Article 18 bis A
I.- Après l’article L. 511-41 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 511-41-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 511-41-1 A. – Au sein des établissements de crédit mentionnés à l’article L. 511-1, des entreprises d’investissement mentionnées à l’article L. 531-4 et des sociétés de capital-risque visées à l’article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, d’une taille supérieure à des seuils fixés par décret, l’organe délibérant constitue, pour préparer ses décisions, un comité spécialisé en matière de rémunérations.
« Il est composé majoritairement de membres indépendants, compétents pour analyser les politiques et pratiques de l’entreprise en matière de rémunérations, y compris au regard de la politique de risque de l’entreprise.
« Ce comité, ou à défaut l’organe délibérant, procède à un examen annuel :
« 1° De la politique globale de rémunération de l’entreprise ;
« 2° Des rémunérations, indemnités et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux de l’entreprise ;
« 3° De la politique de rémunération des salariés qui gèrent des organismes de placement collectif visés aux 1, 2, 5 et 6 de l’article L. 214-1 et des salariés, professionnels des marchés financiers, dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise.
« Le comité peut être assisté par les services de contrôle interne ou des experts extérieurs. Il rend régulièrement compte de ses travaux à l’organe délibérant.
« Les entreprises assujetties à l’obligation prévue par le présent article intègrent dans le rapport présenté à l’assemblée générale les informations relatives à la politique et aux pratiques de rémunération fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.
« Dans les entreprises assujetties faisant partie d’un groupe, l’organe délibérant peut décider d’appliquer la politique de rémunération de l’entreprise qui la contrôle au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce.
« Lorsque les entreprises assujetties mentionnées à l’alinéa précédent font partie d’un groupe soumis à la surveillance de l’Autorité de contrôle prudentiel sur une base consolidée ou sous-consolidée, l’organe délibérant peut décider que les fonctions dévolues par le présent article au comité des rémunérations de l’entreprise assujettie sont exercées par le comité des rémunérations de l’entreprise au niveau de laquelle s’exerce la surveillance sur une base consolidée ou sous-consolidée par l’Autorité de contrôle prudentiel. Dans ce cas, l’organe délibérant de l’entreprise assujettie est destinataire des informations la concernant contenues dans l’examen annuel auquel il est procédé au sein de l’entreprise au niveau de laquelle s’exerce la surveillance sur une base consolidée ou sous-consolidée par l’Autorité de contrôle prudentiel. »
II. – (Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Des principes de la politique de rémunération de l'entreprise ;
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement vise à réorganiser et à étendre le champ matériel de compétences du comité des rémunérations. Il prévoit ainsi que, outre la politique de rémunération des opérateurs de marché, le comité examine également les principes de la politique de rémunération au sein de l'entreprise – la rédaction adoptée correspond à celle de l'article 38-4 du règlement 97-02 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d'investissement –, l'octroi de rémunérations, indemnités et avantages de toute nature aux mandataires sociaux, ainsi que la politique de rémunération des gestionnaires de fonds – soit les OPCVM, les SICAF, les OPCI et organismes de titrisation –, par cohérence avec l'extension du champ ratione personae du comité.
Il est proposé de modifier le point 1° dans la mesure où les mandataires sociaux et les professionnels de marché sont déjà expressément visés par les points 2° et 3°, et qu'il n'est donc pas nécessaire ici de viser la politique globale de rémunération, qui conduirait le comité à examiner les rémunérations de l'ensemble du personnel, ce qui n'est ni réaliste, ni pertinent compte tenu des objectifs du dispositif d'encadrement des rémunérations dans le secteur financier tels qu'adoptés par le G20 de Pittsburgh et repris dans différents textes européens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La formulation que nous propose M. Jégou est relativement proche de celle adoptée par la commission, mais elle nous paraît potentiellement plus restrictive.
Dans la formulation de la commission, l’emploi du terme « global » sous-entend naturellement que le comité examine non pas la rémunération de chaque salarié mais la politique de rémunération dans son ensemble.
C’est la raison pour laquelle la commission avait exprimé un avis défavorable ; elle aimerait cependant entendre le Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Jégou, votre amendement permet, nous semble-t-il, de bien clarifier les compétences du comité spécialisé en matière de rémunérations. Vous proposez que celui-ci fixe les principes applicables à la politique de rémunération sans d'ailleurs se substituer à la direction de l’établissement et sans intervenir dans la gestion proprement dite.
Cette formulation nous paraît préférable à celle du texte de la commission, c'est la raison pour laquelle nous avons émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je me rallie à cette formulation, monsieur le président : avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
par le présent article intègrent dans le rapport présenté à l'assemblée générale
par les mots :
au présent article publient sous forme électronique
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement a pour objet de rendre suffisante une publication des informations relatives à la politique et aux pratiques de rémunération sous forme électronique, sur les sites internet, afin d'éviter la multiplication des rapports annuels sur support papier.
C’est un amendement « développement durable », madame la ministre. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Selon nous, il n’y a aucune raison de faire un sort particulier à ce type d’information. La publication sur un site internet a les apparences d’une large diffusion, mais retenir ce seul canal peut sembler suspect car il n’est pas toujours aisé d’accéder aux informations pertinentes sur un site internet quelque peu foisonnant.
En outre, les rapports annuels sont quasi systématiquement diffusés sur internet.
Dans ces conditions, j’invite M. Jégou à retirer son amendement. Sinon, la commission donnera un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Jégou, l'amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
L'amendement n° 153, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
II. - L'Autorité de contrôle prudentiel examine les politiques et pratiques de rémunération des salariés, professionnels de marchés financiers, dont les rémunérations sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'exposition aux risques des entreprises assujetties, afin de contrôler leur conformité aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Elle rend compte de son activité dans ce domaine et de ses observations dans le rapport annuel mentionné à l'article L. 612-12 du code monétaire et financier.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Par cet amendement, monsieur le président, je souhaite confier à l’Autorité de contrôle prudentiel le soin de poursuivre la mission de contrôle des rémunérations précédemment confiée à M. Camdessus.
La mission confiée à M. Camdessus, destinée à veiller à la bonne mise en œuvre des recommandations du G20 de Pittsburgh en matière de rémunération par les établissements bénéficiaires des concours de la Société de prise de participation de l’État, la SPPE, s’achèvera avec le remboursement complet des apports de la SPPE aux établissements concernés.
Il me semble que l’effort entrepris pour réformer les pratiques de rémunération dans le sens d’une plus grande maîtrise des risques doit être poursuivi. Il me semble également que l’Autorité de contrôle prudentiel est la plus appropriée pour poursuivre cette mission de contrôle et de vérification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission est favorable à cet amendement, monsieur le président.
Elle attend beaucoup des réflexions de M. Camdessus, en ce domaine comme en d’autres, notamment sur ce qu’il était convenu d’appeler le « marché des traders », quoique l’on puisse se demander s’il y a véritablement un marché.
Mme Nicole Bricq. Il n’y en a pas !
M. le président. Je mets aux voix l'article 18 bis A, modifié.
(L'article 18 bis A est adopté.)
Articles additionnels après l'article 18 bis A
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 18 bis A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 221-5 du même code est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En outre, chaque année, lorsque le montant total des sommes déposées sur les livrets A et les livrets de développement durable et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations augmente, l'établissement de crédit concerné doit consacrer au moins les trois quarts de l'augmentation constatée à l'attribution de nouveaux prêts aux petites et moyennes entreprises. » ;
2° Le sixième alinéa est ainsi modifié :
a) Dans la première phrase, les mots : « de l'obligation d'emploi mentionnée » sont remplacés par les mots : « des obligations d'emploi mentionnées » ;
b) Dans la deuxième phrase, les mots : « à la condition d'emploi susmentionnée » sont remplacés par les mots : « aux conditions d'emploi susmentionnées ».
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de faire respecter par les banques l'esprit de l'article 145 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, la LME, conformément aux préconisations du groupe de travail sur le financement des entreprises. En effet, les chiffres publiés par l'Observatoire de l'épargne réglementée montrent que tel n'est pas le cas aujourd'hui.
À cette fin, il est proposé de renforcer le dispositif de la LME visant à ce que les sommes collectées par les établissements de crédit au titre du livret A et du livret de développement durable et non centralisées à la Caisse des dépôts et consignations soient consacrées au financement des petites et moyennes entreprises ou à des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens.
Actuellement, la condition d'utilisation n'est appréciée qu'en « stock » et est donc de faible portée pour certains établissements de crédit.
Il s'agit en conséquence de prévoir que, chaque année, lorsque le montant des sommes déposées sur les livrets A et les LDD et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations augmente, l'établissement de crédit concerné doit consacrer au moins les trois quarts de l'augmentation constatée à l'attribution de nouveaux prêts aux PME.
J’entends dire, lorsque la commission des finances reçoit les représentants du monde bancaire, que c’est par manque d’appétence qu’il n’y a pas de nouveaux prêts aux PME ; en revanche, lorsque je rencontre des responsables de PME dans mon département, le discours est radicalement différent : c’est donc qu’il y a un hiatus !
Le respect de cette condition s'apprécierait en « net », c'est-à-dire en comparant le montant, à la fin de chaque année, d'une part, des sommes collectées sur les livrets précités et non centralisées à la Caisse des dépôts et consignations et, d'autre part, des encours de prêts octroyés par chaque établissement aux PME.
Les données collectées par l'Observatoire de l’épargne réglementée permettraient donc de s'assurer de l'application de ces dispositions. En cas de non-respect de cette mesure par un établissement de crédit, les sommes en surplus seraient automatiquement centralisées et non rémunérées.
Voilà la proposition que soumet au Sénat la commission des finances pour qu’il soit fait bon usage des fonds de livret A et de livret de développement durable ouverts aujourd'hui très largement par l’ensemble des banques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, je voudrais essayer de vous convaincre de retirer cet amendement, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, je suis très sensible à votre argument concernant la dichotomie qui existe entre le discours des banques prêteuses et celui des emprunteurs déçus. À cet égard, je voudrais noter que nous avons mis en place un médiateur du crédit qui a très bien rempli sa tâche pendant toute la période de crise. Aujourd’hui, M. Gérard Rameix, qui a remplacé M. René Ricol, nous indique que les demandes de médiation ainsi que les montants sur lesquels elles portent décroissent sensiblement.
Dans l’ensemble, les banques ont continué à financer les petites et moyennes entreprises dans la crise. À la fin du mois de juillet 2010, les encours de crédits à l’économie avaient augmenté de 2,7 %, à comparer à une augmentation de 0,8 % seulement dans la zone euro.
Nous avons mis les banques françaises sous pression et nous leur avons fixé des objectifs de concours bancaires aux différents secteurs économiques – le secteur privé, les ménages. Au sein des entreprises, nous avions dissocié les grands comptes, qui ont fait appel au marché obligataire, et les petites et moyennes entreprises, qui avaient le plus besoin de soutien financier, à la fois en crédits d’investissement et en crédits de trésorerie.
Nous avions fixé des objectifs, de l’ordre de 3 % en moyenne pour les banques, qui n’ont pas été parfaitement remplis.
Mme Nicole Bricq. La loi avait prévu de 3 % à 4 % !
Mme Christine Lagarde, ministre. Elles ont atteint une moyenne de 2,7 %. Je considère qu’elles ont bien tenu, sinon leurs objectifs, du moins leurs engagements.
Ensuite, je reste extrêmement attentive à ce que les banques continuent à respecter leurs engagements. Nous leur avons de nouveau fixé des objectifs, sous la forme, cette fois-ci, d’enveloppes de concours financiers mis à disposition, en dissociant les crédits de trésorerie et les crédits d’entreprise.
Dans la loi de modernisation de l’économie, nous avions également prévu que les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le LDD et non centralisées soient employées au financement des PME, notamment pour leur création et leur développement, ainsi qu’à celui des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens. Ainsi, l’article 145 de la LME prévoit déjà une obligation spécifique.
L’Observatoire de l’épargne réglementée indique que, au quatrième trimestre 2009, les fonds restants au bilan des établissements collecteurs étaient de 85,6 milliards d'euros, l’encours total de prêts aux PME de 226,2 milliards d'euros et celui des prêts destinés à financer les travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens de 1,8 milliard d'euros. Les obligations fixées à l’article 145 de la loi de modernisation de l’économie ont été respectées puisqu’un rapport de 266 % est observé.
L’arrêté du 4 décembre 2009 va plus loin puisqu’il encadre l’emploi des fonds lors d’une hausse de la collecte du livret A et du LDD, comme vous le proposez aujourd'hui dans votre amendement. L’arrêté indique que, lorsque les encours de livret A ou de LDD non centralisés augmentent sur une année, les établissements bancaires doivent consacrer au moins la moitié de cette augmentation à l’attribution de nouveaux prêts aux PME.
Nous différons sur ce point : vous demandez que 75 % de l’augmentation soient affectés aux prêts aux PME, quand l’arrêté prévoit au moins 50 %.
L’interprétation la plus contraignante pour les banques de cette disposition consiste à assimiler l’augmentation de nouveaux prêts aux PME sur une année à la différence avec les encours de prêts entre la fin et le début de l’année.
Selon les chiffres du rapport de l’Observatoire de l’épargne réglementée, sur l’année 2009, les fonds restants au bilan des banques ont augmenté de 2,4 milliards d'euros et les encours de prêts aux PME de 6,4 milliards d'euros. Nous sommes donc bien dans le rapport de 50 % que je viens d’indiquer.
En conclusion, sur la base de ces chiffres et de l’analyse réalisée par l’Observatoire de l’épargne réglementée, on peut considérer que les engagements ont été tenus.
Pour autant, je suis extrêmement vigilante sur cette question et attentive à ce que le travail se poursuive pour améliorer le système. J’ai demandé à l’inspection générale des finances de mener une mission sur l’ensemble de la réforme du livret A, afin de nous assurer que les buts que nous nous étions fixés, à la fois en termes d’ouverture à tous les établissements financiers français de la commercialisation du livret A et d’utilisation des fonds lorsqu’ils ne sont pas centralisés, sont atteints.
Compte tenu à la fois du respect des engagements pris, du respect de l’arrêté et de la mission que j’ai confiée à l’IGF pour faire une étude d’impact – a posteriori, en quelque sorte – sur l’opportunité, l’utilité, l’efficacité des dispositions de la LME, je vous suggère, monsieur le président de la commission des finances, de retirer votre amendement au bénéfice des conclusions que nous soumettra l’IGF. Nous pourrons déterminer à ce moment-là s’il convient de modifier considérablement le dispositif ou si l’on peut s’en tenir à ce que nous avons mis en place jusqu’à présent.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, le groupe socialiste soutiendra l’amendement de la commission des finances parce qu’il est avéré, madame la ministre – vous ne pouvez pas nier les chiffres –, que les banques n’ont pas suffisamment satisfait aux exigences inscrites dans la loi de finances rectificative d’octobre 2008 en contrepartie des aides que l’État leur a octroyées. Or les banques ont bénéficié de liquidités abondantes et peu onéreuses de la Banque centrale européenne. Et la Banque centrale européenne, c’est la puissance publique.
Les banques n’ont pas respecté les engagements qu’elles avaient pris en contrepartie des aides de la puissance publique en termes de rémunération et de progression des encours. La loi de finances rectificative prévoyait 3 % à 4 %. Vous savez très bien, madame la ministre, qu’elles ont notamment accordé très peu de crédits aux entreprises au moment où celles-ci avaient besoin de trésorerie, dans la période la plus douloureuse pour elles.
Par ailleurs, vous nous demandez d’attendre la remise par l’inspection générale des finances du rapport que vous lui avez commandé sur l’utilité de revoir la loi LME. Madame la ministre, si vous avez missionné l’inspection générale des finances, c’est surtout parce que la loi LME prévoit que le taux de centralisation auprès de la Caisse des dépôts et consignations sera redéfini en 2012 et non pour vérifier a posteriori si les banques ont rempli leur mission.
Une clause de revoyure était prévue en 2012. Tout le monde s’y prépare, comme vous le savez : l’État – c’est normal – et la Caisse des dépôts et consignations, qui est intéressée, car c’est elle qui finance le logement social grâce aux fonds d’épargne qu’elle accumule par la recentralisation pour partie du Livret A, banalisé par la loi LME de 2008.
L’amendement de la commission des finances vise à porter de 50 % à 75 % le pourcentage de l’augmentation constatée du montant total des sommes déposées sur les livrets A et sur les LDD non centralisées par la CDC que les banques doivent consacrer à l’attribution de prêts aux entreprises. Vous pouvez difficilement contester la modulation qui vous est proposée à partir de la disposition réglementaire que vous avez prise.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, j’ai été très attentif à vos propos, mais enfin, la possibilité offerte aux banques de pouvoir ouvrir des livrets d’épargne populaire, en particulier des livrets A, comme elles le désiraient depuis longtemps, n’a de raison d’être que si elles respectent parfaitement leur engagement de financer l’économie. Or il nous semble que tel n’est pas le cas en ces temps où les PME ont pourtant vraiment besoin de liquidités, ne serait-ce que parce que nous assistons à l’amorce d’un renforcement de l’activité économique et parce que la croissance pourrait se révéler plus robuste que prévue. Il va sans dire que c’est précisément dans ces moments-là que les PME ont besoin de trésorerie. Or, et je le dis sur le fondement de témoignages que j’ai reçus d’acteurs qui ne sont pas suspects de duplicité, il semblerait que les banques soient quelquefois frileuses.
Si nous souhaitons porter le taux de 50 % à 75 %, c’est parce que nous ne voulons pas que les encours diminuent si la collecte baisse – nous nous prémunissons ainsi contre ce risque – et aussi parce que la LME prévoit un autre usage que le financement des PME, en particulier des prêts pour favoriser les économies d’énergie. Les PME ne peuvent sans doute pas tout capter.
Même si je comprends vos observations, madame la ministre, je pense que, si la commission des finances était entendue par le Sénat, cela permettrait de rendre les banques encore plus attentives à la nécessité de financer les PME.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des finances maintient son amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Pardonnez-moi d’insister, monsieur le président de la commission, même si je ne prétends pas vous faire changer d’avis. Je sais qu’il est de bon ton de vilipender les banques, de considérer qu’elles ne font pas leur travail et qu’elles sont excessives à bien des égards, mais je tiens à attirer votre attention sur le fait que nous sommes en train de bouleverser les mécanismes de l’industrie bancaire.
Nous exigeons des banques qu’elles augmentent leurs capitaux propres. Nous mettons en place une taxe bancaire systémique, une taxe de supervision, une taxe supplémentaire pour la garantie des dépôts. Par ailleurs, nous disons aux établissements systémiques qu’ils devront faire des efforts supplémentaires dans différents domaines, notamment en matière de liquidités. En outre, nous obligeons les banques à procéder à un certain nombre de financements tout à fait légitimes – je ne parle pas de la question du livret A – en contrepartie des aides que l’État leur a octroyées pendant la période de sclérose totale de l’appareil de refinancement des banques d’Europe, pour ne pas dire du monde.
Nous n’avons pas accordé d’avantages aux banques. Si elles ont l’obligation de financer l’économie, obligation bien comprise d’ailleurs, car elle est lucrative pour elles, c’est en contrepartie de notre entrée au capital des banques, non en contrepartie de la modification de la réglementation applicable au livret A.
Je suis très inquiète, je vous le dis très calmement et très simplement, à l’idée que l’on puisse apporter une modification supplémentaire à un modèle économique qui commence à se stabiliser, les fonds non consolidés auprès de la Caisse des dépôts et consignations étant utilisables par les banques pour financer l’économie.
Je pense qu’il serait plus raisonnable – et il est d’habitude dans cette maison d’être raisonnable – d’attendre les conclusions de l’IGF sur cette question. Je suis prête à demander que ce rapport me soit remis plus tôt afin de vous permettre de statuer très rapidement, mais je pense qu’il serait beaucoup plus raisonnable, je le répète, d’attendre les conclusions de l’IGF afin de disposer d’une véritable étude d’impact sur l’augmentation du taux de 50 % à 75 %. Cela nous éviterait une fois de plus de céder à la tentation de mettre en œuvre une disposition sans en avoir au préalable mesuré les conséquences.
Mme Nicole Bricq. Les banques sont rémunérées pour ce qu’elles font !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’entends bien les observations de Mme la ministre, mais le texte que le Sénat va adopter ne sera pas définitif. Les députés vont se saisir de nos travaux dans les jours qui viennent, puis une commission mixte paritaire se réunira.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah !
Quand le rapport de l’IGF doit-il vous être remis ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut tout de même envoyer un message clair aux banques !
Mme Catherine Procaccia. Le débat est clair !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans ce cas, je maintiens l’amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18 bis A.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 136 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 18 bis A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 500-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - La rémunération variable versée, sous quelque forme que ce soit, à un salarié d'un prestataire de service visé au livre V du code monétaire et financier ne peut excéder le montant de sa rémunération fixe nette.
« La présente disposition est réputée d'ordre public. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.