Sommaire
Secrétaires :
Mmes Sylvie Desmarescaux, Anne-Marie Payet.
2. Communication du Conseil constitutionnel
3. Hommage à des personnalités du Cinéma français
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.
4. Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques. – Adoption définitive d'une proposition de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication ; Serge Lagauche, rapporteur de la commission de la culture.
Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jack Ralite, Mmes Françoise Cartron, Colette Mélot.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l’article 1er
Amendement no 1 de M. Jack Ralite. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement no 2 de M. Jack Ralite. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre, Ivan Renar. – Rejet.
Amendement no 3 rectifié de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar.
Amendement no 6 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Mme Françoise Laborde.
MM. le rapporteur, le ministre, Ivan Renar, Mme Françoise Laborde. – Retrait de l’amendement no 6 rectifié ; rejet de l’amendement no 3 rectifié.
Amendement no 4 de M. Jack Ralite. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement no 5 rectifié de M. Jack Ralite. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Jean-Pierre Leleux, Jack Ralite.
Adoption définitive de la proposition de loi.
MM. Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; le ministre.
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, par courriers en date du 15 septembre, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-59 QPC), et la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-60 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
3
Hommage à des personnalités du Cinéma français
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant que nous examinions la proposition de loi relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, qui résulte d’une initiative que j’avais prise avec M. Leleux, je voudrais saluer la mémoire de ceux grâce auxquels le cinéma peut vivre.
L’été a été particulièrement cruel pour le cinéma français, avec la disparition de Claude Chabrol, quelques jours après Alain Corneau, et de deux grands acteurs, Bernard Giraudeau et Bruno Crémer.
Je tenais, au nom de la commission de la culture et du Sénat tout entier, à leur rendre un dernier hommage pour leur participation au succès du septième art français.
4
Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques
Adoption définitive d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques (proposition n° 563, texte de la commission n° 605, rapport n° 604).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dès les débuts de son histoire, l’avenir du cinéma fut un objet d’interrogation. On se souvient de la formule un peu désabusée par laquelle Antoine Lumière tentait de donner une leçon de sagesse à Georges Méliès : « Jeune homme, le cinématographe ferait votre ruine, car il n’a pas d’avenir ! »
Méliès mourut effectivement à peu près ruiné, tenant une petite boutique de jouets dans l’enceinte de la gare Montparnasse, mais, entre-temps, le cinéma était passé du statut de divertissement forain à la dignité d’un art ; il est devenu aussi une industrie, séduisant par sa magie des milliards de spectateurs dans le monde entier.
Aujourd’hui, c’est aussi l’avenir du cinéma dont il est question avec cette proposition de loi qui fut déposée simultanément à l’Assemblée nationale par le député Michel Herbillon et au Sénat par le sénateur Jean-Pierre Leleux et le président Jacques Legendre.
Je voudrais saluer ici la qualité du projet qui a été soumis à votre examen, la clairvoyance des choix dans l’élaboration et la conception du texte, et la concertation exemplaire menée par les commissions parlementaires et les initiateurs du projet avec l’ensemble des professionnels du cinéma et des services de l’État, notamment avec le Centre national du cinéma et de l’image animée.
Je me réjouis aussi de la rapidité d’examen de ce texte, car il s’agit – je vais y revenir – d’une réponse à un besoin urgent de modernisation technique, mais aussi de régulation du secteur du cinéma.
Au cours de son histoire, le cinéma a connu des tournants technologiques de grande ampleur qui ont entraîné de vraies révolutions dans son style, sa forme et ses moyens d’expression, mais qui ont aussi provoqué des bouleversements parfois complexes dans son fonctionnement, son organisation, comme dans la vie de ceux qui le créent.
Ce furent par exemple le passage du muet au parlant, du noir et blanc à la couleur, ou le souffle puissant que déclencha « la nouvelle vague » dans l’esthétique du cinéma et dans son mode de production.
Dans le sillage de M. le président de la commission, je tiens ici à rendre hommage à Claude Chabrol comme à Eric Rohmer et à Alain Corneau, tous trois disparus cette année, qui furent à l’origine d’un mouvement qui renouvela profondément le récit cinématographique, lui donna une nouvelle jeunesse et une extraordinaire liberté de ton.
Aujourd’hui, le cinéma est confronté à un nouveau défi technique, celui de sa numérisation.
Les réalisateurs se sont déjà emparés du numérique. Eric Rohmer lui-même avait, parmi les premiers, fait usage de cette technologie pour sa jolie fresque sur la révolution française, L’anglaise et le duc.
Si certains continuent à être attachés au grain de la pellicule photochimique, d’autres ont su saisir les avantages du numérique : une captation différente de la lumière, ou encore la possibilité de s’affranchir des contraintes liées à la pellicule.
La technologie numérique a également modifié en profondeur les conditions de montage et les techniques d’effets spéciaux si chers à Méliès.
De nouveaux savoir-faire, de nouveaux métiers sont nés de l’émergence de cette technologie appliquée au cinéma.
La France a immédiatement su relever le défi de cette révolution numérique, et nos techniciens du cinéma, nos industries techniques sont déjà à la pointe des techniques numériques de traitement de l’image. La réputation de leur savoir-faire est internationale.
Ainsi, je me réjouis que le nouveau crédit d’impôt que vous avez bien voulu adopter en loi de finances voilà plus d’un an, destiné à favoriser les tournages de films étrangers sur notre territoire, ait permis la fabrication intégrale en France par des équipes françaises d’un long métrage d’animation américain, qui s’est hissé cet été en haut du box office outre-Atlantique.
Mais jusqu’à il y a peu, la salle de cinéma était restée à l’écart du changement numérique. Ce n’est que très récemment que le processus d’équipement des salles au moyen de la projection numérique s’est brusquement accéléré, sous l’impulsion des progrès de cette technologie, et surtout de l’innovation étonnante que constitue le cinéma en 3D, c’est-à-dire en relief.
D’une certaine manière, le succès d’Avatar, au début de cette année, rappelle le choc que fut la sortie du Chanteur de jazz, premier film sonore en 1927. Actuellement, plus de 1 500 écrans, parmi les 5 470 que compte le parc de salles français, sont équipés d’un projecteur numérique.
J’ai fait de la révolution numérique l’une des priorités de mon action au ministère de la culture. Pour moi, cette mutation technologique, qui concerne désormais les salles de cinéma comme elle concerne par ailleurs notre patrimoine culturel dans son ensemble, ne peut se produire sans un encadrement qui soit fidèle aux principes essentiels ayant guidé la politique du cinéma menée dans notre pays depuis soixante ans avec le succès que l’on sait.
En 2009, un record historique a été atteint avec plus de 200 millions d’entrées dans les salles, chiffre que l’on n’avait plus connu depuis 1982, et les derniers chiffres de fréquentation sur les huit premiers mois de l’année 2010 indiquent une hausse de près de 7 % par rapport à l’année dernière, ce qui est réjouissant.
Les films français primés à Cannes ont rencontré jusqu’à présent de beaux succès, critiques et publics, dans leur diversité. Je pense à des films aussi différents que Tournée de Mathieu Amalric et Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois.
Le cinéma, c’est aussi l’un des domaines où la démocratisation culturelle a le mieux réussi, puisque plus de 63 % de nos concitoyens s’y rendent au moins une fois par an, ce qui fait de la salle de cinéma un lieu de brassage social et un très bel exemple de cette « culture pour chacun » que je souhaite promouvoir. Depuis une dizaine d’années, son public n’a cessé de croître et de s’élargir.
Les Français ont aussi le privilège de disposer du premier parc de salles d’Europe, par sa qualité mais aussi par sa densité. Ainsi, 70 % de nos compatriotes bénéficient d’un cinéma près de chez eux, et la salle de cinéma est bien souvent l’unique et précieux équipement culturel de proximité pour nombre d’entre eux.
Je voudrais rendre hommage aux exploitants et aux distributeurs qui, en dépit de la concurrence vive des nouvelles formes d’accès au film – télévision, DVD et vidéo à la demande – ont su maintenir intact le désir du spectacle cinématographique pour tous les Français, quel que soit leur âge.
Bien évidemment, la régulation, l’encadrement et un soutien financier sans faille de l’État à l’ensemble de la filière du cinéma ont contribué de manière essentielle à ces bons résultats.
Le Président de la République vient d’ailleurs de réaffirmer l’importance qu’il attache au financement du cinéma, en particulier à ce dispositif unique au monde qu’est le compte de soutien à l’industrie du cinéma administré par le CNC.
Il est donc indispensable, aujourd’hui, d’adapter les outils de notre politique du cinéma au contexte nouveau, créé par la révolution numérique.
Dès mon arrivée au ministère de la culture et de la communication, j’ai manifesté ma volonté de préparer et d’accompagner cette échéance de la numérisation des salles de cinéma. Cette volonté s’est traduite d’abord par la proposition de création d’un fonds de mutualisation, qui avait un double objectif. Le premier était d’envisager une régulation des nouvelles formes de relations entre exploitants et distributeurs que le passage au numérique est susceptible d’instaurer. Le deuxième objectif était de s’assurer que l’équipement de toutes les salles puisse être correctement financé sans aucune exception, afin de garantir la pérennité de notre parc dans le nouvel environnement numérique.
À l’origine, ce financement devait notamment reposer sur un principe très simple : le distributeur étant bénéficiaire de cette modernisation qui allège le coût des copies, il était équitable qu’il contribue financièrement à l’équipement de l’exploitant, pendant une durée limitée dans le temps.
Ce projet s’est vu malheureusement opposer le respect des règles de la concurrence par l’Autorité de la concurrence, qui l’a invalidé en janvier dernier.
C’est donc assez vite le recours à la loi qui s’est imposé, à la fois pour fixer des règles du jeu, en donnant force obligatoire aux contributions des distributeurs, mais aussi en garantissant la liberté de programmation des exploitants et la maîtrise des plans de sortie des distributeurs.
Ce texte a donc pour vocation de permettre le déploiement de la technologie numérique dans les salles, de manière efficace, tout en respectant les enjeux culturels de la diffusion la plus large et la plus diversifiée du cinéma.
Mais il doit être complété par des mesures financières afin que l’encadrement législatif et les instruments financiers puissent être mis en œuvre simultanément.
En effet, le texte que vous examinez aujourd’hui impose une contribution des distributeurs à toutes les salles, dans des conditions équivalentes de distribution des films. Il permet donc le financement de l’équipement d’un nombre important de salles.
Mais le coût de cet équipement – environ 80 000 euros – n’est pas à la portée de tous les cinémas, en particulier de ceux dont la programmation, faite de « continuations », est dans l’impossibilité de réunir une contribution suffisante des distributeurs. Il s’agit principalement de salles de petites villes et de zones rurales, mais aussi des circuits itinérants, sans lesquels le cinéma resterait inaccessible à beaucoup de nos concitoyens, et qui jouent donc un rôle fondamental de diffusion de la culture dans ces territoires.
C’est pour ces salles, au nombre d’un millier environ, qu’un soutien spécifique du CNC va être mis en œuvre sous forme d’une aide à la numérisation, qui permettra de couvrir jusqu’à 90 % de leurs investissements. Ainsi, un décret, publié le 2 septembre dernier, crée un fonds d’aide spécifique pour l’équipement numérique des salles. D’ores et déjà, le dépôt des demandes d’aide au CNC est ouvert et accessible en ligne à tous les exploitants éligibles à cette aide. L’examen des premières demandes, par une commission siégeant au CNC, aura lieu à la mi-octobre. Pour les circuits itinérants, au nombre de cent trente, un dispositif spécifique sera mis en place très prochainement. Cette nouvelle aide permettra d’assurer à terme la numérisation de l’intégralité du parc français, en particulier des cinémas de proximité que j’ai à cœur de promouvoir.
Une réforme des différents dispositifs qui encadrent la diffusion des films en salles s’imposait également. L’objectif est de renforcer les dispositions relatives aux engagements de programmation des exploitants qui garantissent la diversité de l’offre au public. Cela a été fait par la voie d’un décret, publié le 8 juillet dernier, qui permet d’adapter et d’étendre les engagements de programmation existants, pour tenir compte des modifications de la diffusion des films entraînées par la projection numérique. Par ailleurs, les aides du CNC à l’exploitation, et notamment les aides aux salles classées « Art et essai », ainsi que la nouvelle aide à la numérisation des salles, seront attribuées au regard d’engagements de programmation de la part de leurs bénéficiaires.
Cette proposition de loi s’inscrit donc dans un cadre cohérent, en parfaite simultanéité avec les mesures juridiques et financières que j’ai prises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer à nouveau le remarquable travail mené sur ce texte par les rapporteurs et par les commissions. La proposition de loi a en outre été améliorée sur quelques points lors du débat à l’Assemblée nationale et vous est présentée maintenant sous une forme très achevée. L’une de ses qualités, qui est essentielle compte tenu de la complexité du sujet, est de fixer des principes généraux et de renvoyer les questions particulières aux institutions que sont le Médiateur du cinéma, autorité indépendante respectée de tous les professionnels du cinéma, et le CNC.
Enfin, la loi crée une institution ad hoc, un comité de concertation, qui pourra proposer des recommandations de bonnes pratiques. Je souhaite qu’il puisse se réunir assez vite, dès la promulgation de la loi.
Ce texte permet donc une réelle souplesse dans l’application des principes directeurs qu’il énonce, et permet leur adaptation à tous les cas particuliers ou situations inédites qu’implique une technologie en évolution constante et si rapide.
Enfin, le comité de suivi parlementaire, prévu par la proposition de loi, permettra le cas échéant de préconiser de nécessaires évolutions législatives.
Cette loi s’inscrit en pleine harmonie avec mes projets concernant la numérisation du cinéma français. Cela inclut la numérisation du patrimoine français de films, afin de rendre les chefs-d’œuvre du cinéma accessibles sur les nouveaux réseaux, dans les salles numérisées, et sur tous les supports du futur : projection numérique, DVD haute définition, VOD, etc.
À cette fin, il est prévu d’avoir recours aux investissements d’avenir, en appui aux investissements privés des détenteurs de catalogue.
Cette numérisation doit concerner près de 6 500 titres de films de long métrage, datant de 1929 à nos jours.
Je serai également très vigilant sur l’évolution de nos industries techniques dans leur transition vers le numérique. Notre pays compte quelque 500 entreprises techniques du cinéma, en majeure partie des PME très innovantes.
Ces industries ont connu une année difficile avec la contraction des budgets de production en 2009, alors même qu’elles sont en phase d’investissement pour être à la pointe de la technologie, dans un contexte de concurrence internationale très vive.
Avec Christine Lagarde et ses services, nous avons réalisé un diagnostic sectoriel de ce tissu d’entreprises, afin de mieux identifier les besoins et les évolutions nécessaires des entreprises dans cette phase de transition vers le numérique.
Enfin, le cinéma français doit se mettre plus résolument à explorer les horizons nouveaux, ouverts par le cinéma en relief, ou cinéma en 3D. De nouvelles aides ont été mises en place récemment par le CNC, pour permettre aux cinéastes français de s’engager dans cette technologie, et le crédit d’impôt dont bénéficient les films tournés en France demeure un instrument indispensable de financement du cinéma français.
Enfin, je souhaite que le secteur du cinéma puisse se doter d’ici à la fin de l’année d’une nouvelle convention collective. Je sais que ce sujet vous tient à cœur. J’ai nommé en juin dernier un médiateur chargé d’accompagner les négociations entre les parties et j’ai bon espoir qu’un accord soit trouvé d’ici à quelques mois.
L’ensemble de ces mesures vise à construire l’avenir du cinéma français, et, en quelque sorte, à perpétuer le démenti que l’histoire a opposé au jugement un peu trop lapidaire d’Antoine Lumière.
Nous le ferons avec d’autant plus d’assurance et de détermination que nous demeurons tous convaincus, en France, que le cinéma n’est pas seulement une industrie. Nous voulons qu’il demeure l’une des formes d’expression artistique les mieux partagées, forte de sa créativité, de sa diversité et de ses ambitions. Je crois que c’est parfaitement l’intention de cette proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les résultats de la récente étude du CNC sur la fréquentation de nos salles de cinéma peuvent nous réjouir. Avec plus de 140 millions d’entrées entre le 1er janvier et le 31 août 2010, elle est en hausse de 6,8 % par rapport à la même période de l’année dernière.
L’une des raisons de cette hausse historique de la fréquentation des salles obscures tient à leur excellent état et à la conversion du parc de salles à la projection numérique.
Cela renforce la nécessité de trouver des modes de financement pour équiper l’ensemble des salles le plus rapidement possible, à la fois parce que la période transitoire est coûteuse pour tous les acteurs et pour éviter une concurrence exacerbée entre les salles. Cette dernière nuirait à la diversité et à la richesse du maillage territorial des salles.
Cette évolution justifie aussi la régulation envisagée dans le cadre de ce que l’on appelle « une fusée », dont les trois étages sont complémentaires. Son premier étage est constitué de la présente proposition de loi, le deuxième, du dispositif d’aides publiques pour aider les petites exploitations, et le dernier, de textes réglementaires nécessaires à la régulation de l’ensemble.
La présente proposition de loi vise à généraliser et à encadrer le système de la contribution numérique contractuelle. Elle organise donc la redistribution d’une partie des économies réalisées par les distributeurs en direction des exploitants. Je précise qu’il ne s’agit pas d’une contribution pérenne, puisqu’elle ne sera plus versée une fois la couverture du coût de la transition numérique assurée dans l’ensemble des salles.
L’encadrement du dispositif de contribution numérique a pour double objectif de maintenir la liberté de programmation des exploitants et de garantir la maîtrise par les distributeurs de leurs plans de diffusion des films, c’est-à-dire le libre accès aux films pour les uns et le libre accès aux salles pour les autres.
En effet, le système contractuel actuel pourrait favoriser le placement de copies numériques au détriment des autres films pendant la période de transition et entraîner une accélération de la rotation des films, ce qui serait préjudiciable à leur bonne exposition. Les films les plus fragiles seraient bien sûr les premiers touchés.
À cette fin, le texte veille à assurer l’étanchéité entre, d’une part, les contrats de contribution numérique et, d’autre part, la négociation sur les conditions de location et d’exposition d’un film. Le respect de ce cadre s’exercera sous le contrôle du CNC et du Médiateur du cinéma, dont je salue les compétences respectives, reconnues de tous.
Voici, plus précisément, les dispositions essentielles du texte.
La contribution numérique sera exigible, par salle, durant les deux premières semaines qui suivent la sortie nationale du film, et au-delà lorsque l’œuvre est mise à disposition dans le cadre d’un élargissement du plan initial de sortie du film. En revanche, la contribution ne sera pas exigible lorsque les films sont mis à disposition pour une exploitation dite « en continuation », c’est-à-dire lorsqu’une salle reprend une copie déjà existante.
La contribution numérique sera donc due sur le pic maximal du nombre de copies en circulation, c’est-à-dire sur le pic de diffusion des films, et non exclusivement sur une période de référence. Le fait de fonder le calcul sur la semaine au cours de laquelle le nombre maximum d’écrans est occupé par un film permet de rester au plus près de la logique économique actuelle de diffusion en 35 millimètres. On pourra ainsi préserver l’exposition des films en salles. Ce raisonnement logique est fondé sur les économies réalisées par les distributeurs sur le coût des copies numériques, grâce au passage du photochimique à la technologie numérique.
Comme l’a précisé l’Assemblée nationale, la contribution ne sera due que pour l’installation initiale des équipements de projection numérique, et non pour leur renouvellement. Elle ne sera plus requise une fois assurée la couverture du coût des équipements, compte tenu des autres financements de l’exploitant et, en tout état de cause, au-delà d’un délai de dix ans après l’installation initiale des équipements de projection numérique, sans que ce délai puisse excéder le 31 décembre 2021.
L’Assemblée nationale a précisé que la contribution serait due aux salles homologuées avant le 31 décembre 2012. Elle a en outre prévu que le financement de l’équipement puisse être mutualisé entre exploitants ou par des intermédiaires financeurs. En effet, en l’absence d’un système généralisé et obligatoire, seules les salles les plus « rentables » pourraient s’équiper, les plus petites étant dans l’incapacité d’attirer les investisseurs pour assurer leur numérisation. C’est pourquoi, en permettant leur regroupement en vue de mutualiser la collecte des contributions, le texte leur permet de s’organiser pour assurer cette transition, avec ou sans l’aide de tiers.
L’Assemblée nationale a aussi prévu que la contribution numérique sera également due par les personnes qui mettent à la disposition de l’exploitant ou louent à ce dernier une salle de projection en vue de diffuser des programmes dits « hors film », comme la captation de spectacles vivants ou la retransmission de compétitions sportives ou d’émissions audiovisuelles.
En contrepartie de ces obligations, des garanties sont apportées à la fois aux distributeurs et aux exploitants.
Le montant de la contribution doit rester inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d’une œuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d’une œuvre sous forme de fichier numérique.
Le Médiateur du cinéma, qui a la confiance de tous les professionnels, pourra être saisi de tout litige relatif à la contribution numérique. Sur la proposition de nos collègues députés Patrick Bloche et Franck Riester, l’Assemblée nationale a précisé qu’il pourra demander la transmission du contrat de location des films, ce qui garantira davantage la transparence et l’étanchéité du dispositif.
Par ailleurs, toute clause contractuelle qui ferait dépendre du versement de la contribution, soit les choix de distribution ou de programmation, soit le taux de location, serait nulle de plein droit, et ce « afin de préserver la diversité de l’offre cinématographique ».
Un comité de concertation professionnelle sera chargé d’élaborer des recommandations de bonne pratique.
Un article additionnel après l’article 2 prévoit une clause de rendez-vous dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, avec la constitution d’un comité de suivi parlementaire composé de deux députés et de deux sénateurs, comité chargé d’évaluer le fonctionnement du nouveau dispositif. Ce comité disposera du concours du Centre national du cinéma, le CNC, qui devra produire un rapport sur la mise en œuvre de la loi.
Le comité de suivi, le comité de concertation professionnelle et le Médiateur du cinéma devront, chacun dans son rôle, vérifier l’étanchéité entre le versement de la contribution numérique et la programmation, ainsi que le respect des engagements de programmation et des plans de diffusion des films.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Marcel Rogemont tendant à lier le principe du versement par le CNC d’une aide financière destinée à financer l’équipement numérique d’un établissement au respect d’engagements de programmation. Cette disposition est essentielle.
Enfin, avec l’article 5, l’Assemblée a répondu à la forte demande des exploitants concernant la fixation de la valeur locative des locaux monovalents, compte tenu de la nécessité de maintenir des cinémas en centre-ville. Ainsi, la référence aux usages de la profession pour fixer le loyer des salles de cinéma sera obligatoire, et non plus facultative.
Cette proposition de loi très attendue, enrichie grâce à la poursuite de la concertation, est donc largement consensuelle, tant pour ce qui concerne ses principes que sur l’urgence à les mettre en œuvre. Bien sûr, le secteur étant composé d’acteurs aux intérêts parfois violemment divergents, et l’aventure numérique emportant de légitimes inquiétudes, il est évident que le point d’équilibre fut quelque peu difficile à trouver. Mais ce dernier est aujourd’hui atteint.
Le dispositif doit garder une certaine souplesse afin que les acteurs le fassent vivre. Nous suivrons avec vigilance son application et nous nous remettrons à l’ouvrage si cela se révélait nécessaire.
Nous pouvons néanmoins faire confiance aux professionnels, au comité de concertation professionnelle, au CNC et au Médiateur du cinéma pour qu’une application intelligente du texte permette d’en satisfaire tous les objectifs.
Le deuxième étage de la « fusée » consiste en un dispositif d’aides publiques afin de permettre le financement de l’équipement numérique de l’ensemble du parc de salles.
Par le biais de la mutualisation, un certain nombre d’exploitations de petite et moyenne taille sont certes déjà numérisées, mais tel n’est pas le cas de toutes, loin s’en faut.
Il était donc essentiel que le dispositif législatif soit complété par des aides du CNC, via un fonds spécifique, destinées aux exploitations de trois écrans ou moins, voire de quatre écrans si cela s’avère nécessaire. En effet, ces salles, dites de continuation, obtenant très rarement les films à leur sortie, ne généreront que peu de contribution numérique.
D’après les dernières évaluations du CNC, le nombre de ces salles, pour lesquelles les solutions fournies par le marché paraissent insuffisantes, peut être estimé à 1 050 environ, sur un nombre total de 5 400 écrans, répartis entre 750 établissements environ. Et l’on évalue au maximum à treize le nombre des établissements de plus de trois écrans concernés.
Les aides du CNC pourront couvrir au moins les trois quarts du coût de leurs investissements, l’ensemble des aides publiques pouvant couvrir jusqu’à 90 % maximum de ce coût. Elles sont placées sous le régime d’exemption de minimis, qui autorise les États européens à accorder une aide de cette nature à condition qu’elle ne dépasse pas le montant de 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs.
Ce dispositif complémentaire d’aides publiques est essentiel, car ces salles assurent principalement la diffusion des films dans des villes petites et moyennes, ainsi que dans les zones rurales. Elles représentent un élément stratégique de l’aménagement du territoire et de l’équipement culturel et social des communes. Elles constituent également une clef de la diversité de l’offre cinématographique en assurant, par ailleurs, la diffusion des autres films, « art et essai », plus pointus, hors des centres urbains.
Ce soutien du CNC viendra en complément d’éventuelles aides des collectivités territoriales. En effet, ces dernières sont nombreuses à mettre en place des dispositifs d’aide à la numérisation des salles, conçus en concertation avec le CNC, et qui complètent son dispositif. Je pense notamment aux régions Aquitaine, Île-de-France, et bientôt Rhône-Alpes.
Par ailleurs, il est important de préciser que les établissements qui ont moins de cinq séances hebdomadaires en moyenne sur l’année feront l’objet d’un soutien spécifique, de même que les circuits itinérants.
Enfin, des textes réglementaires viennent d’être publiés ou sont sur le point de l’être pour encadrer, d’une part, les engagements de programmation des exploitants, avec le décret du 8 juillet 2010, et, d’autre part, ce que l’on appelle le « hors film ». En effet, la diffusion de tels programmes, qui peuvent concerner notamment les spectacles vivants, les séries télévisées ou les compétitions sportives, est rendue possible par la technologie numérique, qui permet une diffusion en 3D relief, et par la souplesse de programmation qu’elle offre.
Or, certains acteurs de la filière s’inquiètent du risque de voir ces programmes occuper les établissements de spectacles cinématographiques au détriment des films, et donc de la filière cinématographique.
Ainsi, ces programmes ont représenté plus de 106 000 entrées sur les sept premiers mois d’exploitation 2010, soit 1,8 million d’euros de recettes guichet. Même si quelques opéras sont programmés, il s’agit plus particulièrement de la diffusion en salles de manifestations sportives ou bien encore de programmes audiovisuels dits de « flux ».
S’ils apportent une réelle diversification de l’offre et un soutien indispensable aux salles, notamment celles qui sont situées en zones rurales, ces programmes dits « hors films » peuvent aussi constituer une aubaine pour des exploitants qui, tout en bénéficiant des contributions numériques et du système d’aides publiques, voudraient privilégier ces programmes rémunérateurs pour eux, au détriment de leur mission de diffusion du cinéma. Le billet est facturé jusqu’à 2,5 fois le prix d’un ticket de cinéma…
Il faut donc encadrer cette faculté et trouver un équilibre permettant de tirer le maximum de la technologie numérique sans fragiliser le marché.
En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à adopter la présente proposition de loi dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale. L’ensemble du schéma que je vous ai présenté me semble créer les conditions de la préservation de notre parc de cinéma, qui est le premier d’Europe et le quatrième du monde, et de la diversité cinématographique de notre pays. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Voyage au centre de la terre, Avatar, Alice au pays des merveilles, ou encore Piranha, les titres de ces films à grand spectacle et gros budget font frissonner grands et petits dans les salles de cinéma, génèrent des profits inégalés et relancent la fréquentation des salles de cinéma multiplexes. La Commission européenne s’inquiète de la disparition annoncée d’un tiers des salles de cinéma. Ces films en 3D, cette nouvelle dimension dans laquelle nous fait plonger le cinéma, donne-t-elle le signal du clap de fin pour l’exception culturelle française ?
La proposition de loi de notre collègue député Michel Hermillon nous propose d’empêcher que le couperet de la révolution numérique ne tombe.
En effet, une fois encore, la vitesse des mutations technologiques met les parlementaires que nous sommes au pied du mur ! Il était urgent de réagir pour sauver notre réseau de salles de cinéma unique au monde, avec son maillage qui couvre 77 % du territoire national.
Après les secteurs de la téléphonie, du livre, de l’internet, la révolution du numérique se projette désormais sur les petits et les grands écrans. Nous ne mesurons pas encore toutes les innovations à venir en termes de développement de nouvelles applications, par exemple les projections en relief sur une scène sans écran.
Les perspectives qui s’ouvrent aux acteurs du monde de la culture, en premier lieu les artistes, ainsi qu’aux industriels du marché, sont encore inimaginables.
Les professionnels ont été les premiers à alerter le législateur sur les bouleversements économiques à venir face à l’urgente nécessité de renouveler leurs équipements. Des aménagements étaient nécessaires pour préserver notre exception culturelle française, riche de ses acteurs indépendants, salles d’art et d’essai et petits exploitants, qui réalisent moins de 400 000 entrées par an, mais assurent la diversité des œuvres diffusées. Ce cadre doit garantir l’égal accès de tous, sur tout le territoire, à un cinéma de qualité.
Ce texte permet au législateur de jouer pleinement son rôle de régulateur et de contribuer à mutualiser les coûts d’installation du numérique au bénéfice des exploitants les plus vulnérables, les plus éloignés de la seule logique financière. C’est à ce prix, et seulement à ce prix, que la diversité de l’offre cinématographique sera assurée en France.
La filière s’est déjà lancée dans la grande aventure du numérique, qui remet en cause toute son économie. Cette révolution ne doit pas se faire au détriment de la logique des contenus et de leur diversité.
Le constat est simple. Selon une étude de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, publiée au printemps dernier, le nombre d’écrans numériques a triplé en Europe en 2009, avec 4 693 salles équipées d’écrans numériques. La 3D y est aussi décrite comme une manne énorme pour l’industrie du cinéma, son principal moteur de croissance. La France, avec un peu plus de 2 000 établissements, compte environ 5 400 salles, dont un tiers déjà équipées.
Les avantages de la numérisation ne sont plus à démontrer en termes de qualité et de souplesse de programmation. Elle engendre des économies importantes sur les frais de distribution.
Mais, pour les plus petits exploitants, elle est trop coûteuse. Les travaux dans les cabines et l’achat de nouveaux projecteurs pourraient atteindre des coûts avoisinant 80 000 euros. Depuis 2007, des montages contractuels se multiplient entre distributeurs et exploitants pour permettre de financer l’investissement nécessaire à l’équipement numérique des salles, le plus souvent avec un système de contribution. Ce système fonctionne très bien pour les salles qui ont l’exclusivité nationale lors de la sortie des films ou pour les multiplexes.
Bénéfique pour tous à long terme, la numérisation, c’est vrai, met en péril un pan entier de la filière, celui des petits exploitants et des indépendants, qui exploitent les films plusieurs semaines après leur sortie ou disposent de peu d’écrans. Ils ne génèrent pas suffisamment de contributions et ne peuvent assurer le remboursement de leurs investissements. Le coût de mise en place du numérique pour ces salles est, bien sûr, prohibitif.
Pour cette filière, des solutions de regroupement et de mutualisation devront être développées avec l’aide, notamment, des collectivités territoriales. J’évoquerai plus loin leur rôle pour rechercher des solutions sur le terrain.
La proposition de loi dont nous débattons encadre le système selon trois principaux axes.
Le premier axe est la solidarité entre les professionnels.
La contribution obligatoire dite « numérique » est une redistribution destinée à assurer le financement de l’équipement numérique des salles moyennes par les distributeurs, dès lors qu’ils livrent leurs films sous forme de fichier numérique dans une salle de cinéma. Sont concernées aussi les personnes mettant à disposition des exploitants de salles tous types d’œuvres ou documents audiovisuels en numérique.
Cette redistribution ne sera plus versée une fois le coût de la transition numérique assuré dans l’ensemble des salles. Il est à craindre que ces transferts ne suffiront pas pour équiper toutes les petites salles, qui sont pourtant dans l’obligation de s’équiper car la distribution en copie photochimique s’éteindra progressivement.
Encadrer la contribution numérique, notamment par une contribution obligatoire les deux premières semaines d’exploitation au titre de la mise à disposition de l’œuvre dans l’établissement au nom du principe de la solidarité professionnelle est insuffisant. Le dispositif imaginé à l’origine par le Centre national du cinéma et de l’image animée aurait permis d’assurer l’accompagnement vers le numérique de toutes les salles, y compris les plus petites et les plus fragiles.
La période de contribution numérique, actuellement de deux semaines dans le texte qui nous est soumis, signifie que les contributions ne sont générées que sur les deux premières semaines d’exploitation d’un film. Or, beaucoup de salles n’obtiennent les copies de films que plus tard et ne généreront donc pas de contribution. Une période de trois semaines minimum permettrait d’exclure moins de salles du marché des contributions. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Le deuxième axe est la transparence.
D’un point de vue purement pragmatique, prévoir la publication d’un rapport d’application ou permettre au Médiateur du cinéma d’exiger le contrat de location de film en cas de litige sont des avancées qui favoriseront la transparence des conditions de location des films.
Le troisième axe est la régulation.
Elle permettra l’organisation de la régularisation sectorielle par le Médiateur du cinéma, avec la mise en place du comité de concertation professionnelle.
Toutes ces raisons expliquent le consensus qui s’est fait autour de ce texte. Je ne peux, tout comme les membres du groupe du RDSE, qu’approuver ces nouveaux outils.
Avant de conclure, je voudrais évoquer le rôle central des collectivités territoriales. Souvent propriétaires de salles de cinéma, en régie directe ou en délégation de service public, elles contribuent à préserver le maillage territorial que nous connaissons en termes d’offre culturelle. Comment pourront-elles soutenir financièrement les petits exploitants des zones rurales ou des quartiers sensibles, compte tenu des charges toujours plus fortes qui pèsent sur leurs dotations budgétaires ? Limiter la pression foncière en encadrant les loyers dans les centres-villes est un point positif. Inciter et faciliter le regroupement de petits exploitants est aussi dans leurs prérogatives.
Mais une grande partie de ces « petits » devra effectivement avoir recours aux subventions des collectivités locales pour éviter de mettre la clé sous la porte, le fonds d’aide du CNC n’étant pas suffisant.
Les inquiétudes soulevées ont trouvé des réponses partielles dans le texte. Le passage au numérique ne doit pas être l’occasion d’un « nettoyage » du paysage cinématographique français par la disparition de la petite exploitation qui, si elle ne représente qu’une faible part du marché en termes d’entrées, joue un rôle primordial.
D’abord, en termes de politique culturelle et de maintien de la diversité de l’offre, le travail d’accompagnement des films, d’animation, de médiation et de découverte est mené en priorité par ces salles.
Ensuite, en termes d’aménagement culturel du territoire, ce réseau de salles assure la présence de l’offre cinématographique dans les zones rurales ou périurbaines les moins rentables, qui deviendraient des déserts culturels sans leur maintien.
De nombreuses questions restent encore en suspend : pourra-t-on continuer de visionner les plus vieux films de notre patrimoine ? Seront-ils tous transférés sur supports numériques ? Quelle est la durée de vie de ces nouveaux supports ? Quel sera l’avenir des salles qui n’auront pas les moyens de financer le passage au numérique ?
Comment assurer de fait la rotation des copies, le respect de la programmation et limiter le hors film ? Le risque d’une prolifération de programmes hors film a été soulevé, comme la question du respect des programmations.
Le texte de la proposition de loi n’apporte pas de réponse globale à ces questions. Mais bien qu’imparfait, il était nécessaire et constitue une avancée. Je tiens à souligner le rôle des professionnels dans l’obtention de ce consensus.
C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE voteront en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. Ils seront particulièrement attentifs au respect de l’équilibre entre le cinéma commercial et le cinéma d’auteur et à la mise en œuvre rapide de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le ministre, vous avez rappelé tout à l’heure cette petite phrase de Louis Lumière à Georges Méliès : « Le cinéma est une invention sans avenir. » C’était sans doute sous-estimer les évolutions technologiques régulières, qui allaient ponctuer l’histoire du cinéma et lui offrir chaque fois l’opportunité d’un nouveau rebond.
La dernière en date concerne – nous sommes là pour en parler – la révolution numérique qui, après la production des œuvres, concerne aujourd’hui les équipements de projection des films dans les salles de cinéma.
À cet égard, si la France est très bien équipée en termes de densité de salles, elle avait pris un peu de retard en ce qui concerne leur numérisation.
Je citerai quelques chiffres : nous disposons d’une salle pour 12 100 Français, contre une salle pour 14 000 Européens. Je précise cependant que les Américains ont une salle pour 7 750 habitants ; en outre, ils ont pris de l’avance en termes de numérisation.
Pour certains experts, une partie de l’avenir du cinéma européen se joue sur la capacité de l’Union européenne à accroître la part de ses écrans numériques dans l’ensemble de son parc de salles.
Le marché a cependant beaucoup évolué ces dix-huit derniers mois, puisque près d’un tiers de nos 5 470 écrans sont d'ores et déjà équipés d’un projecteur numérique.
Cette mutation explique aussi l’évolution du débat public sur les modes d’accompagnement et de régulation de cette mutation, qui entraîne un bouleversement du modèle économique jusqu’ici en vigueur.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est penchée, depuis 2003, sur les problématiques liées à l’exploitation cinématographique avec une mission d’information présidée par notre ancien collègue Marcel Vidal et dont les rapporteurs étaient Michel Thiollière et Jack Ralite.
M. Serge Lagauche, rapporteur de la présente proposition de loi, a pris le relais en évoquant chaque année l’évolution des enjeux dans le rapport qu’il présente au nom de la commission, lors de l’examen du projet de loi de finances.
Ces enjeux sont de trois ordres.
Le premier, l’enjeu culturel et d’aménagement du territoire, est bien entendu essentiel. En, effet, il s’agit de favoriser la diversité culturelle en veillant à ce que les exploitants gardent toute liberté en matière de programmation des films dans leurs salles et à ce que tous les films puissent accéder à leur public.
Il faut aussi aider les cinémas de petite et de moyenne taille à acquérir les équipements numériques au même rythme que les grandes salles car, à défaut, ils ne survivraient pas à la concurrence de ces dernières.
Le deuxième enjeu est aussi financier, car la diffusion des films sous forme de fichiers numériques en salle de cinéma nécessite des investissements importants de la part des exploitants.
Elle suppose l’acquisition d’un nouveau matériel beaucoup plus coûteux que le matériel traditionnel de projection de pellicules en 35 millimètres et, le plus souvent, la réalisation de travaux architecturaux pour l’adaptation des cabines de projection. Ces investissements sont estimés en moyenne à 80 000 euros par écran.
Enfin, il ne faut pas minorer le troisième enjeu, l’enjeu social, la révolution numérique impliquant des mutations professionnelles, et donc une formation et parfois une reconversion des personnels concernés.
Or, le passage à la projection numérique profite très inégalement aux différents acteurs de la filière cinématographique.
Il permet aux distributeurs de réaliser d’importantes économies liées à une forte réduction du coût de tirage des copies numériques par rapport aux copies en 35 millimètres ; en revanche, il impose aux exploitants de salles d’importants investissements.
C’est pourquoi s’est créé aux États-Unis un système permettant aux premiers de reverser aux seconds une partie des économies ainsi réalisées, avec le versement de ce que l’on appelle ici une « contribution numérique », les Américains parlant de VPF, virtual print fee.
Ce principe ne pouvant cependant s’appliquer, dans un contexte de marché pur, qu’au profit d’établissements de grande taille, il est apparu nécessaire de trouver un dispositif permettant à la fois la numérisation de l’ensemble du parc de salles et l’encadrement du dispositif afin d’en éviter de potentiels effets pervers.
Sur le fondement du rapport de 2006 réalisé par M. Daniel Goudineau, et après une longue concertation avec les professionnels concernés, le Centre national du cinéma et de l’image animée avait proposé, en 2009, la création d’un fonds de mutualisation.
Nous l’avons évoqué, ce fonds aurait été alimenté par les contributions des distributeurs, afin de couvrir une partie des investissements des exploitants qui y auraient adhéré. Le CNC aurait alors joué le rôle d’un « tiers » public, la mutualisation fondant depuis ses origines le système français de soutien au cinéma.
En février 2010, vous l’avez rappelé, l’Autorité de la concurrence a cependant donné un avis défavorable à ce projet.
Elle a considéré qu’il risquait d’entraîner des distorsions de concurrence trop importantes avec les acteurs privés opérant sur le marché, voire « d’éliminer toute concurrence sur le marché du financement du cinéma numérique ».
Il est vrai que de nouveaux acteurs privés, appelés « tiers investisseurs », ont créé une nouvelle donne et qu’il a fallu tenir compte de l’évolution de ce nouveau marché.
Dans ce contexte, le CNC a repris son « bâton de pèlerin » pour trouver une solution alternative. Il a semblé préférable de renoncer à la préconisation de l’Autorité de la concurrence tendant à créer un fonds de numérisation, que certains souhaitent encore ; celui-ci aurait été alimenté par une contribution numérique des distributeurs et aurait versé des aides directes aux exploitants en cas de défaillance du marché.
En effet, une telle option nous aurait vraisemblablement fait perdre de dix-huit à vingt-quatre mois, compte tenu de la nécessaire notification d’un tel dispositif auprès de la Commission européenne. En outre, l’autorisation de cette dernière n’était pas forcément acquise.
Se posait aussi la question de la mise en place d’une telle taxe, alors que les distributeurs étaient déjà contractuellement engagés à verser des contributions à un certain nombre d’établissements de spectacle cinématographique.
Dans ces conditions, le CNC a réfléchi, dans de brefs délais, à une solution alternative satisfaisante et respectueuse de l’avis de l’Autorité de la concurrence.
Il l’a fait en concertation étroite avec les professionnels les plus concernés et avec les parlementaires membres du comité de suivi des ordonnances relatives au cinéma, soit Serge Lagauche et moi-même pour ce qui concerne le Sénat.
L’adoption d’une disposition législative visant à garantir le caractère automatique et généralisé des contributions numériques est apparue comme la formule la mieux à même de réaliser une transition numérique équitable pour tous les acteurs, distributeurs comme exploitants.
Nous avons pensé que le dépôt d’une proposition de loi s’imposait dans de brefs délais, l’ensemble des professionnels s’accordant sur l’urgence à agir, à défaut d’arriver à un consensus parfait, dans un premier temps, sur l’équilibre à trouver.
C’est pourquoi une proposition de loi a été déposée simultanément et dans les mêmes termes au Sénat – par M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, et moi-même – et à l’Assemblée nationale, l’idée étant que la chambre qui disposerait la première d’une « fenêtre » à l’ordre du jour l’examinerait en premier lieu, en pleine concertation avec l’autre assemblée.
C’est ainsi que l’Assemblée nationale a adopté le texte le 16 juin 2010, à la quasi-unanimité, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’étant abstenu.
Le texte a été largement complété et enrichi grâce aux travaux conduits à la fois en commission et en séance publique, sur l’initiative du rapporteur, Michel Herbillon, et d’autres collègues députés, ainsi que vous l’a exposé tout à l’heure notre rapporteur, Serge Lagauche.
La concertation des uns et des autres avec l’ensemble des professionnels concernés et avec le CNC s’est poursuivie. Nous avons tous travaillé dans un esprit constructif, afin d’aboutir à un texte équilibré et consensuel.
Cet objectif est aujourd’hui atteint et je tiens à saluer tout particulièrement l’implication et les compétences du CNC et de M. le rapporteur, qui vous a présenté voilà quelques instants les dispositions du texte.
Nous nous sommes interrogés sur la nécessité de revenir, ou non, sur une spécificité du secteur qui consiste à renoncer à tout formalisme pour les contrats de location de films.
Chaque début de semaine – le lundi matin en général –, exploitants et distributeurs concluent leurs contrats de location, le plus souvent uniquement par voie orale, la réglementation restant dans ce domaine largement inappliquée. Certes, le code civil n’impose pas que le contrat soit écrit. Mais comment, avec un contrat oral, faire la preuve de l’intégrité des consentements, et comment s’assurer du respect des dispositions prévues pour l’article L. 213-19 du code du cinéma et de l’image animée, qui visent à garantir l’étanchéité entre le contrat relatif à la contribution numérique et le contrat de location d’un film ?
Les professionnels nous ont convaincus de ne pas imposer la forme écrite aux contrats de location pour toute opération hebdomadaire, pour des raisons tout à la fois de délai et de réactivité.
L’inquiétude de certains professionnels, celle des petits exploitants en particulier, que nous avons pu mesurer lors de nos rencontres, s’est aujourd’hui dissipée. Elle reposait en fait sur l’incompréhension que suscitaient l’articulation et la complémentarité de cette proposition de loi avec les volets financier et réglementaire de la réforme.
En effet, si cette loi est absolument nécessaire, voire urgente, elle n’est toutefois pas suffisante. Elle devra être complétée par les dispositifs d’aide aux salles mis en place par le CNC, notamment pour ce qui concerne les établissements disposant d’un petit nombre de salles, ainsi que par des décrets d’application relatifs aux engagements de programmation récemment publiés. Les représentants des territoires que nous sommes se sont bien évidemment montrés très vigilants sur ce point.
La réforme doit permettre la numérisation de tous les établissements, quelle que soit leur taille. Il était hors de question de « baisser les bras », comme certains pays ont pu le faire en acceptant, avec fatalité, la perspective d’une réduction du nombre de salles obscures sur leur territoire.
En définitive, il s’agit de profiter pleinement des avancées qu’entraîne la technologie numérique pour les professionnels, mais aussi, bien entendu, pour les spectateurs. Cette évolution permet certes la multiplication du nombre de films en relief mais, au-delà, l’équipement des salles s’impose pour la simple raison que les films sont de plus en plus souvent tournés en numérique. Les salles non équipées ne pourront donc plus projeter les films de demain.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, qui a fait l’objet d’un très large consensus au sein de notre commission, est très attendu par les professionnels concernés. N’oublions pas que la préservation et la modernisation des salles de cinéma profitent à un public qui, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, est de plus en plus nombreux depuis quelques années.
Comme je l’ai indiqué hier en commission, selon une enquête d’OpinionWay, de 72 % à 75 % des Français ont le sentiment que les salles ont été modernisées depuis dix ans. Cette modernisation sous-tend certainement un appel au public.
Le dynamisme de cette première « fenêtre » de visibilité pour les films contribue – et nous nous en réjouissons – au maintien d’une part de marché satisfaisante pour les films français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le passage au numérique constitue un grand défi pour le cinéma, une véritable opportunité, mais aussi un vrai danger potentiel.
Cette modernisation, inévitable, conditionne la pérennité des acteurs du paysage cinématographique français. Cette évolution technique, souvent appelée « révolution numérique », risque de rendre obsolète, à moyen terme, tout acteur qui ne s’adapterait pas rapidement.
Le passage de la bobine argentique à la copie numérique pèse sur les salles de cinéma qui supportent le coût du renouvellement des équipements, mais il profite aux distributeurs, qui réalisent des économies liées au faible coût de la copie numérique.
Les acteurs du cinéma ne sont donc pas égaux devant le numérique, les salles ayant, selon leur taille, des moyens très variables, ce qui rend certaines d’entre elles plus vulnérables à l’heure du renouvellement des équipements. En France, il y a partout de nombreuses petites salles à faibles moyens, moins bien armées que les multiplexes pour faire face à ce changement.
Le passage au numérique étant aussi nécessaire pour les distributeurs, des solutions contractuelles ont été mises en œuvre. Elles concernent les grandes salles déjà équipées par les « tiers investisseurs », des sociétés financières privées, collectant une contribution numérique versée par le distributeur à l’exploitant de la salle. Cette contribution est due pour le placement d’un film numérique sur un écran de l’exploitant lors des premières semaines d’exploitation et ne concerne que les grandes salles fonctionnant sur un modèle de rotation rapide des films.
Voilà posés les termes du débat, avec un objectif fondamental : assurer le maintien d’un maillage dense du territoire au travers d’une diversité de salles garantissant une programmation pluraliste. Cette vision des choses a toujours traversé la politique du cinéma. J’en ai été témoin et aussi acteur toute ma vie : comme élu municipal et spectateur en Seine-Saint-Denis pendant les années soixante, comme rapporteur du budget, pour le cinéma, à l’Assemblée nationale durant les années soixante-dix, au travers des actions des états généraux de la culture dans les années quatre-vingt et, au-delà, comme membre de l’Agence pour le développement régional du cinéma, l’ADRC, une commission importante du Centre national de la cinématographie, le CNC, dans les années quatre-vingt-dix et deux mille et, aujourd'hui encore, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
De toutes ces missions, j’ai retenu que, durant toutes ces années, se sont opposés les tenants du fonds de soutien qui a été créé après la Libération, qui ne veulent pas laisser la tutelle du cinéma au seul marché, et ceux qui n’ont cessé de rechercher la manière de faire triompher l’« ordre spontané du marché ».
Cela n’a pas été un chemin de velours, mais l’intérêt général, c’est-à-dire le respect de tout le territoire, de toutes les salles et de toutes les créations cinématographiques, a tenu. Sur le chemin qui conduit du scénario d’un film à sa projection au spectateur, est introduit aujourd'hui, au cœur d’une loi, pour la première fois, ce que celle-ci appelle un « tiers investisseur », et que l’objectivité conduit plutôt à nommer une « structure financière omnipotente ». C’est un retournement de tradition, une nouvelle « dogmatique » avec la mise en concurrence « non libre et très faussée » comme objectif, les films, ceux qui les créent et ceux qui les présentent devenant de simples moyens de l’atteindre.
Le droit qui fondait la libre concurrence serait dorénavant fondé sur la libre concurrence. Avec cette évolution, que je combats, est créé un marché de « produits législatifs » devant conduire à l’élimination progressive de tout ce qui s’oppose à satisfaire les attentes financières des tiers investisseurs.
Ainsi, les marchés financiers deviendraient le principe d’organisation de la dimension juridique du cinéma ; les rapports de force seraient convertis en rapports de droit, que fatalise abusivement la technologie.
On comprend mieux que la solution mutualiste entre « marché » et « hors-marché », qui a fait ses preuves depuis soixante ans, avec, certes, des aléas, ait été écartée. On regrettera que cette décision ait été le fait du CNC, sous l’influence, en la circonstance, du bloc du pouvoir État-privé qui s’est torsadé sans limite : il est risible de vouloir réguler le cinéma comme on régule son chauffage central. Nous atteignons là une blessure à la morale publique.
Je n’exagère pas ; l’élaboration de la loi le confirme ! Le CNC, dans un réflexe heureux de fidélité à son histoire, de souvenance de l’avenir, a proposé un fonds de mutualisation alimenté par les contributions numériques des distributeurs, réparti ensuite entre les salles de cinéma, dans leur diversité, quelle que soit leur implantation, afin de couvrir les frais des exploitants. Sur les 5 400 salles que compte notre pays, 2 800 d’entre elles avaient salué cette solution de solidarité, garante de l’exception culturelle. Mais, le 1er février 2010, l’Autorité de la concurrence a émis un avis défavorable sur la création de ce fonds, au motif que cela risquait d’entraîner des distorsions de concurrence trop importantes avec les tiers privés opérant sur le marché. Est-ce devenu une habitude obligatoire ?
Lors de la table ronde du 28 avril 2010 – Quel avenir pour la filière du livre à l’heure du numérique ? – organisée par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, le représentant de l’Autorité de la concurrence a agi de même, avec arrogance d’ailleurs, à l’égard des professionnels présents. J’avais réagi contre ce coup de rabot.
Le CNC a aussitôt envisagé de créer une taxe sur les distributeurs. Cette idée a été abandonnée pour des raisons de calendrier liées à la nécessité de saisine de la Commission européenne, cette dernière ouvrant d’éventuelles enquêtes durant de dix-huit à vingt-quatre mois, au terme desquelles elle peut, in fine refuser la création de la taxe.
Le texte dont nous discutons est donc une solution de repli, tendant à transférer une partie des économies réalisées par les distributeurs de films aux exploitants de salles par le biais du versement d’une « contribution numérique » désormais obligatoire, dont chaque exploitant individuel négociera, avec le distributeur, le montant pour chaque film diffusé. Voilà comment une proposition ambitieuse s’est « rétrécie » en misant sur l’autorégulation d’un marché qui, maintes fois, surtout dans le domaine culturel, a détruit plus qu’il n’a régulé et qui, cette fois-ci, interviendra pour des équipements dont la durée de vie ne dépasserait pas sept ans. Et tout cela sans se poser la question de l’après, pas plus que celle, pourtant incontournable, du devenir des personnels de projection, ou encore celle, si décisive, des industries techniques.
Je ne suis pas une petite souris, mais j’ai appris qu’une personnalité du cinéma, que j’estime par ailleurs, avait indiqué que ce texte, de mal qu’il était, pourrait peut-être devenir un bien, en aboutissant à réduire le nombre de films et de salles.
Cette proposition de loi d’« accommodement » ayant abandonné le principe de solidarité entre les cinémas rentables et non rentables, avec les distorsions qu’on lui connaît, fabrique une scission, un clivage entre le cinéma « de marché » et le cinéma « hors marché », donc un cinéma à deux vitesses qui traite différemment la diversité des salles, le meilleur allant au réseau des multiplexes, le moyen au réseau des salles moyennes, le petit se débrouillant avec une initiative ultime du CNC, encore floue. Les réseaux itinérants et les salles ayant moins de cinq séances par semaine connaissent quant à elle l’exclusion du processus ou sont tributaires des collectivités locales dont, par ailleurs, le pouvoir diminue les budgets.
Cette pratique imparfaite trahit les fondements du CNC, le financement solidaire issu de la Libération, garanti jusqu’alors par la taxe additionnelle. Désormais, les grandes salles et les multiplexes ne participeront plus au financement des plus petites salles. C’est un premier coup qui peut donner des idées quant à une remise en cause des aides publiques au cinéma.
J’ai reçu un courrier d’un propriétaire d’une salle dite « fragile ». En voici l’argumentation :
« La proposition de loi relative à l’équipement numérique des salles de cinéma est très attendue actuellement par les distributeurs et les exploitants, surtout les plus vulnérables. En effet, les pratiques actuelles sont insupportables, notamment de la part des tiers-investisseurs... J’ai toujours été favorable à un encadrement du passage au numérique des salles de cinéma. Toutefois, je vous fais part de nos craintes.
« Nous redoutons un accès plus difficile aux copies en sortie nationale pour les plus petites exploitations et supposons une concentration du marché et une absence de diversité entraînée par la rotation encore plus rapide des films à l’affiche des salles.
« Nous craignons aussi que ne s’instaurent deux types d’exploitation : l’exploitation du marché et celle « en continuation ». Cette distinction pourrait voir également le jour dans la distribution et la production.
« Nous aurions préféré une taxe s’appuyant sur la politique menée depuis 1946 par l’État dans le secteur du cinéma.
« Nous constatons aussi que rien n’est prévu dans la proposition de loi sur le renouvellement du matériel.
« Enfin, nous vous alertons sur la transmission dématérialisée des films qui peut être aussi un marché accaparé par des tiers. »
« Nous resterons vigilants [conclut-il] sur l’application de cette loi et sur l’octroi des aides du CNC aux petites salles. »
« Craintes », « redouter », « aurions préféré », « rien n’est prévu », « alerter », « vigilance », les mots de cet exploitant, je les ai entendus de tous ceux que j’ai auditionnés, à l’exception, bien sûr, des exploitants « toutes catégories ». Je les ai également trouvés sous la plume de M. Serge Lagauche, ainsi que dans le rapport Les engagements de programmation, signé en mars dernier par le Médiateur du cinéma, grand homme de culture qui exerce des fonctions administratives importantes. Tous s’accordent aussi sur certains principes : « préserver la diversité de l’offre ; limiter la multidiffusion d’un même film sur plusieurs écrans dans un même établissement ; renforcer la transparence des engagements ; réduire singulièrement la loi de la jungle ; les engagements constituent un “filet de sécurité” utile. »
Les amendements que le groupe CRC-SPG a déposés visent cependant à obtenir plus qu’un « filet de sécurité » : ils exigent des garanties.
Premièrement, il s’agit de créer une taxe sur les copies numériques en fonction des recettes des films, ce qui permettra de traiter à égalité tous les films et toutes les salles, en évitant le gré à gré, qui est toujours en faveur du plus fort.
Deuxièmement, il est bien de dire qu’il faut aider les salles, il est beaucoup mieux de dire qu’il faut aider toutes les salles.
Troisièmement, il convient d’étendre le délai pour la perception de la contribution numérique de deux à quatre semaines, afin d’aider un nombre plus élevé de salles, en tenant compte des intérêts des distributeurs.
Quatrièmement, l’aide prévue pour la numérisation des salles ne suffit pas. Il faut instituer une contribution pérenne.
Cinquièmement, la contribution numérique ne peut varier au-delà de 600 euros et en deçà de 400 euros. C’est l’expérience qui nous conduit à fixer ces montants, ayant appris qu’un « tiers investisseur » avait proposé à l’UGC Ciné Cité les Halles 884 euros pour la sortie du dernier film de Claude Lelouch.
Je sais que la profession, sans doute de guerre lasse, peut-être aussi par résignation, s’accommode, voire soutient cette proposition de loi. Et j’admets que les propos du rapporteur et du ministre peuvent nourrir et expliquer cette attitude.
Le groupe CRC-SPG ne votera pas contre ce texte ; il s’abstiendra, dans cette période de confusion dévastatrice dont nous percevons la présence dans le texte même de la proposition de loi et dans la façon dont elle a été élaborée.
Cette loi ne devra pas sonner comme un abandon des espérances exprimées par de nombreux professionnels. Nous ne sommes pas pour les issues fermées ! En haut lieu, on veut nous empêcher de parler clair, face à un phénomène complexe et grave. En acceptant les « tiers investisseurs », on accepte que la finance – la finance, j’insiste – et non pas l’industrie, puisse dominer alors qu’elle méprise la création et le travail bien fait. Lui vont en effet comme un gant les titres de films de Claude Chabrol que nous honorerons demain, à la cinémathèque, avec émotion et admiration : L’Ivresse du pouvoir, Les Plus Belles Escroqueries du monde, Folies bourgeoises, Masques, Le Scandale et Au Cœur du mensonge. Je retiendrai ce dernier titre. D’aucuns déclarent, à propos de cette proposition de loi – cela montre bien ses limites –, qu’il faudra « veiller », « respecter les engagements », « préserver », « assurer la plus grande transparence » et « répondre aux plus grandes inquiétudes exprimées ». Cela me rappelle le discours de M. Nicolas Sarkozy avant les élections : tout était beau, alors ! On voit où nous en sommes aujourd’hui ! Il faudra suivre ces prescriptions : j’en serai, et nous en serons !
Jour après jour, sur de nombreux sujets, le bloc du pouvoir « État-privé » ne nous dit plus la vérité. Il ment ! C’est devenu une pratique usuelle. Nous ne le croyons plus. Les auteurs de mensonges, que ce soit par omission, manipulation ou dissimulation, devraient relire Kant, selon lequel « le mensonge est une violation grave du devoir envers soi-même et même d’un devoir tout à fait essentiel, puisque sa transgression discrédite la dignité de l’humanité en notre propre personne et corrompt la façon de penser à sa racine, car la tromperie rend tout douteux et suspect et fait perdre confiance en la vertu humaine » : un beau scénario !
Nous nous abstiendrons donc lors du vote de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, du groupe socialiste et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je me réjouis du consensus dont ce texte fait l’objet. Le fait qu’il ait été déposé dans les mêmes termes au Sénat et à l’Assemblée nationale et que cette dernière l’ait adopté à la quasi-unanimité de ses membres nous démontre que les initiatives parlementaires peuvent parfois se révéler fructueuses.
J’ajoute que cette proposition de loi a été élaborée en étroite concertation avec tous les acteurs de la profession. Je salue à cette occasion le travail accompli par le CNC.
Après notre rapporteur, Serge Lagauche, je vais vous présenter la position du groupe socialiste sur cette proposition relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.
La numérisation constitue un virage technologique de grande ampleur pour toute l’industrie cinématographique. Nous devons être pleinement conscients de ce qu’il implique : il s’agira non pas d’une simple évolution ne touchant que quelques-uns, mais d’un changement immédiat et général. Ceux qui en seraient écartés seraient, de fait, exclus de l’industrie.
L’équilibre de cette industrie, ainsi que l’exigence d’une réelle égalité territoriale, implique que l’ensemble des 5 400 salles, réparties dans les 2 200 établissements que compte notre pays, puissent s’équiper dans un délai bref. Or le coût de l’acquisition de projecteurs numériques et des travaux nécessaires à leur installation est très élevé : 80 000 euros en moyenne. Il faudra donc 430 millions d’euros pour couvrir l’ensemble du territoire.
Comme le montre le rapport de Serge Lagauche, la numérisation est un enjeu dont la puissance publique doit se saisir. Plusieurs raisons nous conduisent à légiférer aujourd’hui. J’en évoquerai trois.
Tout d’abord, il faut rétablir un certain équilibre dans l’industrie du cinéma. À l’échelle de l’ensemble de l’industrie, la numérisation permettra sans aucun doute de réaliser des économies substantielles, donc des gains économiques qu’il conviendra de répartir de façon équitable. Dans un premier temps, les avantages financiers bénéficieront aux distributeurs, puisque le coût d’une copie numérique est de 150 euros environ, contre 600 à 2 000 euros pour une copie au format 35 millimètres. Parallèlement, avant de pouvoir bénéficier d’une plus grande souplesse dans leur programmation et en matière de logistique, les distributeurs seront pénalisés par le coût des équipements. Cette situation risque de remettre en cause l’équilibre de certaines salles, notamment les plus petites. C’est pourquoi l’intervention du législateur est nécessaire.
Ensuite, il convient d’assurer l’accès à la culture sur tous les territoires. Les petites salles, les salles d’art et d’essai et les cinémas ruraux subventionnés doivent conserver toute leur liberté dans leurs choix de programmation. Pour cela, le législateur a le devoir de garantir leur indépendance à l’égard des diffuseurs. Ces salles doivent donc être soutenues afin de pouvoir s’équiper au même rythme que les grands réseaux de diffusion. Dans le cas contraire, elles seraient soumises à la raréfaction des copies en 35 millimètres, puis à leur disparition, et elles subiraient de façon encore plus violente qu’aujourd’hui la pression de la concurrence des grandes salles, ce qui mettrait en jeu leur survie.
Enfin, il convient d’accompagner la mutation de l’industrie. La numérisation aura des conséquences sociales importantes pour les salariés. Je pense notamment aux projectionnistes et aux techniciens des industries techniques. Le législateur doit intervenir afin que, pour ces personnels, virage technologique ne rime pas avec chômage automatique.
Telles sont les trois raisons majeures qui justifient l’intervention du législateur. Certes, l’équipement des grandes salles aurait sans doute pu être laissé à l’arbitrage du marché. Cette catégorie d’établissements, qui représente le tiers du parc français avec 1 436 salles, est d’ailleurs souvent équipée. Les grands diffuseurs et distributeurs français se sont inspirés d’une initiative américaine pour mettre en place un principe dit de « frais de copie virtuelle ». Le distributeur reverse une contribution dite « numérique », correspondant à une part des économies réalisées, afin d’aider les diffuseurs à acquérir des équipements numériques. Déjà, des « tiers investisseurs » privés interviennent sur le marché français pour permettre aux exploitants de mutualiser les contributions des diffuseurs.
Ce principe, satisfaisant pour les grands réseaux, nécessite une régulation publique pour garantir le passage au numérique de l’ensemble des salles et pour assurer la liberté de programmation des exploitants. En effet, les diffuseurs ne doivent pas être tributaires des choix des distributeurs pour leur survie.
Outre les trois raisons majeures que j’ai évoquées, l’intervention du législateur a également été rendue nécessaire par la décision de l’Autorité de la concurrence du 1er février dernier, qui censurait l’initiative, visant à créer un fonds de mutualisation, lancée par le CNC, lequel serait alors devenu un « tiers investisseur public ». L’autorité a vu dans le principe simple qui était proposé une concurrence déloyale à l’encontre des « tiers investisseurs » privés, considérant que le CNC ne pouvait à la fois être régulateur et opérateur sur ce marché.
Le dispositif présenté par notre rapporteur me paraît répondre à toutes ces exigences et permettra d’atteindre cet « objectif d’intérêt général », rappelé par l’Autorité de la concurrence, que constitue la numérisation des salles de cinéma.
Premièrement, il permettra de renforcer la transparence. Cela concerne, d’une part, les équipements qui justifient la mise en place d’une contribution numérique, ainsi que leur durée d’amortissement et, d’autre part, la nécessité d’établir des contrats écrits, tant pour la contribution numérique que pour le contrat de location de films.
Deuxièmement, ce dispositif favorise l’organisation mutualisée de la collecte de la contribution numérique, afin de retenir une solution proche de celle qu’avait imaginée le CNC et qui a été approuvée par la profession.
Troisièmement, la proposition de loi inclut l’ensemble des utilisations possibles des équipements numériques. En effet, l’équipement numérique permettra aux salles de développer une nouvelle activité « hors film ». Il était normal que les acteurs de cette nouvelle industrie participent à l’équipement des exploitants. Cependant, les bandes-annonces et les courts métrages sont exclus du dispositif.
D’un point de vue technique, le texte proposé insiste sur la nécessaire interopérabilité sur toute la chaîne et entre toutes les salles. Ainsi, les plus petites salles ne risqueront pas d’être dans l’impossibilité de diffuser certains films.
Par ailleurs, j’estime que l’impératif de diversité culturelle est garanti par le texte, puisque les aides publiques sélectives accordées par le CNC sont conditionnées aux engagements de programmation. Cet objectif est concrétisé par le décret du 8 juillet dernier, relatif aux aides directes du CNC, qui régit le soutien financier que recevront les salles de trois écrans ou moins. Ces aides sont essentielles, car elles concerneront les salles diffusant les films à un large public, notamment dans les villes moyennes et en zone rurale.
La conjonction du système de contribution obligatoire et des aides directes du CNC aux salles de continuation permettra, je l’espère, un équipement de l’ensemble du parc. Nous sommes donc satisfaits de ce dispositif. Mais, après l’adoption du texte, nous devrons veiller à son application. Nous devrons aussi vérifier avec une grande attention qu’il est bien adapté aux plus petites salles, notamment aux salles rurales qui ne peuvent subsister qu’avec l’aide des collectivités territoriales.
Le passage d’une à deux semaines après la sortie nationale du film du délai nécessaire pour bénéficier de la contribution obligatoire est une bonne chose. Nous devrons rapidement vérifier si ce délai est suffisant, et si tel n’est pas le cas, envisager de l’étendre. Je m’interroge sur ce point et je ne suis pas la seule, puisque certains de mes collègues souhaitent, par voie d’amendements, allonger dès maintenant ce délai à trois, voire à quatre semaines.
Il nous faudra également prêter une attention toute particulière à la façon dont les petites salles feront face à la complexité du dispositif.
Les collectivités territoriales assurent déjà la survie de nombreuses salles rurales et associatives. Je peux en témoigner pour la région Aquitaine dont je suis issue. La numérisation des salles ne devrait pas se traduire pour ces collectivités par une explosion des aides, surtout dans le climat de grande inquiétude et incertitude financières qu’elles connaissent.
Une grande attention devra également être portée à l’évolution des emplois dans les industries techniques. La numérisation constitue pour ces industries une véritable révolution technologique. La Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia, la FICAM, a assimilé les conséquences de cette innovation à un authentique électrochoc économique et social. Ce secteur va ainsi perdre près de 1 100 emplois, ainsi que 165 millions d’euros de chiffre d’affaires. Avec ce texte, nous allons accélérer la mutation technologique. Nous devons, en contrepartie, être très attentifs à l’évolution des emplois dans ces industries.
Si la réforme qui nous est proposée devait se traduire par une disparition des petites salles et par la destruction de nombreux emplois, la révolution numérique ne serait pas seulement un formidable progrès, elle serait aussi, malheureusement, une terrible régression. Nous devons donc, mes chers collègues, être particulièrement vigilants quant à l’application de la loi et ne pas considérer notre travail sera terminé après que la proposition de loi aura été votée. Il y va de la qualité de l’offre de films française et de la survie de toute l’industrie cinématographique hexagonale.
J’ai rappelé notre devoir de vigilance, mais cela n’enlève rien à la qualité du dispositif proposé. Je crois en effet qu’en adoptant ce texte, nous répondons de façon satisfaisante à l’enjeu de la numérisation des salles. C’est pourquoi le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cinéma vit actuellement des mutations importantes liées à la révolution technologique que nous connaissons.
Comme le livre ou la musique, le cinéma est confronté au défi de la numérisation. Depuis le succès des films en trois dimensions, dits en 3D, les professionnels du cinéma ont pris conscience de la nécessité d’adapter rapidement les salles à ces nouveaux procédés de production et de diffusion. C’est une question de survie pour les petites salles, en particulier en milieu rural.
L’objet de cette proposition de loi, adopté par l’Assemblée nationale le 16 juin 2010, et présenté par notre collègue Serge Lagauche, est simple : soutenir la modernisation de toutes les salles de cinéma en France, en généralisant et en rendant obligatoire le versement par les distributeurs d’une contribution numérique en faveur des exploitants des salles de cinéma. II s’agit d’encadrer une pratique existante et d’accompagner ainsi la profession dans une mutualisation des financements nécessaires à sa modernisation.
Cependant, la période transitoire que nous vivons actuellement peut, comme toute période de mutation, entraîner des difficultés. Si l’on veut que l’ensemble des acteurs de la chaîne du cinéma passe au numérique et que l’économie soit réelle et partagée à long terme, il faut trouver un système de financement permettant aux exploitants de salles de s’adapter rapidement.
La diffusion numérique des films engendre un surcoût pour les exploitants, qui doivent adapter les cabines de projection à cette nouvelle technologie. Le Centre national du cinéma et de l’image animée estime que le coût de l’équipement d’une salle en numérique est en moyenne de 80 000 euros.
Cette constatation a amené toute la profession à chercher, d’un commun accord, un mécanisme permettant de répartir l’effort financier sur l’ensemble des acteurs de la filière.
Ce texte permet d’assurer à tous les exploitants et distributeurs un cadre juridique stable et sécurisé. Ainsi, les exploitants qui ne percevraient pas, ou insuffisamment, de contributions numériques, disposeront de l’aide du CNC pour numériser leurs salles.
Permettez-moi de rappeler l’esprit qui a présidé à l’élaboration du texte : il s’agit non pas de mettre en place une nouvelle taxe, mais bien de généraliser une contribution qui repose sur un principe juste et qui permette à tous les acteurs d’être gagnants. Ce principe sera d’autant plus juste qu’il sera incitatif, d’autant plus pertinent et efficace qu’il mutualisera. La contribution numérique sera due non par œuvre, mais par salle, donc par écran. Cela répond aux enjeux posés par la multidiffusion.
Ce texte souligne notre engagement de préserver sur notre territoire un vaste réseau de salles de cinéma contribuant au maintien de notre diversité culturelle, à laquelle nous sommes tous très attachés.
Permettez-moi de souligner les difficultés que rencontrent les petites salles de cinéma. Alors que la fréquentation globale est en hausse, ce que confirment les bons résultats du premier trimestre de 2010 avec une augmentation de 8 %, certaines petites salles ont connu en 2009 un recul de 10 à 20 % de leurs bénéfices.
Les petites salles, les salles d’art et d’essai et les salles de cinéma en milieu rural pourraient se trouver fragilisées économiquement si elles ne réussissaient pas à se moderniser. Il s’agit donc d’un plan de sauvetage extrêmement important pour la diffusion culturelle.
Je citerai, pour illustrer mon propos, un exemple, pris dans mon département de Seine-et-Marne. Je salue le dynamisme et la détermination du gérant passionné du plus petit cinéma d’Île-de-France, installé, depuis fort longtemps, à Mons-en-Montois, petit village de 400 habitants près de Provins. Il propose chaque semaine une programmation diversifiée à quelques dizaines de spectateurs cinéphiles.
Ce gérant de cinéma en milieu rural a pu maintenir son activité et sauver son établissement atypique grâce à votre intervention, monsieur le ministre. Il s’est vu octroyer une subvention du CNC, sans laquelle il n’aurait pas pu poursuivre son activité. La presse régionale s’en est fait l’écho récemment.
Il nous faut aller plus loin pour éviter que, à terme, les salles qui ont su, jusqu’à aujourd’hui, résister face difficultés nées des mutations technologiques, ne disparaissent faute de moyens.
Il est de notre devoir de favoriser l’essor du numérique, car les salles de cinéma jouent un rôle fondamental dans la vie culturelle de notre pays. Nous disposons d’un parc de 5 500 écrans, ce qui est unique en Europe.
Je tiens à souligner le rôle des collectivités territoriales, qui ont racheté de nombreuses salles afin de les sauver. La ville de Melun, où je suis élue et en charge de la culture, soucieuse de préserver une activité cinématographique diversifiée et d’offrir à tous les publics des salles de cinéma de proximité, a décidé d’acquérir les murs et le fonds de commerce de son dernier cinéma. Elle l’a ensuite confié à un gérant dont la mission est d’exploiter cette activité à ses risques et périls, avec toutefois des actions menées en lien avec les services culturels et une réflexion conduite par un comité de pilotage. Malgré cette aide, ce cinéma de centre-ville connaît beaucoup de difficultés, récemment accentuées par l’arrivée d’un deuxième multiplexe à sa périphérie.
II est donc urgent de procéder à la numérisation de l’établissement. Cela permettrait de répondre à la demande du public et de continuer d’assurer une activité cinématographique en centre-ville pour tous ceux qui ne pourraient pas se rendre dans les multiplexes.
Je tenais à citer ces exemples particuliers, car ils sont représentatifs d’une situation que l’on trouve sur l’ensemble du territoire national.
L’engagement de l’État et sa participation aux efforts des collectivités locales seront déterminants pour l’avenir du cinéma français, qu’il faut préserver.
En conclusion, je tiens à souligner qu’en réponse à une demande forte de la profession du cinéma, il a été introduit dans ce texte une disposition visant à rendre obligatoire, et non plus facultative, la référence aux usages de la profession cinématographique pour fixer les loyers des salles de cinéma. Désormais, la référence pour ce calcul sera le chiffre d’affaires réalisé par l’exploitant. Il est, en effet, nécessaire de réguler ces baux si l’on souhaite préserver les cinémas qui ont réussi, souvent avec difficulté, à se maintenir dans les centres-villes.
Mes chers collègues, je me réjouis que cette proposition de loi fasse l’objet d’un consensus, tant sur le fond que sur la méthode. Pour toutes ces raisons, il est très important de voter ce texte tant attendu par tous ceux qui aiment le cinéma et porteuse d’avenir pour les exploitants indépendants des salles de cinéma de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. –M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article additionnel avant l’article 1er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Ralite, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Au chapitre Ier bis du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts après la section II bis, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section ...
« Taxe sur les copies numériques d'œuvres et documents cinématographiques
« Art. ... - Il est institué à compter de la promulgation de la présente loi une taxe sur les ventes et locations des copies numériques d'œuvres et documents cinématographiques destinées à la projection publique.
« Cette taxe est due par les redevables qui vendent ou louent leu copie numérique à un établissement de spectacles cinématographiques
« La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre des opérations visées ci-dessus.
« Le taux est fixé à 2,35 %. Il est porté à 10 % lorsque les opérations visées au présent article concernent des œuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. Les conditions dans lesquelles les redevables procèdent à l'identification de ces œuvres et documents sont fixées par décret.
« La taxe est exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
« Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« Le produit de la taxe est affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Notre amendement prévoit la création d’un fonds d’aide à l’équipement numérique des salles de cinéma, alimenté par une taxe sur les copies numériques assise sur le montant des recettes des distributeurs, au taux de 2, 35 %. Elle permettrait de financer 50 % de l’équipement et de prévoir son renouvellement.
Nous proposons une taxe sur les recettes plutôt que sur le prix du billet d’entrée afin que le coût en incombe, in fine, non pas au spectateur, mais bien aux distributeurs à qui profite le passage au numérique.
En créant une taxe numérique proportionnelle aux recettes et donc au nombre d’entrées enregistrées par les distributeurs pour un film donné, en proposant que son montant soit fixe et déterminé par la loi, nous souhaitons assurer une contribution proportionnée, juste et équitable de chaque distributeur au financement des équipements numériques de toutes les salles de cinéma.
Cette taxe a pour intérêt de se dégager des rapports de forces économiques qui prédominent lorsque l’on place au cœur du dispositif de financement de l’équipement numérique une contribution dont le montant, peu encadré, fait l’objet d’une négociation au cas par cas. Son avantage principal est de n’influer ni sur les plans de sortie des films, ni sur la programmation des salles en fonction des résultats obtenus lors des négociations sur le montant de la contribution numérique, qui est variable. Elle n’a donc pas d’incidence sur le circuit du cinéma, sur un modèle de rotation rapide des films qui ne permettrait pas de garantir la qualité et la diversité du cinéma français, qui l’uniformiserait sur un modèle purement commercial fondé sur les multiplexes et les blockbusters – je vous prie de bien vouloir m’excuser, monsieur le président de la commission, mais je n’ai pas trouvé d’équivalent français !
La taxe que nous proposons serait donc une solution digne du cinéma français qui s’est toujours appuyé sur la solidarité et sur la redistribution pour ne pas laisser les forces, prétendument régulatrices, du marché éliminer les petits acteurs et uniformiser le paysage cinématographique français. Ce serait contraire à l’exception culturelle dont nous sommes fiers.
Les arguments que l’on nous oppose tiennent au calendrier imposé par la nécessité d’une validation de la Commission européenne, qui enquête pendant des périodes très longues, allant de dix-huit à vingt-quatre mois, et à l’incertitude de son autorisation.
Face à la possibilité que soit repoussée une solution pourtant soutenue par un grand nombre d’acteurs, nous préférons la certitude d’une contribution numérique qui ne convient réellement à personne, mais dont chacun prend le parti de s’accommoder quitte à renier entièrement le système de financement du cinéma français, qui depuis 1946, repose sur une taxe solidaire : la taxe spéciale additionnelle.
Tel est le sens de l’amendement que nous vous proposons d’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Lagauche, rapporteur. Lors de la discussion générale, M. Jean-Pierre Leleux a expliqué pourquoi il a été décidé de renoncer à l’option de créer une nouvelle taxe, qui avait été envisagée à la suite de l’avis de l’Autorité de la concurrence. Cette solution aurait posé de sérieuses difficultés, que vous avez d’ailleurs évoquées.
Tout d’abord, il aurait fallu soumettre un tel dispositif à l’examen de la Commission européenne qui aurait déclenché une enquête ouvrant un délai incompressible de dix-huit à vingt-quatre mois. Or, la numérisation des salles est en cours et toute perte de temps aurait nui à la profession. Au-delà de la question du calendrier, il aurait encore fallu que la réponse de la Commission européenne soit positive. Nous n’avions aucune garantie sur ce point, d’autant qu’elle préfère en général les aides ciblées à la taxation.
Ensuite, l’idée d’une taxe suscitait une certaine opposition chez les distributeurs. Plusieurs d’entre eux, qui ont déjà dû verser une contribution à certaines salles, se refusaient à payer une seconde fois, ce qui est compréhensible.
Enfin, certains craignaient une répartition inégalitaire du produit de la taxe. Pour toutes ces raisons, préférence a été donnée à un dispositif législatif assorti des volets financier et réglementaire complémentaires que j’ai présentés précédemment.
Monsieur le sénateur, il n’est exact de soutenir que nous renions le système de financement du cinéma. Ce système subsiste. La difficulté tient à l’équipement numérique des salles. Le CNC, comme il l’a toujours fait et il s’est engagé à continuer, aidera les salles qui rencontreront des difficultés. M. le ministre l’a confirmé voilà quelques instants.
Je comprends que vous ayez à cœur de faire connaître votre attachement à cette taxation. Pour autant, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Renar, il ne me paraît vraiment pas nécessaire de créer une taxe supplémentaire en vue de financer l’équipement numérique des salles de cinéma. Il serait injuste de faire peser sur les distributeurs une telle taxe, alors qu’ils participeront déjà au mécanisme de contribution numérique que cette proposition de loi vise à mettre en place.
Compte tenu de ces précisions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Renar, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. Monsieur le président, je maintiens mon amendement, non par volonté d’opposition et encore moins par méchanceté, mais parce que, quoi qu’en dise M. le rapporteur, nous arrivons à des carrefours qui comportent de nombreux dangers, d’un point de vue démocratique par exemple.
Je me félicite que le groupe CRC ait fait cette proposition. Dans un souci de cohérence avec les positions que nous avons défendues et d’honnêteté envers le Sénat, je maintiens cet amendement, sans que cette décision remette en cause notre vote final.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
(Non modifié)
Le chapitre III du titre Ier du livre II du code du cinéma et de l’image animée est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques
« Art. L. 213-16. – I. – Sont tenus de contribuer soit directement, soit par un intermédiaire, au financement des investissements nécessaires à l’installation initiale des équipements de projection numérique des salles des établissements de spectacles cinématographiques existantes à la date de promulgation de la loi n°…du…relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, ainsi qu’à l’installation initiale des équipements de projection numérique des salles des établissements de spectacles cinématographiques homologuées avant le 31 décembre 2012 :
« 1° Les distributeurs qui, dans le cadre de contrats de concession des droits de représentation cinématographique mentionnés à l’article L. 213-14, mettent à disposition de l’exploitant de l’établissement concerné, sous forme de fichier numérique, des œuvres cinématographiques de longue durée inédites en salles. Cette contribution est due, au titre de chaque salle, lors des deux premières semaines suivant la date de sortie nationale de l’œuvre cinématographique pour la première mise à disposition de l’œuvre dans l’établissement. La contribution reste due, au-delà des deux premières semaines, lorsque l’œuvre est mise à disposition dans le cadre d’un élargissement du plan initial de sortie. Toutefois, la contribution n’est pas due lorsque l’œuvre est mise à disposition pour une exploitation en continuation. La date de sortie nationale, l’élargissement du plan initial de sortie et l’exploitation en continuation sont définis par les usages professionnels ;
« 2° Les personnes qui mettent à disposition de l’exploitant de l’établissement concerné, sous forme de fichier ou de données numériques, des œuvres ou documents audiovisuels ou multimédia et des œuvres à caractère publicitaire, à l’exception des bandes annonces. Cette contribution est due au titre de chaque projection ;
« 3° Les personnes qui louent à l’exploitant de l’établissement concerné une ou plusieurs salles, dès lors que cette location implique l’utilisation des équipements de projection numérique des salles concernées. Cette contribution est due au titre de chaque location.
« I bis (nouveau). – Le financement de l’installation initiale des équipements de projection numérique des salles des établissements de spectacles cinématographiques peut être mutualisé. La mutualisation peut être effectuée entre exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques, exploitants propriétaires des fonds de commerce de plusieurs établissements cinématographiques ou par des intermédiaires assurant le financement des investissements nécessaires.
« Dans ce cas :
« 1° Les contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution prévue au 1° du I ainsi que les contrats relatifs au financement des équipements de projection numérique conclus entre les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques et les intermédiaires mentionnés au premier alinéa du I fixent la liste des établissements relevant de la mutualisation et détaillent les modalités de cette mutualisation, notamment la répartition des contributions entre les différents bénéficiaires ;
« 2° Les contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution prévue au 1° du I prévoient par ailleurs les conditions dans lesquelles il est rendu compte de l’affectation de la contribution.
« II. – La contribution prévue au I n’est plus requise une fois assurée la couverture du coût de l’installation initiale des équipements de projection numérique des salles de l’établissement de spectacles cinématographiques concernées ou des établissements de spectacles cinématographiques mutualisant leurs financements, compte tenu des autres financements. Elle n’est plus requise au-delà d’un délai de dix ans après l’installation initiale des équipements de projection numérique, sans que ce délai n’excède le 31 décembre 2021.
« Les contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution prévue au 1° du I ainsi que les contrats relatifs au financement des équipements de projection numérique conclus entre les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques et les intermédiaires mentionnés au premier alinéa du I prévoient les conditions dans lesquelles les exploitants rendent compte, directement ou indirectement, aux distributeurs du coût de l’installation initiale des équipements de projection numérique restant à couvrir.
« En application de l’article L. 111-2 et à la demande des distributeurs ou des exploitants, le Centre national du cinéma et de l’image animée peut apporter son concours pour l’analyse des comptes rendus effectués en application de l’alinéa précédent. Le président du Centre national du cinéma et de l’image animée requiert auprès des personnes mentionnées au même alinéa communication de tout renseignement ou document qu’il estime utile.
« Art. L. 213-17. – Le montant de la contribution prévue à l’article L. 213-16 est négocié entre les parties à des conditions équitables, transparentes et objectives, afin notamment qu’il reste inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d’une œuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d’une œuvre sous forme de fichier numérique.
« Art. L. 213-18. – En cas de litige concernant l’application du 1° du I de l’article L. 213-16 et de l’article L. 213-17, le médiateur du cinéma peut être saisi en application de l’article L. 213-1.
« Le médiateur du cinéma requiert des parties au litige communication de tout renseignement ou document qu’il estime utile, notamment des contrats mentionnés à l’article L. 213-14 et au II de l’article L. 213-16.
« Art. L. 213-19. – Afin de préserver la diversité de l’offre cinématographique, est prohibée toute pratique et est réputée non écrite toute clause contractuelle de nature à rendre dépendants des conditions de fixation, de versement de la contribution prévue à l’article L. 213-16 ou de financement de l’installation initiale des équipements de projection numérique soit les choix de distribution ou de programmation en salles des œuvres cinématographiques, soit la détermination du taux de la participation proportionnelle aux recettes d’exploitation prévue aux articles L. 213-9 à L. 213-11.
« Art. L. 213-20. – Le président du Centre national du cinéma et de l’image animée réunit un comité de concertation professionnelle chargé d’élaborer des recommandations de bonne pratique permettant d’assurer, dans le cadre de la projection numérique, la plus large diffusion des œuvres cinématographiques conforme à l’intérêt général, le maintien de l’aménagement culturel du territoire, ainsi que la diversité des œuvres cinématographiques et des établissements de spectacles cinématographiques.
« Ce comité est composé de représentants des organisations professionnelles représentatives des exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques ainsi que de représentants des organisations professionnelles représentatives des distributeurs d’œuvres cinématographiques.
« En tant que de besoin, le président du Centre national du cinéma et de l’image animée associe les autres organisations professionnelles représentatives du secteur du cinéma et de l’image animée et les entreprises concernées.
« La composition et l’organisation du comité sont précisées par décision du président du Centre national du cinéma et de l’image animée.
« Art. L. 213-21 (nouveau). – Les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques transmettent aux distributeurs les données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique relatives à l’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée que ces distributeurs ont mises à leur disposition.
« Les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques transmettent également au Centre national du cinéma et de l’image animée les données extraites des journaux de fonctionnement précités relatives à toutes les utilisations de leurs équipements de projection numérique.
« Les données mentionnées aux alinéas précédents, leurs modalités et leur périodicité de transmission sont fixées par décision du président du Centre national du cinéma et de l’image animée.
« Art. L. 213-22 (nouveau). – Les équipements de projection numérique et les fichiers ou les données numériques mentionnés à l’article L. 213-16, leurs conditions d’utilisation, ainsi que les journaux de fonctionnement mentionnés à l’article L. 213-21, sont conformes aux normes internationales ISO relatives à la projection numérique en salles.
« Art. L. 213-23 (nouveau). – Lorsqu’elles ont pour objet le financement, même partiel, de l’installation initiale des équipements de projection numérique, les aides financières sélectives du Centre national du cinéma et de l’image animée sont subordonnées à des engagements de programmation contrôlés par le président du Centre national du cinéma et de l’image animée dans les mêmes conditions que ceux relevant du 4° de l’article L. 212-23.
« Ces engagements de programmation sont contrôlés pendant une durée de cinq ans suivant la date de la dernière aide financière ayant concouru à l’équipement numérique des salles de l’établissement de spectacles cinématographiques. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Ralite, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
des salles des établissements de spectacles cinématographiques existantes
par les mots :
de toutes les salles des établissements de spectacles cinématographiques existantes
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. L’exception culturelle française se caractérise par certaines spécificités de notre pays par rapport aux autres pays d’Europe, voire du monde, dans le domaine culturel. C’est le cas d’un certain nombre de dispositifs législatifs et réglementaires qui soutiennent le secteur de la culture et la création artistique.
Le septième art français participe allègrement au rayonnement de la culture française à travers le monde. Pourtant, confrontée à la forte concurrence de Hollywood à partir des années quatre-vingt, la France a su se spécialiser dans deux branches moins concurrentielles : celle de la comédie et celle du cinéma d’auteur.
La qualité des salles d’art et essai, à la fois indépendantes et singulières, fait de la France un pays particulièrement cinéphile. Défendre le pluralisme des lieux de diffusion, indispensable à la diversité des œuvres, et promouvoir un cinéma indépendant, qui relève de toutes les créations, en toute liberté, constituent deux tâches auxquelles la France se doit de répondre.
C’est pourquoi il est nécessaire de garantir la cohérence, l’unité et la solidarité du cinéma commercial envers le cinéma d’auteur. Or, cette proposition de loi relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques remet gravement en cause la diversité culturelle et fait apparaître le risque d’une inégalité d’accès au numérique suivant le territoire.
Notre amendement vise à spécifier, à l’article 1er, alinéa 4, que toutes les salles des établissements de spectacles cinématographiques sont concernées par le financement de l’équipement numérique.
Selon la Commission européenne, un tiers des cinémas pourraient effectivement fermer en raison du coût d’un tel équipement. Le passage au numérique pourrait donc constituer une menace pour les salles indépendantes, nombre d’entre elles n’affichant pas un nombre suffisant d’entrées pour exiger des distributeurs un financement.
Par ailleurs, la proposition de loi ne permet pas d’enrayer la menace qui pèse aussi bien sur les salles indépendantes que sur les petits distributeurs. Elle ne concerne que les salles moyennes, excluant les plus petites en raison d’un critère de contribution fondé sur les premières semaines de sortie nationale. La mention de l’adjectif « toutes » permet d’élargir le bénéfice de la contribution numérique, sans exclusion, conformément au principe du CNC, à savoir diversité de la programmation et des salles sur tout le territoire.
La menace de fermeture qui pèse sur de nombreuses salles met en péril la diversité culturelle elle-même. Nous ne contestons pas l’apport de cette nouvelle technologie, mais il faut reconnaître, d’une part, que le cinéma en 3D concerne encore un nombre restreint de sorties, et, d’autre part, que cette technologie reste trop chère pour les petites exploitations. Elles constituent pourtant des lieux propices au développement du cinéma d’auteur qui, depuis des décennies, fait de l’Hexagone une véritable référence en matière de production cinématographique du fait tant de sa qualité que de sa diversité. C’est d’ailleurs pour cela que l’on ne peut réduire le modèle cinématographique français aux divers blockbusters qui remplissent nos salles aujourd’hui.
Nos salles d’art et essai qui, pourtant, défendent ce modèle, doivent subir ce passage au numérique qui ne paraît pourtant pas être une nécessité.
Enfin, que la dimension « foraine » du cinéma ait sa place, nous le concevons, mais il paraît aberrant de décider du basculement de toute la filière en fonction de ce seul aspect. Il ne dépend que de nous de défendre la qualité et la diversité du cinéma français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Lagauche, rapporteur. À travers cette proposition de loi, je défends la qualité et l’avenir du cinéma français : vos arguments me paraissent donc malvenus.
L’objectif des auteurs de cet amendement sera satisfait par le dispositif d’aide publique mis en place par le CNC, parfois en complément de certaines aides des collectivités locales, ainsi que je l’ai exposé dans mon intervention au cours de la discussion générale.
En effet, les petits exploitants ne pourront raisonnablement pas percevoir des recettes suffisamment élevées au titre de la contribution numérique versée par les distributeurs pour financer l’équipement de projection numérique de leur salle, et il serait inéquitable de demander aux distributeurs de financer cet équipement pour des montants supérieurs aux économies qu’ils réaliseront grâce au passage des copies de films photochimiques aux copies numériques.
Par ailleurs, on voit mal, concrètement, comment ce dispositif pourrait fonctionner.
En outre, nous insistons sur le fait que les exploitants, les plus petits d’entre eux en particulier, pourront mutualiser le financement de leur équipement, comme le texte les y autorise.
Aussi, ma chère collègue, je vous saurais gré de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice, je partage évidemment votre souhait que toutes les salles des établissements de spectacles cinématographiques puissent bénéficier du mécanisme de financement. Mais j’attire votre attention sur le fait que, dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 4 de l’article 1er de la proposition de loi prévoit que toutes les salles de spectacle existantes au jour de la promulgation de la loi auront accès à ce mode de financement.
Votre amendement paraissant donc quelque peu superfétatoire, je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Monsieur le rapporteur, il ne faut pas vous sentir visé à titre personnel par ce débat, qui est tout à fait normal.
M. Serge Lagauche, rapporteur. C’est la vie ! (Sourires.)
M. Ivan Renar. La contradiction, vous le savez bien, est le moteur du débat. Et puis, vous connaissez le côté « syndical » d’un groupe comme le nôtre… (Sourires.)
Je ne me vexe pas que M. le ministre, pour qui j’ai une grande estime par ailleurs, ait considéré que notre amendement était superfétatoire. Il faut relativiser, sinon la vie ne sera plus possible.
M. Robert del Picchia. La vie, ce n’est pas du cinéma !
M. Ivan Renar. Moi, je suis un enfant de Marx et de Coca-Cola. (Sourires.)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Dans quelle proportion ? (Nouveaux sourires.)
M. Robert del Picchia. Coca-Cola Zéro ? (Mêmes mouvements.)
M. Ivan Renar. Mon enfance et ma jeunesse ont été bercées par les éclats de rire, parfois aussi par les pleurs, de centaines de spectateurs réunis dans une même salle de cinéma. Il s’agissait, je le mesure aujourd’hui, de l’expression d’une forme de civilisation. Je souhaite que l’on retrouve cet élan des débuts.
Nous avons à cœur, comme le suggérait tout à l’heure Jack Ralite en évoquant les acteurs spectateurs, de pouvoir retrouver ces moments, non par un retour au passé – nous ne regrettons pas les progrès de la technologie –, mais en veillant à ce que l’argent n’impose pas sa logique. Comme se plaît à le rappeler Jack Ralite, ne confondons pas les affaires de l’esprit et l’esprit des affaires. Il semble pourtant que telle soit la contradiction du moment.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Ralite, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5, deuxième et troisième phrases
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Cet amendement, tout comme le précédent, vise à défendre et à assurer la « survie » des salles de petite taille, qui garantissent la diversité culturelle française. Il est véritablement question de survie quand on prend conscience de la différence de pouvoir économique et de traitement qui existe entre les « grands » du marché et les cinémas indépendants.
Nous devons aujourd’hui faire face à une technologie conçue sur un modèle plus industriel que culturel, dimensionnée pour la grande exploitation. C’est pourquoi nous défendons cet amendement visant à encadrer le dispositif de contribution numérique au-delà de ce qui est prévu par ce modèle. Cela permettra de mieux l’adapter au fossé existant entre les différents types de salles, fossé que, à défaut de pouvoir combler, nous souhaitons du moins atténuer.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui vise, nous l’avons vu, à transférer une partie des économies réalisées par les distributeurs de films aux exploitants de salles par le biais du versement d’une « contribution numérique », dite VPF. Mais ce financement partiel de l’équipement numérique des salles de cinéma s’effectue pendant les deux premières semaines qui précèdent la sortie d’un film.
Nous prenons le risque de voir apparaître une scission entre deux genres de salles de cinéma : d’un côté, les salles à fort potentiel commercial – soit les salles « de marché » – ayant accès aux films en exclusivité dès les premières semaines, pouvant financer leur équipement de projection numérique grâce aux contributions des distributeurs alors qu’elles en ont le moins besoin ; d’un autre côté, les salles dites « hors marché », ayant des difficultés d’accès aux films en sortie nationale, mais rencontrant aussi les plus grandes difficultés pour financer leur équipement numérique de projection.
Selon le CNC, ce risque tend à s’amoindrir à compter de la troisième semaine d’exploitation. En effet, les distributeurs ne peuvent plus alors restreindre considérablement leurs plans de sortie, les films souffrant d’un épuisement des campagnes de promotion.
C’est pourquoi nous proposons de porter la contribution numérique de deux à quatre semaines. Cet allongement permettrait à la plupart des salles de bénéficier du versement de la contribution.
Notre amendement n’a d’autre préoccupation que de nous permettre d’échapper à l’émergence d’un cinéma à deux vitesses, d’un cinéma purement commercial, et d’éviter l’uniformisation des œuvres produites.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Laborde et M. Collin, est ainsi libellé :
Alinea 5, deuxième et troisième phrases
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La proposition de loi vise à créer une contribution numérique versée par les distributeurs. Cette contribution viendra financer en partie l’équipement numérique des salles de cinéma. Il est prévu qu’elle soit due lors des deux premières semaines d’exploitation d’un film inédit pour chaque mise à disposition initiale dans une salle.
La limitation à deux semaines du versement de la contribution numérique n’est pas satisfaisante. Il est en effet à craindre que ce dispositif ne favorise les grandes salles ayant accès aux sorties cinématographiques dans les toutes premières semaines, au détriment des plus petites salles.
Les distributeurs chercheront en priorité à placer leurs films dans les cinémas les plus rentables afin d’amortir le paiement de la contribution.
De plus, les salles qui bénéficient actuellement de copies en deuxième semaine pourraient ne plus avoir accès aux films qu’à partir de la troisième semaine, qui ne sera plus source de contribution.
Par ailleurs, le CNC a constaté que c’est au-delà de la deuxième semaine d’exploitation que les films à plus forte potentialité de marché attirent le plus de spectateurs.
Il serait donc inacceptable que les distributeurs de ce type de films soient rapidement exonérés de leur obligation de financement de l’équipement des salles.
Afin que cette contribution numérique soit la plus équitable possible et qu’elle ne soit pas l’exclusivité des grandes salles, nous proposons d’étendre sa durée à trois semaines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Lagauche, rapporteur. La très grande majorité des professionnels est convaincue par la disposition consistant à asseoir la contribution numérique sur le pic de diffusion des films au-delà des deux premières semaines suivant la sortie nationale. La contribution numérique sera donc due sur le pic maximal du nombre de copies en circulation, et non exclusivement sur une période de référence.
Le fait de fonder le calcul sur la semaine au cours de laquelle le nombre maximum d’écrans est occupé par un film permet de rester au plus près de la logique économique actuelle de diffusion en 35 millimètres.
Cette période de deux semaines a été choisie, car elle correspond à la grande majorité des cas, c’est-à-dire à la durée générale des plans de sortie des films. Cette disposition permettra donc de préserver l’exposition des films en salle.
Par ailleurs, la logique du raisonnement se fonde aussi sur les économies réalisées par les distributeurs sur le coût des copies numériques.
Cette disposition a fait l’objet de nombreuses discussions et la solution équilibrée qui a été retenue satisfait les exploitants de salle et leurs représentants.
Je rappelle que le CNC aidera les salles dont les recettes au titre de la contribution numérique ne seraient pas suffisantes.
Pour toutes ces raisons, la commission souhaite le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. La période de deux semaines retenue dans la proposition de loi correspond au plan de sortie le plus large des films en salle.
Par ailleurs, je vous rappelle que si, au-delà de cette période, le plan de sortie était augmenté, la contribution resterait due.
En revanche, dans les cas d’exploitation en continuation, qui sont équivalents à des déplacements de copie sur support photochimique, le distributeur ne réalise aucune économie liée au format numérique du support. Il n’y a donc alors pas lieu de lui demander de verser une contribution.
En outre, l’extension de la durée obligatoire de la contribution de deux à quatre semaines risquerait de pénaliser en fait la circulation des films vers les plus petites salles au fil des semaines.
La formulation retenue dans la proposition de loi est équilibrée. Elle fixe une période, mais de façon souple et conforme à l’objectif recherché et aux usages de la profession en matière de plan de sortie d’un film.
Cet équilibre ne peut se comprendre que si l’on garde à l’esprit le fait que les pouvoirs publics soutiendront également le financement des « salles de continuation », essentiel à la diversité de l’offre en matière cinématographique.
Le Centre national du cinéma et de l’image animée a d’ailleurs commencé à mettre en œuvre les aides prévues à cet effet sur la base du décret du 1er septembre 2010.
Le Gouvernement souhaite donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, il y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Renar, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. Je le maintiens, monsieur le président, avec la même tranquillité que celle dont M. le rapporteur et M. le ministre ont fait preuve dans leur réponse. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Quel calme !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous sommes tous calmes !
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, en espérant que le Médiateur du cinéma jouera son rôle. Nous serons vigilants lors de la présentation du premier bilan de la loi.
M. le président. L’amendement no 6 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Ralite, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois cette contribution est maintenue en cas de remplacement nécessaire du matériel.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Nous avons assisté, ces dernières années, à un profond mouvement de modernisation des établissements de spectacles cinématographiques dont le passage à l’ère numérique représente aujourd’hui le dernier pendant.
Cette « évolution-révolution » ne se fait pas sans mal et rencontre un nombre important d’aléas, au nombre desquels figure le renouvellement de l’équipement numérique des salles de cinéma, objet du présent amendement.
Cette technologie suppose un rythme de renouvellement de matériel bien plus important que pour le format 35 millimètres, puisque l’équipement numérique possède une durée de vie limitée, actuellement évaluée à sept années.
La proposition de loi qui nous est soumise montre ses limites dans ce domaine, puisque les solutions de financement ne prennent en compte que le premier équipement numérique alors que, comme le souligne la Commission européenne, « l’investissement unique proposé ne constituera pas une solution durable ».
Dès lors, on peut s’interroger sur le danger auquel seront exposées les salles qui n’auront pas plus demain qu’elles ne les ont aujourd’hui les moyens de financer le renouvellement nécessaire de leur équipement, d’autant que certaines d’entre elles n’auront sans doute pas achevé leur première transition numérique !
Par ailleurs, au-delà de l’inévitable renouvellement de l’équipement, chaque salle de cinéma se lançant dans ce projet sera soumise aux aléas technologiques et aux autres évolutions que les avancées de la science permettront.
Dans ces conditions, nous pouvons soulever la question de la maintenance de l’équipement : s’équiper pour la diffusion numérique engage une salle pour de nombreuses années. À terme, c’est la profession même de projectionniste qui sera menacée. Le numérique amplifiera en effet l’externalisation de la maintenance des équipements tout en simplifiant leur mise en œuvre alors qu’avec le format 35 millimètres, les projectionnistes pouvaient, grâce à une formation adaptée, acquérir les compétences nécessaires à la maîtrise du matériel utilisé.
Ainsi, quelles qu’elles soient, les solutions qui seront retenues pour assurer la préservation de la diversité culturelle devront être durables et permettre le passage au numérique sur un plus long terme.
Cette problématique montre bien les insuffisances de cette proposition de loi qui, loin de construire un modèle pérenne adapté à l’évolution numérique et à ses caractéristiques de renouvellement constant, apporte une solution ponctuelle et imparfaite.
L’amendement no 4 est un amendement de repli qui permet au moins de pérenniser la contribution numérique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Lagauche, rapporteur. L’objectif que nous recherchons avec cette proposition de loi est d’assurer non pas le financement indéfini du renouvellement de l’équipement des salles, mais la transition vers la projection numérique pour l’ensemble des salles dans de bonnes conditions. Nous verrons au moment du renouvellement des équipements si des problèmes se posent.
En outre, je le rappelle, il existe d’ores et déjà un dispositif d’aide du CNC. Ce sont ainsi, en 2009, 5,24 millions d’euros ont été attribués à quarante et un projets au titre du Fonds d’aide à la modernisation des salles, et ce soutien devrait se poursuivre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Dès lors que l’équipement numérique des salles sera assuré, que l’équilibre sera ainsi trouvé entre ceux qui auront réalisé des économies et ceux qui auront dû procéder à des investissements conséquents, l’objectif poursuivi par la loi sera atteint. C’est donc bien un dispositif de transition et non un mode de financement pérenne qu’il convient d’instaurer.
Par ailleurs, c’est le rôle des garanties contractées par l’exploitant à l’achat du matériel, garanties très largement répandues, que de financer le remplacement des équipements.
Sous le bénéfice de ces précisions, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
M. le président. Madame Labarre, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Marie-Agnès Labarre. Nous considérons que la pérennité du financement des équipements n’est pas assurée. Nous maintenons donc l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Ralite, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce montant est compris entre 400 et 600 euros.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Si l’on décide de financer l’équipement des salles de cinéma par une contribution, il faut à tout le moins l’encadrer. Le présent amendement vise donc à préciser que cette contribution doit être contenue entre 400 et 600 euros.
Afin de limiter l’impact des rapports de force liés à la différence de poids économique des acteurs composant le paysage cinématographique, nous estimons que la précision d’un montant « inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d’une œuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d’une œuvre sous forme de fichier numérique » est bien trop vaste.
L’enjeu est en effet fondamental : le montant de la contribution numérique, dit VPF, ou virtual print fee, étant soumis à la loi du marché, donc dégagé de la seule loi qui vaille et qui régule, c’est-à-dire celle du législateur, il sera fonction des interlocuteurs en présence : les grandes salles de cinéma auront plus de pouvoir que les petites, et les grands groupes de distribution auront plus d’influence que les autres. Dès lors, les multiplexes auront un grand pouvoir face à de petits distributeurs pour imposer une contribution numérique importante, et ce alors même que ce sont les salles qui en ont le moins besoin. En revanche, certains distributeurs connaîtront quelques difficultés pour acquitter la VPF.
De même, les grands groupes de distribution auront toute capacité à imposer à de petites salles de cinémas une contribution numérique d’un montant très faible, voire insignifiant, alors qu’ils disposent de moyens financiers considérables et que les petites salles aux faibles moyens sont justement celles qui auraient le plus besoin d’une aide financière à la numérisation.
Le présent amendement vise donc, à défaut de les annihiler, à limiter l’effet de tels rapports de force sur le montant de la contribution afin que soient garantis un montant minimum de participation à l’équipement numérique des salles, quelle que soit la salle, et un montant maximum qui permette à tous les distributeurs de survivre. Ce dispositif permettra d’assurer la diversité de programmation et donc de production des salles de cinéma françaises.
Tel est le sens de l’amendement que nous vous demandons d’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Lagauche, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer le montant de la contribution numérique. Après avoir beaucoup réfléchi sur cette question, il nous est apparu qu’une telle disposition risquait d’induire des effets pervers et d’être contreproductive.
En effet, avec un tel dispositif, compte tenu des rapports de force en présence, on voit mal ce qui empêcherait les grands distributeurs de verser 400 euros aux petites salles, et les petits distributeurs de devoir verser 600 euros à des grands exploitants.
C’est pourquoi il nous a paru souhaitable d’opter pour l’autorégulation du marché, qui au demeurant fonctionne aujourd’hui assez bien. Le comité de concertation professionnelle élaborera des recommandations en s’appuyant sur les bonnes pratiques et le système fonctionnera sous le regard du Médiateur de cinéma, voire du juge.
Enfin, il a été prévu une clause de rendez-vous dans un an. Si le rapport d’évaluation de la loi faisait état de dérives, il conviendrait alors de procéder aux ajustements nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Renar, il est préférable de laisser les parties fixer librement le montant de la contribution numérique tout en encadrant les négociations, comme le prévoit la proposition de loi, plutôt que de fixer administrativement ce montant, lequel pourrait ne pas refléter l’économie réelle réalisée par les distributeurs.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Renar, l'amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. Oui, monsieur le président : même motif, même punition ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
M. Ivan Renar. Le groupe CRC-SPG s’abstient.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
L’article L. 213-19 du même code s’applique également aux contrats conclus avant la promulgation de la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
M. Ivan Renar. Le groupe CRC-SPG s’abstient.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’article L. 213-1 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° À l’application du 1° du I de l’article L. 213-16 et de l’article L. 213-17. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
M. Ivan Renar. Le groupe CRC-SPG s’abstient.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Après le 6° de l’article L. 421-1 du même code, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :
« 6° bis Des dispositions du I de l’article L. 213-16 relatives à l’obligation de versement de la contribution à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques et des dispositions de l’article L. 213-21 relatives à l’obligation de transmission de données ainsi que des décisions prises pour leur application ; ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
M. Ivan Renar. Le groupe CRC-SPG s’abstient.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
(Non modifié)
L’article L. 145-36 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le prix du bail des locaux construits ou aménagés en vue d’une utilisation comme établissement de spectacles cinématographiques au sens de l’article L. 212-2 du code du cinéma et de l’image animée est, par dérogation aux articles L. 145-33 et suivants du présent code, déterminé selon les seuls usages observés dans la branche d’activité considérée. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
M. Ivan Renar. Le groupe CRC-SPG s’abstient.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un comité de suivi est chargé d’évaluer son application et de s’assurer qu’elle répond aux exigences de diversité culturelle de l’offre cinématographique et d’aménagement culturel du territoire. Il demande un rapport sur la mise en œuvre de la présente loi au Centre national du cinéma et de l’image animée et propose, le cas échéant, les adaptations nécessaires.
Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, désignés par les commissions chargées des affaires culturelles auxquelles ils appartiennent.
Un décret fixe les modalités d’application du présent article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens tout d’abord à rendre à rendre hommage à M. Serge Lagauche, car c’est bien grâce à sa ténacité que cette proposition de loi a vu le jour et qu’elle arrive aujourd’hui au terme de son parcours législatif.
Le fait qu’une proposition analogue ait été présentée par Michel Herbillon à l’Assemblée nationale témoigne d’ailleurs du rôle que peuvent jouer les propositions de loi et les initiatives parlementaires dès lors que s’instaure un dialogue fructueux. Ce fut le cas, en l’occurrence, avec les instances du CNC.
Sans revenir sur les arguments qu’a fort bien développés Mme Françoise Cartron, je tiens à souligner que ce texte, en dépit de son caractère positif, j’insiste sur ce point, laisse quelques questions ouvertes. Il est essentiel qu’existent une mutualisation, une redistribution, et que les producteurs soient mis à contribution de façon que toutes les salles soient en mesure de s’équiper.
La France compte 2 700 cinémas et 5 400 salles. Pour un tiers d’entre elles, il n’y a pas de difficulté ; la présente loi contribuera à remédier aux problèmes qui subsistent dans un autre tiers : reste le dernier tiers. Il s’agit de petites salles, de salles d’art et d’essai, parfois isolées ou encore de salles situées en milieu rural. Ces salles sont portées à bout de bras par des associations ou par des communes. J’insiste sur cet aspect qui me tient particulièrement à cœur, car, en 1992, j’avais présenté au Parlement un projet de loi autorisant les communes à financer de manière dérogatoire l’investissement des salles de cinéma. Cette disposition nouvelle a permis à de nombreuses salles de subsister, en particulier dans les petites et moyennes communes. J’espère que tout sera mis en œuvre pour que, grâce à cette loi, nous trouvions une réponse aux questions que pose la survie de ces salles. Nous n’avons pas la garantie que cela sera possible.
Monsieur le ministre, comme l’a rappelé Mme Françoise Cartron, il faudra, dans les années qui viennent, procéder à un suivi extrêmement fin de l’application de la loi avec l’ensemble des professionnels concernés, il faudra veiller à ce que les cinémas d’art et d’essai, les petites salles, les cinémas en milieu en milieu rural, les salles associatives et les salles portées, avec un grand volontarisme, par les communes aient accès à l’équipement numérique. Si cela se révélait nécessaire, il conviendra de prendre des dispositions de nature à compléter la présente loi. Il nous revient en effet de favoriser l’accès de tous et de toutes au cinéma, donc le développement de la création cinématographique dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche, rapporteur. Permettez-moi de sortir quelques instants de mon rôle de rapporteur pour revenir, après M. Jean-Pierre Sueur, sur les conditions qui ont présidé à l’élaboration de cette proposition de loi, fruit d’une initiative de mon groupe.
Enfants de Jaurès et de Blum, nous avons considéré que la défense de la culture, du cinéma en particulier, devait être poursuivie. Sur la base de propositions émanant tant du CNC, du ministre que de nos collègues, sénateurs et députés confondus, nous avons pu mener à bien un travail constructif.
Et permettez-moi d’ajouter, mon cher Ivan Renar, que j’interprète votre abstention comme un geste de confiance à notre égard, et dont je vous remercie.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Je me réjouis du consensus dans lequel ces débats ont eu lieu. Je tiens à souligner, car ce n’est pas toujours le cas, le plaisir que nous avons éprouvé à travailler, lors de nombreuses réunions, avec M. Serge Lagauche, avec le CNC et avec nos collègues députés, avec lesquels nous avons coopéré pour parvenir à un texte unique.
La proposition de loi préserve quelques espaces de souplesse. Il nous appartiendra, dans les mois à venir, d’observer comment ils seront utilisés par les professionnels et la manière dont évolueront les relations entre les professions, les distributeurs et les exploitants notamment.
Ces espaces de souplesse sont bordés par des dispositifs réglementaires, en particulier par les aides aux petites salles mises en place par le CNC et les décrets sur les engagements. Il sera très important, dans un an, d’observer les évolutions, voire les dérives éventuelles, qui se seront produites, afin de redresser le tir si cela se révèle nécessaire.
Je me réjouis donc de l’adoption, dans quelques instants, de cette excellente proposition de loi, que les professionnels attendent avec une grande impatience.
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Je souhaite revenir sur le fond de mon intervention et rappeler, à ce stade de notre discussion, le sens de l’abstention de notre groupe.
Dans de trop nombreux domaines, économique, social ou éducatif, nous assistons, dans l’histoire présente de notre pays, à de grands retournements. Et je ne dis pas cela pour gagner de l’audience.
Le cinéma n’est pas « sous cloche », même si son histoire « à la française », l’a longtemps protégé. Aujourd’hui, il y a péril, car, avec le tiers investisseur, on permet une pénétration des intérêts financiers dans le monde cinématographique. Pour autant, les choses continuent d’aller bien pour ceux qui vont déjà bien. Lorsque l’on traite un sujet, on parle souvent des pauvres, de ce qui va mal, et non pas des riches. Cela vaut dans de nombreux domaines, et pas seulement pour le cinéma.
Vous l’aurez compris, notre abstention sur cette proposition de loi n’a pas valeur d’opposition ; c’est une abstention dynamique. (Sourires.)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Positive !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a été adoptée sans opposition.
M. Robert del Picchia. C’est bien !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Alors que s’achève ce débat, je tiens à me féliciter de la coopération qui s’est instaurée entre le Sénat et l’Assemblée nationale et du consensus qui a prévalu entre la majorité et l’opposition. Grâce au travail de MM. Serge Lagauche et Jean-Pierre Leleux, nous avons pu avancer très vite, malgré les aléas du calendrier parlementaire.
Ce travail permettra d’améliorer le bien-être des spectateurs, heureux de s’évader au cinéma dans des salles disposant des derniers équipements numériques, et de renforcer l’aménagement du territoire en favorisant les petites salles en milieu rural, au maintien desquelles nous sommes tous très attachés, particulièrement au Sénat.
Ce texte est très attendu par la grande majorité des professionnels du cinéma. Je suis heureux que nous puissions leur offrir aujourd’hui le cadre législatif indispensable à leur modernisation.
Je voudrais tenter de rassurer MM. Ralite et Sueur. Le comité de suivi, qui sera prochainement mis en place, et dans lequel la commission de la culture sera présente, se devra de suivre l’application de cette loi avec une grande vigilance. Si certaines salles particulièrement fragiles venaient à rencontrer des difficultés, nous devrons veiller à y remédier.
Enfin, monsieur le ministre, soyez assuré de l’intérêt avec lequel notre commission suivra les réformes en cours dans le secteur du cinéma. Plusieurs chantiers sont ouverts, du fait notamment de l’appel du Club des 13, lancé par Pascale Ferran. Des tensions sont apparues au cours de l’été entre certains professionnels et le CNC. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez nommé un Médiateur du cinéma afin que le débat puisse se poursuivre.
Certains d’entre nous sont les enfants de Jaurès et de Blum ; d’autres, ceux de Malraux…
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas incompatible ! (Sourires.)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Certes, monsieur Sueur ! Nous sommes tout simplement des hommes et des femmes qui aimons le cinéma. Le cinéma est constitutif de notre culture et, aujourd’hui, la cause du cinéma doit plus que jamais nous rassembler. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Robert del Picchia. Nous allons bientôt pouvoir aller cinéma ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier du fond du cœur le président de la commission, M. Jacques Legendre, le rapporteur, M. Serge Lagauche, ainsi que tous ceux qui sont intervenus dans ce débat, contribuant ainsi à l’enrichir.
Nous donnons aujourd’hui un signal très fort au monde du cinéma. Si nous sommes les enfants de Léon Blum, de Jean Jaurès ou d’André Malraux, nous sommes aussi les enfants de Greta Garbo et de Marcel Carné, si tant est qu’ils se soient rencontrés ! (Sourires.)
Je me suis senti très impliqué dans ce débat, car j’ai consacré quinze années de ma vie – M. Jack Ralite le sait très bien – à faire vivre et à animer de petites salles de cinéma d’art et d’essai.
J’ai même été projectionniste pendant des périodes difficiles, vivant dans la hantise de voir s’éteindre les projecteurs, encore équipés d’électrodes à charbon. Ces dernières se consumant pour produire la lumière, elles étaient donc constamment déréglées.
J’ai également été projectionniste dans mes salles de cinéma, équipées de grands projecteurs monoblocs fonctionnant avec une seule bobine de très grande taille sur laquelle était enroulée la pellicule. Il arrivait bien entendu que ces bobines se déroulent brutalement. Je puis vous assurer que, lorsqu’une pellicule contenant un film de deux heures commence à se déplacer comme un serpent, à se contorsionner dans la cabine de projection, à se faufiler dans les couloirs et dans la salle de spectacle, le projectionniste vit un moment de panique valant bien les péripéties du Marx, cher à Ivan Renar, qui tient à la fois de Karl et de Groucho ! (Rires.)
L’équipement numérique des salles constitue donc un progrès incontestable. Nostalgique d’un moment important de ma jeunesse – quinze ans, c’est long ! –, je serai très attentif au suivi de l’application de la loi. Il faudra veiller à ce qu’elle permette en effet un bon équipement des petites salles, notamment de celles qui se consacrent au cinéma d’art et d’essai qui, je le sais, ne sont pas précisément des salles de première exclusivité.
Monsieur Legendre, j’ai reçu hier les représentants de la profession cinématographique. Je les ai informés de la nomination d’un Médiateur du cinéma, dont la mission sera notamment de trouver une réponse définitive aux questions soulevées par le Club des 13 et par le rapport Bonnell. Nous avons déjà bien avancé et nous devrions parvenir à un véritable consensus dans un mois, délai limite que j’ai fixé à chacun des représentants. En tout état de cause, il reste toujours le recours à la voie réglementaire.
Nous avons déjà abouti au maintien de la TVA à 5,5 % pour Canal Plus. Ce succès permet de sauver le financement du cinéma français et les représentants du secteur cinématographique savent le rôle considérable du ministère dans cette décision, ce qui facilite ma mission d’arbitrage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
5
Dépôt d'un rapport
M. le président. M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a transmis au Sénat, en application de l’article L. 221-9 du code monétaire et financier, le rapport annuel 2009 de l’Observatoire de l’épargne réglementée.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances et il est disponible au bureau de la distribution.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 27 septembre 2010, à quatorze heures trente et le soir :
1. Débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités locales.
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (n° 556, 2009-2010).
Rapport de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 643, 2009 2010).
Texte de la commission (n° 644, 2009-2010).
Avis de M. Philippe Marini, fait au nom de commission des finances (n° 617, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à midi.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART