiatement à la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009, ainsi qu’à l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Certes, j’imagine bien que le motif invoqué est le souci d’efficacité : comment agir dans des délais convenables avec l’intervention d’un juge judiciaire?
Or je rappelle, tout d’abord, que le blocage concerne uniquement les adresses et non le site.
Ensuite, il me semble que, pour repérer les adresses des personnes qui accèdent au site, on peut peut-être prendre le temps de saisir le juge judiciaire.
Bien entendu, il ne s’agit pas de recourir à une procédure au fond, mais nous savons tous qu’il existe des procédures accélérées, notamment sous forme de référés, qui pourraient tout à fait convenir en garantissant l’intervention du juge judiciaire à laquelle nous sommes tant attachés.
M. le président. Les amendements nos 41, 89 et 309 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 41 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 89 est présenté par M. Retailleau.
L'amendement n° 309 rectifié est présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Après le mot :
notifie
insérer les mots :
, après accord de l'autorité judiciaire,
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 41.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement, qui concerne l’autorisation de l’autorité judiciaire pour la suspension de connexion, va dans le même sens que les amendements précédents.
L’article 4 vise un but légitime : lutter de manière efficace contre la pédopornographie, en mettant en œuvre une procédure de notification impliquant les fournisseurs d’accès et en obligeant ces derniers à suspendre les sites internet pédopornographiques en s’appuyant sur les opérateurs.
Si nous adhérons à l’objet de cet article, en revanche, nous avons quelques réticences en ce qui concerne la procédure qui est suivie.
Il est en effet prévu que l’autorité administrative puisse intervenir, sans contrôle de l’autorité judiciaire, pour limiter le droit d’accès à Internet et le droit de diffusion des opérateurs.
Une telle possibilité nous semble contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel telle qu’elle a été développée dans sa décision du 10 juin 2009, selon laquelle une autorisation judiciaire est requise pour toute restriction de l’accès à Internet.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de restaurer l’intervention de l’autorité judiciaire, qui pourra dès lors apprécier s’il existe, comme le prévoit le texte, une représentation de mineurs revêtant un caractère manifestement pornographique.
En l’absence d’une telle intervention du juge judiciaire, cette procédure serait contraire à la Constitution, puisque l’autorité judiciaire est garante du respect des libertés, dont l’accès à Internet fait partie.
Nous ne pouvons nous permettre de nous retrouver, une fois de plus, en contradiction avec notre Constitution.
M. le président. L’amendement n° 89 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 309 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. Je reprendrai les arguments qui viennent d’être développés.
Cet amendement a pour objet de subordonner la procédure de blocage des sites à caractère pédopornographique à l’autorisation de l’autorité judiciaire et, de fait, de se conformer à la jurisprudence constitutionnelle.
Dans une décision 2009-580 DC du 10 juin 2009 relative à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, le Conseil constitutionnel a justement affirmé la compétence exclusive de l’autorité judicaire pour suspendre l’accès à Internet, considéré alors comme une liberté fondamentale.
Par conséquent, il ne peut appartenir à l’administration seule, par l’intermédiaire des hébergeurs et des opérateurs de communication électronique, de porter atteinte à ce principe.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que cet amendement tendant à prévoir l’intervention de l’autorité judiciaire soit pris en compte.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Détraigne, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le caractère pornographique n'est pas manifeste, l'autorité administrative peut saisir l'autorité judiciaire qui statue sur l’interdiction de l’accès aux adresses électroniques mentionnées au présent alinéa.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement, qui diffère légèrement de ceux qui viennent d’être présentés à l’instant, ne remet pas en cause le dispositif prévu par l’alinéa 3 de l’article 4 du projet de loi en ce qui concerne les sites ayant un caractère manifestement pédopornographique.
En revanche, il vise à combler un manque, s’agissant des sites qui ont un caractère pornographique, mais ne peuvent être qualifiés de « manifestement » pédopornographiques.
Il est prévu, au travers de cet amendement, que l’autorité administrative puisse saisir l’autorité judiciaire, qui jugera s’il y a lieu ou non d’engager les procédures concernant l’interdiction d’accès au site visé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission avait supprimé l’exigence d’une autorisation de l’autorité judiciaire pour permettre aux services de police le blocage de sites à caractère pornographique. Cette autorisation avait été introduite par l’Assemblée nationale contre l’avis de son rapporteur, je tiens à la souligner.
L’argument avancé par les initiateurs de cette modification, fondée sur la décision du Conseil constitutionnel concernant la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, n’avait pas convaincu notre commission. En effet, la censure du Conseil constitutionnel avait alors porté sur le pouvoir donné à l’autorité administrative de restreindre ou limiter l’accès à Internet, considéré comme une atteinte à la liberté individuelle. Or la disposition proposée présente une portée beaucoup plus restreinte, puisqu’elle tend non à interdire l’accès à Internet, mais à empêcher l’accès à un site déterminé en raison de son caractère illicite.
Notre commission des lois avait néanmoins jugé utile, par un amendement que j’avais présenté, de mieux préciser le champ d’intervention de l’autorité administrative, limité aux sites présentant un caractère « manifestement » pédopornographique. Par ailleurs, le choix des adresses électroniques dont l’accès doit être bloqué constituera naturellement une décision administrative, susceptible de recours dans les conditions de droit commun.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 113, ainsi que sur les amendements nos 199, 41 et 309 rectifié.
L’amendement n° 4 tend à prévoir, en cohérence avec la garantie introduite par la commission des lois, que lorsque le caractère pornographique n’est pas manifeste, l’autorité administrative peut saisir l’autorité judiciaire, qui statue alors sur l’interdiction de l’accès aux sites concernés. Cette précision étant utile, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Le Gouvernement partage l’avis défavorable du rapporteur sur les amendements nos 113, 199, 41 et 309 rectifié.
Ce n’est, en effet, pas l’accès à Internet qui est bloqué en l’occurrence, mais l’accès à des images dont le contenu est illicite ; il n’y a donc pas d’accès libre à des contenus illégaux. Cette question ne se pose donc pas.
S’agissant de l’amendement n° 4, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 309 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 200, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ce dispositif est institué pour une période de douze mois à compter de la publication de la loi n° du d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. À l'issue de cette période, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation détaillé sur la mise en œuvre du présent article.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Je ne suis pas parvenue à vous convaincre, monsieur le secrétaire d’État, de ce que le blocage des sites pédopornographiques était une fausse bonne idée. J’espère toutefois que vous entendrez ce nouveau plaidoyer.
Le présent amendement tend à limiter à un an le blocage de ces sites.
Ce délai permettrait de vérifier l’efficience du dispositif, d’apprécier si les moyens financiers et techniques mis en place donnent des résultats conformes aux attentes ou s’il convient, dans le cas contraire, de les utiliser différemment. Il permettrait d’envisager les possibilités d’action dans les domaines, notamment, de l’éducation, de la formation, des logiciels de contrôle parental obligatoires.
À l’expiration de ce délai, un rapport permettrait d’établir l’efficacité réelle de l’utilisation de cet argent public dans le cadre de la lutte contre la pédopornographie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à proposer que le dispositif de blocage des sites pédopornographiques soit mis en œuvre de manière expérimentale et qu’un rapport soit soumis au Parlement à l’issue d’une période d’un an. Le premier point, le caractère expérimental, impliquerait que le législateur intervienne de nouveau dans un an, ce qui paraît lourd et peu efficace au regard de la lutte contre cette forme de criminalité. Sur le second point, l’établissement d’un rapport, il me semble qu’il existe des moyens plus efficaces permettant au Parlement de s’informer et de contrôler l’action du Gouvernement s’agissant d’une question qui requiert, en effet, la plus grande attention.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Je partage l’avis de la commission. J’ajoute que la démarche d’évaluation, qui est nécessaire, pourrait intervenir dans un délai minimal de vingt-quatre mois.
M. le président. L’amendement n° 201, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il organise l'intervention de l'autorité judiciaire ainsi que les conditions des transmissions et échanges rapides d'informations avec l'autorité administrative.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Dans la mesure où il s’agit d’un amendement de coordination avec des dispositions qui ont été rejetées, cet amendement n’a plus d’objet.
M. le président. L’amendement n° 201 n’a en effet plus d’objet.
L’amendement n° 202, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il détermine également les modalités d'exercice du droit d'accès au traitement de données résultant des notifications administratives par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Il est prévu, aux termes des articles qui viennent d’être adoptés, que le ministère de l’intérieur établira et transmettra une liste noire d’adresses électroniques devant être bloquées, ce qui implique la création d’un nouveau fichier, même s’il n’est pas nommé ainsi.
Personne, ici, ne contestera l’intérêt d’un tel fichier. Pour autant, en l’état actuel des connaissances, il serait intéressant, en raison des risques de surblocage et afin de permettre un meilleur contrôle du droit de l’informatique et des libertés, que l’ensemble de ces données soient contrôlées par la CNIL.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le décret détermine les modalités d’exercice du droit d’accès de la CNIL au traitement des données résultant des notifications administratives. L’objet est de garantir aux responsables des sites une voie de recours.
Il convient de rappeler que, en tout état de cause, les responsables des sites peuvent utiliser les voies de recours administratif de droit commun. Cette précision n’apparaît donc pas utile. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Je partage d’autant plus l’avis de la commission que le droit d’accès indirect devant la CNIL ne s’applique qu’au traitement de données à caractère personnel ; la liste des sites faisant l’objet d’un blocage ne correspond pas à un tel traitement.
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. - Le I entre en vigueur six mois à compter de la publication du décret prévu au sixième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée et, au plus tard, à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi à titre expérimental pour une période de douze mois. À l'issue de cette période, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation détaillé sur la mise en œuvre du présent article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement tend à prévoir la mise en œuvre du dispositif répressif introduit par le présent article sur une période de douze mois, à titre expérimental, et son évaluation détaillée par le législateur avant une éventuelle pérennisation.
Je ne reviendrai pas sur le fléau que constitue la pédopornographie sur Internet. Nous sommes tous d’accord pour convenir qu’il faut le combattre collectivement et se doter d’un arsenal juridique performant, ainsi que de moyens humains efficaces.
Nous considérons cependant que les mesures préconisées dans le projet de loi présentent des risques de dérive en termes de liberté de communication et peuvent, par ailleurs, se révéler inutiles.
Le dispositif de filtrage institué par l’article 4 risque d’être contreproductif, dans la mesure où ce n’est pas l’existence même de tels sites qui est condamnée, mais seulement leur accès.
Or l’expérience montre qu’en termes d’accès à Internet, l’évolution des technologies permet le contournement systématique des nouveaux filtrages qui sont créés. Ce dispositif entraînera donc, fatalement, le développement de modes de diffusion plus difficilement détectables par les enquêteurs.
Selon les opérateurs, « les solutions de blocage ne permettent d’empêcher que les accès involontaires à des contenus pédopornographiques disponibles sur le web à travers le protocole http, mais pas d’empêcher les réseaux pédophiles de prospérer. [...] Il est à souligner que tous les contenus diffusés sur les réseaux peer to peer [...] ne sont pas inscrits dans le périmètre de blocage. Or, d’après une enquête, ce sont ces réseaux qui sont, depuis vingt ans, l’une des principales plateformes d’échange d’images pédopornographiques. »
Et je ne parle pas du coût de telles mesures de filtrage : nous ne disposons, pour le moment, d’aucune estimation à cet égard.
Ma collègue députée Martine Billard considère que l’une des solutions permettant d’empêcher l’accès des mineurs à ces images réside dans l’instauration d’un logiciel de contrôle parental ; je partage son point de vue.
Nous demandons, par cet amendement, une évaluation du dispositif que vous souhaitez mettre en place, avant que celui-ci ne devienne pérenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Comme sur l’amendement n° 200, dont l’objet était le même, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 4 bis
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 227-24 du code pénal, après le mot : « humaine », sont insérés les mots : « ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger ». – (Adopté.)
Chapitre III
Utilisation des nouvelles technologies
Section 1
Identification d’une personne par ses empreintes génétiques
Article 5
L’article 16-11 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« L’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que :
« 1° Dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire ;
« 2° À des fins médicales ou de recherche scientifique ;
« 3° Aux fins d’établir, lorsqu’elle est inconnue, l’identité de personnes décédées. » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la recherche d’identité mentionnée au 3° concerne soit un militaire décédé à l’occasion d’une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées, soit une victime de catastrophe naturelle, soit une personne faisant l’objet de recherches au titre de l’article 26 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité et dont la mort est supposée, des prélèvements destinés à recueillir les traces biologiques de cette personne peuvent être réalisés dans des lieux qu’elle est susceptible d’avoir habituellement fréquentés, avec l’accord du responsable des lieux ou, en cas de refus de celui-ci ou d’impossibilité de recueillir cet accord, avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance. Des prélèvements aux mêmes fins sur les ascendants, descendants ou collatéraux supposés de cette personne peuvent être également réalisés. Le consentement exprès de chaque personne concernée est alors recueilli par écrit préalablement à la réalisation du prélèvement, après que celle-ci a été dûment informée de la nature de ce prélèvement, de sa finalité ainsi que du caractère à tout moment révocable de son consentement. Le consentement mentionne la finalité du prélèvement et de l’identification.
« Les modalités de mise en œuvre des recherches d’identification mentionnées au 3° du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Cet article est le premier du chapitre III consacré à « l’utilisation des nouvelles technologies ». On y découvre l’usage que vous comptez faire des avancées informatiques de ces dernières décennies pour mieux contrôler chacun de nos concitoyens.
Nous notons que, contrairement à votre habitude, vous ne créez pas ici de nouveaux fichiers. Nous sommes soulagés ! Mais peut-être la liste est-elle déjà tellement longue qu’un ajout serait inutile...
En revanche, vous détournez les fichiers existants de leur finalité d’origine. C’est plus pernicieux !
Aux termes des articles 5 et 8 de ce projet de loi, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, pourra, par exemple, contenir les empreintes de victimes de catastrophes naturelles ou celles des ascendants, descendants ou collatéraux des personnes figurant dans un fichier de police. C’est la porte ouverte au fichage des empreintes génétiques de toute la population.
Ce fichier, judiciaire à l’origine, deviendra ainsi un fichier civil, grâce auquel la carte génétique de chacun d’entre nous pourra être consultée par les autorités publiques.
Le fait que vous ne prévoyiez pas de séparation entre les données concernant les différentes catégories de personnes fichées est, sans nul doute, révélateur de vos objectifs.
Voilà trois ans, l’actuel ministre de l’industrie avait déclaré : « Les citoyens seraient mieux protégés si leurs données ADN étaient recueillies dès leur naissance ». Il ne croyait pas si bien dire...
Peut-être avez-vous oublié en rédigeant ce projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, que cette remarque avait suscité, outre l’émotion au sein de l’Hexagone, l’indignation de nos voisins européens ?
Entre 2003 et 2006, le nombre de profils enregistrés au FNAEG est passé de 2 807 à plus de 330 000. Grâce à vous, ce chiffre risque de croître de façon exponentielle, et ce au mépris des libertés publiques. Mais cette violation criante des libertés ne paraît pas vous arrêter.
Vous n’avez d’ailleurs tiré aucun enseignement de la levée de boucliers suscitée en son temps par la création du fichier Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale, connu sous le nom de fichier EDVIGE. Les critiques formulées à l’époque par la CNIL au sujet de cette création ne vous ont vraisemblablement pas servi de leçon !
Rappelons que la CNIL avait alors émis de graves réserves concernant la collecte d’informations relatives aux mineurs de plus de treize ans. Or votre projet permet, au sein des fichiers de police judiciaire comme des fichiers d’analyse sérielle, le fichage spécifié « sans limitation d’âge ». Vous faites plus qu’ignorer les objections d’une autorité indépendante telle que la CNIL, vous les méprisez ouvertement !
La LOPPSI rendra possible le fichage de chaque citoyen dès sa naissance. Les conclusions du rapport Bénisti ont sans doute inspiré l’auteur de ce projet. Nos enfants étant dorénavant tous des délinquants en puissance, pourquoi ne pas les ficher dès leur sortie de couveuse ?
Si vous ignorez les critiques de la CNIL, vous ne faites pas non plus grand cas de celles de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, qui s’est également élevée contre les possibles dérapages de ce projet. S’agissant de cette dernière, votre démarche est assez cohérente. En effet, pourquoi respecteriez-vous les réserves émises par une autorité dont vous avez récemment organisé la disparition, faute de pouvoir la museler ?
Cependant, nous estimons de notre devoir de vous rappeler, monsieur le secrétaire d'État, que si ce Gouvernement peut museler et mettre à bas nos autorités de contrôle interne, il lui sera plus difficile de faire la sourde oreille lorsque la Cour européenne des droits de l’homme condamnera la France pour violation des libertés fondamentales.
Rappelons qu’en décembre 2008, le Royaume-Uni a été condamné parce que sa législation permettait la conservation, dans des fichiers de police, des empreintes digitales, échantillons cellulaires et profils génétiques des prévenus après la conclusion, par acquittement ou par classement sans suite, des poursuites pénales menées contre eux.
Or votre projet contient des dispositions identiques à celles qui sont condamnées par la Cour européenne. Il faut en conclure qu’aucune entrave aux droits de l’homme ne vous arrête dès lors qu’il s’agit de disposer d’une fiche sur chaque citoyen !
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 16-11 du code civil, il est inséré un article 16-11-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-11.1. - Un fichier national, placé sous le contrôle d'un magistrat, est destiné à centraliser les empreintes génétiques recueillies à l'occasion des recherches aux fins d'identification, prévues par l'article 16-11, à l'exception de celles des militaires décédés à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées.
« Les empreintes génétiques recueillies dans ce cadre sont effacées sur instruction du procureur de la République, agissant soit d'office, soit à la demande des intéressés, lorsqu'il est mis fin aux recherches d'identification qui ont justifié leur recueil. Les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux des personnes dont l'identification est recherchée ne peuvent être conservées dans le fichier que sous réserve du consentement éclairé, exprès et écrit des intéressés.
« Les officiers de police judiciaire peuvent, à la demande du procureur de la République ou du juge d'instruction, faire procéder à un rapprochement de l'empreinte de toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit, avec les données incluses au fichier.
« Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être réalisées qu'à partir de segments d'acide désoxyribonucléique non codants, à l'exception du segment correspondant au marqueur du sexe.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités d'application du présent article. Ce décret précise notamment la durée de conservation des informations enregistrées. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je souhaite poursuivre la démarche entamée par Mme Assassi en proposant d’insérer un article additionnel, dans le but de clarifier la position qui vient d’être développée. Les dispositions de ce projet de loi donnent au Fichier national automatisé des empreintes génétiques, fichier purement judiciaire, une finalité qui n’est pas la sienne.
Ce fichier de police ne peut en effet contenir des empreintes de personnes présumées disparues ou de leur parentèle. La collecte de ces données impose la création d’une base de données distincte pour éviter tout risque de dérapage et d’amalgame. En effet, nous avons malheureusement déjà pu apprécier les limites des fichiers du système de traitement des infractions constatées, ou STIC, et du système judiciaire de traitement et d'exploitation, ou JUDEX, qui font notamment craindre que les empreintes d’une parentèle se retrouvent mêlées à celle de délinquants. Nous pourrions citer plusieurs exemples à l’appui de nos propos.
Nous estimons que la modification apportée au texte par notre commission des lois, visant à imposer un enregistrement distinct des données civiles, constitue certes une amélioration, nous le concédons, mais elle n’apporte toujours pas les garanties souhaitées.
Cette modification du texte, qui a pour but de prendre en compte les critiques émises tant par la CNIL que par la CNCDH, n’assurera pas une parfaite étanchéité des données.
C’est la raison pour laquelle, nous vous proposons, en accord avec la Ligue des droits de l’homme, de prévoir qu’un fichier administratif spécifique soit créé pour rassembler les données qui doivent rester purement civiles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à créer un fichier d’empreintes génétiques spécifique dédié aux recherches d’identification des personnes décédées inconnues afin de séparer les recherches d’identification à finalité administrative des recherches à finalité judiciaire.
En réalité, le dispositif retenu par le projet de loi satisfait le même objectif à moindre coût, puisqu’il prévoit, à l’article 8, la création d’une sous-base étanche du FNAEG. Cela limitera la consultation des données de la sous-base aux seules recherches concernant l’identification d’une personne décédée inconnue.
J’ajoute que la commission des lois a renforcé les garanties ainsi présentées, d’une part, en garantissant le bénéfice de l’étanchéité à toutes les empreintes génétiques recueillies pour l’identification d’une personne disparue et, d’autre part, en créant une procédure d’effacement des empreintes génétiques recueillies.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous souhaiterions pouvoir vérifier l’effectivité des garanties relatives aux procédures d’effacement. En effet, de nombreux fichiers contiennent aujourd’hui encore un certain nombre de données qui auraient dû être effacées depuis plusieurs années.
Nous craignons de voir se concrétiser à nouveau ces expériences malheureuses dans l’utilisation d’un certain nombre de fichiers. Il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce que l’on nous dit ! Les moyens permettant de mettre à jour ces fichiers sont souvent insuffisants et la RGPP aggrave le déficit de personnels. La justice se trouve ainsi mutilée et certaines obligations bafouées !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
(Non modifié)
L’article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, si lors de l’établissement de l’acte de décès mentionné à l’article 87 du code civil l’identité du défunt n’a pu être établie, l’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’après exécution, dans un délai compatible avec les délais régissant l’inhumation et la crémation, des réquisitions éventuellement prises par le procureur de la République aux fins de faire procéder aux constatations et opérations nécessaires en vue d’établir l’identité du défunt. » – (Adopté.)
Article 7
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 226-27 est ainsi rédigé :
« Art. 226-27. – Le fait de procéder, sans avoir recueilli le consentement de la personne dans les conditions prévues par l’article 16-11 du code civil, à son identification par ses empreintes génétiques à des fins médicales ou de recherche scientifique ou au prélèvement de ses traces biologiques à titre d’ascendant, descendant ou collatéral aux fins de l’établissement, par ses empreintes génétiques, de l’identité d’une personne mentionnée au 3° du même article, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 226-28 est ainsi modifié :
a) Les mots : « lorsqu'il ne s'agit pas d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées, à des fins qui ne seraient ni médicales ni scientifiques ou en dehors d'une mesure d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire ou » sont remplacés par les mots : « en dehors des cas prévus à l’article 16-11 du code civil ou en dehors d'une mesure d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure » ;
b) Le montant : « 1 500 € » est remplacé par le montant : « 15 000 € ».
M. le président. L'amendement n° 203, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Après les mots :
d'une procédure judiciaire ou
insérer les mots :
de vérification d'un acte d'état civil entreprise par les autorités diplomatiques ou consulaires dans le cadre des dispositions de l'article L. 111-6 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 13 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile est abrogé.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’identification d’une personne par ses empreintes génétiques nous permet de reposer la question de l’immigration et du regroupement familial.
En effet, monsieur le secrétaire d'État, vous vous souvenez qu’il y a quelques mois, votre collègue M. Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, a décidé de ne pas signer le décret d’application de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile mettant en place le test honteux de l’ADN pour les candidats étrangers au regroupement familial.
Nous sommes nombreux ici à nous être élevés contre ce test inique, contraire aux principes de notre république et inadapté aux réalités sociales et familiales contemporaines. En violation totale des règles du droit international privé français, ce test ADN présumait du caractère frauduleux des actes d’état civil étranger, rendant le test ADN seul à même de prouver une filiation et disqualifiant ainsi d’autres liens que ceux du sang, notamment ceux de l’adoption.
Véritable défiance à l’égard des pays d’émigration, ce test ADN suggérait que l’étranger était par nature fraudeur et que les autorités étrangères sous-développées étaient incapables d’établir des documents authentiques. Nous sommes évidemment satisfaits de la décision de M. Besson, même si nous déplorons qu’elle soit fondée sur le caractère impraticable de la mesure et non pas sur son caractère indigne et inacceptable.
Nous souhaitons aujourd’hui aller beaucoup plus loin et supprimer ce test ADN. C’est pourquoi nous vous proposons la suppression de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la procédure de vérification d’état civil d’une personne candidate au regroupement familial sur la base d’une expertise génétique, au motif que le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire n’a pas signé les décrets d’application du texte, ceux-ci ne pouvant être mis en œuvre dans le délai imparti.
Traiter cette question dans le cadre de ce texte ne paraît pas approprié. En effet, cette procédure est uniquement mentionnée par renvoi par le présent article, par reprise du texte actuel de l’article 226-28 du code pénal. Aucune modification n’y est apportée. La question ainsi soulevée par l’auteur de l’amendement relève plutôt du prochain projet de loi sur l’immigration, annoncé par le Gouvernement. Il convient donc de renvoyer cet amendement à l’examen de ce texte.
Pour cette raison, la commission des lois a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Votre amendement, nous l’avons compris, est motivé par la volonté de supprimer le dispositif spécifique de vérification des actes d’état civil pour les candidats au regroupement familial.
Toutefois, la procédure d’identification génétique que vous visez est non pas imposée, mais réalisée volontairement et à la demande de l’intéressé. Elle répond à un besoin réel de confirmation des liens familiaux que les actes officiels ne parviennent pas toujours à démontrer de façon certaine. Pour être régulièrement confrontés à ces situations, cette disposition nous apparaît au contraire comme une garantie complémentaire.
Quant aux risques d’abus que vous avez soulignés, j’ajoute que cette procédure, dont je rappelle l’esprit et le sens, est extrêmement encadrée dans ses modalités comme dans son objet. Il convient donc de sanctionner les personnes qui recourent illégalement à l’identification génétique lorsqu’elle n’est pas autorisée par la loi. L’article 7 vise bien à mettre en cohérence les dispositions du code pénal avec celles du code civil.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Les troisième et quatrième alinéas de l’article 706-54 du code de procédure pénale sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les officiers de police judiciaire peuvent également, d’office ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction, faire procéder à un rapprochement de l’empreinte de toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 avec les données incluses au fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée.
« Le fichier prévu par le présent article contient également les empreintes génétiques recueillies à l’occasion :
« 1° Des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d’une disparition prévues par les articles 74, 74-1 et 80-4 ;
« 2° Des recherches aux fins d’identification, prévues par l’article 16-11 du code civil, de personnes décédées dont l’identité n’a pu être établie, à l’exception des militaires décédés à l’occasion d’une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées. Toutefois, les empreintes génétiques recueillies dans ce cadre font l’objet d’un enregistrement distinct de celui des autres empreintes génétiques conservées dans le fichier. Elles sont effacées sur instruction du procureur de la République, agissant soit d’office, soit à la demande des intéressés, lorsqu’il est mis fin aux recherches d’identification qui ont justifié leur recueil. Les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux des personnes dont l’identification est recherchée ne peuvent être conservées dans le fichier que sous réserve du consentement éclairé, exprès et écrit des intéressés. »
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. C’est un amendement de coordination qui n’a plus d’objet.
M. le président. L’amendement n° 116 n’a en effet plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
(Supprimé)
Article 9 bis (nouveau)
Il est créé un fonds de soutien à la police technique et scientifique, chargé de contribuer au financement, dans la limite de ses ressources, de l’ensemble des opérations liées à l’alimentation et à l’utilisation du fichier automatisé des empreintes digitales et du fichier national automatisé des empreintes génétiques dans les enquêtes de flagrance, les enquêtes préliminaires ou les enquêtes sur commission rogatoire visant à rechercher les auteurs des infractions définies au 6° de l’article 311-4 du code pénal.
Ce fonds est alimenté par un prélèvement sur le produit des primes ou cotisations d’assurance versées dans le cadre des contrats souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'État et comprenant une garantie contre le risque de vol commis dans un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels.
Ce prélèvement s'applique sur le produit des primes ou cotisations additionnelles émises à compter d'un délai de six semaines après la publication de la présente loi. Il est versé par les entreprises d'assurances ou leur représentant fiscal visé à l'article 1004 du code général des impôts.
Le taux de ce prélèvement est fixé à 2 p. 100. Le prélèvement est recouvré suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et les mêmes sanctions que la taxe sur les conventions d'assurance prévue aux articles 991 et suivants du code général des impôts.
Les modalités de gestion du fonds sont fixées par un décret en Conseil d’État.
M. le président. L'amendement n° 419, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Ce fonds est alimenté par un versement déterminé par convention sur les biens restitués à l'assureur ayant indemnisé le vol desdits biens.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement précise le mode de financement du fonds de soutien à la police technique et scientifique que la commission des lois a créé par l’article 9 bis.
Ce financement sera assis sur la valeur des biens retrouvés et non sur les polices d’assurance. J’ai d’ailleurs recueilli l’accord des assureurs sur ce mode de financement et une négociation devrait avoir lieu entre ces derniers et le ministère de l’économie, de l'industrie et de l'emploi, pour fixer rapidement les modalités du prélèvement, afin de rendre ce fonds opérationnel au plus vite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Article additionnel avant l'article 10
M. le président. L'amendement n° 204, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi rédigé :
« Art. 26. - I. - Les traitements ou catégories de traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté, ne peuvent être autorisés par la loi qu'à la condition de répondre à une ou plusieurs des finalités suivantes :
« 1° Permettre aux services de renseignement qui n'interviennent pas en matière de sûreté de l'État et de défense, d'exercer leurs missions ;
« 2° Permettre aux services de police judiciaire d'opérer des rapprochements entre des infractions susceptibles d'être liées entre elles, à partir des caractéristiques de ces infractions, afin de faciliter l'identification de leurs auteurs ;
« 3° Faciliter par l'utilisation d'éléments biométriques ou biologiques se rapportant aux personnes, d'une part la recherche et l'identification des auteurs de crimes et de délits, d'autre part la poursuite, l'instruction et le jugement des affaires dont l'autorité judiciaire est saisie ;
« 4° Répertorier les personnes et les objets signalés par les services habilités à alimenter le traitement, dans le cadre de leurs missions de police administrative ou judiciaire, afin de faciliter les recherches des services enquêteurs et de porter à la connaissance des services intéressés la conduite à tenir s'ils se trouvent en présence de la personne ou de l'objet ;
« 5° Faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs ;
« 6° Faciliter la diffusion et le partage des informations détenues par différents services de police judiciaire, sur les enquêtes en cours ou les individus qui en font l'objet, en vue d'une meilleure coordination de leurs investigations ;
« 7° Centraliser les informations destinées à informer le Gouvernement et le représentant de l'État afin de prévenir les atteintes à la sécurité publique ;
« 8° Procéder à des enquêtes administratives liées à la sécurité publique ;
« 9° Faciliter la gestion administrative ou opérationnelle des services de police et de gendarmerie ainsi que des services chargés de l'exécution des décisions des juridictions pénales en leur permettant de consigner les événements intervenus, de suivre l'activité des services et de leurs agents, de suivre les relations avec les usagers du service, d'assurer une meilleure allocation des moyens aux missions et d'évaluer les résultats obtenus ;
« 10° Organiser le contrôle de l'accès à certains lieux nécessitant une surveillance particulière ;
« 11° Recenser et gérer les données relatives aux personnes ou aux biens faisant l'objet d'une même catégorie de décision administrative ou judiciaire ;
« 12° Faciliter l'accomplissement des tâches liées à la rédaction, à la gestion et à la conservation des procédures administratives et judiciaires et assurer l'alimentation automatique de certains fichiers de police ;
« 13° Recevoir, établir, conserver et transmettre les actes, données et informations nécessaires à l'exercice des attributions du ministère public et des juridictions pénales, et à l'exécution de leurs décisions.
« Les catégories de traitements de données à caractère personnel sont constituées par les traitements qui répondent aux mêmes finalités, peuvent comporter tout ou partie d'un ensemble commun de données, concernent les mêmes catégories de personnes et obéissent aux mêmes règles générales de fonctionnement.
« L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés mentionné au a du 4° de l'article 11 sur tout projet de loi autorisant la création d'un tel traitement ou d'une telle catégorie de traitements de données est transmis au Parlement simultanément au dépôt du projet de loi.
« II. - La loi autorisant un traitement ou une catégorie de traitements de données mentionnés au I prévoit :
« - les services responsables ;
« - la nature des données à caractère personnel prévues au I de l'article 8 dont la collecte, la conservation et le traitement sont autorisés, dès lors que la finalité du traitement l'exige ;
« - l'origine de ces données et les catégories de personnes concernées ;
« - la durée de conservation des informations traitées ;
« - les destinataires ou catégories de destinataires des informations enregistrées ;
« - la nature du droit d'accès des personnes figurant dans les traitements de données aux informations qui les concernent ;
« - les interconnexions autorisées avec d'autres traitements de données.
« III. - Sont autorisés par décret en Conseil d'État, après avis motivé et publié de la commission, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sûreté de l'État ou la défense.
« Ces traitements peuvent être dispensés, par décret en Conseil d'État, de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise.
« Pour ces traitements :
« - est publié en même temps que le décret autorisant la dispense de la publication de l'acte, le sens de l'avis émis par la commission ;
« - l'acte réglementaire est transmis à la délégation parlementaire au renseignement et à la commission.
« IV. - Les modalités d'application du I sont fixées par arrêté. Si les traitements portent sur des données mentionnées au I de l'article 8, ces modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.
« La commission publie un avis motivé sur tout projet d'acte réglementaire pris en application d'une loi autorisant une catégorie de traitements de données conformément au I du présent article.
« V. - Dans les traitements mentionnés au 1° et 7° du I du présent article, la durée de conservation des données concernant les mineurs est inférieure à celle applicable aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l'intérêt du mineur. Cette durée est modulée afin de tenir compte de la situation particulière des mineurs et, le cas échéant, en fonction de la nature et de la gravité des atteintes à la sécurité publique commises par eux.
« VI. - Lorsque la mise au point technique d'un traitement mentionné au I nécessite une exploitation en situation réelle de fonctionnement, un tel traitement peut être mis en œuvre à titre expérimental pour une durée de dix-huit mois, après déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités selon lesquelles la commission est informée de l'évolution technique d'un tel projet de traitement et fait part de ses recommandations au seul responsable de ce projet.
« VI - Pour l'application du présent article, les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par un acte réglementaire unique. Dans ce cas, le responsable de chaque traitement adresse à la Commission nationale de l'informatique et des libertés un engagement de conformité de celui-ci à la description figurant dans l'autorisation. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement est le fruit de réflexions successives sur la question du contrôle des fichiers menées tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Il pose un principe général simple, permettant de sortir du débat partisan, tout en ménageant les intérêts des services relevant tant de la sécurité intérieure que de la défense et de la sûreté de la nation.
Selon ce principe, le contrôle des fichiers de police passe par la loi, dans la mesure où cette question relève bien des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques pour lesquelles le législateur est appelé à fixer les règles, aux termes de l’article 34 de la Constitution.
Mais l’application de ce principe ne doit pas être rigide. C’est pourquoi nous proposons que « les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires […] peuvent être autorisés par un acte réglementaire unique. »
Cet amendement précise également les éléments d’information et d’usage qui doivent accompagner la création des fichiers en cause. Il préserve la compétence exclusive du pouvoir réglementaire pour les traitements intéressant la sûreté de l’État ou la défense. Le contrôle de ces fichiers est assuré par la délégation parlementaire au renseignement.
Par ailleurs, il s’agit de veiller à organiser un régime spécifique pour les mineurs, visant à réduire la durée de conservation des données personnelles les concernant.
Cette proposition équilibrée assure l’action des forces de l’ordre et de la justice dans la transparence et le respect des libertés publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le présent amendement reprend le texte de l’article 4 de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, présentée par M. Détraigne et Mme Escoffier.
Il est sans doute préférable de ne pas transférer à nouveau ces dispositions, qui trouvent leur origine dans la proposition de loi de simplification du droit de M. Warsmann.
Par conséquent, la commission des lois émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, autoriser la création de tous les fichiers de police par la loi n’est pas une proposition nouvelle. Je le répète, à l’heure actuelle, il existe entre la loi et le règlement une répartition des compétences intelligente, adaptée, opérationnelle et, surtout, respectueuse de la Constitution.
De plus, la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés détermine les règles de création des fichiers de police. On ne fait pas les choses n’importe comment, même lorsqu’une loi spécifique n’existe pas. Le texte précité impose également un certain nombre de garanties concernant, notamment, la finalité des bases de données et leur mode de contrôle.
Cette répartition des compétences est respectueuse des libertés individuelles. Sur chacune de ces bases de données, la CNIL rend un avis motivé qui est publié.
Une telle démarche est également compatible avec les nécessités opérationnelles des services, dans le strict respect des principes que je viens de rappeler.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Section 2
Fichiers de police judiciaire
Article 10
I. – Le chapitre unique du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale devient le chapitre Ier du même titre et, après l’article 230-5, il est inséré un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Des fichiers de police judiciaire
« Section 1
« Des fichiers d’antécédents
« Art. 230-6. – Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés d’informations nominatives recueillies :
« 1° Au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant :
« a) Un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ;
« b) Une atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État ;
« 2° Au cours des procédures de recherche des causes de la mort mentionnées à l’article 74 ou de recherche des causes d’une disparition mentionnées à l’article 74-1.
« Ces traitements ont également pour objet l’exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques.
« Art. 230-7. – Les traitements mentionnés à l’article 230-6 peuvent contenir des informations sur les personnes, sans limitation d’âge, à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission des infractions mentionnées au 1° de l’article 230-6.
« Ils peuvent également contenir des informations sur les victimes de ces infractions. Ces dernières peuvent toutefois s’opposer à ce que les informations nominatives les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné.
« Ils peuvent en outre contenir des informations sur les personnes faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction pour recherche des causes de la mort mentionnée à l’article 74 ou d’une enquête ou d’une instruction pour recherche des causes d’une disparition mentionnée à l’article 74-1. Les données personnelles concernant ces dernières sont effacées dès lors que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou d’écarter toute suspicion de crime ou délit.
« Art. 230-8. – Le traitement des informations nominatives est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui demande qu’elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit lorsque la personne concernée la demande. Le procureur de la République se prononce sur les suites qu’il convient de donner aux demandes d’effacement ou de rectification dans un délai d’un mois. En cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l’objet d’une mention. Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données personnelles relatives à une personne ayant bénéficié d’une décision d’acquittement ou de relaxe devenue définitive, il en avise la personne concernée. Les décisions de non-lieu et, lorsqu’elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l’objet d’une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l’effacement des données personnelles. Les autres décisions de classement sans suite font l’objet d’une mention. Lorsqu’une décision fait l’objet d’une mention, les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l’objet d’une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues à l’article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.
« Les décisions d’effacement ou de rectification des informations nominatives prises par le procureur de la République sont portées à la connaissance des responsables de tous les traitements automatisés pour lesquels, sous réserve des règles d’effacement ou de rectification qui leur sont propres, ces mesures ont des conséquences sur la durée de conservation des données personnelles.
« Le procureur de la République dispose, pour l’exercice de ses fonctions, d’un accès direct aux traitements automatisés d’informations nominatives mentionnés à l’article 230-6.
« Art. 230-9. – Un magistrat, chargé de suivre la mise en œuvre et la mise à jour des traitements automatisés d’informations nominatives mentionnés à l’article 230-6 et désigné à cet effet par le ministre de la justice, concourt à l’application de l’article 230-8.
« Ce magistrat peut agir d’office ou sur requête des particuliers. Il dispose des mêmes pouvoirs d’effacement, de rectification ou de maintien des données personnelles dans les traitements mentionnés au premier alinéa du présent article que le procureur de la République. Lorsque la personne concernée le demande, la rectification pour requalification judiciaire est de droit. Il se prononce sur les suites qu’il convient de donner aux demandes d’effacement ou de rectification dans un délai d’un mois.
« Il dispose, pour l'exercice de ses fonctions, d'un accès direct à ces traitements automatisés.
« Art. 230-10. – Les personnels spécialement habilités des services de la police et de la gendarmerie nationales désignés à cet effet ainsi que les personnels, spécialement habilités, de l’État investis par la loi d’attributions de police judiciaire, notamment les agents des douanes, peuvent accéder aux informations, y compris nominatives, figurant dans les traitements de données personnelles prévus par la présente section et détenus par chacun de ces services. L’habilitation précise la nature des données auxquelles elle autorise l’accès. L’accès, par tous moyens techniques mobiles, aux informations figurant dans les traitements de données personnelles prévus par la présente section est ouvert aux seuls personnels de la police et de la gendarmerie nationales et des douanes.
« L’accès aux informations mentionnées au premier alinéa est également ouvert :
« 1° Aux magistrats du parquet ;
« 2° Aux magistrats instructeurs, pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis.
« Art. 230-11. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application de la présente section. Il précise notamment la liste des contraventions mentionnées à l’article 230-6, la durée de conservation des informations enregistrées, les modalités d’habilitation des personnes mentionnées à l’article 230-10 ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d’accès.
« Art. 230-12. – (Supprimé)
« Section 2
« Des fichiers d’analyse sérielle
« Art. 230-13. – Afin de rassembler les preuves et d’identifier les auteurs, grâce à l’établissement de liens entre les individus, les événements ou les infractions, des crimes et délits présentant un caractère sériel, les services et unités de la police et de la gendarmerie nationales chargés d’une mission de police judiciaire peuvent mettre en œuvre, sous le contrôle des autorités judiciaires, des traitements automatisés de données à caractère personnel collectées au cours :
« 1° Des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant toute infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement ;
« 2° Des procédures de recherche des causes de la mort prévues par l’article 74 ou de recherche des causes d’une disparition prévues par l’article 74-1.
« Ces traitements peuvent enregistrer des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans la stricte mesure nécessaire aux finalités de recherche criminelle assignées auxdits traitements.
« Art. 230-14. – Les traitements mentionnés à l’article 230-13 peuvent contenir des données sur les personnes, sans limitation d’âge :
« 1° À l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission d’une infraction mentionnée au 1° de l’article 230-13 ; l’enregistrement des données concernant ces personnes peut intervenir, le cas échéant, après leur condamnation ;
« 2° À l’encontre desquelles il existe des raisons sérieuses de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction mentionnée au 1° de l’article 230-13 ;
« 3° Susceptibles de fournir des renseignements sur les faits au sens des articles 62, 78 et 101 et dont l’identité est citée dans une procédure concernant une infraction mentionnée au 1° de l’article 230-13 ;
« 4° Victimes d’une infraction mentionnée au 1° de l’article 230-13 ;
« 5° Faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction pour recherche des causes de la mort prévue par l’article 74 ou d’une enquête ou d’une instruction pour recherche des causes d’une disparition prévue par l’article 74-1.
« Art. 230-15. – Les articles 230-8 et 230-9 sont applicables aux traitements mentionnés à l’article 230-13.
« Art. 230-16. – Les données personnelles concernant les personnes qui font l’objet d’une procédure pour recherche des causes de la mort ou d’une disparition sont effacées, dès lors que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou d’écarter toute suspicion de crime ou délit. Dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné, les personnes mentionnées aux 2°, 3° et 4° de l’article 230-14 peuvent demander l’effacement des données enregistrées dans le traitement, sauf si le procureur de la République ou le magistrat mentionné à l’article 230-9 en prescrit le maintien pour des motifs liés à la finalité du traitement, auquel cas ces motifs font l’objet d’une mention.
« Art. 230-17. – Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées à la présente section :
« 1° Les personnels spécialement habilités et individuellement désignés de la police et de la gendarmerie nationales ;
« 2° Les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs, pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis ;
« 3° Les agents des douanes, spécialement habilités et individuellement désignés, à l’occasion des enquêtes visées à l’article 28-1.
« L’habilitation précise la nature des données auxquelles elle autorise l’accès.
« Art. 230-18. – Les traitements relevant de la présente section ne peuvent donner lieu à aucune utilisation à des fins administratives.
« Art. 230-19. – En application de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application de la présente section. Il précise la durée de conservation des données enregistrées, les modalités d’habilitation des personnes mentionnées aux 1° et 3° de l’article 230-17 ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d’accès de manière indirecte, conformément à l’article 41 de ladite loi. »
II. – Le I de l’article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure devient l’article 230-20 du même code. Après l’article 230-5 du même code, il est inséré une section 3 intitulée : « Du fichier des personnes recherchées », comprenant un article 230-20.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 10, comme le suivant, procède à la codification, dans le code de procédure pénale, des articles relatifs aux fichiers de police de la loi pour la sécurité intérieure de 2003, en créant un chapitre réservé à ces fichiers. Mais il élargit le champ des données collectées.
Il place les fichiers de police sous le « contrôle » des procureurs de la République, contrôle dont la portée sera relative, étant donné que ces derniers sont sous la tutelle de l’exécutif. Pourtant, le contrôle de l’accès et de l’utilisation des fichiers de police devrait être assuré par l’autorité judiciaire qui, aux termes de l’article 66 de la Constitution, est la « gardienne de la liberté individuelle ».
Or le parquet n’est pas une autorité judiciaire, en raison de sa dépendance à l’égard de l’exécutif, comme le précise la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Medvedyev du 10 juillet 2008.
L’article 10 prévoit que les données relatives aux personnes définitivement innocentées pourront être malgré tout conservées dans les fichiers « pour des raisons liées à la finalité du fichier », formule dépourvue de la moindre signification. Les personnes innocentées par la justice n’ont pas, par définition, d’« antécédents », sauf, éventuellement, dans d’autres affaires. On voit donc mal pour quel motif les informations les concernant figureraient dans les fichiers d’antécédents judiciaires, si ce n’est pour d’autres affaires.
Pis, cet article contraint au maintien des informations dans le fichier, y compris lorsque les personnes bénéficient d’un non-lieu ou d’un classement sans suite. Autrement dit, l’on considère comme antécédent justifiant le fichage une procédure qui s’est révélée vaine. Ce type d’élargissement pourra donc faire tripler de volume les fichiers d’antécédents judiciaires.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 10.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’article 10 du projet de loi codifie, à droit constant, pour beaucoup de ses dispositions, le droit en vigueur relatif aux fichiers d’antécédents judiciaires. Ces outils ont démontré leur efficacité. Leur suppression, proposée par les auteurs de cet amendement, entraverait sérieusement la lutte contre la délinquance.
C’est pourquoi la commission ne peut qu’émettre un avis très défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L’article 10 du projet de loi codifie les dispositions existantes sur les fichiers d’antécédents judiciaires, les traitements d’analyse sérielle et le fichier des personnes recherchées, tout en les adaptant aux nécessités opérationnelles et, surtout, en renforçant les garanties apportées aux personnes.
Il institue un magistrat spécialement chargé de contrôler le fonctionnement des fichiers d’antécédents judiciaires et des traitements d’analyse sérielle. Ce magistrat bénéficiera d’un accès direct au fichier et détiendra des pouvoirs d’effacement et de rectification identiques à ceux du procureur de la République.
Par conséquent, il serait paradoxal, en supprimant l’article 10, de renoncer à ces garanties nouvelles proposées par le Gouvernement.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Buffet, Lecerf, Lefèvre, Béteille et Cointat, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
d’informations nominatives
par les mots :
de données à caractère personnel
II. - En conséquence, alinéas 13 (seconde phrase), 15 (première phrase), 17 et 18
Procéder au même remplacement.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. L'article 10 crée dans le code de procédure pénale un chapitre consacré aux fichiers de police judiciaire. Reprenant la rédaction des dispositions actuelles, les mesures proposées autorisent l'enregistrement dans ces traitements d'« informations nominatives ».
Or depuis la loi du 6 août 2004, cette notion d'« information nominative » a été remplacée par celle de « donnée à caractère personnel ». Loin de se réduire à un changement de vocabulaire, cette évolution a modifié le fondement du droit des fichiers.
La notion de « données à caractère personnel » n'a pas le même sens que celle à laquelle elle s’est substituée : il s'agit de « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».
Elle repose donc sur deux éléments cumulatifs : d’une part, un élément d'identification, c'est-à-dire l'identité de la personne ou tout élément la rendant identifiable, d’autre part, une information, quelle qu'en soit la nature, relative à cette personne.
Il en résulte qu'aucune information n'est qualifiable de « donnée à caractère personnel » en soi. À l'inverse, toute information peut être une donnée à caractère personnel.
L'amendement proposé met donc le droit spécial des fichiers de police judiciaire en cohérence avec le droit général des fichiers, tel qu'il résulte de la loi de 1978 modifiée en 2004.
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13, seconde phrase
Rédiger comme suit cette phrase :
Dans cette hypothèse, ces dernières sont expressément informées par l'autorité responsable du traitement du contenu des informations nominatives les concernant et de leur droit de s'opposer à ce que ces informations soient conservées dans le fichier dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné, à peine de nullité de la procédure.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, pour faciliter votre tâche, mon intervention sur le présent amendement vaudra également pour les amendements nos 121, 122, 123, 124 et 125.
S’inscrivant dans notre démarche tendant à clarifier l’utilisation des fichiers, ces amendements visent à garantir que les dispositifs de fichage dont il est fait mention ne portent pas atteinte à la vie privée de nos concitoyens et à s’assurer qu’ils ne deviennent pas, s’ils ne le sont pas déjà, des instruments de surveillance de la population.
Ainsi, nous souhaitons ajouter l’obligation d’informer les personnes dont les données sont enregistrées dans les fichiers de leur possibilité de s’opposer à la conservation dans ces fichiers des informations nominatives les concernant, dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné.
Si cette possibilité est garantie par la rédaction actuelle du texte, il demeure impératif que l’information des personnes concernées devienne une obligation légale à peine de nullité de la procédure.
Il relève également du bon sens de prévoir que, quelle que soit la nature de la décision ayant mis hors de cause la personne visée, les données personnelles la concernant soient toutes effacées des fichiers.
Par ailleurs, comme nous l’avons fait observer précédemment, le contrôle de l’accès et de l’utilisation des fichiers de police devrait être assuré par l’autorité judiciaire qui, aux termes de l’article 66 de la Constitution, est la « gardienne de la liberté individuelle ». Or le parquet n’est pas une « autorité judiciaire » du fait de sa dépendance à l’égard de l’exécutif, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Dès lors, nous estimons également nécessaire que les personnes en cause disposent d’un recours, qui doit être traité par des magistrats indépendants, afin d’obtenir une décision sur leurs demandes d’effacement ou de rectification des données nominatives les concernant dans l’hypothèse où le procureur rejetterait ou ne statuerait pas sur ces demandes dans le délai qui lui est imparti par le texte et conformément au droit au recours dont chaque citoyen doit disposer.
Tel est l’objet de ces amendements.
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 13, seconde phrase
Remplacer les mots :
Ces dernières peuvent toutefois
par les mots :
Ces dernières sont systématiquement informées et peuvent
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L’article 10 du projet de loi accorde aux victimes d’infractions à la loi pénale la faculté de s’opposer à ce que les informations nominatives les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné. Il soulève donc la question sensible et importante de l’information des personnes figurant dans les fichiers d’antécédents alors qu’elles n’ont plus à y être mentionnées.
La rédaction retenue vise à ne pas alourdir la procédure. Mais elle revient à accorder un droit théorique si les victimes inscrites dans ce traitement de données ignorent qu’elles y figurent.
Les enquêteurs doivent pouvoir mener leurs enquêtes en toute confidentialité. Mais dans le cas présent, il s’agit des victimes, et les dossiers sont jugés.
D’aucuns ont rétorqué qu’une telle obligation d’information créerait une charge qui deviendrait très rapidement insurmontable pour les services gestionnaires. Toutefois, l’annexe au projet de loi précise : « La qualité de ce lien tissé avec la population sera d’autant plus grande que les victimes seront prises en charge avec toute la considération qui leur est due. »
Si le Gouvernement prévoit l’extension du dispositif de pré-plainte pour « contribuer à améliorer l’accueil des victimes en facilitant les démarches des usagers », l’argument de la surcharge de travail n’est pas très opportun.
Enfin, nous avons été convaincus par l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, du 15 avril 2010, préconisant que « les textes prévoient un traitement séparé des personnes mises en cause, des témoins et des victimes, ainsi que l’effacement automatique des données concernant ces derniers à l’issue des opérations judiciaires. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 9 rectifié bis a pour objet d’harmoniser le droit des fichiers de police judiciaire avec le droit général des fichiers en remplaçant la terminologie « informations nominatives » par celle, plus précise et rigoureuse, comme l’a expliqué Jean-René Lecerf, de « données à caractère personnel ». La commission émet un avis favorable.
L’amendement n° 120 prévoit que les victimes sont expressément informées des données les concernant dans les fichiers à peine de nullité de la procédure. Cette disposition paraît excessive. En l’état du droit, que la LOPPSI ne modifie en rien, les victimes ont évidemment un droit d’accès à ces données et peuvent s’opposer à leur conservation dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 205.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 9 rectifié bis pour les raisons fort bien exposées tant par M. Lecerf que par M. le rapporteur.
Il est défavorable aux amendements nos 120 et 205.
L’alinéa 13 de l’article 10 ne fait que reprendre le droit actuel. Il dispose que les fichiers d’antécédents judiciaires peuvent contenir des informations sur les victimes et que celles-ci peuvent « toutefois s’opposer à ce que les informations nominatives les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné ».
Les fichiers d’antécédents, comme tous les fichiers de police, sont déjà soumis au droit d’accès et de rectification. Il est donc tout à fait inopportun d’imposer à l’administration une nouvelle charge aussi lourde qu’inutile. Nous avons déjà les garanties suffisantes, comme je viens de le rappeler. Nous n’y renonçons pas.
M. le président. L'amendement n° 310 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
commission rogatoire
insérer les mots :
qui ont conduit à une décision de condamnation définitive de la personne qui a fait l'objet de ces mesures,
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’article 10 aboutit à insérer un chapitre II après l’article 230-5 du code de procédure pénale. Ce chapitre compte quatorze articles, de l’article 230-6 à l’article 230-19.
Or on nous annonce l’arrivée d’une nouvelle réforme du code de procédure pénale. On aurait peut-être pu, selon un argument que j’ai souvent entendu du côté du Gouvernement concernant des amendements de l’opposition, attendre l’arrivée de ce code de procédure pénale.
En l’occurrence, on nous propose tout un chapitre nouveau intitulé « Des fichiers de police judiciaire ».
L’amendement n° 310 rectifié vise l’alinéa 7 de l’article 10.
L’article 230-6 précise :
« […] les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés d’informations nominatives recueillies :
« 1° Au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant :
« a) Un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ;
« b) Une atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État ; »
À lui seul, le a de cet article permet de viser pratiquement toutes les infractions.
Par cet amendement, nous souhaitons ajouter, après les mots « commission rogatoire », les mots « qui ont conduit à une décision de condamnation définitive de la personne qui a fait l’objet de ces mesures ».
Il existe tout de même des principes fondamentaux, notamment celui de la présomption d’innocence. Inclure des informations dans des fichiers de cette nature et conserver des mentions sur des faits qui n’ont pas donné lieu à une condamnation définitive est tout à fait inacceptable au regard des principes. Les fichiers d’antécédents recensent des informations non seulement sur des coupables, mais aussi sur des personnes n’ayant jamais fait l’objet de la moindre poursuite.
Il faut sortir de ce système, qui est particulièrement pernicieux et manifestement contraire à tous les principes fondamentaux du droit. Il y a là un risque considérable qu’il faut stopper.
Ne laisser dans ces fichiers que des renseignements sur des condamnations définitives est la moindre des choses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les auteurs de l’amendement entendent limiter les informations collectées dans les fichiers de police judiciaire, lorsqu’elles sont recueillies à la suite d’investigations, à celles qui concernent des personnes définitivement condamnées.
Cette restriction limiterait beaucoup l’intérêt des fichiers d’antécédents judiciaires, qui ont précisément pour objet de permettre l’identification d’auteurs d’infraction.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Puisque nous rappelons des principes simples, il convient aussi de rappeler l’intérêt de ces fichiers, qui sont des outils précieux et indispensables d’aide à l’enquête.
Le travail des enquêteurs est difficile et utile. Il est important qu’ils puissent procéder, même quand il n’y a pas eu de condamnation, à des investigations avec les informations nécessaires, notamment sur les faits constatés, les personnes mises en cause et les victimes d’infractions pénales.
Il ne s’agit pas de s’intéresser seulement à des personnes condamnées, il s’agit aussi d’offrir aux enquêteurs des informations sur les personnes mises en cause, afin de leur donner des pistes d’investigation. Je ne comprends pas que vous ne le compreniez pas, monsieur Mézard. C’est extrêmement important.
Limiter le contenu de ces fichiers aux seules personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive, comme vous le proposez dans votre amendement, reviendrait à transformer les fichiers d’antécédents en un nouveau casier judiciaire, ce qui, je le signale au passage, nous mettrait en contradiction avec l’article 777-3 du code de procédure pénale.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne suis absolument pas convaincu par les arguments que je viens d’entendre, puisque l’alinéa 7 vise les enquêtes préliminaires ou de flagrance et les investigations exécutées sur commission rogatoire.
De deux choses l’une : ou bien ces enquêtes et ces commissions rogatoires ont amené des éléments qui aboutissent à la condamnation, ou bien tel n’est pas le cas. Il serait terrible, s’il n’y a pas eu de suite judiciaire ou de condamnation, de conserver des informations manifestement erronées, injustifiées ou, du moins, qui n’ont pas lieu d’être utilisées dans ce type de fichiers.
D’ailleurs, cette mesure concerne même les contraventions de cinquième classe ! On a étendu ces enquêtes non seulement aux crimes et aux délits mais également à cette catégorie de contraventions !
Moi, je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’un homme aussi épris de liberté que vous puisse maintenir ce type d’argumentation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article nous confirme encore une fois que la sacro-sainte politique du chiffre, initiée par Nicolas Sarkozy et sans cesse amplifiée par le Gouvernement, aura raison des libertés individuelles de nos concitoyens.
L’alinéa 11 dispose que les informations recueillies peuvent être exploitées « à des fins de recherches statistiques ». Cette disposition, sans nul doute en corrélation avec la notion de performance omniprésente dans ce texte, soumet ainsi votre obsession sécuritaire aux impératifs économiques et budgétaires. La législation de protection des données personnelles, qui s’est intensément développée en raison de l’essor des nouvelles technologies, repose, en principe, sur au moins deux piliers.
Le premier est le principe de protection des données à l’aide d’instruments juridiques adaptés à l’encadrement de l’utilisation des données recueillies.
Mais la protection des données doit aussi s’articuler autour du principe de finalité, qui est l’une des bases de la loi du 6 février 1978, de la Convention du Conseil de l’Europe et qui est également, bien sûr, au cœur de l’activité de contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
Selon ce principe, un traitement d’informations nominatives est créé pour atteindre un objectif bien défini.
Nous vous rappelons avec ironie que ce chapitre s’intitule « De la mise au clair des données chiffrées nécessaires à la manifestation de la vérité ». Prenez-en acte et comprenez que nous demandions le retrait de cette disposition dont la formulation, on ne peut plus floue, permettra des dérives liberticides.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement supprime la disposition prévoyant que les traitements ont pour objet l’exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques. Une meilleure connaissance statistique apparaît pourtant un moyen de mieux lutter contre la délinquance. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
D’ailleurs, l’Observatoire national de la délinquance, l’OND, est un organisme dont l’indépendance et la compétence sont reconnues et garanties par le conseil d’orientation auprès de tous les départements ministériels et les organismes publics ou privés qui ont à connaître directement ou indirectement de faits ou de situation d’atteinte aux personnes et aux biens. Il n’y a pas lieu d’être inquiet sur ce point.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 119, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
, sans limitation d'âge,
par les mots :
âgées de plus de 13 ans
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le Président de la République promettait, il y a peu, de faire face au défi structurel de l’emploi des jeunes à coup d’annonces grandiloquentes et, comme à l’accoutumée, chiffrées.
Répertorier les jeunes et, pire encore, les cataloguer comme délinquants, dès la maternelle, dans des fichiers qui, on le sait, sont très peu fiables – je rappelle que seuls 17 % des fiches comportent des données exactes –, voilà une belle promesse d’embauche !
Le Gouvernement ne cesse de nous asséner des contrevérités scandaleuses sur la délinquance des mineurs, qui n’a pas plus augmenté que celle des majeurs ces dernières années. Le climat de tension délibérément instauré dans notre société a augmenté le niveau de violence général.
C’est d’ailleurs ce qui a justifié que Rachida Dati, ancienne garde des sceaux, ait voulu abaisser la majorité pénale à douze ans. Mais peut-être chauffez-vous déjà à blanc l’opinion publique pour la révision de l’ordonnance de 1945…
Toujours est-il que, en plus de refuser fermement l’amplification des procédures de fichage actuellement en vigueur, nous nous opposons à cette disposition qui ne fait que stigmatiser les mineurs en danger et nous souhaitons que l’on s’en tienne à l’âge de la majorité pénale.
M. le président. L'amendement n° 311 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
sans limitation d'âge
par les mots :
âgées au moins de treize ans
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Avec une formulation à peu près identique à celle de l’amendement qui vient d’être présenté, l’amendement n° 311 rectifié tend à restreindre la possibilité offerte par l’alinéa 12 de cet article de conserver des informations personnelles à l’encontre des personnes de tout âge, par conséquent à l’encontre des mineurs de moins de treize ans.
Nous ne pouvons que nous opposer à cette mesure. En effet, conformément aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, la responsabilité pénale ne peut être engagée qu’à l’encontre de personnes âgées d’au moins treize ans.
Quelle est l’utilité de cette mesure qui permettrait de conserver dans des fichiers judiciaires des informations personnelles sur des mineurs qui ne peuvent en aucun cas être poursuivis devant des juridictions pénales, même si celles sont spécialisées.
On s’interroge, par ailleurs, sur l’intérêt de marquer au fer rouge pour le reste de leur existence des mineurs dont l’absence totale de discernement explique souvent en grande partie le comportement.
Enfin, pour les raisons qui ont déjà été longuement et fort bien expliquées par mon collègue Jacques Mézard, à propos de l’amendement n° 310 rectifié, la conservation de données personnelles concernant des personnes dont la culpabilité n’a jamais été reconnue par une juridiction, avec toutes les conséquences néfastes déjà évoquées, va à l’encontre de la présomption d’innocence.
Je suis désolée de vous contrarier, monsieur le secrétaire d’État, mais nous souhaiterions que cette modification puisse intervenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à exclure des fichiers les mineurs de moins de treize ans.
Toutefois, il ne faut pas faire d’amalgame entre les informations collectées dans les fichiers et la responsabilité pénale. Les fichiers restent de simples outils d’investigation et ne s’assimilent en rien à un casier judiciaire.
M. Charles Gautier. N’importe quoi !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Madame Escoffier, en complément de l’argument que M. le rapporteur vient de développer, je voudrais vous rappeler – avec beaucoup de respect, mais il ne faut pas non plus nous faire sans cesse des procès d’intention sur ce sujet – que s'agissant des mineurs de treize ans dont vous avez évoqué la situation, l’alinéa 12 de l’article 10 ne fait que reprendre la législation actuelle. En effet, il dispose que les fichiers d’enregistrements judiciaires « peuvent contenir des informations sur les personnes sans limitation d’âge – ce point est important –, à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants ».
Nous ne voulons pas stigmatiser une population ou créer une nouvelle catégorie juridique. Toutefois, nous ne voulons pas non plus revenir sur une possibilité qui, je le répète, existe déjà, et qui, comme l’a souligné M. le rapporteur, vise non pas à condamner ceux qui ne doivent pas l’être, mais à fournir des données qui sont nécessaires.
On ne peut ignorer, et du reste personne ne le conteste, qu’un mineur de moins de treize ans peut commettre des faits graves. Or, en pareil cas, il faut tout de même que l’enquête puisse être diligentée ! Il ne s'agit pas de stigmatiser, de montrer du doigt ou de faire obstacle à un traitement particulier des mineurs auquel je suis personnellement très attaché, comme vous tous d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs.
Vous le savez, car telle est la réalité de notre société, des infractions, y compris graves, sont commises par des mineurs de plus en plus jeunes. Il faut tout de même que nous puissions disposer d’un certain nombre d’informations sur ce phénomène ! Or l’inscription des auteurs d’infractions mineurs dans les fichiers d’antécédents est indispensable aux services enquêteurs.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est du bon sens !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je le répète, je pense que nous portons tous le même regard sur la situation particulière des mineurs. J'ajoute, pour être tout à fait précis sur ce point, que le cadre réglementaire des fichiers d’antécédents apporte déjà toutes les garanties nécessaires : pour répondre à l’un des arguments que vous avez évoqués, madame Escoffier, la durée de conservation des données relatives aux mineurs est inférieure à celle qui est prévue pour les majeurs.
Franchement, – je vous le dis avec un profond respect – je ne comprends pas le sens de cet amendement. En tout cas, le Gouvernement y est défavorable, pour les raisons que je me suis permis de développer un peu.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes visées à l'alinéa précédent sont expressément informées par l'autorité responsable du traitement que des informations nominatives les concernant ont fait l'objet d'un traitement automatisé, à peine de nullité de la procédure.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’information des personnes faisant l’objet d’une enquête pour cause de mort inconnue, ainsi que les personnes ayant fait l’objet d’une disparition inquiétante.
En l’état du droit, les données personnelles sont effacées quand la personne disparue est retrouvée. L’amendement est donc sans objet dans cette hypothèse, et encore plus, naturellement, lorsque la personne est décédée ou ne peut être retrouvée.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Les dispositions de cet amendement sont pour le moins originales !
Il s’agit, dans le cadre juridique fixé par l’alinéa 14 de l’article 10, d’informer les personnes – à peine de nullité de la procédure, précise-t-on – de l’enregistrement dans un fichier d’antécédents judiciaires d’informations les concernant.
Or quelles sont les personnes visées par l’alinéa 14 de l’article 10 ? Celles qui font l’objet d’une enquête pour recherche des causes de la mort ou d’une disparition.
En résumé, les auteurs de cet amendement demandent à la police et à la gendarmerie d’informer des morts et des disparus ! (Sourires.)
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 121 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 312 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 15, deuxième phrase
Supprimer les mots :
lorsque la personne concernée la demande
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement vise à lutter contre le maintien d’informations qui seraient erronées dans les fichiers d’antécédents judiciaires.
L’alinéa 15 du présent article 10 prévoit que la rectification du fichier pour requalification judiciaire n’est de droit que dans le cas où la personne concernée en fait la demande. Or nous considérons que ce n’est pas au justiciable de demander cette rectification, mais à l’autorité judiciaire qui a commis l’erreur de qualification de la corriger automatiquement.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, la connaissance qu’ont les justiciables de leur droit à demander la rectification d’un fichier pour requalification juridique est, bien souvent, loin d’être évidente aujourd'hui. C’est donc pour protéger ces personnes que nous voulons les dispenser de demander une telle requalification.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Aux termes de cet amendement, l’autorité judiciaire devrait rectifier le fichier pour requalification judiciaire même lorsque l’intéressé ne l’a pas demandé.
Il s’agit d’une précision utile. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est lui aussi favorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 206, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 15, quatrième à septième phrases
Remplacer ces phrases par deux phrases ainsi rédigées :
En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, de décision de non-lieu et de classement sans suite, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention. Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données personnelles visées ci dessus, il motive sa décision et en avise la personne concernée.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Puisse cet amendement avoir le même sort que celui qui vient d’être présenté ! En effet, mes chers collègues, si nous nous opposons parfois pour des raisons politiques et si nous avons des points de vue différents, ce que chacun peut comprendre d'ailleurs, il s'agit ici, me semble-t-il, d’une question de bon sens.
Ce texte prévoit que, en cas de relaxe ou d’acquittement, les données personnelles seront effacées, sauf si le procureur de la République s’y oppose. En revanche, en cas de non-lieu ou de classement sans suite, elles seront conservées, sauf si le procureur de la République le demande, et encore le dispositif est-il un peu plus complexe que cela.
Pour ma part, je n’y comprends rien ! Mes chers collègues, imaginons que l’un d’entre vous fasse l’objet d’une plainte, que celle-ci repose sur des charges suffisantes, que le juge d’instruction considère que l’affaire doit être renvoyée devant le tribunal correctionnel et que ce dernier vous relaxe, parce que vous avez un bon avocat. (Sourires.) Dans ce cas, on efface tout.
À l’inverse, si, pour la même plainte qui vous vise et qui porte sur les mêmes faits, le juge d’instruction chargé de l’affaire considère qu’il n’y a pas lieu de vous renvoyer devant le tribunal correctionnel et prononce un non-lieu, ou encore si le procureur de la République estime que le dossier n’est pas suffisamment consistant et procède à un classement sans suite, on conservera vos données personnelles, alors même qu’il n’y a pas eu de procédure devant le tribunal, alors même qu’il n’y a pas eu d’affaire judiciaire à proprement parler ! Je n’y comprends rien ! Le contraire aurait été justifié, mais là, franchement, on marche sur la tête.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Alain Anziani. De grâce, faisons preuve de bon sens, monsieur le secrétaire d'État. Ce dispositif est tout à fait contradictoire, il vaudrait presque mieux en inverser les termes, ou alors garder le principe de l’effacement automatique et prévoir que le procureur de la République, pour diverses raisons, peut s’y opposer s’il le juge nécessaire.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Alain Anziani. Toutefois, ne traitez pas de façon différente la relaxe, le non-lieu, le classement sans suite et l’acquittement, d’autant que, ici, à chaque fois, le régime le plus favorable s’applique à ceux sur lesquels pèsent les charges les plus lourdes.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 15, quatrième à sixième phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
En cas de décision de relaxe, d'acquittement devenue définitive, de non-lieu ou de classement sans suite, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 313 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15, quatrième phrase
Supprimer les mots :
, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention.
II. – Alinéa 15, cinquième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je reprendrai l’argumentation de notre collègue Anziani. Ici, nous avons atteint le summum ! Je dirai même que maintenir cette disposition dans sa rédaction actuelle disqualifie le projet de loi lui-même.
Indiquer dans un tel article que « en cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier » est tout de même particulièrement grave. Je ne comprends pas que l’on s’arc-boute sur le maintien d’un tel texte !
Cette disposition est contraire à tous nos principes : il est véritablement scandaleux que, quand une personne est relaxée ou acquittée devant le tribunal correctionnel, le procureur de la République puisse s’opposer à l’effacement de ses données en raison de la finalité du fichier. C’est l’arbitraire absolu !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jacques Mézard. Ce n’est plus agir dans l’intérêt de la justice, c’est laisser dans les fichiers des traces de poursuites d’une procédure qui a été annihilée par une décision définitive des magistrats ! Je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement puisse, d'une part, proposer un tel texte, et, d'autre part, maintenir ce soir sa position.
M. Roland Courteau. Il va se raviser !
M. le président. L'amendement n° 314 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 15, sixième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Les données concernant des personnes ayant fait l'objet de décisions de non-lieu ou de classement sans suite sont effacées de droit. Tant que la décision de non-lieu n'est pas devenue définitive, le procureur de la République peut en prescrire le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement est du même ordre que le précédent.
M. Bernard Frimat. M. Mézard est déchaîné !
M. Jacques Mézard. Non, je ne vais pas me déchaîner, même si je suis en effet outré par le texte de cet article 10. Nous voulons remplacer la sixième phrase de l’alinéa 15, qui dispose que « Les décisions de non-lieu et, lorsqu'elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles. »
Cette disposition est tout de même extraordinaire, et je m’adresse ici à vous tous, mes chers collègues : il est terrible que l’on puisse inscrire dans ce projet de loi que les décisions de non-lieu et celles de classement sans suite motivées par une insuffisance de charges feront l’objet, par principe, d’une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l’effacement des données personnelles !
M. Roland Courteau. Incroyable !
M. Jacques Mézard. En outre, avec cette disposition, qui est incohérente avec le système créé par la quatrième phrase de l’alinéa, vous allez toujours dans le même sens, monsieur le secrétaire d'État !
Ainsi, des citoyens qui viennent de bénéficier d’une décision de non-lieu ou d’une mesure de classement sans suite – dont l’existence est tout de même la moindre des choses dans un État de droit –, c'est-à-dire dont on considère qu’il n'y a pas lieu de les renvoyer devant un tribunal en raison de l’insuffisance des charges qui pèsent sur eux, feront l’objet d’une mention dans les fichiers, sauf si le procureur de la République en ordonne l’effacement !
Monsieur le secrétaire d'État, cela n’est pas normal, c’est contraire à tous les principes et c’est donner à ce texte une connotation véritablement sécuritaire,…
M. Guy Fischer. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jacques Mézard. … pour ne pas employer un mot plus désagréable. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 207, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 15 à 17
Remplacer les mots :
procureur de la République
par les mots :
juge des libertés et de la détention
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette disposition sur le contrôle des fichiers est cohérente avec celle qu’a défendue M. Mézard.
L’article 10 du projet de loi organise les modalités d’effacement et de rectification des données enregistrées dans les fichiers d’antécédents, en confiant à un magistrat référent ainsi qu’au procureur de la République le soin de veiller sur ces opérations.
Le régime envisagé confie une compétence concurrente à ces deux magistrats. Aussi, ils ont le même rôle, à une différence près, qui est tout de même importante : le procureur de la République ne présente pas les garanties d’indépendance nécessaires à l’égard du pouvoir !
Ce duo est pour le moins curieux.
En effet, confier une même mission à deux magistrats, l’un indépendant tandis que l’autre ne l’est pas, me semble tout de même assez scandaleuse.
De plus, selon quelles modalités sera saisi le procureur de la République ? Par une requête ? Par un simple courrier ? Toutes ces questions ne sont pas tranchées. Aucune réponse. C’est le vide complet.
Nous estimons que le contrôle du traitement des données nominatives doit être confié de manière exclusive à un magistrat du siège. Si la création d’un magistrat référent est une bonne chose, elle n’est pas suffisante.
C’est pourquoi cet amendement vise à confier le contrôle des fichiers au juge des libertés et de la détention. Ce dernier dispose en effet de compétences en matière d’enquêtes de police, notamment en ce qui concerne les autorisations pour certaines mesures telles que les écoutes téléphoniques ou les perquisitions de nuit.
En sa qualité de garant des libertés individuelles, le juge des libertés et de la détention se verrait donc conférer le pouvoir de contrôler le traitement des données à caractère personnel, étant entendu que le magistrat référent créé par l’article 230-9 ne pourra pas assurer à lui seul la mission de suivi de la mise en œuvre et de la mise à jour des traitements automatisés.
C’est la raison pour laquelle, par notre amendement, nous souhaitons confier ce contrôle des fichiers au juge des libertés et de la détention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 206 a deux objets.
Premièrement, il prévoit que les données personnelles sont effacées en cas de décision de non-lieu ou de classement sans suite, sauf décision contraire du procureur de la République. Ainsi, il inverse le principe actuel.
Deuxièmement, il impose la motivation des décisions du procureur de la République lorsque celui-ci prescrit le maintien des données.
Cet amendement remet en cause les dispositions qui figurent déjà dans le droit en vigueur et que la LOPPSI ne fait que codifier. Ces dispositions garantissent un équilibre satisfaisant entre le droit des personnes et les exigences liées à la recherche des auteurs d’infraction.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Il en est de même pour l’amendement n° 123.
L’amendement n° 313 rectifié supprime la possibilité donnée au procureur de la République de prescrire le maintien des données personnelles en cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive pour des raisons liées à la finalité du fichier. Cette possibilité qui figure déjà dans notre droit peut être utile. Il faut distinguer de nouveau le rôle conféré à ces fichiers de celui qui est assigné au casier judiciaire. La commission émet par conséquent un avis défavorable.
Il en est de même pour l’amendement n° 314 rectifié.
L’amendement n° 207 prévoit que le magistrat référent chargé du contrôle des fichiers doit être un magistrat du siège, au motif que cette responsabilité doit revenir à l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle.
Il importe de rappeler aux auteurs de l’amendement, comme l’a d’ailleurs souligné la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que les membres du parquet sont des magistrats qui, comme leurs collègues du siège, représentent l’autorité judiciaire. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les cinq amendements, pour les raisons qui ont été évoquées par M. le rapporteur.
Je me permets simplement de revenir un instant, en complément du propos de M. Mézard vers qui je me tourne, sur l’amendement n° 206.
M. Mézard, qui m’écoute d’ailleurs attentivement et qui connaît l’estime que je lui porte, m’a paru tout de même très excessif, presque un peu donneur de leçons dans son propos. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Pas du tout !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je voudrais simplement clarifier les choses, puisqu’il le souhaite.
L’alinéa 15 de l’article 10 du projet de loi, sur ce point, ne fait que reprendre le droit existant et prévoit, pour les fichiers d’antécédents judiciaires, deux règles d’effacement différentes selon les cas. Je vais les rappeler.
L’effacement est le principe en cas de relaxe ou d’acquittement au moment du jugement, mais le procureur de la République peut demander le maintien des données.
La conservation des données est le principe en cas de non-lieu ou de classement sans suite à l’issue de l’enquête ou de l’instruction, mais le procureur de la République peut demander l’effacement en cas de non-lieu ou lorsque le classement sans suite est motivé par une insuffisance de charges.
L’amendement proposé, sous prétexte de clarifier le régime d’effacement des données, vise en réalité à tout aligner sur le régime d’effacement applicable à la relaxe et à l’acquittement.
Un tel élargissement serait préjudiciable, et même très préjudiciable, à l’élucidation des affaires judiciaires et compromettrait la finalité même des fichiers d’antécédents. En effet, il est nécessaire de ne pas priver pour l’avenir les services enquêteurs de telles informations, contenues dans les fichiers STIC ou Judex et susceptibles de permettre l’identification ultérieure d’auteurs de nouvelles infractions.
Je citerai deux exemples.
Premièrement, pourquoi faudrait-il se priver de la mémoire d’une affaire de violence intrafamiliale, quand bien même celle-ci aurait été classée sans suite au motif du désistement du plaignant, ce qui, comme vous le savez, est, hélas ! souvent le cas ?
Deuxièmement, pourquoi les policiers et le parquet devraient-ils ignorer qu’un individu a été interpellé en possession de produits stupéfiants, quand bien même il n’aurait pas été poursuivi mais aurait fait l’objet d’une injonction thérapeutique ?
Voilà, je crois, une différence d’approche, qui ne met pas en cause des principes auxquels nous sommes tous attachés.
Je remercie M. Mézard de m’avoir écouté aussi attentivement que je l’avais fait moi-même tout à l’heure, dans le profond respect que je lui porte – il le sait –, et je pense que c’est réciproque.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Avec tout le respect et l’estime que je porte à M. le secrétaire d’État, je crois qu’il ne faut pas confondre les choses.
Le texte vise en particulier les classements sans suite pour insuffisance de charges. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous venez de nous présenter un exemple concernant des violences intraconjugales pour lesquelles une plainte aurait été retirée. Ce n’est pas la même chose qui est indiquée dans le texte.
Vous affirmez également que le texte reprend des dispositions déjà existantes en droit, mais il s’agit d’une formulation de principe. Si cela existe déjà dans le droit, c’est-à-dire dans le code de procédure pénale, pourquoi rédiger quatorze nouveaux articles, les articles 230-6 à 230-19 ? Je ne suis pas du tout convaincu de cette existence, en tout cas sous une telle formulation.
Ce sujet est extrêmement important puisqu’il concerne tous nos concitoyens. Je rappelle que l’on dénombre 850 000 gardes à vue par an. Avec un tel système, chaque année, 850 000 personnes…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a des personnes qui sont placées plusieurs fois en garde à vue !
M. Jacques Mézard. Effectivement, monsieur le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a des habitués !
M. Jacques Mézard. Néanmoins, même s’il y en a qui y sont plusieurs fois, avec 850 000 gardes à vue par an, une grande majorité de nos concitoyens va se retrouver dans ces fichiers. Tout le monde, ou au moins une grande majorité, va y passer un jour ou l’autre, compte tenu de l’espérance de vie située entre 75 et 83 ans. Voilà quelle est la réalité !
Maintenir ainsi ces données, malgré des décisions de relaxe, d’acquittement ou des classements sans suite, c’est tout à fait grave.
Je rappelle aussi à l’ensemble de nos collègues que des centaines de milliers de gardes à vue et de dossiers d’enquête ne connaissent strictement aucune suite, pas même un classement sans suite. C’est la réalité !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. De grâce, je veux bien comprendre des arguments sur lesquels certains essaient de s’arc-bouter et qui visent à permettre d’utiliser ces fichiers, certainement à des fins louables, je n’en disconviens pas.
Je suis sûr que vous êtes très attachés, comme nous tous, aux libertés individuelles. Cependant, certains processus peuvent devenir dangereux et tout le monde doit en être conscient.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je reprends les propos de mon collègue très estimé, Jacques Mézard.
Je ne comprends toujours pas, monsieur le secrétaire d’État.
Vos explications n’apportent aucune réponse. Deux cas de figure se posent toujours.
Dans le premier, un juge d’instruction, qui connaît bien son dossier, décide, en raison d’insuffisances de charges, de ne pas renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel. Vous nous dites que la police est peut-être mieux informée que le juge d’instruction et que l’on pourrait alors conserver les données.
Ce mécanisme est dénué de toute logique car, à l’inverse, dans le second cas, si le juge d’instruction renvoie le prévenu devant le tribunal correctionnel et que ce dernier le relaxe, les données sont effacées. Dans ce cas aussi, la police pourrait prétendre détenir des éléments supplémentaires.
Ainsi, les données sont effacées si le tribunal correctionnel prononce la relaxe, alors qu’elles sont conservées si le juge d’instruction considère que les charges sont insuffisantes et qu’il n’est pas nécessaire de renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel. C’est fou !
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Alain Anziani. Ce que vous êtes en train de faire est une folie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Bonne explication !
M. le président. L'amendement n° 122, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de refus ou de silence du procureur de la République à l'issue du délai d'un mois, la personne concernée pourra saisir dans chaque juridiction pénale une commission, composée de trois magistrats et présidée par un magistrat du siège, qui réexaminera sa demande.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement prévoit un recours contre les décisions prises par le procureur de la République en matière d’effacement ou de rectification de données.
Il est vrai qu’il n’existe pas de recours contre les décisions du procureur de la République. Cependant, le système proposé dans l’amendement, à savoir l’institution d’une commission composée de trois magistrats, apparaît lourd et de nature à allonger les délais de traitement des demandes de rectification. Enfin, l’intéressé a toujours la possibilité de contester la décision finale prise par le gestionnaire du fichier.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 124, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après le mot :
magistrat
Insérer les mots :
du siège
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après la deuxième phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :
À l'issue de ce délai, en cas de refus ou de silence du magistrat, la personne concernée peut saisir une commission, composée de trois magistrats de la Cour de cassation et présidée par un magistrat du siège, qui réexamine sa demande.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 315 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 19, troisième phrase
Supprimer les mots :
pour requalification judiciaire
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement a la même finalité que celui sur lequel le Gouvernement a donné un avis favorable et qui a été adopté voilà quelques instants.
Compte tenu des effets négatifs que peut engendrer la présence de son nom sur les fichiers d’antécédents judiciaires, il est du devoir de l’autorité judiciaire de faire en sorte que les données qui y figurent soient parfaitement exactes.
C’est la raison pour laquelle la rectification, quel que soit son fondement, doit toujours être de droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement prévoit que la demande de rectification des informations est de droit dès lors que la personne le demande, alors que le droit en vigueur, confirmé par la LOPPSI sur ce point, prévoit que cette demande n’est de droit qu’en cas de requalification judiciaire.
L’élargissement des rectifications reconnues de droit paraît excessif. Il est nécessaire de laisser au procureur de la République une marge d’appréciation, comme c’est le cas actuellement.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Il ne peut être fait droit à toutes les demandes de rectification, madame Escoffier, sans un examen préalable de leur bien-fondé. Sinon, un certain nombre d’abus risquent d’être commis.
C’est la raison pour laquelle, comme pour les fichiers de police, les demandes de rectification font l’objet d’un examen par le gestionnaire du traitement, souvent en liaison avec la CNIL d’ailleurs, et, s’agissant des fichiers d’antécédents, avec l’autorité judiciaire.
Le cadre proposé dans le projet de loi est satisfaisant. Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. L'amendement n° 208, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il peut également agir en urgence lorsque l'absence de mise à jour des traitements automatisés d'informations nominatives mentionnées aux articles 230-6 et 230-7 est susceptible de faire subir un préjudice immédiat et sérieux au requérant.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Le projet de loi instaure un magistrat référent pour le contrôle de la mise en œuvre et la mise à jour des fichiers d’antécédents judiciaires.
Au cours du débat parlementaire, les pouvoirs de ce magistrat référent ont été un peu précisés. La commission des lois a même indiqué qu’il devrait statuer dans un délai d’un mois, afin de répondre aux requêtes des particuliers.
Un mois nous semble encore trop long dans certains cas. Nous souhaiterions donc que ce magistrat puisse aussi agir en urgence lorsque l’absence de mise à jour des traitements automatisés est susceptible de faire subir un préjudice immédiat et sérieux au requérant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement prévoit que le magistrat référent pourra agir en urgence lorsque l’absence de mise à jour de traitement automatisé est susceptible de faire subir un préjudice important au requérant, comme tel pourrait être le cas à la suite d’enquêtes administratives.
Une telle possibilité existe sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la loi. Le magistrat référent dispose notamment, pour l’exercice de ces fonctions, d’un accès direct aux traitements automatisés.
Je demande au Gouvernement de confirmer cette interprétation. Si tel est le cas, la commission demandera le retrait de cet amendement, qui n’aurait alors plus d’objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Actuellement, le contrôle des informations nominatives contenues dans les traitements d’antécédents judiciaires est opéré par le procureur de la République. De ce point de vue, l’alinéa 18 de l’article 10 instaure une garantie supplémentaire, puisqu’un magistrat sera désormais spécialement désigné pour contrôler ces fichiers. Je précise que ce contrôle s’ajoute, sans s’y substituer, à celui qu’exerce déjà le procureur de la République territorialement compétent. Voilà le dispositif dans lequel nous nous situons.
Dans les deux cas, le magistrat saisi par un particulier disposera d’un délai d’un mois pour se prononcer. Ce laps de temps déjà très réduit et inférieur au délai administratif de droit commun qui est de deux mois est conçu pour les situations d’urgence. Le réduire davantage me paraît donc irréaliste. Monsieur le sénateur, sur cette question, c’est notre seul point de désaccord, même si je note la bonne intention qui préside à votre démarche.
La procédure de mise à jour des données repose sur l’examen du dossier papier de chaque affaire, ce qui prend nécessairement du temps. Dans ce contexte, aller plus loin ne semble pas opportun. Peut-être faudra-t-il l’envisager à l’avenir, mais, aujourd’hui, c’est impossible. Ne prévoyons pas des délais qui ne sont pas tenables, ce que le justiciable serait alors en droit de nous reprocher.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 316 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Mézard, Mme Escoffier, MM. Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il peut également déléguer à un greffier du tribunal de la juridiction d'accéder directement à ces traitements.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement est retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 316 rectifié est retiré.
L'amendement n° 209, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 25, dernière phrase
Remplacer les mots :
le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès
par les mots et deux alinéas ainsi rédigés :
les conditions dans lesquelles :
- les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article 203-7 peuvent exercer leur droit d'accès de manière indirecte, conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article 203-7 peuvent exercer leur droit d'accès directement auprès du responsable du traitement, conformément aux dispositions de l'article 39 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, sous réserve de ne pas figurer également dans ledit traitement au titre du premier alinéa du même article.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Il s’agit de permettre aux victimes d’exercer leur droit d’accès et de rectification directement, sauf, cela va de soi, lorsqu’elles sont elles-mêmes mises en cause. Aujourd’hui, elles disposent d’un accès indirect par l’intermédiaire de la CNIL. Toutefois, il faut éviter de surcharger davantage encore cette instance. C'est la raison pour laquelle cet amendement prévoit une procédure simplifiée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir un accès direct des victimes aux données les concernant dans un fichier d’antécédents judiciaires, ce qui ne paraît pas conforme aux dispositions particulières prévues par l’article 41 de la loi du 6 janvier 1978 sur les fichiers intéressant la sécurité publique. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Il s’agit, là encore, d’un amendement qui part d’une bonne intention. Toutefois, une telle distinction compléterait inutilement le dispositif. En effet, une même personne peut être inscrite dans le STIC en qualité de victime et de mise en cause, par exemple – et c’est assez fréquent – en cas de violences réciproques.
En outre, une même personne demande souvent l’accès à plusieurs fichiers de police en même temps. Dans ce cas, il est précieux qu’elle dispose d’un interlocuteur unique, en l’occurrence la CNIL, qui se chargera d’obtenir les informations nécessaires auprès des gestionnaires des différents fichiers.
Enfin, l’accès indirect est en réalité une garantie pour la personne. Cela permet une instruction partenariale de la demande d’accès et de rectification, toute la procédure étant instruite de manière conjointe par le gestionnaire du fichier et la CNIL.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 126 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 210 est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 30
Après le mot :
concernant
Rédiger ainsi la fin de la phrase :
tout crime ou délit portant atteinte aux personnes puni de plus de cinq ans d'emprisonnement ou portant atteinte aux biens et puni de plus de sept ans d'emprisonnement ;
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 126.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à limiter le champ des infractions couvert par les fichiers.
Le projet de loi entend permettre que figurent dans les fichiers d’analyse sérielle des données concernant toute infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement, ce qui étend de manière éhontée le champ potentiel du recours à ces fichiers. Nous ne pouvons donc l’accepter.
Nous nous y opposons d’autant plus que, pour peu que l’on replace cette disposition dans son contexte, on constate que ce champ d’application est encore plus vaste que ce que son seul énoncé pourrait laisser croire.
Nous savons que le Gouvernement veut durcir toutes les sanctions pénales au point que l’on se demande quelle infraction ne sera plus passible de cinq ans d’emprisonnement à la fin de l’année 2010. Avec le jeu des circonstances aggravantes de plus en plus nombreuses, il n’y aura plus aucun délit qui ne sera pas concerné !
En d’autres termes, les fichiers d’analyse sérielle contiendront des informations sur tous les délinquants, quelle que soit la gravité réelle des infractions commises.
Saisie de la question, la CNIL a marqué son désaccord face à cette disposition qui contrevient aux droits fondamentaux. Cette haute autorité a en effet rappelé que le recours aux fichiers d’analyse sérielle devait être limité aux infractions les plus graves. Le Gouvernement a fait fi de cette réserve.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, de redonner au recours aux fichiers d’analyse sérielle un champ d’application plus modeste.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 210.
M. Alain Anziani. Je fais miennes les excellentes explications de ma collègue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à revenir au droit en vigueur s’agissant du champ des infractions visées par les fichiers d’analyse sérielle, à savoir les crimes ou délits portant atteinte aux personnes passibles de plus de cinq ans d’emprisonnement ou portant atteinte aux biens et passibles de plus de sept ans d’emprisonnement.
Le nouvel article 230-13 du code de procédure pénale proposé dans le projet de loi prévoit de déterminer un seuil de peine unique dont le quantum serait fixé à cinq ans d’emprisonnement au moins. Il s’agit en effet d’étendre l’utilisation des fichiers de police judiciaire à la lutte contre des formes de délinquance sérielle plus fréquentes. Le seuil de sept ans pour les infractions aux biens ne permettait pas de viser en particulier les vols commis avec circonstance aggravante, passibles de cinq ans d’emprisonnement, qui constituent l’essentiel de la délinquance sérielle. L’abaissement du quantum requis pour les infractions aux biens répond ainsi à un objectif d’efficacité.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques nos 126 et 210.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Comme M. le rapporteur vient de le souligner, cette harmonisation permettra par exemple de prendre en compte les vols commis en réunion, ceux qui s’accompagnent d’actes de destruction ou de détérioration ou encore ceux qui sont perpétrés à l’encontre de personnes particulièrement vulnérables.
La disparité entre cinq ans et sept ans d’emprisonnement n’était plus très cohérente. Quelle que soit la nature de l’infraction – atteinte aux personnes ou aux biens –, le seuil de peine est un critère de gravité suffisant. Il n’y a donc pas lieu d’en retenir deux différents.
Le projet de loi va dans le sens de cette harmonisation. Faut-il le rappeler, cinq ans d’emprisonnement, c’est tout de même un seuil élevé ! Ne resteront concernés par les traitements d’analyse sérielle que les crimes et les délits les plus graves.
C’est pourquoi le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 126 et 210.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Remplacer les mots :
, sans limitation d'âge
par les mots :
âgées de plus de 13 ans
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement, qui s’inscrit dans la même logique, vise à contenir l’élargissement sans fin du périmètre des fichiers de police, notamment son extension au détriment des mineurs, voire des enfants.
Les fichiers d’analyse sérielle dont le domaine d’application avait déjà connu une préoccupante extension avec la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui avait énormément élargi le spectre des données susceptibles d’être recueillies, vont, avec ce texte, pouvoir toucher tous les citoyens français, sans aucune exception. Tout le monde sera fiché, pratiquement de la naissance jusqu’au tombeau.
L’alinéa 33 de l’article 10 précise que les fichiers d’analyse sérielle « peuvent contenir des données sur les personnes, sans limitation d’âge ».
Si vous me le permettez, monsieur le secrétaire d'État, j’oserai dire que vous êtes vraiment incorrigible, voire récidiviste... Vous savez bien que les précédentes tentatives du Gouvernement de ficher les mineurs ont soulevé un tollé dans l’opinion publique, toutes tendances politiques confondues. Vous savez également que des autorités administratives indépendantes ont condamné ces projets et que ceux-ci se heurtent à des principes juridiques et moraux dans notre démocratie. Changer le nom des fichiers ne suffit pas à faire accepter des mesures qui choquent nos concitoyens.
Cet amendement vise à rétablir le minimum dans une démocratie. Nous pensons qu’il faut fixer un âge en dessous duquel on ne peut pas collecter et traiter des informations.
Nous connaissons bien entendu vos théories sur l’enfance déviante qu’il faut traiter et soigner dès les tout premiers mois de la vie ; je ne reviens pas sur le fameux rapport Benisti. Nous avons bien compris que, pour vous, le « jeune » lui aussi – parfois, surtout lui ! – est dangereux. Il n’aurait aucune faculté de s’amender, il ne peut pas changer, il doit donc être lui aussi fiché, perdant tout droit à l’oubli.
Or nous pensons qu’en aucun cas un mineur de moins de treize ans ne doit être l’objet de tels conservations et traitements d’informations. Je tiens à rappeler que la CNIL a révélé qu’avec ce projet de loi « les fichiers d’analyse sérielle prendront une ampleur nouvelle, qui en change la nature, car ils ne seront plus limités aux infractions les plus graves, porteront sur un nombre très important d’infractions et de personnes ». Elle s’est ainsi déclarée « extrêmement réservée sur la mise en œuvre d’une telle extension ».
Vous élargissez non seulement ce qui concerne les infractions – et de quelle manière ! –, mais aussi ce qui a trait aux personnes. Il faut mettre des garde-fous à votre boulimie sécuritaire et répressive. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous demandons de voter en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La Haute Assemblée a rejeté l’amendement n° 119, dont l’objet est identique à celui-ci. Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 127.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je tiens à faire remarquer que le Gouvernement ne se reconnaît pas du tout dans la caricature que vous venez de proposer sur sa façon d’appréhender l’enfance et les jeunes.
Je souhaite apporter un argument supplémentaire à la réponse que j’ai faite tout à l’heure à M. Mézard sur les fichiers et les jeunes. Il ne faut pas oublier que le mineur peut aussi être mentionné en qualité de victime. À mon sens, tout le monde devrait être convaincu de l’intérêt pour les services de police de garder la trace de séries de faits – vols, rackets, agressions, sans parler d’actes plus graves, qui peuvent d’ailleurs se passer dans les familles –, dont les enfants ou adolescents sont victimes afin d’en identifier, par des recoupements, les auteurs et de traduire ces derniers en justice.
Ce faisant, je ne suis absolument pas dans une démarche idéologique ou de stigmatisation. Au contraire, il s’agit, par des moyens pratiques, de protéger de manière très concrète la jeunesse et l’enfance.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame Assassi, le groupe UMP ne se reconnaît pas non plus dans les propos que vous avez tenus concernant l’enfance.
Un certain nombre de scientifiques et de pédopsychiatres – et non des moindres : Winnicott, Lebovici, Stern – ont souligné combien il était important de pouvoir entourer l’enfant et de lui assurer un certain nombre de mesures de protection. Pour m’être longuement penchée sur leurs travaux et avoir mis en pratique à Paris des politiques permettant de soutenir la parentalité, je peux témoigner qu’il ne s’agit nullement d’une politique idéologique : cela participe au contraire du devoir de protection que nous avons à l’égard de l’enfance.
Sur cette matière, il n’y a pas deux camps. Nous devons tous protéger l’enfance et porter sur elle un regard positif. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’ajouterai simplement quelques mots. Je veux bien tout écouter, mais certains propos me semblent franchement difficiles à entendre. Madame Hermange, monsieur le secrétaire d’État, si vous estimez que protéger les enfants c’est les ficher, alors nous n’avons vraiment pas les mêmes valeurs et, je vous l’assure, j’en suis très fière.
M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 128, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces dernières peuvent toutefois s'opposer à ce que les données les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné ;
Madame Assassi, acceptez-vous de défendre en même temps l’amendement no 129 ?
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 129, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 37
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces dernières peuvent toutefois s'opposer à ce que les données les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné ;
Vous avez la parole pour défendre ces deux amendements, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. La disposition que nous proposons a pour objet de renforcer les droits des témoins et des victimes dont des données à caractère personnel auraient été recueillies et pourraient faire l’objet d’un traitement par les fichiers d’analyse sérielle.
Aux termes du texte qui nous est soumis, les données utilisées par les fichiers d’analyse sérielle seront toutes confondues. Avec un tel projet de fichage généralisé, les auteurs d’infraction, les témoins et les victimes seront quasiment mis sur un pied d’égalité. On peut donc se demander si la population ne se divise pas en deux camps : d’un côté, les anciens délinquants et, de l’autre, les futurs délinquants.
Une telle conception est inadmissible.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement ajoute au malheur d’être victime celui d’être fiché sans limitation de durée. En outre, parce qu’elle prévoit le fichage des témoins, votre disposition risque même de dissuader les citoyens de se déclarer témoin d’une infraction par peur d’être fiché. Vous rendez-vous bien compte de ce que vous êtes en train de construire ?
Je le répète : nous sommes résolument opposés à ce que des données relatives aux victimes et aux témoins soient conservées et utilisées dans des fichiers d’analyse sérielle. Pour notre part, nous estimons qu’il est nécessaire de donner aux citoyens dont les données ont été recueillies alors même qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune condamnation la possibilité d’obtenir l’effacement de ces données dès que l’auteur des faits à l’occasion desquels lesdites données ont été recueillies a été condamné.
La proposition que j’avance va d’ailleurs dans le sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Le Royaume-Uni a en effet été condamné pour avoir maintenu dans ses fichiers des informations relatives à des prévenus mis hors de cause. Dès lors, on peut imaginer que la juridiction européenne octroierait aux témoins et aux victimes le droit de demander la suppression des informations qui les concernent.
Je souhaite pour ma part éviter que la France ne soit condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme. C’est pourquoi je vous invite à voter en faveur de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 128 et 129 ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement no 128 prévoit que les témoins dont les données figurent dans un fichier d’analyse sérielle peuvent obtenir l’effacement de celles-ci lorsque l’auteur des faits a été définitivement condamné.
La législation en vigueur leur donne un tel droit mais permet au procureur de la République de prescrire le maintien de ces informations pour des raisons liées aux finalités du fichier. Il semble que l’équilibre auquel on est ainsi parvenu doive être conservé.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Elle est également défavorable à l’amendement no 129 qui prévoit le même dispositif pour les victimes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Madame Assassi, en l’occurrence, je ne sais pas qui est dans l’idéologie. Je vous donnerai simplement un exemple.
L’examen de la sérialité des faits nécessite que les données enregistrées puissent demeurer dans le traitement pour être réutilisées ultérieurement. Ainsi, il arrive qu’une personne entendue comme témoin dans différentes affaires criminelles à plusieurs mois ou années d’intervalle s’avère finalement être l’auteur des faits – mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous à l’esprit des situations de ce type, dont certaines ont défrayé la chronique. Les faits auxquels je fais référence ont réellement eu lieu, il ne s’agit pas d’une vue de l’esprit.
Même lorsqu’un auteur a été définitivement condamné, ou par exemple en cas de pluralité d’auteurs, il faut donc pouvoir conserver les données pour permettre des rapprochements avec d’autres affaires – c’est ce qui s’est produit pour les exemples que j’ai à l’esprit.
Madame Assassi, vous avez évoqué l’argument de la peur de témoigner. Les cas particuliers pour lesquels cette question se pose aujourd’hui peuvent être surmontés par le témoignage sous X. Si une telle question se pose, il existe des réponses. L’argument que je viens de vous donner – il n’est pas le seul – montre bien que nous sommes là non pas dans l’idéologie, mais dans une véritable prise en compte de situations concrètes qui peuvent être rencontrées.
En effet, pour des victimes ou pour des personnes injustement condamnées, la possibilité de conserver des données, y compris des données recueillies auprès de témoins, peut être utile.
Encore une fois, ce cas n’est qu’un exemple parmi d’autres. Garder la possibilité de conserver les informations collectées ne me paraît pas constituer une atteinte à la liberté.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Demande de réserve
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En vertu de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 10, c'est-à-dire les amendements nos 26 rectifié bis, 27 rectifié ter, 25 rectifié bis, 18 rectifié bis, 17 rectifié bis, 19 rectifié bis, 20 rectifié bis, 23 rectifié bis, 24 rectifié bis, 21 rectifié bis et 22 rectifié bis jusqu’à la fin du chapitre V bis, après les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 24 vicies du projet de loi.
M. le président. Conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement, je suis saisi, par le Gouvernement, d’une demande de réserve des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 10 jusqu’à la fin du chapitre V bis, après les amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 24 vicies.
Quel est l’avis de la commission sur la demande de réserve ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Aucune objection, monsieur le président.
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...
La réserve est ordonnée.
Article 11
(Non modifié)
Aux deuxième et dernier alinéas de l’article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, les références : « à l’article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure » et « à l’article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 précitée » sont remplacées par la référence : « à l’article 230-6 du code de procédure pénale ».
M. le président. L'amendement n° 130, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 211, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le même article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute consultation d'un traitement automatisé de données personnelles mentionné à l'article 230-6 du code de procédure pénale précité donne lieu à une demande d'actualisation des données adressée par le responsable du traitement au procureur de la République en vue de l'exercice par ce dernier des pouvoirs de contrôle qui lui sont confiés par l'article 230-8 du même code. »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Il s’agit à nouveau d’un amendement de bon sens.
Si au cours d’une enquête administrative l’agent responsable s’aperçoit qu’une erreur figure dans le fichier des antécédents judiciaires, que doit-il faire ? Que peut-il faire ?
Dans la mesure où l’erreur constatée est évidente, nous proposons que l’agent puisse saisir le procureur de la République afin de la réparer – c’est du bon sens ! Je souhaite bien entendu que notre assemblée adopte cet amendement.
On nous opposera bien évidemment l’argument du pragmatisme et des limites matérielles d’application de cette mesure, sous le prétexte que celle-ci aboutirait à une surcharge de travail compte tenu du nombre de consultations des fichiers, je n’ose pas dire compte tenu du nombre d’erreurs.
Il s’agit cependant d’une question de principe : comment admettre, alors qu’un agent constate une erreur, que celle-ci passe par pertes et profits et qu’elle ne soit donc pas corrigée ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement prévoit que toute consultation d’un traitement donne lieu à une demande d’actualisation des données adressée au procureur de la République.
Louable dans son principe, cette disposition risque d’être inapplicable en raison de la charge de travail qu’elle impliquerait pour le parquet. Aussi, même s’il faut réfléchir sur des modes réguliers d’actualisation des données – l’institution d’un magistrat référent constitue un progrès significatif dans ce sens –, il n’est sans doute pas réaliste de s’engager dans la voie préconisée par les auteurs de l’amendement.
Aussi, la commission émet un avis très réservé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je ne reviendrai pas sur les nouvelles garanties et les apports de l’article 11.
Monsieur Anziani, votre amendement est inutile, pour les raisons qui viennent d’être évoquées par M. le rapporteur. En outre, il n’aurait en réalité pour effet que d’allonger les délais des enquêtes administratives, ce qui serait préjudiciable pour les personnes.
Prenons par exemple le cas des salariés du secteur de la sécurité privée, lequel représente, comme vous le savez, un grand nombre d’entreprises et d’emplois. Souvent, l’embauche d’un salarié dépend d’un agrément qui ne peut être accordé qu’après l’enquête. Il faut donc chercher à réduire autant que possible les délais d’enquête, plutôt que de les allonger au travers de nouvelles obligations telles que celle que vous proposez.
Comme vient de le préciser M. le rapporteur, l’enquête telle que prévue par le présent projet de loi apporte toutes les garanties nécessaires.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. J’avoue être tout de même étonnée : chaque fois qu’il s’agit de réintroduire des données dans les fichiers, même si l’efficacité de celles-ci n’est pas avérée, on ne nous oppose jamais la charge de travail ; en revanche, quand il s’agit de rectifier des données, on nous l’oppose. J’ai un peu de mal à comprendre.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 11 bis
(Non modifié)
I. – Les articles 21 et 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure sont abrogés.
II. – Au premier alinéa de l’article L. 2337-2 du code de la défense, la référence : « article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure » est remplacée par la référence : « article 230-6 du code de procédure pénale ».
III. – Au 1° de l’article 29-1 du code de procédure pénale, la référence : « article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure » est remplacée par la référence : « article 230-6 ». – (Adopté.)
Article 11 ter
Le titre IV du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Des logiciels de rapprochement judiciaire
« Art. 230-21. – (Non modifié) Afin de faciliter le rassemblement des preuves des infractions et l’identification de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés d’une mission de police judiciaire peuvent mettre en œuvre, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, des logiciels destinés à faciliter l’exploitation et le rapprochement d’informations sur les modes opératoires réunies par ces services au cours :
« 1° Des enquêtes préliminaires, des enquêtes de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire ;
« 2° Des procédures de recherche des causes de la mort ou d’une disparition prévues par les articles 74 et 74-1.
« Art. 230-22. – (Non modifié) Les données exploitées par les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent provenir que des pièces et documents de procédure judiciaire déjà détenus par les services mentionnés à l’article 230-21.
« Lorsque sont exploitées des données pouvant faire indirectement apparaître l’identité des personnes, celle-ci ne peut apparaître qu’une fois les opérations de rapprochement effectuées, et uniquement pour celles de ces données qui sont effectivement entrées en concordance entre elles ou avec d’autres informations exploitées par le logiciel.
« Art. 230-23. – (Non modifié) Les données à caractère personnel éventuellement révélées par l’exploitation des enquêtes et investigations mentionnées au 1° de l’article 230-21 sont effacées à la clôture de l’enquête et, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans après le dernier acte d’enregistrement.
« Les données à caractère personnel éventuellement révélées par l’exploitation des enquêtes mentionnées au 2° du même article sont effacées dès que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou d’écarter toute suspicion de crime ou délit.
« Art. 230-24. – Sans préjudice des pouvoirs de contrôle attribués à la Commission nationale de l’informatique et des libertés par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République compétent qui peut demander qu’elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit lorsque la personne concernée la demande.
« Le procureur de la République dispose, pour l’exercice de ses fonctions, d’un accès direct à ces logiciels.
« Art. 230-25. – (Non modifié) Un magistrat, chargé de contrôler la mise en œuvre des logiciels faisant l’objet du présent chapitre et de s’assurer de la mise à jour des données, désigné à cet effet par le ministre de la justice, concourt à l’application de l’article 230-24.
« Ce magistrat peut agir d’office ou sur requête des particuliers.
« Il dispose, pour l’exercice de ses fonctions, d’un accès direct à ces logiciels.
« Art. 230-26. – (Non modifié) Peuvent seuls utiliser les logiciels faisant l’objet du présent chapitre :
« 1° Les agents des services de police judiciaire mentionnés à l’article 230-21, individuellement désignés et spécialement habilités, pour les seuls besoins des enquêtes dont ils sont saisis ;
« 2° Les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs, pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis ;
« 3° Le procureur de la République compétent, aux fins du contrôle qu’il exerce en vertu de l’article 230-24 ;
« 4° Le magistrat mentionné au premier alinéa.
« L’habilitation mentionnée au 1° du présent article précise la nature des données auxquelles elle donne accès.
« Art. 230-27. – (Non modifié) Les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent en aucun cas être utilisés pour les besoins d’enquêtes administratives, ni à une autre fin que celle définie à l’article 230-21.
« Art. 230-28. – (Non modifié) Les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent être autorisés que par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise notamment les infractions concernées, les modalités d’alimentation du logiciel, les conditions d’habilitation des personnes mentionnées au 1° de l’article 230-26 et les modalités selon lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d’accès de manière indirecte. »
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Puisque je vais commenter l’amendement n° 131, qui est, comme vous pouvez le constater, un amendement de suppression, je serai un peu plus brève lors de la présentation des autres amendements portant sur l’article 11 ter.
Cet article, qui traite des logiciels de rapprochement judiciaire, autorise les services de police à ficher les données personnelles de toute personne visée par une enquête, ce qui, vous l’avouerez, peut faire beaucoup de monde.
J’ai bien compris que, au travers de ce texte, vous tentiez d’amoindrir la portée d’un principe proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le code de procédure pénale ainsi que le code civil, celui de la présomption d’innocence, en vertu duquel un individu est présumé innocent jusqu'à ce qu’il soit déclaré coupable.
Nous constatons en effet que l’article 11 ter autorise le fichage des personnes présumées innocentes. Si l’on peut admettre que les logiciels de rapprochement judiciaire peuvent enregistrer les modes opératoires et différentes données sur les crimes et délits dont les auteurs ont été définitivement condamnés, il me semble néanmoins quelque peu exorbitant que toute personne visée par une enquête voie ses données personnelles enregistrées.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de fixer un seuil des peines justifiant la collecte des données, afin d’éviter le fichage systématique, et de rendre obligatoire l’information des personnes concernées, à peine de nullité de la procédure.
Les logiciels visés par cet article sont autorisés par le Conseil d’État après un simple avis de la CNIL, lequel n’a qu’une valeur consultative, ce qui me semble constituer un garde-fou bien dérisoire à l’heure où les fichiers se multiplient – j’ai déjà mentionné ce fait – et où leur volume croît considérablement.
De surcroît, ces fichiers sont contrôlés par le procureur de la République qui, je l’ai également souligné il y a quelques instants, n’est pas une autorité judiciaire puisqu’il est placé sous la tutelle directe de l’exécutif.
Avec le présent amendement, nous entendons manifester notre désapprobation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’article 11 ter institue une base juridique pour des logiciels de rapprochement judiciaire portant sur les modes opératoires des infractions. À l’occasion d’un déplacement à la préfecture de Paris afin de nous informer sur les systèmes CORAIL et LUPIN développés en particulier dans la lutte contre le cambriolage, plusieurs de nos collègues et moi-même avons pu vérifier l’intérêt de ce type de dispositifs.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Outre l’argument qui vient d’être développé par M. le rapporteur et que le Gouvernement partage, je voudrais tout de même indiquer au Sénat qu’il s’agit non pas de créer des fichiers de personnes, mais seulement de fournir à l’enquêteur un outil lui permettant de faire face au volume et à la complexité des informations dont il dispose déjà dans le cadre de ses enquêtes.
Je ne rappelle pas, sinon pour mémoire, les précautions particulières qui ont été prises pour préserver l’anonymat des personnes : lorsque sont exploitées des données pouvant faire indirectement apparaître leur identité, celle-ci ne peut apparaître qu’une fois les opérations de rapprochement effectuées et uniquement pour celles de ces données qui sont effectivement entrées en concordance. Autrement dit, les éléments d’identification, comme les numéros de téléphone ou de compte bancaire, seront confrontés sous leur forme non nominative et ne seront reliés à une identité qu’en cas de concordances positives et objectives, qui démontreront alors la nécessité de connaître l’identité de la personne pour la manifestation de la vérité.
Si l’on veut que tout le monde, sauf les services d’enquête, ait le droit d’utiliser l’informatique pour traiter les informations dont il dispose, il faut bien sûr adopter cet amendement. À ce moment-là, il ne restera plus aux policiers et aux gendarmes que le crayon et la gomme !
M. le président. L’amendement n° 368 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Baylet, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
mettre en œuvre,
insérer les mots :
après accord préalable et
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’article 11 ter, dans ses alinéas 4 et 5, permet aux services de police nationale et de gendarmerie de mettre en œuvre « des logiciels destinés à faciliter l’exploitation et le rapprochement d’informations sur les modes opératoires réunies par ces services au cours [des] enquêtes préliminaires, des enquêtes de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire ». C’est en fait l’ensemble de leurs activités qui est visé.
Puisqu’il est indiqué que la mise en œuvre de tels logiciels s’effectue « sous le contrôle de l’autorité judiciaire », nous souhaitons simplement la subordonner à l’accord préalable de cette même autorité judiciaire. C’est une précision que ne me paraît absolument pas redondante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur Mézard, l’article 11 ter prévoit que les logiciels de rapprochement judiciaire sont mis en œuvre par les services de police ou de gendarmerie sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
Votre amendement vise à requérir également l’autorisation préalable du juge. Il faut préciser que, aux termes du projet de loi, le traitement des données à caractère personnel est soumis au contrôle du procureur de la République et d’un magistrat référent plus particulièrement chargé de veiller à la mise en œuvre de ces logiciels. Naturellement, ces logiciels entrent aussi dans le champ de compétence de la CNIL.
Le dispositif proposé permet donc de garantir un contrôle satisfaisant. Aussi, mon cher collègue, la commission des lois vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, le Gouvernement ne peut accepter cet amendement, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, votre proposition reflète une confusion des rôles et des responsabilités. En l’occurrence, il nous faut être clairs, même si s’exprime un désaccord. Si l’enquête judiciaire est évidemment menée sous la direction de l’autorité judiciaire, l’exécution des investigations et le choix des moyens ne relèvent que des services de police et de gendarmerie.
En second lieu, le projet de loi soumet de toute façon les logiciels de rapprochement judiciaire aux mêmes contrôles que les fichiers d’antécédents judiciaires, institués à l’article 10, à savoir le contrôle du procureur de la République et celui du magistrat. À ce double contrôle de l’autorité judiciaire s’ajoute évidemment, cela a été dit, celui de la CNIL.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne suis pas du tout convaincu par l’argumentation que je viens d’entendre. Au contraire, elle confirme mes craintes : les services de police et de gendarmerie pourront mettre en œuvre ces logiciels sans aucun accord préalable de qui que ce soit.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela paraît logique : il s’agit de moyens tactiques au service de l’enquête. Je ne comprends pas votre position !
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Je m’associe d’autant plus aux réticences et aux craintes de mon collègue Jacques Mézard que, dans la pratique, de tels logiciels sont aujourd’hui mis en œuvre sans même l’accord du Parlement. C’était à titre expérimental. Nous sommes là aujourd’hui pour entériner une situation de fait. L’autorité judiciaire sera là également pour entériner des situations de fait : je n’appelle pas cela du contrôle.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 132 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 212 est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et concernant tout crime ou délit portant atteinte aux personnes puni de plus d’un an d’emprisonnement ou portant atteinte aux biens et puni de plus de deux ans d’emprisonnement
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 132.
Mme Éliane Assassi. Je l’ai dit tout à l’heure, il nous semble nécessaire de fixer des seuils de peine justifiant la collecte de données pour éviter le fichage systématique.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 212.
M. Alain Anziani. Nous visons le même objectif que nos collègues du groupe CRC-SPG.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à fixer des seuils de peine pour les infractions visées par les logiciels de rapprochement judiciaire.
Avec l'article 11 ter, il s’agit simplement de rapprocher des modes opératoires à partir de pièces et de procédures judiciaires déjà détenues par les services de police. En outre, le système est assorti de plusieurs garanties et il est notamment placé sous le contrôle du magistrat référent chargé de s’assurer de la mise à jour des données.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 132 et 212.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 133, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 230-21-1. - Les personnes dont les données à caractère personnel sont recueillies dans les traitements mentionnés à l’article 230-21 doivent en être informées par l’autorité responsable du traitement à peine de nullité de la procédure. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous considérons comme la moindre des choses que les personnes dont les données à caractère personnel sont traitées en soient obligatoirement informées, pour que leur droit d’effacement ou de rectification soit effectif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission a émis tout à l’heure un avis défavorable sur l’amendement n° 205, qui a été rejeté par le Sénat. Pour les mêmes raisons, elle est défavorable à l’amendement n° 133.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 213, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
enquête
supprimer la fin de cet article.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’alinéa 9 de l’article 11 ter prévoit que les données issues des enquêtes préliminaires, des enquêtes de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire seraient effacées à la clôture de l’enquête et, « en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans après le dernier acte d’enregistrement ».
À nos yeux, le dernier acte d’enregistrement n’a pas un grand sens. Nous préférerions donc que cette référence soit supprimée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement vise à prévoir l’effacement des données à la clôture de l’enquête et supprime la mention selon laquelle celui-ci intervient, « en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans après le dernier acte d’enregistrement ».
Il semble pourtant utile de maintenir ce délai maximal, qui constitue un point d’équilibre satisfaisant entre la protection des personnes et l’efficacité des logiciels de rapprochement judiciaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. M. le rapporteur a raison, ce délai de trois ans est justement une garantie à ne pas supprimer. C’est ce qui oblige le service enquêteur à effacer les données au bout d’un certain temps, même lorsque l’enquête n’est pas achevée. Ainsi, lorsque aucun acte d’enregistrement n’aura eu lieu pendant les trois ans, l’effacement sera obligatoire.
De manière générale, le dispositif prévu à l’alinéa 9 est conçu pour que le logiciel, qui est non pas un fichier de personnes, mais un outil de traitement de l’information, ne soit actif que pour la durée de l’enquête. Les données sont ensuite archivées dans la procédure, afin que, de façon transparente, le travail de rapprochement opéré puisse être contradictoirement discuté par les parties.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 134, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
Remplacer les mots :
du procureur de la République compétent
par les mots :
de l’autorité judiciaire
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement, nous souhaitons redire que le contrôle du traitement des données collectées pour l’utilisation des logiciels de rapprochement judiciaire doit être confié à l’autorité judiciaire, gardienne des libertés, et non au parquet, qui n’est pas une autorité judiciaire du fait de sa dépendance à l’égard de l’exécutif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission, suivie par la Haute Assemblée, a rejeté l’amendement n° 207. Pour les mêmes raisons, elle s’oppose à l’amendement n° 134.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. S’il est bien sûr normal d’avoir des débats, des discussions, des opinions diverses sur le rôle et le statut du parquet, je tiens à vous indiquer, madame, pour que ce soit clairement dit, que le Conseil constitutionnel vient de rappeler, dans sa décision du 30 juillet 2010, que « l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet ».
Quand on se réfère régulièrement au Conseil constitutionnel, ce qui est tout à fait légitime, qu’on le fasse de manière complète ! (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.)
M. le président. L’amendement n° 214, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Nous proposons que l’avis de la CNIL visé à l’alinéa 23 soit un avis conforme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir un avis conforme de la CNIL pour l’adoption du décret en Conseil d’État. Une telle exigence n’est pas requise pour les fichiers d’antécédents judiciaires. Il n’y a pas lieu de la prévoir ici.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 9 septembre 2010 :
À neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 518, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois (n° 517, 2009 2010).
Texte de la commission (n° 518, 2009-2010).
Avis de M. Jean Faure, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 480, 2009-2010).
Avis de M. Aymeri de Montesquiou, fait au nom de la commission des finances (n° 575, 2009 2010).
À quinze heures et le soir :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-huit.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART