Sommaire

Présidence de Mme Catherine Tasca

Secrétaires :

MM. Jean-Noël Guérini, Marc Massion.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Mise au point au sujet d’un vote

M. Yannick Bodin, Mme la présidente.

4. Lutte contre l’absentéisme scolaire. – Adoption définitive d’une proposition de loi (Texte de la commission)

Discussion générale : MM. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ; Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission de la culture.

Mmes Marie-Agnès Labarre, Françoise Férat, Françoise Cartron, Françoise Laborde, M. Louis Nègre, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Maryvonne Blondin, MM. Jacques Mézard, Jean-Louis Lorrain, Serge Lagauche, Dominique de Legge, Claude Domeizel, Christian Demuynck, Mme Marie-Christine Blandin, M. Serge Dassault.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Exception d'irrecevabilité

Motion no 2 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; le ministre. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 1 rectifié de Mme Françoise Cartron. – MM. Yannick Bodin, le président de la commission, le ministre. – Rejet.

Article additionnel avant l'article 1er

Amendement n° 3 rectifié de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Article 1er

Mme Bernadette Bourzai.

Amendement n° 10 rectifié de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendements nos 4 et 15 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre, Yannick Bodin. – Rejet de l’amendement no 4, l’amendement no 15 étant devenu sans objet.

M. Claude Bérit-Débat.

Adoption de l'article.

Article 1er bis. – Adoption.

Article additionnel avant l'article 2

Amendement n° 5 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Article 2

Amendements identiques nos 6 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et 11 rectifié de Mme Françoise Cartron. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Claudine Lepage, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements identiques.

Adoption de l’article.

Article additionnel avant l’article 3

Amendement n° 7 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Article 3

Amendements identiques nos 8 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et 12 rectifié de Mme Françoise Cartron. – MM. Ivan Renar, Serge Lagauche, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements identiques.

Adoption de l’article.

Article 4

Amendements identiques nos 9 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et 13 rectifié de Mme Françoise Cartron. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. Claude Bérit-Débat, le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Christine Blandin, M. Yannick Bodin. – Rejet des deux amendements identiques.

Adoption de l’article.

Articles 4 bis et 5. – Adoption.

Article additionnel après l'article 5

Amendement n° 14 rectifié de Mme Françoise Cartron. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre, Yannick Bodin. – Rejet.

Vote sur l'ensemble

Mmes Françoise Cartron, Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.

Adoption définitive de la proposition de loi.

5. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jean-Noël Guérini,

M. Marc Massion.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Lombard, qui fut sénateur du Finistère de 1971 à 1989.

3

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Madame la présidente, mon collègue André Vantomme me prie de vous indiquer que, s’agissant du vote sur l’ensemble du projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, il apparaît parmi les sénateurs n’ayant pas participé au vote alors que son intention était de voter pour.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Bodin. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Discussion générale (suite)

Lutte contre l’absentéisme scolaire

Adoption définitive d’une proposition de loi

(Texte de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre l’absentéisme scolaire (proposition n° 586, texte de la commission n° 663, rapport n° 662).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Exception d'irrecevabilité

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « la lutte contre l’absentéisme scolaire est une priorité absolue ». C’est par ces mots que le Président de la République a, le 5 mai dernier, affirmé la détermination du Gouvernement à mener un combat sans répit contre un fléau en augmentation constante depuis dix ans. Ce fléau ruine dès l’adolescence des milliers de vie en devenir, sape les bases mêmes de la construction et de l’accomplissement de l’individu, et détruit les liens du vivre-ensemble.

Nous ne pouvons en effet accepter que 120 000 élèves quittent, chaque année, l’école sans diplôme, sans qualification, avec le chômage comme unique perspective.

Chaque cas d’absentéisme est évidemment un cas spécifique, auquel il faut apporter une réponse adaptée. Malgré la diversité des situations, on retrouve toujours les quatre mêmes acteurs : l’institution scolaire, les collectivités locales, l’élève et, bien sûr, sa famille, cette dernière étant au cœur du sujet. C’est pourquoi, dans la réponse globale et plurielle que nous apportons à l’absentéisme scolaire, nous avons toujours placé la famille au centre de nos dispositifs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’absentéisme n’est pas une fatalité sociale. Les parents ont une responsabilité considérable dans l’assiduité de leurs enfants. Aucune école ne peut fonctionner sans l’attention constante et la participation des parents. Aider et responsabiliser les familles, tel est le moteur commun de toutes nos actions pour lutter contre l’absentéisme scolaire. Et ces actions sont nombreuses.

Pour renouer le dialogue avec les familles, nous avons demandé à tous les personnels de l’éducation nationale de se mobiliser. Les premiers concernés sont évidemment les chefs d’établissement et les conseillers principaux d’éducation, qui suivent au plus près, heure par heure, les absences des élèves.

Depuis le 1er février 2009, 5 000 postes de médiateurs de réussite scolaire ont été créés dans les établissements les plus sensibles. Leur mission première est de faciliter le dialogue avec les parents les plus éloignés de l’école et d’établir une compréhension mutuelle entre l’école et les familles.

Le repérage des absences fréquentes qui débouchent sur le décrochage scolaire est également capital. Optimiser le retour des informations, gagner en efficacité, c’est pouvoir engager plus rapidement le dialogue avec les familles et la mise en œuvre d’une « remédiation ». C’est pourquoi nous avons mis en place un nouveau logiciel, baptisé SDO, pour « suivi de l’orientation ». D’ores et déjà opérationnel, il équipera tous les établissements à compter de 2011. Il permettra des progrès considérables dans le repérage précoce des élèves susceptibles de décrocher et facilitera leur suivi. Grâce à lui, nous gagnerons souvent des mois dans l’accompagnement des « décrocheurs », autant de temps qui permettra de construire un projet de remédiation adapté avec l’élève, sa famille et les représentants de l’école.

Un autre dispositif a démontré toute son efficacité : c’est la « mallette des parents ». Expérimentée l’année dernière dans l’académie de Créteil, cette initiative vise à mieux impliquer les familles, parfois très éloignées du monde de l’école, dans la scolarité de leur enfant, à améliorer le dialogue entre les parents d’élèves et l’école par des rencontres avec le principal, les enseignants, les surveillants, et par des modules de formation.

L’expérience a été évaluée par l’École d’économie de Paris, qui l’a jugée très concluante puisqu’une baisse générale de l’absentéisme et une réduction des exclusions temporaires et des avertissements ont été constatées. Ces résultats ont une explication : les parents ont été impliqués dans le projet éducatif de leur enfant. Cette politique démontre, s’il le fallait encore, que l’absentéisme ne relève pas de la fatalité sociale et que la responsabilisation des parents a une influence considérable sur l’assiduité des enfants.

Pour amplifier ce succès, j’ai décidé que la « mallette des parents » serait, cette année, étendue à toutes les académies et organisée dans 1 300 collèges.

Enfin, je tiens à rappeler que notre recherche du dialogue ne s’arrête pas aux portes de l’école. Ma collègue Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, a annoncé au mois de mai dernier que son ministère débloquerait 53 millions d’euros, d’ici à 2012, dans le cadre des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents pour les familles en difficulté face à l’absentéisme de leur enfant. C’est bien, là encore, la preuve que l’ensemble du Gouvernement est mobilisé pour lutter contre le fléau de l’absentéisme scolaire.

Nous avons aussi souhaité apporter des réponses pertinentes aux cas des élèves que l’absentéisme a menés sur la voie de la déscolarisation et de la désocialisation et qui ont déjà bénéficié de toutes les possibilités de prise en charge prévues au sein des collèges, que ce soit l’aide ou le soutien scolaires.

Pour ces élèves en grande difficulté, nous avons mis en place 443 dispositifs relais lors de l’année scolaire dernière. Pendant une durée qui variait de quelques semaines à plusieurs mois, ces structures ont accueilli plus de 8 000 élèves au sein de classes et d’ateliers à très petits effectifs. Ce cadre est idéal pour les raccrocher aux fondamentaux de la scolarisation.

Nous avons aussi créé une structure scolaire expérimentale, le micro-lycée, initiée d’abord dans chacun des départements de l’académie de Créteil. Depuis la rentrée, chaque académie compte désormais un micro-lycée. J’étais lundi dans l’académie de Nice, où j’ai pu découvrir le micro-lycée instauré au sein du lycée Pierre-et-Marie-Curie de Menton. Ce dispositif permet de proposer du sur-mesure, c’est-à-dire un accompagnement personnalisé au plus près des besoins de chaque élève.

Du reste, je tiens particulièrement à cette notion de personnalisation : elle est au cœur des réformes mises en œuvre depuis 2007 et constitue un outil efficace pour lutter contre la démotivation, qui est souvent le prélude à l’absentéisme. À cet égard, je rappelle la réforme de la voie professionnelle au lycée, généralisée en 2009, et, depuis cette rentrée, la mise en œuvre de la réforme du lycée général et technologique, qui prévoit deux heures par semaine d’accompagnement personnalisé pour chaque élève.

Toutes ces actions visent un objectif : que les élèves puissent s’engager dans un parcours de réussite, qui corresponde à leurs goûts, à leurs talents, à leurs projets, et qui leur garantisse, à terme, une insertion professionnelle et sociale ; …

M. Yannick Bodin. Alors tout va bien ! Que faisons-nous ici ?

M. Luc Chatel, ministre. … qu’ainsi remotivés par un but qu’ils se sont choisi ils s’attachent à l’enseignement qu’ils suivent et s’investissent dans leur formation.

Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut en convenir : parfois, pour certaines familles, l’aide et le dialogue ne suffisent pas. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. C’était trop beau !

Mme Odette Terrade. Alors, on va sanctionner !

M. Luc Chatel, ministre. Parfois, il est nécessaire de rappeler qu’à l’obligation éducative, qui donne le droit à chaque enfant de bénéficier d’une instruction, correspond un corollaire : l’obligation d’assiduité scolaire, dont les premiers garants sont les parents. Or, c’est un fait, certaines familles refusent d’assumer leur autorité sur leur enfant et laissent libre cours à son absentéisme. À celles-là, il faut rappeler que, si les parents ont assurément des droits, ils ont aussi des devoirs, et que l’un de ces premiers devoirs est l’exercice d’une autorité éclairée et vigilante sur leur enfant. Il en va de l’avenir même des enfants.

Cette conception n’est d’ailleurs pas nouvelle. Je rappelle que le projet de suspendre les allocations familiales en cas d’absentéisme répété et injustifié figure dans la loi depuis la fin des années cinquante. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. Pas de problème alors !

M. Luc Chatel, ministre. Comme vous le savez, cette mesure a été modifiée en 2006 et intégrée au sein du dispositif « contrat de responsabilité parentale ». Ce contrat place le président du conseil général au cœur de la démarche, lui conférant ainsi le pouvoir de supprimer tout ou partie des prestations familiales.

M. Yannick Bodin. C’est parfait ! Tout va bien ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

M. Luc Chatel, ministre. Or, nous l’avons malheureusement bien vite constaté, ce dispositif ne fonctionne pas en l’état. Trop engageant, trop complexe, il faut le dire aussi, il se grippe.

Pour remédier aux failles du système, le député Éric Ciotti a proposé une évolution de la législation, qui vise précisément à replacer l’école au centre du dispositif, par le biais de deux de ses acteurs de proximité : le chef d’établissement et l’inspecteur d’académie. Ces derniers sont au plus près du terrain et travaillent sur ce sujet en étroite collaboration. C’est en effet à l’inspecteur d’académie que les principaux et les proviseurs signalent les cas d’absentéisme. Il est donc totalement légitime que ce soit lui qui pilote les différentes phases du nouveau dispositif que nous souhaitons mettre en œuvre.

La proposition de loi de M. Ciotti a été examinée et adoptée par l’Assemblée nationale les 16, 23 et 29 juin derniers. À cette occasion, les députés ont enrichi le texte initial, qui, à mon sens, a gagné en substance et en précision. Il répond aux inquiétudes que certains parmi vous avaient exprimées au sein de la commission de la culture. C’est de ce texte que nous allons débattre aujourd’hui.

Comprenons-nous bien, mesdames, messieurs les sénateurs : avec cette évolution, il ne s’agit en aucun cas de punir pour punir. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

J’ai d’ailleurs entendu les caricatures qui ont été faites de cette proposition. Je souhaiterais profiter de l’occasion qui nous réunit pour répondre à ces attaques.

À ceux, tout d’abord, qui s’offusquent d’une imaginaire « double peine », je leur laisse la responsabilité de leurs propos. Je l’ai déjà dit, notre Gouvernement ne conçoit pas, et ne concevra jamais, l’absentéisme scolaire comme une fatalité sociale. Que je sache, être un parent responsable n’a aucun lien avec la condition socioprofessionnelle, quelle qu’elle soit. Le succès même de la « mallette des parents » dans l’académie de Créteil, que j’évoquais il y a un instant, l’atteste, comme la diversité sociale des enfants absentéistes.

À ceux qui critiquent une logique de la sanction à tous crins, je rappelle que nous avons veillé à ce que ce dispositif respecte le principe du contradictoire et des droits de la défense.

M. Luc Chatel, ministre. À chaque étape, l’inspecteur d’académie entendra les familles, tiendra compte de l’existence, ou non, d’un « motif légitime ou d’une excuse valable », les informera des risques encourus, veillera à instaurer un dialogue constructif et à envisager avec elles les mesures d’accompagnement les mieux adaptées à leur situation. Cette finalité a encore été confortée par le vote à l’Assemblée nationale de l’amendement visant à insister sur l’accompagnement personnalisé des familles par quelque mesure que ce soit proposée par le conseil général.

Par ailleurs, aucune mesure de suspension ou de suppression des allocations familiales n’interviendra sans que les responsables légaux aient été préalablement invités à présenter leurs observations.

Tout a ainsi été fait pour prendre en compte les situations particulières et pour éviter les ruptures d’égalité de traitement. Je sais, du reste, que les inspecteurs d’académie sauront faire preuve de clairvoyance et de discernement lors de l’examen des motifs d’absence.

Tout a également été fait, mesdames, messieurs les sénateurs, pour assurer la responsabilisation des familles, et l’amendement que vous m’aviez proposé, monsieur le rapporteur, et qui a été voté à l’Assemblée nationale, a encore appuyé cette idée.

Lors de la première inscription de leur enfant, les parents se verront en effet présenter, au cours d’une réunion ou d’un entretien, le projet d’école ou d’établissement ainsi que le règlement intérieur. Ainsi informés des obligations d’assiduité dès le début d’année, ils pourront agir au plus tôt et éventuellement rencontrer très vite les membres de l’équipe éducative afin de remédier à d’éventuels problèmes d’absentéisme. Cet amendement vient donc conforter la logique même de notre texte, celle d’une démarche constante d’accompagnement et d’information.

Cette logique correspond, je crois, à vos attentes, monsieur le président de la commission, ainsi qu’aux vôtres, monsieur Leleux. Elle répond aussi à l’inquiétude que vous exprimiez en commission, monsieur Martin, puisque vous pouvez constater que ce sont la sensibilisation et l’accompagnement qui fondent le dispositif, et non, comme certains d’entre vous le redoutaient, la contrainte.

Avec ce nouveau dispositif, nous mettons en place un système à la fois équilibré et efficace. Efficace, d’abord, parce que le processus sera désormais systématisé et, grâce à la proximité de l’inspecteur d’académie, ramené au plus près des difficultés rencontrées par l’élève et sa famille. Efficace, ensuite, parce que le suivi de l’absentéisme sera désormais assuré dans chaque école, dans chaque établissement, par la présentation annuelle d’un rapport d’information - c’était tout le sens d’un amendement voté à l’Assemblée nationale. Équilibré, enfin, parce que ce suivi est fondé sur une gradation, qui, à chaque étape, laisse la place au dialogue et à la remédiation.

Bien loin de sanctionner à tout va, l’esprit du nouveau dispositif consiste donc à responsabiliser les parents qui se sont dégagés de leur autorité parentale, à les alerter sur les risques qu’ils font courir à leur enfant, à les ramener à un dialogue constructif avec l’école, pour le plus grand bien et la réussite de l’enfant. Dans cet esprit, la sanction ne constitue justement que le dernier recours d’un dispositif gradué selon trois étapes : l’avertissement, la suspension, la suppression.

Cet esprit de responsabilisation, d’un côté, d’accompagnement et de concertation, de l’autre, est présent dès la première étape, c’est-à-dire dès la première série de quatre demi-journées d’absence non justifiées par l’élève.

Lors de cette première phase, l’inspecteur d’académie avertira les parents de l’absentéisme de leur enfant et lancera la logique d’aide et d’accompagnement des familles que l’on retrouvera tout au long de la procédure. Il rappellera à la famille de l’élève toute la cartographie des aides possibles : contrat de responsabilité parentale, conseil des droits et devoirs des familles, contrat local d’accompagnement à la scolarité, réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents.

La responsabilisation financière des parents n’interviendra qu’à la deuxième étape, lorsque l’élève aura atteint une deuxième série de quatre demi-journées d’absence non justifiées et que la suspension des allocations familiales afférentes à cet enfant, et seulement à lui, sera engagée. Mais, là encore, la remédiation sera possible. Si les parents interviennent, s’ils rappellent à leur enfant l’importance de l’assiduité scolaire et que l’enfant lui-même agit et se montre assidu pendant un mois complet de scolarité, alors la suspension sera annulée par le versement rétroactif du mois concerné. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

Nous sommes donc bien loin de la sanction immédiate et aveugle, parfois évoquée par les caricatures. Bien au contraire, par cette mesure de versement rétroactif, qui répond au retour de l’assiduité, nous mettons en exergue l’efficacité de la remédiation, l’importance de la réaction responsable des parents.

M. Yannick Bodin. La scolarité, elle, sera terminée depuis longtemps !

M. Luc Chatel, ministre. En revanche, si malgré l’avertissement, malgré les aides proposées, malgré la suspension des allocations, l’élève continue à accumuler les absences sans justification, alors, la suppression des allocations pour ce troisième mois d’absences sera effective. On atteint là le juste terme de la logique de proportionnalité, qui, après avoir épuisé tous les recours, utilise la sanction financière : un mois de suppression de la part des allocations familiales proportionnelles à l’élève, chaque nouveau mois où ce dernier dépasse quatre demi-journées d’absence sans justification légitime.

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouveau dispositif a été construit selon une progressivité des mesures. Il est fondé sur un strict équilibre des droits et des devoirs. Il est constamment ouvert au dialogue et à la remédiation. Grâce à la systématisation de ses étapes et au rôle moteur de l’inspecteur d’académie, le processus gagne en efficacité. Cette efficacité, nous l’avons conciliée avec un esprit d’humanité et de dialogue.

Face au fléau de l’absentéisme scolaire, il n’existe pas de réponse unique. Il nous faut au contraire nous adapter, sans tabou ni préjugé, à la diversité des situations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le nouveau dispositif qui vous est proposé s’inscrit dans une palette de mesures, qui, toutes, s’intègrent dans un système équilibré de droits et de devoirs. Toutes ont leur sens et leur efficacité pour ramener les quelque 300 000 élèves absentéistes à l’école, en accompagnant et en responsabilisant leurs parents. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’obligation scolaire est l’un des principes fondamentaux de notre République.

Consacrée par la loi fondatrice du 28 mars 1882, elle présente aujourd’hui deux faces complémentaires : d’une part, l’instruction obligatoire de six à seize ans ; d’autre part, l’assiduité obligatoire, qui constitue spécifiquement un devoir de l’élève et s’impose donc aussi aux jeunes de plus de seize ans dès lors qu’ils sont inscrits dans un établissement.

Rapporteur en 2002 de la commission d’enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, j’ai acquis la conviction que la prévention précoce de l’absentéisme et de l’échec scolaire était cruciale pour briser la spirale de la marginalisation et de la violence. Il est, certes, impossible d’affirmer que l’absentéisme et l’échec scolaires, pas plus que les difficultés familiales, « fabriquent » seuls la délinquance. Pour autant, on ne peut nier le rôle qu’ils jouent dans le basculement. En effet, si tous les jeunes en échec scolaire ne sont pas des délinquants, une immense majorité de ces derniers n’a pas réussi à l’école.

De même, personne ne peut nier que l’échec scolaire entraîné par l’absentéisme débouche sur une insertion difficile dans le marché du travail et induit des risques de chômage élevés.

C’est pourquoi il faut coûte que coûte ramener les absentéistes en classe. Nous devons les maintenir dans un univers socialisé, structuré par des règles, plutôt que de les abandonner à leur sort et les laisser dériver sans repères. Nous ne devons pas leur laisser le choix entre l’école et la rue, car c’est toujours la rue qui l’emporte. Nous devons regarder avec lucidité le danger que représente l’absentéisme pour nos enfants et la souffrance personnelle et familiale qu’il reflète.

L’absentéisme est un phénomène complexe, qui ne peut être traité que par le biais d’une seule mesure. Il se présente sous des formes très diverses et prend une ampleur différente selon l’âge de l’élève, son cycle de formation, son établissement, et même les mois de l’année. On le sait, s’il est faible au collège, 3 % environ, il peut devenir très élevé dans certains lycées professionnels, atteignant parfois 30 %.

Cela dit, les absentéistes réguliers au collège sont déjà dans une situation extrêmement difficile.

M. Yannick Bodin. On sait pourquoi !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il convient donc d’agir le plus en amont possible, dès la charnière entre le primaire et la sixième.

Les causes de l’absentéisme sont aussi très diverses. Les difficultés d’apprentissage et une orientation par défaut doivent être prises en compte, tout comme les problèmes psychologiques, la violence subie à l’école ou le travail dissimulé. C’est donc une politique cohérente et globale qui doit être menée, sans qu’il faille espérer trouver la panacée dans une mesure isolée.

Il me semble capital d’agir simultanément sur les parents, sur l’école et sur l’environnement urbain, en conjuguant les instruments de la politique familiale, de l’éducation nationale et de la politique de la ville.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui insiste sur le premier volet : la politique familiale. Elle fait de la responsabilisation et de l’accompagnement des parents, qui sont les premiers éducateurs de leur enfant, un élément clef de la lutte contre l’absentéisme.

J’insisterai sur l’article 1er, qui constitue le cœur du dispositif. Il prévoit un régime gradué de suspension partielle des allocations familiales aux parents des élèves absentéistes. Une large liberté d’appréciation est laissée aux chefs d’établissement et aux inspecteurs d’académie pour faire face à la complexité des situations individuelles et éviter une application mécanique et désincarnée du texte.

Le principe en est simple. En cas d’absences continues sur plusieurs mois consécutifs, le premier mois donne lieu à un avertissement, le deuxième à une suspension et le troisième à une suppression. En revanche, tout retour à l’assiduité – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – peut déclencher le rétablissement des allocations suspendues, à l’exclusion des allocations supprimées, dont le paiement n’est évidemment plus dû.

À chaque étape est prévu un temps d’écoute et de dialogue avec les parents. À chaque étape, une aide sous forme d’accompagnement parental leur est proposée, dans le souci de conjuguer éducation et sanction.

La possibilité de sanctionner les manquements à l’obligation scolaire par la suspension des allocations familiales existe depuis longtemps en droit français. Sa légitimité ne me semble pas contestable, et son utilité pas davantage.

Si l’on prend les données collectées par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, sur l’ancien dispositif, supprimé en 2004, il apparaît que 65 % des élèves ont repris le chemin de l’école après l’avertissement de l’inspecteur d’académie. Et les caisses n’ont recensé que 760 récidivistes sur 7 333 demandes de suspension en 2002. En d’autres termes, 10 % seulement – si je puis m’exprimer ainsi – des élèves ont fait l’objet plusieurs fois de suite d’une procédure de suspension des allocations, en raison de leur absentéisme chronique. Par conséquent, la mesure s’est révélée efficace dans 90 % des cas.

J’estime que peu de familles sont véritablement dans la négligence, mais que beaucoup sont dans la souffrance et la résignation.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. C’est sur ces familles qu’il faut agir, afin de les faire sortir de leur fatalisme par un choc salutaire et de les faire bénéficier d’une aide à la parentalité adéquate.

Les phases d’avertissement et de dialogue avec l’éducation nationale prévues par le texte seront des moments cruciaux. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Yannick Bodin s’exclament.) C’est là que se jouera concrètement le succès de la mesure, parce que les parents pourront être écoutés et aiguillés vers des structures, des réseaux ou des groupes de paroles susceptibles de les aider.

Je pense par exemple aux réseaux d’écoute et d’aide à la parentalité ou encore aux conseils pour les droits et devoirs des familles. Ces derniers, créés par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et mis en place sur l’initiative des maires, sont constitués d’une équipe pluridisciplinaire, compétente en matière de prévention de la délinquance, d’action sociale et éducative et de logement.

Ce n’est pas l’aspect punitif de la proposition de loi qui doit être mis en avant, c’est son volet éducatif. La suspension des allocations familiales doit être plutôt vue comme un moyen d’inciter les parents à superviser leurs enfants de manière plus attentive et plus active.

Une telle mesure de dissuasion, utilisable en dernier ressort, peut faire prendre conscience aux parents de la gravité de la situation dans laquelle se trouve l’enfant et les contraindre, si nécessaire, à recevoir une aide adéquate.

Plus largement, l’ensemble des auditions que j’ai menées ont renforcé ma conviction, déjà ancienne, que l’implication des parents dans la vie de l’école était un élément fondamental de la lutte contre l’absentéisme et l’échec scolaires.

En effet, il n’est pas rare que des parents ne perçoivent plus l’utilité, ni le sens, de l’école. C’est le cas des parents qui ont eux-mêmes connu des difficultés au cours de leur scolarité, qui subissent l’exclusion sociale, ou encore qui ne maîtrisent pas suffisamment la langue française.

Si l’on veut que les parents veillent à l’assiduité scolaire de leurs enfants, il faut d’abord entreprendre de leur expliquer ce qu’est l’école, ce qu’elle apportera à leurs enfants et ce qui est attendu d’eux.

L’examen à l’Assemblée nationale de la proposition de loi que nous examinons a permis également de faire un pas important dans cette direction. Dans chaque école et établissement d’enseignement scolaire public, le projet d’école ou d’établissement et le règlement intérieur devront être présentés aux parents lors de la première inscription de leurs enfants par le directeur de l’école ou le chef d’établissement.

Ce rendez-vous obligatoire constituera le premier contact des parents avec l’école, sans qu’aucun passif soit déjà accumulé. Il devrait permettre de mieux les intégrer au sein de la communauté éducative, au grand bénéfice de tous.

Cette démarche de dialogue ne devra pas se cantonner au seul moment de l’inscription. Au contraire, elle devra être continuée après ce premier contact tout au long de l’année scolaire, sans se limiter à de simples convocations en cas de mauvais comportements ou de mauvais résultats des enfants.

En définitive, cette proposition de loi avance des éléments de solution qui pourront se révéler utiles. Elle vise à responsabiliser les parents, et non, comme veulent le faire croire certains, à les stigmatiser.

Pour tirer pleinement le bénéfice du dispositif, il conviendra, d’abord, de l’appliquer avec pragmatisme et discernement, afin de tenir compte de la singularité de chaque cas – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre –, ensuite, d’insister sur la visée éducative de la sanction, qui doit être plus dissuasive que punitive et favoriser l’entrée dans un processus d’accompagnement des parents, et, enfin, d’ouvrir véritablement l’école à l’ensemble des acteurs de la communauté éducative, aux parents au premier chef, car c’est à eux qu’incombe la mission d’éducation de leurs enfants. C’est d’ailleurs pour cela que la loi leur reconnaît des droits et des aides matérielles.

Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, et en considérant l’équilibre lucide et constructif trouvé par le texte, je vous propose d’adopter cette proposition de loi en l’état, alors que deux modifications importantes ont été apportées lors de la discussion à l’Assemblée nationale.

D’abord, j’y ai fait référence, le nouvel article 1er bis, adopté sur l’initiative de la commission, fait obligation au chef d’établissement de présenter aux parents le règlement intérieur et le projet d’établissement dès la première inscription de l’enfant.

Ensuite, le nouvel article 5, introduit sur l’initiative de nos collègues centristes, associe le Parlement à l’évaluation des dispositifs de lutte contre l’absentéisme scolaire et d’accompagnement parental, grâce à un comité de suivi.

Plus que l’absentéisme lui-même, ce sont ses conséquences qui sont peut-être les plus importantes. Elles sont de plusieurs ordres.

Pour ma part, j’en retiendrai deux : d’une part, le risque de marginalisation, dans la mesure où l’absence de formation crée des difficultés d’insertion professionnelle, donc d’emploi ; d’autre part, le risque de délinquance et de violence. Comme je l’ai déjà souligné, lorsque la rue concurrence l’école, c’est toujours la rue qui l’emporte.

Pour avoir été rapporteur d’une commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, je sais que nous devons aujourd’hui sortir du débat dépassé entre les tenants de l’éducation et les partisans de la sanction ; il nous faut, me semble-t-il, conjuguer éducation et sanction.

Mes chers collègues, c’est tout l’objet de la présente proposition de loi, que je vous demande d’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’absentéisme est un phénomène extrêmement complexe, qu’il faut bien se garder de traiter à la légère, au gré des opportunités médiatiques que cela peut représenter.

Pourtant, la présente proposition de loi a été élaborée à la hâte par le député Éric Ciotti, à la suite du discours sécuritaire du Chef de l’État du 20 avril 2010. Suivant une méthode éprouvée, le Gouvernement se saisit de faits divers qui choquent à juste titre l’opinion publique et utilise l’émotion dégagée pour justifier et annoncer une série de mesures sécuritaires et répressives faisant plus partie d’un plan de communication que d’une annonce de mesures politiques.

Le 20 avril dernier, il s’agissait de profiter des dégradations commises dans un lycée de Seine-Saint-Denis pour introduire une problématique chère à la droite : la lutte contre l’insécurité. Cette annonce s’est effectuée dans la confusion la plus totale, en opérant des amalgames qui relèvent d’une vision fantasmagorique d’une jeunesse délinquante en perdition.

La violence scolaire trouverait sa cause dans l’absentéisme, qui, lui-même, permettrait à des mineurs errant dans les rues la nuit – on ne voit pas bien le rapport avec l’école – d’être utilisés par des trafiquants...

De cette confusion volontairement simplificatrice, on aboutit à l’annonce de la mesure simpliste dont nous discutons aujourd’hui, car c’est ce discours qui annonce la suspension systématique des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire injustifié et répété.

En tant que législateurs, nous avons avant tout le devoir de lever une telle confusion sémantique et de réintroduire de la complexité. Non, le phénomène d’absentéisme scolaire n’est pas simple, et le problème ne pourra pas se résoudre par ces manipulations !

Jusqu’à présent, aucune étude n’a établi le lien entre absentéisme et violence scolaires. Même si la violence à l’école existe, elle n’est – heureusement ! – pas aussi généralisée qu’on voudrait nous le faire croire et relève d’une problématique distincte de celle de l’assiduité scolaire.

Aucune étude non plus n’a fait le lien entre absentéisme scolaire et basculement dans la délinquance. Bien au contraire, la fameuse étude de 2003 de M. Luc Machard a fait la démonstration inverse. Le lien entre absentéisme et délinquance est si faible que le premier volet ne peut être considéré comme un facteur déterminant du second.

Si cette annonce avait eu une visée autre que de jouer sur une problématique chère à la droite, en instrumentalisant l’émotionnel à des fins électoralistes, alors, au lieu de commencer par un discours véhiculant l’idée qu’un élève absent est un délinquant violent aux parents démissionnaires, on aurait plutôt évoqué le fait que l’absentéisme, loin d’être un fléau rongeant notre société, reste un phénomène marginal.

En effet, contrairement à ce qu’on nous indique, l’absentéisme est relativement stable depuis des années. Du mois de septembre 2003 au mois d’avril 2007, le phénomène est évalué autour de 6 % par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale. Sur la période 2007-2008, il est estimé à 7 %, ce qui constitue, certes, une augmentation, mais relative, et dont la tendance demanderait à être confirmée plus largement dans le temps.

Évidemment, nous partageons l’objectif affiché dans la proposition de loi, qui est d’augmenter au maximum l’assiduité scolaire de tous les élèves. Mais il faut le faire sans amalgame ni confusion.

Ainsi, ce taux de 7 % cache une grande disparité. Les collèges sont moins touchés que les lycées, qui sont eux-mêmes confrontés différemment à l’absence répétée des élèves. Les lycées généraux sont ainsi plus épargnés que les lycées professionnels. S’il est évident que le type d’établissement influe sur l’absence des élèves, peut-être serait-il bon de s’interroger sur les raisons d’un tel phénomène.

Comment expliquer que l’absence des élèves dans les lycées professionnels soit supérieure à la moyenne nationale, atteignant près de 10 % ? Il serait probablement temps de revaloriser les lycées professionnels, qui sont souvent considérés comme des voies de relégation d’élèves en difficulté, orientés par défaut dans des filières qu’ils n’ont pas nécessairement choisies.

Il faut donc aussi nous interroger sur les causes de l’absentéisme. Les élèves absents, loin d’être des délinquants livrés à la loi de la rue, sont souvent en grande difficulté. En difficulté scolaire, mal orientés, ils préfèrent fuir des situations d’échec douloureuses, d’autant que certaines voies de relégation sont dévalorisées, à tort, et présentées comme des voies menant au chômage.

C’est le cumul des difficultés sociales, familiales et scolaires qui peut favoriser l’absentéisme, parfois le décrochage. L’exercice d’une activité professionnelle en parallèle des études ou la nécessité d’assumer des responsabilités familiales dans des familles décomposées, recomposées ou dont les conditions et les horaires de travail précaires des parents ne leur permettent pas toujours d’être aussi présents qu’ils le voudraient, peuvent également en être la cause.

Pour résoudre le problème de l’assiduité scolaire, dont la complexité est ici volontairement ignorée, cette proposition de loi institue donc une sanction : la suppression des allocations familiales afférentes à l’enfant absentéiste.

En réalité, une telle mesure n’est pas tout à fait nouvelle. En effet, dès la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, avait été mis en place le contrat de responsabilité parentale, dont le non-respect pouvait déboucher sur la suppression des allocations. Sauf qu’il s’agit aujourd’hui de systématiser cette suppression…

Les présidents de conseils généraux ont, en effet, eu le mauvais goût de faire le choix de ne pas sanctionner en ne supprimant pas les allocations. Il est vrai que les exécutifs départementaux, qui ont pour mission d’exercer des compétences sociales, sont peut-être un peu trop bien placés pour ignorer les dégâts sociaux immenses que ne manquerait pas d’occasionner l’application de la mesure prévue.

Du coup, cette tâche incomberait désormais à l’inspecteur d’académie, qui aurait, lui, l’obligation et non la possibilité, après un premier avertissement, de sanctionner les familles. Je signale, d’ailleurs, au passage, que cette mesure a été unanimement dénoncée par les syndicats des inspecteurs d’académie, mais également par les associations de parents d’élèves, les syndicats enseignants ou encore ceux des caisses d’allocations familiales qui mettent en œuvre au quotidien cette sanction.

On ne peut que s’étonner de l’entêtement du Gouvernement face à une condamnation aussi unanime. Pour ma part, je ne m’en étonne guère, car cette mesure n’est au final qu’un simple maillon dans un grand plan de conquête électorale qui s’appuie avant tout sur des effets d’annonce et de communication.

Ainsi, le fait d’introduire une mesure foncièrement inconstitutionnelle ne pose pas de problèmes aux rédacteurs de la proposition de loi. Leur texte crée pourtant une véritable inégalité dans et devant la loi, car il ne pourra s’appliquer qu’aux seuls bénéficiaires des allocations familiales, à savoir qu’aux seuls parents ayant plus de deux enfants, à l’exclusion des familles n’ayant qu’un seul enfant et ne touchant donc pas d’allocations.

M. Sarkozy se livre donc à une véritable guerre contre les pauvres alors qu’il devrait être le garant de l’intérêt général. Les « classes dangereuses » font un retour en force dans le discours de la droite. En filigrane, se dessine l’idée selon laquelle les parents des quartiers populaires seraient le plus souvent de mauvais parents, ne se souciant pas de la réussite scolaire de leurs enfants, des parents démissionnaires, alors que ceux des beaux quartiers sont, c’est bien connu, très occupés…

Ce mépris social se transforme en « machine à claques » pour les pauvres. C’est insupportable ! Soutiendriez-vous une proposition de loi supprimant les exonérations patronales pour le patron dont l’enfant serait absent en classe ? C’est donc bien une mesure contre une classe en tant que telle et, comme toujours, il s’agit de la classe des défavorisés.

D’ailleurs, le Gouvernement n’hésite pas à se contredire lui-même. Je rappelle, pour situer la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui, que le même chef de l’État qui appelle aujourd’hui de ses vœux une telle disposition a, en tant que ministre de l’intérieur, participé au gouvernement de 2004 ayant abrogé le mécanisme de sanction de l’absentéisme par la suppression des allocations familiales, le qualifiant alors par des termes aussi peu équivoques que « inutile » et « inefficace » ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Après l’abrogation décidée en 2004, il aura suffi de deux ans seulement à l’exécutif pour changer radicalement d’avis sur la question et rétablir la sanction sous la forme d’un contrat de responsabilité parentale.

Inégale, injuste, inefficace, la suppression des allocations familiales est, de surcroît, inutile pour combattre l’absentéisme, car il existe déjà un arsenal suffisant pour lutter contre ce phénomène et la prétendue défaillance parentale qui en serait à l’origine.

Des moyens pour sanctionner l’absentéisme scolaire et ce que l’on considère comme des manquements graves au devoir d’autorité parentale sont déjà prévus. Les sanctions des manquements à l’obligation scolaire peuvent répondre à deux incriminations pénales comme contravention et comme délit. L’article R. 624-7 du code pénal punit le fait de ne pas imposer à un enfant l’obligation d’assiduité scolaire d’une amende pouvant aller jusqu’à 750 euros.

L’article 227-17 du même code condamne les parents dont la négligence a entraîné des atteintes à la santé, à la sécurité, à la moralité ou à l’éducation de leur enfant. La peine peut alors aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende. Les sanctions pénales des carences de l’autorité parentale sont lourdes à mettre en place et mal adaptées au seul suivi de l’assiduité scolaire.

Des dispositifs existent, propres aux deux objectifs que s’assigne la proposition de loi : sanctionner financièrement le manquement à l’obligation scolaire que constitue l’absentéisme et sanctionner l’absence d’exercice de l’autorité parentale.

À la lecture de ces deux articles du code pénal, on mesure combien la proposition de loi instrumentalise la question de l’absentéisme scolaire en la dramatisant. Si l’assiduité scolaire est évidemment primordiale, associer l’absentéisme scolaire de manière systématique à une carence d’autorité parentale est totalement abusif. Les deux aspects sont différents et relèvent logiquement de deux articles distincts.

Les allocations familiales ne visent à récompenser ni le bon élève ni les bons parents ; elles ont simplement pour objet de compenser une partie des coûts induits par la charge de l’enfant. Tout se passe comme si les allocations familiales étaient devenues de véritables primes au mérite alors qu’elles ne sont que des mesures sociales et familiales.

En outre, la suppression des allocations à toute une famille à la suite de l’absentéisme d’un seul enfant réintroduirait une punition collective à l’échelle d’une famille, notion disparue depuis la Révolution française, et aurait des conséquences néfastes imprévisibles sur l’équilibre psychologique et éducatif déjà précaire de nombreux foyers. C’est tout l’art de maintenir sous l’eau la tête de ceux qui suffoquent déjà…

L’invention du mauvais usage des allocations familiales et la stigmatisation du mauvais parent font porter la faute du dysfonctionnement à la sphère privée de la famille, alors qu’il relève, en réalité, de la responsabilité étatique et publique.

Il est plus facile pour le Gouvernement de prétendre traiter une crise de la famille plutôt qu’une crise de l’école. Dénoncer les parents démissionnaires ne sert, en réalité, qu’à cacher son incapacité profonde à régler la question de l’absentéisme scolaire.

Pis, cette mesure dont la droite sait, elle-même, l’inefficacité – pour cause, elle l’a dénoncée avant de l’abroger ! – sert à faire oublier la responsabilité du Gouvernement face à cette question. En dénonçant et en s’indignant, ce dernier veut convaincre qu’il est étranger à ce phénomène alors même qu’il n’a cessé, et ne cesse encore, de l’alimenter.

Je veux bien que nous parlions de lutte contre l’absentéisme scolaire. Cependant, faisons-le en traitant ce phénomène non comme un problème extérieur, exclusivement familial et privé, mais comme une question relevant de l’ordre scolaire, de l’éducation nationale.

Quoi qu’il en soit, la stratégie mise en place par le Gouvernement permet de faire diversion et d’occulter les véritables causes de l’absentéisme, alimentées par la droite.

Aucune mesure, encore moins celle-ci qui augmentera la gêne sociale de familles déjà en difficulté, n’aura de poids dans la lutte contre l’absentéisme scolaire tant que le Gouvernement ne sortira pas de sa logique de destruction de l’éducation nationale. La révision générale des politiques publiques, la RGPP, en réduisant chaque année de manière drastique le nombre d’enseignants, ne favorise ni les conditions d’un enseignement de qualité dans des classes aux effectifs adaptés ni celles d’un temps d’écoute individualisé, dont l’efficacité est probante en matière d’absentéisme.

Comment croire à l’utilité, voire à la sincérité d’une telle mesure quand on sait que les postes d’enseignants du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, sont également menacés ?

Comment ne pas évoquer la suppression progressive des conseillers d’orientation psychologues, celle des médecins scolaires, des conseillers d’éducation, des assistantes sociales, bref, de tous les personnels accompagnants qui resserrent tout au long du parcours scolaire le lien entre l’élève et l’école ?

Nous disposons de tous les moyens pour lutter efficacement contre l’absentéisme scolaire, lutte qui, à mon sens, cadre davantage avec des objectifs de réussite scolaire pour tous qu’avec la réduction d’une délinquance de mineurs prétendument livrés à la loi de la rue. Mais encore faut-il ne pas détruire, un à un, tous les accompagnements existants au nom d’une nécessaire économie budgétaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne pouvons que nous opposer à cette proposition de loi, dont les moyens ne sont pas adaptés aux objectifs fixés. Aucune mesure de suppression des allocations familiales ne résoudra le problème de l’absentéisme. C’est pourquoi nous demandons l’abrogation de tous les dispositifs actuels et antérieurs qui mettent en œuvre ce principe. Je pense au contrat de responsabilité parentale, mais également à la création d’un fichier informatisé recensant nominativement les manquements à l’obligation scolaire.

Nous voterons donc contre ce texte dangereux parce qu’inégalitaire, stigmatisant et répressif, et nous n’aurons de cesse de réaffirmer la nécessité de mettre en place une véritable politique de l’éducation nationale, qui, loin de réduire les moyens financiers et humains, leur donnerait la place qu’ils peuvent et doivent jouer dans la lutte contre l’échec et l’absentéisme scolaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui nous amène naturellement à nous poser deux questions : il convient, tout d’abord, d’évoquer le mal que constitue l’absentéisme scolaire à proprement parler et de réfléchir, ensuite, à la pertinence de la solution proposée pour l’enrayer.

J’évoquerai donc, dans un premier temps, le problème de l’absentéisme scolaire en lui-même.

À titre liminaire, je rappellerai que l’obligation scolaire a été introduite dans la législation républicaine française par la loi Jules Ferry du 28 mars 1882.

Plus qu’un droit, il s’agit d’un devoir qui s’impose à chaque mineur de moins de seize ans, ainsi qu’à ses parents, afin de garantir à celui-ci un certain niveau d’éducation et d’instruction.

Pour l’avenir de nos enfants, il est de notre devoir de garantir ce droit pour que l’école de la République puisse donner les mêmes chances à tous. L’école est une promesse d’avenir ; à nous de veiller à ce que tous nos jeunes y accèdent.

L’ordonnance du 6 janvier 1959 subordonnait le versement des prestations familiales au respect de l’obligation scolaire. En cas de manquement, le chef d’établissement signalait l’absentéisme répété de l’élève à l’inspecteur d’académie, qui avait le pouvoir de demander à la caisse d’allocations familiales la suspension du versement de la prestation.

Cependant, la suppression, en 2004, de ce système et son remplacement, en 2006, par un contrat de responsabilité parentale et, parallèlement, par le pouvoir donné au président du conseil général de demander la suspension des allocations familiales, n’ont pas eu l’effet escompté.

Résultat, l’absentéisme scolaire, caractérisé par quatre demi-journées ou plus d’absence par mois sans motif valable, touche aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de jeunes : 7 % des élèves de la maternelle au lycée et, fait encore plus grave, plus de 10 % des élèves dans l’enseignement professionnel, alors qu’il s’agit de filières de formation qui, logiquement, sont choisies.

Ces chiffres montrent que le problème découle non pas seulement d’une désaffection des jeunes par rapport à l’institution de l’éducation nationale ou d’une mauvaise orientation, mais également d’une déresponsabilisation, d’un désintérêt plus profond des élèves envers leur propre choix de formation.

Il est indispensable que la relation entre absentéisme et phobie scolaire puisse se résorber par des mesures d’accompagnement, d’encadrement, d’orientation, voire d’assistance sociale des familles et des jeunes dans le cadre scolaire.

L’absentéisme relève d’un phénomène complexe, qui tient aussi à la déresponsabilisation des parents par rapport au décrochage scolaire de leurs enfants, du fait de difficultés de différentes natures. Elles peuvent être sociales, familiales, psychologiques ou encore résulter d’une incapacité à contenir le malaise profond de l’adolescent.

C’est pourquoi il me semble essentiel que ce phénomène soit analysé sous tous les angles, plus particulièrement sous l’angle social pour les familles les plus fragiles. C’est ce qu’entendent faire les promoteurs de cette proposition de loi, dans la continuité de la loi de 2006.

Ces propos m’amènent à considérer que la solution pour enrayer le phénomène se doit d’être la plus équilibrée possible et passe, d’une part, par un accompagnement social lorsqu’il est nécessaire et, d’autre part, par une pression juste et équitable pour rétablir l’autorité des parents, qui sont juridiquement responsables de leurs enfants mineurs.

La coordination de ces deux types de mesures est la seule solution. L’une sans l’autre ne serait pas souhaitable ni efficace.

J’en viens maintenant à l’adéquation de la sanction proposée pour enrayer l’absentéisme scolaire.

Je le répète, s’il est important que la violation du devoir de scolarisation fasse l’objet d’une sanction en tant que carence éducative, il est indispensable qu’elle ne survienne qu’une fois que toutes les mesures de prévention ont échoué.

Il s’avère, dans les faits, que la suspension des allocations familiales est assez efficace : une enquête de la CNAF menée en 2002 et rappelée par M. le rapporteur révèle que 65 % des élèves ont repris le chemin de l’école après l’avertissement de l’inspecteur d’académie.

A contrario, la suppression de la sanction financière par la loi de 2004 et la très faible exécution de la loi de 2006 – seuls vingt contrats de responsabilité parentale ont été signés depuis lors – ont certainement participé à affaiblir encore la règle de l’obligation scolaire.

Ne nous le cachons pas, le droit existant ne fonctionnait pas. Il fallait en revenir à l’ordonnance de 1959 tout en gommant ses iniquités et en prenant en compte les apports sociaux de la loi de 2006, notamment le contrat de responsabilité parentale.

Ainsi, à la différence de l’ordonnance de 1959, n’est supprimée que la quote-part de l’allocation familiale correspondant à l’élève absentéiste et non à l’ensemble de la famille. La sanction financière est donc plus proportionnée.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Tout à fait !

Mme Françoise Férat. En outre, cette sanction doit garder une dimension préventive, c’est-à-dire qu’elle ne doit s’appliquer qu’à la fin d’un processus graduel d’avertissements, exécutés par l’inspecteur d’académie, puisque l’absentéisme scolaire est un problème qui, touchant l’école en règle générale, doit être résolu grâce à l’administration scolaire.

En revanche, et j’insiste sur ce point, la sanction financière ne doit être qu’une composante d’un accompagnement social global, notamment des parents qui ne sont plus en mesure de faire preuve d’une autorité parentale suffisante envers leurs enfants et se trouvent dépassés par leurs difficultés. Il me semble en effet indispensable que ce nouveau dispositif ne puisse pas aggraver la situation financière des familles les plus fragilisées. C’est pourquoi le maintien du contrat de responsabilité parentale, aux côtés du processus graduel de sanction financière, reste indispensable, de même qu’il est essentiel que les parents concernés puissent être aidés par les services adéquats. Parce qu’enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’oublions pas que l’intérêt de l’élève doit seul nous animer dans cette discussion !

Pour ces différentes raisons, à l’instar de la plupart de mes collègues du groupe de l’Union centriste, je soutiens cette proposition de loi, dans la mesure où elle laisse la possibilité de trouver des solutions à l’absentéisme avant le point de fracture et que l’aspect préventif et graduel du processus n’a pas cédé devant l’aspect punitif de la sanction. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, et je fais miens vos propos, l’absentéisme n’est pas une fatalité !

Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, je soutiens aujourd’hui cette proposition de loi, pour son caractère dissuasif, mais surtout préventif. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par quelques remarques de forme concernant cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, dans votre présentation introductive, vous avez détaillé une batterie de dispositifs tous plus performants les uns que les autres, au point de me faire douter de la pertinence de notre débat d’aujourd’hui. Aussi me suis-je interrogée sur la genèse du texte qui arrive en discussion devant notre assemblée.

Rappelons-nous que l’initiative de cette proposition de loi revient au député Éric Ciotti : elle devait, à l’origine, être intégrée au projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2, mais, sur demande du Président de la République, elle est devenue une proposition de loi particulière. Il s’agit donc d’un texte de commande, mais aussi d’un texte de circonstance : le Président de la République a sollicité Éric Ciotti le 20 avril dernier, quelques jours après la défaite de la majorité aux élections régionales, en pleine reprise en main sécuritaire – un hasard, sans doute !

Car il s’agit bien d’un texte sécuritaire. Permettez-moi de m’interroger, monsieur le ministre : votre collègue le ministre de l’intérieur n’aurait-il pas dû prendre votre place au banc du Gouvernement ? En effet, cette proposition de loi n’a rien d’éducatif, ni de pédagogique !

Une question se pose : ce texte exprime-t-il la volonté de répondre au véritable problème de l’absentéisme scolaire ? Je ne le crois pas. Il n’est d’ailleurs pas innocent que l’auteur de cette proposition soit non pas un spécialiste de l’éducation, mais le secrétaire national de l’UMP... à la sécurité ! Le même qui, il y a quelques semaines, proposait de rendre les parents pénalement responsables des agissements de leurs enfants.

Avec ce texte, comme avec tant d’autres, le Gouvernement essaie en réalité de déployer un écran de fumée pour masquer son incapacité à résoudre les problèmes sociaux et économiques, bien réels quant à eux, que rencontrent quotidiennement nos concitoyens. La méthode est toujours la même : stigmatiser une population, l’exposer à la vindicte de l’opinion en faisant croire que le problème sera ainsi résolu. Cette fois, les familles les plus défavorisées sont visées.

En effet, qui sera pénalisé par la suppression des allocations familiales ? Certainement pas les familles aisées, ni les familles à enfant unique, mais les familles nombreuses, les plus pauvres, celles dont la subsistance est liée à la solidarité nationale. Il s’agit, vous le savez bien, de familles souvent issues de l’immigration et résidant dans les quartiers populaires, celles que, régulièrement, on accuse de tous les maux.

À mon sens, la suspicion d’instrumentalisation dont cette proposition est entachée dès l’origine devrait nous conduire à ne pas en débattre, ou pour le moins à la renvoyer en commission. Mais, puisque cet appel au bon sens sera sans doute insuffisant, il nous faut aborder le fond de cette proposition de loi : sera-t-elle utile, et même applicable ?

Concernant l’efficacité présumée de la proposition de loi de M. Ciotti, je dois dire que son rapport, ainsi que le vôtre, monsieur le rapporteur, m’ont fourni quantité d’arguments pour en douter. En effet, ces deux rapports montrent bien l’ampleur du phénomène d’absentéisme scolaire, ainsi que la grande diversité de ses causes et de ses manifestations, ce qui conduit naturellement à douter du recours à la seule coercition.

Permettez-moi de citer quelques statistiques : l’absentéisme scolaire représente 7 % des effectifs, tous établissements confondus, mais la situation diffère de façon importante selon les degrés et selon le type d’établissement. Le taux d’absentéisme est de 6 % dans les lycées d’enseignement général, de 3 % dans les collèges et de 15 % dans les lycées d’enseignement professionnel. Pis encore, plus du tiers des élèves absentéistes sont concentrés dans seulement 10 % des lycées professionnels.

Quant aux causes de cet absentéisme, elles sont, elles aussi, diverses. S’agit-il d’une prétendue démission des familles, qui justifierait de les priver d’allocations familiales ? Là encore, les rapports de MM. Carle et Ciotti sont éclairants. Ils dressent un diagnostic que je partage : l’absentéisme est avant tout fonction des conditions de vie de l’élève, matérielles ou affectives, et surtout d’une orientation jamais choisie, toujours subie. Il n’est nullement question des parents.

Je vous cite, monsieur le rapporteur : « Les difficultés d’apprentissage et les retards accumulés depuis le primaire rendent souvent le suivi des cours impossible dès le collège. » Vous continuez en évoquant l’ennui ressenti par l’élève « devant des cours qu’il ne peut comprendre ». La conclusion d’un tel développement serait logique : l’absentéisme est un corollaire du décrochage scolaire, il devrait donc être combattu comme tel et faire l’objet d’une véritable politique de prévention. Ce constat est bien éloigné de la solution proposée, à savoir la seule suspension des allocations familiales !

Échec scolaire et absentéisme touchent tout d’abord les enfants des catégories déjà défavorisées, reproduisant ce que leurs parents eux-mêmes ont connu. Ce diagnostic, nous pourrions le partager. Mais, face à cette tragique reproduction sociale, votre seule réponse est de stigmatiser un peu plus des familles déjà au bord de l’exclusion.

La réponse proposée repose sur un dispositif déjà existant, le contrat de responsabilité parentale, en dépit de son échec patent. Vous rejetez souvent cet échec sur les présidents des conseils généraux, mais c’est un mauvais procès : le contrat de responsabilité parentale est inappliqué, tout simplement parce qu’il est inapplicable.

Prenons quelques exemples. Allez-vous rendre responsable de l’absentéisme de son fils cette femme élevant seule trois enfants, travaillant tôt le matin et tard le soir, que j’ai croisée dans les allées d’un supermarché ? Elle remplissait son chariot, le portable collé à l’oreille, car elle appelait son fils pour le décider à partir à l’école. Elle commençait son travail dès six heures et demie du matin et avait dû le laisser seul.

Allez-vous pénaliser toute une fratrie d’une famille modeste parce qu’un seul enfant décroche et manque l’école ? Avec votre système, un bon élève pourrait se trouver pénalisé dans la poursuite de ses études, parce que ses parents sont asphyxiés financièrement par une suppression d’allocations familiales dont il n’est pas responsable.

M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait !

Mme Françoise Cartron. Quant au décrocheur lui-même, peut-il être rendu pleinement responsable ? Dans une récente étude qualitative sur l’absentéisme scolaire, l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, a identifié trois causes principales du décrochage, et donc de l’absentéisme : une difficulté scolaire, totale ou partielle, souvent héritée du primaire – ce matin, le titre d’un quotidien nous rappelle que « le succès au bac se joue dès le primaire » –, des problèmes psychiques ou familiaux, enfin une orientation subie, qui explique la plus forte proportion d’absentéisme dans les lycées techniques et professionnels, sur laquelle je reviendrai.

Je vois aussi une quatrième cause, malheureusement de plus en plus répandue : une pauvreté matérielle et sociale grandissante, perturbant le suivi normal des études. Dans son dernier rapport sur le système scolaire, la Cour des comptes a clairement mis en évidence deux points essentiels : le creusement des inégalités et la corrélation quasi automatique entre le niveau social et la réussite scolaire.

La misère des familles ne cesse de s’accroître. Là encore, les travaux de la Cour des comptes sont éclairants. Dans son rapport sur la sécurité sociale présenté le 8 septembre, la Cour s’est alarmée de l’inefficacité des aides aux familles monoparentales, dont la situation s’aggrave. Aujourd’hui, près de trois millions d’enfants sont concernés. Ces familles, ce sont d’abord des femmes seules avec leurs enfants, davantage victimes du chômage, des horaires impossibles et du temps partiel subi : elles sont particulièrement exposées à la précarité. La Cour des comptes estime ainsi que le taux de pauvreté des enfants vivant dans une famille monoparentale atteint 40 %. Ces femmes seules seront les premières concernées par la suspension des allocations familiales. Au lieu de les aider – quoi qu’on en dise, elles veulent que leurs enfants réussissent à l’école –, on leur appliquera vraiment une double peine !

La précarité des familles est à l’origine d’un autre phénomène préoccupant : celui du travail des lycéens. Tous les professeurs que j’ai rencontrés en témoignent, de plus en plus souvent, nombre de leurs élèves doivent travailler pour subvenir aux besoins de leur famille. Auparavant, ce phénomène touchait principalement les étudiants, il s’étend aujourd’hui à de nombreux lycéens. Combien d’élèves endormis en classe ? Combien de jeunes ne pouvant faire leurs devoirs, ni se lever le matin, parce qu’ils ont assuré jusque tard dans la nuit le service dans un fast-food ? Pour beaucoup, ces absences ponctuelles aboutissent au décrochage définitif et à l’installation durable dans un petit boulot précaire. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

La difficulté scolaire puis le décrochage sont souvent liés à cette misère sociale, mais touchent aussi d’autres élèves qui ne trouvent pas leur place dans l’école. En France, seuls 45 % des élèves se sentent à leur place en classe, contre 81 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Il eût été intéressant de se pencher plus attentivement sur ces chiffres. L’absentéisme scolaire est un effet et non une cause : il résulte, notamment, de la rigidité de notre système éducatif. Or, la proposition de loi évacue complètement ce problème, en renvoyant la responsabilité du collectif vers l’individuel.

Interrogeons-nous : quel est le profil d’un « décrocheur » ? Il s’agit d’un élève qui, le plus souvent, après un ou deux redoublements, a été orienté vers une filière professionnelle qu’il n’a pas choisie, dont on lui dit quotidiennement qu’elle ne débouchera que sur le chômage ou des petits boulots. Est-il responsable d’une démotivation qui le pousse à l’absentéisme ? Punir ses parents lui redonnera-t-il un désir d’école ? Rien n’est moins sûr !

L’orientation subie est une réalité dramatique que les politiques d’éducation ne prennent pas suffisamment en compte. Monsieur le ministre, vous avez vous-même évoqué ces 120 000 jeunes qui sortent chaque année de notre système scolaire sans qualification, le plus souvent parce qu’ils ont été mal orientés. Mais, pour combattre efficacement l’absentéisme, il aurait fallu remonter à sa source, c’est-à-dire à l’échec scolaire et à l’orientation subie, au lieu de retenir uniquement la solution inefficace proposée aujourd’hui. Vous auriez pu recenser les expériences fructueuses mises en place dans l’enseignement public. Or, aujourd’hui, les suppressions de postes tous azimuts aggravent le décrochage et l’absentéisme. Dès l’école maternelle, le lien quotidien avec les parents permet d’aider ceux-ci dans leur parcours éducatif. Hélas ! la préscolarisation recule et les difficultés progressent. À l’école primaire, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, effectuaient un travail remarquable, œuvrant dès les premiers signes de décrochage. Hélas ! vous considérez les postes affectés à ces réseaux comme une variable d’ajustement et vous les supprimez progressivement.

En bref, toutes les bonnes pratiques nécessitent des moyens, humains et matériels, que vous cherchez justement à « raboter », monsieur le ministre. Comment pouvez-vous parler de responsabilité des parents, au moment même où vous empêchez l’école d’accomplir ses missions ? Le premier responsable de l’absentéisme, c’est votre politique !

En fait, cette proposition de loi dresse un véritable réquisitoire contre la politique menée depuis huit ans en matière d’éducation, elle exprime l’aveu d’un terrible échec !

J’ai dit combien la proposition de loi m’apparaissait dangereuse et contre-productive, mais elle sera aussi – j’allais dire : heureusement – inapplicable. Le transfert de la décision de suspension des allocations familiales aux inspecteurs d’académie est censé répondre à l’échec patent du contrat de responsabilité parentale. Le choix avait été fait, en 2006, de confier cette décision aux présidents des conseils généraux. Aujourd’hui, un seul département recourt à ce dispositif, celui que préside M. Ciotti. Je rappelle que quarante autres sont présidés par des élus de votre majorité !

Mais surtout, quelle audace de demander aux services de l’éducation nationale d’appliquer cette loi, alors que, dans le même temps, les services de vie scolaire peinent aujourd’hui à fonctionner, faute de personnels ! La situation sera encore aggravée à partir de cette année, puisque, dès le mois d’août, les inspections d’académie ont reçu une discrète note ministérielle leur indiquant que le nombre de contrats aidés d’emplois de vie scolaire devait passer de 52 500 à 39 500. En conséquence, aucun renouvellement de contrat n’a eu lieu après le 1er septembre. Or, à quoi servaient ces emplois de vie scolaire ? Précisément à comptabiliser les absences des élèves en temps réel, à prévenir les parents pour les informer, à construire du lien entre l’école et les parents. C’est à n’y rien comprendre !

En conclusion, monsieur le ministre, la réponse apportée par ce texte est mauvaise, parce qu’elle se place sur le terrain de la régression sociale, là où le problème est avant tout scolaire.

Une réflexion sur l’absentéisme était en effet nécessaire. Mais, plutôt que de la faire porter sur l’absentéisme des élèves, nous aurions peut-être dû réfléchir ensemble à toutes ces heures de cours manquées du fait des absences de professeurs non remplacés et à toutes ces actions de prévention rendues impossibles faute de personnels.

Permettez-moi une dernière remarque. Cette proposition de loi me semble symptomatique d’une conception bien étrange de l’école et de la société dans son ensemble. Après la politique de la carotte, la fameuse « cagnotte » expérimentée contre l’absentéisme scolaire dans l’académie de Créteil – avec le succès que l’on sait (M. Yannick Bodin ironise) – et aujourd’hui abandonnée, nous assistons au retour de la politique du bâton.

Ces différentes initiatives témoignent de la même philosophie, qui consiste à utiliser l’argent comme instrument de motivation, de responsabilisation ou de culpabilisation des élèves et de leurs parents.

Monsieur le ministre, l’autorité parentale et le bien-vivre des élèves à l’école ne s’achètent pas à coup de primes ou de suspensions des allocations familiales. Seule une école publique efficace, attractive, innovante relèvera ces défis !

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre cette proposition de loi. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vain de vouloir lutter contre l’absentéisme scolaire sans prendre la mesure des carences de notre système éducatif. De trop nombreux jeunes sortent encore de celui-ci sans diplôme ni perspective d’avenir. Je vous rappelle que, chaque année, 150 000 élèves terminent leur parcours scolaire sans qualification.

L’augmentation régulière de l’absentéisme scolaire est l’une des causes de cet alarmant constat. Même si l’école buissonnière n’est pas un phénomène nouveau, les enfants concernés, de plus en plus jeunes et livrés à eux-mêmes, se retrouvent pris dans la spirale de l’échec.

Les causes en sont multiples. Il est grand temps de reconnaître qu’un taux d’encadrement trop faible explique, à lui seul ou presque, cette dérive inquiétante pour l’avenir de notre pays.

Les assistantes sociales, les infirmières et psychologues scolaires, les surveillants, les conseillers principaux d’éducation – ou CPE – font partie intégrante du projet éducatif au sens large. Leurs effectifs, je le regrette, ne cessent de diminuer, tout comme ceux des enseignants des RASED spécialisés contre l’échec scolaire.

Je me demande d’ailleurs, monsieur le ministre, comment, dans ces conditions, l’école peut encore être en mesure de remplir ses missions.

Nous en débattons ici régulièrement, mais nos inquiétudes demeurent. L’école ne joue plus son rôle d’ascenseur social. Le système éducatif français est devenu l’un des plus inéquitables, selon les critères du classement établi par l’OCDE. Au cours de la scolarité, les inégalités se creusent. C’est un comble !

Dans ce contexte, je dirai simplement que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est hors sujet.

Malgré de multiples tentatives, aucune solution n’a encore été trouvée pour régler durablement le problème de l’absentéisme scolaire. Toutefois, au travers de ces expériences, nous avons pu entrevoir des pistes qui doivent nous aider, aujourd’hui, à prendre les bonnes décisions. Nous sommes désormais en mesure d’affirmer que l’accent doit être mis sur la prévention dès le plus jeune âge et sur l’accompagnement des familles.

Les jeunes les plus fragilisés socialement, psychologiquement et culturellement sont aussi les plus touchés par l’absentéisme et l’échec scolaires. Des études démontrent qu’ils sont le plus souvent issus de quartiers défavorisés. En effet, il s’avère que les parents d’enfants déscolarisés sont eux-mêmes confrontés à de graves difficultés financières et sociales. Certains, dépassés malgré leur bonne volonté, n’arrivent plus à transmettre une éducation à leurs enfants, éducation qu’ils n’ont parfois jamais reçue eux-mêmes.

Mes chers collègues, voici ce que me confiait une mère de famille : « Vous n’imaginez pas combien il est difficile de tenir les enfants. Les copains sonnent à la porte, téléphonent, crient sous les fenêtres jusqu’à ce que je craque. Ce serait plus facile si j’habitais ailleurs. » Vous comprendrez, eu égard à cette anecdote, que je préconise la mixité sociale.

Pour répondre au problème, on n’a rien trouvé de mieux que de suspendre une proportion importante du budget du foyer : les allocations familiales. Pourquoi, dans la période de crise économique que nous traversons, choisir d’enfoncer encore davantage des familles souffrant déjà d’une forte précarité ?

Le Gouvernement et sa majorité ont une fâcheuse tendance à aborder de manière récurrente l’absentéisme scolaire au travers du prisme de la délinquance et de la répression, alors que les sanctions administratives et pénales apparaissent comme inadaptées et inutiles. Et ils s’entêtent !

Pourtant, le dispositif de suspension des prestations familiales s’est déjà révélé particulièrement inefficace et injuste. C’est la raison pour laquelle, dans un beau consensus, le dispositif avait été supprimé lors du vote de la loi relative à l’accueil et à la protection de l’enfance, en 2004. Personne n’invoquait alors une prétendue baisse de l’absentéisme, le caractère inéquitable et inopérant de la mesure étant mis en avant.

Tous ces éléments me conduisent à affirmer que la réponse que votre texte est censé apporter au phénomène complexe de l’absentéisme scolaire n’est ni complète ni satisfaisante.

Les prestations familiales n’ont pas pour seul objet de financer la scolarité de l’enfant. Les allocations familiales ne sont pas non plus la récompense d’une bonne éducation. Elles ont avant tout une vocation sociale et solidaire.

L’éducation n’est pas une marchandise. Elle ne se monnaie pas. Elle a un prix, j’en conviens, mais elle ne peut pas se faire à n’importe lequel. On n’achète pas la soif de connaissances, on la transmet, et la relation humaine est essentielle pour y parvenir. D’ailleurs, la prime à l’assiduité expérimentée par certains chefs d’établissement en octobre 2009 s’est révélée d’une totale absurdité.

La sanction proposée dans cette proposition de loi est doublement discriminatoire. D’une part, les familles avec un enfant unique, ne percevant pas d’allocations familiales, ne seront donc pas pénalisées, contrairement aux familles nombreuses. D’autre part, je me demande comment la majorité entend pouvoir pénaliser, certes indirectement, les enfants assidus d’une fratrie du fait des écarts d’un autre membre de cette fratrie.

Ce dispositif, réintroduit en 2006 dans le cadre du contrat de responsabilité parentale, a rarement été appliqué.

Alors, monsieur le ministre, pourquoi légiférer de nouveau ?

Plutôt que de créer des dispositifs toujours plus répressifs – est-ce l’approche de nouvelles échéances électorales ? –, il faudrait donner les moyens nécessaires au développement des outils dont la pertinence et l’efficacité ont déjà été démontrées.

Je prendrai l’exemple des classes relais, qui accueillent les élèves de collège ou de lycée, entrés dans un processus de rejet de l’institution caractérisé par des manquements au règlement intérieur, un absentéisme chronique et une démotivation allant jusqu’à la déscolarisation. Ce modèle fonctionne et a fait ses preuves. Pourquoi ne pas le développer plutôt que de toujours stigmatiser davantage les enfants et les familles en difficulté ?

Pour toutes ces raisons, la proposition de loi que nous examinons m’apparaît comme un facteur aggravant. La pénalité financière ne redonnera pas le goût d’apprendre aux enfants et aux adolescents. Je préconiserai plutôt de consentir, comme je l’ai déjà indiqué, les moyens matériels et surtout humains permettant le renforcement de l’accompagnement scolaire personnalisé, le dialogue et la remédiation.

Les clefs du problème sont bien la prévention dès l’école primaire et la responsabilisation des parents. La lutte contre l’absentéisme scolaire doit s’inscrire dans le cadre d’une politique plus large et plus ambitieuse que celle qui nous est proposée aujourd’hui. C’est à ce prix que l’on viendra à bout de l’absentéisme, de la violence et de l’échec scolaires.

En résumé, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, sans ambition, se révélera inefficace, discriminante et injuste. Elle n’a décidément rien pour convaincre les membres du groupe RDSE, qui voteront contre ce texte dans leur grande majorité. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi émanant de notre collègue Éric Ciotti, député et président du conseil général des Alpes-Maritimes, a entraîné de nombreuses réactions, voire provoqué des cris d’orfraie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Yannick Bodin. Elle n’en mérite pas tant !

M. Louis Nègre. En ma qualité de sénateur des Alpes-Maritimes et maire, j’ai eu quelques difficultés à les comprendre.

En effet, de quoi s’agit-il ? Peut-on dire, comme dans Candide, que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » s’agissant des établissements scolaires de la France du xxie siècle ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quelle caricature !

Mme Françoise Cartron. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Louis Nègre. Mes chers collègues, vous connaissez la réponse : elle est malheureusement négative !

M. Yannick Bodin. Vous reconnaissez donc votre échec !

M. Louis Nègre. Le constat qui est fait, de la manière la plus officielle qui soit, par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale est alarmant.

Comme d’autres orateurs l’ont déjà signalé, pour l’année scolaire couvrant les années 2007 et 2008, en France métropolitaine, 7 % des élèves en moyenne étaient en situation d’absentéisme scolaire ou de décrochage, tous types d’établissements du second degré confondus ! Je rappelle que l’absentéisme est déclaré à partir de quatre demi-journées d’absence non justifiées par mois.

Mais personne n’a précisé l’effectif que représentent ces 7 %... Mes chers collègues, nous ne parlons pas de quelques centaines, quelques milliers ou quelques dizaines de milliers d’élèves. Ce sont aujourd’hui 300 000 élèves qui sont concernés par l’absentéisme dans nos établissements scolaires. Voilà qui est considérable ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Yannick Bodin. Envoyez l’armée !

M. Louis Nègre. À cela, il faut ajouter, toujours selon cette même direction du ministère de l’éducation nationale, que seuls 34 % des élèves absentéistes au collège sont signalés. Cela signifie que les deux tiers des élèves réellement absents n’apparaissent pas dans les statistiques. Ces dernières minorent donc fortement l’intensité du phénomène, qui serait encore pire au lycée. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

MM. Claude Bérit-Débat et Yannick Bodin. Que fait le ministre ?

M. Louis Nègre. Dans l’excellent rapport publié par notre rapporteur, Jean-Claude Carle, apparaît une autre donnée, encore plus inquiétante. Elle concerne l’absentéisme lourd, c’est-à-dire les absences de plus de dix demi-journées sur un mois, qui, par rapport aux quatre années précédentes, a touché deux fois plus d’élèves au cours de la période scolaire allant de 2007 à 2008 !

Malgré les moyens considérables déployés à ce jour pour lutter contre cet absentéisme (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste), tant par l’éducation nationale que par les différents services sociaux, je constate que la situation ne s’améliore pas.

M. Yannick Bodin. Changeons de gouvernement !

M. Louis Nègre. Bien au contraire, comme nous venons de le voir, elle s’aggrave !

Ce bilan est donc inacceptable, car l’absentéisme, nous le savons tous, est le premier indicateur d’une situation de danger pour les enfants, situation qui peut les conduire, si l’on n’y prend garde, de la marginalisation à la délinquance.

M. Yannick Bodin. Les « classes dangereuses »…

M. Louis Nègre. La puissance publique que nous représentons ne peut rester inerte.

M. Yannick Bodin. Envoyez les CRS !

M. Louis Nègre. Il est de son devoir d’agir, monsieur le ministre, et je vous remercie de l’avoir fait.

Des textes antérieurs ont déjà tenté de lutter contre cette situation.

On peut notamment citer le décret-loi de 1938, la loi de 1946, l’ordonnance de 1959, le décret de 1966. Plus récemment, la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a créé le contrat de responsabilité parentale que, fort malheureusement, les conseils généraux n’ont pas mis en pratique, à l’exception, remarquée et remarquable, du conseil général des Alpes-Maritimes. (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)

Ce dernier, au 30 août 2010, a déjà signé 138 contrats de responsabilité parentale accompagnés de la création innovante d’une école départementale des parents, dont le travail se révèle particulièrement efficace. J’ai pourtant entendu une oratrice prétendre ici même que le contrat de responsabilité parentale était inapplicable… Mes chers collègues, seuls ceux qui ne veulent pas faire ne peuvent pas faire !

Pour avoir moi-même rencontré les familles en cause et passé une convention entre le conseil général et ma commune afin de créer une synergie faisant sens avec le conseil pour les droits et devoirs des familles institué au niveau communal, je peux, bien loin des discours idéologiques, théoriques, voire théologiques, que je viens d’entendre (Exclamations sur les travées du groupe socialiste),…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous savez de quoi vous parlez !

M. Claude Bérit-Débat. La théologie, c’est chez vous. Nous, nous sommes des laïcs !

M. Louis Nègre. … porter témoignage tant de l’utilité que de l’efficacité de ce dispositif supplémentaire d’aide aux parents.

Enfin, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a renforcé ces dispositions, en faisant du maire l’animateur et le coordonnateur de la prévention de la délinquance.

Cet arsenal de textes étant basé sur le volontarisme des uns et des autres, aucun des outils ainsi créés n’a été utilisé – c’est un euphémisme – à son juste niveau.

La situation est donc alarmante, malgré, je le répète, tous les moyens déployés depuis des années. Nous nous retrouvons avec des textes inopérants parce qu’ils sont, de fait, facultatifs. Concrètement, nous sommes en situation d’échec, alors même qu’il s’agit d’un problème crucial, l’avenir de nos enfants étant en cause.

L’objectif de la proposition de loi présentée à l’Assemblée nationale par Éric Ciotti est donc clairement de lutter contre ce fléau qu’est l’absentéisme scolaire, mais, cette fois-ci, avec la plus grande détermination. Il est en effet plus que temps de passer de la parole ou de textes non appliqués aux actes.

M. Jacques Mézard. Surtout après huit ans !

M. Louis Nègre. Le dispositif qui nous est proposé conjugue deux actions complémentaires. La lutte contre l’absentéisme scolaire s’appuie désormais sur un équilibre vertueux entre, d’un côté, l’accompagnement et le soutien des parents, et, de l’autre, l’effectivité de la sanction.

La démarche est fondée sur une riposte graduée et proportionnée pour alerter d’abord, accompagner toujours et malheureusement, si nécessaire, sanctionner les parents dont les enfants seraient absents à l’école de manière récurrente et non justifiée.

À chaque étape de la procédure, j’y insiste, un soutien sous forme d’accompagnement parental est proposé aux parents. Chers collègues de l’opposition, vous refusez de voir cette main tendue systématique. Elle permet pourtant d’aider, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, tous ceux qui sont prêts à faire l’effort nécessaire pour être à la hauteur des devoirs, et pas uniquement des droits, dont ils sont porteurs.

M. Claude Bérit-Débat. C’est martial !

M. Louis Nègre. En contrepartie, je le rappelle, la société leur permet de bénéficier du versement d’allocations familiales pour les aider dans leur mission de parents.

Aussi, il n’est pas anormal, illogique ou illégitime de suspendre le versement de ces allocations, lorsque, malgré les efforts considérables réalisés en faveur des parents, ces derniers ne font rien ou ignorent les avertissements successifs. Par sa fonction pédagogique, et non sécuritaire, cette proposition de loi renforcera le civisme de nos concitoyens, ce qui ne pourra qu’être bénéfique à l’intérêt général et au bon fonctionnement de notre société.

Contrairement à certaines interprétations alarmistes, tendancieuses, voire fausses, le dispositif, qui a pour objet primordial d’aider les parents à redevenir responsables de l’éducation de leurs enfants, est donc juste et nécessaire. En effet, nous constatons que, dans notre société, les individus ont trop tendance à fuir leurs responsabilités et à verser dans un assistanat indu. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. L’ordre moral !

M. Louis Nègre. La réalité du terrain, sur le plan national, confirme d’ailleurs qu’environ 90 % des parents réagissaient positivement après la suspension des allocations familiales,…

M. Yannick Bodin. Vous allez dépasser Le Pen ! Arrêtez !

M. Louis Nègre. … ce qui confirme les résultats de procédures similaires mises en place, notamment, au Royaume-Uni.

Ces résultats concrets prouvent mieux que tout discours théorique le bien-fondé des mesures proposées.

M. Yannick Bodin. Incroyable !

M. Louis Nègre. Ils rendent caducs les cris d’orfraie entendus de-ci de-là et les postures idéologiques et sectaires (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), qui, à ma connaissance, n’ont jamais permis jusqu’à ce jour de traiter le problème de l’absentéisme.

Mme Raymonde Le Texier. Cela suffit !

M. Louis Nègre. Dans l’intérêt des enfants, arrêtons les discours politiquement corrects ! Les Français n’attendent pas de nous que nous soyons bien-pensants ; ils veulent que nous soyons efficaces. Voilà notre philosophie !

Avec cette proposition de loi, combinée à la loi du 5 mars 2007, nous disposerons désormais de deux outils opérationnels pour diminuer enfin réellement l’absentéisme, ce qui est bien le but recherché, me semble-t-il, par tous.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai bien entendu ce texte, comme le groupe UMP. « Ne soyez pas naïfs », disait, je crois, un Premier ministre de gauche : il avait bien raison ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Ivan Renar. Et l’absentéisme au Sénat ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteure pour avis du budget de l’enseignement professionnel, je souhaite vous faire part de ma grande inquiétude concernant cette filière, qui connaît le plus fort taux d’absentéisme.

Le rapport sénatorial souligne l’existence d’une problématique spécifique au lycée professionnel. Sont avancées, à juste titre, la hiérarchisation néfaste des filières et une orientation souvent forcée par l’échec, stigmatisante et peu valorisante pour les élèves, ainsi que l’a déjà montré le rapport Machard en 2003.

Comme je m’associe à la volonté de faire de l’enseignement professionnel une voie d’excellence, je ne peux que m’interroger sur le contenu de la proposition de loi.

Ce texte vise à améliorer la lutte contre l’absentéisme scolaire, mais ne fait nulle part référence à l’école, et encore moins à la situation particulière de l’enseignement professionnel, pourtant le plus touché par ce phénomène.

Il n’y est question que de répression et de suppression des prestations sociales accordées aux familles, mesure qui touche proportionnellement davantage les familles les plus défavorisées, alors même que ce dispositif, parce qu’il n’apparaissait ni juridiquement fondé ni équitable, avait été supprimé par la loi du 2 janvier 2004.

La problématique de l’absentéisme est soulignée de façon récurrente par les acteurs du système éducatif. Les absences répétées constituent effectivement des facteurs aggravants d’un échec scolaire préjudiciable aux élèves, hypothéquant leur avenir.

Je m’inquiète de ne trouver dans ce texte aucune différenciation, aucune analyse des situations parfois difficiles des jeunes et de leur famille. Comment alors proposer des mesures adaptées et efficaces de lutte contre l’absentéisme ?

Monsieur le rapporteur, les absentéistes ne sont pas systématiquement dans la rue. D’après l’étude menée en 2007 par les inspecteurs de l’éducation nationale de l’académie de Créteil dans les lycées professionnels, cette filière est confrontée à un absentéisme régulier, touchant particulièrement les élèves exerçant une activité professionnelle, ou à un absentéisme forcé, pour les élèves subissant des situations plus ou moins graves.

Au final, tous s’accordent à dire que la définition de l’absentéisme par sa quantification, comme c’est le cas malheureusement dans cette proposition de loi, est réductrice.

Une multiplicité de facteurs peut expliquer, à différents niveaux, l’absentéisme des élèves.

Peut-on décemment penser que priver les familles des prestations sociales améliorera le « présentéisme » scolaire, alors que c’est surtout la très grande sensibilité des élèves aux conditions de vie dans la classe et dans le lycée qui impacte directement leur fréquentation scolaire ?

Beaucoup d’élèves sont orientés en lycée professionnel avec des difficultés scolaires et des lacunes non comblées au collège. Cette orientation, souvent imposée et vécue comme un échec supplémentaire, accentue leur démotivation. Jumelée à l’absence de projet personnel et professionnel, elle conduit à une lassitude à l’égard du système scolaire, amplifiée par des représentations erronées.

Le sens de l’école n’est plus perçu, ce qui entraîne le développement de l’absentéisme, pouvant aller jusqu’au décrochage et à la déscolarisation.

D’une façon générale, les problèmes d’orientation sont systématiquement cités dans les causes de la démotivation et du découragement.

C’est donc plutôt le levier d’un travail nécessaire de coopération et d’apprentissage des missions de l’école, et non celui de la sanction, qui doit être exploré avec les jeunes et leurs familles.

Par ailleurs, la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans, menée au pas de charge, a créé un bouleversement bien réel et suscité des inquiétudes. Le discours gouvernemental de revalorisation de la voie professionnelle est resté axé sur l’obtention du baccalauréat et la poursuite d’études en BTS.

Or, la transformation du BEP en certification intermédiaire, le risque d’une orientation excessive vers le CAP à l’issue de la troisième ainsi que la surdétermination du choix de diplôme ou de filière par le critère de l’éloignement géographique sont de véritables facteurs à risque pour la réussite des élèves.

C’est notre conception même de l’orientation qu’il faut remettre à plat pour accroître l’équité du système scolaire. Il convient notamment d’assurer la cohérence géographique des formations, l’articulation des programmes entre la certification intermédiaire et le baccalauréat, puis entre le baccalauréat et l’enseignement supérieur, ainsi que la réorientation possible d’une seconde professionnelle vers une autre.

Il est donc urgent de briser la fatalité de l’orientation par défaut. L’orientation ne doit pas seulement servir à la gestion des flux du marché du travail ; au contraire, elle doit être considérée comme un levier de développement et de réussite pour tous les élèves.

Les conseillers d’orientation psychologues sont précisément à même de prendre en charge l’adolescent dans sa globalité et de bâtir avec lui un projet personnalisé. C’est pourquoi il faut stopper leur mise en extinction, revoir à la hausse leur recrutement et confirmer leurs compétences en psychologie.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, fondée sur le cliché de mauvais élèves venant de mauvaises familles, avec de mauvais parents, cette proposition de loi est donc bien loin des enjeux que je viens d’évoquer. C’est pourquoi notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école est un symbole fort de la République. Aussi, tout ce qui aurait pour conséquence d’empêcher la réalisation de sa mission d’instruction mérite notre vigilance.

La soudaine amplification, depuis 2007, du phénomène de l’absentéisme scolaire, suppose donc l’attention de tous. Alors que, entre 2003 et 2007, le taux d’élèves considérés comme absentéistes dans le second degré oscillait entre 2 % et 6 %, il a atteint 7 % en 2007-2008.

Il convient dès lors de s’interroger sur les raisons de cette désaffection grandissante de l’institution scolaire chez nos jeunes. Et c’est bien là que le bât blesse ! Car loin de tenter de comprendre ce fait social dans sa complexité et de définir une politique globale et cohérente, cette proposition de loi consacre une vision simpliste et une dérive autoritariste par la mise en place d’un dispositif de sanction financière.

Suffirait-il alors simplement de culpabiliser et de pénaliser des familles déjà socialement défavorisées pour nombre d’entre elles pour susciter chez nos jeunes un sentiment d’adhésion à l’ordre scolaire ?

Bien au contraire ! L’absentéisme est un phénomène complexe auquel on ne peut répondre de façon honnête et efficace que par une solution à la fois éducative et sociale. Il ne s’explique pas uniquement par la démission des parents et la répression ne suffit pas à l’endiguer.

Cela a déjà été dit à de nombreuses reprises, la mesure prévue dans le texte est à la fois injuste, stigmatisante et inefficace.

Elle est, tout d’abord, injuste.

L’éducation est en effet la cible d’attaques récurrentes : suppression massive de postes, démantèlement des dispositifs d’aide aux élèves en difficultés, ghettoïsation de l’éducation prioritaire par l’exfiltration des meilleurs éléments plutôt que par la réussite collective.

Comment s’étonner, dans ces conditions, du développement de l’absentéisme, du décrochage, ou même de la résurgence des violences scolaires ?

Par ailleurs, la mesure prévue est contraire à la vocation première des prestations familiales, dont l’objet est de compenser pour partie le coût de l’entretien d’un enfant. Or, cela paraît évident, ce coût reste le même quelle que soit l’assiduité scolaire.

Sur un plan financier, elle prévoit même une double peine pour certaines familles. Non seulement les allocations sont suspendues, voire supprimées, mais, en plus, le montant de l’allocation suspendue continue d’être pris en compte, au titre des revenus, dans le calcul des droits au RSA, le revenu de solidarité active.

Cette mesure est, ensuite, stigmatisante.

Face à un problème social, elle désigne des responsables-coupables : les mauvais parents de certaines familles, disiez-vous, monsieur le ministre, les démissionnaires.

Elle stigmatise aussi par l’amalgame qui est fait avec les violences scolaires et l’insécurité, alors que le lien entre violence et absentéisme n’est pas établi.

Elle est, enfin, inefficace.

La pénalisation des parents ne résout pas le problème de l’absentéisme. Plusieurs expériences réalisées à l’étranger ont mis en avant l’absence de corrélation entre sanction des parents et diminution du taux d’absentéisme. Ainsi, en Grande-Bretagne, alors que le nombre de parents emprisonnés augmentait de 62 % entre 2002 et 2007, le taux d’absentéisme est passé de 0,7 % à 1 %.

Une telle mesure coercitive arrive bien trop tardivement : une sanction financière ne saurait rétablir une autorité parentale en faillite. Le nouveau dispositif pourrait, en revanche, exacerber les tensions intrafamiliales.

Soyons objectifs, dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le Gouvernement fait un choix économique : il opte pour une mesure rentable plutôt que de s’attaquer au cœur du problème. M. Ciotti nous propose donc ici une amende déguisée.

Agitation, communication et inflation législative n’ont jamais permis de construire les bases d’une société durable. L’absentéisme scolaire mérite, à l’opposé, une politique globale intégrant des solutions tant éducatives que sociales. Il est avant tout une responsabilité de l’éducation nationale et un révélateur de l’inadaptation de notre système scolaire.

Il convient d’appréhender cette question, tout comme celle du décrochage scolaire, dans le cadre d’une refonte du système éducatif. Celui-ci doit défendre une approche plus inclusive, plus ouverte, avec un suivi personnalisé, afin d’amener le plus grand nombre d’élèves à la réussite, en y impliquant le plus d’acteurs possible, y compris les parents.

Or cette proposition de loi est une non-réponse éducative !

Les élèves ont besoin d’espoir. Le système doit leur redonner confiance. Nous devons donc défendre une approche positive. Pour cela, il faut nous interroger sur l’équité du système, questionner notre pédagogie et revoir notre système d’orientation. Car l’absentéisme est révélateur des inégalités du système éducatif.

En France, l’impact du milieu d’origine sur les résultats scolaires est deux fois plus élevé que dans les pays de l’OCDE les plus performants. L’étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale ainsi que le rapport des membres socialistes de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication le soulignent fort bien.

La concentration des difficultés est l’un des problèmes majeurs de notre système. Une minorité d’établissements est confrontée à des difficultés sans commune mesure avec celles de l’ensemble du système : l’absentéisme récurrent est supérieur à 20 % dans les 10 % des établissements les plus en difficulté ; en France, Françoise Cartron l’a rappelé, seuls 45 % des élèves se sentent à leur place en classe, contre 81 %, en moyenne, dans les pays de l’OCDE.

Une orientation subie ou vécue comme un échec par l’élève peut être le premier facteur d’absentéisme. L’orientation ne peut se fonder sur le seul constat de difficultés. Elle doit faire l’objet d’une évaluation des aptitudes et des intérêts de chaque élève afin de définir un projet partagé par lui et ses parents. En ce sens, l’enseignement professionnel mérite une attention particulière, dans la mesure où l’orientation s’y fait par défaut.

Un autre problème est à souligner : l’inadéquation entre les affectations des élèves et les filières proposées. On constate ainsi qu’un élève sur sept abandonne dans les premiers mois de l’année de CAP et un sur cinq en première année de bac professionnel.

Il faut une véritable préparation à l’orientation dès le collège afin d’insuffler aux équipes pédagogiques une logique de parcours, d’accompagnement de chaque élève dans ses choix et d’assurer un véritable suivi. Or la présence d’adultes se fait de plus en plus rare. Outre les enseignants, les conseillers principaux d’éducation, pivots de la lutte contre l’absentéisme avec les emplois de vie scolaire, ont vu leur nombre diminuer : 700 en 2010, contre 5 000 en 2004.

De plus, il importe que l’orientation ne soit jamais « bloquante ». Des passerelles doivent être possibles à chaque étape scolaire afin de faciliter les changements de voies.

L’absentéisme peut aussi être le signe d’un mal-être de l’élève ou le révélateur de souffrances d’origine personnelle ou familiale. Mme Cartron l’a montré tout à l’heure avec brio.

Certes, me direz-vous, monsieur le ministre, il existe déjà diverses mesures. Vous nous avez rappelé tout l’arsenal existant, qui semble tout à fait satisfaisant. Je me pose donc moi aussi la question : à quoi sert cette proposition de loi ?

Reste que ces dispositifs sont difficilement généralisables. La raison en est simple : c’est une question d’argent. Le budget de la politique de la ville, par exemple, qui rassemble pourtant tous les partenaires, dont les parents, autour de ces difficultés sociales et scolaires, voit ses crédits diminuer.

Vous avez également évoqué au début de votre intervention les internats d’excellence. Je viens d’avoir connaissance de l’ouverture de l’un d’eux dans un collège où, pour pouvoir assurer la prise en charge de seize élèves, on a retiré les personnels qui assuraient les aides aux devoirs du soir pour l’ensemble des collégiens, soit 383 élèves. En fait, on a déshabillé Pierre pour habiller Paul !

Il en va de même avec les auxiliaires de vie scolaire. On a retiré un certain nombre d’entre eux qui travaillaient en unités pédagogiques d’intégration pour les mettre en primaire quinze jours après la rentrée, car il en manquait cruellement.

L’organisation du rythme scolaire que vous avez mise en place autour d’une pratique culturelle ou sportive n’est qu’un aménagement de l’emploi du temps. Les élèves ont exactement les mêmes horaires et le même programme. Toutes ces expérimentations sont juste une caution pour la pénurie générale. Dans certains cas, elles se font au détriment de la globalité des élèves, sans oublier qu’elles coûtent fort cher.

Pourquoi ne pas mettre en place une politique de prévention précoce des difficultés ? Assurer la formation de nos jeunes est un investissement nécessaire pour l’avenir de notre pays.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, une telle politique, à la fois éducative et sociale, contribuerait surtout à renforcer les liens de solidarité qui manquent tant à notre pacte social. Elle offrirait à ces jeunes un peu désespérés la place qu’ils méritent dans ce cheminement commun qu’est la construction de la société française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, vous apportez une mauvaise réponse à un vrai problème.

M. Jacques Mézard. L’absentéisme est toujours la conséquence d’un dysfonctionnement personnel ou collectif, ou plus généralement des deux, d’une absence de prospective par rapport à l’évolution de la société. Or, mes chers collègues, ce problème existe dans toutes les activités humaines, y compris politiques, puis-je dire en regardant l’hémicycle de notre respectable assemblée…

M. Jacques Mézard. En fait, on passe de l’absentéisme scolaire à la déscolarisation. Ce processus est particulièrement lourd de conséquences, car il obère gravement le déroulement du cursus de l’enfant, puis de l’adulte, dont la vie familiale et l’intégration dans la société seront le plus souvent très perturbées avec des effets néfastes sur la société elle-même.

Notre République s’est forgée en faisant de l’instruction un axe fondateur, le plus en adéquation avec sa devise, l’instrument du progrès humain, du progrès social.

Les hussards noirs de la République, l’arrivée à des postes de responsabilité d’enfants issus de milieux modestes, l’ascenseur social ne sauraient évoquer que des souvenirs. Tout cela constitue toujours le socle d’une action politique moderne.

Oui, nous sentons tous aujourd’hui que l’école de la République est fragilisée, que l’instruction a tendance à s’installer dans un système à deux ou à trois vitesses selon l’origine des parents, leurs ressources financières, leur lieu de résidence ! La progression de l’absentéisme scolaire est une réalité qui en découle directement, qui est la résultante des échecs en matière d’urbanisme, de mixité sociale, de politique de l’enseignement, d’accompagnement familial.

Mme Françoise Cartron. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Familles monoparentales, nouvelles techniques de communication : l’évolution de la société n’a jamais été aussi rapide et le pouvoir politique n’a jamais eu autant de difficultés à l’anticiper, à l’assumer, voire à l’encadrer, dans le bon sens du terme. De tels textes n’intègrent pas, par exemple, le fait que nombre des élèves concernés sont majeurs.

M. Jacques Mézard. D’ailleurs, ce qui caractérise la réponse des pouvoirs publics à l’absentéisme scolaire ces dernières années, ce sont l’impuissance, la contradiction et, pour finir, l’utilisation du traitement médiatique, dont les effets ne seront guère meilleurs que l’homéopathie, l’effet placebo en moins … (Sourires sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous faites le procès des familles au lieu de faire celui d’une politique qui a échoué.

Lorsque l’on examine la situation de l’absentéisme scolaire, ce qui saute aux yeux, c’est la différence entre les filières d’enseignement et entre les territoires. Le taux d’absentéisme est considérablement plus élevé dans les lycées professionnels. Nous en connaissons tous les raisons : les difficultés des enseignants face à une concentration d’élèves en échec, l’image trop souvent négative de cette filière. C’est donc là qu’un effort spécifique doit être mené.

Le constat est d’autant plus difficile à réaliser que, comme M. le rapporteur le note lui-même, seuls 34 % des élèves absentéistes au collège sont signalés au motif que les « chefs d’établissement préfèrent sans doute une gestion au plus près du problème, sans intervention systématique de l’échelon administratif supérieur ». Est-ce bien raisonnable ?

Mettre en place des mesures à usage de communication médiatique ne saurait constituer une réponse appropriée au problème.

M. Jacques Mézard. Tout d’abord, quelle est la législation en vigueur ? Celle-ci est-elle correctement utilisée ou tout simplement utilisée ?

L’article L. 131-1 du code de l’éducation, que nous connaissons tous, pose un principe clair : « L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ». L’article L. 131-8, pour sa part, définit les obligations découlant de ce principe pour les responsables des enfants, dont la déclaration des motifs de l’absence.

C’est la suite qui pose problème. Nous savons que des incriminations pénales sanctionnent les manquements à l’obligation scolaire. En fait, ces textes ne sont aucunement appliqués, comme tant d’autres d’ailleurs, ce qui démontre au passage l’inanité absolue de l’avalanche de lois sécuritaires.

On ne peut faire abstraction de l’historique de ces six dernières années. Jusqu’en 2004, les parents d’enfants absentéistes pouvaient voir le versement de leurs allocations familiales suspendu. Cette procédure administrative, qui se déroulait sous le contrôle de l’inspecteur d’académie, était difficile à appliquer, des certificats médicaux ne facilitant pas forcément les choses. Reste qu’elle a tout de même concerné plusieurs milliers de cas, comme le rappelle l’auteur de la proposition de loi, puisque, la dernière année du gouvernement Jospin, plus de 7 000 suspensions ont été réalisées.

En 2004, l’article 3 de la loi relative à l’accueil et à la protection de l’enfance a abrogé le dispositif administratif de suppression des prestations familiales pour absentéisme. À l’époque, la commission des affaires sociales du Sénat n’était pas hostile « à l’abandon d’une mesure dont la pratique a montré le caractère inéquitable, la faible utilisation et l’efficacité douteuse ».

C’est ce dispositif vilipendé en 2004 que vous voulez rétablir aujourd’hui ! (Exclamations et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.) Je cite la commission de la culture : « Il convenait donc de ne pas se priver de cet instrument ». C’est une autre commission, mais la même majorité, me semble-t-il …

M. Jacques Mézard. Non, mon cher collègue, j’ai lu les conclusions de nos deux commissions !

En 2006, à l’occasion de l’examen du projet de loi pour l’égalité des chances, cette sanction a été réintroduite dans le cadre plus global du contrat de responsabilité parentale sous l’autorité des présidents de conseils généraux, sans résultat réel sur le terrain, sauf dans les Alpes-Maritimes, département exemplaire à tant d’égards, où M. le député Ciotti fête les cent cinquante ans du retour dans la nation avec un feu d’artifice de lois sécuritaires, dont celle-ci.

M. Jacques Mézard. En réalité, ce texte constitue une volte-face par rapport aux lois de 2004 et 2006 qui émanent pourtant de la même majorité. Ses auteurs saisissent là l’occasion de faire le procès des conseils généraux qui n’appliqueraient pas la loi de 2006 pour, je cite M. Ciotti, « des raisons dogmatiques et idéologiques », alors que les départements ne peuvent ni ne doivent se substituer à l’État et pallier ses carences !

M. Jacques Mézard. Davantage de péréquation des Hauts-de-Seine, voire des Alpes-Maritimes, vers les départements où sont concentrés les problèmes serait plus efficace ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Cette nouvelle proposition de loi a une vocation médiatique sécuritaire qui s’inscrit dans la droite ligne politique de son auteur. Sur le terrain, elle aura l’effet d’un cautère sur une jambe de bois, par sa lourdeur administrative, l’insuffisance des moyens humains d’accompagnement dans les secteurs difficiles, l’accentuation de la marginalisation des familles en difficulté, au lieu de cibler l’action sur les filières et les territoires les plus fragilisés.

L’auteur de la proposition de loi, qui est aussi son rapporteur devant l’Assemblée nationale, citait Victor Hugo. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Colette Giudicelli. Il n’a pas le droit ?

M. Jacques Mézard. Si, et il a bien raison de le citer ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Je l’ai cité plusieurs fois avant vous !

M. Jacques Mézard. Mesdames, messieurs les membres du groupe UMP, cela ne vous fait pas plaisir, je le sais, mais c’est la réalité : « Celui qui ouvre une école ferme une prison ». Or, aujourd’hui, le Gouvernement, dans nombre de départements, ferme les deux !

M. Jacques Mézard. Vous l’aurez compris, pour toutes ces raisons, la grande majorité de notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Raymonde Le Texier. Nous avons surtout compris que, par ce texte, il s’agit non pas d’être efficace, mais de faire gagner des voix à la majorité !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire vise à s’attaquer à un fléau aboutissant au décrochage scolaire dont les conséquences sont désastreuses pour l’enfant, comme pour la société. Réduite à une sanction à l’encontre des parents, elle me serait apparue personnellement insupportable. Je suis en effet membre de la commission des affaires sociales de notre assemblée, et responsable de la solidarité dans mon département depuis vingt ans.

Je souhaiterais soumettre à de plus amples exigences les concepts mobilisés ici : « responsabilisation des parents », « accompagnement et aide à la parentalité », « sanctions ». Je tenterai, au-delà de la proposition relative à l’école des parents, de présenter des pistes, qui n’entraîneront pas de dépenses supplémentaires, monsieur le ministre, et qui sont habituellement utilisées par les collectivités locales.

Dans le décret-loi du 12 novembre 1938, l’ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 et le décret n° 66-104 du 18 février 1966, le droit aux prestations s’accompagne de devoirs ayant pour finalité l’intérêt supérieur de l’enfant. La loi du 31 mars 2006 relative à l’égalité des chances a mis en place un contrat de responsabilité parentale assorti d’une simple faculté de suspendre et de supprimer les allocations familiales dont le champ d’application est plus large que le seul absentéisme scolaire.

Il convient de rappeler certains constats même si nombreux sont ceux qui les ont déjà évoqués. Pour l’année 2007-2008, en moyenne 7 % des élèves étaient en situation d’absentéisme. Ce taux s’élève à 12,6 % en lycée professionnel. Il ne saurait être question d’évoquer ici toutes les causes de cet absentéisme. Néanmoins, j’aimerais insister sur ce que l’on appelle le « refus scolaire anxieux », qui ne peut être assimilé à un caprice.

Je ne soutiens pas l’indulgence à l’égard de l’absentéisme, je prône l’alliance du soin et de l’école. L’approche clinique ne signifie pas adhésion à la déresponsabilisation sous couvert du soin au sens large. À l’époque de Jules Ferry, ne pas aller en classe, c’était faire l’école buissonnière. Aujourd’hui, on évoque plus volontiers le concept de phobie scolaire. L’absentéisme grave, qui correspond à plus de dix demi-journées d’absence par mois, concernerait 1 % des élèves. Ce chiffre est très important.

La traditionnelle phobie scolaire concerne certaines tranches d’âge, les 5-6 ans, les 10-11 ans et les 14-15 ans, sans différence socio-économique ; il importe de le souligner. L’absentéisme sporadique se répète. Ces enfants connaissent de véritables moments de panique, ressentent des douleurs, se sentent menacés, émettent des plaintes répétées, fuguent parfois, mais durant la semaine uniquement. Tout cela disparaît le dimanche.

Je me permets de faire ces descriptions dans le but de refuser les solutions simplistes et brutales qui sont inopérantes.

Les situations psychopathologiques méritent d’être évoquées pour envisager des stratégies adaptées. Or, la suspension des prestations familiales ne relève pas du soin, même si nous refusons le laxisme. Il s’agit d’un choix qui sera susceptible d’influer sur la modification des comportements.

Nous sommes face à des enfants souffrant, pour les cas graves, de divers troubles : déficit de l’attention, hyperactivité, troubles oppositionnels avec provocation, troubles du comportement alimentaire. Sans vouloir les stigmatiser, les obèses sont plus absents que les autres enfants.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Louis Lorrain. Ces enfants souffrent également de troubles du sommeil, qui sont aussi un facteur d’absentéisme et qui sont facilités par la télévision.

Il découle de ces troubles notables du comportement des fugues, des vols, parfois des agressions.

La responsabilité parentale est au cœur du débat. L’octroi d’allocations familiales peut être le corollaire de l’exercice de l’autorité parentale. Aux droits correspondent des devoirs, notamment celui d’être attentif à l’éducation des enfants. Mais l’autorité parentale, invoquée très fortement dans la lutte contre l’absentéisme, doit être mieux définie.

Face à la dislocation ou la recomposition difficile des familles du fait de divorces, de violences familiales, de l’éloignement des parents, à la diversité des cultures et des origines, des incompréhensions naissent, au-delà de celles qui sont imputables à la langue. Mais il faut aussi s’interroger, dans ces situations, sur la possibilité d’expression de cette autorité parentale. En effet, 30 % de femmes chefs de famille monoparentale vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Mme Françoise Cartron et M. Roland Courteau. Eh oui !

M. Jean-Louis Lorrain. On ne peut évoquer le soutien à la parentalité de façon aussi étroite, comme nous le faisons au quotidien. Des dispositifs d’alerte des parents sont déjà expérimentés. Il y a ainsi dans certains collèges des contrôles de présence plusieurs fois par jour, qui existaient déjà lorsque j’ai commis un travail sur les violences scolaires voilà une dizaine d’années. Sans doute faut-il intensifier ces initiatives. De même, les groupes de parole dont la création est préconisée ici existent d’ores et déjà. Il n’y a d’ailleurs pas de quoi se gargariser, tant leurs moyens sont limités.

La question est de savoir s’il faut aller dans le sens d’une augmentation quantitative ou s’il faut au contraire travailler tout autrement. De nombreux collèges ouvrent aujourd’hui leurs portes et présentent leurs projets d’établissement. Le nier serait faire injure aux chefs d’établissement. Malheureusement, cela n’a pas toujours le succès escompté, car nos concitoyens ne s’y intéressent guère.

Les postures couvrant le vocable d’aide à la parentalité sont des réponses, mais elles ne sont pas suffisantes.

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Jean-Louis Lorrain. Si les solutions structurelles présentent un intérêt réel, elles sont coûteuses. L’accompagnement des familles, en relation avec l’ensemble des partenaires de proximité, est une pratique courante dans le domaine social. Il serait possible de s’inspirer des dispositifs de proximologie entourant les personnes âgées et les familles en état de souffrance.

L’école des parents, réponse structurelle qui se matérialise – je salue l’initiative de notre collègue des Alpes-Maritimes –, c’est tout de même un coût de 3 000 euros pour assurer le suivi des parents pendant six mois. Un million d’euros est donc nécessaire au budget annuel de l’école des parents de Nice. L’expérimentation a ceci de profitable qu’elle provoque le débat. Cependant, il est certain que cette solution n’est pas accessible à tous les départements.

Nous sommes très soucieux du suivi de la mesure, qui nécessite une compétence psychosociale. Le dépistage de l’absentéisme en établissement entre dans les pratiques. La relation entre l’inspection d’académie et la CAF pour appliquer la suspension puis la suppression et la réintégration me paraît réaliste. L’accompagnement des familles, en liaison avec les associations, est indispensable mais sans doute insuffisant. Le concept d’école des parents est connu depuis plus de trente ans dans les régions de l’Est et sans doute aussi dans le reste de la France, certes sous des formes différentes.

Il me paraît important de mobiliser les lieux d’écoute et les divers réseaux d’aide à la parentalité. Cependant, nous ne pouvons pas nous réfugier derrière ces outils. Nous devons également nous montrer pragmatiques, en particulier dans les conseils généraux. Il est vrai que les moyens manquent. Mais la coordination fait aussi défaut et limite nos moyens d’action.

La création esquissée d’une fonction de médiateur nécessiterait un approfondissement de la définition des missions et des moyens alloués. Rappelons que cela a déjà été esquissé par les schémas départementaux de protection de l’enfance. Ce sont également des éléments connus dans le secteur médico-social.

M. Jean-Louis Lorrain. La lutte contre l’absentéisme, les violences scolaires et la maltraitance d’enfants relèvent d’une même logique, d’une méthodologie d’accompagnement et de suivi des proches, qui doit être proposée aux acteurs institutionnels et associatifs, dans un souci d’optimisation des dispositifs existants et de mutualisation des compétences.

Si vous me permettez cette audace, monsieur le ministre, j’aimerais suggérer d’utiliser une structure existante, les maisons départementales des adolescents, ou MDA. Ces groupements d’intérêt public spécifiques sont environ une cinquantaine en France, répartis sur l’ensemble du territoire. De par leur financement, les MDA sont au carrefour de l’éducation nationale, des collectivités locales, des agences régionales de santé et des hôpitaux.

Les MDA participent à la politique de santé de la ville, en liaison notamment avec les associations familiales et les associations de prévention et de lutte contre la toxicomanie. Ce sont en outre des lieux d’écoute, parfaitement accessibles du fait du réseau qu’elles constituent. Les consultations y sont encadrées par des psychologues, des pédopsychiatres, des infirmiers. Elles présentent, enfin, l’intérêt d’être un guichet unique, d’accès facile pour les familles et les jeunes en période de prérupture mis en difficulté par un contexte familial défaillant, voire hostile.

L’assistante sociale scolaire est présente au sein de la MDA et pourrait ainsi faire le lien avec l’établissement assurant le signalement. L’équipe de la MDA pourrait assurer le suivi du respect du contrat de responsabilité parentale.

En tant que président d’une MDA, mais ce n’est pas un plaidoyer pro domo, je précise que nous sommes prêts, monsieur le ministre, à assurer l’application de ce texte visant à lutter contre l’absentéisme. Dans mon département, comme dans de nombreux autres, un lycée professionnel compte 80 absents par jour sur 600 élèves, malgré les efforts des acteurs éducatifs.

Je plaide pour un nouveau code de la parentalité qui confie l’autorité à d’autres membres de la famille, parfois plus proches affectivement et économiquement que certains géniteurs et donnant plus d’autonomie aux jeunes, avec les responsabilités qui en résultent. Je soutiendrai le suivi et l’accompagnement dans la lutte contre l’absentéisme afin que puissent être utilisés tous les outils, notamment celui qui est proposé aujourd’hui, lequel présente l’avantage d’être progressif et stimule l’autorité parentale et la responsabilité.

Avec les violences scolaires, l’absentéisme n’est qu’un symptôme, mais combien révélateur, de l’importance de l’engagement de tous en faveur de l’éducation.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Je conclus, madame la présidente.

Aller à l’école est un devoir. M. le Président de la République nous a indiqué, à midi, combien il aurait aimé, s’il en avait eu la possibilité, défendre lui-même ce texte. Malheureusement, ce n’est pas possible (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Françoise Cartron et M. Yannick Bodin. C’est dommage !

M. Jean-Louis Lorrain. … et nous y suppléons humblement, par une argumentation solide.

Je souhaite vivement que les travailleurs sociaux, qui me sont chers, adhèrent à la réflexion que nous essayons de mener sans écouter les caricatures, et ce dans le respect de leurs pratiques.

Le droit à l’éducation est un bien, le refuser par négligence est une faute citoyenne ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la délinquance des jeunes, toutes les institutions concernées par l’éducation des enfants et des adolescents se trouvent remises en cause.

Inéluctablement, l’éducation, l’autorité des parents sont convoquées. Certes, l’école est l’un des principaux lieux où se détecte la délinquance, en même temps qu’elle peut être un puissant levier d’action. Mais l’idée d’une mise sous tutelle des prestations familiales en cas de refus manifeste des parents d’assumer leurs responsabilités en matière d’assiduité scolaire doit être examinée prudemment.

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Serge Lagauche. Il faut éviter la rupture du lien entre l’école, les parents et les élèves, car les mesures financières visant à sanctionner les parents concernés par l’absentéisme scolaire ne peuvent que renforcer l’isolement et la fragilité de ces familles.

Les tensions suscitées risquent de s’exprimer dans de nouvelles formes de rupture et de transgression. Or le basculement de l’absentéisme scolaire dans la délinquance n’est en rien systématique. Celle-ci ne saurait, quoi qu’il en soit, épuiser les politiques qui doivent être menées en direction des familles.

De fait, la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance a abrogé le dispositif de suspension ou de suppression des prestations familiales en cas d’absentéisme. Lors des débats de l’époque, votre majorité estimait avec raison que « son application pouvait se révéler impossible, inefficace ou inéquitable », ce qui a déjà été rappelé à plusieurs reprises.

Plus important encore, cette loi prévoyait l’organisation d’un processus de suivi en cas d’absentéisme : réactivité des établissements, dialogue avec les familles et soutien aux parents qui se sentent démunis. Le décret d’application du 19 février 2004 donnait même la possibilité à l’inspecteur d’académie de proposer un module de soutien à la responsabilité parentale et demandait qu’une commission de suivi de l’assiduité scolaire, regroupant tous les partenaires concernés au niveau local, soit instituée dans chaque département.

Las, de telles dispositions ont fait long feu ! À peine annoncés, et c’est fort regrettable, les modules de soutien et les commissions départementales ont été supprimés avec la mise en place du contrat de responsabilité parentale, qui a connu un succès pour le moins mitigé : vous l’avez reconnu vous-même, monsieur le ministre, il ne fonctionne pas.

Pourquoi ? Il ne s’agit pas de logique partisane, vous le savez bien. De toute évidence, cette mesure se heurte aux réticences clairement exprimées par les conseils généraux, qui considèrent qu’elle va à l’encontre de la confiance à établir dans la démarche d’accompagnement des familles.

En réalité, une seule institution peut légitimement imposer une sanction telle que la suspension ou la suppression des allocations familiales : il s’agit de la justice.

Lorsque les fonctions parentales ne sont plus remplies, risquant d’engendrer des conséquences graves sur les enfants mais également pour autrui, il est du devoir de l’État de redonner un sens à l’autorité de l’adulte. Il revient dès lors au tribunal pour enfants – et à lui seul – d’édicter un rappel à la loi dans le cadre de la protection de l’enfance en danger.

Il sera d’autant plus efficace qu’il sera doublé de la mise en place d’un accompagnement éducatif très intense, au sein duquel une sanction telle que la mise sous tutelle, voire la suspension provisoire des allocations familiales, pourra trouver tout son sens.

Plutôt que d’adresser des messages négatifs aux familles les plus en difficulté, il nous faut rechercher, selon l’esprit de la loi de 2004, les moyens de contribuer à l’étayage de l’estime de soi des parents, des élèves,…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Serge Lagauche. … au travers d’une stratégie de dialogue et de coresponsabilité pour favoriser l’assiduité.

Il appartient à chaque établissement de conduire une réflexion en interne sur les causes de l’absentéisme, et d’en dégager une typologie afin de mettre en place des stratégies adaptées.

Il est apparu qu’un certain nombre de mesures déjà expérimentées sont de nature à réduire efficacement l’absentéisme. Il s’agit en particulier des mesures portant sur les rythmes scolaires, sur l’organisation de la vie scolaire ou visant à renforcer le dialogue entre les élèves et les adultes de la communauté éducative, entre les parents et l’établissement, ou encore par des approches pédagogiques différenciées visant à accroître la motivation des élèves en les aidant à percevoir le sens des apprentissages. Il convient de les généraliser.

Une attention particulière doit être portée à l’équilibre de l’emploi du temps des élèves, qui améliore les conditions de travail scolaire et concourt de fait à une meilleure assiduité. L’accent peut aussi être mis sur l’aménagement et l’animation des lieux de travail. Il s’agit de faire des établissements scolaires des lieux de vie attractifs, permettant de développer à la fois l’autonomie des individus et la cohésion sociale.

On voit dès lors l’intérêt de soutenir et de développer prioritairement des actions d’apprentissage de la citoyenneté et des règles de vie en société dans les établissements scolaires.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Serge Lagauche. Elles seront d’autant plus efficaces qu’elles prendront place non seulement dans une démarche pensée sur la durée de l’année scolaire, mais également dans un plan d’actions intégré et adapté à chaque âge, de la maternelle au lycée.

Ces actions doivent être contractuelles et figurer dans le projet d’établissement : à cet égard, il est important d’y associer étroitement les élèves et les parents d’élèves. Il convient de s’assurer de leur participation à l’élaboration et à la compréhension du règlement intérieur, à la définition des règles de vie collective.

Enfin, une attention particulière doit être portée à la prévention de la rupture scolaire des élèves les plus fragiles en développant, au sein du système éducatif, les meilleures conditions possibles d’apprentissage afin de leur permettre de sortir avec une orientation positive. On veillera aussi à éviter les ruptures pédagogiques entre l’école maternelle, l’école élémentaire et le collège.

Toutefois, pour lutter efficacement contre l’absentéisme scolaire, il convient également d’en examiner les causes sociales. En réalité, l’absentéisme scolaire questionne les fondements mêmes de notre pacte républicain : nombre d’enfants et de parents doutent de l’intérêt de l’école, s’en méfient, voire la rejettent.

Car la première des injustices en France est celle du chômage. Jamais la précarité, l’exclusion, qui touchent d’abord les individus les plus fragilisés, n’ont été si importantes. Cette situation a des effets dévastateurs, en termes de cohésion sociale ou d’insertion et d’intégration.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Serge Lagauche. La société adresse en effet un message destructeur à un quart de ses jeunes, au chômage : elle n’a pas de place pour eux.

Face à la paralysie inquiétante de notre mobilité sociale, à la multiplication des discriminations et donc des inégalités dans l’accès au travail, aux responsabilités, quelles réponses l’école apporte-t-elle ? Loin de corriger les inégalités, elle semble participer de cette logique de « destins », où les plus modestes socialement sont aussi les plus en échec. Comment ne pas douter que l’absentéisme scolaire participe d’un sentiment de résignation ou de contestation violente ?

M. Serge Lagauche. Méfiance et rejet envers l’école sont particulièrement forts dans les populations les moins favorisées.

Aussi, plutôt que d’adopter des principes égalitaristes, nous devons concentrer les moyens sur les publics les plus en difficulté. Il faut recourir à des mesures concrètes d’équité en faisant plus pour ceux qui ont moins : donner plus de capital public à ceux qui ont moins de capital personnel.

M. Roland Courteau. Écoutez, monsieur le ministre !

M. Serge Lagauche. Je ne citerai que quelques-unes des mesures les plus urgentes à prendre : la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les zones défavorisées ; la réforme des ZEP, les zones d’éducation prioritaires, qui devraient être beaucoup moins nombreuses, mais dotées de moyens réellement significatifs – elles doivent être recentrées sur les quartiers les plus difficiles et permettre, notamment, une diminution réelle des effectifs de classe – ; la concentration des moyens de soutien sur les élèves en difficulté et dédiés au rattrapage des enfants en difficulté d’apprentissage, en multipliant en particulier les classes relais pour les élèves décrocheurs ; le renforcement du rôle des associations et des collectivités locales assurant l’aide aux devoirs ou développant des activités culturelles et sportives.

M. Roland Courteau. Excellentes propositions !

M. Serge Lagauche. Permettez-moi de conclure sur les actions en faveur de l’aide à la parentalité. On sait qu’elles ont plus de mal à fédérer les familles où les enfants sont collégiens que celles où ils sont des élèves du primaire. La « mallette des parents » est certes généralisée sur l’ensemble du territoire, mais elle arrive trop tard dans la scolarité ! Les actions de formation et d’information à destination des enseignants et des parents, le développement de liens directs entre les écoles primaires, les parents, le tissu associatif et les collectivités locales doivent être mis en place dès les petites classes.

Parallèlement, il faut encourager le développement des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, les REAAP, ou des « maisons des parents ».

Bien évidemment, on ne peut que souhaiter voir se multiplier les démarches visant à offrir des cours aux parents qui ne savent ni lire ni écrire ou simplement maîtrisent mal la langue française, ce qui les met en grande difficulté pour suivre le développement de leur enfant.

Plus largement, des réponses sociales individualisées et moins uniformes doivent être apportées aux familles. Il est nécessaire de prendre en considération les nouveaux modes de vie et l’individualisation croissante des parcours personnels. La modulation et la personnalisation des prestations sociales permettraient de prendre en compte la monoparentalité, les familles recomposées ainsi que les nouvelles formes d’union civile.

Face à l’absentéisme scolaire, aucune réponse à elle seule, aucune institution, ne pourra être efficace. Il faut une démarche mobilisant différentes énergies et s’inscrivant dans la durée, ce qui suppose un minimum de consensus.

L’État, la communauté éducative, les élus locaux et les associations gagneraient à se mettre autour d’une table pour élaborer, loin des postures sécuritaires, une vraie stratégie de lutte contre l’absentéisme scolaire.

Elle pourrait être contractualisée dans chaque académie, par un état des lieux des actions réalisées en mobilisant les REAAP, les maisons des parents, les écoles, les collèges et les collectivités.

Cet état des lieux permettrait de construire un plan d’actions collectives « relation écoles-collèges-familles » sur la base d’un cahier des charges s’inspirant des bonnes pratiques, qui serait décliné dans tous les établissements, en commençant par ceux qui sont situés en zone prioritaire.

Il constituerait un signal fort non pas de lutte contre l’absentéisme et l’échec scolaire, mais de promotion de l’assiduité et de la réussite de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, presque tout a été dit dans l’excellent rapport de notre collègue Jean-Claude Carle, auquel je souscris entièrement.

Permettez-moi néanmoins de faire cinq observations.

Première observation : je souhaite approfondir la notion d’absentéisme scolaire, qui porte en elle une contradiction, ou à tout le moins une anomalie. En effet, l’école de la République est obligatoire, principe reconnu qui suppose par définition qu’aucune absence ne soit admise. Or si l’on se réfère à la loi du 28 mars 1882, toujours en vigueur sur ce point, une franchise, en quelque sorte, de quatre demi-journées d’absence par mois est tolérée, sans que les parents aient besoin de la justifier, et donc paradoxalement intégrée au principe de l’école obligatoire.

Cette disposition, héritée de la société rurale du XIXe siècle qui faisait participer les enfants aux travaux des champs, n’est, à l’évidence, plus adaptée à l’école d’aujourd’hui. Ces quatre demi-journées autorisées représentent tout de même quinze jours dans l’année et sortent donc d’emblée des statistiques officielles de l’absentéisme scolaire, dont la notion ne commence qu’à partir de ce seuil. On reconnaît ainsi que, malgré le principe de l’école obligatoire, l’élève a en quelque sorte le droit de faire deux semaines d’école buissonnière par an, ce qui est loin d’être négligeable. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.) L’absentéisme réel est donc bien plus important que les chiffres qui ont été évoqués tout au long de ce débat.

Par ailleurs, les enseignants n’ont pas forcément la même manière d’appréhender l’absentéisme. Certains le traquent avec rigueur, d’autres l’envisagent avec davantage de souplesse, aussi bien dans le décompte des heures d’absence que dans l’appréciation des justificatifs apportés par les parents. On ne peut exclure, dans certains cas d’élèves particulièrement récalcitrants, un relatif soulagement pour l’enseignant de constater l’absence d’un élément particulièrement perturbateur, soulagement le conduisant à fermer les yeux. (Mme Françoise Cartron proteste.) Cette disparité d’appréciation, et donc de sanctions, selon les établissements opacifie la notion et contribue à rendre très difficile la mise en place d’un dispositif général et uniformisé destiné à sanctionner ces absences.

De fait, il n’est pas aisé pour l’éducation nationale d’être totalement transparente en matière d’absentéisme. D’une part, parce que le phénomène signe un aveu d’échec ; d’autre part, parce que le signalement de l’absentéisme donnant lieu à des sanctions pour les familles n’est pas de nature à conforter les relations de dialogue et de confiance qui devraient naturellement unir parents et enseignants autour de l’enfant.

En conséquence, la notion d’absentéisme scolaire est aussi difficile à évaluer qu’à sanctionner, alors même que l’on sait ce phénomène en secrète mais constante et inquiétante progression.

Deuxième observation : l’absentéisme révèle une forme d’échec familial plus large, qui va bien au-delà de l’élève et de son rapport au savoir et à l’institution scolaire. Il est souvent causé par des carences d’éducation, qui signent une véritable dislocation de la cellule familiale. Un enfant ne « sèche » pas l’école par hasard ; le phénomène traduit souvent un comportement général et un environnement néfastes, propices à sa marginalisation sociale.

Or, si l’école est le lieu d’insertion par excellence, où l’élève peut se révéler et s’épanouir, elle n’a pas vocation à restaurer une structure familiale en péril. C’est pourquoi je regrette qu’à la faveur des lois de décentralisation la logique concernant les collèges et l’action sociale n’ait pas été menée à son terme et que l’on n’ait pas transféré au département la responsabilité des assistantes sociales en milieu scolaire, alors même que le département est une collectivité à vocation sociale.

On déplore aujourd’hui un émiettement des services d’assistantes sociales, avec, d’un côté, les assistantes scolaires qui relèvent de l’éducation nationale, de l’autre, les assistantes sociales relevant du conseil général, elles-mêmes organisées en plusieurs secteurs : le service social familial, le service d’aide sociale à l’enfance, et celui de la protection maternelle et infantile, ou encore les services sociaux communaux ou spécialisés. Dans ce maquis administratif, il est difficile d’identifier les responsabilités et les compétences. Il est, surtout, difficile d’agir de manière efficace pour les familles.

Ces dernières ont besoin d’avoir affaire à un interlocuteur unique. Elles sont donc les premières victimes de cette situation. Au mieux, elles ne s’y retrouvent pas, et l’action publique est illisible. Au pire, elles se jouent des contradictions du système.

Troisième observation : le dispositif mis en place par la loi de 2006 allait intellectuellement dans le bon sens. L’inspecteur d’académie signalait les cas d’absentéisme, et donc les familles concernées, non plus à la CAF, mais au président du conseil général. Il en est de même de la loi de 2007 sur la protection de l’enfance, qui prévoit la mise en place d’une cellule unique de signalement sous l’autorité du président du conseil général.

L’objectif louable de ce système visait à remédier au problème de la multiplicité des travailleurs sociaux et à replacer l’absentéisme dans un cadre plus large, celui de l’action sociale et de la politique familiale.

Hélas ! le dispositif n’a pas fonctionné. Il y a à cela deux raisons : d’une part, les conseils généraux, à quelques exceptions près, ne se sont pas approprié le nouveau dispositif ; d’autre part, l’éducation nationale a sans doute eu le sentiment d’être dépossédée de la gestion de l’absentéisme et craint de ne plus maîtriser les conséquences de son signalement. La présente proposition de loi ne fait, en conséquence, que revenir au système antérieur à celui qui avait été mis en place en 2006.

Quatrième observation : la suppression des allocations familiales, dont l’objectif est de sanctionner financièrement les familles, reste largement théorique. Au titre de la protection de l’enfance, les conseils généraux peuvent et doivent verser des secours dès lors que la sécurité matérielle et morale de l’enfant est menacée. Et je vois mal les centres communaux d’action sociale ignorer les situations les plus difficiles.

Cinquième et dernière observation : je ne saurais trop insister sur l’instabilité juridique néfaste qu’engendrent la succession et l’empilement des dispositifs législatifs destinés à régler le sujet récurrent de l’absentéisme scolaire.

Citons les principaux : la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance supprime la suspension des prestations familiales en cas d’absentéisme scolaire. Deux ans plus tard, la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances désigne le président du conseil général comme acteur de l’absentéisme scolaire : c’est lui qui saisit le directeur de la CAF pour suspendre les allocations familiales des familles d’enfants absentéistes. Enfin, le 5 mars 2007, c’est le maire qui devient le pivot de cette politique de prévention avec la création du conseil des droits et devoirs des familles. Aujourd’hui, avec l’intervention de l’inspecteur d’académie et du directeur de la CAF, la proposition de loi vise à revenir au système antérieur à 2004.

Comment croire à une possible efficacité du système et à une confiance renforcée entre les adultes responsables de l’encadrement de l’enfant devant toutes ces volte-face ? À l’évidence, une telle instabilité juridique place l’éducation nationale en position difficile.

Il ne peut y avoir de solution simple et uniforme. Mais je crois qu’il faut, préalable indispensable, revenir aux fondements de l’obligation scolaire et supprimer les fameuses quatre demi-journées d’absence tolérées, sans aucune justification, instaurées en 1882 par la loi Jules Ferry, et devenues largement obsolètes.

En conclusion, je souhaite replacer ce débat dans une perspective globale. Introduire la suppression des allocations familiales, c’est reconnaître la tâche éducative des familles. Il n’est pas choquant, à mes yeux, de les sanctionner sur le plan financier dès lors que l’absence de coopération est manifeste, d’autant plus que le système proposé est volontairement progressif et fait appel à la responsabilité naturelle des parents. Il tend à rétablir un juste équilibre entre les droits et les devoirs de ces parents. C’est pourquoi il n’y a pas lieu de s’agiter ni de s’indigner faussement sur des mesures qui, si elles ne datent pas d’aujourd’hui, n’ont rien de rétrograde, mais sont tout simplement réalistes. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)

C’est la raison pour laquelle je voterai ce texte. Je déplore toutefois qu’il ne revienne pas sur l’idée que l’on peut être absent deux jours par mois sans justification et sans qu’officiellement personne s’en inquiète. De ce fait, sa portée se trouve limitée.

S’occuper de l’absentéisme qui va au-delà de ces quatre demi-journées ne me semble pas le meilleur moyen d’éviter de dépasser ce seuil.

Mais je voterai ce texte sans état d’âme parce qu’il réaffirme le principe d’un juste équilibre entre droit et devoir. Et s’il peut constituer un outil de sensibilisation des familles pour renouer le chemin du dialogue et de la responsabilité, je m’en réjouis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, relevant d’un sursaut « autoritariste », s’intègre parfaitement dans l’avalanche de lois sécuritaires dont nous abreuve actuellement le Gouvernement. Peut-on y voir un lien avec l’approche de l’élection présidentielle ?

M. Claude Domeizel. Tout laisse à penser que c’est le cas.

Cette proposition de loi arrive-t-elle par hasard ? Pas du tout ! Elle était pressentie, disons « téléphonée », puisque, ces derniers mois, elle a été évoquée dans plusieurs discours par le Président de la République, qui a, selon moi, une fâcheuse tendance à faire des raccourcis entre violences urbaines, immigration et, maintenant, absentéisme scolaire.

Il est donc proposé aujourd’hui de rendre encore plus aisées la suspension, puis la suppression des allocations familiales pour les parents dont les enfants sont des habitués de l’école buissonnière.

Je n’ai pas à rappeler ici qu’il est depuis fort longtemps possible de procéder à cette sanction financière toujours difficile à mettre en œuvre. Il est reconnu que les présidents de conseils généraux, de droite comme de gauche, ne l’utilisent pas assez. Pourquoi ? Manifestement pas pour des raisons idéologiques. Toute situation d’absentéisme scolaire relève d’une grande complexité.

Tout laisse à penser qu’après avoir fait une enquête sur les cas qui leur sont soumis, les présidents des conseils généraux se comportent en hommes responsables face à des comportements d’enfants et d’adolescents dont ils ne détiennent pas tous les tenants et les aboutissants. Ils sont conscients que la punition financière infligée aux parents, outre qu’elle n’améliorera pas la problématique en profondeur, pénalisera toute une famille, souvent modeste, et sans discernement.

Croyez-vous sincèrement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que les inspecteurs d’académie, nouveaux déclencheurs de cette mesure, agiront différemment ? On peut craindre que, en dépit de leurs obligations inhérentes à leur statut de fonctionnaires d’autorité, ils n’éprouvent, pour les mêmes raisons, les mêmes réticences.

Mais alors, si l’inspecteur d’académie ne fait pas mieux que le président du conseil général, à quoi servira la présente loi ?

M. Claude Domeizel. Je veux revenir sur le phénomène de l’absentéisme scolaire et sur sa sensible progression. Il me paraît incontournable d’en déchiffrer au préalable les causes. Il est tellement plus facile de taper du poing sur la table que d’essayer de comprendre ! Préoccupées par ce problème, plusieurs associations de parents et d’éducateurs ont proposé une approche plus pédagogique et sociale. Elle passe par le dépistage et un meilleur accompagnement des enfants, comme des parents. Prenons le temps d’évaluer les outils qui existent, tels les médiateurs de réussite, les suivis individualisés de l’élève, ou encore la « mallette des parents ».

Une étude menée par l’Union nationale des associations familiales démontre que chaque cas d’absentéisme est unique et que l’école buissonnière répétée doit être analysée comme un feu clignotant.

Comment expliquer l’absentéisme ? En premier lieu, pour des raisons personnelles. L’adolescent peut ressentir un mal-être en raison de problèmes familiaux ou psychiques, de conflits avec les enseignants, d’une orientation subie plutôt que choisie ou parce qu’il souffre d’une trop forte pression exercée au collège ou au lycée, assortie d’une trop grande exigence de réussite. Il arrive que des élèves soient victimes de phobie scolaire, de racket, de violences ou de moqueries. D’autres ont tout simplement peur d’apprendre. La liste n’est pas exhaustive !

Enfin, ne nous voilons pas la face : par-delà ces raisons personnelles, l’environnement social peut avoir une influence néfaste sur le comportement du jeune face à l’école.

Parmi les raisons très profondes, figurent le chômage et, parfois, l’économie parallèle.

M. Claude Domeizel. Pourquoi se rendre à l’école tous les matins alors qu’à la maison le papa, le grand frère ou la grande sœur ne vont pas travailler ? Comment résister à l’attrait de l’argent facile offert par des petits boulots clandestins ?

Pour combattre l’absentéisme, la lutte contre le chômage et l’aide financière aux associations ou aux animateurs de quartiers seront cent fois plus efficaces que la suppression des allocations familiales.

Et que penser des élèves présents en classe, mais absents de l’apprentissage proprement dit ? Comment répondre d’une manière unique à ces motifs d’absentéisme ? Au vu de la diversité des situations, il est évident que sanctionner systématiquement les parents serait contre-productif. Car l’objectif est bien de permettre un maintien aux études. Or l’absentéisme se solde ou est avant tout motivé par un « décrochage scolaire ».

Je voudrais saluer, en cet instant, l’implication des chefs d’établissement qui, pour lutter contre l’absentéisme, s’efforcent d’informer les familles. Je pense, en particulier, à l’utilisation qui est faite, et qui semble heureusement se généraliser, des moyens modernes de communication – SMS, messages informatiques – pour signaler les absences en instantané. Je pense aussi à ce que j’ai vu faire dans mon département où une salle de classe d’un collège a été transformée en lieu d’accueil pour les familles afin qu’elles puissent échanger entre elles et avec l’équipe éducative.

Il serait souhaitable de développer l’accueil dans des filières moins scolaires, celles que l’on trouve dans certains établissements spécialisés. Je pense, par exemple, aux EREA, les établissements régionaux d’enseignement adapté, ou aux lycées d’enseignement adapté, avec des internats éducatifs.

Je n’ai pas été le seul à apprécier à leur juste valeur les internats d’excellence ou l’expérience menée à Tende, dans les Alpes-Maritimes, et relatée voilà quelques jours dans un reportage télévisé, pour accueillir en internat des jeunes « fâchés » avec le milieu scolaire qui sont des champions de l’école buissonnière. Si j’applaudis l’initiative, je souligne néanmoins le décalage avec le texte que nous examinons aujourd’hui. Car une poignée, à qui l’on donnera la possibilité de s’en sortir, sera privilégiée, tandis que d’autres, plus nombreux, seront punis par la suppression des allocations familiales.

M. Claude Domeizel. Je vous invite à lire sur ce sujet le rapport de notre collègue Yannick Bodin. Il y développe très clairement une conception réaliste sur l’égalité des chances dans l’enseignement primaire et secondaire.

Quant aux parents, il serait dangereux de confondre parents indifférents et parents dépassés, en plein désarroi. Je reviens sur les lieux d’accueil que j’ai déjà cités dans mon propos. Un soutien des parents, par le biais de groupes de parole ou d’ateliers sur la parentalité, sera plus efficace qu’une sanction fragilisant encore plus des familles déjà en difficulté.

Mais la révision générale des politiques publiques, la RGPP, est-elle compatible avec toutes ces pistes évoquées ? Comment parvenir à atteindre de tels objectifs alors que sont supprimés des postes d’enseignants, de conseillers d’éducation, d’infirmières scolaires, de surveillants et d’éducateurs ?

Alors, convenons-en, c’est une fausse bonne idée, de très courte vue, de vouloir systématiquement et à grande échelle sanctionner les parents en cas d’absentéisme de leurs enfants. Cet outil, la suppression des allocations, a été particulièrement activé après la dernière guerre pour inciter les parents à envoyer les enfants à l’école plutôt que d’en faire une main-d’œuvre à bon marché pour les travaux des champs.

À ma connaissance, la seule menace mais aussi la reconnaissance de l’enseignant par les familles ont permis de corriger la dérive sans qu’il ait été nécessaire d’employer les moyens lourds préconisés dans la présente proposition de loi.

Alors, surmontons l’absentéisme scolaire en travaillant sur le fond du problème – mais vraiment sur le fond du problème, qui est avant tout un problème de société ! – et sur ses causes. Ce n’est certainement pas en tapant sur les doigts des parents que nous mettrons un terme à l’absentéisme scolaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. « L’absentéisme scolaire est un cancer » : cette phrase prononcée par le Président de la République témoigne de la volonté du Gouvernement de lutter contre ce fléau.

Nombre d’entre nous exercent des mandats locaux. Quelle que soit notre fonction, nous constatons chaque jour les ravages causés par l’absentéisme sur les jeunes. Ces dégâts appellent des réponses urgentes.

En 2004, j’avais eu l’occasion de faire une série de propositions pour lutter contre ce mal. François Fillon, alors ministre de l’éducation nationale, m’avait en effet chargé d’une mission sur la violence à l’école. Parmi ces mesures, je soulignais l’importance de coordonner les actions des élus et des services de l’État pour mettre fin à une situation aussi insupportable qu’inacceptable.

Cette situation est insupportable, car l’absentéisme hypothèque l’avenir de notre jeunesse et de notre pays. L’absence de formation et de repères conduit invariablement les jeunes vers l’échec.

Je ne rappellerai pas les conséquences de ce « cancer » pour les enseignants, qui constatent parfois près de 30 % d’absentéistes. Chaque année, ce sont 300 000 élèves qui se retrouvent à errer dans nos rues.

Face à ces chiffres inquiétants, nous devons agir.

Car culture, formation, emploi et intégration sont autant de valeurs qui sont, de fait, mises à mal. Marginalisation, violence et chômage : autant de problèmes qui sont au bout du chemin de l’absentéisme scolaire, première étape vers la détresse et la désocialisation.

Si les mesures que nous allons voter sont nécessaires, elles ne permettront pas, à elles seules, de mettre fin à l’absentéisme.

En effet, sans des parents responsables, soucieux de l’avenir de leurs enfants, nous ne pourrons relever ce défi. C’est avec eux que nous devons travailler. C’est avec eux que nous devons trouver des solutions. C’est donc vers eux que nous devons concentrer nos efforts.

Il est important, néanmoins, de rappeler que nous faisons face à deux types de familles : celles qui n’accordent aucune valeur aux obligations de scolarisation et d’assiduité de leur enfant aux cours ; celles qui rencontrent des difficultés ponctuelles, et souhaitent s’en sortir.

Il est donc primordial d’apporter une réponse concrète et adaptée à la situation de chaque famille, sans oublier que la majorité des parents s’attache à apporter, parfois au prix de lourds sacrifices, le meilleur à leurs enfants.

Ces familles méritent que nous les accompagnions, que nous les soutenions, que nous leur tendions la main. En ce sens, les collectivités territoriales jouent un rôle clé. Les maires, premiers interlocuteurs des citoyens, doivent pouvoir davantage proposer leurs solutions.

Je crois, par exemple, que les conseils pour les droits et devoirs des familles, qui rassemblent partenaires institutionnels, associations et représentants de la collectivité, doivent être généralisés. Ils sont encore trop peu nombreux et doivent leur création à la seule bonne volonté des élus. Pour en avoir mis un en place dans ma ville, je sais combien ces structures sont un outil d’écoute, de conseil et de suivi. Chaque famille est rencontrée, chaque cas est traité de manière personnelle.

De plus, ces conseils pourraient aider les inspecteurs d’académie.

Inspecteurs et conseils, qui sont déjà en lien direct grâce aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, pourraient en effet décider ensemble de la suppression, ou non, des allocations familiales. Riches de leurs connaissances et de leur proximité avec les familles, ces conseils apporteraient une aide aussi précieuse qu’avisée.

Je crois aussi que la caisse d’allocations familiales ne doit pas être considérée comme une simple « machine à sous ». Elle joue, à mon sens, un rôle de prévention. En allant sur le terrain, en rencontrant les familles, elle pourrait soutenir les parents qui traversent des moments difficiles, mais qui ont la volonté de s’en sortir, tout cela en lien avec les structures locales.

A contrario, une minorité d’autres parents refuse ostensiblement d’assumer ses responsabilités. Ils estiment que c’est à la société d’assumer ce qui leur incombe naturellement et juridiquement : leurs responsabilités.

Si la restauration de l’autorité professorale est essentielle à l’efficacité de notre système éducatif, celle de l’autorité parentale est primordiale.

Sans pour autant tomber dans la caricature ou la stigmatisation, nous ne pouvons ignorer certaines vérités. Les prestations sociales ont-elles été pensées pour assister les individus, pour subvenir à leurs besoins sans contrepartie morale ? L’idée d’une forme de contrat moral lié à l’attribution de revenus est-elle scandaleuse lorsqu’il s’agit d’éducation ?

Face à de tels enjeux, je crois qu’il est urgent de responsabiliser ces parents démissionnaires grâce à des mesures fermes et assumées.

La suppression des aides sociales doit cependant être l’étape ultime. En effet, généraliser cette mesure contribuerait à fragiliser davantage des familles qui ont déjà des difficultés.

Je sais que ce n’est pas en prenant des mesures générales et nécessairement répressives que nous parviendrons à résoudre les problèmes, mais en apportant chaque jour des réponses aux parents désorientés.

Parce que notre modèle social repose sur une école forte et respectée, parce que les mesures proposées sont concrètes et laissent toute leur place à la prévention et à la fermeté, parce que la répression est une alternative de dernier recours, parce que la responsabilité des parents est au cœur des propositions contenues dans ce texte, je voterai la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, supprimer les allocations familiales aux parents des enfants absents est une mesure simpliste, inefficace, populiste et agressive.

Avec plus de 17 textes relatifs à la sécurité présentés depuis huit ans, et une année 2010 marquée par des discours de plus en plus explicites venant du plus haut niveau de l’État, vous tentez de gouverner par la communication et la désignation de coupables, que vous trouvez de préférence parmi les plus précaires.

Aujourd’hui, vous soumettez au débat une nouvelle forme de double peine contre les plus pauvres. Car votre texte sera indolore pour les plus riches : la plupart de leurs enfants ne vont pas dans les lycées d’enseignement professionnel, les LEP, ne doivent pas garder le petit dernier refusé à la crèche pour cause d’impétigo ; ils sont accompagnés dans leurs études et leur orientation, n’ont pas besoin de travailler quelques heures, en plus du lycée, et ne savent même pas ce qu’est un hébergement précaire. Tant mieux pour eux ! Priver ces familles aisées de 123 euros, 282 euros, ou même 443 euros d’allocations familiales ne changera pas leur fin de mois.

La sanction va meurtrir les uns, pas les autres.

Mme Marie-Christine Blandin. C’est aussi un texte qui ne s’adresse pas à tous, à commencer par les 50 % de familles, ou presque, qui n’ont qu’un enfant (Mme Françoise Cartron opine.), et ne perçoivent donc pas d’allocations familiales : votre répression est à géométrie variable.

L’INSEE, dont on ne saurait mettre en cause la neutralité, éclaire votre cible : « Les familles nombreuses sont surreprésentées dans la population pauvre ». En effet, si 14 % des familles françaises ont trois enfants, ce pourcentage s’élève à 22 % chez les familles pauvres.

L’INSEE nous décrit le paysage dans lequel interviendront vos mesures : une famille avec enfants sur cinq est monoparentale, et 17 % de ces familles monoparentales ont deux enfants ou plus.

La fourchette du seuil de pauvreté est fixée entre 733 et 880 euros par mois, et concerne presque 8 millions de nos concitoyens, pour lesquels chaque euro compte,…

Mme Marie-Christine Blandin. … pour se loger, se soigner, manger. Et c’est à eux que vous allez reprendre les allocations, au nom d’une prétendue autorité parentale mal exercée ! C’est indécent.

La caisse d’allocations familiales nous rappelle la finalité des sommes allouées : aider les familles à élever leurs enfants. Vous considérez donc qu’un enfant décrocheur n’a plus besoin d’être habillé, nourri, logé, équipé pour l’école ?

Vous en avez fait du chemin idéologique depuis 2002 ! C’est un peu à l’image du Grenelle : on commence par qualifier une réforme de révolution, de priorité... et on finit par dire : « L’environnement, ça commence à bien faire ! ».

Pour la répression de l’absentéisme, c’est le même itinéraire à droite.

En 2003, un ministre chargé de la famille jugeait cette mesure « inefficace et inéquitable ». En 2004, un ministre de l’éducation nationale considérait qu’elle ne servait qu’à « ajouter de la misère à la misère ».

Mme Marie-Christine Blandin. Mais, lors des états généraux de la sécurité à l’école, nous vous avons entendu, monsieur le ministre, associer élèves décrocheurs et violences ; et le 5 mai dernier, le Président de la République a bien précisé d’où venait l’argent des allocations familiales : « les impôts des Français » !

Et les cadeaux fiscaux, les crédits d’impôt recherche illicites, les aides aux banques, qui étaient hier à genoux et snobent aujourd’hui les États ? Tout cela n’est-il pas financé par les impôts des Français ?

Mme Marie-Christine Blandin. Il y a, dans le rapport de M. Carle, une phrase concernant les enfants que nous approuvons : « Ils doivent être maintenus à tout prix dans un univers socialisé, structuré par des règles [...] ». À tout prix ! Eh bien, ce prix, c’est celui de professeurs formés et présents, et d’encadrants en nombre suffisant. Or il y a longtemps que vous ne le mettez plus.

Cette rentrée inaugure d’ailleurs les séquelles de la mastérisation, c’est-à-dire des enseignants qui se formeront « sur le tas », et pour nombre d’entre eux sans tuteur.

Vous supprimez des postes d’enseignants par milliers chaque année, par dizaines de milliers. L’orientation est devenue davantage un objet de colloques qu’une réalité de terrain. Les filières attractives de la formation professionnelle ne sont pas ouvertes, car elles ont un prix.

Demain, dans l’enseignement général, vous envisagez d’éteindre les matières qui font sens pour le « vivre ensemble », comme l’histoire et la géographie, ou celles qui donnent à sentir notre place dans le monde vivant, comme les sciences naturelles. Et je ne parle pas des enseignements artistiques et de tout ce qui épanouit, sans prérequis de niveau social.

L’école que vous détruisez chaque jour un peu plus est moins accueillante, moins aimable, moins convaincante, moins sécurisante. Elle se destine à fabriquer des ressources humaines élitistes, sans souci de formation et d’émancipation de tous : vous voulez qu’elle évalue, classe, fiche, trie les élèves, les enseignants, les établissements, et ce davantage en se fondant sur des constats de départ que sur des progressions ; qu’elle punisse, qu’elle tue l’innovation, qu’elle ne considère plus l’apprentissage du « vivre ensemble » et la résolution pacifique des conflits comme étant son rôle. Et ce qui y reste de vivant, de convivial, de formateur est porté à bout de bras par des enseignants motivés, dont certains finissent par désobéir pour mieux faire, et par résister à la marche forcée d’un système qui a pour leitmotiv la compétition et l’argent.

Vous ne donnez pas de moyens neufs aux dispositifs internes et externes de soutien, comme les animateurs de quartiers. Et les communes qui s’engagent pour qu’aucun élève exclu ne reste sans cours ne sont pas aidées.

Lucie Aubrac, lors d’un comité de soutien aux sans-papiers, me disait : « Quand je pense qu’après guerre dans une France dévastée et désargentée, près de Lyon, nous avions les moyens de faire des cours du soir pour les petits Français perdus et les petits Italiens, afin de les hisser tous au niveau de la classe ! »

Vous n’apportez pas de réponses nouvelles à la complexité des motivations, ou simplement des raisons, des élèves décrocheurs. Ceux-ci servent votre communication de fermeté (M. Yannick Bodin s’exclame.), mais ils ne sont pas votre priorité : peu d’entre eux déposeront des brevets prometteurs de bénéfices et de PIB.

Les Verts regrettent finalement que cette mauvaise mesure ne soit pas apparue, comme c’était prévu initialement, sous la forme d’un amendement à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2. Au moins, c’eût été plus clair !

Mme Maryvonne Blondin. Bien plus clair !

Mme Marie-Christine Blandin. De plus, ce dispositif entraînera une surcharge supplémentaire de travail pour les caisses d’allocations familiales, qui sont déjà au bord de la rupture : certaines d’entre elles ont dû garder portes closes pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour résorber les dossiers accumulés, et toutes devront assumer, demain, l’entrée en application du RSA jeunes.

Nous pouvons d’ores et déjà vous annoncer notre opposition déterminée, parce que votre approche est davantage inspirée par le système des jetons de présence dans un conseil d’administration que par la solidarité qui forge l’école de la République.

Je vous recommande le film de Bertrand Tavernier, Ça commence aujourd’hui, tourné dans la banlieue de Valenciennes : il vous fera connaître l’école et vous dissuadera d’appliquer cette punition financière ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Yannick Bodin. Il va proposer de mettre les jeunes au travail !

M. Serge Dassault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne suffit pas de prendre des mesures sanctionnant les parents pour réduire l’absentéisme. Mais il ne sera pas inutile de les informer de leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants, pour éviter que ceux-ci ne deviennent des délinquants.

Il faudrait savoir quelles sont les raisons de cet absentéisme et interroger les intéressés, ce que l’on n’a jamais fait. On apprendrait sans doute que les jeunes ne vont pas au collège tout simplement parce que les enseignements dispensés ne les intéressent pas.

Le collège unique, institué depuis plus de vingt ans, ne convient pas à certains enfants. Le socle commun de connaissances voulu par les ministres de l’éducation nationale est une grave illusion. En réalité, certains enfants acceptent l’enseignement tandis que d’autres ne sont pas intéressés.

Le nombre d’heures de sport ou d’enseignements culturels dispensées aux enfants devrait être plus important, comme en Grande-Bretagne.

Surtout, certains jeunes devraient recevoir une formation qui leur permettrait d’apprendre un métier dès la quatrième : ils ne s’intéressent pas aux études théoriques ; ils veulent non pas obtenir un diplôme, mais apprendre un métier pour gagner leur vie.

M. Yannick Bodin. Voilà ! Les enfants au travail !

M. Serge Dassault. Et l’on revient aux problèmes de sécurité, car ce sont ces jeunes qui n’apprennent rien au collège qui risquent de venir grossir la masse des délinquants et le nombre de chômeurs, et cela à partir de seize ans, dès leur sortie du collège.

Alors je le répète : il faut supprimer le collège unique et, comme en Allemagne,…

M. Yannick Bodin. Les Allemands sont en train de changer leur système !

M. Serge Dassault. … instituer deux cycles d’études : d’une part, un cycle de formation professionnelle obligatoire pour les jeunes âgés de quatorze ans à dix-huit ans – et non seize ans – et, d’autre part, un cycle permettant aux élèves qui le souhaitent de continuer leurs études pour passer plus tard le baccalauréat et entrer ensuite à l’université ou dans une grande école.

L’apprentissage des métiers est fondamental et devrait être dispensé dès la cinquième à ceux qui le souhaitent.

M. Yannick Bodin. Dès la maternelle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, il faut réformer profondément les programmes scolaires et associer les chambres de métiers et de l’artisanat, qui financent l’apprentissage, et les centres de formation d’apprentis, ainsi que les lycées professionnels.

Les écoles de la deuxième chance et les établissements publics d’insertion de la défense, les EPIDE, sont à cet égard fort utiles. Ils permettent d’apprendre un métier aux délinquants majeurs qui veulent travailler et de les sortir de leur galère.

On ne résoudra certainement jamais le problème de l’absentéisme des collégiens si l’on ne comprend pas la nécessité absolue de changer totalement la formation scolaire et l’éducation nationale afin de permettre à certains enfants de recevoir un début de formation professionnelle dès la quatrième. J’espère qu’un jour on entendra ce langage. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de la discussion générale, je souhaite vous apporter quelques précisions et répondre à un certain nombre de questions.

Selon Mmes Laborde et Labarre, la présente proposition de loi ne servirait pas à grand-chose, l’arsenal législatif existant étant suffisant. De surcroît, l’absentéisme scolaire serait un phénomène marginal. D’autres orateurs ont heureusement rappelé l’enjeu de la lutte contre cet état de fait. Lorsque j’ai cité le chiffre de 300 000 élèves pratiquant l’absentéisme scolaire dans mon propos introductif, le président de la commission, interloqué, m’a fait remarquer que ce chiffre était considérable. Malheureusement, telle est la situation. Selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance de mon ministère, en moyenne 15,2 % des élèves de lycée professionnel se livrent à l’absentéisme scolaire sur l’ensemble du territoire.

M. Yannick Bodin. Évidemment !

M. Luc Chatel, ministre. Comme l’a fort bien indiqué M. le rapporteur, les auteurs de la présente proposition de loi ont pour ambition de ramener coûte que coûte les absentéistes en classe.

Mme Férat a rappelé avec beaucoup de pragmatisme que le dispositif actuel ne fonctionne pas. Nous devons donc l’améliorer. C’est tout l’enjeu du travail qu’ont mené Éric Ciotti puis Jean-Claude Carle.

Comme je m’y attendais, au cours de la discussion générale, la proposition de loi a été un peu caricaturée. Certains sénateurs ont évoqué une disposition anticonstitutionnelle. Si tel avait été le cas, le Conseil constitutionnel ne serait pas resté muet depuis 1959 et aurait alerté le législateur.

Je rappelle que le principe d’égalité s’applique aux familles placées dans la même situation dans notre République.

Certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont également parlé de « stigmatisation », de « caricature ». Si la disposition visant à sanctionner financièrement les familles ne mettant pas fin à l’absentéisme de leur enfant malgré plusieurs avertissements vous paraît aberrante, je suis surpris que, lorsque vous souteniez d’autres gouvernements, vous n’ayez pas supprimé le lien qui existe dans notre législation depuis 1959 entre assiduité scolaire et versement des allocations familiales,…

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Absolument !

M. Luc Chatel, ministre. … et que plusieurs d’entre vous ont eu l’honnêteté de rappeler.

Par ailleurs, l’absentéisme serait lié au manque de moyens ; l’encadrement ne serait pas suffisant à l’éducation nationale.

M. Claude Bérit-Débat. C’est la vérité !

M. Luc Chatel, ministre. Dois-je vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en cette rentrée, le système éducatif compte 45 000 professeurs de plus que voilà quinze ans pour 700 000 élèves de moins ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Eh oui !

M. Luc Chatel, ministre. Le taux d’encadrement est donc nettement supérieur à celui du milieu des années quatre-vingt-dix.

M. Yannick Bodin. On a effectivement fait de très gros progrès depuis le xixe siècle !

M. Luc Chatel, ministre. Toutes les études récentes publiées, que nous avons eu l’occasion d’évoquer dans cette enceinte au mois de juin dernier, ont montré l’absence de lien entre le taux d’encadrement et l’absentéisme scolaire. Il faut donc mener une politique ciblée et globale, comme un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ont indiqué. Avec justesse, M. Lagauche a estimé que la lutte contre l’absentéisme devait mobiliser plusieurs énergies.

Comme l’a fort bien rappelé M. le rapporteur, la présente proposition de loi fait partie d’un dispositif global.

Ainsi, alors que le Gouvernement soutient ce texte, il travaille afin d’élargir la mallette des parents. Il met également en place les établissements de réinsertion scolaire pour les élèves très perturbateurs. J’ai entendu formuler des critiques au sujet du département des Alpes-Maritimes. M. Nègre s’est bien défendu.

Par ailleurs, M. Ciotti, auteur de la proposition de loi, a créé dans son département l’école des parents, que j’ai visitée. Grâce à ce dispositif très intéressant, les parents sont associés au fonctionnement de l’école et obtiennent des réponses à leurs interrogations, à leurs inquiétudes.

Je le répète : c’est donc bien une politique globale qu’il faut mener pour lutter contre l’absentéisme.

La nécessité de renforcer l’accompagnement a également été évoquée à juste raison. C’est ce que fait le Gouvernement.

Depuis 2007, il a mis en place l’aide personnalisée pour tous les élèves du premier degré : ceux qui rencontrent des difficultés dans l’apprentissage de la lecture, par exemple, bénéficient de deux heures de soutien chaque semaine. Cette disposition nouvelle permet à des élèves de se raccrocher au système éducatif.

Par ailleurs, 800 000 collégiens, ces fameux « orphelins de seize heures », bénéficient tous les jours de l’accompagnement éducatif. Faisant souvent partie d’une famille monoparentale et leur maman travaillant, ils étaient jusqu’à présent livrés à eux-mêmes entre seize heures et dix-huit heures. Dorénavant, ils sont pris en charge par l’éducation nationale. Ce système constitue un moyen de prévention contre le décrochage scolaire, l’élève bénéficiant d’un encadrement qui n’existait pas jusqu’à maintenant.

C’est aussi tout l’esprit de la réforme du lycée qui est mise en œuvre en cette rentrée et qui comporte deux heures hebdomadaires d’accompagnement personnalisé adapté à la situation de chaque élève.

Je rejoins les propos tenus par M. Serge Dassault : si nous voulons que les élèves restent à l’école, il faut les intéresser et, pour ce faire, les aider à trouver leur voie. Un parcours sur mesure doit donc être mis en œuvre. Le système d’orientation doit être beaucoup plus progressif, réversible ; il doit autoriser les changements de trajectoire. Tel est également l’esprit même de la réforme du lycée précitée.

Vous l’avez bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le nouveau dispositif qui vous est proposé constitue un ultime recours, rendu nécessaire par l’échec des moyens disponibles. Il fallait aussi rappeler aux parents qu’ils ont non seulement des droits vis-à-vis de leurs enfants, mais aussi des devoirs ; ils doivent en particulier veiller à l’assiduité scolaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Question préalable

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, d'une motion n°2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n° 663, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la motion.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En 2006, la loi dite « d’égalité des chances » a mis en place le contrat de responsabilité parentale. Sous le prétexte de lutter contre l’absentéisme scolaire, ce dispositif injuste sanctionne les parents d’élèves absentéistes en suspendant ou supprimant le versement des allocations familiales.

La proposition de loi dont nous débattons vise à aggraver ce dispositif. Pourtant, dans la loi du 2 janvier 2004, le Gouvernement – la majorité était la même qu’aujourd'hui – a lui-même supprimé cette mesure qualifiée dans l’exposé des motifs du projet de loi d’« inefficace et inéquitable ».

Le contrat de responsabilité parentale peut être mis en place par le président du conseil général et déboucher sur la suppression des allocations familiales. Partant du constat qu’il est très peu utilisé mais sans s’interroger sur les raisons de cet état de fait, les auteurs de la proposition de loi commandée par le Président de la République proposent de contourner les élus et de donner obligation aux inspecteurs d’académie de demander la suspension des allocations afférentes à l’enfant absent après un premier avertissement.

Le dispositif de rétablissement et de rétroactivité du versement des allocations est lui aussi durci. Il est proposé une amputation pure et simple d’autant de mensualités que de mois d’absence après la première suspension.

Enfin, dernier coup porté – non des moindres –, la baisse de ressources des familles ne sera pas compensée dans le calcul du montant du RSA, afin, sans doute, que la précarité soit maximale.

Les défenseurs de ce texte avancent un principe qui est faux : celui du versement des allocations familiales en contrepartie de l’exercice de l’autorité parentale, comme si ces allocations étaient destinées à récompenser les « bons parents » et les « bons élèves ». Il n’est en fait question que de justifier l’introduction de mesures répressives, socialement injustes. Les prestations en cause n’ont jamais eu d’autre objet que de compenser une partie des charges financières de la famille liées à l’enfant !

Le dispositif de suspension des allocations est par bien d’autres aspects inacceptable, inadéquat et imparfait. Peut-être est-ce dû à l’empressement du principal auteur de la proposition de loi dont le texte est, avant tout, contraire à la Constitution.

Le dépôt de notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité est motivé par le fait que cette proposition de loi porte atteinte au principe d’égalité dans et devant la loi dont l’application doit être la même pour tous. Elle constitue un manquement à l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, consacrée dès 1973 comme norme constitutionnelle dans une décision du Conseil constitutionnel.

En effet, les allocations familiales sont versées sans condition de ressources à toutes les familles qui ont au moins deux enfants. Les quelque 1 500 000 familles n’ayant qu’un enfant ne touchent donc pas d’allocations familiales. On comprend aisément où se situe l’inégalité devant la loi susvisée, puisque la proposition de loi ne prévoit de sanctionner pour absentéisme que les seules familles composées d’au moins deux enfants. Les familles ayant un seul enfant, qui serait également absent quatre demi-journées par mois, ne seraient, par la force des choses, pas sanctionnées. C’est bien la preuve que la prétendue relation évoquée dans l’exposé des motifs entre exercice de l’autorité parentale et versement des allocations familiales est erronée. Le non-versement d’allocations aux familles n’ayant qu’un enfant n’en est-il pas la preuve ?

Entendons-nous bien : nous ne prônons pas l’extension de ce dispositif de sanction. Bien au contraire, nous demandons son abrogation pure et simple, parce que la loi, quelle que soit l’opinion politique qu’on puisse s’en faire, doit être égale pour tous.

En effet, si, comme le dispose l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », comment justifier que seules soient punies – car il s’agit bien de cela – les familles ayant deux enfants au moins ?

Si, dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel estime que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, force est de constater que cette proposition de loi ne répond à aucune des deux situations évoquées.

La situation d’une famille d’élève absentéiste n’est pas différente selon qu’il a ou non des frères et sœurs.

De plus, la loi proposée ne règle pas ces deux situations de manière différente : elle se contente de légiférer pour l’une, en oubliant complètement l’autre.

Quant à un quelconque intérêt général qui justifierait cette différence de traitement, on voit mal comment un tel argument pourrait être développé.

Le Conseil constitutionnel ajoute que, dans ces deux cas, la différence de traitement qui en résulte doit être en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit, en l’occurrence la lutte contre l’absentéisme. Sauf à penser que ce phénomène n’existe que dans les familles de deux enfants et plus, et que, par conséquent, la lutte contre celui-ci ne s’applique qu’aux familles nombreuses, rien dans la différence de traitement instaurée n’a de rapport avec l’objet de la loi.

Nous appuyons aussi notre motion sur la non-conformité de ce texte avec le droit européen.

La Cour européenne des droits de l’homme n’admet, en effet, une distinction que quand elle répond à « une justification objective et raisonnable », poursuit un « but légitime » et n’est pas « discriminatoire ».

Nous sommes donc là dans un cas tellement flagrant de manquement aux principes constitutionnels de la République qu’aucun argument ne saurait le justifier.

Mais l’inégalité devant la loi ne s’arrête malheureusement pas là : cette sanction pénaliserait, cela a été dit, de manière inégalitaire les familles, au détriment des plus démunies.

En effet, les conséquences de la suppression des allocations dans les familles pour lesquelles elles ne représentent qu’un pourcentage minime des ressources seraient ainsi négligeables.

Au contraire, elles toucheraient proportionnellement une part beaucoup plus importante des ressources des familles les plus pauvres, aggravant leur situation, alors qu’elles n’affecteraient qu’à la marge les familles les plus riches.

Enfin, le montant de la sanction se trouverait différent dans chaque situation : le montant des allocations familiales versé par enfant varie en fonction du nombre d’enfants du foyer.

L’effet serait donc de pénaliser plus fortement les familles les plus nombreuses.

Le cumul de ces dispositions inégalitaires aboutit ainsi à une situation scandaleuse.

Le rapport Machard de 2003 la dénonçait déjà en calculant l’impact de ces déséquilibres par une évaluation du pourcentage de perte de revenus, illustré par cinq exemples de différentes situations familiales.

Ainsi, selon que les familles sont bénéficiaires ou non des minima sociaux, selon les revenus et le nombre d’enfants, les pourcentages de perte de ressources obtenus varient de 16 % à 47 % !

S’il est vrai que ces chiffres ne seraient pas exactement les mêmes aujourd’hui, notamment parce que les minima sociaux ont été réformés avec la disparition du RMI et la création du RSA, ces chiffres restent profondément significatifs de l’inégalité que nous dénonçons !

L’absentéisme scolaire ne peut se résoudre par une mesure qui, en plus d’être inconstitutionnelle, est aussi simpliste qu’inefficace.

La majorité semble peu s’en émouvoir, elle qui, au mépris du droit, utilise cette proposition de loi comme un instrument de communication.

L’absentéisme est un phénomène complexe lié à de multiples facteurs, qui demandent à être analysés en profondeur. Il témoigne, en effet, d’une crise sociale globale dont on se garde bien, ici, d’aborder les causes, pour simplement en traiter les effets par la seule voie répressive.

Loin d’être un phénomène généralisé, l’absentéisme était évalué à 7 % en 2007-2008, cachant en réalité une grande disparité que ce texte ignore volontairement. Il concerne 15 % des élèves de lycées professionnels, 6 % des élèves de lycées d’enseignement général et seulement 3 % des collégiens.

Une étude du CESDIP, le centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, de mars 2010, établit un lien entre absentéisme et surreprésentation des élèves en difficulté scolaire et issus de milieux défavorisés dans certains établissements.

C’est le cas des lycées professionnels, qui restent trop souvent des voies scolaires et d’orientation pour les élèves en situation d’échec scolaire.

Ainsi, l’absentéisme touche souvent des élèves qui n’ont pas le niveau et cherchent à éviter la confrontation avec le sentiment d’échec.

De plus, des facteurs relatifs au mode de vie des élèves hors du temps scolaire ont une grande influence sur les absences répétées. Cela a été démontré.

Sont cités, par exemple, l’exercice d’activités rémunérées ou encore la nécessité d’une prise de responsabilité de l’enfant au sein de la famille.

Le contexte social, dans la famille comme à l’école, influe donc beaucoup sur l’absence des élèves.

On voit dès lors mal comment ce processus de suppression des allocations familiales, qui aggravera la situation financière de la famille, serait censé apporter une réponse. On peut, au contraire, penser qu’elle l’aggravera, en dégradant les conditions de vie de familles déjà précaires !

C’est donc l’environnement social et scolaire qu’il faut repenser en priorité pour traiter l’absentéisme, ce que semble ignorer le Gouvernement, et pour cause : l’absentéisme scolaire contre lequel le Gouvernement prétend lutter est, en fait, très largement entretenu par sa politique !

Ainsi, le Gouvernement n’a eu de cesse d’affaiblir l’éducation nationale, par l’application de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, grave entreprise de démantèlement du service public de l’éducation.

En trois ans, ce ne sont pas moins de 50 000 suppressions de postes, dont 16 000 pour 2010 et 17 000 annoncées pour 2011.

Tout cela s’accompagne d’une dégradation sans précédent des conditions d’études des élèves, liée notamment à l’augmentation des effectifs par classe, à la suppression de la carte scolaire, qui ne fait qu’aggraver les inégalités sociales, à la suppression des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, pourtant essentiels dans la lutte contre l’échec et l’absentéisme scolaires.

Mon énumération ne saurait être exhaustive ; l’imagination du Gouvernement est sans bornes.

Tout se passe comme si la responsabilité publique de l’État dans l’enseignement avait disparu, comme si la question scolaire se réduisait à la sphère privée et familiale. Cela fait porter la faute sur des parents prétendument démissionnaires, pour mieux faire oublier le rôle d’un État déresponsabilisé !

J’ajouterai que cette proposition de loi est simpliste car elle réduit le problème de l’absentéisme au seul paramètre de la présence physique en classe.

Que les élèves soient présents ou non en classe, les difficultés qu’ils devront affronter continueront d’exister.

André Tosel, professeur émérite à l’université de Nice, déclare à ce sujet : « Ils seront certes “présents” mais confrontés à la même “absence” d’avenir. […] loin d’être des remèdes aux maux qu’elles visent à traiter, [ces mesures] se révéleront des maux supplémentaires dans la mesure où elles stigmatiseront des populations sans avenir social autre que la relégation à vie. »

La présence des élèves en classe constitue bien sûr un élément fondamental pour leur réussite scolaire. Mais l’objectif de l’éducation nationale ne se résume pas à remplir ses bancs. Il est plutôt question d’y diffuser et d’y transmettre des connaissances que les élèves peuvent s’approprier en vue de leur réussite.

Pour le rédacteur de la loi, les 300 000 jeunes concernés par l’absentéisme sont assimilés peu ou prou à de potentiels délinquants, selon un raccourci bien connu de la droite, qui résume toute problématique à celle de la délinquance et de l’insécurité.

Pourtant, sur ce paramètre aussi, le rapport Machard de 2003 a clairement mis en lumière que le basculement de l’absentéisme scolaire vers la délinquance n’a rien de systématique et ne concerne qu’une fraction minime d’élèves.

Nous réaffirmons l’existence de moyens de lutte contre l’absentéisme scolaire. Il suffirait de les développer plutôt que d’adopter une disposition dangereuse, dénoncée par les syndicats d’enseignants, de parents d’élèves, de la CNAF, la Caisse nationale d’allocations familiales, et des inspecteurs d’académie.

Assurer une politique éducative ambitieuse de haut niveau et de réussite pour tous est un moyen efficace de lutter contre l’absentéisme scolaire.

Cela a évidemment un coût, mais l’éternelle réduction des moyens de l’éducation tout comme la dégradation des prestations sociales en ont également un, qui ne se chiffre pas aujourd’hui, mais qui hypothèque gravement l’avenir de nos jeunes et donc du pays.

Il n’est donc nul besoin de légiférer !

Donnons plutôt aux dispositifs existants les moyens de jouer leur rôle, en développant réellement l’accompagnement personnalisé, effectué par les conseillers d’orientation psychologue et les enseignants des RASED.

Il est urgent de stopper immédiatement la réduction des postes d’enseignants, compensés par des heures supplémentaires. En effet, cela ne permet pas aux enseignants de dégager le temps d’accueil et d’écoute des élèves et des familles nécessaire à la prévention des difficultés.

De même, la CNAF, elle aussi confrontée aux réductions massives de postes, est impliquée de longue date dans la lutte contre l’absentéisme scolaire.

Ses personnels travaillent à renforcer les actions partenariales de proximité avec les établissements scolaires pour prévenir au plus tôt et soutenir la mobilisation des parents ; à créer des instances départementales de suivi de l’assiduité scolaire, de sensibilisation et de prévention en amont ; à animer des modules de soutien à la parentalité, pourtant supprimés en 2006 par la loi dite « d’égalité des chances ».

De la même manière, les actions sociales d’aide à la parentalité, comme les LAEP, les lieux d’accueil enfants-parents, l’accompagnement à la scolarité, la médiation familiale, ou les REAAP, les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, doivent être développées.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je vous demande de voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

M. Jean Desessard. Vous m’avez convaincu, chère collègue !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En effet, une chose est sûre : il n’est pas de bonnes économies quand elles concernent l’éducation nationale et, donc, les moyens de la réussite pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent également.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Nos collègues du groupe CRC-SPG invoquent le principe d’égalité, protégé par l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour contester la constitutionnalité du dispositif de suspension des allocations familiales.

Il est vrai que la suspension des allocations familiales ne peut toucher que les familles qui les reçoivent et qu’elle touche différemment les familles selon leurs revenus. En particulier, le dispositif n’a pas d’impact sur les parents d’un enfant unique qui serait absentéiste.

Cet argument n’est cependant pas suffisant pour démontrer l’irrecevabilité de la proposition de loi.

M. Ivan Renar. Il est nécessaire !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. En effet, l’inégalité de traitement entre les familles invoquée n’est que la conséquence de l’inégalité initiale du régime des allocations familiales.

La constitutionnalité du régime des allocations familiales n’a jamais été remise en cause par le Conseil constitutionnel. Il a, au contraire, rappelé, dans sa décision du 18 décembre 1997 sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, que ce régime répondait à l’exigence de solidarité nationale en faveur de la famille.

Par parallélisme, la suspension des allocations pour des motifs d’intérêt général ne crée pas, en elle-même, d’inégalité contraire à la Constitution.

Plus généralement, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur y déroge pour des raisons d’intérêt général, comme l’a maintes fois réaffirmé le Conseil constitutionnel.

L’absentéisme scolaire est bien souvent à la racine de l’exclusion sociale et peut conduire à la délinquance dans le pire des cas. Lutter contre ce fléau est un impératif qui impose d’utiliser tous les instruments à notre disposition, y compris, et en dernier recours, la suspension des allocations familiales.

Il n’est pas contestable que l’octroi des allocations familiales est, dès l’origine, lié au respect de l’assiduité scolaire et que la suspension est légitime en cas de carence des parents.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré la suspension des allocations familiales pour les parents d’un mineur placé en centre éducatif fermé, lorsqu’il a examiné, dans sa décision du 29 août 2002, une nouvelle version de l’ordonnance du 2 février 1945.

En outre, il serait inexact d’affirmer que les parents d’un enfant unique absentéiste ne peuvent pas être sanctionnés. Indépendamment de la proposition de loi, ils peuvent en effet être sanctionnés aux termes des articles 227-17 et R. 624-7 du code pénal, pour une contravention ou pour un délit.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

M. Claude Bérit-Débat. Deux poids, deux mesures !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler tout à l’heure en répondant aux orateurs qui s’étaient exprimés lors de la discussion générale, depuis que, en 1959, a été inscrit dans la loi un lien entre l’assiduité scolaire et le versement des prestations familiales, le Conseil constitutionnel n’a jamais rien eu à redire à de telles dispositions. Vous ne serez donc pas surpris, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, que le Gouvernement appelle à rejeter cette motion.

Madame Gonthier-Maurin, j’émets cet avis d’autant plus volontiers que nous avons de véritables divergences de vues quant à l’action qui doit être menée à l’égard de nos enfants. Je crains d'ailleurs que vos propos n’aient caricaturé ce qui se passe réellement dans les classes en cette rentrée scolaire.

Nous nous retrouvons sur un seul point : très en amont, il faut mener une politique éducative efficace afin d’éviter le décrochage scolaire et l’absentéisme. Toutefois, nous souhaitons pour notre part adapter la scolarité à la situation de chaque enfant. C’est toute la politique d’individualisation que nous menons en cette rentrée, avec l’accompagnement personnalisé, l’aide personnalisée dans le premier degré et les stages de remise à niveau qui sont proposés à 200 000 enfants afin qu’ils ne quittent pas le système éducatif et ne se trouvent pas en situation de décrochage scolaire. C’est de cette façon que nous pourrons véritablement lutter contre les difficultés que rencontrent ces élèves.

Pour toutes ces raisons, je vous appelle donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à rejeter cette motion.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 277 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 153
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Claude Bérit-Débat. Quel dommage !

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article additionnel avant l'article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Cartron, MM. Bodin et Domeizel, Mme Blondin, M. Lagauche, Mmes Lepage et Bourzai, M. Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°1 rectifiée.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n° 663, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la motion.

M. Yannick Bodin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors d’une réunion de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le président de cette instance, M. Jacques Legendre, avait invoqué la « nature éducative » de cette proposition de loi, pour se réjouir que notre commission soit saisie au fond. C’était une analyse que nous pouvions partager.

Malheureusement, je dois le dire, d’éducation il est assez peu question ici. (Marques d’étonnement au banc des commissions.) Même si vous avez tout fait pour aborder cette notion dans vos discours, vos efforts ont été vains, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission. En revanche, la sanction et la répression sont présentes. Il s'agit même des maîtres mots de cette proposition de loi ! Celle-ci s’inscrit – disons-le franchement – dans le contexte malsain de ces derniers mois, comme mes collègues l’ont montré.

Les événements qui se sont déroulés ces derniers temps, les déclarations gouvernementales et les mesures annoncées dans plusieurs domaines prouvent que cette proposition de loi participe d’une manœuvre politique globale que nous ne pouvons accepter.

Les élections régionales ont infligé au parti gouvernemental une défaite mémorable qui le pousse à se réapproprier les discours autoritaristes et démagogiques, dans un registre proche, et même parfois identique – n’est-ce pas, monsieur Nègre ? –, de celui de l’extrême droite.

Nous devons combattre cette dérive ! Cela éviterait que notre pays soit montré du doigt par les instances internationales et les autres démocraties, et peut-être même, demain, condamné.

M. Yannick Bodin. Le dernier vote du Parlement européen, émis par une majorité des élus des 27 pays de l’Union européenne, fait tout simplement rejaillir la honte sur la France, alors que nous prétendons souvent constituer un exemple et porter les valeurs universelles de la défense des droits de l’homme et de la femme. Je le répète, aujourd'hui, nous sommes montrés du doigt, et presque condamnés !

Je souhaite donc opposer la question préalable à cette proposition de loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire qui, sous couvert de répondre à une préoccupation éducative, témoigne d’une visée répressive insupportable.

Tout a été dit par mes collègues lors de la discussion générale. Pour ma part, je reprendrai les cinq qualificatifs que j’avais employés lors de notre première rencontre en commission : ce dispositif est inadapté, inefficace, injuste, impraticable, enfin inintelligent – j’avais employé un terme plus sévère, mais comme vous m’avez reproché son caractère quelque peu excessif ou péjoratif, monsieur le président de la commission, j’ai fait un effort !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait ! Ce n’est plus le même mot à la fin de l’énumération.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, que disent les élus de mon groupe ? En premier lieu, que ce texte prévoit des mesures inadaptées.

Lorsque M. Sarkozy a annoncé le caractère systématique de la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, il a présenté cette mesure, dans un discours à Bobigny, comme une réponse à la violence dans les établissements scolaires. Rappelez-vous, mes chers collègues, il a déclaré : « Nous allons prendre des mesures nécessaires pour protéger les établissements scolaires de la violence. Désormais, la décision de suspendre les allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire injustifié et répétitif d’un élève aura un caractère systématique ».

Vous le voyez, l’amalgame établi entre absentéisme scolaire et violence montre que le Président de la République aborde ce problème d’un point de vue strictement répressif, et non pas éducatif. En quoi un élève absentéiste serait-il, par principe ou par nature, un délinquant ? Une fois de plus, M. Sarkozy ne veut que frapper l’opinion par une mesure choc dans son domaine de prédilection, à savoir l’insécurité. Il ne cherche pas à comprendre les causes profondes de ce malaise pour tenter ensuite d’y remédier.

Nous nous accordons tous à reconnaître que l’absentéisme scolaire constitue aujourd'hui un véritable problème. Toutefois, celui-ci appelle des solutions adaptées aux élèves, qui doivent relever de la politique d’éducation et non pas de la répression.

Si des élèves choisissent de ne pas se rendre au collège ou au lycée, les raisons de leur comportement sont multiples. En effet, seulement 45 % d’entre eux en France se sentent à leur place en classe, contre 81 % en moyenne, je le répète, dans les pays de l’OCDE.

Les facteurs de malaise peuvent être d’ordre personnel ou institutionnel. Plutôt que de prévoir des mesures strictement répressives, il convient de prendre le problème à la base, à l'échelle des établissements. Car si les parents ont le devoir de veiller à ce que leurs enfants se rendent à l’école, certes, les établissements, de leur côté, doivent disposer des moyens nécessaires pour assurer un accueil optimal des élèves. Cette exigence implique des effectifs de classe convenables, avec des personnels en nombre suffisant, présents pour aider les élèves tout au long de leur scolarité, que ce soit pour les aider dans leurs études, pour leur apporter un soutien psychologique, ou pour les conseiller sur leur orientation. Un élève qui s’absente est souvent en souffrance, et le premier devoir de l’éducateur est de l’accompagner.

Le cas des lycées professionnels, dont nous avons beaucoup discuté, est significatif et prouve l’inadaptation de ce texte. Dans ces établissements, vous le savez, monsieur le ministre, les élèves sont en moyenne plus âgés, leur relation avec leurs parents est différente – sinon carrément inexistante –, et ils sont fréquemment obligés de faire des « petits boulots » pour subvenir à leurs besoins.

M. Yannick Bodin. Pouvons-nous décemment appliquer ce texte dans de telles conditions ? En outre, je le répète, qu’est-il prévu pour les familles à enfant unique ? Le Gouvernement mettra-t-il en prison les parents dont les enfants ne vont pas à l’école, comme c’est le cas en Grande-Bretagne ?

Les élus de mon groupe vous ont dit que l’inefficacité de cette mesure est évidente. Nous l’avons vu, cette réglementation a déjà été mise en place dans d’autres pays européens. Or c’est un échec !

L’exemple britannique, qui brille par sa sévérité – les parents dont les élèves sont absents trop souvent doivent payer de fortes amendes, ou même encourent des peines de prison dans les cas extrêmes –, est significatif : au Royaume-Uni, le taux d’absentéisme est passé de 0,97 % en 2007-2008 à 1,03 % en 2008-2009.

Une réglementation efficace prévoit de prendre des mesures à la racine du problème. Nous savons que l’absentéisme est révélateur des inégalités du système éducatif français : si la moitié des établissements du secondaire enregistrent un taux d’absentéisme inférieur à 2 %, les 10 % d’établissements qui sont les plus en difficulté ont un taux supérieur à 20 %. (Mme Françoise Cartron opine.)

Le décrochage scolaire reste l’une des principales raisons de l’absentéisme scolaire. C’est un problème qui concerne particulièrement certains établissements en difficulté. Comment le Gouvernement espère-t-il parvenir à des résultats égalitaires, alors qu’il ne cesse de supprimer des postes au sein de l’éducation nationale ?

M. Yannick Bodin. Je le répète, monsieur le ministre, et, même si cela ne vous plaît pas, cela ne fait rien : cette année, ce sont encore 16 000 postes qui sont supprimés. Et je ne parle ici que des professeurs, je n’inclus pas les suppressions de postes des autres personnels de l’éducation nationale, par exemple les conseillers principaux d’éducation. À cela s’ajoute l’arrivée dans les classes des professeurs stagiaires sans aucune formation professionnelle, en application de la fameuse réforme de la mastérisation. Le personnel éducatif est en colère. Pis encore, il se sent dépassé et impuissant.

Il faut également reconsidérer le système d’orientation des élèves. L’enseignement professionnel enregistre 15 % d’absentéisme en moyenne. Les élèves concernés, généralement en échec scolaire au collège, ne choisissent pas leur orientation : ils la subissent. L’inadéquation entre le choix initial de la spécialisation et l’attribution finale est fréquente. Chaque adolescent devrait avoir la possibilité de choisir son avenir en fonction de ses choix et de ses aptitudes.

Il est déplorable que l’orientation vers un établissement professionnel soit ressentie comme une punition, alors qu’elle pourrait constituer un choix si l’écoute envers les élèves était plus soutenue. Et après l’on s’étonne du fort taux d’absentéisme dans ces établissements ! Qui est responsable : l’élève ou la collectivité nationale, en particulier le ministère de l’éducation nationale ? Ce processus décisif dans la vie de chaque élève ne doit pas être faussé par des contraintes d’offre, de disponibilité ou par une négligence quelconque. Il convient de refonder tout le système d’orientation afin de créer une réelle construction du parcours scolaire.

Les élus de mon groupe vous ont dit également que l’injustice de cette mesure a été de nombreuses fois soulevée.

Je ne fais d’ailleurs que reprendre les débats de la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin – cela a été rappelé de nombreuses fois, peu importe – : il est proposé d’abroger « le dispositif de sanction fondé sur la suspension des prestations familiales, en raison de son caractère injuste et peu efficace ».

M. Yannick Bodin. Les prestations familiales ont en effet vocation à compenser pour partie le coût de l’entretien de l’enfant, qui reste le même quelle que soit l’assiduité scolaire ; elles ne constituent en rien une sorte de récompense. Est-il nécessaire de rappeler que 18 % des moins de dix-huit ans vivent sous le seuil de pauvreté en France ?

Le Gouvernement change aujourd'hui d’avis, comme la majorité du reste. Monsieur le ministre, cela n’a rien d’étonnant : vous changez parfois d’avis plusieurs fois dans la même journée, il suffit d’écouter la radio. Vous changez même parfois de circulaire d’une semaine sur l’autre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Les familles qui ont réellement besoin de cette aide sociale seront donc les seules concernées par ce dispositif, ce qui le rend insupportable. Je ne parle même pas de l’article prévoyant la non-compensation par le RSA de sa suspension-suppression. Le devoir de notre République n’est-il pas de donner les mêmes chances à tous ses citoyens, et d’abord aux plus jeunes ?

Cette mesure ne touche donc que l’absentéisme scolaire des plus pauvres. Il est inconcevable de poursuivre la mise en place progressive par le Gouvernement d’une société à deux vitesses. Supprimer les allocations familiales, c’est ajouter la misère à la pauvreté. Qui peut croire que cette mesure aidera les familles en difficulté à retrouver le sens de leur rôle de parents ?

Les élus de mon groupe ont également dit que cette proposition de loi inscrivait un dispositif impraticable.

Le Gouvernement a été contraint de répondre à de nombreuses questions de parlementaires qui l’interrogeaient, par exemple, sur les problèmes de surcharge de travail des caisses d’allocations familiales. Beaucoup de lieux d’accueil du public sont amenés à fermer leurs portes pour assurer leur travail. Cette charge de travail supplémentaire alourdirait encore leurs fonctions, alors que le président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales a alerté le Gouvernement, affirmant que le réseau des CAF était « proche de l’implosion ».

Nous voyons que la procédure proposée est extrêmement complexe et nous pouvons ainsi pertinemment nous interroger sur la faisabilité de ce dispositif. Aux dires de plusieurs fonctionnaires ou employés de la CAF avec lesquels je me suis entretenu, chaque dossier mettrait plusieurs mois avant d’aboutir, créant un nouveau nœud bureaucratique et rendant la « sanction » très tardive, c'est-à-dire dépassée dans bien des cas, puisqu’elle interviendrait longtemps après la fin de l’année scolaire. Les foyers français sont de plus en plus nombreux à faire appel aux CAF : n’est-il pas plus opportun de s’attacher à résoudre leurs problèmes économiques que d’en créer de nouveaux ?

Les élus de mon groupe ont encore souligné le caractère inintelligent de cette mesure.

Des mesures quasi identiques existent déjà, mais leur complexité et l’incohérence de leur principe font qu’elles ne sont pas appliquées. La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a créé le « contrat de responsabilité parentale » dans les cas d’absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire et de difficulté liée à une carence de l’autorité parentale. Le code de l’action sociale et des familles précise qu’en cas de non-respect des obligations le président du conseil général peut intervenir. Mais l’évaluation de ce dispositif, qui était prévue avant le 30 décembre 2007, n’a toujours pas eu lieu.

La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a également créé les conseils pour les droits et devoirs des familles. Le code de l’action sociale et des familles offre plusieurs possibilités d’action. Ainsi, « le maire peut proposer aux parents ou au représentant légal du mineur concerné un accompagnement parental ».

Les membres de la majorité gouvernementale, qui déplorent l’inaction prétendue des présidents des conseils généraux dans les cas d’absentéisme scolaire, vont-ils également faire porter aux maires qui s’investissent déjà très fortement cette responsabilité ? Allons-nous continuer à accumuler les nouveaux dispositifs sans jamais prendre la peine d’analyser leur pertinence ?

On peut même craindre, à juste titre, que les établissements ne soient de plus en plus hésitants à saisir les inspecteurs d’académie, qui eux-mêmes seront très prudents dans la mise en œuvre d’une telle mesure. J’en ai la certitude, monsieur le ministre, à moins, bien sûr, que, comme dans les commissariats, on leur demande de faire du chiffre,…

M. Yannick Bodin. … méthode idiote quand on connaît la culture des fonctionnaires de l’éducation nationale. Et, en disant cela, je n’insulte pas les autres agents de l’État.

Actuellement, il existe des ressources internes à l’éducation nationale comme les groupes d’aide à l’insertion, les centres d’information et d’orientation ou encore les projets de lutte contre le décrochage scolaire. « Le rôle des CAF va bien au-delà du versement des prestations. Elles sont notamment très investies dans l’aide à la parentalité : la médiation familiale, l’aide à la scolarité, les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents ou encore les espaces de rencontres parents-enfants. »

Au lieu de développer ces projets structurés, le Gouvernement préfère une nouvelle fois la politique de la sanction et, surtout, celle de l’annonce médiatique. Et il continue de supprimer des postes essentiels à un développement harmonieux des établissements scolaires.

Le problème de l’absentéisme scolaire est bien réel et il convient de le traiter, mais avec des solutions crédibles et humaines. L’absentéisme scolaire existe, mais ce n’est pas une affaire de police, c’est une affaire d’éducation.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Ivan Renar applaudit également.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Cher collègue Bodin, eh oui, lors d’un débat devant la commission de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, j’ai affirmé que le problème de la présence ou de l’absence des élèves à l’école était d’ordre scolaire. Je ne sais pas si c’est une erreur ; cela me paraît une évidence.

M. Yannick Bodin. Vous avez raison, ce n’est pas un problème sécuritaire !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Si cette proposition de loi est soumise à la commission de la culture et non à une autre commission, par exemple à la commission des lois, c’est parce qu’il ne s’agit pas d’un problème fondamentalement sécuritaire.

M. Claude Bérit-Débat. La réponse est sécuritaire !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Monsieur Bodin, même en faisant montre d’une relative prudence, vous avez, s’agissant de ce dispositif, employé certains qualificatifs : « inintelligent », « idiot ». J’ai été pendant quinze ans le maire de la cité qui s’honore de fabriquer des bêtises, alors je ne crains pas les débats de nature stylistique ! (Sourires.)

J’en viens au fond. Nous l’avons tous souligné au cours de ce débat : l’absentéisme scolaire est un phénomène aux multiples facettes, dont les causes sont diverses et les effets parfois dévastateurs. C’est bien là le problème ! Il est donc nécessaire d’agir sur plusieurs leviers.

Le volet proprement scolaire est traité dans les réformes de l’enseignement primaire et des lycées professionnels et généraux, mais aussi dans la rénovation en cours du système d’orientation – ce point très important a été souligné à juste titre et par l’un des vôtres – et dans les mesures de suivi et de traitement du décrochage scolaire. Cependant, oublier le rôle que les parents peuvent et doivent jouer dans la lutte contre l’absentéisme scolaire serait une erreur. C’est pourquoi la proposition de loi insiste sur la responsabilisation et l’accompagnement des familles.

Le but principal du texte est d’aider certains parents à prendre conscience des conséquences graves que peuvent entraîner les absences de leur enfant. Il faut mobiliser des parents parfois découragés, parfois en proie à de graves difficultés, en comptant aussi sur un effet de dissuasion. Je suis convaincu que les avertissements adressés par les inspecteurs d’académie et la seule menace d’une suspension seront à eux seuls très efficaces pour diminuer l’absentéisme. Certes, cela ne règle pas tout, il faut également aider les parents, c’est vrai, mais il s’agit là d’un signal fort, marquant que l’on ne peut aller plus loin et qu’il est temps de se ressaisir.

La proposition de loi n’a donc pas pour finalité de punir les parents – quelle idée ! – ou d’améliorer les comptes de la sécurité sociale. Loin des polémiques, en multipliant les occasions d’échanges avec les parents, le texte vise à inciter les parents à une supervision plus attentive et plus active de leurs enfants – la société ne peut pas tout faire ; il est souhaitable que les parents prennent leurs responsabilités et soient incités à le faire –, à stimuler le dialogue entre l’éducation nationale et les parents, à faciliter l’orientation des familles en difficultés vers les dispositifs d’accompagnement et d’aide à la parentalité les plus adéquats.

Voilà les termes du débat. Voilà ce sur quoi nous avons à nous prononcer. Voilà ce sur quoi il faut espérer que nous saurons, ici, promouvoir une mesure qui fera beaucoup baisser l’absentéisme scolaire. Monsieur le ministre, j’ai moi aussi manifesté une certaine surprise devant les chiffres que vous avez cités tout à l’heure. Malheureusement, ils sont exacts. La situation est grave, il faut saisir tous les leviers pour gagner ce combat.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur Bodin, vous nous reprochez de changer d’avis. Ce qui est certain, c’est que, vous, vous ne changez pas de discours : vous êtes passés maîtres dans l’art de la caricature systématique du Gouvernement.

Je ne prendrai qu’un exemple. Vous mettez en avant une réorientation de la politique du Gouvernement, un écran de fumée pour séduire les électeurs de l’extrême droite.

M. Claude Domeizel. C’est vrai !

M. Luc Chatel, ministre. Je voudrais attirer votre attention sur la réaction des Français à l’annonce de cette mesure de suspension des allocations familiales en cas de non-présence scolaire et de manque d’assiduité : 68 % d’entre eux y sont favorables,...

M. Luc Chatel, ministre. ... 72 % chez les ouvriers,...

M. Yannick Bodin. Si vous étiez plus démagogues encore, vous obtiendriez de meilleurs résultats !

M. Luc Chatel, ministre. ... 59 % chez les électeurs du parti socialiste. (M. Yannick Bodin s’exclame.) De tels résultats signifient que cette mesure n’est ni de droite ni de gauche.

M. Yannick Bodin. Elle est démagogique !

M. Luc Chatel, ministre. Elle est de bon sens, parce qu’elle est fondée sur la responsabilisation des familles.

J’irai plus loin. Quel est le responsable politique national qui a proposé que l’armée intervienne dans les établissements scolaires ? À ma connaissance, ce n’est pas un membre de la majorité présidentielle. C’est Mme Ségolène Royal, présidente de région, ancienne candidate à l’élection présidentielle (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Adrien Giraud applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.), qui a également proposé que les parents aillent éventuellement en prison en cas d’actes délictueux.

M. Yannick Bodin. C’est un mensonge !

M. Luc Chatel, ministre. Non !

M. Yannick Bodin. Elle n’a jamais proposé cela ! Elle n’a jamais dit que l’armée devait entrer dans les établissements scolaires !

M. Yannick Bodin. Elle a parlé d’un encadrement pour un certain nombre d’élèves, ce qui est complètement différent ! Caricature pour caricature, c’est vous qui caricaturez !

M. Luc Chatel, ministre. Pour être précis, elle l’a dit encore récemment, monsieur le sénateur !

M. Yannick Bodin. Pas du tout !

M. Luc Chatel, ministre. J’ai compris que cela suscitait de votre part quelque circonspection, qui est d’ailleurs partagée au-delà de votre groupe politique.

Alors, il faut arrêter d’élever des écrans de fumée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. Et vous, arrêtez de mentir !

M. Luc Chatel, ministre. Cette mesure est destinée non pas à s’appliquer à une catégorie de la population, mais à responsabiliser l’ensemble des familles.

Nous ne faisons aucun amalgame entre délinquance et sécurité, délinquance et absentéisme scolaire.

M. Yannick Bodin. Mensonge !

M. Claude Bérit-Débat. C’est un mensonge !

M. Luc Chatel, ministre. Simplement, monsieur le sénateur, force est de le constater, le décrochage scolaire peut conduire à l’oisiveté, et les jeunes sans activité sont exposés à des risques que l’on connaît et que les familles, les éducateurs vivent au quotidien ; ce peut être la spirale vers la délinquance. (M. Paul Blanc acquiesce. – M. Yannick Bodin proteste.)

Je vous rejoindrai peut-être sur un point, monsieur Bodin : la nécessité d’améliorer notre dispositif d’orientation. Or vous avez plaidé pour les réformes que nous avons engagées, aussi bien celle de la voie professionnelle que celle du lycée, qui prévoient précisément une orientation beaucoup plus progressive, réversible, avec des possibilités de changement de parcours et de trajectoires.

Nous avons élaboré et mis en œuvre ces réformes, ce qui prouve que nous savons nous adapter à la réalité des situations rencontrées par les élèves.

Cependant, au-delà de cet unique point d’accord, monsieur Bodin, vous comprendrez que j’appelle la Haute Assemblée à rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste)

M. Yannick Bodin. On n’en attendait pas moins !

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1 rectifié, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Question préalable
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article 1er

Article additionnel avant l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 131-6 du code de l'éducation sont supprimés.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Si nous estimons juste l’objectif de lutte contre l’absentéisme scolaire, nous pensons cependant que les dispositions avancées sont dangereuses et contre-productives, cela a été dit et répété à de nombreuses reprises cet après-midi.

En dépit de la loi du 2 janvier 2004 abrogeant le dispositif de suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, le Gouvernement n’a eu de cesse d’opérer des retours en arrière.

Citons, parmi ces revirements, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Ce texte prévoit la possibilité, pour les maires, de créer dans leur commune un fichier informatique de données personnelles qui recense les enfants de la commune soumis à l’obligation scolaire.

Le fichier fait également mention des manquements à cette obligation, des exclusions définitives et temporaires, les renseignements étant fournis par l’inspecteur d’académie, les organismes chargés du versement des prestations familiales ou encore par le directeur de l’établissement scolaire.

Cette loi opère ainsi un amalgame dangereux, et infondé, entre délinquance et absentéisme scolaire. Pourtant, le rapport Machard de 2003 sur les manquements à l’obligation scolaire, rappelé à l’instant et à juste titre par Brigitte Gonthier-Maurin, a précisément démontré l’absence de lien systématique entre les deux phénomènes.

De plus, ce fichier scolaire de données personnelles stigmatise particulièrement les élèves en difficulté, sans que l’on connaisse le véritable objectif du fichage ni les modalités d’utilisation des fichiers ainsi constitués.

Déjà hostiles aux fichiers informatiques collectant des données à caractère personnel dans quelque domaine que ce soit, nous sommes à plus forte raison totalement opposés à ce fichier répertoriant des enfants et des adolescents.

Outre l’inefficacité de ce procédé de fichage dans la lutte contre l’absentéisme scolaire, les risques de dérive sont bien présents. C’est pourquoi nous souhaitons l’abrogation du dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. L’amendement de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche vise à supprimer la possibilité offerte au maire par le code de l’éducation de traiter par voie informatique des données sur les enfants en âge scolaire domiciliés dans sa commune. Ces données peuvent être transmises par les caisses d’allocations familiales, l’inspecteur d’académie ou les directeurs d’établissement.

Ces bases de données ont pour but d’aider le maire à constituer la liste annuelle des enfants de sa commune soumis à l’obligation scolaire, d’une part, et à améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire, d’autre part. Elles permettent au maire d’être informé des avertissements pour absentéisme adressés aux familles par l’inspecteur d’académie, mais aussi des cas d’exclusion définitive ou temporaire ou du départ en cours d’année d’un élève inscrit.

Nous souhaitons tous cerner plus précisément l’absentéisme, ses formes, ses causes et ses effets. Il paraît donc inopportun de se priver de données fiables, collectées au plus près du terrain.

En outre, ainsi que je l’ai dit au cours de la discussion générale, je suis convaincu que c’est par l’implication croisée des élus locaux, de l’éducation nationale et des familles que se gagnera la bataille de l’absentéisme. Ne privons donc pas les maires d’informations utiles.

Enfin, le traitement des données est encadré par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. Toutes les précautions pour éviter d’éventuelles dérives sont donc prises.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, vous voulez, par cet amendement, supprimer le traitement automatisé des données nominatives concernant l’absentéisme scolaire.

Je comprends mal cette volonté. D’une part, vous considérez que la suspension, voire la suppression des allocations familiales est injuste. D’autre part, vous nous demandez d’avoir une politique globale sur l’absentéisme. Mais, pour mener cette dernière, comme l’a très bien dit M. le rapporteur, nous avons besoin de travailler avec les élus locaux. Il est donc indispensable que le maire, qui est au cœur des politiques sociales, soit informé de l’absentéisme ou de l’assiduité scolaire des élèves de sa commune. Il y va du bon exercice de sa responsabilité au regard des jeunes de sa commune.

Par ailleurs, la loi ne prévoit aucune obligation pour les maires de mettre en œuvre un traitement automatisé des données nominatives. Ils peuvent le faire, tout comme ils peuvent utiliser une méthode plus traditionnelle pour assurer un suivi de l’obligation d’assiduité scolaire.

Pour ces deux raisons, vous comprendrez que le Gouvernement ne soit pas favorable à votre amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article 1er bis

Article 1er

(Non modifié)

L’article L. 131-8 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° A (nouveau) À la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa, les mots : « présumés réfractaires » sont remplacés par les mots : « en cause » ;

1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’inspecteur d’académie afin qu’il adresse, par courrier ou à l’occasion d’un entretien avec lui ou son représentant, un avertissement aux personnes responsables de l’enfant, leur rappelant les sanctions administratives et pénales applicables et les informant sur les dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours : » ;

1° bis (nouveau) Au quatrième alinéa, le mot : « ils » est remplacé, par deux fois, par le mot : « elles » ;

2° Les sixième et septième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« L’inspecteur d’académie saisit sans délai le président du conseil général du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale ou de toute autre mesure d’accompagnement que le président du conseil général pourrait proposer aux familles en application de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles. » ;

3° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « communique », est inséré le mot : « trimestriellement » ;

4° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas où, au cours d’une même année scolaire, une nouvelle absence de l’enfant mineur d’au moins quatre demi-journées sur un mois est constatée en dépit de l’avertissement adressé par l’inspecteur d’académie, ce dernier, après avoir mis les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l’absence de motif légitime ou d’excuses valables, saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause, calculées selon les modalités prévues à l’article L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales informe l’inspecteur d’académie ainsi que le président du conseil général de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les personnes responsables de l’enfant de cette décision et des dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.

« Le versement des allocations familiales n’est rétabli que lorsque l’inspecteur d’académie a signalé au directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qu’aucun défaut d’assiduité sans motif légitime ni excuses valables n’a été constaté pour l’enfant en cause pendant une période d’un mois de scolarisation, éventuellement interrompu par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu.

« Le rétablissement du versement des allocations familiales est rétroactif. Si, depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences de quatre demi-journées par mois sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées, à la demande de l’inspecteur d’académie et après que les personnes responsables de l’enfant ont été mises en mesure de présenter leurs observations, aucun versement n’est dû au titre du ou des mois au cours desquels ces nouvelles absences sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées.

« La suspension des allocations familiales ne peut prendre effet qu’à une date permettant de vérifier sous deux mois la condition de reprise d’assiduité définie aux deux alinéas précédents. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.

Mme Bernadette Bourzai. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous entrons dans le vif du sujet de la proposition de loi de M. Ciotti, qui est guidée par une seule volonté : sanctionner financièrement les parents d’élèves absentéistes, dès lors qu’ils ont recours aux mécanismes de la solidarité nationale par le biais des allocations familiales ou le revenu de solidarité active.

Dans un entretien accordé au journal La Croix, à l’occasion de la rentrée, vous avez déclaré, monsieur le ministre : « La suspension des allocations est une mesure nécessaire, mais elle ne fonde pas à elle seule notre politique de lutte contre l’absentéisme ». Immédiatement, le journaliste vous a fait remarquer que cette mesure avait existé jusqu’en 2004 et vous a demandé si vous disposiez de chiffres prouvant son efficacité. Vous avez répondu : « Il n’y a jamais eu d’analyse précise sur ce sujet ».

Pourtant, vous vous réjouissez aujourd'hui que ce vieux dispositif soit remis au goût du jour, donc sans véritable évaluation et pour des raisons uniquement électoralistes.

Monsieur le ministre, on ne saurait mieux dire que ces mesures de stigmatisation, qui ajoutent de la « misère à la misère », pour reprendre l’expression de Luc Ferry, votre prédécesseur, sont hors sujet par rapport à la question de l’absentéisme scolaire, qui est, quant à elle, la grande absente du texte que nous examinons.

L’environnement de l’élève, c’est d’abord sa famille, qui, parfois, mais pas toujours, dans les cas d’absentéisme, est en difficulté sociale, ou bien éclatée, recomposée, voire monoparentale.

M. Ciotti sait-il que, s’agissant des enfants vivant dans les familles monoparentales, qui sont plus souvent victimes du chômage et du travail à temps partiel subi, donc particulièrement exposées à la précarité, le taux de pauvreté approche 40 % ? Ce sont là des données extraites du rapport de la Cour des comptes pour 2010, que je ne développerai pas, mes collègues ayant abordé ce point tout à l'heure, avec toutes ses conséquences.

Mais l’environnement de l’élève, c’est aussi la collectivité, qui doit intégrer les jeunes. C’est d’abord le rôle de l’école, sur lequel je veux insister dans le temps qui m’est imparti.

Par définition, les interlocuteurs de l’élève à l’école sont formés à ce rôle – sauf depuis que vous avez inventé la catégorie des enseignants non formés ! –, mais tel n’est pas forcément le cas des parents.

Les interlocuteurs scolaires doivent ouvrir des perspectives à l’élève et lui redonner confiance, à plus forte raison lorsqu’il se sent en difficulté et qu’il s’interroge sur le sens de la vie et la société.

Du chef d’établissement aux enseignants en passant par les conseillers d’éducation, chacun a sa tâche. Pour les problèmes d’absentéisme, les interlocuteurs, ce sont d’abord et surtout les conseiller principaux d’éducation, les CPE.

Ce sont eux qui contactent les familles pour les informer des absences et rechercher auprès d’elles les causes de l’absentéisme.

Dans la pratique, dès qu’ils en ont les moyens, les CPE n’attendent pas que soit atteint le nombre réglementaire de cinq demi-journées d’absence dans le mois pour considérer qu’il faut aider l’élève. En conseil de classe, les professeurs s’alarment dès que ce nombre est dépassé pour un trimestre.

C’est ce qu’attendent l'Union nationale des associations familiales, l’UNAF, les parents et les élèves eux-mêmes : une intervention rapide et réactive.

Même si le dispositif proposé par M. Ciotti présentait un quelconque intérêt, le mécanisme serait trop lent et trop complexe à mettre en œuvre pour être véritablement efficace.

Les CPE, spécificité française, doivent jouer pleinement leur rôle, ce qu’ils font le plus souvent. Malheureusement, ils sont « en voie de disparition » : absents dans plusieurs centaines de collèges, ils sont en sous-effectifs dans les lycées. Or un CPE tout seul peut être vite dépassé. S’ils sont plusieurs, ils peuvent mieux se coordonner et mettre en œuvre les ressources du milieu scolaire pour rattraper l’élève décrocheur.

Malheureusement, les CPE ne sont pas seulement moins nombreux, ils disposent de moins en moins de conseillers d’éducation adjoints, faute de ressources, et de moins en moins de temps pour faire face à des tâches qui se sont multipliées. C’est la triste réalité, malgré vos dénégations sur l’encadrement, monsieur le ministre.

Vous évoquez sans cesse les structures créées par le Gouvernement et devant concourir à la lutte contre l’absentéisme, notamment le soutien personnalisé. En fait, votre dispositif fonctionne non pas pour chaque élève pris individuellement, mais pour des groupes qui peuvent comprendre jusqu’à vingt élèves selon les cas. Il y a donc loin de ce que l’on comprend de votre discours à la réalité.

Or les structures novatrices, qui constituent plutôt des exceptions que des exemples, provoquent souvent, là où elles existent, la dispersion du temps des CPE et de l’encadrement.

À cet égard, je pourrais vous citer un internat d’excellence ouvert depuis la rentrée, qui permet en effet d’accueillir dans de bonnes conditions seize élèves internes. Cependant, l’encadrement n’ayant pas été renforcé, c’est l’étude surveillée traditionnelle de dix-sept à dix-huit heures qui a été supprimée pour une cinquantaine d’élèves. Pourtant, ils méritaient, eux aussi, de bénéficier d’un encadrement pour faire leurs devoirs !

C’est déshabiller Pierre pour habiller Paul, selon la formule consacrée. Avec la suppression massive des postes, depuis des années, l’éducation nationale en est réduite à gérer la pénurie.

L’absentéisme scolaire est aussi lié à un manque de perspective offerte aux élèves. Là encore, les conseillers d’orientation sont des interlocuteurs précieux, mais ils sont également en sous-effectifs. Sur le fond, il faut leur permettre de mettre en œuvre une véritable orientation qui suive les vœux des élèves, à la place de la pseudo-orientation fondée sur une sélection par les notes, qui nourrit le sentiment de frustration, de désintérêt, voire de culpabilité, et qui conduit à l’échec.

D’autres personnels sont indispensables, mais eux aussi en sous-effectifs : les infirmières, les psychologues, les assistantes sociales, les médecins scolaires, qui ne sont présents, au mieux, qu’une demi-journée par semaine dans l’établissement. Or ils sont les plus à même d’entendre le mal-être intime des élèves, qui voient en eux des confidents sûrs et responsables.

Faute, malheureusement, d’une analyse sérieuse des causes de l’absentéisme, les dispositions de cette proposition de loi sont contre-productives. Elles entretiennent les fantasmes. Ce ne sont pas les élèves qui vont au café du commerce, ce sont plutôt les électeurs à qui s’adresse M. Ciotti à travers cette proposition de loi !

Monsieur le ministre, l’éducation nationale a besoin d’un plan de sauvetage, ce que résume ainsi le titre du Monde Éducation daté du 15 septembre : « L’école, un service public en danger ».

Nous demandons plus de moyens non par principe, mais parce que les besoins sont avérés pour répondre à des problèmes bien identifiés, dont l’absentéisme scolaire fait partie.

Cette proposition de loi ne reconnaît même pas ces besoins, car le diagnostic sur lequel elle est fondée est profondément erroné. C’est pourquoi nous nous y opposons sans hésitation et nous demandons la suppression de l’article 1er.

Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Cartron, M. Bodin, Mme Blondin, M. Lagauche, Mmes Lepage et Blandin, MM. Domeizel et Bérit-Débat, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, la manière dont le Président de la République a présenté le dispositif qui nous est aujourd'hui soumis conduit à un amalgame entre absentéisme scolaire, violence scolaire et délinquance. À en croire en effet le Président de la République, les mineurs qui ne vont plus à l’école seraient les guetteurs des trafiquants de drogue ou les « caillasseurs » de bus ! Votre texte traduit en réalité une peur de ces prétendues classes sociales dangereuses.

Pour vous, monsieur le ministre, un élève absentéiste est un délinquant en puissance. Pour nous, il est avant tout un élève en souffrance. Être absent volontairement et souvent signifie une prise de distance délibérée par rapport à l’école. C’est un signe d’alerte qui doit nous interroger, mais aussi, et au premier chef, qui doit interroger le système scolaire. Car l’absentéisme est un symptôme ; ses causes sont diverses et complexes. Nous avons été nombreux dans la discussion générale à en faire la liste.

Je rappelle que seulement 45 % des élèves de notre pays se sentent à leur place en classe,…

Mme Françoise Cartron. … contre 81 % en moyenne dans les autres pays de l’OCDE. Cette statistique devrait nous interpeller.

Vouloir traiter l’absentéisme scolaire sans questionner ce qui se passe en classe, sans interroger l’acte pédagogique, sans se poser, non plus, la question du sens des apprentissages, ou d’une prise en charge adaptée, au quotidien, pour ces élèves absentéistes, est un non-sens, et en tout cas une erreur.

Mais bien sûr, votre intention première, monsieur le ministre, n’est pas de réduire l’absentéisme scolaire. Cette proposition de loi est d’ordre symbolique et constitue un effet d’annonce à l’intention d’une opinion publique facile.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les réponses aux problèmes de l’absentéisme scolaire et du décrochage se trouvent, selon nous, non pas hors de l’école, mais dans l’école, et sont à trouver en lien avec les parents. Elles nécessitent une prise en charge globale de l’élève par une équipe pluri-professionnelle incluant le personnel pédagogique, le médecin scolaire, l’assistante sociale.

La suspension-suppression des allocations familiales, sur l’initiative de l’inspecteur d’académie, est une non-réponse à un problème complexe. Elle sera vécue comme une mesure de stigmatisation et d’injustice sociale.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons à supprimer l’article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Madame la présidente, l’amendement de nos collègues socialistes vise à supprimer l’article qui est au cœur du dispositif et sur lequel, je le rappelle, la commission a émis un avis favorable.

Par voie de conséquence, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. René Garrec. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Vous comprendrez que le Gouvernement soit du même avis que M. le rapporteur !

Madame Cartron, nous ne faisons pas d’amalgame entre délinquance et absentéisme scolaire. Nous n’avons jamais dit qu’un élève absentéiste était un délinquant avant l’heure. Jamais !

M. Yannick Bodin. Le Président de la République, si !

M. Luc Chatel, ministre. En revanche, ce que nous savons, c’est que les jeunes délinquants ou trafiquants que vous avez évoqués sont, eux, en rupture avec le système éducatif. Il faut s’interroger sur les raisons de cette rupture et réfléchir à la manière de les « raccrocher » au système, à un moment où c’est encore possible.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. Luc Chatel, ministre. Notre devoir est de lutter contre ce fléau.

Enfin, vous avez de nouveau évoqué le mal-être des élèves au sein des établissements scolaires. J’ai installé une conférence nationale sur les rythmes scolaires afin de travailler précisément sur ces questions, de réfléchir à l’organisation de la journée scolaire et à la surcharge de travail, et de parvenir à un meilleur équilibre pour l’élève entre le temps qu’il passe au collège ou au lycée, celui qu’il passe à la maison, et celui, enfin, qu’il consacre aux loisirs. La France est en effet le pays qui concentre le plus grand nombre d’heures de cours sur le plus petit nombre de jours de travail.

Je vous invite donc à nous rejoindre, madame le sénateur, pour réfléchir à ces questions qui se posent aujourd’hui à l’éducation nationale.

Cela étant dit, je ne peux accepter que vous détricotiez l’ensemble de la proposition de loi en supprimant cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 13

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous nous sommes opposés en 2006 à l’instauration du contrat de responsabilité parentale, mis en place par la loi pour l’égalité des chances, bien mal nommée, d’ailleurs.

Sous prétexte de lutter contre l'absentéisme scolaire, a été remis en place à cette occasion un dispositif particulièrement inéquitable qui avait été désavoué par la même majorité et en conséquence fort justement abrogé par la loi du 2 janvier 2004 : la suspension des allocations familiales pour absentéisme scolaire.

Nous partageons l’avis développé par Luc Machard dans son rapport de janvier 2003 sur l’inadéquation entre le fait constaté – l’absence répétée d’un élève en classe – et la sanction – la suppression des allocations familiales afférentes à l’enfant. Les allocations familiales sont en effet versées pour compenser les charges financières relatives à l’enfant et en aucun cas pour récompenser de bons parents ou servir de levier de coercition.

Vous comprendrez donc aisément que nous soyons opposés aux alinéas 6 à 13 de l’article 1er, puisqu’ils confirment ce dispositif, en le renforçant et en l’aggravant.

Le texte prévoit qu’il incombe désormais à l’inspecteur d’académie, lorsqu’il constate l’absence d’un élève mineur au moins quatre demi-journées par mois, d’adresser un avertissement aux parents. Si les absences venaient à se répéter, l’inspecteur d’académie se verrait dans l’obligation de saisir le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales, en vue de la suspension immédiate du versement des allocations familiales dues au titre de l’enfant.

La modification proposée est de taille, puisqu’il s’agit de dessaisir les élus ! En effet, la mise en œuvre de ce dispositif ne relèverait plus des présidents de conseil général. Il est question d’en faire une obligation à la charge des inspecteurs d’académie, fonctionnaires de l’État dont la mission est de mettre en œuvre les directives ministérielles.

Il s’agit bien de faire passer cette mesure en force, contre l’avis même des syndicats d’inspecteurs d’académie, qui dénoncent ce dispositif injuste, aux côtés des associations de parents d’élèves, des syndicats enseignants et des personnels des caisses d’allocations familiales.

En outre, le processus de rétablissement rétroactif des allocations familiales est durci : il n’y a rétroactivité qu’en cas de retour à l’assiduité dans les mois suivant la suspension. Ainsi, après une première suspension, chaque nouveau mois d’absence signifiera une suppression pure et simple des allocations familiales.

Le dispositif actuel prévoit, lui, la non-rétroactivité uniquement si l’absentéisme est toujours constaté au terme d’une durée de douze mois.

Parce que l’article 1er durcit un dispositif déjà très pénalisant pour les familles, nous souhaitons la suppression de ses alinéas 6 à 13.

Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° Les sixième, avant-dernier et dernier alinéas sont supprimés ;

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les dispositions que tendait à introduire l'amendement n° 3 rectifié.

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié n’ayant pas été adopté, cet amendement n’a plus d’objet.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 4 ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement tendant à supprimer les alinéas six à treize de l’article 1er, la commission y est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, car il vise à supprimer des dispositions importantes de la proposition de loi, dont nous pensons qu’elle a un caractère progressif mais aussi dissuasif pour les familles.

Encore une fois, le Gouvernement considère que le dispositif qui est présenté aujourd’hui fait partie des réponses globales et diverses au problème de l’absentéisme scolaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur l’amendement n° 4.

M. Yannick Bodin. Nous voterons cet amendement.

Monsieur le ministre, au mieux, combien de mois faudra-t-il, selon vous, pour que la procédure ici proposée aille à son terme ?

Permettez-moi de rappeler les étapes prévues : « Le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’inspecteur d’académie afin qu’il adresse, par courrier ou à l’occasion d’un entretien avec lui ou son représentant, un avertissement aux personnes responsables de l’enfant ». Il faudra donc rencontrer les familles. Combien de temps faudra-t-il pour qu’elles se déplacent ? Et toutes se déplaceront-elles ?

Ensuite, l’inspecteur d’académie saisit sans délai – bien sûr ! – le président du conseil général, puis, lorsqu’une nouvelle absence de l’enfant mineur est constatée, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales.

Renseignements pris, environ deux mois seront nécessaires pour traiter un dossier sur le plan administratif et à peu près autant sur le plan financier. La seule intervention de la caisse d’allocation familiale prendra trois ou quatre mois !

M. Roland Courteau. C’est une usine à gaz !

M. Yannick Bodin. En effet !

L’inspecteur d’académie pourra donc être amené à faire supprimer les allocations familiales pour des élèves qui auront quitté le système scolaire ou fini leur année scolaire et qui seront partis ailleurs, peut-être dans un autre établissement !

Je vous le dis : un tel dispositif est complètement irréaliste, d’autant plus que le chef d’établissement aura au préalable, avant de saisir l’inspecteur d’académie, mis en œuvre des procédures internes, rencontres avec la famille, réunion du conseil de discipline, etc.

Si tout le monde travaille très sérieusement, monsieur le ministre, il faudra au minimum une bonne année pour faire appliquer votre texte !

M. Roland Courteau. Quelle efficacité !

M. Yannick Bodin. Le dispositif que vous nous proposez est absolument inapplicable. C’est un excellent exemple de ce que l’on appelle une usine à gaz, un cas d’école que l’on pourra soumettre aux étudiants, y compris aux étudiants en droit.

Nous, nous sommes pour la suppression des usines à gaz !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur l'article.

M. Claude Bérit-Débat. Depuis le début de la discussion, de nombreux arguments contradictoires ont été avancés. On se rend compte une fois de plus que le thème de l’éducation soulève bien des passions et suscite le débat. La question de la lutte contre l’absentéisme scolaire ne fera pas exception à la règle.

Nous sentons tous en effet que notre discussion est particulièrement importante. Elle est même décisive, car ce texte est un véritable révélateur des conceptions que nous avons de l’éducation nationale et des ambitions que nous nourrissons pour elle.

Face à l’importance du sujet, il est donc nécessaire d’appréhender de manière juste et précise les termes du débat.

Pour avoir bien écouté tout ce qui s’est dit à l’instant sur cet article 1er, je suis bien obligé de constater que les présupposés, les ambiguïtés, les amalgames et les raccourcis qui servent de justification à cette proposition loi prévalent, encore et toujours.

Dans ces conditions, je veux revenir à mon tour sur cet article dont je dirai, pour commencer, qu’il montre combien cette loi est une fausse solution à un vrai problème.

Oui, l’absentéisme est un problème que nous devons résoudre. Non, la pénalisation financière des familles n’est pas la bonne solution.

Cette proposition de loi n’est en réalité rien d’autre qu’une étape de plus dans la fuite en avant sécuritaire du Gouvernement. Beaucoup de mes collègues l’ont mis en évidence.

Est-elle pour autant un moyen efficace d’améliorer l’assiduité des élèves ? Absolument pas ! Ce texte ne fait qu’amalgamer violence scolaire et absentéisme. Il ne fait que condamner des parents qui seraient obligatoirement démissionnaires.

En réalité, la proposition de loi fragilise davantage encore des familles qui sont déjà dans une situation économique et sociale difficile, mais elle ne résout rien.

Les comparaisons avec l’étranger son très prisées en cette période de réforme des retraites. Cela a été dit par l’un de mes collègues, mais il est bon de le rappeler : en Angleterre, où l’on est dans une logique similaire depuis 1997, l’absentéisme n’a pas diminué ; il a au contraire progressé, passant de 0,7 % à 1 %.

Cette donnée devrait nous conduire à réfléchir sur le bien-fondé de cette proposition de loi. La loi stigmatise, et cela est insupportable. Je sais bien que le supportable est une notion toute relative et que les capacités d’endurance de chacun varient. Pour autant, exclure la compensation de la perte des allocations familiales du calcul du RSA, c’est infliger une double peine, je n’hésite pas à la dire, à des familles en situation de précarité ! Est-ce tolérable ?

Cet article formalise juridiquement la politique du pilori de votre majorité, monsieur le ministre. Au lieu de criminaliser les élèves, ne pourrait-on pas plutôt essayer de comprendre d’un point de vue pédagogique les causes de l’absentéisme pour mieux y remédier ?

Durcir les rapports entre l’institution scolaire, les élèves et les familles n’a jamais été une solution. Victor Hugo disait qu’ouvrir une école, c’est fermer une prison. Aujourd’hui, on dirait bien que l’école, celle que vous nous proposez à travers ce texte, est plus un tribunal, où l’on sanctionne, où l’on condamne, qu’un lieu où l’on transmet et où l’on instruit.

L’article 1er montre bien la logique de ce texte. En effet, il n’y a rien dans cet article qui s’attaque aux véritables causes du problème. Pourtant, les racines du mal de l’absentéisme, quant à elles, sont bien réelles et se trouvent dans les raisons qui poussent les élèves à ne pas se rendre en classe.

Manquer délibérément un cours, c’est manifester un mal-être vis-à-vis de l’école. Cela a été dit par un certain nombre de mes collègues. Daniel Pennac évoquait ce « chagrin d’école » qu’éprouvent ceux que l’on appelle les cancres. L’élève qui refuse d’aller en cours, lui aussi, a sûrement un chagrin d’école. Cela peut être dû à de multiples raisons, sociales ou pédagogiques, et elles ont été développées avec justesse et talent par Françoise Cartron. Mais, dans tous les cas, ces absences sont un effet et non une cause.

Pourtant, au lieu d’encourager les initiatives qui aident les élèves, cette loi préfère stigmatiser, sanctionner, punir les familles.

On aurait pu s’inspirer de ce qui fonctionne, comme les groupes d’aide à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle, au lieu de pénaliser les familles, mais c’est l’inverse qui nous est proposé.

Pour ma part, j’attends de l’école qu’elle sache transmettre le bonheur d’apprendre aux élèves.

Je constate surtout que ce texte s’emploie à punir et que, dans cet article 1er, on se donne beaucoup de mal pour détailler les modalités de la punition. C’est pour cette raison que je voterai contre cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article additionnel avant l'article 2

Article 1er bis

(Non modifié)

Après l’article L. 401-2 du même code, il est inséré un article L. 401-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 401-3. – Dans chaque école et établissement d’enseignement scolaire public, lors de la première inscription d’un élève, le projet d’école ou d’établissement et le règlement intérieur sont présentés aux personnes responsables de l’enfant par le directeur de l’école ou le chef d’établissement au cours d’une réunion ou d’un entretien. » – (Adopté.)

Article 1er bis
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Article 2

Article additionnel avant l'article 2

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale est abrogé.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous demandons, par cet amendement, la suppression de l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale.

En effet, cet article transpose dans le code de la sécurité sociale la mesure de suspension et de suppression des allocations familiales en application de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles, qui met en place le contrat de responsabilité parentale auquel nous sommes formellement opposés.

De plus, si quelques contrats de responsabilité parentale ont effectivement été signés dans un département, la suppression des allocations familiales, quant à elle, n’a, fort heureusement, jamais trouvé à s’appliquer.

Il semble de bon sens de supprimer cet article, parce qu’il n’est pas appliqué et que, s’il trouvait à être mis en œuvre, il aurait des conséquences désastreuses.

Cet article, introduit par la loi de 2006, ne constitue pas une nouveauté, c’est un véritable retour en arrière, puisque nous sommes ramenés tout simplement en 1966 !

Il fait fi des avancées du débat sur le sujet qui avaient mené, en 2004, à l’abrogation du système de suppression des allocations familiales pour absentéisme scolaire.

Nous disposons, depuis sa première mise en place en 1966, d’analyses et de données concrètes et argumentées qui nous prouvent l’inefficacité d’un tel dispositif.

À cet égard, j’évoquerais à nouveau le rapport Machard, et je déplore que le Gouvernement n’ait pas pris la peine depuis 2003 de consacrer le temps nécessaire aux études préalables à toute rédaction d’une proposition législative.

Je pense notamment à l’article 48 de la loi sur l’égalité des chances, aux termes duquel ce dispositif et ses effets concrets devaient faire l’objet d’une évaluation remise au plus tard le 30 décembre 2007. Pourtant, à ce jour, il n’y a toujours pas de rapport sur ce sujet.

Le caractère inefficace et inéquitable du dispositif, soulevé dès 2003, et la possibilité d’y substituer des mesures réactives et graduées pour responsabiliser et soutenir les familles rendent nécessaire d’abroger de nouveau cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Depuis la loi du 31 mars 2006, les contrats de responsabilité parentale peuvent être signés entre le président du conseil général et les parents, en cas d’absentéisme scolaire, de troubles portés au fonctionnement d’un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale.

La possibilité de demander la suspension de tout ou partie des allocations est une contrepartie de l’engagement des parents à résoudre sérieusement leurs problèmes éducatifs.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Nous avons un vrai désaccord avec Mme Gonthier-Maurin. Nous pensons, nous, qu’il faut responsabiliser les parents, et cela ne vous surprendra pas. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

Et l’on ne peut pas tout à la fois nous accuser de prendre, avec cette proposition de loi, des mesures exclusivement répressives, et, parallèlement, proposer de supprimer le contrat de responsabilité parentale, qui est justement un acte préventif consistant à conclure avec les parents un accord comportant des engagements mutuels et à responsabiliser également la collectivité territoriale concernée par l’action sociale, via le conseil général.

Vous comprendrez donc que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article additionnel avant l’article 3

Article 2

(Non modifié)

Après l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 552-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 552-3-1. – En cas de manquement à l’obligation d’assiduité scolaire, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend, sur demande de l’inspecteur d’académie, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l’enfant en cause, selon les modalités prévues à l’article L. 131-8 du code de l’éducation. Le rétablissement des allocations familiales s’effectue selon les modalités prévues à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l’enfant en cause sont définies par décret en Conseil d’État. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme Cartron, M. Bodin, Mme Blondin, M. Lagauche, Mmes Lepage et Blandin, MM. Domeizel et Bérit-Débat, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour défendre l’amendement n° 6.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous demandons ici la suppression de l’article 2, qui transpose dans le code de la sécurité sociale la nouvelle compétence de l’inspecteur d’académie en matière de suspension et de suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire.

L’inspecteur d’académie serait en effet amené à saisir le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales, qui aurait pour sa part l’obligation de suspendre la part des allocations dues au titre de l’enfant absent.

Quoi qu’en dise le Gouvernement, cette disposition n’est pas adaptée, nous semble-t-il, à l’objectif.

Les allocations familiales ont été instaurées pour permettre aux familles de vivre tout en faisant face aux charges supplémentaires induites par la naissance d’un nouvel enfant. Elles n’ont aucun autre objectif que celui-là. Il ne s’agit que d’une aide financière, qui assure à chaque famille des moyens supplémentaires pour faire face à certains des coûts que représente l’arrivée du nouvel enfant.

Il n’existe pas de « devoir d’être vigilant et attentif à l’éducation des enfants » auquel serait subordonné le versement de l’allocation, comme on tente de nous le faire croire. Bien au contraire, les allocations familiales sont destinées à couvrir la charge de l’enfant.

Il n’y a pas de lien, et pour cause. Si l’on prend la peine de réfléchir aux conséquences, on comprend aisément qu’elles seront plus sociales que scolaires.

Il est difficile d’imaginer en quoi il serait juste et sensé pour des familles qui sont souvent en difficulté matérielle de se voir sanctionner financièrement par la suppression d’une aide sociale pour une question relevant de l’ordre scolaire.

En revanche, il est aisé de voir en quoi cette suppression d’allocations familiales contribuera à augmenter la misère sociale des familles les plus démunies, entretenant et aggravant les difficultés quotidiennes. Cela a été fort bien mis en évidence par différents collègues.

Engager une véritable lutte contre l’absentéisme signifie se pencher sur le phénomène, mais aussi sur ses causes, pour prendre les mesures adaptées.

Évidemment, cela signifierait prendre le temps nécessaire pour étudier et analyser le problème. Or l’absence d’études ou de rapports publics est éloquente.

Il semble évident, notamment à l’appui du rapport Machard, que la lumière aurait été faite sur l’inefficacité, l’injustice et l’iniquité d’une telle mesure.

Il y aurait aussi sans doute été question du développement de moyens d’accompagnements existants, ce qui s’oppose directement à l’application de la RGPP, avec la réduction des moyens alloués et la diminution drastique du nombre de personnels.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour défendre l’amendement n° 11 rectifié.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, les professionnels de l’éducation s’accordent à dire que l’élément déterminant dans la lutte contre l’absentéisme scolaire réside dans la relation avec le professeur.

Logique empathique, tutorat, travail en réseau, suivi individuel, voilà ce qui fonctionne pour faire renouer un élève avec l’assiduité scolaire, et non la stigmatisation et la culpabilisation par l’argent.

Jamais vous ne restaurerez l’autorité de parents dépassés ou désemparés par le biais de la suspension ou de la suppression des allocations familiales.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Claudine Lepage. L’autorité parentale ne se monnaie pas. Ni le goût de l’école, d’ailleurs ! Vous avez déjà dû faire marche arrière avec la fameuse cagnotte. Après la carotte, vous utilisez maintenant le bâton, qui est tout aussi inefficace !

Nous sommes totalement opposés à cette instrumentalisation de l’argent comme moteur d’une pseudo-responsabilisation.

Votre dispositif répressif, qui ne vise que la seule présence en classe, ignore totalement ce que l’on appelle les « absents cognitifs ». La présence physique ne fait pas la présence aux apprentissages.

Il ignore tout autant les stratégies d’évitement mises en œuvre par les élèves en souffrance à l’école : être présent physiquement dans l’établissement, mais aller le plus souvent possible à l’infirmerie, quand on a évidemment la chance de bénéficier de la présence d’une infirmière dans l’établissement.

Mme Claudine Lepage. Or ces comportements appellent des interrogations essentielles pour qui veut vraiment lutter contre l’échec scolaire.

Comment redonner envie d’apprendre à des élèves qui ne comprennent pas le sens des apprentissages, le sens de ce qui leur est demandé en classe, des élèves pour lesquels la relation à la culture scolaire, voire à la communauté scolaire elle-même, est problématique ?

Avec ces questions, nous touchons au cœur de la problématique de l’absentéisme scolaire. Nous ne réduirons pas le phénomène si nous n’apportons pas un panel de réponses pragmatiques et diversifiées, centrées sur l’acte pédagogique et sur le suivi, par la communauté éducative au sens large, des élèves qui ont le désamour de l’école.

L’ennui à l’école, l’impression de ne pas pouvoir y trouver sa place, tel est le point de départ de l’absentéisme scolaire, auquel peuvent s’ajouter des difficultés familiales de tous ordres.

Vous allez sans doute nous répondre, monsieur le ministre, par votre nouveauté de la rentrée et une énième annonce : le programme Clair. Il s’inscrit dans la continuité des états généraux de la sécurité à l’école et a été présenté comme un outil de lutte contre la violence scolaire. Faut-il donc rappeler qu’il s’adresse aux élèves perturbateurs, et non pas aux décrocheurs ? Là encore, vous êtes dans la stigmatisation.

Tout comme les internats de la réussite ou la nouvelle organisation des rythmes scolaires, ce programme ne s’adressera qu’à une infime minorité d’élèves. Une politique d’expérimentations sur des publics ciblés et très limités ne fait pas une politique éducative d’égalité des chances. Elle accentue même les inégalités, car c’est sur les moyens destinés à la masse des établissements extérieurs à toute expérimentation que sont pris ceux qui sont destinés aux happy few. Sans parler de l’assouplissement de la carte scolaire, qui aboutit à la ghettoïsation des établissements les plus fragiles...

Et, pour prévenir l’échec scolaire, vous nous parlerez sans doute d’un « plan de prévention de l’illettrisme ». Monsieur le ministre, le meilleur plan de prévention de l’illettrisme, et surtout le plus efficace, c’est la préscolarisation à l’école maternelle, tout particulièrement pour les enfants les plus éloignés de la culture scolaire !

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Claudine Lepage. Un vocabulaire étendu et divers est, pour l’enfant, la condition sine qua non d’une bonne entrée dans la lecture. L’école maternelle joue un rôle fondamental dans l’acquisition et la maîtrise de ce vocabulaire.

Monsieur le ministre, vous faites fausse route. L’objectif de notre école républicaine doit être la réussite de tous. Cet objectif de justice sociale, d’émancipation et de promotion collective ne peut être atteint que par une ambitieuse politique éducative de réduction des inégalités.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons la suppression de l’article 2 de cette proposition de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Ces deux amendements identiques ont pour objet la suppression de l’article 2.

Or, comme vous le savez, l’article 2 est indispensable à la mise en place du dispositif de lutte contre l’absentéisme scolaire soutenu par notre commission.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Je rejoins Mme Lepage seulement sur un point, lorsqu’elle fait référence à un panel de solutions pragmatiques et pédagogiques diversifié pour lutter contre l’absentéisme scolaire. Car toute notre politique – je dis bien « toute notre politique » ! – est fondée sur une telle diversification.

Madame la sénatrice, vous réclamez une dimension pédagogique dans l’accompagnement des parents ? C’est précisément pour cela que nous proposons de faire de l’inspecteur d’académie l’interlocuteur des parents d’élèves ! Vous prônez une relation renforcée, entre le professeur et les élèves ? C’est ce que nous faisons avec l’accompagnement personnalisé. Les professeurs vont enseigner à leurs élèves différemment. Ils vont notamment leur inculquer des méthodes de travail afin de les encourager à aller le plus loin possible dans leurs études et, par conséquent, de favoriser l’assiduité scolaire.

Vous comprendrez donc que le Gouvernement demande au Sénat de rejeter ces deux amendements identiques de suppression.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 11 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article 3

Article additionnel avant l’article 3

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles est abrogé.

II. - En conséquence, à l'article L. 131-8 du code de l'éducation, le septième alinéa est supprimé et, au début du huitième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « L'inspecteur d'académie ».

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cet amendement a pour objet la suppression de l’ensemble des dispositions relatives au contrat de responsabilité parentale.

Le transfert de la compétence de suspension et de suppression des allocations familiales du président du conseil général à l’inspecteur d’académie ne concerne que les cas d’absentéisme scolaire, l’objectif étant de systématiser ce dispositif.

Si la présente proposition de loi venait à être appliquée, la compétence du président du conseil général serait maintenue pour proposer un contrat de responsabilité parentale en cas non seulement d’absentéisme scolaire, mais également de troubles du fonctionnement de l’établissement ou de difficultés liées à une carence d’autorité parentale, avec la possibilité, là aussi, de suspendre ou de supprimer les prestations sociales.

Nous demandons donc la suppression pure et simple du contrat de responsabilité parentale. En effet, il est dans la plupart des cas contestable, focalisé sur les seuls devoirs des parents et attaché plus aux sanctions qu’à l’accompagnement ou à la prévention. En outre, il ouvre la voie, en cas de manquement à une des obligations du contrat, à la suppression des allocations familiales, mesure dont nous avons déjà évoqué le caractère injuste et inégalitaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Comme M. Renar vient de le rappeler, cet amendement vise à supprimer les contrats de responsabilité parentale, créés par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.

Même si ces contrats ont été peu utilisés, il s’agit d’un instrument souple, qui peut fournir un accompagnement personnalisé intéressant pour les familles en difficulté. Là où le dispositif a été appliqué – je pense notamment au département des Alpes-Maritimes, comme notre collègue Louis Nègre l’a fort justement rappelé voilà quelques instants –, il a plutôt démontré son intérêt.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. J’ai rappelé tout à l’heure l’intérêt du contrat de responsabilité parentale, qui constitue à la fois un engagement réciproque entre les familles et l’institution publique comportant un ensemble de droits et de devoirs, et un moyen d’associer le président du conseil général.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l’article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article 4

Article 3

(Non modifié)

L’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le président du conseil général est saisi par l’inspecteur d’académie en cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, il peut proposer aux parents ou représentants légaux du mineur concerné la signature d’un contrat de responsabilité parentale. » ;

2° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, » sont supprimés ;

3° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Un contrat de responsabilité parentale peut également être signé à l’initiative des parents ou du représentant légal d’un mineur. » ;

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La faculté prévue au 1° ne s’applique pas aux contrats de responsabilité parentale proposés ou conclus en cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme Cartron, M. Bodin, Mme Blondin, M. Lagauche, Mmes Lepage et Blandin, MM. Domeizel et Bérit-Débat, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l’amendement n° 8.

M. Ivan Renar. Nous avons déjà eu l’occasion, en défendant nos précédents amendements, de vous exposer les raisons de notre opposition au contrat de responsabilité parentale, tel qu’il a été mis en place par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.

L’article 3 de cette proposition de loi modifie le régime de ce contrat, mais ne le rend pas pour autant plus acceptable. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.

Ainsi, le président du conseil général pourrait toujours proposer aux familles la signature d’un contrat de responsabilité parentale en cas d’absentéisme scolaire, de troubles portés au fonctionnement de l’établissement ou de difficultés liées à une carence de l’autorité parentale.

Or le contrat de responsabilité parentale conserve son caractère répressif, en se focalisant sur les sanctions encourues par les familles concernées, qui sont déjà en difficulté.

Il est inacceptable que le texte en débat tente de faire croire que certains parents s’accommodent ou se félicitent des difficultés de leurs enfants !

Non, il n’existe en réalité que des familles désarmées, et votre texte va les stigmatiser davantage au lieu de les aider !

Plutôt que de sanctionner, il serait préférable de donner les moyens nécessaires, financiers et humains, aux travailleurs sociaux et aux acteurs du milieu éducatif et d’agir en amont, de manière préventive, avec les jeunes et les familles. Il faudrait notamment développer les moyens des assistantes sociales, des « co-psys », des médecins scolaires, des conseillers d’orientation, des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, des enseignants, mais aussi ceux des personnels des caisses d’allocations familiales. Voilà qui ferait un beau et bon chantier…

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 12 rectifié.

M. Serge Lagauche. Sous couvert de responsabilisation des parents, c’est à leur culpabilisation que vous procédez. Car c’est bien le présupposé de manque d’implication dans la scolarité de leurs enfants des parents de familles nombreuses issues des milieux populaires qui sous-tend la présente proposition de loi.

Monsieur le ministre, je ne connais pas de parents démissionnaires ; je connais des parents désemparés, dépassés. Ces parents sont en proie à des difficultés de tous ordres, économique, social, psychologique, qui font qu’ils n’y arrivent plus. La crise a aggravé leurs conditions de vie. Eux-mêmes ont parfois eu une relation difficile à l’école.

Comment rapprocher ces parents de l’école ? Certainement pas en faisant de l’inspecteur d’académie un agent de contrôle social, de culpabilisation et de répression ! Vous n’aboutirez ainsi qu’à exacerber les tensions et à envenimer les relations entre l’école et ces familles. Vous les éloignerez un peu plus encore du système scolaire, qu’elles percevront plus négativement. Ces parents ont besoin qu’on leur redonne confiance.

De nombreuses actions et structures existent pour faciliter et développer les relations entre les familles et l’école. Pourquoi ne pas s’appuyer sur elles ?

On peut mentionner en particulier la Fédération nationale des écoles de parents et des éducateurs, qui anime un réseau de cinquante associations d’accompagnement des parents et des jeunes confrontés à des difficultés dans leur vie relationnelle, scolaire et familiale.

Or, comme de nombreuses associations complémentaires de l’enseignement public, cette fédération, qui se trouve dans une situation financière critique, a dû réduire ses actions, alors qu’elle propose un suivi sur le long terme et bénéficie d’une expérience et d’une expertise. Plutôt que de renforcer l’existant, vous avez généralisé la mallette des parents…

Or que nous apprend l’évaluation de ce dispositif ? En réalité, 20 % des parents potentiellement concernés se sont portés volontaires pour assister à au moins une réunion. Parmi ces volontaires, 60 se sont effectivement rendus à au moins une de ces réunions, soit en moyenne cinq parents par classe et mille parents participants au total ! On est loin de la véritable « guidance » mise en place par les écoles de parents…

Il est bon de préciser également que cette mallette des parents se substitue à certains projets développés au sein même de l’éducation nationale.

Dans la même logique, le dispositif de la proposition de loi impliquerait une meilleure remontée par les chefs d’établissements des signalements d’absences aux inspections académiques. Mais, dans le même temps, vous supprimez des milliers d’emplois de vie scolaire, qui sont notamment chargés de ce suivi.

Nous pourrions également évoquer les conseillers principaux d’éducation. Combien de ces CPE ont été supprimés avec la révision générale des politiques publiques ? Combien de collèges restent actuellement sans CPE ?

Parce que votre « responsabilisation/culpabilisation » des parents d’enfants absentéistes est inefficace, incohérente et stigmatisante, nous ne pouvons pas vous suivre dans cette voie et nous appelons à la suppression de l’article 3.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Ces deux amendements identiques de suppression de l’article 3 marquent à nouveau l’hostilité de nos collègues membres de l’opposition vis-à-vis des contrats de responsabilité parentale, que je viens de défendre.

L’article 3 de la proposition de loi permet la signature d’un contrat de responsabilité parentale sur l’initiative des parents. Cette mesure me semble positive, car elle fait entrer les parents dans une démarche plus active et moins passive.

C’est la raison pour laquelle, par cohérence avec ce que j’ai dit précédemment, j’émettrai un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 12 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article 4 bis

Article 4

(Non modifié)

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 262-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. » ;

2° L’article L. 262-10, dans sa version maintenue en application de l’article 29 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, la part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeure prise en compte pour déterminer le montant des ressources servant au calcul de l’allocation. »

II. – Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version maintenue en application de l’article 29 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« La part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeure prise en compte dans les ressources de la personne. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 13 rectifié est présenté par Mme Cartron, M. Bodin, Mme Blondin, M. Lagauche, Mmes Lepage et Blandin, MM. Domeizel et Bérit-Débat, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 9.

Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 4 de la présente proposition de loi vise à supprimer la compensation financière par les minima sociaux dans le cas d’une perte de revenus liée à la suspension ou la suppression des allocations familiales.

Cette compensation avait pourtant été pointée dans le rapport de M. Luc Machard comme un argument de plus en faveur de la suppression du dispositif de suspension ou de suppression des allocations.

En effet, comme nous l’avons déjà souligné, ce dispositif touche plus durement les familles les plus modestes et grève proportionnellement beaucoup plus fortement les familles bénéficiant des minima sociaux.

Le revenu de solidarité active, le RSA, est aujourd’hui un droit ouvert à toute personne résidant en France qui dispose de ressources inférieures à un revenu minimum garanti. Il s’agit donc de permettre à ces familles de continuer à vivre !

La non-compensation financière avancée par ce texte est donc profondément dangereuse et injuste. Il s’agit en réalité de pénaliser ces familles en les privant de revenus, donc de punir des personnes déjà en grande difficulté en les précarisant encore plus !

Notre amendement vise donc à supprimer purement et simplement l’ensemble de cet article 4.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié.

M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement a le même objet que celui qui vient d’être présenté par Mme Labarre. Je voudrais simplement apporter quelques éléments complémentaires.

Avec cet article 4, nous abordons la mesure la plus révoltante, et je pèse mes mots, de cette proposition de loi.

La non-compensation par le RSA de la suspension/suppression des allocations familiales vise très directement à pénaliser financièrement des familles plus que modestes. Vous allez jusqu’à considérer cette pénalisation financière comme un gage d’efficacité du dispositif !

Pourtant, vous n’êtes pas sans savoir, du moins je l’espère, que les conditions matérielles et financières des familles peuvent être une cause importante d’absentéisme scolaire, à plus forte raison en période de crise.

Les équipes enseignantes des lycées professionnels ont observé une recrudescence de cas d’élèves obligés de prendre un « petit boulot » pour soutenir leur famille dans la difficulté, ce qu’ont souligné un certain nombre de mes collègues.

Il y a des réalités que vous semblez ignorer et qu’il est bon de rappeler.

ATD Quart Monde considère que 300 000 mineurs suivent leurs parents « dans l’errance, d’hôtels en hébergements d’urgence ». Considérez-vous que cette situation peut être sans incidence sur leur scolarité ?

En France, 18 % des moins de dix-huit ans vivent sous le seuil de pauvreté, selon l’INSEE. Plus d’un individu sur quatre vivants sous le seuil de pauvreté est, en France, un enfant ou un adolescent, ce qui représente 2,4 millions de mineurs. Croyez-vous que ces conditions de vie sont sans conséquence sur la scolarité d’un enfant ?

M. Claude Bérit-Débat. Les allocations sont universelles à partir du deuxième enfant et visent à aider à l’entretien des enfants. Pour bien des familles, actuellement, elles sont un amortisseur de la crise. Or ce sont précisément ces familles que vous pénalisez, les familles nombreuses qui ont besoin des allocations familiales pour vivre.

M. Claude Bérit-Débat. Au lieu de leur tendre la main, vous les enfoncez un peu plus. C’est tout simplement inacceptable !

C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement de justice et d’humanité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il s’agit de deux amendements identiques de suppression de l’article.

L’article 4 vise à éviter que la suspension des allocations familiales pour cause d’absentéisme répété ne soit compensée par un relèvement du RSA.

L’ancien dispositif abrogé en 2004 ne prévoyait pas cette mesure, si bien que l’on pouvait constater une compensation des suspensions d’allocations par une augmentation à due concurrence du RMI. Cela minait l’efficacité du dispositif de sanction et annulait son effet dissuasif.

En outre, ce mécanisme de compensation introduisait une inégalité dommageable entre les familles éligibles aux minima sociaux, d’une part, pour lesquelles la suspension était sans effet, et celles dont les revenus étaient légèrement supérieurs aux seuils, d’autre part, qui subissaient pleinement la suspension de leurs allocations.

Pour s’assurer de l’effet dissuasif de la suspension des allocations et garantir l’égalité entre les familles les plus modestes, il faut empêcher la compensation par un relèvement du RSA et donc conserver en l’état l’article 4 du texte.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Le Gouvernement invite le Sénat à rejeter ces deux amendements.

Comme l’a parfaitement exposé M. le rapporteur, sans l’article 4, la suspension ou la suppression des allocations familiales n’aurait pas d’effet auprès des bénéficiaires de l’allocation de parent isolé ou du revenu de solidarité active.

Pour préserver le principe d’égalité, auquel nous sommes attachés, nous souhaitons le maintien de l’article 4. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Yannick Bodin. Ils auront le droit d’aller aux Restos du Cœur !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous voterons d’autant plus ces amendements identiques de suppression que les explications de M. le ministre confortent l’analyse initiale à laquelle ont procédé plusieurs de mes collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Vous nous dites en effet, monsieur le ministre, que l’adoption de ces deux amendements identiques de suppression aboutirait à dévitaliser le texte, faute de pouvoir alors viser les bénéficiaires de l’API et du RSA.

Mme Marie-Christine Blandin. Or ce sont ceux-là dont nous avons voulu plaider la cause, et vous nous montrez que ce sont bien les mêmes qui sont ici la cible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, si l’on pousse votre logique à son terme, l’adoption de cet article peut conduire à des situations véritablement dramatiques.

Pensez aux familles monoparentales, par exemple aux femmes qui élèvent seules leurs enfants. Si le dispositif de non-compensation leur est appliqué, elles pourront se trouver dans l’obligation de faire appel à des organismes humanitaires comme les Restaurants du Cœur, le Secours Catholique ou le Secours populaire français. Que prévoyez-vous dans ce cas ?

Je ne fais pas de misérabilisme, monsieur le ministre, je parle très simplement, très directement, mais avec vérité.

Je compte parmi mes proches le responsable d’un centre des Restaurants du Cœur : il voit quelles sont les familles qui viennent chercher de l’aide, et elles sont de plus en plus nombreuses. Il y a même maintenant des étudiants !

En instituant cette double peine et en aggravant la sanction, vous avez certainement pris conscience du fait que les associations humanitaires devront prendre le relais. C’est une responsabilité très grave que vous portez non seulement à l’égard des familles, mais également à l’égard de l’Histoire !

M. Ivan Renar. Il faudra supprimer tout ça dans deux ans !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 13 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article 5

Article 4 bis

(Non modifié)

Le conseil d’école pour les écoles primaires et le conseil d’administration pour les collèges et les lycées présentent, une fois par an, un rapport d’information sur l’absentéisme scolaire dans l’école ou l’établissement. – (Adopté.)

Article 4 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Article additionnel après l'article 5

Article 5

(Non modifié)

Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les dispositifs de lutte contre l’absentéisme scolaire et d’accompagnement parental et proposant, le cas échéant, les modifications législatives ou réglementaires susceptibles d’y être apportées.

Un comité de suivi composé de députés et de sénateurs, désignés par leur assemblée respective de façon à assurer le pluralisme des opinions et des appartenances politiques, formule des recommandations et peut se prononcer sur les préconisations de ce rapport. – (Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l'article 5

Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Cartron, M. Bodin, Mme Blondin, M. Lagauche, Mmes Lepage et Blandin, MM. Domeizel et Bérit-Débat, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente un rapport au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, spécifiant les taux d'orientation par défaut dans les différentes filières de l'enseignement professionnel, les mesures prises pour y remédier, ainsi que les conditions de mise en œuvre, à partir de la classe de cinquième, d'un enseignement de préparation à l'orientation, afin que chaque élève construise son propre projet d'orientation scolaire et professionnelle.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Tout au long de cette discussion, nous nous sommes attachés à recentrer le débat sur les vraies questions posées par l’absentéisme scolaire.

Avec ce dernier amendement, nous souhaitons agir sur la cause principale de l’absentéisme : l’orientation par l’échec, c'est-à-dire l’orientation subie.

On relève 15 % d’absentéisme dans les lycées professionnels, contre 6 % dans les lycées d’enseignement général. Impossible donc de lutter contre l’absentéisme scolaire sans réduire l’orientation subie !

Dans l’enseignement professionnel, l’inadéquation entre le choix de l’élève et l’affectation effectivement obtenue constitue la première cause d’absentéisme. Une proposition de loi visant réellement à lutter contre l’absentéisme scolaire n’aurait pas fait l’impasse sur ce sujet.

Nous savons tous que certaines filières professionnelles refusent des candidats alors que d’autres peinent à en trouver. Nous devons donc travailler à un rééquilibrage. D’autres options, centrées sur les filières vertes, peuvent être développées.

Plus globalement, nous considérons que la construction d’un projet d’orientation scolaire et professionnelle pour tous, dès le collège, est une composante essentielle d’une politique volontariste de lutte contre l’absentéisme et l’échec scolaires.

Il s’agit de faire de chaque collégien l’acteur de son projet de formation afin de déboucher sur un choix éclairé, un projet personnalisé « co-construit » avec l’équipe pédagogique et les parents, une orientation qui soit la plus en adéquation possible avec les aspirations et les aptitudes de l’élève.

C’est ce que nous vous proposons au travers de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir la remise d’un rapport au Parlement sur l’orientation par défaut dans l’enseignement professionnel.

Je partage la conviction des auteurs de l’amendement : la réorganisation de notre système d’orientation doit être une priorité. Il nous faut passer d’une orientation par défaut, ou orientation subie, à une orientation beaucoup plus positive. Je sais qu’il s’agit de l’une de vos priorités, monsieur le ministre.

C’est en ce sens que j’avais rapporté les travaux de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Les rapports sur l’orientation depuis quelques années n’ont pas manqué. Les carences du système et les pistes de réflexion sont aujourd’hui connues. La loi de novembre 2009 a, de plus, imposé au délégué à l’information et à l’orientation la préparation d’un plan de refonte des systèmes d’orientation entre l’ONISEP, le Centre INFFO et le CIDJ.

Il me semble qu’un rapport de plus n’est pas utile, alors que nous disposons de toute la matière nécessaire et qu’un certain nombre d’actions sont en cours, ce que M. le ministre aura l’occasion de nous exposer.

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ou, à défaut, son rejet, et ce pour deux raisons.

Premièrement, tel qu’il est présenté, cet amendement met l’accent sur l’orientation par défaut exclusivement dans l’enseignement professionnel. Or nous savons, Jean-Claude Carle connaît bien le sujet, que l’orientation par défaut ne concerne pas uniquement l’enseignement professionnel.

Les chiffres ont été évoqués tout à l’heure, l’absentéisme scolaire, même s’il est surreprésenté dans l’enseignement professionnel, n’est pas un phénomène qui lui est propre. Le collège et le lycée général et technologique sont également concernés par la problématique.

Deuxièmement, ce rapport n’apporterait pas grand-chose puisque les députés ont déjà prévu qu’un rapport sera publié après la promulgation de la loi, consacré à la mise en œuvre de l’ensemble des mesures destinées à lutter contre l’absentéisme scolaire, en particulier celles qui concernent l’orientation. Votre demande est donc satisfaite.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, chaque année, lorsque nous examinons le projet de loi de finances, nous étudions un certain nombre de rapports. Il en est un bien spécifique, présenté depuis plusieurs années par Mme Gonthier-Maurin, qui porte sur l’enseignement professionnel. Cela prouve que mettre le projecteur sur l’enseignement professionnel est une nécessité.

Vouloir étudier la question de l’absentéisme globalement, pour l’ensemble des formations, est sans doute intéressant, mais se focaliser sur l’enseignement professionnel est une obligation.

Chat échaudé craint l’eau froide, monsieur le ministre : en refusant cet amendement, vous venez de perdre toute crédibilité et de montrer que vous n’avez pas la volonté de traiter sérieusement la question de l’orientation dans l’enseignement professionnel, ce que je regrette.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article additionnel après l'article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, tout au long de vos interventions, vous avez consciencieusement passé sous silence la période 2004-2006, qui a vu disparaître le dispositif de suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire.

Pour quelles raisons ? Tout simplement parce que cette mesure était inefficace et injuste, et ce dans son principe même. Modifier ses modalités d’application n’y changera rien.

Dans vos interventions, monsieur le ministre, vous avez usé de mots ou d’expressions comme « contradictoire », « droit de la défense ». Cet emprunt au vocabulaire judiciaire constitue un aveu : la suspension ou la suppression des allocations familiales sont bien des peines, et l’inspection académique se trouve, ainsi, transformée en tribunal !

Il n’est donc pas étonnant que les intervenants dans ce débat aient été les mêmes que lors de l’examen récent du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, puisque les deux textes procèdent de la même logique.

Vous vous êtes voulu rassurant, monsieur le ministre, en évoquant la clairvoyance et le discernement des inspecteurs d’académie, mais c’est oublier l’automaticité de la suspension des allocations familiales inscrite dans cette proposition de loi.

Nous ne croyons pas au dialogue sous la contrainte, encore moins à l’arme de dissuasion massive. Nos points de vue sont aujourd’hui irréconciliables, parce que nous n’avons pas la même conception de la responsabilisation.

Concernant l’amalgame entre absentéisme scolaire et délinquance, permettez-moi de citer le discours tenu, le 20 avril dernier, à Bobigny, par M. le Président de la République : « Il y a des mineurs très jeunes qui ne vont pas à l’école sans même que les parents le signalent. Dans ce cas-là, les allocations familiales seront suspendues. Que font ces mineurs la nuit dans les rues ? Que font ces mineurs à être utilisés par des trafiquants pour faire les guetteurs ou pour lancer des pierres sur les bus ? ».

Vous pouvez persister à le nier, mais force est de constater que les paroles du Président de la République étaient claires et relevaient bien de l’amalgame.

Nous l’avons dit, les causes de l’absentéisme scolaire sont d’abord internes au système scolaire : orientation subie, difficulté scolaire, ennui à l’école... Mais la réponse que vous apportez lui est, elle, totalement étrangère. Pourquoi ? Parce que cette proposition de loi est un texte de commande, d’annonce politique : il s’agit d’adresser un signal à votre électorat. Cette proposition de loi s’inscrit donc dans la logique sécuritaire actuelle.

Je terminerai mon explication de vote en exprimant un sentiment d’amertume. Monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, vous avez bien dit que cette mesure pénalisante devrait également s’appliquer aux familles bénéficiaires des minima sociaux ou de l’allocation de parent isolé. Or nous parlons de l’école, de l’avenir des enfants : nous nous devons d’être ambitieux et positifs, au lieu de chercher à stigmatiser et à punir ceux qui n’ont déjà rien, en leur enlevant le peu qui leur reste.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux exprimer à nouveau notre forte opposition à cette proposition de loi qui nous inspire une grande inquiétude et rappeler brièvement les raisons qui motivent notre rejet.

Cette proposition de loi repose tout d’abord sur un amalgame dangereux entre absentéisme scolaire et délinquance. Elle s’inscrit en ce sens dans un arsenal de mesures dangereuses, répressives et sécuritaires, qui ne résoudront en rien le problème de l’absentéisme, pas plus qu’elles n’amélioreront la relation de l’élève à l’école.

Cette proposition de loi est inefficace, en ce qu’elle fait porter la responsabilité d’un phénomène global, l’absentéisme scolaire, sur la seule sphère privée, les parents de l’enfant, alors considérés comme démissionnaires et n’exerçant pas leur autorité. Elle tend en cela à nier la responsabilité de l’État dans le domaine de l’éducation nationale, alors même que les décisions du Gouvernement ont lourdement contribué à la dégradation de la situation, avec l’application de la révision générale des politiques publiques et la suppression de postes d’enseignants, de conseillers d’éducation, de psychologues scolaires, d’assistants sociaux, de tous les personnels investis dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.

D’une manière générale, tous ceux et toutes celles qui pourraient contribuer à la prévention et à l’encadrement sont touchés.

Je tiens également à rappeler que les allocations familiales ont pour objet non de récompenser les bons parents, mais de compenser la charge induite par la naissance d’un nouvel enfant.

La mesure introduite par cette proposition de loi s’appliquera de manière inégale aux citoyens, puisque seuls les bénéficiaires des allocations familiales seront sanctionnés ; par ailleurs, le montant de la sanction sera variable en fonction du nombre d’enfants. Elle sanctionnera une faute individuelle, l’absence d’un enfant, par une mesure collective, la suppression des allocations familiales, qui sera supportée par toute une fratrie.

Ce dispositif injuste sera donc inefficace : c’est d’ailleurs pour cette raison qu’un dispositif analogue a déjà été abrogé, comme l’ont rappelé certains de nos collègues.

Pour conclure, j’exprimerai ma très grande inquiétude : cette proposition de loi produira de nouvelles inégalités…

M. Roland Courteau. Et de l’injustice !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … et aggravera la situation d’hommes et de femmes qui rencontrent déjà chaque mois les plus grandes difficultés à boucler leur budget. Je déplore donc le vote qui me semble malheureusement prévisible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en sommes les uns et les autres convaincus, il est absolument nécessaire que tous les enfants puissent bénéficier pleinement de l’école, car rien n’est pire pour un jeune que de ne pas pouvoir recevoir, à l’école, l’éducation et la formation dont il a besoin.

Voilà pourquoi la situation des jeunes absents de l’école, les élèves « décrocheurs », pose un vrai problème, dont je comprends qu’il puisse susciter quelques passions entre nous, parce qu’il est au cœur de notre ambition pour tous les jeunes.

Monsieur le ministre, j’aurais pu m’alarmer moi aussi, si j’avais eu le sentiment que cette proposition de loi visait prioritairement à supprimer les allocations familiales, plutôt que de chercher à maintenir tous les jeunes à l’école avec profit. Mais je suis persuadé que telle n’est évidemment pas l’intention du Gouvernement, ni de sa majorité.

Nous en avons d’ailleurs eu la démonstration pendant le débat. Ainsi, M. Bodin s’est inquiété de la difficulté à mettre en œuvre le dispositif retenu, de ses lenteurs, des mois qu’il faudrait pour en arriver éventuellement à suspendre le versement des allocations familiales. Or, contrairement à vous, mon cher collègue, ces longueurs et ce temps laissé au temps me rassurent. En effet, nous ne souhaitons pas supprimer le versement des allocations familiales : je voudrais même exprimer devant vous l’espoir que nous n’ayons à déplorer aucune suppression à l’issue de l’application de cette loi ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.) Nous voulons que l’effort convergent des familles, de l’école, des conseils généraux et de tous les responsables aboutisse à la disparition du phénomène de « décrochage ».

Vous avez apporté la preuve, mon cher collègue, que ce dispositif est long à mettre en œuvre et qu’il laisse donc le temps de rattraper l’enfant, avec le concours des familles et des pouvoirs publics, avant qu’il ne faille procéder à la suppression des allocations familiales.

Je le répète donc, ce dispositif étant gradué, il faut espérer que la dérive, la sortie de l’enfant du système scolaire, sera prévenue avant toute sanction. Nous jugerons de l’efficacité du système au vu du fonctionnement de ces procédures.

Rappelons-nous, mes chers collègues, que notre objectif n’est pas de supprimer le versement d’un certain nombre d’aides sociales à ceux qui ont peu : ce n’est la volonté de personne ! Au contraire, nous voulons donner à leurs enfants la possibilité de se former, de s’épanouir et d’avoir un avenir parce qu’ils auront pu, eux aussi, réussir grâce à l’école ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est définitivement adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
 

5

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, déposé ce jour sur le bureau de l’Assemblée nationale.

6

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 16 septembre 2010, à neuf heures trente et, éventuellement, à quatorze heures trente :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques (n° 563, 2009-2010).

Rapport de M. Serge Lagauche, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 604, 2009 2010).

Texte de la commission (n° 605, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART