compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
M. Jean-Pierre Godefroy.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Nouvelle organisation du marché de l'électricité
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (projet n° 556, texte de la commission n° 644, rapports nos 643 et 617).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 8.
Article 8
I. – L’article 28 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Le collège est composé de cinq membres nommés en raison de leurs qualifications dans les domaines juridique, économique et technique. Le président et deux membres sont nommés par décret. Deux membres sont nommés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat.
« Les membres du collège sont nommés pour six ans. Leur mandat n’est pas renouvelable.
« En cas de vacance d’un siège de membre du collège, il est procédé à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Un mandat exercé pendant moins de deux ans n’est pas pris en compte pour l’application de la règle de non-renouvellement. » ;
2° À la première phrase du IV, le mot « cinq » est remplacé par le mot « trois » ;
3° Le V est ainsi rédigé :
« V. – Le président et les autres membres du collège exercent leur fonction à plein temps. Ces fonctions sont incompatibles avec tout mandat électif communal, départemental, régional, national ou européen, et avec la détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur de l’énergie. Chaque membre du collège fait une déclaration d’intérêts au moment de sa désignation.
« Les fonctions de membre du collège sont incompatibles avec celles de membre du comité.
« Les membres du collège ou du comité ne peuvent être nommés au-delà de l’âge de soixante-dix ans.
« Le président du collège reçoit un traitement égal à celui afférent à la première des deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle. Les autres membres du collège reçoivent un traitement égal à celui afférent à la seconde de ces deux catégories. Lorsqu’ils sont occupés par des fonctionnaires, les emplois de président et de membre du collège sont des emplois conduisant à pension au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite. » ;
II. – Le mandat des membres du collège de la Commission de régulation de l’énergie en exercice à la date de promulgation de la présente loi s’achève deux mois après cette date.
Le mandat des premiers membres du collège nommés après la date de promulgation de la présente loi entre en vigueur deux mois après cette date pour une durée de six ans en ce qui concerne le président, de quatre ans en ce qui concerne les membres nommés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et de deux ans en ce qui concerne les deux autres membres.
Par dérogation au deuxième alinéa du II de l’article 28 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, le président et les membres en fonction lors de l’entrée en vigueur de la présente loi peuvent faire partie des premiers membres du collège nommés après la date de promulgation de la présente loi.
III. – Le premier alinéa de l’article 32 de la même loi est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La Commission de régulation de l’énergie peut consulter le Conseil supérieur de l’énergie préalablement aux décisions importantes dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 203, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, par cet amendement, nous souhaitons une nouvelle fois nous opposer à la vision de la politique énergétique portée par le Gouvernement et sa majorité.
En effet, à la lecture du rapport, nous apprenons que le présent article vise à adapter « la composition du collège de la CRE à ses nouvelles compétences, en la dotant d’un collège resserré et professionnalisé ».
Malgré toute l’estime que je porte aux compétences de notre collègue Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission de l’économie sur ce projet de loi, je dirai que cette formule me semble assez réductrice quant à la visée de l’article.
En effet, la rédaction de l’article 8 a pour unique objet de resserrer la composition de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, autour du pouvoir exécutif et de rejeter toute représentation du corps social, que ce soit en supprimant le membre nommé par le président du Conseil économique et social ou encore en faisant disparaître les représentants des consommateurs d’électricité et de gaz naturel.
En effet, il s’agit de passer d’une composition de neuf membres – deux membres, dont le président de la CRE, nommés par décret, deux membres nommés par le président de l’Assemblée nationale, deux membres nommés par le président du Sénat, un membre nommé par le président du Conseil économique et social, ainsi que deux « représentants des consommateurs d’électricité et de gaz naturel » nommés par décret – à une composition de cinq membres.
Sur les cinq membres, trois personnes seraient nommées par décret, ce qui ne nous paraît pas aller dans le sens du renforcement du poids de la représentation parlementaire promis lors de la réforme constitutionnelle.
M. le rapporteur nous explique que, à l’échelle de l’Union européenne, l’exécutif nomme la totalité des membres de son instance de régulation. Mais cet argument ne nous semble pas suffisant pour renforcer le poids de l’exécutif dans la nomination de l’autorité de régulation de la France.
Nous reconnaissons pourtant que la commission de l’économie du Sénat a amélioré sur quelques points la rédaction du texte transmis par l’Assemblée nationale en ramenant la composition du collège de la CRE à cinq membres, mais également en confirmant très fortement l’exigence de qualification de ses membres. Il s’agit là, à notre avis, d’un minimum.
Cependant, nous regrettons que la commission de l’économie ait choisi de transformer l’obligation faite à la CRE de consulter le Conseil supérieur de l’énergie avant toute décision importante en simple possibilité. L’argument consistant à avancer que la CRE a déjà cette faculté devrait, à l’inverse, nous conduire à l’écrire dans la loi.
Nous proposons donc la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je ferai un bref rappel. Le Gouvernement a proposé de resserrer la composition de la CRE et de la rendre plus professionnelle : il n’y aura plus de membres « non rémunérés » ; les membres de la CRE seront présents à plein temps pendant cinq ans et ils ne siégeront plus comme représentants d’un groupe professionnel ou – excusez-moi du mot – d’un lobby. C’est à mon avis un bon choix.
En même temps, le projet de loi initial prévoyait de réduire le nombre de membres de la CRE en le faisant passer de neuf à cinq. L’Assemblée nationale a, quant à elle, encore restreint le collège de la CRE en portant le nombre de ses membres à trois, avec un quorum. Dans ces conditions, nous pourrions nous retrouver dans la situation de blocage complet qu’a connue l’Italie pendant deux ans. En effet, en posant une obligation de quorum avec trois membres, la CRE peut se réunir sans jamais prendre de décision. C’est la raison pour laquelle la commission a souhaité revenir à la proposition initiale du projet de loi, c'est-à-dire à un collège composé de cinq membres.
Mon cher collègue, j’attire votre attention sur un point : si votre amendement était adopté et si l’article 8 était supprimé, nous en resterions à la situation actuelle, soit une CRE de neuf membres avec un président et deux vice-présidents « professionnalisés » – ils sont membres à plein temps –, six autres membres siégeant selon des modalités dont nous connaissons tous les inconvénients.
Par ailleurs, en ce qui concerne la consultation du Conseil supérieur de l’énergie, le CSE, un amendement adopté par la commission – je ne sais si vous l’avez voté… – prévoit que cette instance sera consultée pour toutes les décisions importantes, et ce pour une raison qui vous soucie particulièrement – vous avez été plusieurs à le faire savoir dans la discussion générale –, à savoir qu’une telle disposition permet de consulter aussi bien les consommateurs que l’ensemble des acteurs du secteur énergétique, y compris, bien sûr, les syndicats.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’évolution des missions de la CRE induit la nécessité d’en réformer le collège. C’est la raison de l’article 8.
Par la force des choses, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à cette demande de suppression. Mes explications d’hier vont dans le sens de ce que vient de rappeler M. le rapporteur, à savoir qu’une professionnalisation des membres de la CRE – les membres siégeant à temps complet plutôt qu’à temps partiel et étant dotés d’un statut garantissant encore un peu plus leur objectivité – et un retour au nombre de membres prévu par le projet de loi initial sont des dispositions allant dans le bon sens.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 89, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. - Le collège est composé de sept membres dont cinq nommés en raison de leurs qualifications dans les domaines juridique, économique et technique et deux en tant que représentants des consommateurs d'électricité et de gaz naturel.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La commission de l’économie du Sénat a préféré ne pas suivre l’Assemblée nationale et a rétabli le texte initial du projet de loi aux termes duquel le collège de la CRE comprend cinq membres.
Nous pensons qu’il faut aller encore plus loin en élargissant la composition de ce collège à sept membres.
Cet amendement vise surtout à prendre en compte l’intérêt des consommateurs en réintroduisant la présence au sein de la CRE de deux représentants des consommateurs d’électricité et de gaz naturel.
Le rétrécissement du collège de la CRE ne doit pas se faire au détriment des représentants des consommateurs, car les décisions de la CRE liées à la régulation des marchés doivent prendre en compte la protection des consommateurs, qu’il s’agisse des ménages ou des industriels.
Cet amendement est d’autant plus important que la CRE récupère de nouvelles missions en matière de fixation des tarifs d’électricité et du prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH, à un moment où – nous avons déjà eu l’occasion de le souligner – la programmation des hausses de prix et de tarifs est déjà engagée.
Dans ce contexte, le maintien de représentants des consommateurs au sein du collège de la CRE nous semble constituer un véritable impératif.
Mme la présidente. L'amendement n° 204, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :
« II. - Le collège est composé de sept membres :
« 1° Deux vice-présidents nommés, en raison de leurs qualifications dans les domaines juridique, économique, social et technique, respectivement par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ;
« 2° Deux membres nommés, en raison de leurs qualifications dans les domaines juridique, économique, social et technique, respectivement par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ;
« 3° Un membre nommé, en raison de ses qualifications dans les domaines juridique, économique, sociale et technique, par le président du Conseil économique, social et environnemental ;
« 5° Deux représentants des consommateurs d'électricité et de gaz naturel, nommés par décret.
« Le président du collège est élu parmi les membres du collège, après avis des commissions du Parlement compétentes en matière d'énergie.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement est très proche de celui qui vient d’être présenté puisqu’il vise à porter la composition de la CRE à sept membres afin de garantir certains équilibres.
Tout d’abord – et cela nous semble très important –, nous souhaitons sauvegarder la représentation des consommateurs au sein de cette instance. Le rapporteur sur ce texte a toujours été opposé à cette intégration des représentants des consommateurs. Il justifiait sa position, à l’époque, par une exigence communautaire : les membres de l’autorité de régulation devaient être peu nombreux, impartiaux et désintéressés de la formation des prix de l’électricité.
Il est pourtant essentiel que les consommateurs soient représentés au sein de la CRE si cette dernière souhaite mener à bien sa mission de service public en faveur de la protection des consommateurs.
Par ailleurs, vous avez fait dans le même temps le choix de supprimer la présence d’un membre nommé par le président du Conseil économique et social. C’est donc toute la représentation du corps social qui est exclue de la CRE.
À ce titre, conformément à la place que nous souhaitons accorder au corps social au sein de cette instance, nous proposons d’intégrer dans les compétences requises pour être membre de la CRE la compétence sociale, afin de permettre aux représentants des syndicats de siéger dans cette commission. À nos yeux, c’est un élément de modernisation important.
De plus, si des efforts doivent être consentis quant au nombre de membres de cette instance afin de permettre à cette dernière de travailler efficacement, nous proposons qu’ils soient faits par l’exécutif.
Notre proposition d’une révision de la composition de la CRE a également le mérite, en conformité avec la préconisation présidentielle, de renforcer le pouvoir parlementaire : la majorité des membres seront ainsi nommés par les présidents des deux assemblées et non par l’exécutif.
Mme la présidente. L'amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Courteau, Bourquin, Raoul, Botrel, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent, Muller et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
cinq membres
insérer les mots :
comprenant un nombre de représentants de chacun des deux sexes ne pouvant être inférieur à 40%
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 267, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Le président est nommé par décret dans les conditions fixées par la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Deux membres sont nommés par décret après avis des commissions du Parlement compétentes en matière d'énergie.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 267 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 89 et 204.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L’amendement n° 267 vise à renforcer le contrôle du Parlement sur les nominations par l’exécutif de membres du collège de la Commission de régulation de l’énergie.
Il prévoit que la nomination du président de la CRE respectera la Constitution telle qu’elle a été modifiée : le président devra se présenter devant les deux commissions du Parlement compétentes en matière d’énergie, qui non seulement donneront un avis mais pourront même exercer un droit de veto.
Par ailleurs, il prévoit que les deux autres représentants désignés par le ministère de tutelle seront également entendus par les deux commissions compétentes du Parlement, lesquelles pourront s’assurer de leurs compétences même si elles ne disposent pas d’un droit de veto.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 89 et 204.
Monsieur Courteau, je vous ai entendu à différentes reprises, tant en commission que dans ce débat, exprimer votre souci que la CRE soit composée de membres compétents et qu’elle conserve une certaine indépendance.
L’objectif d’une réduction du collège de la CRE de neuf à cinq membres est bien de garantir l’indépendance de la CRE.
Vous souhaitez introduire au sein de la CRE deux membres supplémentaires, qui représenteraient les consommateurs. En toute logique, si votre objectif est bien de garantir l’indépendance de la CRE et la compétence de ses membres dans le domaine de l’énergie, de l’électricité, du gaz et sur tous les autres sujets sur lesquels la CRE est amenée à se prononcer, il ne faut alors pas limiter la disposition aux consommateurs !
Je vous renvoie à l’amendement n° 197 rectifié qui va bientôt venir en discussion et dont l’objet est d’obliger la CRE à consulter le Conseil supérieur de l’énergie, au sein duquel sont représentés les consommateurs pour toute une série de décisions importantes. Mais, fort heureusement, les consommateurs ne sont pas les seuls représentés, le Conseil supérieur de l’énergie regroupant tous les acteurs du secteur énergétique, et pas seulement les consommateurs.
J’insiste sur ce point car vous semblez me faire porter une certaine responsabilité ici. Or, je n’ai pas le sentiment d’avoir été, à un moment ou à un autre, hostile à ce que les consommateurs puissent s’exprimer sur des sujets comme ceux-ci. Bien au contraire ! D’ailleurs, je les ai personnellement beaucoup auditionnés, et le Sénat est exemplaire de ce point de vue. Nous écoutons plus car nous auditionnons plus qu’à l’Assemblée nationale.
M. Charles Revet. C’est bien vrai, et il faut le souligner !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Laissez-moi vous dire que l’amendement n° 197 rectifié que je vais présenter dans quelques minutes répond à l’attente exprimée par les amendements nos 89 et 204. C’est pourquoi la commission est défavorable à l’un comme à l’autre.
Par ailleurs, l’amendement n° 115 rectifié vise à favoriser la parité en instaurant un quota de 40 %. Mais vous ne donnez aucune indication concrète sur la façon de procéder pour atteindre un tel objectif. Or, je ne sais pas comment faire pour obtenir ce résultat dès lors que le président est désigné selon les nouvelles règles que nous connaissons, que deux de ses membres sont nommés par le Gouvernement, qu’un membre est désigné par le président du Sénat et qu’un autre l’est par le président de l’Assemblée nationale !
Vous ne proposez aucune solution concrète pour atteindre ce quota de 40 % ! Que souhaitez-vous au juste ? Que le ministre de tutelle et les deux présidents des chambres se mettent autour d’une table en choisissant le sexe de la personne qu’ils entendent nommer ?
M. Didier Guillaume. Oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je veux dire par là que vous ne proposez aucune solution technique.
Je comprends parfaitement votre souhait de voir siéger des femmes au sein de la CRE : il faut qu’il soit entendu et qu’il figure au Journal officiel. Actuellement, sur les neuf membres que compte la CRE, il y a deux femmes. La parité n’est donc pas respectée.
Je partage votre opinion quant au caractère bénéfique d’une certaine parité. Cependant, je ne peux être favorable à un amendement qui ne propose aucune solution concrète pour atteindre un taux de 40 % de femmes dans un collège de cinq personnes.
Mme Nathalie Goulet. C’est comme pour les conseillers territoriaux !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais nous prenons acte de votre souhait et en appelons au bon sens de ceux qui désigneront les membres de la CRE. Permettez-moi cependant de vous dire que la priorité est à la compétence de ceux qui devront demain se prononcer sur les problèmes énergétiques ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Odette Terrade. Parce que les femmes ne sont pas compétentes ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Laissez-moi finir mon propos ! Il y a bien sûr des personnes compétentes quel que soit leur sexe !
M. Charles Revet. Voilà qui est rassurant !
M. René Garrec. Nous en avons la preuve avec Mme la secrétaire d’État !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, il importe que le collège de la CRE soit composé de spécialistes de la régulation, de personnes qui disposent des compétences voire de l’expérience nécessaire tout en étant indépendantes. C’est pourquoi il n’y a pas de raison de désigner au sein du collège des représentants ès qualités d’intérêts particuliers. Mieux vaut organiser l’écoute des parties prenantes par le collège. Nous y reviendrons d’ailleurs dans la suite des débats.
Dès lors, je suis défavorable aux amendements nos 89 et 204 qui visent à ajouter au collège deux représentants des consommateurs. Nous devons conserver un collège composé de personnes professionnalisées, à temps complet, indépendantes, qui écouteront et consulteront largement les parties prenantes.
Quant à l’amendement n° 115 rectifié, il me paraît difficile d’adopter une règle qui ne vaudrait que pour la CRE. La parité et la place des femmes dans les conseils d’administration d’entreprise ou d’autorités administratives indépendantes relèvent d’un débat de fond. Il me semble d’ailleurs que, dans les jours qui viennent, un texte portant sur ces questions sera soumis à votre assemblée. Vous aurez alors la possibilité de débattre de cette question extrêmement importante. On ne peut qu’encourager les parlementaires à enrichir le texte en question, qui est d’ailleurs d’initiative parlementaire.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 267 porté par M. Poniatowski, au nom de la commission de l’économie. Ce texte introduit un bon équilibre entre le Gouvernement et le Parlement pour la désignation des commissaires de la CRE.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l'amendement n° 89.
M. Roland Courteau. Je n’ai pas changé d’avis. Jusqu’à présent, les consommateurs étaient représentés au sein de la CRE. Au vu des dispositions figurant dans ce projet de loi, tout laisse à penser que l’on va vers un renforcement des pouvoirs de la CRE et l’apparition de compétences nouvelles. Aussi il nous paraît impératif que soient pris en compte les intérêts des consommateurs. Nous persistons donc dans cette voie : on ne peut faire autrement ! Toute autre position serait considérée comme un recul grave.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Je me permets d’insister au nom de notre groupe sur deux points importants que sont la parité et la prise en compte des intérêts des consommateurs, et donc de la société civile.
Nous devrions, me semble-t-il, changer notre logiciel de réflexion en matière politique. Il n’est plus possible d’agir comme par le passé, avec des élus qui débattent, tranchent et décident de tout sans jamais rendre de comptes.
Ce texte nous offre l’occasion de faire entrer les consommateurs au sein d’un organisme essentiel. Je ne dirai pas que la présence de consommateurs assurera l’indépendance de cet organisme, car ce dernier compte déjà des personnes qualifiées dont la qualité intrinsèque n’est pas en cause. Mais le fait d’accepter la participation des consommateurs à la CRE serait faire preuve d’ouverture d’esprit à l’égard de la société civile. Si nous souhaitons modifier notre façon d’appréhender les grands dossiers sociétaux et parvenir à un consensus sur des sujets comme celui-ci, alors il faut faire entrer la société civile dans les conseils d’administration ! Cela nous paraît aujourd’hui extrêmement important. Cette ouverture d’esprit ne peut qu’être bénéfique. Ce serait un geste fort à l’égard de la société, et cela ne coûterait rien.
On s’aperçoit en effet aujourd’hui que les Français ne croient plus en la politique. Ils ne croient plus aux grandes structures auxquelles ils ne se sentent pas associés. Ils imaginent que tout se passe au niveau du Gouvernement ou du Parlement, et qu’il n’y a à aucun moment de retour vers la société.
Le geste que vous pourriez faire maintenant montrerait l’importance que nous accordons à l’avis des Français et à leurs compétences en tant que consommateurs. Il serait en effet tout à fait possible de trouver des personnes compétentes parmi eux.
Voilà pourquoi je me permets d’insister sur ce point, après l’excellente argumentation de mon collègue Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Merci !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous renvoie à l’amendement n° 197 rectifié que nous allons examiner dans quelques minutes. Vous pourrez alors constater la réelle volonté du Gouvernement comme de la commission de ne pas écarter les consommateurs en tant que tels. Mais rien n’empêchera le ministère de tutelle, voire le président du Sénat ou de l’Assemblée nationale, de nommer une personne issue de l’UFC-Que Choisir ou d’une autre association de consommateurs. Cela ne sera cependant possible qu’à une seule condition : cette personne ne représentera pas un lobby ou un syndicat, de professionnels ou de consommateurs ; elle devra être indépendante de l’organisme où elle travaillait auparavant. Elle devra d’ailleurs donner sa démission de ce dernier et sera rémunérée pendant cinq ans pour remplir au sein du collège de la CRE cette mission, qui ne sera d’ailleurs pas une mission facile. Ne dites donc pas que le Gouvernement ou la commission sont hostiles aux consommateurs !