compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Anne-Marie Payet,
M. Daniel Raoul.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le procès-verbal de la séance du jeudi 16 septembre 2010 a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Demande d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution
Mme la présidente. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, a demandé, le 20 septembre 2010, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 612 (2009-2010), présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative au développement du fret ferroviaire, qu’elle a déposée le 6 juillet 2010.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de notre prochaine conférence des présidents, qui se tiendra le mercredi 29 septembre 2010.
3
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant transposition de diverses directives du Parlement européen et du Conseil en matière civile et commerciale, déposé sur le Bureau de notre assemblée le 22 septembre 2010.
4
Candidatures à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national du travail social, créé en application de l’article 2 de l’arrêté du 7 juillet 2010.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose les candidatures de M. Jean-Louis Lorrain et de Mme Annie Jarraud-Vergnolle pour siéger respectivement en qualité de membre titulaire et de membre suppléant au sein de cet organisme extraparlementaire.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Dépôt de rapports du Gouvernement
Mme la présidente. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur la protection et le contrôle des matières nucléaires pour l’année 2009, les rapports sur la mise en application de plusieurs lois et le rapport annuel sur l’emploi de la langue française établi en application de l’article 22 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 sur l’emploi de la langue française.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Le premier a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, les deux suivants à la commission des finances et le dernier à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
6
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, les 20, 21, 22 et 24 septembre 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel les décisions de renvoi de sept questions prioritaires de constitutionnalité et le Conseil d’État les décisions de renvoi de trois questions prioritaires de constitutionnalité.
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
7
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date des 16, 17 et 22 septembre 2010, sept décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité.
Acte est donné de ces communications.
8
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
9
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 29.
Le Gouvernement et sa majorité multiplient les débats sur les mécanismes de péréquation, sans doute pour tenter – c’est du moins l’opinion du groupe socialiste – de pallier l’abandon de la clause de rendez-vous…
M. Charles Guené. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Bricq. … qui avait été explicitement prévue dans la loi de finances pour 2010, avec une date limite fixée au 31 juillet dernier.
Nous nous sommes déjà livrés à un exercice de ce genre le 28 juin dernier sur l’initiative de deux groupes de la majorité, l’UMP et l’Union centriste. Aujourd'hui, c’est sur une déclaration du Gouvernement, non sanctionnée par un vote, que nous débattons. Dans les deux cas, il ne s’agit que de discussions stériles. En tout cas, nous avons la preuve, avant l’examen de la loi de finances, qui débutera au Sénat le 18 novembre, que les parlementaires, et particulièrement ceux qui ont voté la loi de finances pour 2010, ont été trompés au moins sur quatre points.
Madame la présidente, je sais que mon temps de parole est limité mais je tiens à exposer brièvement ces quatre points.
Premièrement, le coût de la réforme pour l’État a été très largement sous-évalué dans la loi de finances initiale : il s’élèvera à 5,3 milliards d’euros au lieu des 4,3 milliards d’euros prévus. Alors que le Gouvernement s’apprête à faire des coupes sévères dans son budget au détriment des ménages, c’est un milliard d’euros supplémentaires qui sont offerts aux entreprises. Je rappelle que le Président de la République a demandé, la semaine dernière, au Gouvernement de respecter dans le projet de loi de finances qui sera examiné lors de la session d’automne un équilibre entre les ménages et les entreprises.
Deuxièmement, les collectivités territoriales devront assumer une réduction plus importante que prévue de leur autonomie financière, puisque la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle attribuée par l’État est finalement réévaluée à 2,5 milliards d’euros, contre 1,7 milliard d’euros initialement.
Troisièmement, nous avons tous constaté cet été que le transfert de la part départementale de la taxe d’habitation pourrait affecter, à leur désavantage, des millions de ménages. Pour y remédier, le Parlement sera obligé d’adopter dans la loi de finances un article repoussant la date des délibérations des communes, lesquelles devraient pourtant avoir lieu au plus tard avant le 1er novembre, soit avant l’adoption de ladite loi ! Les collectivités locales qui n’augmenteraient pas leur taxe d’habitation seront contraintes d’assumer de nouvelles pertes de recettes non compensées.
Quatrièmement, enfin, la péréquation est toujours absente dans la réalité. Les rapports qui se sont succédé depuis la loi de finances ont confirmé notre pressentiment.
M. Jacques Blanc. Ce n’est plus un rappel au règlement, c’est déjà le débat !
Mme Nicole Bricq. Aujourd'hui, nous n’attendons rien de ce débat dans la mesure où le Gouvernement et sa majorité confondent sciemment péréquation et compensation. Le vrai débat aura lieu au Sénat à partir du 18 novembre. Soyez assurés, mes chers collègues, que nous serons présents pour exiger que toutes les mesures de compensation soient inscrites dans la loi de finances car, pour l’instant, les collectivités locales sont restées sur le carreau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, madame Bricq.
10
Débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités locales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités territoriales.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à la veille du dépôt du projet de loi de finances pour 2011, vous avez souhaité débattre de nouveau des conséquences de l’une des plus importantes réformes qui aient été conduites par le Gouvernement et par votre majorité. Je veux bien sûr parler de la suppression de la taxe professionnelle et de la réforme de la fiscalité locale que vous avez adoptée l’an dernier au terme de discussions intenses et approfondies.
Ce débat, dont j’espère qu’il ne sera ni futile ni stérile, est l’un des nombreux rendez-vous fixés, sur l’initiative de votre assemblée, pour faire le bilan de cette réforme, en mesurer les conséquences et y apporter les compléments et les ajustements nécessaires.
Cette démarche, relativement inédite, est excellente : elle mériterait d’être appliquée de manière plus systématique pour vérifier les effets des dispositifs législatifs que vous adoptez, pour en mesurer l’efficacité et pour déterminer s’il est nécessaire de procéder à des réajustements ou à des améliorations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais très rapidement revenir sur le chemin parcouru, la méthode retenue et les diligences entreprises par les uns et par les autres, avant d’examiner si les deux grands objectifs du texte ont été remplis. Ensuite, je tracerai les grandes lignes des améliorations que nous proposons d’ores et déjà dans le projet de loi de finances pour 2011, auxquelles, je l’espère, vos interventions feront écho.
La réforme de la taxe professionnelle compte parmi les plus importantes réformes, en matière de fiscalité, qui aient été adoptées ces dernières années. Voulue par le Président de la République, qui s’était engagé à la mener le 5 février 2009, elle constitue une étape essentielle de notre politique de relance de l’investissement, en particulier au service du secteur industriel, qui, je le rappelle, a perdu nombre d’emplois au cours de la dernière décennie. Nous souhaitions que ce secteur ne soit pas accablé par une fiscalité curieuse, que l’on ne retrouve en l’état dans aucune autre législation, et c’est le travail auquel vous vous êtes attelé.
Cette réforme était un signal fort envoyé en direction des investisseurs. Je souligne au passage que l’investissement des entreprises a crû de 1,1 % lors du deuxième trimestre de 2010, en augmentation pour la première fois depuis le début de la crise. Ce résultat est un signe extrêmement important, d’une part, de la confiance des entreprises dans notre économie et, d’autre part, de la reconnaissance des efforts que nous avons entrepris pour favoriser leur investissement et pour éviter de leur faire supporter une fiscalité trop lourde. Tel était notre premier objectif.
Le deuxième objectif était de prévoir un financement des collectivités territoriales qui soit plus logique et respectueux des principes constitutionnels et des engagements auxquels chacun est tenu.
Souvenez-vous, nous avions trouvé, au terme d’intenses débats, un accord sur un schéma profondément novateur qui présente trois traits essentiels.
Tout d’abord, il concentre sur le secteur communal l’essentiel du produit des impôts fonciers locaux, et notamment l’intégralité de la taxe d’habitation – j’y reviendrai tout à l’heure en matière d’abattements – rendant ainsi le système fiscal local plus lisible pour nos concitoyens.
Ensuite, il organise un équilibre entre, d’une part, la préservation du lien fiscal entre territoires et entreprises et, d’autre part, la mise en place de mécanismes de péréquation qui contribueront à mieux accorder les ressources et les charges de chaque collectivité.
Enfin, il garantit qu’il n’y aura aucun perdant parmi les collectivités territoriales, ni en 2010, année de transition, ni en 2011, lors de la mise en place effective de la réforme.
Avons-nous réussi ? Nous avons mis en place des moyens pour vérifier que nous atteignions nos objectifs. Certains d’entre vous sont d'ailleurs intervenus, à cet égard, dans le cadre d’une mission.
J’ai chargé une mission conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’administration d’évaluer les effets du texte. Ses travaux m’ont été remis. Le Gouvernement en a adopté les grandes lignes dans son rapport d’évaluation, qui a été soumis à votre examen à l’occasion d’une audition, le 22 juin dernier, devant la commission des finances. Nous avons pu ainsi, avec mon collègue Alain Marleix, vous exposer en détail les conclusions de ce rapport.
Nous avions également demandé à six parlementaires, dont les sénateurs François-Noël Buffet, Alain Chatillon et Charles Guené, de mener leurs propres investigations en s’appuyant sur les éléments d’analyses statistiques fournis sous l’autorité de Bruno Durieux. Ce rapport a été transmis au Parlement le 5 juillet.
J’ai veillé par ailleurs à mettre à la disposition de tous les acteurs de la réforme des mécanismes de simulation. Ceux-ci continueront à être mis à jour, à la lumière des nouveaux chiffres dont nous disposons au fur et à mesure des déclarations des entreprises et du raffermissement de notre économie. Un simulateur révisé régulièrement est donc destiné aux collectivités territoriales. Un simulateur a également été développé pour les entreprises, afin de leur permettre de calculer très rapidement leur contribution économique territoriale en lieu et place de la taxe professionnelle.
Tous les décrets d’application et toutes les instructions nécessaires à la mise en œuvre de la réforme ont été publiés ou mis en ligne sur le site internet du ministère au cours du premier semestre de 2010.
Enfin, tous les services de l’État sur le terrain se sont mobilisés pour assurer le succès de la réforme. Avec le ministre du budget, nous avons réuni dès le mois de janvier les experts-comptables et les responsables locaux de la direction générale des finances publiques, la DGFIP, pour s’assurer d’une pleine mobilisation des services sur tout le territoire.
À la lumière des éléments d’analyse et de conclusion qui ont été développés tout à la fois par les inspections générales, le Gouvernement et la mission parlementaire, peut-on considérer que nous avons atteint les objectifs que nous nous étions fixés ?
L’objectif principal, à savoir encourager l’investissement, soutenir en particulier le secteur industriel et avantager, dans la mesure du possible, les petites et moyennes entreprises, est atteint. Les chiffres que nous présenterons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 le confirment.
En régime de croisière, l’allégement de charges fiscales pour les entreprises devrait atteindre 4,7 milliards d'euros par an, ce qui est conforme aux prévisions ; quant à la « bosse de taxe professionnelle » que nous avions anticipée, elle s’est finalement étalée sur 2009-2010 et sera donc moins importante que prévu en 2010, ce qui est une bonne nouvelle pour la trajectoire de redressement de nos comptes publics.
En moyenne, pour les entreprises, le coût des investissements en biens d’équipements mobiliers est réduit de 20 %. Si l’on considère plus spécifiquement les petites et moyennes entreprises, notamment dans le secteur industriel, l’allégement de charges induit par la suppression de la taxe professionnelle est plutôt de l’ordre de 40 % à 60 %.
Mme Nicole Bricq. On vérifiera !
Mme Christine Lagarde, ministre. Quelques ajustements seront néanmoins nécessaires, en particulier concernant l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, et feront l’objet de modifications dans le projet de loi de finances pour 2011.
En premier lieu, l’assiette de l’IFER que nous avions retenue pour les entreprises dans le secteur téléphonique s’est révélée trop étroite et aurait eu des répercussions mécaniques sur l’ensemble des utilisateurs « alternatifs », compte tenu de la réglementation de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Dans ces conditions, il nous paraît préférable de définir une assiette plus large, qui ne modifie en aucune manière le montant de l’IFER sur les entreprises de télécommunication, en particulier sur France Télécom, afin d’éviter toute répercussion immédiate sur les utilisateurs.
En second lieu, les travaux conduits depuis le mois de janvier mettent en évidence plusieurs faiblesses concernant l’IFER sur les éoliennes : le retour fiscal est trop faible pour les communes d’implantation, le niveau global de taxation des opérateurs est insuffisant et les règles de répartition du produit entre communes, EPCI et départements sont trop complexes.
Ces imperfections pourront être corrigées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011. Le Gouvernement vous proposera ainsi de porter le tarif de 2 913 euros par mégawatt à 5 000 euros par mégawatt. Il s’agit en quelque sorte d’un jugement de Salomon, puisque l’inspection générale des finances avait suggéré 4 000 euros par mégawatt, tandis que les parlementaires préconisaient 6 000 euros par mégawatt dans leur rapport.
Le Gouvernement vous proposera également de clarifier les règles de répartition du produit de l’IFER entre les communes, les EPCI et les départements, de sorte que l’essentiel du montant bénéficie au bloc communal.
Je rappelle en outre que, pour les éoliennes déjà raccordées au réseau avant le 1er janvier 2010, le retour financier vers les collectivités est maintenu au niveau assuré précédemment par la taxe professionnelle, grâce au mécanisme de garantie de ressources.
Pour les collectivités territoriales, les travaux conduits depuis le mois de janvier permettent de dresser un premier bilan positif.
Premièrement, les nouvelles bases d’imposition de fiscalité locale sont plus dynamiques que ne l’étaient celles de la taxe professionnelle. En moyenne, le taux de croissance des nouvelles bases de fiscalité locale, c'est-à-dire à la fois la CFE, la cotisation foncière des entreprises, et la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, puisqu’elles ont été ainsi baptisées dans cette maison, est plus élevé de 0,3 point par rapport à celui des bases de la taxe professionnelle, toutes choses égales par ailleurs.
M. François Marc. Ah !
Mme Nicole Bricq. C’est faux : les chiffres le démentent !
Mme Christine Lagarde, ministre. Deuxièmement, la réforme augmente l’autonomie financière des collectivités. Le Conseil constitutionnel a estimé que la réforme votée ne remettait pas en cause le principe d’autonomie financière des collectivités. Par ailleurs, les simulations effectuées démontrent que, dans la durée et du fait de la dynamique des nouvelles bases, la part des ressources fiscales devrait augmenter.
Troisièmement, aucune collectivité ne sera perdante grâce aux mécanismes de garanties de ressources. Il n’y a pas des gagnants d’un côté et des perdants de l’autre, il y aura des « plus » gagnants et des « un peu moins » gagnants, les mécanismes de garantie des ressources mis en place permettant aux collectivités d’avoir la certitude que leurs ressources seront au moins égales à celles de 2010.
Toutefois, des ajustements sont nécessaires. Je voudrais insister sur deux d’entre eux, qui figureront dans le prochain projet de loi de finances.
Tout d’abord, il paraît souhaitable d’adapter les règles de répartition de la valeur ajoutée qui permettent de calculer le montant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu par chaque collectivité. L’objectif est de faire en sorte que la « territorialisation » de la CVAE, voulue par le Parlement, produise des effets plus conformes aux réalités économiques et ne défavorise pas les collectivités dont le tissu économique est principalement constitué d’industries. Il s’agissait en effet de favoriser les investissements, notamment dans le secteur industriel.
Au lieu d’une répartition effectuée exclusivement en fonction du critère de l’effectif employé, le projet de loi de finances pour 2011 visera à répartir la valeur ajoutée à parité au prorata de l’effectif et d’un indicateur de surface, ce qui paraît de nature à permettre une meilleure répartition au bénéfice des collectivités qui abritent des secteurs industriels.
Ensuite, comme je m’y étais engagée, je proposerai un report exceptionnel pour l’année 2010 de la date limite des délibérations relatives aux abattements de taxe d’habitation, qui sera décalée du 1er octobre au 1er novembre, afin de laisser un délai supplémentaire aux communes et aux intercommunalités pour adapter leur politique d’abattements.
Je sais que ce sujet est important pour les élus locaux et je voudrais souligner que, à ma demande et à celle du ministre du budget, toutes les administrations se sont mobilisées pour travailler avec les associations d’élus.
La DGFIP, dont je tiens à mentionner la mobilisation sans faille à cet égard, a mené de concert avec l’Association des maires de France des actions d’information des collectivités locales, notamment sur le sujet des abattements de taxe d’habitation. Je vous invite d'ailleurs à consulter les excellentes fiches réalisées par l’AMF, consultables sur son site internet, avec des modèles de délibérations.
La DGFIP a également mis en ligne tous les documents utiles sur le site www.colloc.bercy.gouv.fr, commun à nos deux ministères, et sur lequel figurent la synthèse des dispositifs créés, modifiés ou supprimés en 2010, ainsi que le catalogue des délibérations de fiscalité directe locale de 2010, avec des fiches explicatives et des modèles de délibérations, afin que les communes puissent calquer les types d’abattement qui avaient été prévus par les départements et éviter les charges supplémentaires à l’encontre d’un certain nombre d’habitants.
J’en viens à la péréquation, sujet auquel votre Haute Assemblée attache à juste titre une attention particulière.
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
Mme Christine Lagarde, ministre. Cette question se présente différemment selon le niveau de collectivité territoriale : départements et régions, d’une part, communes, d’autre part. Sur les départements et les régions, nous avons réalisé des avancées qui répondent, me semble-t-il, aux préoccupations. Sur les communes, il reste du chemin à parcourir.
La loi de finances pour 2010 a prévu la création de fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les départements et les régions alimentés, d’une part, par la dynamique, d’une année sur l’autre, du produit de la CVAE à compter de 2012 et, d’autre part, d’une quote-part de 25 % du produit de la CVAE de chaque département et de chaque région dès 2011.
Il a en outre été prévu un fonds de péréquation de la croissance des droits d’enregistrement départementaux – les droits de mutation à titre onéreux ou DMTO – par rapport à l’année précédente.
Le Parlement a ainsi, dans le cadre de la suppression de la taxe professionnelle, adopté des dispositifs complexes ; les rapports du Gouvernement et des six parlementaires en mission ont souligné l’importance d’un ajustement du dispositif législatif.
Afin de tirer les conséquences de ces travaux, le projet de loi de finances pour 2011 prévoira deux évolutions.
Il s’agit, premièrement, de la fusion des mécanismes de péréquation de la CVAE pour les départements et les régions au profit d’un prélèvement unique dit « sur flux cumulés », égal à la moitié de la croissance de la CVAE depuis 2011 pour les collectivités dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne. Pour ces collectivités, un prélèvement sera effectué sur la moitié de la croissance de la CVAE.
Les reversements de ces deux fonds – fonds régional, fonds départemental –, alimentés selon la base de calcul que je viens d’indiquer, s’effectueraient en fonction de critères de ressources et de charges propres à chaque type de collectivité. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Nous reviendrons sur ces dispositions et j’aurai également le temps de répondre à vos questions à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il n’en reste pas moins que ce débat, souhaité par votre Haute Assemblée, est plus que bienvenu.
Pour les régions, la répartition des ressources du fonds s’effectuerait entre celles dont le potentiel fiscal est inférieur au potentiel fiscal moyen sur la base, pour 50 % des ressources, de la population de chaque région, des effectifs des élèves scolarisés et des stagiaires de la formation professionnelle ainsi que de la superficie du territoire et, pour les 50 % restants, en fonction de l’écart entre le potentiel fiscal par habitant et le potentiel fiscal moyen par habitant de l’ensemble des régions.
M. Gérard Longuet. On cherche à équilibrer les richesses !
Mme Christine Lagarde, ministre. Exactement !
Pour les départements, la répartition du fonds s’effectuerait entre les départements dont le potentiel fiscal est inférieur au potentiel fiscal moyen, sur la base, pour 50 % des ressources, de la population de chaque département, des effectifs de titulaires de minima sociaux et de la population âgée de plus de soixante-quinze ans de chaque département, de la longueur de la voirie départementale rapportée au nombre d’habitants de chaque département – vous reconnaissez là des missions du département – et, pour les 50 % restants, en fonction de l’écart entre le potentiel fiscal par habitant et le potentiel fiscal moyen par habitant de l’ensemble des départements. Nous cherchons donc, là aussi, comme vient de le dire Gérard Longuet, à équilibrer les richesses.
L’objectif est de simplifier le dispositif adopté à la fin de 2009 – en utilisant les critères les plus objectifs et les mieux quantifiables – afin d’améliorer la péréquation au sein des régions comme au sein des départements.
Le nouveau dispositif sera opérationnel au début de l’année 2013,…
Mme Nicole Bricq. Après 2012 !
Mme Christine Lagarde, ministre. … sur la base de la comparaison entre la CVAE de 2012 et celle de 2011.
Le projet de loi de finances pour 2011 proposera également une modification du dispositif de péréquation des droits de mutation à titre onéreux – c’est le deuxième fonds de péréquation mis en place par la loi de finances pour 2009 – afin de lisser l’effet de la reprise du marché immobilier en 2010 et d’éviter que certains départements ne se voient subir soudainement des prélèvements très importants. Ce mécanisme permettra de se prémunir contre de trop grandes variations, dans un sens ou dans l’autre d’ailleurs.
Les dispositifs que j’ai décrits sont certes un peu compliqués – je le reconnais –, mais nous sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Sachez en tout cas que les services techniques ont beaucoup consulté, beaucoup écouté et beaucoup travaillé. Je pense donc que les propositions que nous vous soumettons ont un sens.
La question de la péréquation communale, en revanche, est plus délicate.
La péréquation « horizontale » entre les communes repose aujourd’hui sur deux mécanismes.
En Île-de-France, le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF,…