Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès, M. Bernard Saugey.
2. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
MM. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Guy Fischer, Mme Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Annie David, MM. Jean-Jacques Mirassou, Jean-Louis Carrère, André Lardeux, Mme Samia Ghali, MM. Jean Desessard, Jean-Pierre Bel, Mmes Isabelle Pasquet, Isabelle Debré, MM. Nicolas About, Martial Bourquin, Ronan Kerdraon, Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Daudigny, Jacky Le Menn, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Philippe Dallier, René-Pierre Signé, Mme Raymonde Le Texier, MM. Claude Bérit-Débat, David Assouline, Gérard Longuet, Roland Courteau.
M. le ministre.
Irrecevabilité de sous-amendements
M. le président.
M. Guy Fischer, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. GÉrard Larcher
3. Questions d'actualité au Gouvernement
Mme Annie David, M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
MM. Alain Vasselle, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
MM. Raymond Vall, Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
révision générale des politiques publiques
MM. Jean Arthuis, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Mme Raymonde Le Texier, M. François Fillon, Premier ministre.
MM. Alain Gournac, Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.
Mme Catherine Tasca, M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
hébergement temporaire médicalisé
Mlle Sophie Joissains, Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
MM. Claude Jeannerot, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
M. Philippe Darniche, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Suspension et reprise de la séance
4. Communication du Conseil constitutionnel
5. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Demande de priorité des articles 5 et 6. – Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. – La priorité est ordonnée.
MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, Mme Marie-Agnès Labarre, le président, Roger Romani.
Amendements nos 819, 756, 1170, 746, 757, 760 de M. Guy Fischer, 56, 59 à 61 de Mme Christiane Demontès, 317 rectifié, 320 rectifié de M. Yvon Collin, 745 de M. Bernard Vera, 552 rectifié ter, 551 rectifié bis de Mme Catherine Morin-Desailly et 598 de M. Nicolas About (suite). – MM. le président, Guy Fischer, François Autain, Claude Domeizel. – Rejet des amendements nos 819 et 756.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ronan Kerdraon, Mme Claire-Lise Campion, MM. Guy Fischer, David Assouline. – Retrait de l’amendement no 551 rectifié bis ; rejet de l’amendement no 56.
6. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires australiens
7. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendements nos 1170, 746, 757, 760 de M. Guy Fischer, 59 à 61 de Mme Christiane Demontès, 317 rectifié, 320 rectifié de M. Yvon Collin, 745 de M. Bernard Vera, 552 rectifié ter de Mme Catherine Morin-Desailly et 598 de M. Nicolas About (suite). – Mmes Odette Terrade, Annie David, MM. Marc Daunis, Ronan Kerdraon, Mme Isabelle Pasquet. – Rejet des amendements nos 1170, 317 rectifié et 59.
8. Modification de l'ordre du jour
9. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendements nos 60 et 61 de Mme Christiane Demontès, 746, 757, 760 de M. Guy Fischer, 320 rectifié de M. Yvon Collin, 745 de M. Bernard Vera, 552 rectifié ter de Mme Catherine Morin-Desailly et 598 de M. Nicolas About (suite). – M. Guy Fischer, Mme Raymonde Le Texier, M. Bernard Cazeau, Mmes Annie David, Isabelle Pasquet, MM. David Assouline, Jean Desessard . – Rejet des amendements nos 60 et 746.
10. Décision du Conseil constitutionnel
11. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
12. Réforme des retraites – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendements nos 757, 760 de M. Guy Fischer, 61 de Mme Christiane Demontès, 320 rectifié de M. Yvon Collin, 745 de M. Bernard Vera, 552 rectifié ter de Mme Catherine Morin-Desailly et 598 de M. Nicolas About (suite). – Mme Odette Terrade, MM. Guy Fischer, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mmes Annie David, Raymonde Le Texier, M. Nicolas About. – Rejet des amendements nos 757, 745, 760, 320 rectifié et 61 ; adoption des amendements nos 552 rectifié ter et 598.
Amendement n° 754 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; le ministre, Guy Fischer. – Rejet.
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
Amendement n° 820 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, Guy Fischer. – Rejet.
Amendement n° 821 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean Desessard, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Samia Ghali. – Rejet.
Amendement n° 822 de M. Guy Fischer. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre, François Autain. – Rejet.
Amendement n° 823 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 846 de M. Guy Fischer. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
MM. Jean-Pierre Caffet, Jacky Le Menn, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Bariza Khiari, MM. David Assouline, Jean Desessard, Gérard Longuet, Yves Daudigny.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
M. Guy Fischer, Mme Isabelle Pasquet, MM. Jacky Le Menn, Claude Domeizel, David Assouline, Mmes Patricia Schillinger, Raymonde Le Texier, M. Ronan Kerdraon, Mme Bernadette Bourzai, M. Bernard Cazeau, Mme Odette Terrade, MM. Yves Daudigny, Michel Teston, Bernard Vera, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Annie David, Josiane Mathon-Poinat, Marie-Agnès Labarre, M. Bernard Angels, Mmes Bariza Khiari, Samia Ghali, MM. Jean-Pierre Sueur, le ministre, Jean-François Voguet, Jean-Jacques Pignard.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis que le Gouvernement a commencé à préparer cette réforme en avril dernier, il a maintenu une attitude constante d’ouverture et de dialogue.
Le projet de loi initial contenait déjà de nombreuses dispositions directement issues de nos discussions avec les partenaires sociaux : je pense au maintien du dispositif « carrières longues » et à son extension à tous les Français qui ont commencé à travailler à 17 ans ; je pense à l’amélioration de la couverture retraite des chômeurs non indemnisés ; je pense à la prise en compte, dans le calcul de la retraite, des indemnités versées pendant les congés maternité.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Le dialogue s’est poursuivi avec les syndicats et les députés avant et pendant l’examen du texte par l’Assemblée nationale.
À l’Assemblée nationale, nous avons renforcé les mesures de prévention et de compensation de la pénibilité, permettant ainsi une évolution très forte du texte. Le résultat du travail très étroit réalisé avec la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale a abouti au triplement du nombre de personnes pouvant bénéficier, grâce au dispositif de prise en compte de la pénibilité, d’une retraite à 60 ans à taux plein.
Au Sénat, dès l’examen du texte par la commission des affaires sociales, le Gouvernement a accepté plusieurs propositions de M. le rapporteur, Dominique Leclerc, visant à doubler le nombre de travailleurs handicapés bénéficiant d’un départ à la retraite anticipé, à ne pas pénaliser les chômeurs proches de la retraite et à rassurer les bénéficiaires des « préretraites amiante », lesquelles avaient fait l’objet de longues discussions.
Vous l’aurez noté, tous ces changements visent un seul et unique objectif : renforcer toujours et encore l’équité de notre système de retraite.
Mme Christiane Demontès. Il en a besoin !
M. Éric Woerth, ministre. Je vous présente aujourd’hui deux nouveaux amendements du Gouvernement destinés à rendre la réforme encore plus juste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Ils vous seront remis au cours de la matinée.
M. Guy Fischer. Tout de suite !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement ne l’a jamais nié, les femmes subissent des inégalités injustifiables dans leur carrière et en matière de retraite. Notre texte comportait donc, dès le départ, des mesures pour agir sur les inégalités salariales dans l’entreprise et pour donner de nouveaux droits aux mères.
De nombreux parlementaires, à l’Assemblée nationale puis au Sénat – je pense notamment à Chantal Brunel, Marie-Jo Zimmermann, à l’Assemblée nationale, à Gérard Larcher, Gérard Longuet, Nicolas About et, bien évidemment, Dominique Leclerc et Muguette Dini, au Sénat –, ont estimé qu’il fallait également apporter une réponse aux mères de familles nombreuses qui partent à la retraite à 65 ans parce qu’elles se sont arrêtées de travailler pour élever leurs enfants. (Mme Gisèle Printz s’exclame.) Ils redoutaient que la réforme ne les oblige à attendre deux ans de plus pour bénéficier d’une retraite à taux plein à 67 ans.
De même, plusieurs d’entre vous ont souligné que la situation des parents d’enfants handicapés, qui ont été pénalisés dans leur carrière, devait faire l’objet d’un traitement spécifique.
Nous sommes toujours restés ouverts sur ces sujets. Mais avant de proposer une mesure spécifique, nous voulions analyser précisément la situation des mères de famille. Pour apporter une bonne réponse, il faut d’abord bien poser le problème !
Un sénateur du groupe socialiste. C’est une découverte !
M. Éric Woerth, ministre. D’une manière générale, le problème de la retraite des femmes est lié aux écarts de salaires.
M. Guy Fischer. De 20 % !
M. Éric Woerth, ministre. C’est aujourd’hui la cause la plus importante des inégalités, le domaine dans lequel l’action est indispensable. Je le dis depuis des semaines : sur ce sujet, nous avons eu six lois, de droite comme de gauche, et six échecs. (Mme Annie David s’exclame.) C’est la raison pour laquelle le projet de réforme du Gouvernement introduit, pour la première fois, une pénalité pour les entreprises qui n’entreprendront pas d’action tendant à réduire les écarts de salaire.
Toutefois, les mères de familles de trois enfants rencontrent également un problème spécifique. Outre l’écart de salaires, une carrière souvent interrompue, hachée, en raison de la nécessité d’élever leurs enfants, pèse sur le montant de leurs pensions.
Le système français – c’est l’une de ses grandes forces – comprend des mécanismes très importants de compensation de ces interruptions de carrière : majoration de durée d’assurance, assurance vieillesse des parents au foyer, prise en compte du chômage, règles spécifiques relatives au travail partiel. Tous ces mécanismes font que, pour les femmes nées après 1955, la durée moyenne d’assurance est identique à celle des hommes.
De même, ce système, grâce à la majoration de durée d’assurance créée par la loi Fillon de 2003, permet de compenser en partie l’impact sur la carrière de l’éducation d’un enfant handicapé.
Cependant, les mères de famille de trois enfants nées avant 1955 n’ont pas bénéficié à plein de ces mécanismes. Leur durée d’assurance reste, en moyenne, inférieure à celle des hommes. Les femmes les plus modestes bénéficieront du maintien du minimum vieillesse à 65 ans.
Mme Christiane Demontès. Heureusement !
M. Jean-Pierre Caffet. Quelle ouverture !
M. Éric Woerth, ministre. Pour les autres, le relèvement progressif de l’âge d’annulation de la décote apparaîtrait inéquitable, alors qu’elles n’ont pas bénéficié comme les autres des mécanismes de solidarité. Nous voulons répondre à cette iniquité.
M. Guy Fischer. Il est grand temps !
M. Éric Woerth, ministre. C’est la raison pour laquelle le premier amendement que je vous présenterai aujourd’hui vise à permettre aux mères de trois enfants et plus nées entre 1951 – première génération concernée par la réforme – et 1955 de continuer à bénéficier d’une retraite sans décote à 65 ans, sous réserve, bien évidemment, de s’être arrêtées pour élever un enfant. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Au total, cette mesure permettra à 130 000 mères de famille environ de continuer à bénéficier d’une retraite à taux plein à 65 ans. C’est une mesure très forte, qui répond à une iniquité réelle et constatée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Vous croyez qu’on va se laisser faire ? Il ne s’agit que de 130 000 personnes !
M. Jean-Louis Carrère. Nous ne sommes pas dupes !
M. Éric Woerth, ministre. Nous répondons donc de façon concrète et efficace au problème de l’iniquité qui frappe les retraites des femmes.
Le second amendement que je vous présenterai au nom du Gouvernement vise à maintenir à 65 ans l’âge d’annulation de la décote pour les parents d’enfants lourdement handicapés qui ont besoin d’une présence auprès d’eux. Je sais que de nombreux sénateurs, à droite comme à gauche, sont très sensibles, et ce de manière tout à fait légitime, à cette question. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Cette mesure nous permet d’apporter une réponse à la situation de parents qui, en plus de la souffrance liée à la situation de leur enfant, sont souvent pénalisés dans leur carrière. L’application de cette disposition ne sera pas limitée dans le temps. C’est une mesure pérenne.
Je terminerai par quelques mots sur le financement de ces nouvelles mesures, en me tournant vers Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, et Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Le financement, c’est essentiel, car une réforme juste est d’abord une réforme qui garantit son propre financement.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas le cas !
M. Guy Fischer. Il manque 4 milliards d’euros !
M. Éric Woerth, ministre. C’est aussi une réforme qui garantit de façon pérenne le financement de notre système de retraite. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) La première injustice d’un système de retraite, c’est de ne pas être financé. La première injustice, c’est de considérer qu’on peut financer par l’emprunt les retraites à partir du mois de novembre.
C’est la raison pour laquelle nous sommes ouverts – nous l’avons toujours dit – à toutes les modifications du texte, à condition qu’elles ne remettent pas en cause l’équilibre financier de ce dernier. (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
M. Guy Fischer. Et voilà !
Mme Annie David. Il n’y est pas, l’équilibre !
M. Éric Woerth, ministre. L’équilibre financier du texte, c’est en effet la première justice à apporter aux futurs retraités.
Dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, nous proposerons donc deux nouvelles recettes – elles viendront s’ajouter aux financements que nous avons déjà apportés – d’un rendement total de 340 millions d’euros, qui permettront de financer les deux mesures que nous proposons, dont le coût cumulé – j’y insiste – est de 3,4 milliards d’euros d’ici à 2022. Ces deux mesures de financement n’entreront évidemment pas dans le calcul du bouclier fiscal.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Le prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital – le « 2 % capital », comme l’on dit – sera augmenté de 0,2 point ; il passera donc à 2,2 %. Cette augmentation des prélèvements sur l’ensemble des revenus de placement et du patrimoine, par exemple sur les dividendes, rapportera 60 % du besoin de financement de la mesure pour les mères de famille, soit 200 millions d’euros. Le complément reposera sur l’alignement du taux des prélèvements forfaitaires sur les plus-values immobilières des résidences secondaires sur celui des prélèvements applicables aux autres revenus du capital. (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Cela pèsera sur les petits propriétaires !
M. Éric Woerth, ministre. Le rendement est de 140 millions d’euros. D’un côté, nous augmentons le « 2 % capital », qui passe à 2,2 %, et, de l’autre, nous augmentons les plus-values immobilières sur la résidence secondaire, qui passeront à 19 %, comme les autres plus-values.
MM. Alain Vasselle et Christian Cambon. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Je le rappelle, ces prélèvements ne concernent que les résidences secondaires qui sont revendues après une courte durée de détention.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces deux mesures constituent un ajout essentiel de notre texte, une nouvelle avancée, majeure, de ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Elles montrent une nouvelle fois que le Gouvernement est à l’écoute,…
Mme Annie David. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Louis Carrère. Il est à l’écoute de la droite !
M. Éric Woerth, ministre. … qu’il prend en compte les inquiétudes s’exprimant non seulement dans la rue, mais aussi à l’Assemblée nationale ou au Sénat. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Caffet. Sûrement pas !
M. Éric Woerth, ministre. Enfin, elles montrent une nouvelle fois que le Gouvernement veut que son texte suive un chemin de justice de plus en plus clair pour les Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Une justice à deux vitesses !
M. Éric Woerth, ministre. Je l’ai toujours dit : faire évoluer le texte n’est en aucun cas un tabou lorsque sont proposées des mesures argumentées et financées.
Ces deux mesures qui renforcent l’équité de la réforme montrent que nous entretenons avec nombre d’entre vous un dialogue riche et constructif.
M. Jean-Louis Carrère. Pas avec nous !
Mme Annie David. Pas avec nous, ça c’est sûr !
M. Éric Woerth, ministre. Ce sont donc deux avancées majeures qui sont aujourd’hui proposées à la Haute Assemblée. Je déposerai les amendements correspondants dans la matinée.
Répondre à l’iniquité en ce qui concerne les mères de trois enfants,…
M. Jean-Pierre Caffet. Et les autres ?
Mme Annie David. Et toutes les autres mères ? Et toutes les autres femmes qui sont pénalisées ?
M. Éric Woerth, ministre. … faire en sorte que les parents d’enfants handicapés puissent continuer à bénéficier d’une retraite sans décote à l’âge de 65 ans ; voilà les propositions du Gouvernement élaborées en concertation notamment avec la majorité sénatoriale. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. M. le ministre vient de faire la démonstration de la manière scandaleuse dont les parlementaires sont traités ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Oui ! Exactement !
M. Guy Fischer. En effet, si, pendant toute la durée de ce débat, qui s’annonce très long,…
M. Alain Vasselle. Cela dépend de vous !
M. Guy Fischer. … – et nous ferons tout pour qu’il le soit –,…
Un sénateur de l’UMP. Tant mieux !
M. Guy Fischer. … nous devons, en tant que parlementaires responsables, attendre les débuts de séance pour découvrir les amendements du Gouvernement,…
M. Adrien Gouteyron. Vous voudriez qu’il n’y en eût pas ?
M. Guy Fischer. … nous disons « non » !
Mme Annie David. Non ! Ça suffit !
M. Guy Fischer. Le travail parlementaire ne doit pas se faire ainsi !
En ce moment, M. le ministre essaie de dégonfler ce qui, de plus en plus, apparaît comme la volonté des Françaises et des Français de manifester le 12 octobre leur ras-le-bol, leur désaccord, leur véritable mécontentement, car ce ne sont pas les deux mesures que vous venez de présenter…
Mme Annie David et M. Jean-Louis Carrère. Des « mesurettes » !
M. Guy Fischer. … des « mesurettes »…
M. Charles Revet. Vous le direz aux mères de famille ! Elles apprécieront !
M. Guy Fischer. Les mères de famille apprécieront, mais, que ce soit pour le problème des femmes mères de trois enfants ou pour celui des parents d’enfants lourdement handicapés, vous n’avez pas l’apanage du dialogue avec les différentes associations ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
MM. Charles Revet et Alain Vasselle. Vous non plus !
M. Guy Fischer. Vous ne l’avez pas ! Et le ministre, la majorité voudraient désamorcer ce qui est en train de monter !
Mme Isabelle Debré et M. Alain Vasselle. Pas du tout !
M. Guy Fischer. Non ! Le problème de fond, dont vous n’avez pas parlé, c’est le recul de l’âge de départ à la retraite, c’est-à-dire les 60 ans pour tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Bariza Khiari. Voilà !
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Voilà le problème ! Et aujourd’hui, de plus en plus de Françaises et de Français disent « non », notamment à cause des conditions de travail. Le recul de l’âge de départ à la retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans est également un problème mais, pour ma part, c’est la retraite pour tous à 60 ans qui reste incontournable ! (Approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. C’est irresponsable !
M. Guy Fischer. Continuez comme cela ! Pour notre part, nous entendons les Français et nous apprécions la situation. Ce que nous entendons, ce sont les multiples appels à une grève reconductible à partir du 12 octobre. Ne sous-estimez pas cela, car vous verrez que la France va se lever, la France va résister et nous relaierons le mouvement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, j’aurais souhaité, avant que M. le ministre ne prenne la parole, intervenir pour un rappel au règlement. Mais je le ferai au moment où nous voterons les amendements.
Je réagirai à mon tour, au nom de mon groupe, aux annonces – avec un tout petit « a » – que M. le ministre du travail a faites ce matin.
Tout d’abord, sur la forme, M. Woerth nous dit que la situation est injuste pour les mères de trois enfants et les parents d’enfants handicapés.
M. André Dulait. C’est vrai !
Mme Christiane Demontès. Comment se fait-il que le caractère injuste de ces mesures ne soit découvert que ce matin ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est la trouille !
M. Christian Cambon. Vous devriez plutôt être contents !
Mme Christiane Demontès. Pourquoi faut-il attendre des interventions venant de toutes les travées de cet hémicycle pour prendre de nouvelles mesures ? Pourquoi faut-il attendre le petit-déjeuner de l’Élysée…
M. Jean-Pierre Bel. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. … pour faire cette annonce ? Pourquoi faut-il attendre une mobilisation des organisations syndicales et des salariés de ce pays pour présenter ces nouvelles mesures, qui sont, en fait, non pas des avancées,…
M. Jean-Louis Carrère. Non !
Mme Christiane Demontès. … ni même des concessions, mais simplement le maintien de dispositions existant aujourd’hui ? (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, vous nous proposez non pas des avancées par rapport au projet de loi, mais seulement la suppression d’un tout petit recul ; nous ne pouvons donc vraiment pas nous en contenter ! Bien évidemment, les femmes de notre pays ne seront pas dupes de ce qui leur est proposé.
Mme Annie David. Exactement ! C’est sûr, elles ne seront pas dupes !
Mme Christiane Demontès. Par ailleurs, pardonnez-moi cette mesquinerie, mais la mesure est réservée aux femmes nées entre 1951 et 1955 sous prétexte que, pour celles qui sont nées après 1955, tous les problèmes sont réglés.
Mme Annie David. Exactement ! Seulement 130 000 femmes sont concernées, et c’est honteux !
Mme Christiane Demontès. Or nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à savoir que cela n’est pas vrai. On va donc procéder, par petits bouts, à des reculs sur ce projet de loi. Peut-être que demain, après-demain, samedi matin – sait-on jamais –…
M. Christian Cambon. Dimanche !
Mme Christiane Demontès. … ou peut-être lundi, on nous annoncera que cette mesure est étendue aux femmes nées entre 1956 et 1960. Ce n’est vraiment pas sérieux, et ce n’est pas comme cela que nous devons travailler !
Pour reprendre les propos de mon collègue Guy Fischer, franchement, on prend vraiment les parlementaires pour moins que rien ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Il y a de la part du Gouvernement et du Président de la République un mépris des représentants des Français, et donc, à travers eux, des Français eux-mêmes, et cela n’est pas acceptable.
Ces amendements qui nous sont annoncés ne sont qu’un recul du Gouvernement – voilà la réalité –,…
M. Christian Cambon. Votez contre !
Mme Christiane Demontès. … et nous continuerons à être vigilants tout au long du débat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. J’avais demandé la parole, mais les interventions de Guy Fischer et Christiane Demontès ont anticipé sur l’essentiel de ce que je voulais dire.
Le Parlement, et en particulier le Sénat, est déconsidéré par une annonce faite au dernier moment ; et quelle annonce !
Monsieur le ministre, alors que nous demandons, à l’instar des personnes qui descendent dans la rue, que soient maintenues les deux limites d’âge de 60 ans et 65 ans, vous venez nous annoncer que seules les mères de famille ayant élevé trois enfants et étant nées entre 1951 et 1955 pourront prendre leur retraite à 65 ans sans décote !
Je crains que cette annonce – une toute petite annonce – ne soit à la fois un piège et un leurre. En effet, la mesure qui avait été annoncée pour les fonctionnaires mères de famille ayant élevé trois enfants et accompli quinze ans de service a été invalidée par la Cour de justice des communautés européennes. Pour ma part, je crains donc que la mesure que vous annoncez ne soit en définitive déclarée inconstitutionnelle, et que vous disiez ensuite que vous n’y êtes pour rien !
M. Alain Gournac. Baratin !
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vraiment, on se moque de nous ! Voilà ce que je voulais dire ! Et vous pouvez compter sur nous : nous continuerons à demander les droits à la retraite à 60 ans et la disparition de la décote à 65 ans, mais pour tout le monde ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je voudrais compléter ce qui vient d’être dit par mes collègues. Monsieur le ministre, selon vous, la « mesurette » que vous nous avez présentée va concerner 130 000 mères.
Je vous rappelle que nous sommes à peu près 60 millions d’habitants en France, en incluant bien sûr les enfants, mais que la moitié de cette population, voire un peu plus, ce sont des femmes. Or vous nous parlez de 130 000 mères, et qui plus est de mères de trois enfants. Et que faites-vous de toutes les autres femmes, de toutes les autres mères de famille qui sont pénalisées dans leur carrière professionnelle, qui subissent des discriminations et dont les pensions sont aujourd’hui 40 % moins élevées que celles des pères ?
Monsieur le ministre, ne croyez pas que vous allez tout régler avec votre mesurette, dont vous voulez nous faire croire au surplus qu’elle va coûter très cher : mais vous nous donnez une valeur sur dix ans alors que, pour annoncer les nouvelles recettes, vous prenez une valeur sur une seule année ! Vous présentez donc les choses de manière trafiquée ! Vous calculez différemment le coût et les recettes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Il n’est pas juste de présenter les choses ainsi. Soit on donne une estimation des dépenses et des recettes sur dix ans, soit on procède à une évaluation sur une année. Mais on ne prend pas des mesures différentes, sinon, on truque les résultats !
Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance pour que nous ayons le temps d’examiner ces amendements. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Nous ne pouvons pas discuter en séance d’amendements dont on ne sait rien du tout, d’autant que M. le ministre nous les présente de manière tout à fait partielle.
Par exemple, s’agissant des parents d’enfants handicapés, M. Woerth ne nous a même pas dit combien de personnes seraient concernées. Il nous a parlé d’enfants « lourdement handicapés ». Mais que veulent dire ces termes ? Je me tourne vers mes collègues : le handicap est-il fixé par rapport à un certain pourcentage ? Les parents d’enfants qui auraient un taux de handicap insuffisant devront-ils travailler jusqu’à 67 ans ?
Encore une fois, ces deux mesures sont injustes, car elles entraîneront des discriminations au sein même des catégories prétendument avantagées.
Par conséquent, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance pour pouvoir étudier ces amendements. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, vous avez réussi aujourd’hui à mobiliser un fan-club important, à qui vous avez expliqué qu’il fallait considérer comme extraordinaire ce qui, dans le débat, s’apparente à la plus banale normalité.
Hier soir, la manifestation a été faite de la volonté d’entraver ici la nature du débat parlementaire… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Mille deux cents amendements !
M. Jean-Jacques Mirassou. Aujourd’hui, vous ajoutez une pièce à l’édifice en nous demandant de nous prononcer sur un texte que l’ensemble des sénateurs n’ont pas en leur possession.
J’y vois la volonté délibérée de dénaturer le fonctionnement parlementaire. Dans le même temps, en proposant ces mesures, vous continuez à passer à côté de l’expression de la rue. Au moment où nous en sommes, manifestement vous suivez la feuille de route qui vous a été donnée par l’Élysée, et, comme cela a été annoncé dans la presse, vous allez distiller encore quelques mesures susceptibles de désamorcer le conflit.
Monsieur le ministre, vous vous comportez comme un démineur à qui l’on demande de s’aventurer dans un champ de mines en le privant au préalable de sa trousse à outils. Ça va vous exploser à la figure ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, je trouve que nous sommes un peu à fronts renversés, si vous me permettez cette expression.
Je me souviens comment la majorité du Sénat s’était mobilisée pour faire de l’obstruction sur la réforme relative à la décentralisation proposée par Gaston Defferre. Et maintenant, alors que nous sommes dans l’opposition et que nous aurions peut-être, selon certains d’entre vous, la tentation d’user d’artifices,…
M. Alain Gournac. Mille deux cents amendements !
M. Jean-Louis Carrère. … c’est encore vous, la droite, qui ne reculez devant aucun de ces artifices pour essayer de nous contraindre. C’est blessant pour notre fonctionnement démocratique ! Je sais d’ailleurs que, parmi vous, certaines voix s’expriment, ici ou là, pour dire qu’elles ne sont pas vraiment d’accord avec ces méthodes.
Mais revenons au fond, qui est le plus intéressant.
Monsieur le ministre, nous jouons à un jeu scélérat. Depuis le début, vous ne pensez que communication, et nous, nous ne pensons que réforme et pérennisation du régime par répartition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Rires sur les travées de l’UMP.)
Vous nous proposez aujourd’hui ces mesures comme évidentes, généreuses, légitimes, alors qu’elles ne représentent que des « mesurettes » en termes de nombre et de financement. En outre, comment se fait-il que ces errements, lorsque l’opinion publique vous en parlait, ne trouvaient grâce à vos yeux ni hier, ni avant-hier, ni les jours précédents ?
Le porte-parole de l’UMP, M. Xavier Bertrand, nous explique à longueur de journées – comme vous, monsieur le ministre, et comme le veut la communication qui vient de là-haut –, que c’est le seul projet qui existe en France pour modifier les retraites. Il n’y en aurait pas d’autre.
Mesdames, messieurs, il en existe un autre, que je vais brièvement vous résumer.
Premièrement, en ce qui concerne les dates, pour nous, c’est clair : c’est 60 ans et 65 ans pour les raisons indiquées. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Vos arguments pour défendre les âges de 62 ans et de 67 ans – une opinion divergente de la nôtre est tout à fait respectable – se fondent sur la démographie et le financement. Eh bien, banco ! Considérons que notre pays a la capacité de financer les retraites à 60 ans et à 65 ans, et, au lieu de dénaturer nos propositions, réfléchissons à ce financement !
M. Woerth ainsi que d’autres orateurs de l’UMP balaient d’un revers de main notre démonstration sur les stock-options, en disant que ce n’est pas sérieux. Il y a 2,7 milliards d’euros d’assiette et vous inscrivez 2 milliards…
Pour ma part, je ne serais pas choqué que, sur 2,7 milliards d’euros d’assiette, alors que l’on demande un effort formidable à la nation, on en prélève 50 %. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Ensuite, en supprimant le bouclier fiscal, le complément est tout trouvé ! Cela ne soulève aucun problème !
Si vous voulez vraiment que nous discutions des modalités de financement de notre projet, qui pérennise le système par répartition, allons-y ! Ce sera un débat sérieux, et vous constaterez qu’il y a deux projets, et que le nôtre présente un intérêt. Si vous êtes sincères, c’est vers celui-là qu’il faudra se diriger. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Ce débat est parfaitement surréaliste. Je voudrais tout d’abord remercier M. le ministre de ce qu’il a annoncé voilà quelques instants. Ce n’est pas une « mesurette », puisque, chers collègues siégeant sur les travées de gauche, vous considériez hier que c’était essentiel ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. C’est faux !
M. André Lardeux. Après l’annonce de ce matin, ce n’est plus essentiel… C’est tout de même assez curieux… Ayez alors le courage de voter contre, et les choses seront claires. (Voilà ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Les Français sauront ceux qui sont pour l’amélioration, pour un peu plus de justice, et ceux qui n’en veulent pas, parce que cela ne les arrange pas ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont des mesures homéopathiques !
M. André Lardeux. Vos interventions de tout à l’heure montrent à quel point vous êtes embarrassés dans cette affaire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Vous ne savez plus comment vous y prendre.
Par ailleurs, je voudrais faire remarquer que, à l’extérieur, on nous observe. Le spectacle que vous donnez…
M. Alain Gournac. Un spectacle nul !
M. André Lardeux. … en retardant le débat sans arrêt est assez pitoyable et dévalorise considérablement le Parlement.
Mme Évelyne Didier. C’est vous qui dévalorisez le Parlement !
M. André Lardeux. Enfin, je dirai un mot, qui a déjà été prononcé il y a très longtemps : c’est un grand avantage de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser… (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.
Mme Samia Ghali. Monsieur le ministre, vous ne comprenez pas les femmes ni ne savez leur parler. On parle aujourd’hui d’avancées. En réalité, croyez-moi, c’est un recul.
Les femmes, pour certaines d’entre elles, sont obligées de rester à la maison pour garder leurs enfants. Elles le font parce qu’il n’y a jamais de place en crèche et que les autres modes de garde sont insuffisants. Ce n’est pas toujours un choix ; cette situation, qui leur est malheureusement imposée, est accentuée en raison des politiques que vous menez parallèlement.
Je voudrais évoquer les femmes qui choisissent de garder un enfant handicapé. À cet égard, je partage totalement les propos de Mme David : à quel niveau situe-t-on le handicap ? Il existe, par exemple, plusieurs degrés de trisomie. Comment décide-t-on qu’un enfant peut se débrouiller seul ou pas ? Là aussi, il y a matière à réfléchir.
J’aborderai maintenant le problème des personnes âgées. Les femmes qui ont élevé leurs enfants, qui se sont parfois occupées d’un enfant handicapé, doivent aussi veiller sur leurs parents. Ces femmes n’ont pas choisi toutes ces contraintes.
Je ne pense pas à celles qui choisissent d’élever leurs enfants à la maison et qui, une fois ces derniers emmenés à l’école, ont du temps pour aller faire du sport ou une manucure, tout cela parce que leur mari perçoit un gros salaire. Je pense à la majorité des femmes françaises qui ont du mal à arrondir les fins de mois, qui ont besoin de travailler et qui n’ont malheureusement la possibilité de faire garder ni leurs parents, ni leurs enfants, ni éventuellement leur enfant handicapé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Mon propos sera bref.
Monsieur le ministre, je pense, comme mon collègue Jean-Louis Carrère, que vous axez tout sur la communication. Je dirai même que vous êtes le ministre de la réclame : ce matin, en effet, vous nous avez fait un spot publicitaire pour les ménagères de 55 à 59 ans ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Fischer, vous êtes déjà intervenu. Je vous donnerai la parole pour un rappel au règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, j’ai le sentiment que, depuis hier, vous avez commencé à dresser un décor, une forme de mise en scène. En même temps, vous avez voulu que l’ambiance soit un peu différente dans cet hémicycle.
Nous étions entrés dans ce débat pour parler du fond,…
M. Alain Gournac. Avec les banderoles !
M. Jean-Pierre Bel. … pour essayer d’apprécier tous les aspects de la réforme que vous nous proposez. Or, nous avons très vite compris, en particulier hier soir à l’occasion de la conférence des présidents, que votre vision était un peu différente et que vous vouliez passer en force, au galop, sur un texte qui est essentiel pour la vie quotidienne des Françaises et des Français et qui mérite qu’on y passe le temps qu’il faut.
J’entends à l’instant l’un de nos collègues de la majorité nous expliquer que ce débat est surréaliste et que nous donnons aux Français un spectacle affligeant.
Les Français ne sont pas dupes ; ils ont très bien compris ce que vous étiez en train de faire. Vous essayez de nous faire croire, aujourd’hui, que le Gouvernement a avancé par rapport à ce texte. En réalité, comme vient de le dire Christiane Demontès, vous essayez de nous présenter comme une avancée le fait pour vous d’éviter juste la régression que vous vouliez imposer à l’ensemble des Françaises et des Français, notamment aux mères de famille.
Nous traitons de la question des retraites, nous ne discutons pas des aspects particuliers de la politique familiale. La façon que vous avez de préparer et de présenter les amendements, de mettre en scène, de théâtraliser les débats au Sénat, en privant l’opposition de la capacité d’apprécier vos propositions, m’amène à me joindre à la demande d’Annie David pour solliciter une suspension de séance.
M. Alain Gournac. C’est de l’obstruction !
M. Jean-Pierre Bel. Il est important que nous puissions nous-mêmes examiner ces amendements que vous avez débattus dans de petits cercles ce matin et les jours précédents. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, voilà quelques jours, en commission, vous avez soutenu, au détour d’un amendement ressemblant à celui que vous proposez aujourd’hui concernant les femmes, qu’il n’était pas raisonnable d’adopter des mesures spécifiques en faveur de ces dernières compte tenu du risque de nous voir sanctionnés par la Cour de justice des communautés européennes pour non-respect de l’égalité entre les hommes et les femmes. Vous avez également affirmé que nous prenions le risque de remettre en cause toutes les majorations tendant à réduire ces inégalités.
Mais n’est-ce pas votre but ? Ne voulez-vous pas, en fait, remettre en cause toutes les majorations tendant à réduire ces inégalités ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Votre déclaration vient au lendemain de l’annonce par de nombreuses organisations syndicales et fédérations d’un arrêt de travail long. Y a-t-il un lien de cause à effet ?
Par ailleurs, nous demandons depuis le début que ce débat soit serein. Je remarque pourtant que le Gouvernement et la majorité ne cessent de jeter de l’huile sur le feu. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Les propositions de M. le ministre sont intéressantes et méritent d’être examinées. Toutefois, elles ne supprimeront aucunement les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, ni les inégalités entre les hommes et les femmes face à l’emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Je suis un peu effarée de ce que j’entends. (Très bien ! sur certaines travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Aujourd’hui, nous travaillons dans le but de sauvegarder notre système de retraite par répartition. (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous travaillons…
M. Jean-Louis Carrère. Vous travaillez, vous ?
Mme Isabelle Debré. … pour nos enfants et nos petits-enfants. J’estime que nous devons aujourd’hui faire preuve de responsabilité.
Hier, j’ai entendu sur les ondes quelqu’un qui ne me semble pas véritablement appartenir à mon parti politique : il s’agit de M. Jean Peyrelevade.
M. Jean-Louis Carrère. Il est au MoDem !
Mme Isabelle Debré. Une question lui a été posée en ces termes : vous étiez, à l’époque, plutôt du côté de l’opposition actuelle, et vous avez fait passer la retraite à 60 ans, n’est-ce pas ? M. Jean Peyrelevade a répondu que c’était exact. Il lui a alors été demandé s’il trouvait anormal que l’on recule l’âge de départ à la retraite à 62 ans et à 67 ans. Sa réponse a été claire, nette et précise. Il a dit qu’il trouvait cela normal. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. Qu’est-ce que ça prouve ?
M. Guy Fischer. C’est son truc à lui !
Mme Isabelle Debré. Aujourd’hui, ce clivage gauche-droite est, à l’évidence, irresponsable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, qui couvrent la voix de l’oratrice.) Nous devons travailler ensemble. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je tiens à remercier M. le ministre des deux propositions qu’il nous apporte aujourd’hui. Il est vrai que la commission des affaires sociales se doit d’en débattre, pour adopter ou non ces amendements.
À titre personnel – je ne parle pas pour mes collègues, bien que je sache qu’ils feront la même chose que moi –, je voterai ces deux amendements. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) C’est justement à l’honneur du Sénat d’avoir travaillé, d’avoir proposé ces deux amendements et su convaincre le ministre du bien fondé de ces derniers.
M. Jean-Louis Carrère. Droite-droite ! Droite-droite ! Droite-droite !
Mme Isabelle Debré. Aujourd’hui, monsieur le ministre, nous tenons à vous remercier. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux que le Gouvernement annonce retenir les propositions du groupe de l’Union centriste (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)...
M. René-Pierre Signé. C’est le début du ralliement !
M. Nicolas About. Si le Gouvernement se rallie au groupe de l’Union centriste, j’en suis content !
Je suis très heureux, disais-je, que l’on prenne en compte la situation particulière des parents qui, ayant interrompu leur activité pour élever leurs enfants, se retrouvent avec un très grand décalage en termes de droits à la retraite. Toute une génération est dans ce cas. Je remercie le Gouvernement de nous avoir entendus.
Je le remercie également d’avoir entendu, de façon définitive, notre appel afin que les parents qui s’arrêtent pour s’occuper d’un enfant lourdement handicapé ne soient pas pénalisés par la décote étendue. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. C’est normal !
M. Nicolas About. Je remercie le Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Quelle mise en scène ! C’est un mauvais scénario !
M. Nicolas About. Par ailleurs, je voudrais indiquer à notre collègue qui a semblé être surprise que le ministre ait évoqué tout à l’heure l’idée que la mesure concerne les femmes que, bien entendu, cela porte sur les femmes. Mais je suppose que, compétent comme il est, le ministre fera référence dans son amendement…
M. Guy Fischer. Où est-il ?
Mme Annie David. Nous aimerions le voir !
M. Nicolas About. Il n’y aura qu’à reprendre le nôtre, qui a été déposé il y a une semaine ! C’est le même !
… je suppose, disais-je, que le ministre fera référence au « parent qui », comme nous l’imposent le droit européen et la Constitution. Chacun sait néanmoins, bien entendu, à qui nous pensons alors, puisque, lorsque l’on évoque un parent qui interrompt son activité pour s’occuper de son enfant, c’est quasiment toujours la mère qui est concernée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. On a parlé tout à l’heure du spectacle que donne le Parlement, le Sénat en particulier.
Devrions-nous être coupables de défendre des acquis sociaux mis en cause par cette loi ? Est-ce donner une mauvaise image du Parlement, pour des parlementaires, que de défendre pied à pied ce que des millions de femmes et d’hommes ont gagné au fil de l’Histoire ?
Je pense que vous avez du Parlement une idée complètement différente de la nôtre.
Depuis deux ans que je suis dans cet hémicycle, je vois les lois passer à toute vitesse. Nous avons parfois un temps réduit pour prendre position sur ces textes. Nous sommes en permanence en flux tendu.
Ce gouvernement, depuis qu’il est en place, donne à mon avis du Parlement une image catastrophique !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Je tiens à dire à ma collègue que l’image du Parlement est rehaussée lorsque les parlementaires discutent, lorsqu’ils donnent et défendent des arguments.
M. Nicolas About. Vous vouliez un référendum, hier ! Vous vous moquez du monde !
M. Martial Bourquin. À tout moment, sur des questions comme celle-là, nous nous faisons honneur en défendant ce que pense la majorité des Français.
J’ai entendu M. About à l’instant. Je vois bien quelle stratégie se met en place. Au Sénat, il y aurait une ouverture concernant les femmes...
M. Nicolas About. Pas seulement !
M. Martial Bourquin. Nous aurions un peu « sauvé les meubles » s’agissant de la retraite à 60 ans. Se moque-t-on du monde dans cette salle ?
Mme Annie David. Bien sûr !
M. Nicolas About. Cela n’a rien à voir avec la retraite à 60 ans !
M. Martial Bourquin. Pensez-vous un seul instant que ces trois millions de personnes dans la rue – ainsi que ceux qui n’y étaient pas mais qui pensent comme elles – et que plus de 60 % de Français de tous bords veulent cela ? Ils veulent que nous rediscutions la réforme des retraites de fond en comble. Cela doit être fait à partir de l’idée de justice, de l’idée de solidarité. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)
Comment est-il possible, dans un pays comme le nôtre, qu’il y ait, d’un côté, ce bouclier fiscal et ces stock-options et que, d’un autre côté, l’on pousse le cynisme à proposer que des gens qui travaillent très dur, qui parfois font les 3x8 et ont des métiers difficiles, aient une carte d’invalidité ? Alors que l’on sait très bien qu’existent des métiers difficiles par essence, et qui devraient être reconnus comme tels !
M. Nicolas About. Ils le sont !
M. Martial Bourquin. Sur cette question des retraites, le Gouvernement met vraiment en relief son esprit complètement antisocial.
Je suis convaincu qu’il est encore temps de rediscuter de fond en comble cette réforme. Il est temps, enfin, d’aborder la question du financement des retraites autrement que par un allongement de la durée de cotisation. (Protestations sur certaines travées de l’UMP.)
Je suis originaire d’un grand bassin d’emploi industriel, et je vois des personnes qui travaillent très dur. Nous savons parfaitement que ces personnes ont une espérance de vie moins longue que les individus appartenant à certaines couches sociales. Pour ces gens, apprendre qu’ils vont travailler deux années de plus est un drame !
Mme Annie David. Absolument !
M. Nicolas About. Vous n’avez pas le monopole du cœur !
M. Martial Bourquin. Ce sont deux bonnes années de retraite dont ils ne profiteront pas. Ces deux années leur apparaissent comme un spectre.
Je souhaiterais que nous ne caricaturions pas le débat. Ce qui est en cause aujourd’hui, ce n’est pas la volonté de certains de mener une réforme des retraites alors que d’autres s’y opposent. Ce que nous voulons, c’est une autre réforme des retraites ! Une réforme qui soit juste, solidaire, et qui touche vraiment, enfin, aux véritables leviers de financement. Il n’est pas possible qu’une réforme soit financée à 85 % par les salariés !
Il y a un an et demi, tout le monde voulait taxer les banques ; or cela n’est toujours pas fait. Tout le monde voulait taxer les bonus, les stock-options et les retraites chapeaux ; or cela n’est toujours pas fait !
Va-t-on enfin traiter ces vrais problèmes ? Pourquoi ne sont-ils pas abordés ? Tout simplement parce que ce gouvernement a décidé d’être le gouvernement des possédants (Rires au banc des commissions.),...
Mme Annie David. Bien sûr ! Ça vous embête !
M. Martial Bourquin. ... et jamais celui du peuple, de ceux qui travaillent dur, qui souffrent au travail et veulent une retraite bien méritée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Avant d’entrer au Sénat voilà quelques mois, je me faisais – sans doute à tort – une certaine image des relations entre le Parlement et le Gouvernement. Je pensais que la Haute Assemblée était un lieu de débat et d’avancée démocratique.
Alors que j’enseignais l’éducation civique, j’apprenais à mes élèves le rôle de l’Assemblée nationale et du Sénat. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. Malheureusement, il y a loin de la théorie à la réalité. Je découvre aujourd’hui le mépris clairement affiché avec lequel vous traitez les élus de l’opposition. On parlait tout à l’heure de surréalisme ; pour ma part, je parle de stupéfaction : vous n’avez qu’une volonté, abaisser le Parlement et priver l’opposition de ses moyens d’expression !
M. Christian Cambon. Il n’y a que vous qui parlez !
Mme Annie David. Levez la main, prenez le micro !
M. Ronan Kerdraon. Que dire quand nous découvrons en séance ces prétendues avancées, qui ne sont, finalement, que la non-suppression de droits acquis ?
Oui, il faut réformer notre système de retraite, mais certainement pas de cette façon. La réforme de notre système de retraite fait partie de ces sujets qui nécessitent un consensus national. En effet, une telle réforme engage sur le long terme et implique par conséquent un temps long de concertation avec les syndicats et le Parlement. Il ne s’agit pas simplement de jouer le « télégraphiste de l’Élysée ».
Il faut arriver à un diagnostic partagé, à des compromis collectifs ! Négocier, monsieur le ministre, n’est synonyme ni de consulter, ni d’informer, ni d’imposer.
Vous n’avez pas fait un tel choix. Vous avez escamoté le débat avec les partenaires sociaux et tronqué ce même débat à l’Assemblée nationale. Vous vous lancez ici dans la même opération. Nous dénonçons cette posture !
Sans doute, de l’échec ou de la réussite de votre stratégie dépendront peut-être la fin du quinquennat, voire la candidature ou la réélection de Nicolas Sarkozy. Voilà la raison pour laquelle depuis plusieurs mois, le gouvernement auquel vous appartenez met toutes ses forces dans la bataille médiatique. Journaux, télévision et radio nous livrent un message unique. (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
La réforme est un passage obligé pour sauver notre régime par répartition. Elle n’a qu’un postulat : puisque l’on vit plus longtemps, il est normal de travailler plus longtemps. C’est scandaleux !
À l’heure où le chômage des jeunes explose et où les seniors sont remerciés bien avant l’âge de 60 ans, nous voyons bien que l’enjeu n’est pas là. Où est-il alors ?
Ne cherchons pas trop longtemps. Le Gouvernement et le MEDEF s’entendent comme larrons en foire pour favoriser un régime par capitalisation favorable aux assurances.
D’autres solutions existent. Jean-Pierre Bel l’a dit hier, Christiane Demontès l’a très bien exprimé l’autre jour.
Si vous nous en laissez le temps, nous vous expliquerons, pendant ce débat, comment il est possible de conserver et de financer notre système de retraite par répartition. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, n’imaginez pas que les mesures que vous venez de nous annoncer permettront de régler le problème des femmes de notre pays !
Les femmes de France qui ont interrompu leur carrière professionnelle pour élever leurs enfants ne sont pas 130 000 et ne sont pas toutes nées au cours des années visées par votre amendement ; les femmes de ce pays qui recherchent une place d’accueil pour leur enfant sont bien plus nombreuses que les 130 000 concernées par cette annonce !
Mme Annie David. Bien évidemment !
Mme Claire-Lise Campion. Nous savons tous ici quelle est la situation de ces femmes qui, faute de trouver un mode de garde à la veille de reprendre leur activité professionnelle, doivent se résoudre à rester à la maison, n’ayant d’autre choix possible. Aussi, monsieur le ministre, donnons véritablement les moyens aux familles de notre pays de trouver des solutions pour concilier vie familiale et vie professionnelle.
Comment pouvez-vous vous imaginer que nous pourrions nous contenter de cette annonce, ou, plus exactement, de cette « réclame » de dernière minute ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Franchement, monsieur le ministre, le moins qu’on puisse dire, c’est que vous engagez bien mal la discussion de ce texte devant le Sénat si l’on en juge tant par le comportement que vous avez adopté depuis le début de nos débats que par les « révélations » que vous faites ce matin.
M. Jean Desessard. Une annonce publicitaire !
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne reviendrai pas sur la provocation de la conférence des présidents, qui a causé l’incident d’hier soir. En revanche, l’absence de toute réponse de votre part à l’opposition me semble révélatrice à plusieurs égards.
Mme Gisèle Printz. Absolument !
M. Jean-Pierre Caffet. D’abord, alors que nous avons été nombreux à nous exprimer sur l’article 1er,…
M. René-Pierre Signé. Il n’écoute même pas !
M. Jean-Pierre Caffet. … souvent par des interventions de fond, vous n’avez pas daigné revenir sur nos propos, ni même nous répondre, encore moins exprimer votre avis sur les amendements que nous avions présentés.
Ensuite, vous persistez aujourd’hui dans ce mépris de l’opposition par vos déclarations et vos annonces. Celles-ci sont révélatrices de votre peur, monsieur le ministre : vous avez peur du mouvement social, vous avez peur de son ampleur, vous avez peur de sa durée et, le cas échéant, de sa radicalisation ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, la méthode purement comptable et financière que vous avez employée, dès le départ, pour engager cette réforme des retraites est un troisième révélateur. En réalité, vous avez les yeux rivés sur la chronique des déficits publics, et la seule question qui vous importe est de savoir comment vous pourriez les combler,…
M. Christian Cambon. Cela, ce n’est pas votre souci !
M. Jean-Pierre Caffet. … sans toucher, bien évidemment, aux revenus du capital ou du patrimoine.
Cette méthode transparaît clairement à travers les annonces que vous avez faites ce matin. Depuis le début, vous suivez une logique comptable et financière et, parce que vous commencez à avoir peur du mouvement social, il semble que vous vous demandiez ce que vous pourriez bien bricoler avec quelques millions ou quelques milliards d’euros. C’est ainsi que vous sortez de votre chapeau quelques mesurettes qui ne règlent en rien le problème de fond de cette réforme, à savoir son injustice, et même son iniquité.
Ce n’est pas en procédant à du bricolage permanent pour tenter de calmer le mouvement social que vous vous en sortirez, monsieur le ministre !
Soyez rassuré : nous serons présents jusqu’à la fin de ce débat, qui s’annonce long, pour défendre nos propositions et vous rappeler quelle serait la bonne réforme à mener. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Comme Jean-Pierre Caffet vient de le souligner, vous ne comprenez finalement qu’un seul langage, monsieur le ministre : celui du rapport de force ! C’est l’annonce par les organisations syndicales d’un blocage possible du pays qui vous fait réagir.
Vous nous présentez les mesurettes que vous venez de nous annoncer comme des avancées. C’est faux ! D’une part, elles ne concerneront que certaines femmes ; d’autre part, elles visent simplement à maintenir l’existant. En réalité, il s’agit là d’un recul, voire d’une régression pour l’ensemble des femmes de notre pays. Par cet écran de fumée, vous pensez leur faire oublier les seuils de 62 et 67 ans : les mères de famille ne seront pas dupes !
Pour notre part, nous disons qu’une vraie réforme, justement financée, est possible. Mais, vous qui êtes les théologiens du marché et les mandants de vos amis du Fouquet’s (Marques d’approbation sur les travées socialistes. – Protestations sur les travées de l’UMP.),…
M. Jean-Jacques Mirassou. Elle a raison !
Mme Bariza Khiari. … vous ne pouvez même pas imaginer qu’une retraite justement financée est possible.
M. François Trucy. Changez de disque !
Mme Bariza Khiari. Ce sont encore les mêmes qui vont trinquer !
Votre projet n’est qu’une somme d’ajustements comptables et paramétriques. Votre prétendue réforme est brutale, inefficace et injuste.
Nous prenons maintenant à témoin les Français, et ils savent que nous avons une conception bien différente de la justice sociale et de ce qu’est une réforme juste.
Nous continuerons, au cours du débat, à leur dire qu’une autre réforme, justement financée, est possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Ce matin, Christiane Demontès et plusieurs de nos collègues se sont exprimés avec force et précision sur le fond.
Pour ma part, je voudrais insister sur la forme que prennent nos débats.
La démocratie reconnaît à chacun le droit d’avoir ses propres opinions. Elle ne peut fonctionner si la majorité, qui aura de toute façon toujours le dernier mot, ne respecte pas l’opposition.
Nous n’acceptons pas le mépris de la majorité pour l’opposition – l’intervention de M. Lardeux en constitue une parfaite illustration –, le mépris de la droite pour les propositions du parti socialiste – vous les tournez en dérision alors qu’il s’agit de solutions concrètes, qui ne font pas l’impasse sur le financement –, le mépris du Gouvernement pour le Parlement.
Les méthodes du Gouvernement sont grossières, invraisemblables, exclusivement fondées sur des stratégies électorales. Elles sont le fait d’un pouvoir concentré entre les mains de quelques-uns, en un seul lieu, qui n’écoute que ses amis de la haute finance, d’un pouvoir où les limites de l’exécutif, du législatif et même du judiciaire deviennent de plus en plus floues, d’un pouvoir qui a réduit le rôle du Premier ministre à celui d’un collaborateur et qui souhaiterait bien faire du Parlement une simple chambre d’enregistrement.
Nous ne nous laisserons pas faire et nous défendrons ici les droits de la démocratie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Christian Cambon. Combien reste-t-il d’intervenants ?
M. Jacky Le Menn. J’ai l’impression d’être dans un magasin de farces et attrapes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La farce, c’est votre arrivée solennelle ce matin, monsieur le ministre, avant que vous ne preniez immédiatement la parole, comme si vous alliez faire de grandes annonces. Or ceux qui, comme la plupart d’entre nous, lisent attentivement la presse savaient depuis plusieurs jours que, dans le droit fil de sa stratégie de communication, le Gouvernement procéderait de la sorte.
L’attrape – en l’occurrence, il conviendrait plutôt de parler d’attrape-nigaud, les nigauds étant les sénateurs, plus particulièrement ceux de l’opposition –, c’est de faire apparaître comme une grande avancée ce qui, en substance, n’est jamais qu’une stratégie de jeu de go, conforme aux principes de Sun Tse, qui consiste à opérer un petit recul stratégique destiné à masquer les réelles ambitions, à savoir le grand recul organisé sur l’ensemble du système de retraites, pour des raisons financières et comptables.
Bien sûr, après ce petit recul, on crie victoire, et nos collègues centristes applaudissent des deux mains, en dignes troupes supplétives !
Vous n’avez eu guère de mal à trouver ce matin quelques milliards d’euros pour financer vos annonces. Pourtant, si vous aviez consulté les programmes de la gauche, vous auriez trouvé bien des ressources à mobiliser. Nous nous usons à vous le répéter depuis des semaines !
Lors de la discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, nous avons eu l’occasion de dire qu’il existait d’autres modes de financement, mais nous n’avons pas été entendus. De même, s’agissant des retraites, nous sommes confrontés à un problème essentiellement comptable, pour lequel nous avons des solutions, solutions que vous ne voulez pas regarder en face.
Ce que vous proposez est certes bon à prendre pour les femmes nées entre 1951 et 1955. Il s’agit toutefois non pas d’une avancée, mais simplement d’un retour au point de départ. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. En effet, le débat n’avance pas !
M. Jacky Le Menn. Des millions de femmes continueront d’être dramatiquement pénalisées ! (Mmes Christiane Demontès et Bariza Khiari applaudissent.)
Il en est de même des personnes handicapées.
À notre demande, après un travail de fond conduit par notre groupe, un débat sur le handicap s’est tenu dans la petite salle cachée, au sous-sol du Sénat. L’ensemble des associations que nous avions reçues à cette occasion nous avaient fait part de leur opposition à toute régression en matière de retraites. Elles souhaitaient au contraire aller de l’avant, aussi bien pour les familles que pour les travailleurs handicapés eux-mêmes.
Après avoir voulu enfermer l’ensemble du monde du handicap dans cette réforme, vous vous rendez compte subitement de l’iniquité de cette mesure. Il vous en faut du temps pour réfléchir ! (Rires et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.) Il était pourtant de notoriété publique que le monde du handicap était vent debout contre cette proposition.
Cessons de jouer, monsieur le ministre !
Deux points sont essentiels à nos yeux. Le premier, c’est le maintien de l’âge légal de la retraite à 60 ans.
M. Christian Cambon. Ce n’est pas ce que dit Strauss-Kahn ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP renchérissent.)
M. Jacky Le Menn. Je ne suis pas Strauss-Kahn, je suis Le Menn ! Lui, c’est lui ; moi, c’est moi !
Le second point essentiel à nos yeux, c’est le maintien de la retraite sans décote à 65 ans pour l’ensemble des travailleurs de notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Vous devriez écouter Boutih, Collomb ou Aubry, ainsi que Strauss-Kahn, votre champion !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Au cours de son intervention, M. About nous a renvoyés à l’amendement que le groupe de l’Union centriste avait déposé sur la question du handicap.
Nous sommes dans une situation surréaliste puisque nous ne disposons toujours pas des amendements du Gouvernement, ce qui est particulièrement inacceptable. C’est la raison pour laquelle je réitère la demande de suspension de séance formulée voilà quelques instants, au nom de notre groupe, par Mme David.
Le Gouvernement et sa majorité, dans leurs interventions, utilisent les mots « lourdement handicapé ». Mes chers collègues, cette notion ne peut demeurer approximative et il conviendrait donc de la préciser si l’on veut éviter d’en réduire considérablement le bénéfice au seul profit d’une minorité de parents.
M. Nicolas About. N’anticipez pas !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est peut-être le but visé…
Pour notre part, nous avions déposé un amendement n° 36 qui avait le mérite d’être clair. Celui-ci prévoyait que « les assurés ayant interrompu leur activité professionnelle pour assumer la charge d’un enfant handicapé qui atteignent l’âge de 65 ans » ne sont pas concernés par le report de l’âge de départ à la retraite sans décote à 67 ans.
Nous n’avons pas attendu que les débats commencent pour déposer cet amendement. Nous avons joué la carte de la transparence, sans doute parce que nous considérions que la question du handicap et de sa compensation ne devait pas faire l’objet d’une manipulation médiatique. Si vous vouliez réellement aider les parents qui ont fait le choix de réduire ou d’arrêter leur activité pour s’occuper de leur enfant handicapé, il fallait alors le faire au moment du passage de ce texte devant l’Assemblée nationale, ce dont vous vous êtes bien gardés.
Ces deux « mesurettes », ces deux annonces, sont, en raison de la procédure que vous avez utilisée, des effets de manches qui ne sont pas dignes – je le dis avec solennité – de notre démocratie et des enjeux pour les parents d’enfants handicapés.
Encore une fois, notre groupe demande une suspension de séance et nous attendons que l’on nous réponde.
M. le président. Comme vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer, je suspendrai la séance quand il me plaira. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cela fait des heures et des heures que nos collègues de l’opposition nous font la leçon…
M. René-Pierre Signé. Vous en avez besoin !
Mme Annie David. Cela change un peu !
M. Philippe Dallier. … et, en l’occurrence, il est vrai qu’ils sont excellents ! Tout ce que nous leur souhaitons, c’est de rester longtemps dans l’opposition afin de pouvoir effectivement continuer à progresser dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Alain Fauconnier. Oui, on en reparlera aux cantonales !
M. Philippe Dallier. La vérité sur ce dossier est simple et elle est bien connue : vous n’avez jamais – je dis bien « jamais » – osé proposer la moindre modification du régime des retraites lorsque vous étiez aux affaires ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. C’est votre seule réponse !
M. Philippe Dallier. Michel Rocard, qui avait effectivement travaillé sur ce dossier, avait préféré le repousser, l’estimant trop compliqué.
M. Roland Courteau. C’est faux !
M. Philippe Dallier. Lorsque vous étiez aux affaires, voilà une dizaine d’années, vous aviez créé le fonds de réserve pour les retraites, dont on sait ce qu’il en est aujourd’hui… (Protestations indignées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous le pillez !
M. Philippe Dallier. Il devait, en 2020, disposer de 150 milliards d’euros.
M. Guy Fischer. Qui le siphonne ?
M. Philippe Dallier. Mais, parce que la crise est passée par là, il ne disposera au mieux que de 70 milliards d’euros. Vous le savez bien !
Alors que vous n’avez presque jamais agi,…
Mme Bariza Khiari. Quelle honte !
M. Philippe Dallier. … vous expliquez aujourd’hui aux Français – c’est le plus grave – qu’il n’est pas nécessaire de faire quoi que ce soit…
M. Martial Bourquin. C’est faux !
M. Philippe Dallier. … et, surtout, que l’on pourrait ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le véritable débat se situe entre, d’une part, ceux qui ont le courage de dire aux Français que nous avons collectivement, depuis trente ans, accumulé 1 500 milliards d’euros de dettes, que notre système de retraite est déséquilibré et que, si nous ne faisons rien, nous finirons comme l’Irlande, la Grèce ou l’Espagne, et, d’autre part, vous, qui n’avez pas ce courage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous voulez leur faire croire, en toute irresponsabilité, messieurs les donneurs de leçons,…
Mme Raymonde Le Texier. C’est vous qui donnez des leçons !
M. Philippe Dallier. … que nous pourrions sans cesse augmenter les prélèvements pour garantir ce système. Vous savez que ce n’est pas possible et, pourtant, vous soutenez le contraire !
Alors, messieurs, nous en avons marre de vos leçons ! (Vociférations sur les travées du groupe socialiste.) Venons-en au fond, discutons des propositions du Gouvernement : elles sont intéressantes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, la France nous regarde ; nous sommes le Sénat, nous ne sommes pas l’Assemblée nationale. Permettez à un sénateur qui a trente-trois ans de maison et qui parle d’expérience de vous inviter à vous respecter les uns les autres et à savoir raison garder dans ce débat aussi important. Ce sera plus agréable pour tout le monde. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur Dallier, ce n’est pas en haussant le ton que l’on donne de la force à ses arguments !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Sans verser dans la tautologie – mais, puisqu’il ne semble pas nous entendre, il faut bien lui répéter les choses et enfoncer le clou –, je voudrais redire à M. le ministre que sa réforme est injuste et que les Français ne l’acceptent pas, car elle est inacceptable.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. René-Pierre Signé. Il ne peut en douter, parce qu’il voit forcément la masse des manifestants dans les rues.
M. About voudrait nous faire croire que nos propos d’aujourd’hui sont contradictoires avec la demande que nous avons faite hier de soumettre ce projet de loi à référendum.
M. Nicolas About. Ah oui !
M. René-Pierre Signé. Si nous avons été obligés de déposer cette motion, c’est parce que vous ne voulez pas écouter le Parlement !
M. Nicolas About. Ah bon ? Vous écoutez le Parlement, vous ?
M. René-Pierre Signé. Si vous écoutez le Parlement, vous écoutez le peuple !
M. Nicolas About. Hier, vous ne vouliez pas écouter le Parlement !
M. René-Pierre Signé. Monsieur Dallier, c’est nous qui avons fixé l’âge de la retraite à 60 ans, ce que vous avez toujours refusé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Eh oui!
M. Nicolas About. Non, ce n’est pas le Parlement !
M. René-Pierre Signé. Cette réforme a été approuvée. Aussi, pourquoi ne pas organiser un référendum pour demander aux Français s’ils souhaitent la conserver ?
M. Jean Desessard. Oui !
M. Christian Cambon. Ben voyons !
M. Nicolas About. Vous voulez demander aux Français s’ils veulent la retraite à 55 ans ?
M. René-Pierre Signé. Ne caricaturez pas nos propos !
Monsieur le ministre, comme l’ont expliqué très brillamment les orateurs de mon groupe et ceux du groupe CRC-SPG, nous ne sommes d’accord ni sur le financement, bien entendu, ni sur l’âge de départ à la retraite, ni sur la question de la pénibilité, ni sur l’avenir réservé aux jeunes, aux plus âgés et aux femmes, puisque c’est de cela qu’il est question en cet instant.
Faire reculer l’âge de la retraite, aujourd’hui fixé à 60 ans, revient à pénaliser plus longtemps ceux qui ne sont plus en activité avant 60 ans, souvent des femmes. Celles-ci auraient été les oubliées de ce projet de réforme si nous n’avions pas stigmatisé votre volonté de les mettre à l’écart ; elles auraient été les victimes de vos agissements.
Faut-il rappeler que l’augmentation du taux d’emploi des plus de 50 ans conditionne la viabilité de toute politique en matière de retraite ?
En fin de compte, monsieur le ministre, votre projet instaure une redistribution à l’envers : ce sont les ouvriers et les employés, des femmes surtout, qui devront payer pour que les cadres puissent continuer à prendre leur retraite comme précédemment. De plus, nous ne pouvons ignorer que certaines personnes atteignant l’âge de 60 ans sans avoir une durée de cotisation suffisante préféreront partir à la retraite avec une décote, car elles seront épuisées par le travail. Là encore, ce seront surtout des femmes.
Monsieur le ministre, votre projet, nous l’avons dit, est profondément injuste puisque les plus modestes, voire les plus méritants, qui devraient bénéficier d’une plus grande protection, devront en fait payer pour ceux qui ont eu des carrières plus faciles. Peut-on appeler cela la solidarité ?
M. René-Pierre Signé. N’est-il pas particulièrement cynique de miser sur le fait que certaines personnes partiront plus tôt qu’à l’âge légal, donc avec une décote et une pension encore plus faible que celle qu’elles peuvent percevoir actuellement, afin de réduire en partie les problèmes financiers de notre système de retraite ?
Votre projet, outre qu’il est scandaleux, indécent et socialement inacceptable, est une nouvelle illustration des mensonges du Président de la République, qui avait promis de ne pas toucher à l’acquis de la retraite à 60 ans.
Le mépris et l’hypocrisie dominent votre politique, et c’est ce que nous combattons au nom de tous ceux que vous lésez chaque jour davantage. Nous ne sommes pas seuls à combattre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. À ceux de nos collègues qui, dans cet hémicycle, croient encore que ce sont les parlementaires qui font la loi, je ne saurais trop leur conseiller de consulter le site nouvelobs.com, sur lequel on peut lire le titre de cette dépêche, tombée à dix heures vingt et une : « Les préavis de grève illimitée se multiplient. » Puis, dernière minute : « Nicolas Sarkozy demande un amendement en faveur de certains parents. » CQFD ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Où est Nicolas Sarkozy ? (Sourires.)
Mme Raymonde Le Texier. Tout a été dit, et tout mérite d’être entendu ; aussi, je ne prolongerai pas le débat. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l’UMP.) Mais présenter comme une véritable avancée et comme un scoop les deux amendements que vient de nous présenter M. le ministre est un peu méprisant pour nous et pour les Français, car ces mesures étaient sous le coude, annoncées largement par la presse depuis des semaines.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est donc pas une surprise.
Ainsi, devant la multiplication des préavis de grève, Nicolas Sarkozy demande que soient déposés des amendements en faveur de certaines catégories de personnes. Finalement, si le Gouvernement entendait enfin ce qui se passe dans la rue, s’il entendait la colère des Français, ce serait plutôt bien ; mais il se trompe en pensant que les Français se contenteront de ces fausses mesurettes, de ces mesurettes placebos, alors qu’ils vous demandent de mettre fin à cette politique injuste qui consiste à toujours faire payer les mêmes, avec leurs deniers, mais aussi avec leur force de travail, quitte à y laisser leur santé physique et psychologique. Les Français ont le sentiment de ne pas exister pour ce gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Philippe Dallier. Non, c’est vous qui nous la faites !
M. Charles Revet. C’est en effet l’inverse !
M. Christian Cambon. Il n’y a que vous qui faites la leçon !
M. Claude Bérit-Débat. Il nous fait même une leçon de morale en nous reprochant de n’avoir rien fait jusqu’à présent et en nous demandant quelles sont nos propositions.
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas une explication de vote !
M. Claude Bérit-Débat. Il faut dire que, dans la mesure où vous n’êtes que trois ou quatre à intervenir, on ne vous entend pas beaucoup, mais tout le monde aura compris que nous sommes dans le registre de la comédie la plus totale,…
MM. François-Noël Buffet et François Trucy. Ah oui !
M. Claude Bérit-Débat. … de la communication et de la réclame – et le mot est faible.
De fait, on est en droit de se poser quelques questions. M. le ministre nous annonce ce matin que le Gouvernement dépose deux amendements, qui seront examinés tout à l’heure par la commission des affaires sociales. Autrement dit, il prend tout d’un coup conscience que les mesures contenues dans son projet de loi sont injustes, pour reprendre les propres termes de M. le ministre, à la fois pour les femmes qui ont eu au moins trois enfants – mais il ne vise que les femmes nées entre 1951 et 1955 – et pour les parents d’enfants lourdement handicapés – mais il ne précise pas le type de handicap concerné par la disposition qu’il propose.
Or, comme l’a dit Jacky Le Menn, nombre d’associations représentant le monde du handicap, que nous avons reçues au Sénat et que nous recevons régulièrement dans nos permanences, attirent notre attention, au-delà du problème des retraites, sur la situation dramatique des personnes handicapées et de leurs familles. Je le répète, nous sommes dans le registre de la communication.
Incontestablement, cette annonce n’est pas étrangère à la montée en puissance de la contestation sociale, dont se font l’écho un certain nombre de médias.
Jusqu’à présent, vous êtes demeurés insensibles, aveugles et sourds à ces millions de personnes, à la fois des travailleurs, des jeunes, des mères de famille…
M. Jean-Jacques Mirassou. Des retraités !
M. Claude Bérit-Débat. … et même des retraités, qui, en posant la question des retraites d’une façon tout à fait différente, souhaitent ouvrir les yeux du Gouvernement.
Par ailleurs, la caricature que vous dressez de l’opposition est vraiment inacceptable. Vous prétendez que celle-ci n’a rien fait dans ce domaine et qu’elle ne formule pas la moindre proposition. Je ne reviendrai pas sur les avancées qui peuvent être mises à notre actif, mais permettez-moi de vous rappeler la plus importante, que René-Pierre Signé a d’ailleurs évoquée : la retraite à 60 ans ! Nous sommes fiers d’avoir soutenu et obtenu, grâce à François Mitterrand, cette avancée essentielle. (M. Jacques Gautier s’exclame.)
Quant à nos propositions actuelles, elles ont été développées, au cours de la discussion générale, par nos collègues Christiane Demontès et Jean-Louis Carrère. Voilà qui montre bien que nous voulons réformer le système des retraites, mais surtout pas en adoptant vos propositions !
D’abord, il est injuste – nous le répéterons tout au long des débats – de faire supporter 85 % du financement de cette réforme aux salariés, sans toucher aux revenus du capital et du patrimoine.
Si vous prenez le temps de prendre connaissance de nos propositions, vous verrez que le financement que nous proposons est équilibré…
M. Jean-Jacques Mirassou. Et pérenne !
M. Christian Cambon. Lequel ?
M. Claude Bérit-Débat. … dans la mesure où il repose sur trois piliers. Je ne m’étendrai pas davantage ici, car nous aurons l’occasion d’y revenir.
Ensuite, contrairement à la nôtre, la réforme que vous proposez n’est pas pérenne et nécessitera un nouvel examen après 2018.
Enfin, et moi-même et mes collègues le répéterons tout au long de ce débat, cette réforme est injuste, car vous faites fi non seulement des femmes, qui en sont les laissées-pour-compte, mais également des travailleurs ayant des carrières longues ou exerçant leur activité dans des conditions pénibles.
La majorité ferait bien de nous écouter, car nous sommes là pour proposer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous allons certes continuer à discuter du fond de cette réforme,…
M. Christian Cambon. Vous ne voulez pas discuter !
M. David Assouline. … mais permettez-moi de m’attarder de manière un peu solennelle sur la forme, et ce par respect pour notre fonction, qui est la même, que l’on appartienne à la majorité ou à l’opposition.
On voudrait nous habituer à certaines pratiques, mais je rappelle aux plus anciens d’entre nous – moi, je ne siège dans cette enceinte que depuis quelques années – qu’il n’est pas normal, dans une démocratie parlementaire, d’apprendre un matin, à dix heures cinq, en plein débat, au travers d’une dépêche de l’AFP en provenance de l’Élysée, et alors que le Parlement est en session plénière, alors que la commission saisie au fond a travaillé sur ce projet de loi et que nos concitoyens sont, eu égard à l’importance de la réforme, plus attentifs encore à nos débats, que Nicolas Sarkozy a demandé que soient déposés deux amendements, l’un en faveur des mères de trois enfants ou plus, l’autre au profit des mères d’enfants handicapés ! Cette information nous provient directement de l’Élysée, qui n’a même pas fait semblant de passer par d’autres canaux !
Un sénateur du groupe socialiste. Les ministères !
M. Jean-Pierre Godefroy. Et le Premier ministre ? À quoi sert-il ?
M. Roland Courteau. C’est la débandade !
M. Christian Cambon. Vous devriez être contents de cette annonce !
M. David Assouline. Et seulement quelques minutes plus tard, une seconde dépêche nous parvient ! Voilà une manière bien cavalière de traiter la représentation nationale ! M. Woerth est devant le Sénat pour discuter de ce projet de loi et c’est l’Élysée qui nous propose deux amendements !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut réunir la commission !
M. David Assouline. C’est du jamais vu !
Mme Isabelle Debré. Qu’est-ce que cela peut vous faire ? Cela ne vous empêche pas de voter ?
M. David Assouline. Mes chers collègues, consultez les annales du Parlement pour savoir si l’Élysée a jamais agi avec une telle outrance !
Sérieusement, ces mesures coûtent de l’argent. L’article 40 de la Constitution sera-t-il opposé à ces amendements comme il l’est chaque fois aux propositions que fait la gauche ?
M. François Marc. Eh oui !
M. François Trucy. Vous ne comprenez rien !
M. David Assouline. La seconde dépêche de l’AFP en provenance de l’Élysée…
M. Christian Cambon. Vous l’avez déjà dit !
M. David Assouline. … nous apprend que ces mesures seront financées par de nouvelles recettes à hauteur de 3,4 milliards d’euros, grâce à une augmentation de 0,2 % des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et à un alignement du taux des prélèvements forfaitaires sur les plus-values immobilières des résidences secondaires sur celui des prélèvements applicables aux autres revenus du capital.
Les salariés qui se sont mobilisés ne manqueront pas d’entendre ce message, et nous les appelons vivement à l’entendre : puisque vous êtes parvenus à trouver 3,4 milliards d’euros, pourquoi donc ne serait-il pas possible de dégager des moyens supplémentaires en taxant les revenus du capital pour maintenir l’âge légal de la retraite à 60 ans ?
Mme Brigitte Bout. Oh !
M. David Assouline. Certes, cette annonce procède d’une manœuvre, mais elle constitue aussi un encouragement.
M. Alain Fauconnier. Bravo !
M. David Assouline. Quand les Français manifestent, on trouve, en une nuit, 3,4 milliards d’euros ! C’est donc qu’il vous est possible de trouver plus encore pour des catégories autres que les mères de famille ou d’enfants handicapés, et ce par souci de justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
Je pense notamment à tous les salariés ayant commencé à travailler à 18 ans, qui, bien qu’ils totalisent 41,5 annuités de cotisation, devront néanmoins travailler 44 ans, puisque vous leur « volez » la surcote dont ils auraient pu bénéficier ! Voici ce que nous voulons : le droit !
Par ailleurs, je veux dire à notre collègue Philippe Dallier qu’il n’est pas convenable de nous parler avec autant de violence ! (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Dallier. Écoutez-vous !
M. le président. Je vous en supplie, mes chers collègues, ne vous interpellez pas !
Monsieur Assouline, le temps de parole qui vous a été imparti est presque épuisé. Je vous demande de conclure.
M. David Assouline. Monsieur le président, j’ai été souvent interrompu ! Je resterai respectueux tant que l’on me respectera !
Monsieur Dallier, dans le débat relatif au Grand Paris, je vous ai entendu vous révolter quand l’exécutif niait la liberté des parlementaires.
M. René Beaumont. Votre temps de parole est épuisé !
M. David Assouline. Or, du fait de votre appartenance à la majorité, vous êtes plus écouté que nous, monsieur Dallier !
M. le président. Concluez, mon cher collègue !
M. David Assouline. Je termine, monsieur le président.
M. René Beaumont. C’est fini !
M. David Assouline. Pourtant, vous vous êtes révolté ! (M. Jacques Gautier martèle son pupitre.)
Aussi, nous appelons l’ensemble des sénateurs à refuser une telle situation et réclamons une suspension de séance, car il y va de l’honneur du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Notre collègue David Assouline applique ce vieux principe de l’art oratoire des préaux : plus le message est creux, plus la voix est forte ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. C’est minable ! Vous allez m’entendre aujourd'hui !
M. Gérard Longuet. La vérité, c’est que nous sommes au cœur de la vie parlementaire, et, avec un peu d’effort, nous pourrions débattre de manière utile et apaisée.
L’annonce qui vient d’être faite ce matin prouve que notre discussion générale a été suivie d’effet. Quel sénateur pourrait regretter de ne pas avoir été entendu par l’exécutif ?
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Gérard Longuet. Dans quelle démocratie parlementaire les lois ne s’élaborent-elles pas grâce à une entente entre l’exécutif et le législatif ? (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Quelle entente ? Les ordres ?
M. Gérard Longuet. Une dépêche indique que l’exécutif a travaillé avec sa majorité. Mais c’est ainsi que fonctionnent toutes les démocraties européennes ! Vous vous en étonnez ! Cet étonnement nous étonne de la part d’une majorité qui, en décembre 1981, a imposé la retraite à 60 ans en privant le Parlement de tout débat (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Alain Fauconnier. C’est faux !
M. Gérard Longuet. … puisqu’elle a procédé par ordonnance !
J’ajoute que ce fut également l’attitude de Mme Aubry pour faire accepter les 35 heures !
Mme Patricia Schillinger. Mais non !
M. Gérard Longuet. Très sincèrement, je comprends très bien votre jeu de rôle, chers collègues socialistes,…
M. David Assouline. Il n’y a que vous qui jouez !
M. Gérard Longuet. … mais permettez au Parlement de travailler !
Sans doute M. le président va-t-il nous proposer de suspendre la séance afin de permettre à la commission de se réunir. Profitez-en pour retrouver la sérénité sans laquelle aucun travail parlementaire n’est possible ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Plus le message est creux, plus la voix est forte, avez-vous dit, monsieur Longuet ! Chers collègues de la majorité, je vous retourne le compliment !
J’invite M. Dallier à être, à l’avenir, plus attentif aux débats qui se déroulent dans cet hémicycle. Nous ne proposons rien ?
M. Philippe Dallier. Je n’ai pas dit cela !
M. Roland Courteau. Mais notre collègue aurait dû écouter tous nos collègues de gauche qui sont intervenus hier,…
Mme Patricia Schillinger et M. Jean-Jacques Mirassou. Il n’était pas là !
M. Alain Anziani. Il était à l’Élysée !
M. Roland Courteau. … plus particulièrement Jean-Pierre Bel, président de notre groupe, qui a exposé le projet que nous proposons d’ores et déjà aux Français.
M. Christian Cambon. Plus d’impôts !
M. René Beaumont. Des impôts durables !
M. Claude Bérit-Débat. Et alors ?
M. Roland Courteau. Il s’agit d’un projet juste, efficace, durable ; bref, tout le contraire de ce que vous nous proposez aujourd'hui !
Nous ne voulons pas de votre réforme. Après l’essorage – j’emploie ce terme à dessein ! – que nous avons connu en 2003 avec François Fillon, aujourd'hui, c’est le matraquage !
Je vous rappelle que l’espérance de vie en bonne santé est de 63 ans. Vous allez donc laisser un sursis d’un an aux personnes qui partent à la retraite à 62 ans pour vivre une retraite paisible, sereine et en bonne santé ! Or l’espérance de vie des ouvriers est inférieure de huit ans à celle des cadres ! Mes chers collègues, vous feriez bien de méditer ces données !
De plus, vous demandez à ceux dont le travail est la seule fortune de consentir un maximum d’efforts. D’après mes calculs – mais peut-être, ce qui m’étonnerait, ai-je commis ici ou là une erreur –,…
M. Guy Fischer. Non !
M. Roland Courteau. … vous allez demander en moyenne entre 500 et 550 euros par an aux bénéficiaires du bouclier fiscal ! (Bravo ! et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur du groupe socialiste. Cela va être dur !
M. Roland Courteau. C’est ridicule ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) C’est la solidarité à l’envers ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Je veux, enfin, tordre le cou à quelques canards.
Première contre-vérité, ou premier mensonge : la France serait le seul pays à accorder le droit de partir à la retraite à 60 ans ! Faux, c’est le cas en Belgique, au Canada ou au Japon !
M. Christian Cambon. Au Japon, ils ne sont pas aux 35 heures !
M. Roland Courteau. Seconde contre-vérité, ou second mensonge : l’âge requis pour bénéficier d’une pension à taux plein serait, en France, l’un des plus bas au monde ! C’est faux, car, dans de nombreux pays tels que le Canada, le Japon, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, il est aussi jusqu’à présent de 65 ans !
Contrairement à ce que vous prétendez, chers collègues de la majorité, l’alternative est non pas entre votre réforme et le chaos, mais entre une réforme injuste qui ne règle rien, la vôtre, et une autre réforme, juste, équilibrée et durable, celle que nous proposons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Gournac. Pourquoi ne l’avez-vous pas faite avant ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je réagirai d’abord sur la forme.
Hier, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous vouliez déposséder le Sénat de ce projet de loi en défendant une motion référendaire.
M. Alain Anziani. Caricature !
M. Éric Woerth, ministre. Grosso modo, vous considériez que le débat n’avait pas lieu d’être dans cette enceinte ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Ce n’est pas ce que nous avons dit !
M. Marc Daunis. Il faut arrêter là ! Quelle insulte !
M. Éric Woerth, ministre. Et aujourd'hui, vous nous dites : « Mon Dieu, que faites-vous ? Vous voulez affaiblir la démocratie, le Sénat ? »
Mme Raymonde Le Texier. Caricature !
Mme Christiane Demontès. Et vous, que faites-vous ? Ce qui était injuste hier soir est juste ce matin !
M. Éric Woerth, ministre. Très franchement, vous devriez faire preuve de plus de constance dans votre analyse !
Hier soir, vous avez demandé le quorum, méthode assez classique pour qui veut pratiquer l’obstruction. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et, ce matin, vous voulez que le débat avance et vous dites que c’est la majorité qui l’entrave ! Votre méthode est en soi un peu curieuse !
Concernant les retraites, vous passez votre temps à nous donner des leçons,…
Mme Gisèle Printz. Et vous ?
Mme Christiane Demontès. Arrêtez !
M. David Assouline. Vous commencez à radoter, monsieur le ministre !
M. Éric Woerth, ministre. Vous manquez totalement d’expérience sur ce sujet ! En fait, vos attitudes successives témoignent de nombreux paradoxes !
Ce matin, à l’ouverture de la séance publique, j’ai voulu que le Sénat soit le premier informé du dépôt de ces deux amendements. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Vous n’êtes plus rien ! C’est le Président de la République qui décide !
M. Éric Woerth, ministre. Les communiqués de presse ont découlé de cette annonce. En agissant ainsi, j’ai pleinement respecté la Haute Assemblée ! (Mêmes mouvements.)
Aussi permettez-moi de vous dire que vous devriez, de temps à autre, respecter le Gouvernement ! Respectez-le aussi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, vous ne respectez ni le Parlement ni le peuple !
M. Éric Woerth, ministre. Ne tenez pas sans arrêt des propos d’une violence extrême à son encontre !
Le Gouvernement dispose d’un certain nombre de droits dans une démocratie, notamment celui de déposer des amendements au cours du débat.
Ce sont nos règles de fonctionnement.
Comme l’a rappelé M. Longuet, le Gouvernement, après avoir écouté l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés au cours de la discussion générale, a fait le choix de soumettre à la Haute Assemblée des propositions visant à améliorer son texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Cette manière de procéder est parfaitement juste, équitable et respectueuse des uns et des autres. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous assumons nos responsabilités dans le cadre du débat parlementaire, en conformité avec les règles institutionnelles.
Il est d’ailleurs surprenant que vous attaquiez ainsi le Président de la République en lui déniant peu ou prou le droit de s’exprimer devant les Français, alors que c’est lui qui bénéficie de la légitimité démocratique la plus forte. (MM. Gérard Longuet et François Trucy applaudissent. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Pourquoi, après avoir engagé une réforme des retraites au nom de l’intérêt général, ne pourrait-il pas faire part de ses idées et, après avoir écouté la majorité sénatoriale, demander au Gouvernement de déposer des amendements qui répondent aux critiques formulées lors de la discussion générale ?
D’ailleurs, comme l’a rappelé M. Longuet, la gauche avait traité le Parlement avec une grande légèreté lorsqu’elle avait abaissé l’âge de la retraite. Elle l’avait fait par ordonnance ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Marc Daunis. Vous n’avez pas été élus pour cela !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous n’avez pas de mandat pour cela !
M. Éric Woerth, ministre. Que n’aurait-on pas entendu si nous avions proposé de réformer les retraites par ordonnance ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.) Qu’aurait dit l’opposition ?
En fait, la gauche ne s’est jamais préoccupée de la retraite des femmes (Vociférations sur les travées du groupe socialiste.) ni de celle des carrières longues. En abaissant l’âge de la retraite à 60 ans, elle ne s’est pas souciée du sort de ceux qui, ayant commencé de travailler à l’âge de 14 ans, ont été contraints de cotiser pendant 46 ans ! Aucun de ses membres ne s’en est jamais ému ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
À l’époque, il était pourtant plus difficile, tant pour un homme que pour une femme, de porter ses 60 ans qu’il ne l’est, de nos jours, de porter ses 62 ans !
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les revenus financiers n’étaient pas aussi élevés qu’aujourd’hui !
M. Éric Woerth, ministre. Telle est la réalité, monsieur Assouline, et vous aurez beau nous accuser de mentir, vous ne parviendrez pas à nier l’évidence.
Pour en revenir au fond, je voudrais également évoquer un rapport très intéressant, publié hier par le Fonds monétaire international, et dont vous avez probablement pris connaissance. (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Ah !
M. Alain Gournac. Strauss-Kahn !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Astucieux ! Astucieux !
M. Éric Woerth, ministre. Vous voyez probablement où je veux en venir, car je vous sens quelque peu inquiets !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes au Parlement français !
M. Éric Woerth, ministre. L’avis du FMI n’est pas négligeable : c’est une institution respectée dans le monde entier.
Hier, le Fonds a affirmé qu’une hausse de deux ans de l’âge légal de la retraite suffira à stabiliser les dépenses de financement des retraites. Il reconnaît donc l’efficacité de notre réforme sur le plan financier.
Ce dernier explique aussi qu’un recul de l’âge légal de la retraite est préférable à une baisse des pensions,…
M. Gérard Longuet. Voilà !
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. … lorsqu’elle affirme qu’il faut maintenir la retraite à 60 ans ; en réalité, elle veut en faire un âge pivot et non plus celui d’une retraite à taux plein.
En outre, selon le FMI, « relever l’âge légal de la retraite doit être le point de départ de la réforme ».
M. Christian Cambon. Qui dirige le FMI, déjà ?
M. Éric Woerth, ministre. Autrement dit, il ne peut pas y avoir de réforme sans relèvement de cet âge légal !
Enfin, le Fonds salue la proposition du gouvernement français de relever cet âge légal, actuellement parmi les plus bas du monde.
M. Alain Gournac. Qui est le directeur général du FMI ?
M. Éric Woerth, ministre. Voilà l’avis du FMI, dont le directeur général est, comme chacun sait, un membre éminent du parti socialiste : Dominique Strauss-Kahn. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Éric Woerth, ministre. Je tenais à indiquer ces éléments de fond, car il est nécessaire de briser certains tabous pour engager un vrai débat.
L’opposition réclame sans cesse des négociations, mais elle veut négocier seulement une partie de la réforme. Or une vraie négociation doit porter sur un ensemble.
Dès le mois d’avril, j’ai reçu Martine Aubry ainsi que divers responsables du parti socialiste. S’agissant d’un problème aussi général que celui des retraites, il m’a semblé naturel de leur proposer que nous débattions ensemble, dans le but d’avancer et de dégager un consensus. Or Martine Aubry a refusé de débattre de l’âge légal de départ à la retraite. Mesdames, messieurs les sénateurs, comment peut-on éluder un aspect aussi fondamental lorsqu’il est question d’une réforme des retraites ? (M. Alain Gournac sourit.)
Lorsqu’on discute avec un ami de la retraite, ne lui demande-t-on pas quand il compte prendre la sienne ? L’âge légal du départ à la retraite constitue, par nature, l’aspect le plus important de la question ! On ne peut évidemment pas engager une réforme des retraites sans parler de l’âge de départ.
Mme Bariza Khiari. De l’âge légal !
M. René-Pierre Signé. On n’a pas dit de le reculer !
M. Éric Woerth, ministre. Nous proposons au Sénat des amendements visant à introduire encore plus de justice, d’efficacité et d’équité dans cette réforme.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous devriez vous garder de verser dans l’opposition systématique et de critiquer des mesures qui, en réalité, n’ont qu’un seul but, celui d’une plus grande justice sociale.
M. Claude Bérit-Débat. Caricature !
M. Éric Woerth, ministre. Comme vous l’avez souligné lors de la discussion générale, notre système de retraites comporte des inégalités entre les hommes et les femmes…
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. David Assouline. Elles existaient avant !
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Annie David. Toutes les femmes ! Il faut s’occuper de toutes les femmes !
M. Éric Woerth, ministre. … à partir avec une pension incomplète, faute notamment d’avoir pu bénéficier de l’assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVPF. Nous allons réparer cette injustice en permettant à celles qui sont concernées de prendre leur retraite sans décote dès l'âge de 65 ans.
Nous tenons également compte de la situation des parents d’enfants handicapés, qui conserveront le bénéfice de l'annulation de la décote à 65 ans.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Annie David. Ce ne sont pas des avancées, ce sont des droits !
M. Éric Woerth, ministre. … qui s’ajoutent à toutes les autres, et qui font de cette réforme un texte juste et efficace. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)
Irrecevabilité de sous-amendements
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe CRC-SPG a déposé ce jour, à neuf heures vingt-cinq, cinq sous-amendements à l'amendement n° 598, présenté par Nicolas About et les membres de l'Union centriste.
M. Alain Gournac. C’est scandaleux !
M. le président. Ces sous-amendements reprennent le contenu de certains amendements du groupe CRC-SPG, dont l'examen a été réservé jusqu’après l'article 33, à la demande de la commission des affaires sociales, demande acceptée par le Gouvernement.
En ce sens, ces sous-amendements viennent en contradiction avec la décision de la conférence des présidents qui, lors de sa réunion d'hier soir, a pris acte de cette décision de réserve en refusant la rectification de certains des amendements du groupe CRC-SPG pour les transformer en paragraphes additionnels à l'article 1er A.
De plus, elle avait considéré qu'ils ne s'appliquaient pas à l'article en discussion.
Pour ces raisons, ces cinq sous-amendements sont déclarés irrecevables.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est de la provocation !
Mme Annie David. On nous dit oui, puis non !
M. le président. Je ne fais qu’appliquer les décisions de la conférence des présidents !
M. Alain Gournac. Vous êtes en contradiction !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, nous siégeons à la conférence des présidents, puis nous travaillons et nous réfléchissons. Tout au long de cette nuit et très tôt ce matin,…
M. Gérard Longuet. Vous auriez mieux fait de rester dormir chez vous !
M. Guy Fischer. … nous avons analysé la situation à la suite de la dernière conférence des présidents, et nous sommes parvenus à la conclusion que, de toute évidence, celle-ci a voulu…
Mme Annie David. Nous censurer !
M. Guy Fischer. … nous censurer, nous bâillonner !
Mme Isabelle Debré et M. Alain Gournac. C’est impossible ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Mes chers collègues, nous connaissons le règlement et les modalités régissant le droit d’amendement – et de sous-amendement. En l’occurrence, je puis vous assurer que nous sommes dans notre bon droit.
À l’instant, M. le président nous apprend, à notre plus grande surprise, que nos sous-amendements sont déclarés irrecevables. Nous nous opposons fermement à cette décision qui, une fois de plus, nous empêche d’exercer réellement notre droit d’amendement sur le présent texte.
Je souhaite donc que, par la voix de la présidente de notre groupe, Mme Borvo Cohen-Seat, nous puissions formuler et compléter notre argumentation.
M. Alain Gournac. Quand cela vous arrange !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je serai brève, car Guy Fischer a partiellement explicité ma pensée. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Permettez-moi néanmoins de vous dire que nous ne prenons pas nos ordres auprès du FMI ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Vous non, mais à côté…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Parlement français ne prend pas ses ordres auprès du FMI.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Nous non plus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est libre ! (Applaudissements ironiques sur les travées de l’UMP.) Je tiens à vous le rappeler, monsieur le ministre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis trois jours, l’opposition vous demande d’engager un débat de fond, parce que votre réforme ne correspond manifestement pas du tout aux attentes des Français. Vous avez beau répéter à l’envi qu’elle est juste et efficace, l’opposition et nos concitoyens vous répondent qu’elle est injuste et inefficace ! Vous peinez à nous persuader du contraire, et vous n’y parviendrez pas en vous répétant sans cesse. Vous n’avez pas convaincu jusqu’à présent, et vous continuez de ne pas convaincre !
Nous vous avons demandé un débat sur le financement de notre système de retraite ; vous le refusez, car cette question est, selon vous, déjà réglée. Nous avions déposé des amendements à cette fin, mais, en application du règlement, leur examen a été renvoyé à un stade ultérieur du débat, car il s’agit d’amendements portant articles additionnels. Quoique cette décision émane de la conférence des présidents, nous nous y opposons. La composition de celle-ci ne reproduisant pas les rapports de force entre groupes et la majorité y étant largement surreprésentée, il était donc évident que cette dernière l’emporterait.
Nous avons déposé des sous-amendements aux amendements présentés par l’Union centriste et portant sur le financement de la réforme des retraites. Vous ne parviendrez pas à nous démontrer qu’ils ne sont pas recevables : tout parlementaire peut déposer un sous-amendement sur quelque amendement que ce soit, du moment qu’il ne s’agit pas d’un cavalier.
En l’occurrence, ce n’est donc pas la conférence des présidents qui a tranché, mais la majorité qui a abusé de son pouvoir !
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces sous-amendements doivent être examinés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, mon intervention aura un double objet.
En premier lieu, après la suspension de séance que vous accorderez probablement afin de permettre aux groupes de se réunir, je vous saurais gré, monsieur le président, au nom de la commission, de prononcer une autre suspension de trente minutes (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) afin que nous puissions étudier les deux amendements du Gouvernement. Sans doute cette demande ne devrait-elle pas faire débat.
En second lieu, je voudrais revenir sur les sous-amendements déposés par le groupe CRC-SPG, qui soulèvent deux questions : l’une de fond, l’autre de forme.
S’agissant du fond, nous examinerons toutes vos propositions visant à insérer des articles additionnels dans le texte, de même que nous examinerons toutes les autres, de quelque groupe qu’elles émanent.
S’agissant de la forme, vous avez déposé hier des sous-amendements à des amendements qui avaient déjà été examinés par la commission. C’est pourquoi, en application du règlement,…
Mme Annie David. Quel article du règlement ?
M. Alain Gournac. Arrêtez !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. … dont je ne suis pas une spécialiste, il a été décidé qu’ils n’étaient pas recevables. Vous revenez à la charge ce matin, et il est extrêmement choquant...
M. Alain Gournac. Très choquant !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. … que, malgré le prochain examen de vos propositions,…
M. David Assouline. C’est incroyable !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. … vous essayiez de les faire passer au moment qui vous convient.
Vous donnez là un bien mauvais exemple de la pratique parlementaire : on ne peut pas tenter d’imposer coûte que coûte des sous-amendements dont il a été préalablement décidé de reporter l’examen !
M. Alain Gournac. Ce sont les communistes !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas raisonnable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce Parlement fonctionne avec un règlement ! Il s’appliquera !
M. Jean-Claude Carle. Laissez parler Mme la présidente de la commission !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Madame Borvo Cohen-Seat, nous ne faisons que respecter le règlement, que bafoue votre tentative de modification de l’amendement de M. About.
M. le président. Mes chers collègues, je vais suspendre la séance. Nous reprendrons nos travaux à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉrard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Quant au Premier ministre, la tradition veut … qu’il ait un certain temps ! (Sourires.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur le ministre, ce matin, vous êtes monté à la tribune du Sénat pour relayer l’annonce nationale faite par M. Sarkozy s’agissant d’avancées introduites dans votre projet de loi portant réforme des retraites.
Ce ne sont en fait que de prétendues avancées : d’une part, elles ne s’appliqueront qu’à 130 000 femmes sur les 30 millions que compte notre pays ; d’autre part, elles concernent un nombre indéterminé de parents d’enfants lourdement handicapés.
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous n’avez qu’à voter contre !
Mme Annie David. Vous nous avez indiqué en outre que ces mesures coûteront 340 millions d’euros par an, ce qui, je vous le rappelle, est nettement moins élevé que le coût annuel du bouclier fiscal ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan. C’est reparti !
Mme Annie David. Ces annonces, qui sont d’ailleurs en deçà de ce que la presse indiquait depuis plusieurs jours, relèvent d’une manœuvre grossière et fébrile pour tenter de freiner la montée de la mobilisation qui grandit chaque jour.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
Mme Annie David. Est-ce la mobilisation importante, ce matin, de nos lycéens, inquiets de l’avenir que vous leur réservez, est-ce l’annonce de grèves reconductibles décidées par des syndicats - et votre mépris les pousse à amplifier leur action -, est-ce cela qui vous inquiète ?
Votre manœuvre ne répond en rien à l’exigence partagée très majoritairement par le peuple : le droit pour toutes et tous à une vraie retraite à 60 ans – à taux plein ! – et un financement tout autre, impliquant fortement les revenus du capital. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Ce débat sur un nouveau financement fondé sur une autre répartition des richesses, vous n’en voulez pas. Vous refusez catégoriquement toute mesure qui s’attaquerait au portefeuille des grandes fortunes, aux caisses du patronat !
M. Didier Boulaud. Le grand capital !
Mme Annie David. Pas touche au bouclier fiscal, pas touche aux niches fiscales et sociales, qui coûtent pourtant 172 milliards d’euros au Gouvernement, selon la Cour des comptes.
M. Guy Fischer. C’est une honte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une honte !
Mme Annie David. Pas touche aux parachutes dorés, pas touche aux stock-options, tels sont vos mots d’ordre !
La majorité sénatoriale et son président viennent à votre secours, en empêchant, au mépris de la Constitution (Protestations sur les travées de l’UMP), de débattre d’amendements déposés par notre groupe visant à taxer les revenus du capital et, plus grave encore, en appelant en priorité, dès ce soir, les articles clés relatifs au recul de l’âge de la retraite.
Mme Odette Terrade. C’est scandaleux !
M. Guy Fischer. C’est un scandale !
Mme Mireille Schurch. Scandaleux !
Mme Annie David. Nous n’accepterons pas ces coups de force, monsieur le président !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. La question ! La question !
M. Jean-Louis Carrère. C’est l’Élysée qui dépose les amendements maintenant, ce n’est même pas Matignon !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez et votre majorité sont en difficulté.
Quand allez-vous enfin écouter le peuple ? Quand allez-vous entendre nos propositions pour une autre réforme fondée sur la taxation des revenus financiers ? Monsieur le ministre, soyez-en conscient : il est encore temps de retirer votre projet et d’ouvrir des négociations ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Retirez votre projet !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la sénatrice, le Gouvernement est sans cesse à l’écoute. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Concernant les retraites, il est à l’écoute depuis le mois d’avril, c’est-à-dire depuis le moment où nous avons commencé à réfléchir à ce texte voulu par le Président de la République. Pour autant, nous ne pouvons pas nous contenter d’accepter le déficit des régimes de retraite, qui a été lourdement accru par la crise, et ne rien faire. Il s’agit là de la retraite des Français !
Mme Annie David. Et les 172 milliards d’euros ?
M. Éric Woerth, ministre. Nous voulons que notre système par répartition soit pérenne.
Oui, nous écoutons beaucoup, et singulièrement la Haute Assemblée. Nous avons ainsi écouté les sénateurs au cours de la discussion générale du projet de loi portant réforme des retraites. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
Mme Annie David. Seulement les sénateurs de votre majorité !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons également écouté le président du Sénat, n’est-ce pas, cher Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous avons abouti à la conclusion que nous devions savoir évoluer sur ce texte afin de prendre en compte certaines situations marquées par l’inégalité entre les femmes et les hommes, notamment s’agissant des mères ayant interrompu leur carrière pour pouvoir élever leurs enfants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toutes les femmes sont pénalisées !
M. Guy Fischer. Elles sont des millions !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas seulement 130 000 !
M. Éric Woerth, ministre. À l’époque, il n’y avait pas l’assurance vieillesse des parents au foyer, qui vient compenser ces périodes d’interruption. Il manque donc à ces femmes nées entre 1951 et 1955 des trimestres de cotisations. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Et pour les autres ?
M. Éric Woerth, ministre. C’est injuste, c’est inéquitable, c’est anormal. Le gouvernement de François Fillon en a tiré les conséquences. Dans le texte de la réforme initiale, les femmes âgées de 62 ans et n’ayant pas suffisamment de trimestres de cotisations auraient dû travailler jusqu’à 67 ans. Il a désormais été décidé qu’elles pourraient continuer à bénéficier d’une retraite à taux plein à 65 ans. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David et M. Guy Fischer. Seulement 130 000 femmes !
M. Éric Woerth, ministre. Il en va de même pour les parents d’enfants handicapés. En effet, lorsque ces parents décident d’interrompre leur carrière pour s’occuper de leur enfant, il est normal que la communauté nationale en tienne compte. Si ces parents n’ont pas cotisé suffisamment de trimestres, ils pourront également partir à la retraite à 65 ans. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique et concerne également la réforme des retraites.
Monsieur le ministre, vous venez de rappeler à juste titre que, si le Gouvernement était resté l’arme au pied, nos concitoyens n’auraient pas eu l’assurance de conserver le niveau de leurs pensions dans les années à venir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne l’ont toujours pas !
M. Alain Vasselle. Vous vous êtes engagé courageusement dans la réforme des retraites, notamment pour préserver la retraite par répartition. Le Gouvernement prend donc ses responsabilités.
M. René-Pierre Signé. C’est de la pommade !
M. Jean-Louis Carrère. Il nous joue du violon !
M. Alain Vasselle. Sachez que la majorité qui le soutient prendra également les siennes dans le cadre de l’examen de ce texte de loi.
M. Jean-Louis Carrère. Arrêtez de jouer du violon !
M. Alain Vasselle. Non, je dis la vérité !
M. Jean-Louis Carrère. L’archet est mauvais ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle. Mon cher collègue, vous occultez la réalité et vous trompez les Français par vos discours ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le ministre, non seulement vous allez maintenir le niveau des retraites grâce au sauvetage de la retraite par répartition, mais vous allez également accompagner cette réforme des mesures de solidarité nécessaires. Vous avez commencé à le faire à l’Assemblée nationale en acceptant les dispositions touchant à la pénibilité. (C’est faux ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Vous poursuivez au Sénat – après avoir entendu le rapporteur, Dominique Leclerc, la commission des affaires sociales et le président Gérard Larcher –, en proposant des mesures complémentaires.
Mme Annie David. La question !
Mme Patricia Schillinger. Oui, la question !
M. Alain Vasselle. Ces mesures concerneront les mères de trois enfants ayant eu à interrompre leur carrière (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), les parents d’enfants handicapés, les chômeurs en fin de droits ou les salariés ayant souffert de l’exposition à l’amiante ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pour les autres ?
Mme Odette Terrade. Oui, et les autres ?
M. Alain Vasselle. Toute cette série de mesures démontre que le Gouvernement n’a pas seulement une vision comptable, mais qu’il a également une approche humaine, comme il est nécessaire s’agissant de tous ceux qui sont touchés par les aléas de la vie !
Mme Patricia Schillinger. La question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question !
M. René-Pierre Signé. La question !
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, ma question est la suivante. (Ah !sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Fort d’exemples concrets, pourriez-vous tordre le cou à l’idée reçue (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…
M. René-Pierre Signé. Question attendue !
M. Alain Vasselle. … défendue par l’opposition et relayée par les médias, qui consiste à faire croire qu’il suffit de prendre l’argent aux riches, aux entreprises et aux banques pour financer la réforme des retraites ? Vous le savez, un effort de tous est nécessaire pour sauver la retraite par répartition ! (Bravo et applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le sénateur Alain Vasselle,…
M. Jean-Louis Carrère. La brosse à reluire Alain Vasselle !
M. Éric Woerth, ministre. … à travers cette réforme, nous avons voulu d’abord sauver le système par répartition.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Louis Carrère. Vous allez le tuer !
M. Éric Woerth, ministre. C’est bien d’ailleurs l’objet de l’article 1er A du texte que le Sénat examine en ce moment.
Sauver le système par répartition, faire en sorte que les retraites des Français soient payées, voilà ce que nous avons voulu.
Nous avons ensuite voulu – vous l’avez très bien dit – introduire encore davantage de justice dans notre texte. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Non, non et non !
M. René-Pierre Signé. Plus c’est gros, plus ça passe !
M. Éric Woerth, ministre. La première des injustices serait en effet de ne pas financer le système par répartition. C’est la solidarité nationale qui protège les plus précaires, les plus fragiles des Français. Ceux qui ont les moyens de mettre de l’argent de côté peuvent, eux, choisir un autre système.
Voilà le cœur du patrimoine social de notre pays. C’est à cela que nous tenons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous répétez toujours la même chose !
M. Didier Boulaud. Arrêtez de nous servir de la crème Chantilly !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes les amis des fonds de pension !
M. Éric Woerth, ministre. Nous devons favoriser toute mesure qui permettra d’apporter plus de solidarité et plus de justice. Ainsi, les Français qui ont commencé à travailler tôt – à 14 ans, à 15 ans, à 16 ans, à 17 sept ans – doivent pouvoir partir plus tôt, c’est-à-dire avant 60 ans ou à 60 ans.
M. Jean-Louis Carrère. Vos amis du Fouquet’s ne sont pas des philanthropes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La retraite à 60 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Cela ne gênait pas la gauche, lorsqu’elle a instauré la retraite à 60 ans, de laisser un Français qui avait commencé à travailler à 14 ans cotiser pendant 46 ans. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela ne vous gênait pas du tout, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La retraite à 60 ans !
M. Éric Woerth, ministre. La justice, c’est aussi tenir compte de la pénibilité. C’est d’ailleurs l’un des apports majeurs de l’Assemblée nationale. Nous avons fait en sorte que ceux qui ont été exposés à des facteurs de pénibilité très durs, ceux qui ont un taux d’incapacité de 10 % puissent prendre leur retraite plus tôt. Je pense aux caissières de supermarché, qui doivent tenir longtemps des positions pénibles, ou aux ouvrières de l’agroalimentaire. Et beaucoup de nos compatriotes sont dans le même cas.
M. Jean-Louis Carrère. À droite toute !
M. Éric Woerth, ministre. Est maintenant venu le temps du Sénat où a lieu un débat extrêmement important en vue d’améliorer encore notre texte sous l’angle de la justice sociale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne ferez rien !
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’écoutez pas l’opposition !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La retraite à 60 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons pris des mesures en faveur des parents d’enfants handicapés. Votre commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, a œuvré pour les salariés exposés à l’amiante et souffrant de pathologies inhérentes, ainsi que pour les chômeurs seniors, c’est-à-dire ceux qui bénéficient de l’allocation équivalent retraite. Vous allez désormais pouvoir agir aussi en faveur des femmes nées entre 1951 et 1955.
Plus de justice sociale dans le texte du Gouvernement, c’est, une fois encore, la marque de fabrique du Sénat ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
permis à points
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports et concerne la nécessité d’assouplir les règles de récupération des points du permis de conduire.
Je dis bien « assouplir », car il ne s’agit nullement dans notre esprit de remettre en cause les fondements de la politique de fermeté dans la lutte contre les infractions routières. Toutefois, avec le recul, il apparaît aujourd’hui judicieux, pour ne pas dire indispensable, de procéder à des ajustements de la réglementation sur les petites infractions, pour mettre un terme à certains effets pervers, voire à des situations d’injustice.
M. René-Pierre Signé. Il a raison !
M. Raymond Vall. Je pense au trafic de points dans les familles et sur Internet ; je pense à ces salariés dans l’incapacité de se rendre à leur travail, en particulier dans les territoires ruraux dépourvus de transports en commun ; je pense à l’angoisse de ceux pour qui le permis de conduire est en fait un permis de travailler ; je pense à l’impossibilité d’appliquer toute la sanction aux flottes des entreprises ou des administrations ; je pense enfin au véritable racket fiscal, insupportable pour les plus modestes.
Cette situation se traduit aujourd’hui par un nombre croissant de conducteurs qui circulent sans permis. On évalue ainsi à près de 100 000 le nombre des personnes hors la loi.
M. Didier Boulaud. Il y en a même, au Gouvernement, qui conduisent sans permis la France à la catastrophe !
M. Raymond Vall. C’est pourquoi le Sénat a, dans sa grande sagesse, adopté il y a quelques semaines un amendement, à l’occasion de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qui prévoyait le raccourcissement des délais pour récupérer des points : un an, au lieu de trois ans à l’heure actuelle, pour les pertes de points supérieures à un, six mois, au lieu d’un an, pour le retrait d’un seul point.
Ce texte a depuis été transmis à l’Assemblée nationale, où il attend d’être examiné en séance publique. D’ores et déjà, les députés ont confirmé en commission des lois le bien-fondé de cet amendement, situant le curseur toutefois à mi-chemin entre le texte du Sénat et la loi actuellement en vigueur.
Monsieur le secrétaire d’État, il est regrettable que, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, ces dispositions aient été adoptées contre l’avis du Gouvernement. Je tiens pourtant à vous rappeler qu’un premier assouplissement, décidé en 2006 par le ministre de l’intérieur de l’époque, s’est traduit par une diminution du nombre de morts sur la route de 89 en 2007 et de 350 en 2008, ce qui prouve qu’il n’y a pas de lien entre l’adaptation de la règle et l’augmentation du nombre de morts.
J’ajoute qu’un grand nombre d’infractions sanctionnées par la perte d’un point sont sans relation avec notre objectif commun, qui est de sauver des vies humaines.
Monsieur le secrétaire d’État, face à cette réalité, face à ces injustices, face à ces dérives, pourquoi ne pas réfléchir intelligemment à l’assouplissement de cette réglementation ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées de l’UMP. –M. René-Pierre Signé applaudit également)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. René-Pierre Signé. Il a un chauffeur !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur Vall, il y a trente ans, le nombre de morts sur les routes s’élevait, dans notre pays, à 16 000 par an environ.
Au début de son septennat et pendant ses douze ans de mandat, le Président Jacques Chirac a fait de la lutte contre le cancer et contre l’insécurité routière deux grandes causes nationales. Nous sommes ainsi passés de 8 000 morts sur la route en 2002 à 4 000 morts en 2007.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. La situation de l’année 2008 a été contrastée, puisque 4 275 morts ont été dénombrés. Malheureusement, en 2009, nous avons connu une pause dans le mouvement de baisse, avec 4 273 morts, soit un écart de deux seulement.
M. René-Pierre Signé. Et on est en excès de vitesse à 52 kilomètres à l’heure dans un hameau !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, c’est vous qui irez peut-être à notre place voir les parents pour leur dire que leur fils est mort à cause d’un excès de vitesse ?
M. Jean-Louis Carrère. Nous le faisons autant que vous !
Mme Raymonde Le Texier. Il nous arrive de le faire !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Les résultats des six premiers mois de cette année sont excellents, le mois de juillet a été catastrophique et le mois d’août exceptionnel. Nous devrions parvenir à l’objectif fixé par le Président de la République de 3 000 morts sur les routes en 2012. C’est encore beaucoup trop, mais c’est une amélioration fondamentale.
Pour cela, il n’y a pas d’autre solution que d’éviter tout laxisme. Le Sénat a voté un amendement de votre excellent collègue Alain Fouché. Comme vous l’avez rappelé, monsieur Vall, la commission des lois de l’Assemblée nationale a trouvé un accommodement entre les deux.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. La position du Gouvernement, qui est celle du Président de la République et du Premier ministre, est de ne donner aucun signe qui puisse entraîner une nouvelle augmentation des accidents sur les routes.
Par conséquent, lorsque la LOPPSI reviendra à l’Assemblée nationale en novembre et devant la Haute Assemblée en décembre, le Gouvernement fera un geste, un geste de compréhension et non de laxisme : il présentera un amendement afin que tout automobiliste regagne chaque année un point automatiquement, ce qui n’est pas le cas pour l’instant, à la condition qu’il n’ait commis aucune infraction pendant l’année.
Ce sera un geste à l’égard des automobilistes et de ceux qui souffrent parfois d’être privés de leur permis de conduire, vous l’avez rappelé, mais un geste qui montrera aussi la fermeté du Gouvernement, non pas pour le plaisir de jouer au Père Fouettard, mais simplement pour sauver des vies humaines en améliorant la sécurité routière dans notre pays. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
révision générale des politiques publiques
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question porte sur la gouvernance de la révision générale des politiques publiques. (Oh ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Il n’est pas question pour moi de remettre en cause cette orientation, qui va dans le sens de la performance des administrations et de la maîtrise des dépenses publiques.
M. Guy Fischer. Ce sont des emplois en moins !
M. Jean Arthuis. Mais c’est la conduite de ces décisions qui me paraît contestable.
Les arbitrages sont bien rendus par le Conseil de modernisation des politiques publiques - c’est là que se prennent les décisions -, mais j’ai l’impression que les ministères fonctionnent comme des silos.
Je puis témoigner de ce qui se passe dans un département que je connais bien : on supprime un régiment, on supprime un pôle d’instruction, on supprime éventuellement une maison d’arrêt, peut-être une agence de Météo France… Tout se passe comme si chaque ministère conduisait sa propre révision des politiques publiques sans considération des décisions prises par les autres ministères.
M. Didier Boulaud. Exact !
M. Jean Arthuis. C’est dans ces conditions que l’on arrache un certain nombre de services existants à un territoire pour mieux les concentrer sur d’autres.
M. Didier Boulaud. C’est exact !
M. Jean Arthuis. Je souhaite donc, monsieur le Premier ministre, que vous exerciez un pilotage, un arbitrage pour qu’il y ait une juste répartition des regroupements de services publics dans le cadre de la RGPP. J’apprécierais que vous nous confirmiez qu’il y a bien un pilote dans l’avion de la RGPP ! (Exclamations admiratives sur un grand nombre de travées. -Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. De pilote, il n’y en a pas !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le président Arthuis, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter un bon anniversaire ! (Sourires. - Marques de sympathie sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Sur la juste préoccupation qui est la vôtre, et que nous partageons, de produire un puissant effort de maîtrise de la dépense, et de toutes les sources de la dépense, lequel effort s’inscrit dans une politique générale de réduction de notre niveau de déficit que vous soutenez depuis de nombreuses années, je confirme que la révision générale des politiques publiques est incontournable. Je pense que ni vous ni aucune personne sérieuse dotée d’une certaine conscience de l’intérêt général ne remet en cause ce principe.
S’agissant des modalités de conduite de cette révision générale des politiques publiques, une première vague s’appuie sur un objectif et une idée simples : moins de fonctionnaires, mais mieux payés.
M. Guy Fischer. Il faut en faire la démonstration !
M. François Baroin, ministre. Cela a permis la suppression de 100 000 postes dans le cadre du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, socialement acceptée parce que 50 % des économies ainsi réalisées étaient affectées à l’amélioration du salaire des fonctionnaires.
M. Jacques Mahéas. Y a-t-il des professeurs devant les élèves ?
M. François Baroin, ministre. Sur les modalités techniques d’affectation et de déclinaison de cette mesure de la RGPP, nous avons déjà beaucoup avancé.
Je pourrais prendre l’exemple de la mise en place opérationnelle de plus de 900 Pôles emploi dans nos départements.
M. Guy Fischer. Parlons-en !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, parlons-en !
M. François Baroin, ministre. Je pourrais prendre l’exemple du développement spectaculaire des nouvelles technologies au service d’une administration qui remplit les mêmes services, mais avec beaucoup plus de rapidité.
Nous avons cette année franchi le cap des 10 millions de télédéclarations d’impôt sur le revenu. Un jour, les déclarations « papier » auront complètement disparu, car l’habitude sera prise.
Pour ce qui concerne maintenant votre département, il est vrai que la Mayenne a été touchée par la réforme des cartes militaire et judiciaire, puisqu’elle a perdu un tribunal de grande instance et qu’un régiment d’infanterie a été supprimé à Laval. Toutes ces décisions s’inscrivent dans une coordination générale qui a pour objectif, vous le savez aussi, de mutualiser l’ensemble des services publics.
C’est le sens de l’action en faveur de plus de services publics de proximité, notamment en milieu rural. Le 28 septembre dernier, nous avons signé à cet effet un engagement avec tous les acteurs – EDF, GDF, mais aussi Pôle emploi, la Caisse nationale d’assurance vieillesse et la Caisse nationale de l’assurance maladie (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste) –, engagement aux termes duquel on pourra, par exemple, acheter des billets de TER dans un commerce ou dans un service de proximité, ou encore effectuer des démarches auprès de la caisse d’allocations familiales pour d’autres types de prestations.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. François Baroin, ministre. Bref, cette mutualisation sera opérationnelle dans vingt-trois départements, dont la Mayenne.
Le pilotage est placé sous l’autorité du Premier ministre, la méthode retenue est celle d’un partenariat avec les élus.
M. René-Pierre Signé. Un partenariat ?
M. le président. Il vous faut maintenant conclure, monsieur le ministre.
M. François Baroin, ministre. Évidemment, s’il faut aller vers plus de coordination, nous irons vers plus de coordination. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« Les promesses n’engagent que ceux qui les croient » : une phrase qui résume le sarkozysme appliqué au réel.
Le candidat Nicolas Sarkozy déclarait en 2007 : « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer ». Le même, devenu Président de la République, trahit sa parole et entend imposer un projet de loi injuste et, parce qu’il est injuste, inefficace.
Vous le savez, une personne sur deux est au chômage au moment de liquider sa retraite. Pourtant, en faisant du recul de l’âge de la retraite le seul objectif de votre réforme, vous vous bornez à transformer de jeunes retraités en vieux chômeurs. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle. C’est faux !
Mme Raymonde Le Texier. Vous le savez, ceux qui commencent à travailler tôt cumulent métiers usant et carrières longues.
Pourtant, en faisant du recul de l’âge de la retraite le seul objectif de votre réforme, vous aggravez encore des inégalités dont les effets sont terribles : les ouvriers ont déjà sept ans de moins d’espérance de vie que les cadres ; combien d’années vont-ils encore perdre ?
Vous le savez, aujourd’hui, le travail est de plus en plus précaire et les parcours professionnels de plus en plus chaotiques.
Pourtant, en faisant du recul de l’âge de la retraite à taux plein le seul objectif de votre réforme, vous demandez aux plus fragiles de régler la facture.
M. Alain Vasselle. Ce sont des contre-vérités !
Mme Raymonde Le Texier. Et ce ne sont pas vos derniers arrangements sur la retraite des mères de trois enfants et des mères d’enfants handicapés qui changeront la donne. Vous leur faites l’aumône de bonifications d’annuités qu’elles ont déjà ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En échange de la nécessité de travailler plus longtemps, vous proposez la baisse des pensions et la montée des inégalités.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme Raymonde Le Texier. L’effort de financement que vous exigez de chacun ne s’adresse pas à tous : 85 % des efforts demandés reposent sur les seuls salariés, quand les revenus du capital, eux, ne contribuent qu’à hauteur de 15 %.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Raymonde Le Texier. C’est votre choix de société !
Ce gouvernement a dû intensément méditer la formule de Coluche : « Mieux vaut faire payer les pauvres, ils sont plus nombreux ».
M. Alain Gournac. C’est fini, le temps de parole est épuisé !
Mme Raymonde Le Texier. Avec 13 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et plus de 4 millions de chômeurs, il faut reconnaître que vous avez bien contribué à augmenter encore leur nombre. Et cela ne fait rire personne !
Ainsi, pour vous, sauver le système existant, c’est en aggraver les injustices, détruire les solidarités, piller le Fonds de réserve pour les retraites. Vous voudriez mettre fin à la retraite par répartition pour favoriser la capitalisation que vous ne vous y prendriez pas autrement ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez poser votre question, madame Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Nous, socialistes, avons une autre vision de la réforme, parce que nous avons une autre vision de la politique. Réformer, c’est donner à une société des outils et des moyens pour faire vivre ses valeurs. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le ministre, allez-vous enfin retirer ce texte indigent (Non ! sur plusieurs travées de l’UMP) afin que la question des retraites soit l’occasion pour notre pays de revivifier son pacte social et non de le condamner ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. François Fillon, Premier ministre. Madame Le Texier, vous m’interrogez sur le respect des engagements.
En 1993, le gouvernement d’Édouard Balladur a choisi d’allonger à quarante annuités la durée de cotisation pour une retraite à taux plein. Vous avez combattu cette réforme et vous vous êtes engagés à l’abroger. En 1997, vous êtes arrivés au pouvoir et, en cinq ans, vous n’avez pas trouvé une journée pour le faire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq. Nous avons créé le Fonds de réserve pour les retraites, que vous siphonnez !
M. François Fillon, Premier ministre. En 2003, vous avez combattu la réforme des retraites que cette majorité a portée et qu’avec Jean-Pierre Raffarin j’ai eu l’honneur de défendre. Vous l’avez combattue avec beaucoup de vigueur, comme aujourd’hui, d’ailleurs.
M. Jean-Louis Carrère. Comme vous la décentralisation !
M. René-Pierre Signé. Parfaitement !
M. François Fillon, Premier ministre. Vous avez répété maintes et maintes fois que, le jour où vous seriez au pouvoir, vous reviendriez aux trente-sept annuités et demie. Aujourd’hui, lorsqu’on lit les propositions du parti socialiste, on constate avec intérêt que l’allongement de la durée de cotisation est désormais intégré dans ce que doit être une bonne réforme des retraites !
En 2007, vous avez combattu avec beaucoup d’énergie la réforme des régimes spéciaux, mais nous rechercherions en vain dans les documents que vous produisez aujourd’hui la moindre mention de la réforme des régimes spéciaux et du retour en arrière que vous opéreriez si demain vous étiez au pouvoir !
Vous nous dites que le système est injuste.
Mme Annie David. C’est vrai : il est injuste !
M. François Fillon, Premier ministre. Vous avez, à chaque élection depuis le milieu des années quatre-vingt, promis de régler la question des longues carrières, pour ceux qui commencent à travailler à 14, à 15 et à 16 ans : jamais vous ne l’avez fait ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jacques Mahéas. Si, on l’a fait !
M. François Fillon, Premier ministre. C’est cette majorité, avec la CFDT, qui l’a réglée.
Vous nous dites aujourd’hui que, pour financer la réforme des retraites, il faudrait taxer un peu plus le capital, les stock-options. Mais que ne l’avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ? (Bravo ! sur les travées de l’UMP.) Non seulement les stock-options n’étaient pas plus taxées, mais en 2000, sous l’autorité de Laurent Fabius, vous avez pris une décision qui aboutissait à réduire le poids de la fiscalité sur les stock-options ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Alors, ne venez pas nous parler du respect des engagements !
La vérité, c’est que, sur les retraites, vous avez toujours promis ce que vous n’avez jamais fait. Et c’est l’honneur du Président de la République et du Gouvernement…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écoutez le peuple aujourd'hui !
M. François Fillon, Premier ministre. … que de proposer aujourd’hui de sauver notre régime de retraite en passant à 62 ans, parce que c’est la seule manière d’assurer le paiement des pensions…
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. … de nos concitoyens à l’avenir. (Les membres de l’UMP, ainsi que certains sénateurs de l’Union centriste, se lèvent et applaudissent longuement, tandis que les membres du groupe CRC-SPG martèlent leurs pupitres en scandant : « Retirez votre projet ».)
M. Didier Boulaud. Moi, j’ai vu la majorité acclamer Juppé debout il y a quelques années. Cela n’a pas duré longtemps !
industrie automobile
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Ma question s’adresse à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie auprès de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Monsieur le ministre, ma question porte sur l’industrie automobile, un thème d’actualité avec le salon qui vient d’ouvrir ses portes.
Je suis sénateur des Yvelines, premier département pour l’automobile et berceau, déjà, de l’automobile du futur.
Nous avons tous en tête l’impact très positif de la prime à la casse mise en place pour aider une industrie automobile durement ébranlée par la crise.
M. Didier Boulaud. Le Gouvernement va bientôt avoir droit lui aussi à une prime à la casse !
M. Alain Gournac. Souvenons-nous surtout que, en 2008, le Président de la République a lancé un plan automobile ambitieux avec un objectif clair : assurer l’avenir de l’outil industriel français et préserver un secteur stratégique pour l’économie et l’emploi. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Parlons des licenciements chez PSA !
M. Alain Gournac. Cela ne sert à rien de crier ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Ne donnez pas l’exemple !
M. Alain Gournac. Cela ne donne pas une bonne image du Sénat. (Nouveaux rires sur les mêmes travées).Je ne vous félicite pas !
M. Jean-Louis Carrère. C’est l’arroseur arrosé ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Destiné à l’ensemble de la filière automobile, ce plan a consisté en des prêts participatifs aux constructeurs automobiles.
Naturellement, ce soutien n’a pas été sans contreparties fortes. Le Gouvernement a ainsi souhaité que ce plan nous prépare également aux défis du futur. C’est tout le sens de la mise en place de prêts bonifiés pour soutenir l’innovation dans le domaine du véhicule propre et de la dotation additionnelle en faveur du plan « véhicule décarboné ».
Ce plan prévoit 100 000 véhicules électriques d’ici à la fin de l’année 2012 et deux millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables d’ici à 2020.
Je tiens ici à saluer le travail de notre collègue Louis Nègre, qui s’est vu confier une mission (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG) auprès du ministre d’État, Jean-Louis Borloo, et de vous-même, monsieur le ministre, et qui a déjà fait adopter, dans le Grenelle II, des dispositions relatives aux infrastructures de recharge pour les véhicules décarbonés ouvertes au public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les licenciements ?
M. Guy Fischer. Et les délocalisations ?
M. Alain Gournac. Innovants et audacieux, les constructeurs français sont parmi les mieux placés pour relever les défis environnementaux et répondre à la demande en forte augmentation au Brésil, en Russie, en Inde et en Chine. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le « Pacte automobile » avait pour vocation d’aider l’industrie automobile à passer la crise afin qu’elle reste exportatrice et créatrice d’emplois.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les actions que le Gouvernement envisage de mener pour l’automobile en général et pour améliorer les dispositifs en faveur du véhicule décarboné en particulier ?
M. Didier Boulaud. On va réunir une table ronde !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pôle emploi ! Pôle emploi !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Oui, c’est vrai, monsieur le sénateur, la crise n’a pas épargné l’industrie automobile,…
Mme Annie David. Surtout ses salariés !
M. Christian Estrosi, ministre. … mais le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont pris des initiatives fortes dans le cadre du plan de relance.
Ces mesures nous permettent aujourd’hui de sortir de la crise avec une industrie automobile parmi les plus performantes, si ce n’est la plus performante en Europe et dans le monde. C’est ainsi que 6 milliards d’euros de prêts ont été consentis à nos deux grands industriels,…
Mme Annie David. Parlez-en aux sous-traitants !
M. Christian Estrosi, ministre. … dont 2 milliards d’euros sont déjà remboursés par anticipation, d’importants intérêts ayant d’ailleurs été reversés à l’État. Quant à la prime à la casse, nous avons décidé d’en organiser la sortie dégressive, afin que le dispositif continue à profiter aux acquéreurs de véhicules jusqu’au 31 décembre prochain.
Les résultats sont très clairs. L’année dernière, nous avons enregistré le plus fort taux de vente depuis 1993 et, cette année encore, au neuvième mois, nous en sommes à plus 0,8 % par rapport à 2009, …
Mme Annie David. Les véhicules sont fabriqués à l’étranger !
M. Christian Estrosi, ministre. … qui était donc la meilleure année. Par comparaison, en moyenne, les ventes ont baissé de 3,5 % en Europe et de 28 % en Allemagne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et l’emploi ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien de salariés embauchés ?
M. Christian Estrosi, ministre. En même temps, le Président de la République et le Premier ministre ont fixé un objectif à nos industriels : présenter à l’occasion du Mondial de l’automobile une nouvelle gamme particulièrement innovante et diversifiée permettant de partir à la conquête de nouveaux marchés. Les véhicules électriques, 100 % décarbonés et les véhicules hybrides, mais également de nouveaux types de véhicules équipés du système stop and start, chez PSA, comme chez Renault, nous permettent d’offrir aujourd’hui toutes ces innovations.
Jean-Louis Borloo et moi-même avons soutenu les constructeurs à hauteur de 250 millions d’euros, …
Mme Annie David. Dans quel pays ?
M. Christian Estrosi, ministre. … dont 108 millions d’euros ont été consommés l’année dernière. Je vous annonce que les 142 millions d’euros qui n’ont pas été utilisés seront reconductibles.
Enfin, monsieur le sénateur des Yvelines, vous qui êtes un défenseur de la Vallée de l’automobile, …
M. Alain Gournac. Oui !
M. Christian Estrosi, ministre. … je veux vous dire que notre volonté, ainsi que celle du Comité stratégique de la filière automobile, que j’ai mis en place, est plus que jamais de défendre le « fabriqué en France », avec le soutien des grands industriels aux équipementiers et aux PME innovantes, afin de mettre un terme aux délocalisations. Pour la première fois, on recrée des emplois industriels.
Dois-je rappeler qu’il y a quelques années de cela un Premier ministre, un certain Lionel Jospin, avait déclaré à Vilvorde que l’État ne pouvait pas tout faire ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Cessez de nous parler de cela sans arrêt ! Vous n’avez plus rien à dire !
M. Christian Estrosi, ministre. Or, on le voit bien, si l’État le décide et en a la volonté politique, le « fabriqué en France », c’est possible ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
médias
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, ma question s’adressait à M. le ministre de la culture et de la communication.
Il y a un mal bien français dans le monde de la communication, je veux parler des liens étroits – intimes, devrais-je dire – entre le pouvoir politique et les groupes industriels possédant des médias et vivant des commandes de l’État, sans égard pour les conflits d’intérêts qui en résultent inéluctablement.
Après avoir réussi à mettre la main sur les nominations dans l’audiovisuel public, le président Sarkozy a tenté d’intervenir dans les négociations concernant le journal Le Monde.
Dans ce contexte, la possible concentration de deux des principaux organes de presse français, Le Figaro et Le Parisien-Aujourd’hui en France, entre les mains d’un même groupe, le groupe Dassault, qui vit largement de la commande d’État, sonne comme une alerte supplémentaire et devrait interpeller le Gouvernement sur sa propre responsabilité en matière de pluralisme et d’indépendance des médias.
Il faudrait être bien naïf pour ne pas voir dans ces manœuvres capitalistiques la tentative d’orienter au mieux l’information à la veille d’un long processus électoral.
« Fantasmes ! », direz-vous sans doute. Faut-il rappeler que la droite n’a eu de cesse depuis des années d’affaiblir les dispositifs qui visaient à limiter les concentrations ? Mais, plus perverse encore que les concentrations des capitaux, il y a cette anomalie spécifiquement française qui consiste à livrer les médias à de grands groupes industriels vivant des commandes de l’État, ce qui crée une inévitable collusion avec le pouvoir en place.
Ce qui est en cause, ce n’est donc pas seulement le sort du Parisien, c’est le droit des Français à être informés le mieux possible, ce qui exige la diversité des médias.
À l’évidence, nous ne pouvons plus nous en tenir au droit existant. Le professionnalisme des journalistes ne suffit pas face aux dérives résultant de la concentration et des conflits d’intérêts. Seule la loi peut y répondre et assurer efficacement le pluralisme effectif de la presse.
C’est ce qui a été fait pour l’audiovisuel, sans que cela empêche l’émergence de grands groupes. Je rappelle aussi que l’article 34 de la Constitution prévoit que le législateur doit fixer « les règles concernant […] la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».
Alors, monsieur le ministre, que pensez-vous du sort du Parisien ? Qu’attendez-vous pour prendre l’initiative, étendre à la presse écrite les règles anti-concentration et mettre fin à ce qui est un conflit d’intérêt scandaleux ? S’il n’agissait pas, votre gouvernement se rendrait complice de ces atteintes répétées au pluralisme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Permettez-moi tout d’abord, madame la sénatrice, de vous présenter les excuses de mon collègue Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, qui actuellement, comme vous le savez, retenu à Francfort par le salon du Livre.
Ensuite, je ne résiste pas à l’envie de vous dire que, lorsque je lis la presse aujourd'hui, lorsque j’écoute la radio ou lorsque je regarde la télévision, il ne me semble pas que le pluralisme soit réellement menacé… (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) J’ai même le sentiment que nous assistons aujourd'hui, bien souvent avec des mots particulièrement déplacés, d’une violence rarement atteinte, à une véritable entreprise de déstabilisation et de destruction, qui menace la démocratie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Quant à la question que vous posez au Gouvernement, madame la sénatrice, nous y avons répondu en organisant les états généraux de la presse écrite. Permettez-moi de vous rappeler les quatre points principaux – vous les connaissez évidemment – qui ont résulté de ces discussions.
Mme Catherine Tasca. Et Dassault ?
M. Henri de Raincourt, ministre. J’y viens, madame la sénatrice.
Il a été décidé, premièrement, d’apporter un soutien massif à la modernisation de la presse et à son réseau de distribution ; deuxièmement, d’adapter le code de la propriété intellectuelle au nouvel environnement numérique ; troisièmement, d’adopter une loi sur la protection des sources et, quatrièmement, d’améliorer les conditions d’attribution des aides pour plus de transparence et d’efficacité.
Ces dispositifs, qui ont été plutôt bien reçus, sont de nature à permettre à la presse de continuer à remplir la mission qui est la sienne, mission, vous le savez, tout à fait essentielle dans une démocratie.
Vous le savez également, madame la sénatrice, en France, le marché des quotidiens est moins concentré que dans un certain nombre d’autres pays, tels que la Grande-Bretagne, notamment.
M. René-Pierre Signé. Comparaison n’est pas raison !
M. Henri de Raincourt, ministre. Dans ce contexte, le fait que trois entreprises issues du secteur des médias s’intéressent à la cession du Parisien ne peut que nous rassurer, alors même qu’une financiarisation du secteur se généralise dans la plupart des pays.
J’ai le sentiment, madame la sénatrice, que vous avez l’indignation sélective. En effet, quand M. Bergé rachète Le Monde, …
M. Didier Boulaud. Vous avez fait ce qu’il fallait pour l’en empêcher, mais vous n’y êtes pas parvenus !
M. Henri de Raincourt, ministre. … cela ne suscite pas chez vous de questions aussi véhémentes, en tout cas publiquement (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste),…
M. Jean-Louis Carrère. Mais enfin, il ne fabrique pas de Rafale !
M. Henri de Raincourt, ministre. … pas beaucoup plus que lorsque M. de Rothschild investit des milliards et des milliards d’euros dans Libération !
M. Didier Boulaud. Quand Bergé vendra des Rafale, faites-nous signe !
M. Henri de Raincourt, ministre. Madame la sénatrice, vous qui avez exercé la belle mission de ministre de la culture, vous savez mieux que moi qu’une seule conclusion s’impose : faisons confiance aux journalistes pour préserver et conserver leur indépendance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
hébergement temporaire médicalisé
M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mlle Sophie Joissains. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité.
Hier s’est déroulée la première journée nationale des aidants destinée à valoriser l’action remarquable de ces 3,5 millions de femmes et d’hommes qui accompagnent au quotidien les personnes âgées, malades, ou en situation de handicap.
J’attire ce jour votre attention sur l’hébergement temporaire médicalisé des personnes âgées.
L’accueil temporaire s’adresse aux personnes handicapées de tous âges et aux personnes âgées et s’entend comme un accueil organisé pour une durée limitée, y compris en accueil de jour. Il s’agit bien sûr d’une mesure phare en direction des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer.
La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – loi HPST – a prévu des adaptations des modalités de fonctionnement et de tarification de l’accueil temporaire, mais il est urgent qu’un décret d’application soit pris, car le manque de solutions d’hébergement temporaire empêche de nombreuses personnes âgées, ainsi que leurs aidants, de disposer de moments de répit. Ce manque de solutions temporaires induit naturellement d’autres coûts évitables.
Pouvez-vous donc nous dire, madame le secrétaire d’État, alors que la dépendance concerne un nombre de plus en plus important de nos concitoyens, quelles mesures vont être prises pour débloquer la situation de l’accueil temporaire médicalisé ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Madame la sénatrice, comme vous le savez, le Président de la République a souhaité faire de la lutte contre la maladie d’Alzheimer une priorité absolue en y consacrant un montant, d’une ampleur inédite, de 1,6 milliard d’euros.
Lancé en 2008, le plan Alzheimer a comme axe fort le développement de structures de répit, en particulier de possibilités d’hébergement temporaire pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Ce type d’hébergement permet également aux personnes qui prennent en charge ces malades de pouvoir bénéficier également d’un temps de répit.
La première journée nationale des aidants que Nora Berra et moi avons organisée hier a montré combien ce type de solutions était bénéfique aux 3,5 millions de personnes qui œuvrent au quotidien au service de nos aînés.
Un décret réformant la tarification doit être pris en application de la loi HPST. Il est en cours de finalisation et sera soumis très prochainement à la concertation.
Ce décret ne doit pas alourdir les charges des conseils généraux, tout en rendant ces hébergements temporaires financièrement accessibles aux personnes âgées et à leur famille.
Au-delà de la réforme de la tarification, un travail d’analyse est mené par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, en concertation avec les acteurs de terrain, afin de savoir comment permettre à ce type d’hébergements de fonctionner de manière optimale.
L’autre question que vous avez soulevée concerne l’offre d’hébergement. Sur ce point, je veux vous rassurer ; les financements existent, grâce au plan Alzheimer !
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez été très surprise par la question ; on voit bien que votre réponse est totalement improvisée… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Par conséquent, le problème, ce n’est pas le nombre de places ; ce serait plutôt leur accessibilité !
À titre de point d’étape, je peux vous communiquer quelques chiffres.
En 2010, 9 873 places d’accueil de jour et 1 767 places d’hébergement temporaire ont été installées. En outre, 18 formules innovantes de répit sont également en cours d’expérimentation, tandis que 75 plateformes de répit seront financées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Nous travaillons à donner plus de visibilité à ces solutions d’hébergement temporaire, afin que les personnes âgées et leur famille puissent y accéder dans des délais rapides.
À cette fin, nous souhaitons développer une information exhaustive, permettant de recenser les lieux d’implantation de ces hébergements et de fournir les renseignements pratiques qu’attendent les familles des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Enfin, sachez que 95 % des places en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD, prévues dans le cadre du plan solidarité-grand âge ont déjà été notifiées au 1er janvier 2010, soit 35 774 places. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Depuis mardi dernier, le Sénat est mobilisé sur la question des retraites. La France tout entière nous regarde avec espoir.
C’est pourquoi, malgré la procédure accélérée que le Gouvernement nous impose, nous, socialistes, ne voulons pas seulement nous opposer.
Monsieur le Premier ministre, je vous le confirme, nous proposons un autre projet, juste, efficace et durable, permettant d’assurer un avenir également juste et durable à nos retraites ! (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.) Et, contrairement à vos affirmations, nous avons agi ! En particulier, nous sommes fiers d’avoir institué la retraite à 60 ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Elle nous a permis d’ajouter de la vie aux années pour les plus fragiles et les plus faibles.
Dans le débat que nous tentons d’engager depuis mardi, la question de l’emploi est omniprésente.
Tout comme nous, nos concitoyens savent que la pérennité des systèmes de retraite passe par une politique de l’emploi active et dynamique. Or, que constatent-ils ? Malgré les artifices statistiques, le chômage ne cesse d’augmenter dans notre pays !
Je rappelle que nous atteignons aujourd'hui les 2 693 000 chômeurs. Au mois d’août dernier, nous avons de nouveau franchi la barre des 10 %. Plus d’un tiers des chômeurs sont dans cette situation depuis plus d’un an. En outre, un jeune sur quatre est sans emploi. Et le nombre de jeunes en chômage de longue durée augmente.
Dans un tel contexte, l’emploi, surtout celui des jeunes, devrait être une priorité. Votre politique de rigueur devrait épargner cette politique. Même en temps de crise, on peut, on doit faire des choix ! Et ces choix définissent non seulement une politique, mais aussi une vision, un avenir pour la société.
Mais que faites-vous ? Non seulement vous préparez pour 2011 une diminution drastique des contrats aidés mais aussi vous réduisez les moyens de Pôle emploi ! Vous commencez par supprimer une part de ces moyens, alors qu’il faudrait au contraire les renforcer pour aider à la fois les entreprises et les chômeurs.
La solidarité entre les générations passe d’abord par l’emploi des jeunes. Quand allez-vous proposer un grand plan national ? Admettez en tout cas que c’est un préalable à tout système de retraite juste socialement et pérenne financièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, la clé de tout, c’est bien évidemment l’emploi.
M. Jacques Mahéas. C’est pour ça que vous supprimez des emplois de fonctionnaire ?
M. Éric Woerth, ministre. La clé de la création de richesses en France, la clé du pouvoir d’achat, la clé de notre capacité à financer nos services publics et nos systèmes sociaux, c’est l’emploi !
Mme Annie David. C’est pour ça que vous faites la RGPP ?
M. Éric Woerth, ministre. En effet, c’est la masse salariale qui finance nos systèmes sociaux ! Quand elle augmente, le déficit des retraites diminue !
Mme Annie David. Alors, arrêtez la RGPP !
M. Éric Woerth, ministre. Nos systèmes sociaux fonctionnement mieux quand la situation de l’emploi est favorable. Nous sommes bien d'accord sur ce point ; d’ailleurs, c’est une simple question de bon sens.
Au demeurant, en concevant le financement de la réforme des retraites, nous avons pris en compte les prévisions pour les années à venir du Conseil d’orientation des retraites.
La politique de l’emploi menée par le Gouvernement,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On en voit les résultats !
M. Éric Woerth, ministre. … en particulier par Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, est une politique active.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas bons sur l’emploi !
M. Éric Woerth, ministre. Au fur et à mesure, cette politique va conduire la France à sortir du chômage d’après-crise.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’an dernier, 260 000 postes ont été supprimés !
M. Éric Woerth, ministre. Le chômage a bondi en France du fait de la crise, tout comme d’ailleurs dans d’autres pays. Mais rappelez-vous, voilà deux ans, nous étions en train de réduire considérablement le chômage ; c’est à cause de la crise qu’il est reparti à la hausse pour atteindre le niveau que nous connaissons ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
D’ailleurs, actuellement, le chômage baisse de nouveau dans notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Mahéas. N’importe quoi !
M. Marc Daunis. Un peu de décence !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la méthode Coué !
M. Éric Woerth, ministre. Vous semblez le regretter ; la création nette d’emplois devrait pourtant vous réjouir ! Je ne comprends pas !
Mme Annie David. Ne nous prenez pas pour des imbéciles !
Mme Gisèle Printz. C’est la méthode Coué !
M. Éric Woerth, ministre. En outre, dans cette réforme des retraites, nous privilégions l’emploi des seniors.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons ainsi fait en sorte que, dans le projet de loi, un article permette d’aider les entreprises à créer de l’emploi pour les seniors.
M. Didier Boulaud. Oh !
M. Éric Woerth, ministre. En réalité, en reportant l’âge légal de départ à la retraite, nous permettons aussi aux seniors de mieux s’intégrer dans l’entreprise. À 55 ans, l’avenir, ce n’est pas forcément la retraite ! Cela peut également être le travail ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Parlez-nous des chômeurs, qui sont de moins en moins indemnisés ! Aujourd’hui, un chômeur sur deux n’est plus indemnisé !
M. Éric Woerth, ministre. À 55 ans, on a encore des choses à dire à son entreprise et à la société française !
Mme Patricia Schillinger. À condition que les entreprises embauchent !
M. Éric Woerth, ministre. Les chefs d’entreprise doivent également changer de regard sur les seniors au travail.
Nous devons simplement adapter les conditions de travail. Faisons en sorte de prendre en compte non seulement l’âge, mais aussi l’expérience. C’est formidable lorsque nous permettons à des personnes de rester en activité !
Mme Annie David. Mais sur quelle planète vivez-vous ?
M. Éric Woerth, ministre. Croyez-moi, ce n’est pas parce que nous aurons reporté l’âge légal de départ à la retraite qu’il y aura moins d’emplois pour les jeunes.
M. Bernard Vera. Bien sûr que si !
M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas le travail des personnes âgées de plus de 60 ans qui va augmenter le chômage des jeunes. Croire cela, c’est croire à la vieille idée du partage du temps de travail ! C’est ce que vous avez fait en instituant les 35 heures, qui ont été une erreur fondamentale pour la France ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
loi bioéthique
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
Madame la ministre, au début du mois de septembre, vous avez dévoilé les grandes lignes de la révision des lois « bioéthique », annonçant son examen par le Parlement avant la fin de cette année.
Ce projet est le fruit d’une réflexion aboutie menée par des chercheurs, universitaires, médecins et parlementaires, mais aussi par les Français dans leur ensemble, appelés à s’exprimer lors des états généraux de la bioéthique.
Nous-mêmes, au Sénat, avons été associés à cette réflexion, sur l’initiative de notre collègue Marie-Thérèse Hermange, dont le rapport sur le sang de cordon a été unanimement salué.
Si le projet de révision des lois « bioéthique » est peu innovant, il présente, selon moi, des motifs de satisfaction, mais également d’inquiétude.
Au titre des motifs de satisfaction, je me réjouis, par exemple, du maintien de l’interdiction de la gestation pour autrui, car c’est bien ici l’intérêt primordial de l’enfant à naître qui a été préservé.
Madame la ministre, je suis heureux également que vous n’ayez pas souhaité suivre la proposition du rapport Leonetti tendant à étendre le diagnostic préimplantatoire à la trisomie 21. Cette nouvelle stigmatisation avait indigné de nombreux parents et associations, qui avaient alors rappelé à juste titre que la solution au handicap passe exclusivement par la recherche, et non par l’élimination.
Toutefois, pour moi, il reste un sujet d’inquiétude majeur s’agissant de la recherche sur l’embryon.
Le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon sera maintenu, mais il sera assorti de dérogations. Parmi les conditions posées pour obtenir une autorisation, l’expression « progrès thérapeutiques majeurs » pourrait être remplacée par celle, plus large, de « progrès médicaux majeurs », ouvrant de nouvelles justifications aux travaux de recherche. Je me pose alors la question du sens du maintien d’un principe si les dérogations multiples le vident de sa substance.
Si je souhaite que l’on respecte fermement un tel principe d’interdiction, c’est parce que les travaux de recherche sur des cellules souches alternatives ont donné des résultats très prometteurs depuis 2004, notamment avec la mise au point des cellules IPS, c'est-à-dire des cellules adultes qui se comportent comme des cellules embryonnaires.
Des solutions autres que l’étude de cellules souches embryonnaires existent donc. Elles sont plus efficaces, évitent toute tentation de dérive eugéniste et sont ainsi plus respectueuses de nos principes juridiques, qui exigent de maintenir l’interdiction de la recherche sur l’embryon.
Puisque nous avons aujourd'hui ces « méthodes alternatives », qui ouvrent des perspectives nouvelles, pourquoi ne pas maintenir un principe d’interdiction ferme s’agissant de la recherche sur l’embryon ?
M. Guy Fischer. C’est l’Église qui parle !
M. Marc Daunis. C’est « Radio Vatican » ! Vive l’obscurantisme !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur Darniche, je présenterai effectivement le projet de loi bioéthique au conseil des ministres du 20 octobre prochain.
Comme vous l’avez souligné, ce projet de loi a fait l’objet d’une réflexion extrêmement approfondie, avec des études et des rapports, et a suscité des travaux parlementaires également très intéressants. À cet égard, je salue ceux de votre collègue Marie-Thérèse Hermange.
Les états généraux de la bioéthique ont permis de réaffirmer les principes fondamentaux : le respect de la dignité de la personne humaine, ainsi que le refus de toute marchandisation du corps humain et de tout dumping éthique.
Nous souhaitons consolider de tels principes, qui font l’objet d’un large consensus. Le texte comporte évidemment des avancées importantes. Je pense en particulier à la possibilité du don croisé d’organes, qui était très attendue par les familles, à l’encadrement des techniques d’assistance médicale à la procréation ou à la possibilité de lever l’anonymat des donneurs de gamètes à la condition expresse du consentement de l’homme ou de la femme.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez précisément sur le maintien de l’interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Nous avons souhaité ce maintien à cause de la solidité juridique de la procédure.
Néanmoins, la France est un grand pays de recherches médicales. Nous souhaitons garder la possibilité de dérogations très encadrées et gérées par l’Agence de la biomédecine.
Bien sûr, je n’ignore pas les possibilités que vous évoquez, qu’il s’agisse des cellules souches adultes, des cellules pluripotentes induites ou encore des cellules du sang de cordon. Mais ces recherches sont complémentaires de celles qui sont rendues possibles par la recherche sur les cellules souches embryonnaires. La France ne doit pas se priver de cette possibilité, tout en l’encadrant.
Vous avez également signalé la différence sémantique entre « progrès médical majeur » et « progrès thérapeutique majeur ». Le professeur Jean-François Mattei a répondu à cette question lors des états généraux de la bioéthique : on parle de « projet médical » quand l’angle thérapeutique n’a pas été encore complètement éclairé. Il ne s’agit donc pas d’une facilité ou d’un laxisme.
Je souhaite clairement réaffirmer devant vous les principes fondamentaux de notre pacte bioéthique, dont l’objectif est double : protéger la dignité de la personne et permettre les progrès de la médecine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures trente, pour la suite de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat ce jour qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-78 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
5
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Demande de priorité
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, ainsi que je l’ai annoncé tout à l’heure en commission, et pour nous permettre d’aborder rapidement ce qui constitue à l’évidence le cœur de nos préoccupations, comme en attestent toutes les interventions de ces deux derniers jours, je demande, en vertu de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, l’examen par priorité des articles 5 et 6 du projet de loi portant réforme des retraites. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas normal, c’est un coup de force !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je souhaite que nous puissions entamer l’examen de ces articles à la reprise de la séance de ce soir. Dans la mesure où toutes les interventions des différents orateurs portent essentiellement sur eux, il me semble préférable de les aborder dès aujourd’hui. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Guy Fischer. Non ! Respectez le débat parlementaire !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Nous pourrons ensuite débattre plus sereinement des autres articles.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est un coup de force contre le Sénat et la démocratie !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le Gouvernement y est évidemment favorable. Depuis deux jours, le débat porte en fait sur ces deux articles : autant les examiner directement ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Cette séance commence par un coup de force du Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Nos travaux de cet après-midi commencent par un coup de force du Gouvernement et de la présidente de la commission des affaires sociales ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout à fait, c’est un coup de force !
Mme Annie David. On ne l’a pas élue pour ça !
M. Guy Fischer. Ce jour, à treize heures trente, la présidente de la commission des affaires sociales nous a annoncé, en commission, que les articles 5 et 6, les deux articles scélérats de ce projet de loi, seraient appelés par priorité à la reprise de la séance ce soir.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est un scandale !
M. Guy Fischer. Dans un premier temps, il était prévu que nous entamions l’examen de ces articles à seize heures trente. Devant notre vive opposition, Mme la présidente de la commission des affaires sociales a accepté de repousser cette discussion à vingt et une heures trente.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De nuit !
M. Guy Fischer. Ces deux articles emblématiques devraient être débattus non pas la nuit, mais en plein jour, devant les Françaises et des Français ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, nous vous demandons de respecter l’ordre normal d’examen du texte. L’exécutif du Sénat se plie, monsieur le président, aux injonctions de M. Sarkozy ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Alain Gournac. Quelle horreur !
M. Guy Fischer. De surcroît, nous siégerons samedi, ce qui n’était pas prévu.
Un sénateur de l’UMP. Vive les 35 heures ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Au nom de tous les membres du groupe CRC-SPG, j’affirme que vous redoutez la mobilisation massive des Françaises et des Français le 12 octobre prochain !
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Vos manœuvres ne tromperont pas nos compatriotes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous partageons l’indignation de M. Fischer. Nous avons appris ce matin, en commission, lors d’une réunion de travail sur les amendements du Gouvernement, que nous commencerions cet après-midi, à seize heures trente, l’examen par priorité des articles 5 et 6 du projet de loi. C’est tout à fait scandaleux !
M. Josselin de Rohan. Mais non !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, certains de nos collègues inscrits pour intervenir sur ces articles ne sont pas informés de cette modification de l’organisation de nos travaux. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About. Pourquoi ne sont-ils pas là ?
M. Alain Gournac. Ils n’avaient qu’à être là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne vous inquiétez pas, ils viendront !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il nous a été souvent demandé, ces derniers temps, de faire preuve de sérénité, mais en l’occurrence vous en manquez sérieusement, chers collègues de la majorité ! Attendez au moins que j’aie fini !
Ce matin, devant nos protestations, Mme la présidente de la commission des affaires sociales a accepté le report de l’examen des articles 5 et 6 à la reprise de la séance de ce soir, ce qui ne change pas grand-chose au fond du problème.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Raffarin a donné le ton : il faut aller vite !
M. Jean-Pierre Godefroy. En réalité, il vous déplaît beaucoup que nous puissions nous exprimer comme nous le faisons depuis le début de ce débat. Mais je ferai remarquer, monsieur le président, que si du retard a été pris hier soir, nous n’en sommes pas responsables. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Si le président de séance ne nous avait pas refusé une suspension de cinq minutes, nous n’aurions pas été amenés à demander la vérification du quorum. Cela nous a fait perdre une heure ! Dans le même ordre d’idées, si nous avons passé la matinée à débattre comme nous l’avons fait, c’est parce que M. le ministre a annoncé le dépôt de deux amendements pour essayer de couper court à des revendications justifiées concernant les femmes et les personnes handicapées. Les retards pris dans la discussion ne sont donc pas de notre fait ! Vous cherchez à nous faire porter une responsabilité qui ne nous incombe pas !
En fait, vous voulez absolument que les articles 5 et 6 soient votés avant la manifestation du 12 octobre prochain.
Mme Annie David. Absolument, c’est un coup de force !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ainsi, vous pourrez dire aux Français : c’est fini, il n’y a plus de raison de manifester, puisque le Sénat s’est prononcé !
Vous vous trompez ! Votre attitude va au contraire renforcer la détermination des manifestants, c’est du moins ce que nous souhaitons de tout cœur ! Vous commettez une faute grave en disant aux salariés : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Quel joli sens du dialogue ! C’est à croire que votre objectif est d’encourager la radicalisation du mouvement, pour des motifs politiques !
Un sénateur de l’UMP. Calmez-vous !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s’agit peut-être pour vous de récupérer un électorat que vous avez perdu, comme vous avez déjà essayé de le faire en instrumentalisant les expulsions de Roms ! Eh bien, c’est tout à fait inacceptable ! Nous ne voulons pas que le Parlement soit le jouet de telles manœuvres ! Oui, il y a une volonté politique de nous faire taire ! Vous agissez sur ordres, monsieur le président ! Vous faites aujourd'hui ce qu’a fait le président de l’Assemblée nationale en refusant de donner la parole aux députés de l’opposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Pour infirmer vos propos, mon cher collègue, je donne la parole à Mme Marie-Agnès Labarre, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Agnès Labarre. Mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.
Nous ne pouvons que déplorer les manœuvres du Gouvernement visant à éviter le débat de fond. Ce matin, nos sous-amendements ont été déclarés irrecevables : nous avons dénoncé avec force cette atteinte substantielle aux droits du Parlement.
Alors que le pays traverse une crise sociale et économique sans précédent, vous essayez de désorganiser le débat en appelant en priorité des articles qui ne devaient être examinés que dans plusieurs jours. Vous tournez ainsi le dos à nos concitoyens et vous refusez d’écouter les parlementaires de l’opposition !
Il est impératif que nous ayons un débat de fond, qui nous permettra de démontrer que d’autres solutions que celles que vous prônez existent. Or plusieurs de nos amendements se sont vu opposer l’article 40 de la Constitution, ce qui nous a empêchés encore une fois d’exprimer nos positions et de faire entendre les voix de la rue : celles des chômeurs, des travailleurs, des jeunes, des retraités.
Nous avions ainsi déposé des amendements portant sur les retraites agricoles. Vous savez dans quelle situation critique se trouve le monde agricole. Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, nous avions dénoncé l’absence de prix rémunérateurs et de régulation des volumes de production, ainsi que l’incapacité du Gouvernement à protéger nos producteurs, nos éleveurs et nos pêcheurs. M. Le Maire avait alors refusé de débattre avec nous de la question des retraites agricoles. Il s’était voulu rassurant, tenant les propos suivants :
« Mais qu’il soit bien clair qu’il ne s’agit pas ici de se prononcer sur le fond de la question des retraites agricoles, qui est un vrai sujet ! Éric Woerth nous a déjà reçus et continuera à nous recevoir, avec les organisations syndicales représentatives, pour en discuter. Nous devons notamment examiner des questions fondamentales telles que les années de référence ou l’accès au montant minimum de retraite, sur lequel il existe des points de blocage.
« Nous souhaitons effectivement que ces dossiers soient traités dans le cadre de la réforme des retraites. »
Force est de constater que le débat risque d’être extrêmement restreint, en raison de la déclaration d’irrecevabilité de nos amendements au titre de l’article 40. Le secteur agricole est en situation de naufrage, les agriculteurs souffrent, les travailleurs sont ruinés et les retraités survivent à peine. Vous avez décidé d’occulter cette situation dramatique en refusant d’examiner nos propositions. S’agissant d’une réforme de cette importance, qui engage l’avenir de nos concitoyens, c’est inadmissible !
Écoutez les voix qui s’élèvent aux quatre coins du pays ! Monsieur le ministre, le monde paysan est au bord du suicide. La Confédération paysanne occupe depuis exactement vingt-huit jours la Maison du lait, pour obtenir que soit mis en place le pluralisme syndical dans les interprofessions agricoles, mesure qui a été repoussée lors de l’élaboration de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Quatre paysans sont en grève de la faim depuis le 27 septembre.
Nous voulons ici débattre dans des conditions sereines du sort des salariés. Nous souhaitons pouvoir exposer nos propositions, apporter des témoignages humains, faire entendre la voix de nos concitoyens, pour que vous mesuriez l’ampleur de votre erreur lorsque vous vous entêtez à défendre une réforme injuste et inefficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Nous sommes assez loin de l’article 36 du règlement, ma chère collègue…
Acte est donné de ces rappels au règlement.
M. Romani ayant été mis en cause, je lui donne la parole.
M. Roger Romani. L’intervention de notre collègue Jean-Pierre Godefroy – qui m’a d’ailleurs assisté hier soir, avec beaucoup d’objectivité, dans mon rôle de président de séance – m’a quelque peu surpris.
Monsieur Godefroy, je me suis contenté, hier soir, d’appliquer le règlement, de donner connaissance des conclusions de la conférence des présidents et d’autoriser deux rappels au règlement. Alors que le scrutin public avait commencé, M. Sueur a demandé une suspension de séance. Cette suspension de séance n’était pas de droit, je l’ai refusée, c’est vrai ; j’en ai pris la responsabilité.
Vous avez ensuite demandé la vérification du quorum, ce qui était votre droit. Il a donc été procédé, conformément au règlement, à la vérification du quorum.
Monsieur Godefroy, hier soir, nous avons subi les leçons de M. Sueur. J’avais une haute opinion de vous, je suis plus que déçu ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous reprenons l’examen de l’article 1er A, dont je rappelle les termes :
Article 1er A (suite)
À la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un paragraphe 1er A ainsi rédigé :
« Paragraphe 1er A
« Objectifs de l’assurance vieillesse
« Art. L. 161-17 A. - La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations.
« Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité.
« Les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent.
« Le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle, de solidarité intragénérationnelle et de pérennité financière. »
M. le président. Je rappelle que, hier soir, les amendements nos 819, 756, 56, 1170, 317 rectifié, 59, 60, 746, 757, 745, 552 rectifié ter, 760, 320 rectifié, 551 rectifié bis, 61 et 598, faisant l’objet d’une discussion commune, ont été présentés par leurs auteurs. La commission et le Gouvernement ont exprimé leur avis sur chacun de ces amendements, dont je rappelle les termes :
L'amendement n° 819, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 7
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 161-17-A. - La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations et le droit intangible de tous à une période de vie en bonne santé, dégagée des activités professionnelles, ouvert à soixante ans, et à un niveau de pension au moins égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
L'amendement n° 756, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 161-17 A. - La Nation garantit aux assurés et aux générations à venir le droit de disposer d'un système de retraite par répartition fondé sur la solidarité entre les générations et le juste partage des richesses. »
L'amendement n° 56, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas et Sueur, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, et elle garantit à la femme des droits égaux à ceux de l'homme
L'amendement n° 1170, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle garantit également le principe absolu de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
L'amendement n° 317 rectifié, présenté par MM. Collin, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et à un niveau de pension égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance
L'amendement n° 59, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle garantit aux assurés la protection de la santé, la réussite matérielle et le repos, ouvert à soixante ans.
L'amendement n° 60, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La Nation se donne pour objectif de combler les écarts de pensions, d'âge moyen de fin d'activité et d'âge moyen de départ en retraite entre les hommes et les femmes.
L'amendement n° 746, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La solidarité intergénérationnelle passe par une politique de l'emploi favorisant notamment l'intégration sociale et professionnelle des jeunes, le remplacement des salariés partant en retraite, la reconnaissance des qualifications initiales et acquises, la prise en compte de la pénibilité des tâches et des métiers.
L'amendement n° 757, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
en rapport avec les
par les mots :
proportionnelle aux
L'amendement n° 745, présenté par MM. Vera, Foucaud et Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
les revenus qu'il a tirés de
L'amendement n° 552 rectifié ter, présenté par Mmes Morin-Desailly, Payet et Férat et MM. Dubois, Détraigne, A. Giraud, Amoudry, Zocchetto, Deneux et Maurey, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
soient
insérer les mots :
leur sexe,
L'amendement n° 760, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
maintien
insérer les mots :
et de progression
L'amendement n° 320 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
niveau de vie satisfaisant des retraités
insérer les mots :
leur assurant une pleine intégration dans la vie économique et sociale.
L'amendement n° 551 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly, Payet et Férat et MM. Dubois, Maurey, Amoudry, A. Giraud, Détraigne, Deneux et Zocchetto, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
d’équité
insérer les mots :
hommes-femmes et
L'amendement n° 61, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
d'équité intergénérationnelle
insérer les mots :
, d'équité entre les hommes et les femmes
L'amendement n° 598, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
et de pérennité financière
par les mots :
, de pérennité financière, de progression du taux d'emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans et de réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 819.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Non, ma chère collègue, je ne peux vous donner la parole que pour explication de vote !
Mme Raymonde Le Texier. Mon intervention ne porte pas sur cet amendement !
M. le président. Soyez raisonnable, vous aurez d’autres occasions de vous exprimer !
Je mets aux voix l'amendement n° 819.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 756.
M. Guy Fischer. M. Leclerc rappelle à juste titre, dans son rapport, que le fondement du système de retraite français, à savoir le principe de répartition, « repose sur la solidarité entre les générations ».
Le rapport souligne, à ce propos, que les cotisations versées par les actifs au titre de l’assurance vieillesse servent immédiatement à payer les pensions des retraités actuels et que, en échange, les cotisants actuels acquièrent eux-mêmes des droits sur les générations futures.
Or, à l’article 1er A, la majorité de la commission a fait insérer une disposition qui nous paraît être en contradiction avec ces principes. Il est en effet désormais question, à l’alinéa 7, de « solidarité intragénérationnelle » et d’« équité intergénérationnelle ». Or c’est bien la solidarité intergénérationnelle qui fonde le principe de répartition.
De surcroît, l’équité n’est pas l’égalité : c’est une notion beaucoup plus floue, que vous aimez souvent utiliser. Nous défendons, pour notre part, l’égalité.
Ainsi, cet article, dont la rédaction initiale, grâce à nos collègues du groupe GDR de l’Assemblée nationale, était positive, pourrait à terme permettre de s’éloigner du système par répartition tel qu’il est défini actuellement. La nouvelle rédaction que nous proposons pour l’alinéa 4 a pour objet de pallier ces risques de dérive, en indiquant clairement dans la loi que la nation garantit aux assurés actuels et aux générations futures le droit à un système de retraite par répartition fondé sur la solidarité entre les générations.
Quant au maintien d’un « niveau de vie satisfaisant des retraités » et à la « pérennité financière » visés dans la rédaction adoptée par la majorité de la commission des affaires sociales, ce n’est pas l’allongement de la durée de cotisation qui permettra de les assurer. Au terme de la discussion de ce texte, le déficit de 4 milliards d’euros n’aura pas disparu.
La pérennisation d’un système de retraite juste pour nos concitoyens et pour les générations futures, permettant à ses bénéficiaires de vivre une retraite digne, impose un nouveau partage des richesses, un partage équitable. L’argent ne manque pas et, s’il en était besoin, les récents scandales à répétition le prouveraient de manière évidente. Nos concitoyens l’ont désormais bien compris, c’est la raison pour laquelle ils rejettent votre scénario catastrophe pour les retraites.
Pour notre part, nous aurons l’occasion d’exposer nos propositions en la matière lors de l’examen des amendements que nous avons déposés sur cette question du financement des retraites. Au fil des années, une part sans cesse croissante des richesses produites par la nation a servi à rémunérer le capital, à alimenter encore et toujours les profits, au détriment des salaires, de l’emploi et de la formation.
Les retraites ne peuvent être réduites à un marché juteux guetté avec avidité par les fonds de pension, les banques et les assurances, pour faire de l’argent, toujours plus d’argent et toujours plus vite, pour le seul profit de quelques-uns ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Ce débat sur les objectifs généraux et les finalités assignés à notre régime de retraite par répartition me semble essentiel.
Par-delà une déclaration de principes que je trouve pour ma part un peu emphatique, est posé un débat de fond qui traduit des clivages et des conceptions fort différentes de la protection sociale.
À cet instant, je voudrais revenir sur deux thèmes capitaux : la démographie et l’économie. Nous avons en effet l’impression que, sur ces deux points, quelques éléments ont été oubliés.
Concernant la démographie, on nous dit, depuis plusieurs mois, que notre pays risque, à l’horizon 2040, de compter environ trois actifs pour deux retraités, voire moins. Nous devrions donc composer avec une réalité démographique redoutable, pesant lourdement sur le financement des retraites. Nous serions contraints, de ce fait, d’allonger la durée de cotisation et de reculer l’âge de cessation d’activité.
Cependant, la démographie est parfois trompeuse. Tout d’abord, la situation démographique de notre pays est très nettement différente de celle des autres grands pays européens. Ainsi, en matière d’excédent naturel des naissances sur les décès et de solde migratoire, la situation de la France n’est pas celle de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie ou de la Belgique, tous pays dont la population stagne sous les effets conjugués d’un ralentissement des naissances et d’un solde migratoire pas aussi favorable que le nôtre.
Dans l’absolu, nous risquons d’observer une contraction de la population chez la plupart de nos voisins, tandis que la population française, dans l’Hexagone et outre-mer, devrait continuer à croître, pour tendre vers 70 millions d’habitants en 2040. Nous connaissons aujourd’hui un taux de natalité suffisant pour assurer le renouvellement des générations. Ce simple fait, original en Europe, pourrait justifier, si l’on s’en tenait à la seule démographie, que nous ne prenions pas les mêmes mesures que nos voisins face au problème des retraites.
Cela étant, la démographie nous apprend aussi, notamment, que le taux d’activité global de la population française est orienté à la hausse, et ce de manière continue. L’évolution la plus spectaculaire concerne, de ce point de vue, l’activité professionnelle des femmes. En 1968, la majorité des femmes en âge de travailler étaient sans activité professionnelle. Les évolutions constatées dans les années soixante-dix et quatre-vingt, qui se sont poursuivies sans interruption depuis, ont conduit à ce que, aujourd’hui, 80 % des femmes en âge de travailler aient une activité professionnelle.
Dans le même ordre d’idées, le nombre de jeunes diplômés s’est globalement accru et la population active bénéficie aujourd’hui d’un niveau de qualification initiale bien plus élevé que précédemment. Songeons que, en 1968, la France comptait 250 000 étudiants ; ce chiffre a décuplé depuis.
Ce relèvement du niveau de formation des jeunes est sans doute l’un des facteurs essentiels de pérennité de notre système de sécurité sociale, car il implique que nous disposons largement des moyens nécessaires pour mener à bien les mutations techniques et réaliser les gains de productivité susceptibles de permettre la création des richesses indispensables au financement de la protection sociale.
Cette observation nous aidera à faire le lien avec la question économique, présentée depuis de longues semaines de manière caricaturale, sinon erronée. À en croire tous les « pères-la-rigueur » qui sévissent en matière de finances publiques, il n’y a jamais de gains de productivité du travail, la richesse créée par le travail n’est jamais prélevée pour rémunérer le capital et les banques, et nous devrions réfléchir en circuit fermé, en nous lamentant sur le coût du travail, si élevé qu’il nous expose à la concurrence des pays émergents…
Mais ils ont beau dire et faire, la réalité est têtue. Le monde du travail, dans son ensemble, sait pertinemment que tant les mutations technologiques que l’évolution des qualifications sont des facteurs essentiels d’accroissement de la production, et que le temps de travail humain nécessaire pour fabriquer tel ou tel produit ne cesse de se réduire. Il a ainsi été calculé que, en 1960, il fallait autant de temps à un salarié de l’automobile pour construire une voiture qu’il ne lui en faut aujourd’hui pour en produire cinq.
Mme Annie David. Exactement !
M. François Autain. De tels gains de productivité sont à la base du financement de la sécurité sociale, car ils trouvent une traduction dans notre production intérieure. Une juste allocation des fruits de ces progrès est nécessaire pour répondre aux besoins collectifs.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Après avoir indiqué que je voterai l’amendement n° 756, je voudrais revenir sur l’organisation de nos travaux.
Au début de la semaine, l’examen des amendements portant article additionnel a été réservé, ce qui fut un premier facteur de perturbation de notre discussion. Nous venons maintenant d’apprendre que les articles 5 et 6 seraient examinés par priorité, ce qui constitue un autre élément de désorganisation de nos travaux.
Monsieur le président, nous devons préparer nos interventions, avec l’aide de nos collaborateurs. Pour cela, nous suivons l’ordre initialement établi de discussion des articles. Il faut aussi tenir compte du fait que nous travaillons sur le texte de la commission, qui n’est disponible que depuis vendredi dernier.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Claude Domeizel. Cela signifie que, avant le début de la séance publique, ce lundi, nous avons dû prendre connaissance d’une nouvelle rédaction du projet de loi, et le cas échéant modifier nos amendements en conséquence, voire en rédiger de nouveaux.
M. Jean-Pierre Godefroy. Effectivement !
M. Claude Domeizel. Ces changements successifs qui viennent bousculer l’organisation de nos travaux rendent les choses encore plus difficiles ! C’est un manque de respect non seulement pour les parlementaires, en particulier les sénateurs, mais aussi pour leurs collaborateurs. Au-delà de votre personne, monsieur le président, je m’adresse, à cet instant, au pouvoir exécutif.
Nous allons maintenant devoir préparer, d’ici à ce soir, nos argumentaires sur les dispositions des articles 5 et 6.
M. Éric Doligé. Eh bien, allez les préparer !
M. Alain Gournac. C’est sans rapport avec l’amendement !
M. Claude Domeizel. La logique voudrait que la séance soit suspendue sur-le-champ, pour nous permettre de le faire ! (Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.) Il est prévu que j’intervienne sur ces articles, mais je m’étais organisé pour préparer mes prises de parole pendant le week-end prochain. Je vais donc me trouver contraint de m’exprimer ce soir au débotté, sans aucune préparation. Ce n’est pas satisfaisant, d’autant qu’il s’agit des articles les plus importants de ce projet de loi ! La moindre des choses est que l’opposition puisse faire entendre ses arguments ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 756.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Hier, l’amendement n° 598 a obtenu un avis favorable de la commission et du Gouvernement. Par conséquent, je retire l’amendement n° 551 rectifié bis, qui est également relatif à l’alinéa 7 de l’article 1er A et aux objectifs à atteindre en matière d’équité entre hommes et femmes.
En revanche, je maintiens l’amendement n° 552 rectifié ter, qui porte plus largement, quant à lui, sur les principes. Il me semblerait bon de réaffirmer, à l’alinéa 6, que les assurés devront être traités équitablement au regard de la retraite, quel que soit leur sexe.
M. le président. L’amendement n° 551 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote sur l’amendement n° 56.
M. Ronan Kerdraon. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi que le système de retraite en France doit garantir aux femmes des droits égaux à ceux des hommes.
Certes, les déclarations de principe ne suffisent pas, mais elles permettent parfois de rappeler certaines évidences qui, malheureusement, sont vite oubliées au moment de certains choix politiques et de certaines prises de décision en général.
En effet, force est de constater que la présente réforme va profondément pénaliser les femmes : elles seront, une nouvelle fois, les grandes victimes, malgré ce que vous nous avez dit ce matin, monsieur le ministre.
Comme nous l’avons déjà rappelé, le niveau des pensions de retraite des femmes est nettement inférieur à celui des pensions versées aux hommes ! En 2004, les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient ainsi une pension de retraite d’un montant équivalant, en moyenne, à 50 % de la pension dont bénéficient les hommes !
Ce matin, monsieur le ministre, vous avez annoncé le dépôt de deux amendements visant, selon vos dires, à reconnaître la situation difficile de certaines mères de famille ayant élevé plus de trois enfants ou ayant un enfant handicapé. Or, comme nous vous l’avons rappelé, ces dispositions constituent non pas des avancées, mais seulement le maintien de mesures justes existantes. Vous jetez de la poudre aux yeux des Français, espérant leur faire avaler ainsi plus facilement une réforme profondément injuste pour les femmes.
Le jeu du Gouvernement apparaît ici très clairement : s’inquiétant de l’amplification du mouvement social, qu’il a pourtant dénigré ces dernières semaines, il tente, par des effets d’annonce, de freiner le durcissement légitime du conflit à l’approche de la journée du 12 octobre.
Pourtant, nous le savons tous, ces « mesurettes » n’enlèvent rien au caractère inique de cette réforme, notamment pour les femmes ! En ne prenant pas suffisamment en compte la situation des travailleurs précaires ayant eu des carrières longues, difficiles et fractionnées ou ayant connu des périodes d’inactivité ou de chômage, ce projet de loi va inévitablement pénaliser ceux qui sont déjà les moins favorisés.
Parmi eux figurent bien évidemment les femmes qui, afin de pouvoir concilier quotidiennement leurs responsabilités familiales et leurs objectifs professionnels, ont choisi de suspendre momentanément leur carrière ou de continuer leur activité professionnelle à temps partiel. Aujourd’hui, les femmes occupent 82 % des emplois à temps partiel ! Seulement 44 % d’entre elles effectuent une carrière complète, contre 86 % des hommes, et elles gagnent en moyenne 27 % de moins que ces derniers.
Malgré ces réalités incontestables et incontestées, le dossier de présentation de votre projet de loi comportait le paragraphe suivant : « Les femmes bénéficient de nombreux dispositifs de solidarité au sein des régimes de retraite qui leur permettent notamment de compenser les aléas de carrière […]. L’ensemble de ces dispositifs de solidarité compensent efficacement l’impact des enfants. »
Quelle hérésie ! Atteindre 62 % du niveau de pension des hommes ne me semble pas refléter une compensation « efficace » !
Cette réforme va perpétuer et risque même d’aggraver l’inégalité entre hommes et femmes devant le droit à la retraite, en mettant en place des mesures constitutives d’une discrimination indirecte : je pense, notamment, au report à 67 ans de l’âge ouvrant droit au bénéfice de la retraite à taux plein, disposition qui va concerner la très grande majorité des femmes.
Comme le précisait la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité dans sa délibération du 13 septembre dernier, « compte tenu du mode de calcul des retraites, les femmes totalisent avec difficulté le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier de la retraite à taux plein. C’est pourquoi elles sont plus nombreuses à devoir travailler jusqu’au seuil de départ à taux plein. Le relèvement progressif de l’âge du départ à taux plein de 65 à 67 ans, risque donc de pénaliser les femmes plus que les hommes. »
Il semble incroyable que, à notre époque, les femmes connaissent encore des difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale. Il est indispensable qu’une réforme des retraites prenne en compte les principaux paramètres qui les pénalisent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Les pensions servies aux femmes demeurent encore bien inférieures à celles dont bénéficient les hommes, et les causes de cette situation sont bien connues.
On peut se réjouir de la prise de conscience de la nécessité d’ouvrir le débat sur la retraite des femmes. Le système actuel de retraite étant surtout adapté aux carrières linéaires et ascendantes, un creusement des inégalités est en effet à craindre, qui affectera, en priorité, les retraites des femmes.
L’augmentation de l’activité féminine va conduire, à terme, à un rapprochement des durées de cotisation des femmes et des hommes, nous dit-on. Cependant, outre le fait que cette évolution résulte pour partie d’un raccourcissement des durées de cotisation validées par les hommes et ne se répercute que très lentement sur le niveau des retraites, l’allongement des durées de cotisation ne suffira pas à combler les écarts en matière de montants de pensions, en raison des conséquences de la précarité, des différences de salaires et du développement massif du travail à temps partiel à compter du début des années quatre-vingt. En effet, ce dernier touche en premier lieu les femmes, qui représentent 82 % des travailleurs à temps partiel. La part du travail à temps partiel a plus que doublé, puisqu’il concernait 18 % des salariés en 2007, contre 8 % en 1982. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Naturellement, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG voteront l’amendement n° 56 de nos collègues socialistes, qui tend à préciser que « la Nation garantit aux femmes de notre pays des droits égaux à ceux des hommes ».
Il faut dire que nous avons encore d’importants efforts à réaliser en la matière, notamment pour ce qui relève de l’égalité salariale. Quatre ans après l’adoption de la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, les femmes continuent de percevoir des salaires inférieurs de 19,2 % en moyenne à ceux des hommes. Comment pourrait-il en être autrement, puisque vous refusez toujours de prendre des mesures réellement efficaces à l’encontre des entreprises qui discriminent leurs salariées, c’est-à-dire d’instaurer des sanctions financières ?
Lors des débats de 2006, notre ancien collègue Roland Muzeau, aujourd’hui député, affirmait à juste titre que « toutes les lois votées depuis vingt-cinq ans concernant l’égalité salariale ou professionnelle ont été inefficaces. La raison en est évidente : aucune mesure réellement contraignante pour les entreprises n’était édictée. » Ces propos demeurent malheureusement d’une grande actualité, et l’on peut sans difficulté les appliquer aux quelques rares mesures contenues dans ce projet de loi.
On aurait pourtant pu s’attendre à ce qu’enfin des dispositions réellement contraignantes soient prises. En 2006, la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité n’avait-elle pas parlé d’un « dernier avis de négociations avant sanction » ? Visiblement, cette déclaration n’a pas fait trembler Mme Parisot, et il semblerait même que le MEDEF ait trouvé les moyens de vous convaincre de renoncer à agir, monsieur le ministre.
Par ailleurs, nous le savons tous, les femmes souffrent d’abord et avant tout de sous-emploi. Dans 82 % des cas, les titulaires de contrats à temps partiel, de contrats à durée déterminée ou d’intérim, c’est-à-dire de contrats atypiques, sont des femmes. Là encore, votre projet de loi n’apporte aucune réponse.
C’est pourquoi, en soutenant l’amendement de nos collègues socialistes, nous entendons réaffirmer le principe de l’égalité entre hommes et femmes, afin d’inciter le législateur et le Gouvernement à agir.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Cet amendement porte sur un sujet incontournable pour toute réforme du système de retraite, au-delà de votre projet, monsieur le ministre.
Le système actuel est remarquable, mais il est fondé sur une vision de la famille et de la femme ne correspondant plus au niveau d’exigence qui est aujourd’hui le nôtre en matière d’égalité entre hommes et femmes. À l’époque où il a été mis en place, on considérait que l’homme subvenait par son travail aux besoins de sa famille et on ne jugeait pas souhaitable que les femmes entrent sur le marché du travail.
Depuis, une révolution dans les mentalités est intervenue, mais le système a peu évolué. Il suffit, pour s’en convaincre, de considérer les chiffres : aujourd’hui, une retraitée sur deux touche une pension inférieure à 900 euros par mois, et une sur trois moins de 700 euros. Or, l’Union européenne a fixé le seuil de pauvreté à 880 euros de ressources mensuelles. Cela signifie qu’une femme sur deux vivant seule dispose de ressources inférieures ou égales à ce seuil. Il est heureux que la solidarité familiale puisse souvent jouer, car la République ne donne pas, dans de nombreux cas, aux femmes seules les moyens de vivre dignement leur retraite.
Une réforme était donc effectivement nécessaire pour corriger cette situation. Mais, au contraire, la mise en œuvre de votre projet l’aggraverait encore.
En effet, le seuil de 65 ans sera maintenu pour les femmes ayant élevé au moins trois enfants en matière d’accès à la pension à taux plein, mais l’âge du départ à la retraite sera repoussé à 62 ans, quelle que soit la pénibilité du métier. Il s’agit là d’un recul très important par rapport à la situation actuelle.
Comment donc pouviez-vous parler, ce matin, d’une « avancée » ? Si avancée il y a, c’est uniquement au regard de la régression terrible que constitue votre projet de réforme, dont l’application aggravera mécaniquement la situation des femmes, déjà très difficile. L’aménagement que vous proposez pour les femmes ayant eu au moins trois enfants ne représente qu’une atténuation des conséquences de votre dispositif. Il est important de le souligner, pour bien prendre la mesure de concessions directement inspirées par l’Élysée.
6
Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires australiens
M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du Sénat tout entier, j’ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Parlement australien, conduite par M. Michael Forshaw, sénateur et président de la commission des affaires étrangères. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation est accompagnée par notre collègue Catherine Procaccia. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que nos collègues australiens portent à notre institution.
Au nom du Sénat de la République Française, je forme des vœux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié entre nos deux pays et je leur souhaite la plus cordiale bienvenue. J’associe à cet hommage M. Leclerc, qui préside le groupe d’amitié France-Australie mais se trouve aujourd’hui retenu par ses devoirs de rapporteur. (Applaudissements.)
7
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Article 1er A (suite)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 1170.
Mme Odette Terrade. L’inégalité salariale entre les femmes et les hommes est une injustice criante et persistante, qui vient de temps en temps troubler le débat politique, hélas ! sans jamais donner lieu à des mesures concrètes.
L’article 31 du projet de loi ne va pas assez loin et nous reviendrons, à l’occasion de sa discussion, sur les lacunes qu’il présente.
Nous soutenons l’amendement n° 1170, visant à inscrire dans le code de la sécurité sociale, au titre des objectifs de l’assurance maladie, le principe absolu de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Cela étant dit, je voudrais réaffirmer notre inquiétude quant à la discrimination salariale qui affecte les femmes et vient s’ajouter à toutes les difficultés qu’elles rencontrent dans le monde du travail. Je pense notamment à leur très forte exposition aux formes de travail les plus précaires.
Les propositions pour sanctionner les entreprises se multiplient, mais les délais pour les mettre en œuvre se rallongent. De plus, il ne s’agit que d’obligations de moyens, et non de résultats.
Pourtant, on se souvient que, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, M. Frédéric Lefebvre, membre bien connu de la majorité présidentielle, avait dénoncé l’écart de 16 % constaté entre les rémunérations des femmes et celles des hommes. Il avait alors, au nom de son parti, proposé que des sanctions soient prises, notamment en diminuant les aides publiques et en supprimant les exonérations de charges, à l’encontre des entreprises qui, dans un délai de trois ans, ne mettraient pas en œuvre une stricte égalité salariale. Autant dire qu’une telle contrainte est loin d’être suffisante pour réduire les écarts entre les femmes et les hommes en matière de salaires et de retraite !
Aujourd’hui, des femmes doivent ester en justice pour faire respecter leurs droits. Notons d’ailleurs que, dans une affaire récente, la Cour de cassation a retenu un nouveau critère, celui de « fonction d’importance comparable », pour juger du respect du principe d’égalité salariale. Ce faisant, la haute juridiction étend, à juste titre, le champ de la comparaison à des postes de direction ayant des intitulés distincts, mais impliquant des responsabilités similaires dans le bon fonctionnement de l’entreprise.
Il est temps que le législateur se saisisse de cette question et qu’il assure une véritable promotion des femmes !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Le rapport de la commission des affaires sociales souligne que « les femmes sont davantage conduites à occuper des emplois précaires, à temps partiel parfois subi, et souvent moins qualifiés dont elles tirent un salaire faible, sur lequel reposera leur future pension de retraite ».
La commission ajoute très justement qu’« elles subissent des inégalités salariales indéniables », relevant que l’écart salarial entre les femmes et les hommes atteint 19,2 % en moyenne, selon Eurostat, ou que, aux termes d’une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, à situation égale et bien que plus diplômées en moyenne, les femmes qui ne se sont jamais arrêtées de travailler ont malgré tout un salaire horaire brut inférieur de 17 % à celui des hommes.
Que fait, concrètement, le Gouvernement pour progresser vers l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ? Il parle beaucoup de ce sujet, c’est vrai, et fait régulièrement des promesses.
Le candidat à la présidence de la République Nicolas Sarkozy tenait d’ailleurs, dans un entretien publié par le magazine Femme actuelle le 26 mars 2007, les propos suivants : « Un homme gagne 15 % de plus qu’une femme. C’est scandaleux. […] Le principe de l’égalité est un principe sacré. […] Dès le mois de juin, je réunirai une conférence avec les partenaires sociaux afin que l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes soit totale d’ici 2010. »
Nous sommes en 2010 : où est cette égalité « totale » ? Nous en sommes bien loin !... Quand les entreprises qui ne se seront pas engagées dans une démarche de promotion de l’égalité avant la fin de cette année seront-elles sanctionnées financièrement ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles préfèrent payer des amendes !
Mme Annie David. Le projet de loi qui devait préciser les modalités de ces sanctions financières a été annoncé à de nombreuses reprises, mais son dépôt est sans cesse reporté. Peut-être est-ce faute de place dans le calendrier parlementaire ? Pourtant, depuis 2007, le Gouvernement a fait adopter selon la procédure accélérée quantité de textes dont l’urgence était moins évidente. Il est plus probable que ce soit la volonté politique qui manque…
Le 1er juillet dernier, lors de l’installation de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes en votre présence, monsieur le ministre, M. François Fillon, évoquant la question de l’égalité professionnelle et salariale, a promis une concertation avec les partenaires sociaux – encore une promesse ! –, ajoutant que, à défaut d’accord, il faudrait « présenter des évolutions législatives d’ici à la fin de l’année ».
Certes, votre projet de loi comporte un article 31, tendant à prévoir une pénalité financière pour les entreprises de plus de cinquante salariés qui ne respecteraient pas l’obligation de conclure un accord collectif sur l’égalité entre les femmes et les hommes ou n’adopteraient pas un plan d’action. Cette pénalité pourrait s’élever, au maximum, à 1 % de la masse salariale de l’entreprise. Je remarque d’ailleurs, au passage, qu’il n’est plus question de supprimer les aides publiques dans un tel cas.
Je relèverai tout d’abord qu’un plan d’action comprenant des objectifs et des mesures n’est tout de même pas un accord négocié et pourra demeurer purement formel.
En outre, la définition des modalités de suivi de la réalisation des objectifs et de la mise en œuvre des mesures de l’accord et du plan d’action est renvoyée à un décret ultérieur. Dans ces conditions, qui jugera si les évolutions prévues dans le plan d’action sont suffisantes et ne se limitent pas simplement à une légère amélioration par rapport à la situation existante ?
Surtout, j’observe que, par cet article 31, vous repoussez d’un an l’entrée en application de la loi, qui, précisément, mettait en place l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.
Bien entendu, nous reviendrons sur ces questions lors de l’examen de l’article 31, mais je voudrais exprimer d’ores et déjà notre crainte de voir le projet de loi portant réforme des retraites se substituer à la nouvelle loi générale sur l’égalité salariale tant attendue, mais que nous ne voyons toujours pas venir. Ce ne serait finalement qu’un cavalier gouvernemental de plus ! Il n’est pas possible de régler la question de l’égalité professionnelle et salariale au travers d’un seul article, partiel qui plus est, d’un texte concernant les retraites. En revanche, le principe de l’égalité doit être affirmé en toutes circonstances. Tel est précisément l’objet de notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Comme vous l’avez indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, les inégalités entre les hommes et les femmes sont graves et persistantes. Vous nous avez invités à être concrets dans ce débat. Parfait !
En matière de scolarité, par exemple, toutes les études montrent que les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons. Pourtant, si elles représentent 71,7 % des bacheliers et 56 % de la population étudiante, elles sont beaucoup moins nombreuses dans les filières prestigieuses, puisqu’elles ne constituent que 40 % des effectifs des classes préparatoires et 23 % de ceux des d’écoles d’ingénieur. Cela équivaut à une première pénalisation au regard de la retraite.
Par ailleurs, la formation professionnelle continue est également marquée par ces discriminations larvées dont sont victimes les femmes. Les statistiques font ressortir qu’une femme de 35 ans a deux fois moins de chances qu’un homme du même âge d’y accéder. En revanche, les femmes représentent 66 % des bénéficiaires de la validation des acquis de l’expérience.
Enfin, en matière d’emploi et de chômage, les femmes constituaient, en 2007, 47 % de la population au travail ou à la recherche d’un emploi, contre 34 % en 1962. Toutefois, alors que leur taux d’activité atteint 83 % pour la tranche d’âge allant de 25 ans à 49 ans, leur taux de chômage s’établit à 11 %, contre 9,7 % pour les hommes.
L’emploi féminin est concentré, à hauteur de 66 %, dans six professions, et 60 % des emplois non qualifiés sont occupés par des femmes. Le transfert des métiers non qualifiés de l’industrie vers le tertiaire a accompagné le développement de l’emploi féminin. Ainsi, deux tiers des emplois créés au sein des professions non qualifiées du tertiaire sont occupés par des femmes, lesquelles, dans le même temps, n’ont bénéficié qu’à concurrence d’un cinquième de la progression des emplois qualifiés.
Il résulte de tous ces éléments que le diplôme obtenu par une femme est moins valorisé que celui d’un homme. Je m’appuierai encore une fois sur la force des chiffres : en 2007, sur 100 femmes au travail, 49 étaient employées ; en outre, un homme bachelier de 40 ans a 13 % de chances d’être cadre, contre 6 % pour une femme.
Je ne reviendrai pas sur la question de la précarité, du temps partiel subi, ni sur celle des inégalités salariales, qui ont déjà été longuement abordées.
Cet amendement, particulièrement important, vise à affirmer très fortement que l’instauration de l’égalité entre les hommes et les femmes, que ce soit en matière de retraite ou d’emploi, doit constituer une priorité et faire l’objet d’une action volontariste dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote sur l'amendement n° 59.
M. Ronan Kerdraon. L’objet de cet amendement, qui avait été présenté par notre collègue Jacky Le Menn, est de rappeler que chaque Français a le droit au repos à 60 ans après une vie de travail et de cotisation.
Nous sommes fiers de notre système de retraite par répartition et de l’avancée que représente la possibilité de partir à la retraite à 60 ans ; c’est une conquête sociale, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure lors des questions d’actualité, et nous devons la préserver.
Par le passé, ce système a fait la preuve de son efficacité en matière de solidarité intergénérationnelle et a permis à tous les Français de se projeter plus sereinement dans l’avenir, en sachant qu’une vie les attendait après leur carrière professionnelle.
En remettant en cause cet acquis social majeur, le Gouvernement méconnaît profondément certaines réalités socioéconomiques. Retarder le départ à la retraite, c’est ne pas tenir compte du fait que deux tiers des plus de 55 ans sont aujourd’hui au chômage ; c’est mettre une barrière supplémentaire à l’entrée des jeunes sur le marché du travail ; c’est s’attaquer aux salariés les plus fragiles, les plus précaires, à savoir ceux qui ont une carrière longue et fractionnée. Bref, c’est méconnaître les aspirations et les besoins des Français : il y a un temps pour travailler et un temps pour se reposer.
Nous pourrions considérer que les conditions de travail se sont améliorées et que la fatigue physique pure que pouvaient connaître nos parents ou nos grands-parents s’est réduite. Pour autant, celle-ci n’a pas totalement disparu ; pis encore, elle a fait place à une nouvelle forme de fatigue, cette fois morale et psychologique, liée aux mutations économiques et sociales que nous connaissons depuis une trentaine d’années.
L’usure existe toujours, elle n’est simplement plus la même. La pression au travail, le stress, la culture du chiffre et du rendement, le développement des carrières précaires sont autant de facteurs qui engendrent de la souffrance et de la fatigue, tant psychologiques que physiques.
Est-il nécessaire de rappeler le nombre de suicides qu’ont connu certaines entreprises ou encore l’explosion du nombre des dépressions liées à l’activité professionnelle ?
Il n’est donc pas plus facile de travailler aujourd’hui qu’il y a trente ans. Le résultat est le même pour la plupart des salariés, qui aspirent à une retraite méritée après une vie de travail.
On ne cesse de marteler que l’allongement de la durée de la vie induit mécaniquement un report de l’âge de départ à la retraite, du fait que les Français seraient aptes à travailler de plus en plus vieux, mais c’est une idée reçue.
Faut-il rappeler que la durée de vie d’un ouvrier est actuellement inférieure de sept ans à celle d’un cadre ? Faut-il rappeler que les femmes, ayant souvent des carrières fractionnées en raison de leurs obligations familiales, sont contraintes de travailler beaucoup plus tard que leurs homologues masculins ? Faut-il enfin rappeler qu’un allongement de l’espérance de vie ne s’accompagne pas nécessairement du maintien d’un bon état de santé, permettant de profiter pleinement de sa retraite ?
En revanche, si l’activité professionnelle est source d’épanouissement pour certains, il semble sans doute normal de leur permettre de travailler au-delà de l’âge légal de départ à la retraite. Cependant, je ne surprendrai personne en indiquant que ces cas sont loin d’être la norme et que bon nombre de salariés attendent leur retraite avec impatience. Parmi eux se rangent les travailleurs les plus précaires et les plus défavorisés, ceux qui ont connu des carrières difficiles, longues, fractionnées, ceux qui ont occupé des emplois physiquement pénibles ou très peu qualifiés.
Tous ceux-là méritent de pouvoir partir à la retraite à 60 ans. Nous ne pouvons pas toujours demander plus à ceux qui ont le moins, en épargnant systématiquement les plus aisés. Il faut absolument permettre aux Français d’avoir une vie culturelle, sociale après la fin de leur activité professionnelle, d’autant que les retraités participent pleinement à l’activité économique, sociale et surtout associative de notre pays. Alors que beaucoup, parmi les défenseurs de votre réforme, rappellent l’importance de raviver les liens sociaux, intergénérationnels, il semble paradoxal de réduire le temps que les retraités peuvent consacrer à leur famille, à leurs proches, à leurs activités.
Le droit à la retraite ne relève pas de la mendicité ou d’une charité remontant au xixe siècle ; il est dû par l’État à chaque Français qui a travaillé et cotisé toute sa vie. Arrêtons de considérer les retraités comme un poids pour la société et votons l’amendement présenté par le groupe socialiste ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, si votre projet de loi rassemble contre lui l’ensemble des organisations syndicales et la grande majorité des Français, comme l’attestent les manifestations de septembre et du 2 octobre, c’est qu’il constitue l’une des plus importantes remises en cause du droit social que notre pays ait jamais connues.
Cette réforme, à elle seule, illustre ce que nous ne cessons de dénoncer depuis l’élection de Nicolas Sarkozy : le Gouvernement est engagé dans un combat idéologique de longue haleine contre l’héritage du Conseil national de la Résistance.
Ainsi, l’argument démographique auquel vous avez sans cesse recours est d’un rare cynisme. Vous partez du postulat que l’on vit plus longtemps pour imposer un report de l’âge légal de départ à la retraite. L’argumentation que vous déployez peut paraître réaliste et pragmatique, jusqu’à ce que l’on soulève la question non pas de l’espérance de vie, mais de l’espérance de vie en bonne santé. Car les chiffres sont têtus, et vous ne pouvez les nier : après 60 ans, l’espérance de vie en bonne santé est en moyenne de trois ans pour les hommes et de quatre ans pour les femmes.
Repousser l’âge de départ à la retraite revient donc à priver les salariés – souvent les plus modestes, ceux qui souffrent le plus des inégalités sociales en matière de santé – de deux années de retraite en bonne santé. Vous leur volez deux des meilleures années qu’il leur reste à vivre !
Vous avez, me direz-vous, prévu un mécanisme permettant une reconnaissance de la pénibilité du travail. Mais, là encore, derrière l’argumentation apparemment généreuse méthodiquement déployée dans les médias, se cache une mesure inacceptable.
Maintenir l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans pour les 20 000 salariés dont l’usure professionnelle sera avérée par une incapacité physique égale ou supérieure à 10 %, cela signifie en fait, pour reprendre la formule du journaliste Bruno Roger-Petit, « que ceux qui exercent un métier pénible pourront partir en retraite à la condition d’être en partie incapables, donc invalides, donc malades ». Voilà la vérité !
Au travers de ce projet de loi, qui va à l’encontre des droits sociaux, vous entendez en fait rompre entièrement le lien entre travail et vie. Vous voudriez que l’on considère le salarié comme un simple outil producteur de richesses, dont on pourrait se séparer à loisir : en le licenciant, en lui imposant des ruptures conventionnelles ou en l’autorisant à partir enfin à la retraite quand, usé par le travail, il sera moins ou insuffisamment productif. C’est d’ailleurs ce que l’on constate aujourd’hui, eu égard à la faiblesse du taux d’emploi des plus de 50 ans.
La santé des salariés, le droit à une retraite qui soit enfin un temps pour soi, que l’on puisse vivre en bonne santé, sont remis en cause par ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
8
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la conférence des présidents qui s’est tenue hier avait laissé ouverte la question de savoir si le Sénat siégerait durant la nuit de vendredi prochain plutôt que samedi.
Le président du Sénat m’a fait savoir que, après consultation de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, des présidents de groupe et du Gouvernement, il est amené, pour le bon déroulement de nos débats et pour assurer l’information en temps utile de tous nos collègues, à proposer au Sénat de siéger vendredi dans la nuit et, au lieu de nous retrouver samedi, d’avancer de quatorze heures trente à dix heures le début de la séance du lundi 11 octobre.
Ces décisions relevant de la seule compétence de notre assemblée, je vais soumettre cet aménagement de l’ordre du jour à votre approbation. Si vous acceptiez cette proposition, il n’y aurait pas de conférence des présidents demain.
Je consulte le Sénat sur cette proposition.
Il n’y a pas d’opposition ?...
M. David Assouline. Nous nous abstenons !
M. le président. Il en est ainsi décidé.
9
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Nous poursuivons l’examen de l’article 1er A.
Article 1er A (suite)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 60.
M. Guy Fischer. Cet amendement pose une nouvelle fois, et dans des termes clairs, la question de la retraite des femmes.
Les élus locaux que nous sommes rencontrent chaque jour des femmes retraitées qui perçoivent des pensions très insuffisantes pour vivre dignement, très inférieures à celles dont bénéficient les hommes.
Cette différence de traitement est d’autant plus inacceptable qu’elle repose sur le genre. Elle est la conséquence des multiples discriminations directes ou indirectes dont les femmes sont victimes tout au long de leur carrière professionnelle.
M. le président Larcher lui-même le reconnaît, cette situation n’est pas acceptable et il doit y être remédié. Il n’y a plus guère que le Gouvernement pour tenter de faire croire que tout va bien et que les inégalités que subissent les femmes finiront par se résorber d’elles-mêmes.
Cette position politique aussi scandaleuse qu’inattendue est celle qu’ont défendue, dans l’édition de lundi dernier d’un grand quotidien du soir, cinq membres du Gouvernement : M. Woerth, Mmes Berra, Kosciusko-Morizet et Morano et M. Tron.
Selon eux, les écarts entre hommes et femmes en matière de pensions de retraite seraient en train de se résorber. Mais pourquoi 24,1 % des femmes partent-elles à la retraite à 65 ans, c’est-à-dire à l’âge où ne s’appliquent plus de décote, contre seulement 16,5 % des hommes, sinon pour éviter de devoir vivre dans la précarité ?
De la même manière, ils affirment, dans cet article, que la question des annuités n’est pas centrale et que « le fait que les retraites des femmes soient plus faibles n’est pas lié au nombre de trimestres validés ». C’est à croire que la durée de cotisation n’a pas d’incidence sur le montant des pensions… Mais si tel était le cas, pourquoi avez-vous choisi d’augmenter, comme en 1993 et en 2003, la durée de cotisation, pour la faire passer à 41,5 annuités ?
La réalité est tout autre : les femmes qui voudront partir à la retraite avant l’âge de 67 ans subiront de plein fouet les conséquences de l’allongement de la durée de cotisation. Les modifications des bornes d’âge, et particulièrement les variations à la hausse des durées de cotisation, affectent, parfois lourdement, les carrières non linéaires ou hachées.
Contrairement à ce que vous semblez croire, monsieur le ministre, la situation ne s’améliore pas d’elle-même. En 2007, 44 % des femmes ont pu valider une carrière complète, contre 86 % des hommes, la durée de cotisation des femmes étant en moyenne inférieure de vingt trimestres à celle des hommes. En outre, 34 % des femmes ont validé moins de vingt-cinq trimestres, contre 4 % des hommes. Ainsi, moins de la moitié des femmes ont validé une carrière complète à 65 ans, ce qui conduit le quart d’entre elles à ne partir à la retraite qu’à cet âge.
Voilà la mécanique qui se met en place et qui amènera nombre de salariés, dont une part importante de femmes, à faire un choix lourd de conséquences : soit travailler jusqu’à 67 ans pour éviter une décote trop lourde sur une pension trop faible ; soit partir à 62 ans et connaître une précarité encore plus grande, avec une pension de retraite dont le montant se sera effondré et qui ne permettra plus de vivre dignement.
En vérité, cette réforme ajoutera des inégalités aux inégalités et de la précarité à la précarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Malgré ce qu’a affirmé M. le ministre à plusieurs reprises, notamment en commission, l’écart entre les retraites des hommes et celles des femmes ne se résorbe pas. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder autour de soi.
Quel que soit son niveau d’emploi et de qualification, on refusera une prime de fin d’année ou une promotion à une femme qui se sera arrêtée de travailler pour prendre un congé de maternité.
M. Guy Fischer. Voilà la réalité !
Mme Raymonde Le Texier. Et si cette malheureuse jeune femme a le courage d’avoir d’autres enfants, qui plus tard contribueront au financement de nos retraites, elle se heurtera à nouveau à la même opposition.
M. le ministre nous a expliqué, en commission, qu’il n’existait pratiquement plus d’écarts de salaires à l’embauche entre hommes et femmes et que les différences se faisaient jour plus tard, au cours de la carrière.
Or des écarts de salaires à l’embauche existent encore, et nous en connaissons tous des exemples caricaturaux. On m’a ainsi récemment rapporté le cas d’un employeur ayant embauché une jeune femme très qualifiée sous condition qu’elle ne prétende à aucune augmentation de salaire ni promotion tant que ses enfants seraient en bas âge, au motif qu’il lui arriverait forcément de s’absenter ! Nous connaissons tous de tels exemples, mes chers collègues ! Je vous invite donc à adopter le présent amendement, dont le dispositif ne doit pas être coûteux puisqu’il n’a pas été déclaré irrecevable par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Ce projet de réforme des retraites, en se focalisant exclusivement sur les enjeux financiers, fait l’impasse sur les enjeux sociaux, pourtant majeurs.
Le système français cumule les écarts de traitement entre retraités. Par construction, il favorise les salariés du haut de l’échelle, qui ont pu bénéficier d’une progression de carrière et qui, en raison de leur espérance de vie plus longue, pourront jouir plus longtemps de leur retraite.
Une étude récente de l’OCDE montre qu’avec un revenu de remplacement net moyen égal à 62,8 % du salaire médian, contre 72,1 % pour la moyenne des pays de l’OCDE, la France possède l’un des systèmes les plus défavorables aux classes moyennes. Or les réformes qui se sont succédé ont renforcé la paupérisation de ces dernières. Si le montant moyen de pension de retraite est en France d’environ 1 300 euros, la majorité des femmes touchent moins de 1 000 euros par mois, et près de 600 000 personnes âgées doivent se contenter des 677 euros du minimum vieillesse. Depuis la réforme de 1993, le nombre de retraités vivant sous le seuil de pauvreté, qui est de 880 euros par mois, ne cesse d’augmenter et atteint aujourd’hui 1,2 million.
Revaloriser les petites retraites, c’est bien plus qu’une simple question budgétaire ou économique ; c’est avant tout une question politique, éthique et sociale. Ainsi, notre proposition de revaloriser les petites retraites et les pensions de réversion est à la fois juste et raisonnable.
Elle est juste, car elle concerne les plus démunis d’entre nous et répond à une exigence de solidarité entre les générations.
Elle est raisonnable, car elle sera financée non pas par des impôts supplémentaires, mais par une répartition plus juste de l’effort fiscal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 746.
Mme Annie David. Cet amendement est relatif à la solidarité intergénérationnelle, qui doit notamment être assurée par une réelle politique de l’emploi.
En effet, selon nous, le problème du financement des retraites est non pas celui des dépenses, mais avant tout celui des recettes : il faut augmenter les ressources des régimes de retraite. Je vous renvoie, mes chers collègues, au huitième rapport du Conseil d’orientation des retraites, le COR, qui met clairement en évidence l’incidence de la crise sur les comptes sociaux.
La destruction de 680 000 emplois en 2009 a eu pour conséquence un manque à gagner de 600 milliards d’euros pour les caisses de retraite.
Monsieur le ministre, il convient donc non pas d’opposer les générations, comme vous tentez, vainement d’ailleurs, de le faire, mais de substituer une réelle politique de l’emploi à une politique dont la seule boussole est la finance.
Cette priorité donnée à la finance entraîne nécessairement la massification du chômage, le manque d’investissement dans l’outil productif et la stagnation, voire la baisse, des salaires, tout cela ayant des conséquences directes sur le niveau des cotisations.
L’État donne l’exemple en refusant de remplacer de nombreux fonctionnaires qui partent à la retraite, application de la RGPP oblige. Mes chers collègues, je vous renvoie, sur ce point, à la question d’actualité au Gouvernement que j’ai posée cet après-midi.
La question de l’emploi est donc bien au cœur de la problématique de la préservation du système de protection sociale et de la justice en matière de retraites. Les promoteurs de notre système de protection sociale ne s’y étaient pas trompés, en 1945, puisque le plein emploi était leur postulat initial.
Les difficultés que rencontrent les salariés de plus de 50 ans à conserver ou à trouver un travail, celles des jeunes à accéder à un emploi, a fortiori à un emploi stable, amènent aujourd’hui un ébranlement de tout l’édifice.
Vous présumez, monsieur le rapporteur, qu’il existe un « risque grandissant de voir les jeunes actifs d’aujourd’hui et de demain refuser de cotiser plus et/ou de travailler plus longtemps ». En réalité, ils veulent travailler afin d’être en mesure de payer leur part de cotisations sociales en vue de leur retraite. Ils prennent conscience que la capitalisation constitue, pour eux, un danger.
Pour garantir la pérennité du système de retraite, il importe de mener une politique d’emploi stable et bien rémunéré. Or, monsieur le ministre, vous faites exactement l’inverse !
À cet égard, je suggère que Pôle emploi donne l’exemple, en offrant des contrats à durée indéterminée à ses salariés actuellement employés sous contrats à durée déterminée, qui représentent 12 % des effectifs. Les suicides que l’on constate aujourd’hui au sein du personnel de Pôle emploi devraient vous interpeller, monsieur le ministre. Il ne faudrait pas que la situation dégénère comme chez France Télécom !
Le développement d’emplois de qualité pour toutes et tous, et donc pour les jeunes, le remplacement des salariés partant à la retraite, la reconnaissance des qualifications initiales et acquises, une véritable prise en compte de la pénibilité et la réorientation des richesses créées par le travail vers les salaires : voilà ce que nous préconisons, parce que ce sont là des solutions réelles pour assurer un financement pérenne des retraites, bien éloignées des exigences du MEDEF, auxquelles vous cédez de bonne grâce !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. « On mesure ce que vaut une société à ce qu’elle fait pour sa jeunesse. » : c’est à peu près en ces termes qu’un ancien Premier ministre de la République avait évoqué l’action de son gouvernement en faveur de la jeunesse.
Il s’agissait alors de lancer un vaste programme de développement de l’insertion professionnelle et sociale, fondé sur un maillage serré du territoire par un réseau de points d’accueil et d’information, de missions locales pour l’emploi, et d’organiser des stages de formation faisant largement appel à la pédagogie de l’alternance, avec des phases d’expérimentation pratique in situ et des périodes de formation théorique.
Nous constatons d’ailleurs que, près de trente ans après le lancement de ce plan de formation professionnelle de la jeunesse – un grand nombre de jeunes sortaient alors précocement du système scolaire, sans maîtriser suffisamment les outils de communication courante ni disposer d’un diplôme validant leur parcours –, les mêmes problématiques demeurent pleinement d’actualité.
Le niveau général de formation initiale de la jeunesse de ce pays s’est profondément modifié et, malgré bien des obstacles, un nombre croissant de jeunes peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un ensemble de savoirs, théoriques et techniques, qui devraient suffire à leur éviter un parcours obligé de chômage et de précarité.
Même dans les quartiers les plus déshérités, dans ce que l’on appelle les zones sensibles, la jeunesse est aujourd’hui, de manière très majoritaire, engagée dans un processus d’élévation de son niveau général de formation, que la création des baccalauréats professionnels et les enseignements tirés du plan Rigout ont notamment permis d’enclencher.
Chers collègues de l’opposition, ce n’est d’ailleurs pas pour d’autres raisons que la jeunesse de notre pays s’est largement mobilisée, en 2006, contre le contrat première embauche, dispositif que vous aviez adopté et qui lui apparaissait comme une sorte d’affront à ses désirs, à ses aspirations, à ses potentialités. Ce n’est pas pour d’autres raisons qu’elle participe de plus en plus, et avec une détermination croissante, au mouvement actuel de contestation de ce projet de réforme des retraites.
De bonnes âmes feignent de s’étonner de voir les jeunes lycéens et étudiants manifester contre cette pseudo-réforme des retraites, mais il n’est nul besoin d’être en classe de préparation au concours de l’ENA pour se rendre compte qu’un allongement de la durée de cotisation à quarante et une ou quarante-deux années obligerait ceux qui commencent à travailler entre 22 et 25 ans à prendre leur retraite à l’âge de 67 ans s’ils veulent pouvoir bénéficier du taux plein : il leur serait, en pratique, presque impossible de cesser leur activité à 62 ans, et a fortiori à 60 ans, eu égard à l’importance de la décote. Les jeunes de notre pays sont très opposés à la réforme projetée, non parce qu’ils pensent que leurs retraites ne seront pas payées dans trente ou quarante ans, mais parce qu’ils craignent que le montant de celles-ci ne leur suffisent pas, alors, pour vivre décemment. De fait, entre décote et gel du pouvoir d’achat pour cause d’indexation des pensions sur l’évolution des prix, les retraités des années 2040 et 2050 ne risquent pas, si votre projet est adopté, de rouler sur l’or !
Ces futurs retraités attendent aujourd’hui de la vie qu’elle soit autre chose qu’un long chemin de croix entre petits boulots, temps partiel, intérim et précarité, le tout ponctué de périodes de chômage plus ou moins longues.
L’enjeu de l’intégration professionnelle de la jeunesse sous-tend donc directement ce projet de loi. Il est tout à fait essentiel d’assurer son insertion dans le monde du travail, ne serait-ce que pour garantir une certaine pérennité des ressources de notre régime de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il n’échappe à personne que la jeunesse est en émoi et se sent concernée par le débat sur la réforme des retraites, ce qui est une bonne chose.
Les jeunes sont conscients que, dans la mesure où il ne leur est souvent guère possible, dans la société actuelle, d’accéder à un emploi avant l’âge de 30 ans, ils ne pourront a priori prendre leur retraite qu’à plus de 70 ans, eu égard à l’allongement de la durée de cotisation prévu ! Leur situation leur paraît donc pire encore que celle des générations qui les précèdent !
Le Gouvernement n’a pas pris la mesure de la gravité du chômage des jeunes, qui désormais se sentent tous concernés par ce « trou noir ». En effet, si le chômage touchait surtout, auparavant, les moins formés d’entre eux, avoir fait des études ne représente plus, à l’heure actuelle, une garantie contre lui. Cela peut même être pénalisant, car on ne recrute pas, pour occuper un emploi de niveau « bac+2 », un candidat titulaire d’un doctorat…
Les jeunes souffrent de ne pouvoir se projeter dans l’avenir. Notre assemblée doit bien comprendre qu’aucune réforme des retraites ne sera possible sans l’adhésion de la jeunesse du pays. Or son inquiétude devant le projet du Gouvernement ne fait que croître. Monsieur le ministre, vous avez invoqué la nécessité de procéder à une réforme structurelle des retraites pour pérenniser le système par répartition de manière à donner confiance aux jeunes dans ce dernier. En effet, si les nouvelles générations perdent confiance dans le système par répartition et optent pour d’autres moyens de financer leur retraite, il se trouvera vidé de sa substance et périclitera.
Tel est bien le danger qui se profile. Le présent amendement vise à souligner la nécessité de prêter attention à la jeunesse.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Entendant parler de la jeunesse, je me suis souvenu d’une question que j’avais adressée au ministre du travail et qui était restée sans réponse.
Notre société aime la jeunesse, mais pas les jeunes ; elle les infantilise !
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, on considère qu’il ne faut pas accorder le RSA aux moins de 25 ans. On repousse l’âge d’entrée sur le marché du travail en multipliant les stages. On estime que les jeunes ne savent pas travailler, puisque le salaire du premier emploi est inférieur de 40 % au salaire moyen, alors que l’écart n’était que de 10 % pour les jeunes de ma génération.
Si notre société prétend aimer la jeunesse, force est donc de constater qu’elle réserve aux jeunes un sort peu enviable.
Mardi dernier, monsieur le ministre, nous vous avons indiqué qu’il serait difficile aux seniors de travailler jusqu’à 62 ans, dans la mesure où nombre d’entre eux sont déjà hors de l’emploi entre 55 et 60 ans. Vous avez alors répondu que votre projet comportait des mesures destinées à favoriser l’emploi des seniors. Si de tels dispositifs suffisent à faire accéder à l’emploi des seniors de 60 ans, pourquoi ne pas en prévoir d’analogues au bénéfice des jeunes de 22 à 26 ans ? J’attends avec impatience votre réponse à cette question que je vous ai déjà posée, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
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Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 7 octobre 2010, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.
Acte est donné de cette communication.
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Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du jeudi 7 octobre 2010, une décision du Conseil sur la question prioritaire de constitutionnalité (n° 2010 42 QPC).
Acte est donné de cette communication.
12
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Nous poursuivons la discussion de l’article 1er A.
Article 1er A (suite)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 757.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à confirmer et à conforter le principe de répartition qui fonde, et doit absolument continuer à fonder, notre système de retraite.
Le projet de loi comporte la notion de « pension en rapport aux revenus ». Mais de quoi s’agit-il exactement ? À quel taux de remplacement ce rapport correspondra-t-il ? S’agira-t-il de 100 %, de 80 %, de 50 % ou de 10 % ? Nous ne souhaitons pas que le taux de remplacement des revenus d’activité reste indéfini, potentiellement fluctuant. Nous voulons au contraire que les retraites du régime général constituent un socle et représentent un pourcentage significatif du revenu antérieurement perçu, servant de base à la liquidation de la pension. Nous ne manquerons donc pas de développer ultérieurement nos propositions sur ce point.
La rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l’article 1er A est un pas dangereux vers un calcul individualisé du montant des pensions, d’autant qu’elle n’implique aucun engagement quant à la détermination, in fine, du revenu de remplacement, largement menacé par la réforme. Son dispositif ne contribuera pas à la réduction des inégalités, qui devrait pourtant être l’un des enjeux majeurs de toute réforme des retraites. Mais tel n’est pas votre objectif, bien sûr !
À l’instar de celles qui ont été engagées en 1993 et en 2003, la réforme que le Gouvernement nous propose aujourd’hui vise à diminuer les retraites, en accumulant les conditions requises pour y accéder. Son résultat ne fait malheureusement aucun doute, d’autant qu’elle se combine avec une politique économique et sociale désastreuse.
L’accroissement de la précarité, l’extension du travail à temps partiel imposé et des bas salaires, que le Gouvernement soutient via des exonérations de cotisations sociales pour les patrons, l’augmentation du chômage et du nombre de chômeurs non indemnisés : tout concourt à un affaiblissement des revenus, et donc des pensions de retraite. En l’absence de tout garde-fou, ce sera encore pis.
Du point de vue du Gouvernement, tout cela est parfaitement logique. Contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre, l’objectif de fond est d’ailleurs non pas d’assurer la pérennité du système de financement des retraites, mais de réduire le montant des pensions, afin d’amener les futurs retraités à recourir à la capitalisation. « La liberté, toujours plus de liberté ! », clame le MEDEF. En l’occurrence, il s’agit de la liberté de collecter l’argent des cotisants, salariés et retraités, pour le jouer en bourse !
Quelles garanties de long terme offrent à ceux qui leur feront confiance les fonds de pension, les banques ou les assurances ? Nous le savons bien, ce qui intéresse les organismes financiers, c’est de réaliser des profits le plus vite possible, quitte à prendre les plus grands risques. Aujourd’hui, la crise bancaire et les exemples étrangers donnent sérieusement à réfléchir à un nombre croissant de personnes qui ont pu croire assurer au moins une partie de leur retraite grâce à la capitalisation.
La retraite n’est pas une marchandise comme les autres. C’est pourquoi nous appelons au respect dans toutes ses dimensions du principe de solidarité qui fonde le pacte social dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 745.
M. Guy Fischer. Nous considérons qu’aucune pension de retraite ne devrait être inférieure à 75 % du SMIC. Aussi ne pouvons-nous nous satisfaire que la rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l’article 1er A prévoie que la pension sera en rapport, dans l’avenir, avec les revenus que le retraité aura tirés de son activité.
Si l’on suit ce seul principe, des centaines de milliers de salariés, en particulier des femmes, ne toucheront que des retraites de misère, voire seulement le minimum vieillesse, en dépit d’une vie de labeur. Seront concernés tous les salariés ayant connu, malgré eux, des parcours professionnels hachés, précaires, marqués par des périodes de travail à temps partiel subi et des rémunérations trop souvent inférieures au SMIC. C'est inacceptable !
Au travers de la présentation de cet amendement, nous entendons lever toute ambiguïté sur les réelles intentions du législateur. En effet, l’alinéa 5 est, d'une certaine façon, contradictoire avec le suivant, qui prévoit que chacun doit pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quelle que soit son activité professionnelle passée.
L’équité ne se confondant pas avec l'égalité, il faut que ce texte permette de donner plus à ceux qui ont moins. Or l’alinéa dont nous proposons la réécriture contraint, encadre et réduit toute possibilité de prise en compte des diverses réalités vécues tout au long de leur vie professionnelle par des millions de salariés.
Mes chers collègues, même si vous ne partagez pas nos convictions quant au montant minimal des retraites, ne vous interdisez pas la possibilité de prendre des mesures d'équité. Ne vous liez pas les mains, à l’heure où les retraités pauvres sont de plus en plus nombreux et sont parfois conduits, notamment dans les pays anglo-saxons, à travailler bien après l’âge de 70 ans. De nombreux reportages illustrent les conséquences catastrophiques que peut avoir le recours aux systèmes de retraite par capitalisation. Malgré l’effritement qu’il subit depuis des années, notre régime de retraite par répartition doit être conservé et préservé. Cela me semble fondamental.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 552 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le Gouvernement avait initialement émis un avis défavorable sur l’amendement n° 552 rectifié ter, mais celui-ci s’accorde bien, en fait, avec l’amendement n° 598, qui a reçu un avis positif. Par conséquent, l’avis est finalement favorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission émet également un avis favorable sur l’amendement n° 552 rectifié ter.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je regrette pour ma part que les auteurs de cet amendement n’aient pas utilisé le mot « genre », plutôt que le mot « sexe ». Si tel avait été le cas, j’aurais peut-être pu les suivre…
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 61.
Mme Raymonde Le Texier. Un petit moment de joie dans cette vie de brutes : il ne fait aucun doute que M. le ministre va inviter le Sénat à adopter cet amendement, puisque celui-ci va dans le même sens que l’amendement n° 552 rectifié ter, qui a finalement reçu un avis favorable du Gouvernement…
Vous nous le devez bien, monsieur le ministre, car l’amendement que vous avez présenté ce matin est tragique ! En effet, il ne concerne que les femmes nées entre 1951 et 1955 – c’est le cas d’un certain nombre de sénatrices –, ayant eu au moins trois enfants et s’étant arrêtées de travailler pour les élever – tant pis pour les autres, comme l’a très justement dit Mme Procaccia ce matin en commission. De surcroît, ces femmes devront avoir validé auparavant des trimestres de cotisation ! Or, la plupart des femmes de cette génération se sont mariées à 18 ans !
Mme Catherine Procaccia. Mais non !
Mme Raymonde Le Texier. Peut-être pas vous, mais vous avez un esprit subversif, madame Procaccia ! (Sourires.) À gauche, nous sommes finalement plus classiques !
En tout état de cause, les femmes que j’évoquais à l’instant ne pourront pas bénéficier de votre mesure, monsieur le ministre. C’est ce que l’on appelle un piège… que je ne qualifierai pas.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est illogique !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote sur l'amendement n° 598.
M. Nicolas About. Nous tenons à rappeler que la progression de l’emploi des seniors et la réduction des écarts de pensions entre les hommes et les femmes figurent parmi les objectifs fondamentaux assignés au système de retraite par répartition.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Soit M. About est insuffisamment informé, soit il ment délibérément, ce que je ne puis croire… (Exclamations amusées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est impossible ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Les efforts qu’il a déjà consentis pour nous faire avaler l’amère potion gouvernementale me donnent à penser qu’il s’agit plutôt, en cette affaire, d’un mensonge par omission. En effet, notre collègue, qui a présidé la commission des affaires sociales, est trop expérimenté pour que je puisse croire qu’il ait été abusé.
Certes, il convient d’agir pour assurer la pérennité financière de la retraite par répartition, favoriser l’accroissement du taux d’emploi des seniors et la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes. Le projet de loi comporte des dispositions à cette fin, monsieur About, mais cela ne signifie pas que les retraités disposeront à l’avenir d’une pension confortable. En effet, le cumul de l’indexation des pensions sur les prix, héritée de la réforme Balladur de 1993, de l’allongement de la durée de cotisation et du recul de l’âge de la retraite, issus de la réforme de 2003, et des mesures du présent texte ne pourra conduire qu’à un plafonnement des pensions du régime général à hauteur de 50 % du meilleur salaire. Ce sera le cas le plus favorable !
Au moment de voter pour ou contre l’amendement n° 598, il convient de se demander s’il ne vise pas à transposer en France, d’une manière ou d’une autre, le système des retraites fédérales américaines. Le montant des pensions se réduirait alors de plus en plus.
M. Nicolas About. C’est pourquoi il faut augmenter les cotisations !
M. Guy Fischer. Voilà qui doit donner à réfléchir.
Vous appelez de vos vœux l’accroissement du taux d’emploi des seniors, monsieur About, mais il est tout aussi nécessaire d’améliorer le taux d’emploi des jeunes. En ce qui concerne les 55-60 ans, ne nous cachons pas la réalité : les deux tiers des salariés ne sont déjà plus en activité quand ils atteignent l’âge légal de la retraite. Malgré le plan concerté pour l’emploi des seniors, la tendance ne s’inverse que très légèrement.
Nous ne devons pas exclure de notre réflexion l’explosion de la précarité. La mesure ciblée qui nous est présentée ici aura, à l’évidence, un effet d’éviction.
M. le président. L'amendement n° 754, présenté par MM. Vera, Foucaud et Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La pérennisation des régimes de retraite par répartition nécessite la mise en œuvre d'une politique permettant d'instaurer un niveau élevé d'activité et une qualité de l'emploi satisfaisante pour tous les salariés, notamment en pénalisant les entreprises qui ont un recours systématique aux contrats précaires. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à pénaliser les entreprises ayant systématiquement recours aux contrats précaires, tant la qualité du temps de retraite reflète celle du temps d’activité. La pension sera d’autant plus faible que les emplois occupés auront été mal rémunérés et le parcours professionnel plus discontinu.
C’est pourquoi on ne peut envisager la question des retraites sans prendre sérieusement en considération le niveau d’activité. Le Gouvernement oublie en effet le cas des nombreuses personnes qui sont jugées trop jeunes pour prendre leur retraite et trop âgées pour travailler.
M. Wauquiez confiait cet été dans la presse que « la proportion des licenciements double presque après 57 ans ». Contrairement à lui, nous ne pensons pas que la cause de cette situation soit l’âge de départ à la retraite, dont la proximité, à l’en croire, inciterait les entreprises à compter sur « l’assurance chômage et les indemnités de départ pour faire le pont jusqu’à la retraite ».
En réalité, les entreprises avancent d’autres raisons pour expliquer le chômage des salariés en fin de carrière. Elles seraient davantage incitées, en période difficile, à licencier des salariés approchant du terme de leur parcours professionnel. Par ailleurs, le recrutement induit des coûts – recherche, formation, adaptation à un poste – qui rendent finalement peu rentable l’embauche de travailleurs proches de la retraite.
En bref, le taux de chômage des plus de 50 ans s’accroît. Il a augmenté de 17,1 % en un an, selon les chiffres publiés par le ministère fin août. En reculant l’âge légal de départ à la retraite, le projet de loi va encore aggraver la situation de ces personnes.
Dès lors, finissons-en avec l’hypocrisie ! La réforme des retraites n’est pas la solution à la crise sociale que traverse le pays. Le Gouvernement, en présentant les choses ainsi, comme le fait très clairement M. Wauquiez, montre aussi son incapacité à mettre en œuvre des politiques responsables et efficaces pour assurer un emploi au plus grand nombre.
Cette question est préoccupante : non seulement les salariés connaîtront des périodes de chômage plus longues, mais ils en supporteront de fait les conséquences financières au moment de la liquidation de leur pension.
En effet, les allocations de chômage ne sont pas soumises aux cotisations d’assurance vieillesse, et si les périodes de chômage indemnisées peuvent donner lieu à la validation de trimestres d’assurance vieillesse, dans le cas où l’intéressé avait déjà la qualité d’assuré social avant l’interruption de son activité, elles entraînent un réel manque à gagner lors du calcul du montant de la pension.
Par cet amendement, nous demandons que l’État prenne ses responsabilités et lutte activement contre la précarisation du travail, notamment en pénalisant les entreprises qui ont systématiquement recours aux contrats précaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous examinons un projet de loi portant réforme des retraites, dont l’objet n’est pas a priori de répondre à la crise sociale que vous venez d’évoquer, mon cher collègue.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Le présent amendement, qui revêt une importance cruciale, vise à acter notre conception de ce que doit être un régime de retraite par répartition juste et équitable pour l’ensemble des salariés.
Le Gouvernement présente sa réforme comme étant la seule solution à même de pérenniser notre régime de retraite. Certes, le terme de « répartition » est maintenu, mais il est largement vidé de son sens, par la réforme, bien évidemment, mais aussi par les politiques mises en œuvre par la droite en matière d’emploi et de salaires. Ces politiques dénaturent profondément le travail en le dépersonnalisant et en le réduisant, bien souvent, à une simple donnée comptable.
Nous avons demandé que les entreprises ayant systématiquement recours aux contrats précaires soient pénalisées. Qu’il s’agisse de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, ou de la manière dont sont gérées les entreprises publiques non encore privatisées, les salariés du secteur public n’ont rien à envier à ceux du secteur privé en matière de précarité. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2011, sauf erreur de ma part, 34 000 postes supplémentaires seront supprimés.
Par ailleurs, les personnels non-titulaires, dont le nombre a augmenté de 32 % depuis dix ans, sont devenus une variable du fonctionnement des trois fonctions publiques. D’une manière générale, la fonction publique compte aujourd’hui environ 840 000 employés en contrat à durée déterminée, ou CDD, soit 16 % de ses effectifs, et ce pourcentage ne cesse de croître.
Les abus en matière de contrat à durée déterminée se multiplient. Certains employés sont maintenus en poste pendant des années avec un CDD. Dans la fonction publique hospitalière – c’est un débat que nous avons souvent eu avec Mme Bachelot-Narquin –, 20 000 emplois devraient être supprimés dans les deux ou trois années à venir. La privatisation rampante des établissements de santé, qui nourrit le mécontentement des personnels, constitue bien sûr l’une de nos préoccupations.
Il est temps que le Gouvernement retire son projet de loi portant réforme des retraites et revoie largement sa copie en ce qui concerne les politiques de l’emploi.
M. Christian Cambon. Vous vous répétez !
M. Guy Fischer. Et on ne se lassera pas, monsieur Cambon ! Cela vous énervera peut-être mais nous continuerons à le répéter, avec calme, et vous pourrez constater que les manifestations du 12 octobre traduiront avec force le mécontentement et l’anxiété des Français.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que le rapport qui fera le point sur la situation financière des régimes de retraite inclue bien les deux questions fondamentales que sont le niveau élevé de l’activité et la qualité de l’emploi. (Mme Annie David applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 754.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Bernard Frimat remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. L'amendement n° 820, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Pour ce faire, la part patronale des cotisations sociales est augmentée sur une durée de trois ans dans les proportions de l'augmentation de la part salariale depuis 1980.
Un décret précise les modalités d'application du précédent alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à augmenter la part patronale des cotisations sociales sur une durée de trois ans, à hauteur de la majoration qu’ont subie les cotisations salariales depuis 1980.
En effet, le taux de la cotisation patronale à l’assurance vieillesse n’a pas évolué depuis 1980 alors que le taux appliqué à la part salariale a progressé de près de 40 %. Or, les salariés supportent déjà la contribution sociale généralisée, la CSG, et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, lesquelles contribuent à hauteur de 40 % au financement de la protection sociale. En 2008, le produit de la CSG s’est élevé à environ 82 milliards d’euros.
La CSG et la CRDS ont été intégrées dans le bouclier fiscal. Il en résulte que les plus riches ne paient pas leur part de la dette sociale : encore une exonération ! La situation est, hélas ! toujours la même : c’est sur les familles, les salariés et les retraités que repose la solidarité nationale.
Lors de sa création, en 1991, le taux de la CSG – cet impôt à taux fixe, non progressif, destiné à boucher le « trou » de la sécurité sociale – était de 1,08 % sur les revenus salariaux et les allocations de chômage et de 1,10 % sur les autres revenus. Dix-neuf années plus tard, ce taux a considérablement augmenté puisqu’il atteint aujourd’hui 7,5 % pour les revenus d’activité, 6,2 % pour les allocations de chômage et les revenus de remplacement, 6,6 % pour les pensions de retraite et 3,8 % pour les ressources des personnes non assujetties à l’impôt sur le revenu.
Ce taux est de 8,2 % pour les revenus du patrimoine et de placements. Cependant, la CSG ayant, je le répète, été intégrée au bouclier fiscal, elle ne pèse pas lourd pour ceux qui, précisément, ont les plus gros revenus du patrimoine et de placements.
Ainsi, que ce soit par le biais des cotisations sociales ou des contributions, on a assisté au fil des années à un véritable transfert du financement des retraites vers les salariés, vers les familles, ce qui, d’une part, est injuste et, d’autre part, pèse sur le pouvoir d’achat des salaires, donc sur la richesse nationale.
Afin d’assurer le financement du maintien du droit à la retraite à 60 ans, il serait juste d’en revenir à une répartition des cotisations plus équitable entre les entreprises et les salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mme David souhaite l’augmentation d’une partie des cotisations sociales. Cette disposition relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission ne peut qu’émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne sais pas ce que vous allez pouvoir dire sur la réponse du ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Comme Annie David vient de le rappeler avec talent,…
M. Jean Desessard. Un grand talent !
M. Guy Fischer. … le taux de cotisation patronale à l’assurance vieillesse n’a pas bougé depuis 1980,…
M. Jean Desessard. C’est incroyable !
M. Guy Fischer. … alors que, dans le même temps, le taux appliqué à la part salariale a augmenté de près de 40 %.
M. Jean Desessard. Toujours les mêmes !
M. Gérard Longuet. Vous avez gouverné, non ?
M. Guy Fischer. Il en résulte que le montant de la contribution des employeurs au financement des retraites ne cesse de se dégrader depuis trente ans.
M. Gérard Longuet. Qu’a fait M. Gayssot ?
M. Guy Fischer. Cette situation est injuste et inefficace.
À cela s’ajoutent les différentes exonérations et exemptions de cotisations, les « primes » aux bas salaires dont bénéficient les entreprises, ainsi que la CSG et la CRDS. Ces dernières contributions ne peuvent que vous intéresser puisque, leur assiette étant très large, elles rapportent beaucoup. Et vous nous réservez sans doute une hausse de la CRDS dans quelque temps, monsieur le ministre…
Le taux de la CSG est le même pour tout le monde, ce qui rend cet impôt injuste par nature ; nous l’avons dénoncé dès sa création.
En outre, par définition, ces contributions épargnent les entreprises et les dispensent par la même de leurs responsabilités.
Ainsi, tandis que vous organisez le désengagement des entreprises, vous demandez aux salariés de payer toujours plus pour leur retraite et, plus globalement, pour leur protection sociale. C’est inacceptable !
Les entreprises ont une responsabilité première dans le partage des richesses ; or les cotisations sociales participent précisément de la production de richesses. En vingt-cinq ans, la productivité a augmenté de 50 %. Un actif produit beaucoup plus de richesses aujourd’hui qu’en 1980. Mais les bénéfices de cet accroissement continu de la productivité depuis des décennies ne profitent plus aux salariés.
Cela n’a pas toujours été vrai. Il fut une époque où les salariés pouvaient, de manière certes insuffisante, mais malgré tout réelle, bénéficier d’une part de l’augmentation des richesses qu’ils créaient. Ils ont vu leur vie et celle de leurs enfants s’améliorer. Nous faisons partie de cette génération pour laquelle l’ascenseur social a fonctionné.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Guy Fischer. C’est l’inverse qui a cours désormais : nombre de nos concitoyens vivent de plus en plus mal, d’une génération à l’autre.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Guy Fischer. Les gains de productivité sont aujourd’hui captés par les seules entreprises ou, plus exactement, par leurs actionnaires et leurs banquiers. L’écart ne cesse de s’accroître entre les revenus du travail et ceux du capital. Le partage de la valeur ajoutée issue du travail humain devient de plus en plus inégalitaire ; ces vingt dernières années, les revenus du capital ont progressé bien plus vite que ceux du travail.
Mes chers collègues, vous qui êtes tous des financiers avisés, vous n’aurez pas manqué de constater que les résultats des entreprises du CAC 40 ont progressé de 85 % au premier semestre 2010... Ce n’est pas moi qui le dis, ces chiffres figurent dans un article du journal Les Échos !
M. Jean-Jacques Jégou. Ce n’est pas La Pravda !
M. Guy Fischer. Alors que les entreprises du CAC 40 affichent des profits records et versent à leurs actionnaires des dividendes substantiels, les salaires, eux, ne progressent pas. On assiste à une confiscation de la richesse produite. Ce qui ne vous empêche pas de demander aux salariés d’assumer l’essentiel du financement de leur protection sociale, par conséquent de leur retraite. Nous considérons pour notre part qu’il est légitime et efficace que les entreprises contribuent davantage à ce financement. C’est pourquoi nous vous invitons à adopter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Fischer, vous dites que la contribution patronale au risque vieillesse n’a pas augmenté. Cela n’est vrai que pour les cotisations assises sur le salaire plafonné – le taux appliqué est passé de 8,2 % à 8,3 % – car une nouvelle ligne a été créée, celle du taux de cotisation de 1,60 %, qui porte sur la totalité du salaire. Dès lors, vous ne pouvez pas affirmer que les salariés payent et que les entreprises sont épargnées.
Par ailleurs, la répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital est stable depuis trente ans, selon le rapport Cotis sur le partage de la valeur ajoutée et des profits.
M. Guy Fischer. Cela ne me convainc guère !
Mme Annie David. Ce n’est pas ce que disent les économistes !
M. le président. L'amendement n° 821, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Afin de satisfaire la réalisation de ce principe, il est mis fin aux mesures générales d'exonérations de cotisations sociales.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Les exonérations de cotisations sociales n’ont cessé d’augmenter au fil des années.
Depuis 1992, elles représentent une ristourne de 21 % au profit des employeurs. Leur montant s’élevait à 3 milliards d’euros en 1993 ; il est passé, si l’on se fonde sur les chiffres déclarés, à 27 milliards d’euros en 2007, puis à 32 milliards d’euros. Selon la Cour des comptes il serait aujourd’hui proche de 62 milliards d’euros. Et le rapport explosif rendu public hier par le Conseil des prélèvements obligatoires évalue même à 172 milliards d’euros les niches fiscales et sociales qui profitent aux entreprises, mais pas forcément à l’emploi.
M. Christian Cambon. Les 35 heures !
Mme Marie-Agnès Labarre. On estime que, depuis 1992, la sécurité sociale a perdu 35 milliards d’euros de cotisations, soit un peu plus d’un an de déficit ! En fait, les exonérations accordées aux patrons ont certainement coûté beaucoup plus cher. C’est inacceptable au regard des comptes de la sécurité sociale et de la situation de l’emploi.
La Commission des comptes de la sécurité sociale, la CCSS, a rappelé dans un rapport publié en juin 2009 que, depuis 1993, les différents dispositifs d’allégement des cotisations sociales ont contribué à la baisse sensible des taux effectifs de cotisations patronales pour les salaires équivalents au SMIC.
Selon ce rapport, les cotisations à la charge des employeurs sont passées de 34,62 % à 4,38 % ente 1980 et 2006. Dans le même temps, celles qui étaient à la charge des salariés sous le plafond de la sécurité sociale sont passées de 12,8 % à 21,5 %, CSG et CRDS incluses.
Les exonérations liées aux bas salaires sont particulièrement intolérables, puisque, précisément, elles incitent les employeurs à privilégier ces bas salaires. Les premiers touchés sont les jeunes, mais aussi les femmes, d’où des incidences négatives sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces exonérations ont donc des conséquences directes extrêmement néfastes sur la qualité de l’emploi.
L’effet sur les comptes de la sécurité sociale des cotisations liées aux bas salaires est d’autant plus grand que les cotisations sont proportionnelles et en partie progressives. Ce que vous voulez, de réforme en réforme, c’est faire supporter de plus en plus les dépenses sociales – dépenses vitales – par les salariés, pour le grand profit de la capitalisation boursière et des marchés financiers.
Toutes ces exonérations accordées aux entreprises sont inefficaces et illégitimes. Ce sont autant de recettes en moins pour le financement de la protection sociale dans son ensemble, et pour ce qui nous concerne ici, pour celui des retraites. L’adoption de notre amendement contribuerait donc de manière évidente au financement de retraites de bon niveau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car il prévoit des dispositions de nature financière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La multiplication des exonérations est une question cruciale en ce qu’elle opère un transfert du financement de la protection sociale des entreprises vers les ménages et les salariés, ce qui est inadmissible !
Pour la majorité, le travail des salariés constitue un coût à réduire à tout prix. Évidemment, le MEDEF applaudit et en redemande ! Il faut dire que vous ne rechignez pas à lui donner satisfaction, en accordant la priorité au capital et aux dividendes plutôt qu’au travail.
Selon le MEDEF, pour préserver la compétitivité des entreprises, il faudrait absolument exclure tout nouveau prélèvement sur le capital et sur les profits. Qu’à cela ne tienne, vous excluez effectivement tout prélèvement supplémentaire et, qui plus est, vous accordez régulièrement de nouveaux cadeaux au patronat.
Mes chers collègues, s’il était vrai que la multiplication des exonérations favorisait la compétitivité des entreprises, et par là même l’emploi, cela se saurait depuis longtemps. En fait, c’est le contraire !
La vérité, c’est que les exonérations coûtent cher à la sécurité sociale et ont des effets désastreux sur l’emploi. En 2006 et en 2007, dans deux rapports destinés à la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes elle-même avait eu l’occasion de fustiger les exonérations de cotisations, évoquant une véritable fuite en avant. Les magistrats ont dénoncé un dispositif incontrôlé, au coût très élevé et à l’efficacité quantitative incertaine, une efficacité à ce point incertaine qu’ils demandaient que le Gouvernement s’interroge sur la pérennité et l’ampleur du système.
Les exonérations de charge sont passées, je le rappelle, de 3 milliards d’euros en 1993 à 62 milliards d’euros aujourd’hui, soit l’équivalent d’une part importante des dépenses publiques de lutte contre le chômage. À cela s’ajoute le fait qu’un nombre certain de revenus – intéressement, participation, épargne salariale et stock-options – sont exemptés de cotisations et ne contribuent donc pas au financement de la protection sociale.
Or les sommes distribuées au titre de ces dispositifs se sont accrues en cinq ans de 9 %, alors que la masse salariale, elle, n’a augmenté que de 3 %. Ainsi, selon les estimations de la Commission des comptes de la sécurité sociale, s’ils avaient été payés sous forme de salaires, les 17,4 milliards d’euros versés au titre de l’intéressement auraient rapporté 7 milliards d’euros à la protection sociale, dont une part aurait bien entendu alimenté les caisses nationales d’assurance vieillesse et les régimes complémentaires de retraites.
Certes, la loi du 25 juillet 1994 prévoit une compensation intégrale par l’État, autrement dit, par le contribuable, donc par les salariés, alors que les cotisations sociales sont en réalité une part du salaire socialisé, ce qui pose là encore le problème de la responsabilité des employeurs dans le financement de la protection sociale.
Mais même cette loi n’est pas appliquée à la lettre. Les exonérations non compensées par le budget de l’État n’ont cessé d’augmenter depuis 2004. Elles ont progressé de 1,4 % entre 2004 et 2005, de 11,6 % entre 2005 et 2006, de 10,2 % en 2007. Pour le régime général, elles se sont élevées en 2007 à plus de 2,6 milliards d’euros, soit un demi-milliard de plus qu’en 2004.
Par ailleurs, le montant de la dette de l’État au regard du régime général s’élevait, à la fin de 2008, à 5,8 milliards d’euros.
Quel que soit le biais par lequel nous examinons la question des exonérations de cotisations sociales patronales, force est de constater que ces dernières constituent un problème, un handicap pour le financement de la protection sociale, donc des retraites.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter notre amendement de suppression des dispositifs d’exonérations.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, je requiers toute votre attention, vous en aurez besoin pour comprendre l’exposé chiffré que je vais présenter.
M. le rapporteur a justifié son avis défavorable par le fait que cet amendement comportait des dispositions de nature financière.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jean Desessard. Il faut savoir ce que vous voulez : vous déclarez dans la presse, y compris dans les journaux télévisés, que nous n’avons pas de projet, mais lorsque nous vous présentons des propositions chiffrées, vous considérez qu’elles relèvent de la loi de finances. J’ai un peu de mal à vous suivre…
Je représente ici les écologistes. Hier, les socialistes nous ont présenté leur projet. Il n’est pas mal ! Peut-être pourrons-nous conclure des accords dans quelque temps ! (Sourires.) Le projet des communistes est intéressant. Peut-être pourrons-nous aussi faire quelque chose ensemble ! (Nouveaux sourires.)
Toutefois, mes chers collègues, les écologistes ont eux aussi un projet. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Notre parti est jeune, certes, mais cela ne l’a pas empêché de réfléchir au problème des retraites. Je souhaite donc vous présenter notre projet au travers de quelques chiffres.
Le montant des exonérations de cotisations sociales est aujourd’hui très important et, même à droite, certains s’interrogent sur leur utilité. Nous prévoyons un changement progressif, qui s’étendra jusqu’en 2020. Nous avons pris les chiffres les plus pessimistes publiés par le Conseil d’orientation des retraites, le COR. Le Gouvernement a retenu le scénario B ; nous, nous n’avons peur de rien : nous avons choisi de nous fonder sur le scénario C, c’est-à-dire sur le scénario le plus pessimiste.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner le détail des fonds que nous pouvons récupérer : suppression des niches sociales, 8 milliards d’euros par an (Murmures sur les travées de l’UMP.) ; réduction de moitié des exonérations sur les bas salaires, 5 milliards d’euros ; suppression des exonérations sur les heures supplémentaires, 1,4 milliard d’euros, augmentation des prélèvements sociaux sur l’intéressement, 0,9 milliard d’euros, hausse des prélèvements sociaux sur l’épargne retraite entreprise – 0,7 milliard d’euros.
Sur les 49 milliards d’euros de déficit, nous, écologistes, avons donc déjà trouvé 8 milliards d’euros !
Il semble que vous ayez quelques difficultés à me suivre. Ne vous inquiétez pas, je vous transmettrai, chaque jour, de nouvelles données qui vous permettront de calculer, avec moi, les recettes que nous récupérons pour combler le déficit affiché de 49 milliards d’euros, selon le scénario le plus pessimiste, et sans augmenter l’âge de départ à la retraite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Robert del Picchia. Kerviel vous a aidé ?
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Mon explication de vote rejoint la brillante argumentation de Jean Desessard.
M. le rapporteur nous oppose que notre amendement traite de problèmes financiers qui n’ont pas leur place dans notre discussion. Voilà un argument bien étonnant !
Les exonérations et les niches sociales sont devenues des éléments majeurs de la politique de l’emploi du Gouvernement. Or, elles constituent autant de recettes en moins pour la collectivité et en plus pour le patronat.
La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ou loi TEPA, traduisant l’un des engagements pris par le Président de la République durant la campagne électorale, a institué, à compter du 1er octobre 2007, une exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires ou complémentaires, applicable à l’ensemble des salariés, du secteur privé comme du secteur public, à temps complet ou à temps partiel. Plus les employeurs recourent aux heures supplémentaires, plus ils réduisent leur taux global de cotisations sociales et d’imposition.
La mesure réduit le coût du travail en privilégiant l’accroissement du temps de travail des actifs au détriment de la relance de l’emploi, alors que le chômage et la précarité restent élevés.
De plus, nous le savons, le choix fallacieux du « travailler plus pour gagner plus » n’appartient pas au salarié. De fait, dans certains secteurs d’activités, le quota d’heures supplémentaires prévu par la loi n’est pas utilisé en totalité !
L’impact négatif de cette mesure sur la gestion du régime général et des finances publiques ne peut que nous inciter à vous demander de voter notre amendement no 821.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. À l’avenir, le modèle de financement des retraites par répartition continuera de faire appel aux contributions des salariés et des entreprises, mais il devra se fonder sur des contributions solidaires pour lesquelles il faut trouver des assiettes justes, efficaces et dynamiques.
C’est ce que nous proposons dans notre projet, qui est très éloigné du vôtre, monsieur le ministre. Alors que vous considérez qu’il revient essentiellement aux salariés de financer les retraites par leurs cotisations ou par les mesures d’âge, nous estimons pour notre part que la solidarité passe par des prélèvements justes. Nous proposons donc des prélèvements ciblés en direction des Français les plus aisés, avec le relèvement de 5 % à 38 % de la fiscalité sur les stock-options, sur les bonus et sur les parachutes dorés. C’est un choix fiscal, mais c’est aussi un choix de solidarité nationale !
Il en va de même pour la mesure concernant la CSG sur les revenus du capital : nous prenons soin de continuer à exonérer les contribuables les plus modestes, notamment ceux qui font appel au livret d’épargne.
Enfin, nous proposons ce qui, nous l’avons bien compris, constitue pour vous un tabou, à savoir une contribution sur les profits réalisés par les banques, pour qui la crise est déjà bien loin.
Sans aller vers des surtaxes confiscatoires, nous pouvons trouver une façon d’équilibrer nos régimes de retraite de façon solidaire.
M. le président. L'amendement n° 822, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
À cette fin, l'État garantit le droit pour tous à un emploi de qualité.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’article 1er A ne figurait pas dans le projet de loi du Gouvernement, alors qu’il était inscrit en préambule de la loi de 2003. Cela montre bien l’idéologie qui a présidé à la rédaction de ce texte particulièrement régressif.
Il a donc fallu que les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine, le groupe GDR, déposent un amendement pour rappeler les valeurs progressistes qui fondent notre système de protection sociale. Ces valeurs sont issues, nous le rappelons une nouvelle fois, du Conseil national de la Résistance. Après le traumatisme de la guerre, toutes les familles politiques ont su se réunir pour construire un système qui était fondé sur la solidarité et sur la fraternité. Nous sommes toujours étonnés de constater qu’à ce rappel, certains membres de la majorité réagissent parfois de manière négative.
Voilà quelques jours, un des jeunes ministres du Gouvernement n’a-t-il pas, dans cet hémicycle, pourfendu les avancées sociales acquises par les luttes au lendemain de la Libération ? Nous aurons sans doute l’occasion de démontrer au cours du débat que, décidément, nous n’avons pas les mêmes valeurs. Et nous continuerons à défendre les catégories sociales les plus défavorisées.
Il y a le fond, mais il y a également la méthode que vous utilisez pour contourner les vrais problèmes et refuser un débat qui risquerait de mettre en pièces votre projet politique.
L’article 1er A est un véritable trompe-l’œil qui vise à cacher la philosophie générale de votre texte, à savoir votre volonté d’instaurer, progressivement, à plus ou moins long terme, un régime de retraite par capitalisation. Il suffit pour s’en convaincre de considérer le titre V ter du projet de loi.
Vous vous proposez donc, dans un texte très dilué et laconique, de rappeler l’objectif du système des retraites par répartition. Vous dites vouloir le sauver. En réalité, si l’on vous laisse faire, il sera progressivement enterré.
De notre point de vue, un objectif doit être quantifiable, mesurable, actualisable, en un mot plus précis qu’une simple déclaration d’intention. Notre amendement vise à donner un contenu concret à cet article, en précisant que les questions de l’emploi ne peuvent être occultées. Nous reprenons ainsi la proposition de loi alternative à votre projet, déposée par notre groupe, que la majorité présidentielle a refusé de discuter.
Dans son article 2, notre proposition de loi fixait un objectif bien précis : orienter l’argent des cotisations sociales vers l’emploi et les salaires plutôt que vers la rémunération du capital. Ce transfert des richesses du capital vers le travail, modulé selon la taille et la nature des entreprises, constituerait une ressource non négligeable pour financer une réforme des retraites plus juste et équitable. Un million d’emplois rapportent, je le rappelle, 15 milliards d’euros de cotisations sociales, dont six pour les retraites. Si une telle proposition était adoptée, le problème serait tout simplement réglé. C’est pourquoi nous vous proposons de voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Dans un premier temps, vous me permettrez de revenir sur la grande hypocrisie ayant inspiré la rédaction de l’article 1er A, qui ne figurait pas dans le projet de réforme de 2010, que ce Gouvernement en fin de vie, dirigé par M. Fillon, doit aujourd’hui défendre.
Il faut pourtant rappeler que l’actuel Premier ministre, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s’était attaché à inscrire un article rappelant ces quelques « fondamentaux » dans la loi de 2003. Notre groupe a donc déposé plusieurs amendements visant à réintroduire cette déclaration de principe dans le présent projet de loi, et l’article qui nous est proposé aujourd’hui, dans une nouvelle rédaction, ne peut être qu’empreint d’ambiguïté tant cet exercice de style est difficile.
Beaucoup d’entre nous ont eu l’occasion, ce matin et hier, de souligner le caractère d’improvisation et d’impréparation qui entourent ce projet de loi portant réforme des retraites, et cet article en est l’illustration parfaite.
Certes, en vertu des « grands principes », le rapporteur de la commission des affaires sociales s’est trouvé dans l’obligation d’évoquer brièvement les fondements et les valeurs contenus dans le programme du Conseil national de la Résistance, qui unissait dans un projet de société, visionnaire et progressiste, des conceptions politiques et humanistes empruntées aux gaullistes, aux chrétiens, aux syndicats – huit organisations au total.
Toutefois, monsieur le ministre, cette déclaration solennelle arrachée à la droite ne doit pas masquer les intentions réelles des représentants zélés du patronat, qui inspirent toute votre politique et qui rejettent le programme du Conseil national de la Résistance. Il suffit de lire Denis Kessler, président du cinquième groupe de réassurance mondial – ce n’est sans doute pas un hasard –, qui revendique un régime unique par points, misant sur la responsabilité individuelle et la réduction au minimum du système de solidarité.
Ce célèbre idéologue du MEDEF connaît pourtant bien le Conseil national de la Résistance mais, comme vous, il utilise ses connaissances pour mieux le combattre. Je veux citer, à cet égard, quelques extraits de ses déclarations dans le magazine Challenges : « Le modèle français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le Gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le Gouvernement peuvent donner l’impression d’un patchwork […] : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale. […] À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
Monsieur le ministre, vous comprendrez nos doutes sur vos déclarations sémantiques qui ne visent qu’à instaurer une espèce de trompe-l’œil cachant l’essentiel de cette réforme.
L’équilibre de la sécurité sociale suppose, d’abord, une économie assurant le plein-emploi et, ensuite, la reconnaissance du droit fondamental à un emploi digne pour chacun de nos concitoyens : jeunes, moins jeunes, seniors, hommes, femmes...
Les 680 000 suppressions d’emploi des dix-huit derniers mois pèsent lourd dans les comptes des régimes sociaux. Dans sa dernière enquête, l’INSEE nous apprend que l’industrie a encore perdu 40 000 emplois depuis le 1er janvier 2010. Donc, contrairement à ce qui a été indiqué au cours du débat, le chômage ne régresse pas.
La part de la richesse industrielle dans le PIB de la France est de 10 % inférieure à ce qu’elle est en Allemagne, ce qui représente des milliers d’emplois sacrifiés. La dégradation de la situation financière de notre régime de protection sociale, engagée depuis 1993, prend ses racines dans la détérioration de l’emploi dans notre pays.
Le Président de la République n’a eu de cesse, dans ses propos de campagne, de tenter de réhabiliter la « valeur travail ». Beaucoup ont pu le croire, mais ils perçoivent aujourd’hui, et à leurs dépens, ce que dissimulait cette belle expression. Le Gouvernement s’est fait l’avocat de cette formule magique pour accélérer toutes les politiques de régression sociale qu’il a mises en œuvre depuis 2007.
Ainsi, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous continuerons à porter nos propositions plus favorables au monde du travail pendant toute la durée de nos débats, et ce en lien étroit avec le mouvement social fortement mobilisé pour rejeter votre réforme.
M. le président. L'amendement n° 823, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
À ce titre, il est progressivement mis fin, dans un délai de deux ans, aux mécanismes individuels ou collectifs, de retraite faisant appel à la capitalisation.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’article 1er A réaffirme solennellement que le choix de la retraite par répartition est au cœur du pacte social qui unit les générations.
Comme vient de le rappeler notre collègue, cette affirmation n’allait pas de soi. Nous la devons à l’adoption d’un amendement porté par les députés du groupe du GDR à l’Assemblée nationale.
Cette affirmation n’allait pas de soi, disais-je. D’ailleurs, l’avant-projet allait à l’inverse puisqu’il faisait mention des dispositifs permettant aux assurés « d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite ». Cette intention a été confirmée à l’issue du passage devant l’Assemblée nationale : grâce aux ajouts de votre majorité, le projet de loi comporte désormais un titre entièrement consacré à l’épargne retraite.
En commission, M. le rapporteur a présenté une nouvelle écriture de l’article 1er A, complétant et codifiant les grands principes gouvernant l’assurance vieillesse afin, nous a-t-il dit, de « couper court à certaines inquiétudes ». C’est là un effet en trompe-l’œil, monsieur le ministre. Il suffit, pour s’en persuader, d’examiner les amendements déposés par votre majorité au Sénat : c’est un véritable plan de relance de l’épargne retraite qui nous est proposé ! À marche forcée même, puisqu’il est proposé, pour favoriser le développement de l’épargne retraite dans les entreprises, d’affecter automatiquement un quart de la prime d’intéressement sur le plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, en l’absence de choix du salarié de percevoir directement cette prime ou de l’affecter à un plan d’épargne entreprise.
Quid, de la liberté de choix que vous prétendez défendre ? D’un côté, on réaffirme les grands principes, pour rassurer ; de l’autre, on encourage et on développe la capitalisation : voilà la réalité de ce texte.
Avec cet amendement, nous faisons le choix de la clarté. Car, nous considérons qu’il est impossible de garantir et d’assurer la pérennité de notre système de retraite par répartition et d’un droit à la retraite à 60 ans à taux plein si, dans le même temps, se développent différents mécanismes, individuels ou collectifs, de capitalisation. En effet, les sommes consacrées par les entreprises et par les salariés à la capitalisation sont autant de ressources en moins pour notre système de protection sociale.
Il faut ajouter à cela que la capitalisation est un système opaque, couteux et extrêmement aléatoire. L’affaire Enron l’avait déjà clairement démontré et les récentes crises financières n’ont fait qu’enfoncer le clou. Avec ce système, qu’en sera-t-il, demain, des grands principes énumérés à l’article 1er A ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ma chère collègue, vous entendez réduire progressivement, dans un délai de deux ans, tous les mécanismes de retraite faisant appel à la capitalisation. Comment expliquerez-vous ce choix aux membres de régime de répartition provisionnée, notamment le régime additionnel des fonctionnaires, qui est un régime par capitalisation ? Je vous sauve donc malgré vous en donnant un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. En France, 97 % ou 98 % des retraites relèvent d’un régime public fondé sur la répartition. L’épargne retraite et la capitalisation ne représente que les 2 % ou 3 % restants. L’objet essentiel de ce projet de loi est bien de sauver le régime par répartition.
Il me semble donc curieux de vouloir intégrer dans le système de la répartition tout ce qui relève de l’épargne retraite. Il me paraît légitime que les Français puissent, s’ils le souhaitent, se constituer une épargne retraite dans leur entreprise. Ce système est juste et rencontre d’ailleurs un grand succès.
M. le président. L'amendement n° 846, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Afin d'assurer la réalisation de cet objectif, les sommes affectées au fonds de réserve des retraites sont mises en réserve et ne pourront être mobilisées qu'à compter du 1er janvier 2020.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Notre amendement vise à compléter l’article 1er A, qui réaffirme le choix d’un régime de retraite par répartition. Si nous ne pouvons qu’être en accord avec ce principe – que nos collègues du groupe GDR ont posé lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale –, nous déplorons néanmoins qu’il reste une simple affirmation qui ne trouve de réalité dans aucun des autres articles de ce projet de loi.
Bien au contraire, l’inscription de ce principe dans le premier article du texte veut masquer le véritable projet du Gouvernement pour les retraites : développer davantage la retraite par capitalisation.
Nous sommes pour notre part vivement attachés au système de retraites par répartition qui assure le financement des retraites par les cotisations des actifs. Ce mode de financement est le seul à pouvoir assurer une justice et une équité face à la retraite. Il repose sur des valeurs de solidarité intergénérationnelle qui sont essentielles et qui, à vrai dire, sont les seules à pouvoir maintenir, pour tous, des retraites dignes de ce nom.
C’est pourquoi nous souhaitons dépasser le stade d’une simple réaffirmation de ce principe et en garantir la pérennité. Nous proposons d’inscrire dans la loi que les sommes affectées au Fonds de réserve pour les retraites ne pourront pas être mobilisées avant le 1er janvier 2020.
En effet, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, que le Sénat a examiné le mois dernier, permet d’utiliser dès à présent l’argent du Fonds de réserve pour les retraites pour contribuer au financement des déficits du régime général des retraites. Autrement dit, les recettes du Fonds de réserve pour les retraites seront utilisables dès 2011 par le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, alors même que l’argument démographique utilisé par le Gouvernement pour justifier sa réforme des retraites, le « papy-boom », ne devient pertinent qu’aux alentours de 2020.
Dès lors, pourquoi vider dès aujourd’hui les caisses du FRR alors que les conséquences du pic démographique que ce fonds devait atténuer n’interviendront que dans quelques années ? Comment assurera-t-on le financement des retraites en 2020 si les ressources qui y ont été affectées ont déjà été intégralement mobilisées avant cette date ?
Dévoyant les missions originelles du FRR, créé pour lisser les besoins de financement après 2020, le projet de réforme du Gouvernement, malgré son attachement de circonstance au principe de solidarité intergénérationnelle, sacrifie bel et bien les jeunes générations. En effet, les réserves seront épuisées après 2018, et c’est bien sûr ces générations que pèsera lourdement le financement des retraites. Le FRR est donc désormais voué à une mission de court terme, qui n’assure en rien la sauvegarde du système de retraite par répartition.
La garantie d’un système de retraite par répartition passe par l’assurance que le FRR ne sera vidé ni de sa substance ni de ses fonds. Dans le cas contraire, son existence ne saurait en rien compenser une quelconque évolution démographique.
S’il veut vraiment préserver le système de répartition, et non l’équilibre budgétaire à court terme, le Gouvernement se doit de conserver ces ressources pour financer les retraites à l’avenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement qui comporte des dispositions de nature financière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote sur l’article 1er A.
M. Jean-Pierre Caffet. Nous aurions souhaité pouvoir voter un article qui réaffirme solennellement l’attachement de la nation au système de retraite par répartition. Ce ne sera malheureusement pas possible, pour plusieurs raisons.
Je vous rassure, monsieur le ministre, ce n’est pas à cause de votre comportement, empreint d’ignorance de nos propositions, de mépris et d’agressivité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Depuis hier, vous nous « serinez » que les socialistes se sont accommodés d’une durée de cotisations de 46 années pour les personnes qui ont commencé à travailler à 14 ans.
M. Gérard Longuet. Cela fait mal !
M. Jean-Pierre Caffet. Permettez-moi de vous rappeler qu’avant 1982, lorsque vos ancêtres politiques étaient au Gouvernement, la durée de cotisation était de 51 années !
M. Gérard Longuet. Vous oubliez les accords sur les préretraites !
M. Jean-Pierre Caffet. Et avec vous, monsieur le ministre, ce sera 48 années dans le meilleur des cas, voire 53 années pour une retraite à taux plein ! Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, si nous ne votons pas cet article, ce n’est pas non plus parce que, non content d’avoir émis un avis défavorable sur tous nos amendements, vous n’avez même pas dénié nous répondre…
La raison est autre. L’article 1er A est un article déclaratif, un article d’intention. Je ne comprends pas ce que cela pouvait vous coûter, politiquement, d’accepter notre amendement n° 56, qui tendait à garantir l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ? Naïvement, j’ai d’abord pensé que vous le refusiez par sectarisme. Je me trompais. Je l’ai compris ce matin, lorsque vous nous avez livré votre conception de l’équité entre les hommes et les femmes.
Pour bénéficier des dispositions que vous avez annoncées ce matin, les femmes devront remplir plusieurs conditions : être nées entre 1951 et 1955, avoir eu trois enfants, s’être arrêtées de travailler et, en outre, avoir validé des trimestres de cotisations avant la naissance de leurs enfants ! Telle est votre conception de l’équité entre les hommes et les femmes, et plus simplement de l’équité entre les femmes et les femmes, puisque seules 130 000 d’entre elles pourront bénéficier de cette mesure. C’est significatif de la manière dont vous avez abordé cette réforme, monsieur le ministre.
Votre démarche fut la même en matière de pénibilité. Vous avez consenti un petit cadeau à 30 000 personnes. Elles devront, pour en bénéficier, non pas avoir exercé un métier pénible, mais justifier d’une incapacité médicalement constatée !
En réalité, vous êtes parti du présupposé que les salariés devaient supporter l’intégralité, ou en tout cas la majorité de l’effort exigé par cette réforme des retraites. Votre projet de réforme se fonde entièrement sur ce dogme : le facteur travail devait passer à la caisse et le facteur capital devait être exonéré.
En fait, toutes les dispositions de ce texte s’inscrivent dans ce dogme et c’est pourquoi elles contredisent fondamentalement les principes énoncés dans l’article 1er A. (« Voilà ! » sur les travées du groupe socialiste.)
À l’Assemblée nationale, vous avez accepté que soit réaffirmé l’attachement de la nation au système de répartition. Le reste du texte démontre pourtant le contraire.
Monsieur le ministre, vous êtes en train de construire le système de retraite le plus rétrograde et le plus défavorable aux salariés de toute l’Europe ! Je l’ai déjà dit, mais vous ne m’avez pas répondu sur ce point. Nous ne pouvons cautionner une telle réforme, et c’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur l’article 1er A. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Mon collègue vient à l’instant de résumer l’essence de notre vote. L’article 1er A ne peut pas être dissocié de l’économie générale du projet de loi. Or, lorsque l’on fait l’anamnèse du texte, on constate que l’on se trouve en pleine injonction paradoxale.
L’alinéa 7 de l’article 1erA semble généreux puisqu’il pose les principes de l’équité intergénérationnelle, de la solidarité intragénérationnelle, de la pérennité financière. Or toutes les mesures clés de ce projet de loi vont à l’encontre de ces objectifs. Nous reviendrons sur ce point lors de la discussion des articles 5 et 6.
Nous ne pouvons occulter, dans la discussion du présent article, la nature des autres dispositions du texte. L’article 1er A dispose que « la Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. » C’est un élément positif, mais encore faudrait-il que les autres mesures prévues dans le texte soient acceptables.
Quel sort avez-vous réservé à nos amendements ? Vous avez refusé l’amendement no 56 qui, Jean-Pierre Caffet vient de le rappeler, posait le principe de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Vous avez rejeté l’amendement n° 59, qui visait à garantir aux assurés sociaux la protection de la santé, la réussite matérielle et le repos à partir de 60 ans. Or, il s’agissait simplement de permettre aux travailleurs d’accéder à la retraite en bonne santé, ce qui suppose un comportement ad hoc de la part des employeurs. Il s’agissait aussi de leur garantir un droit au repos, ce qui est la moindre des choses, avec une borne d’âge à 60 ans. Nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen des articles 5 et 6.
Le fait de pouvoir bénéficier d’une retraite en bonne santé, d’une retraite non tardive, d’une retraite équitable pour les hommes et les femmes devrait selon nous figurer dans les prolégomènes du projet de loi, c’est-à-dire dans l’article 1er A. C’était l’objet de nos amendements. En les rejetant, vous avez balayé ces principes d’un revers de la main. Je ne comprends pas le soutien que vous apporte le rapporteur sur ce point.
Votre raisonnement est incohérent : dans un premier temps, vous posez des principes, puis, dans un second temps, vous multipliez les dispositions que les contredisent ?
Soucieux d’être cohérents avec les principes que nous défendons, nous nous abstiendrons donc sur cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne voterons pas cet article 1er A. (Marques d’étonnement et sourires sur les travées de l’UMP.)
Nous le regrettons, car nous devons à nos amis du groupe de la gauche démocrate et républicaine à l'Assemblée nationale d’avoir fait inscrire dans le projet de loi que « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. » (M. le ministre fait un signe d’assentiment.) Ce faisant, ils vous ont rendu service, monsieur le ministre, puisque vous n’avez de cesse de répéter que vous voulez sauver le régime par répartition.
Mais peut-être aurait-il été opportun de réserver cet article jusqu’à la fin de la discussion, comme vous l’avez fait pour les amendements portant articles additionnels, qui vous ennuyaient – c’est le cas de nos amendements de financement par exemple –, afin de faire adopter en priorité les dispositions qui vous tiennent particulièrement à cœur.
Je vous invite donc à réserver le vote de l’article 1er A jusqu’à la fin de la discussion. Et si le contenu de la réforme conforte cet article de principe, peut-être serons-nous alors amenés à le voter, et peut-être même recueillera-t-il l’unanimité du Sénat…
Vous ne pouvez pas nous demander de vous donner un blanc-seing, de voter de belles déclarations de principe qui seront contredites par les autres dispositions du projet de loi. La réserve du vote nous paraît néanmoins opportune, car vous pourriez changer d’avis… Sait-on jamais ? (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Toutefois, le fait que vous ayez rejeté tous les amendements émanant de l’opposition, qui tendaient justement à conforter ces principes, à leur donner un peu de chair, augure mal d’une telle issue.
Vous avez refusé, ce qui était pourtant indispensable, d’inscrire le droit à la retraite dans le projet de loi. En liant la retraite à la durée de cotisation, votre projet escamote, en fait, le droit à la retraite.
Avec un tel système, on pourrait faire absolument n’importe quoi. On pourrait très bien, par exemple, faire comme Bismarck qui, après avoir appris que l’espérance de vie des Allemands était de 65 ans, avait décidé de fixer le départ à la retraite à cet âge… (Sourires.)
Avec votre système, si l’espérance de vie est de 72 ans, on fixera l’âge de la retraite à 72 ans. L’inscription du droit à la retraite dans le corps du projet de loi est donc indispensable.
Vous avez déjà, de fait, refusé la solidarité nationale qui va de pair avec un régime par répartition. Vous n’avez de cesse de répéter que nous ne sommes plus en 1945. Certes ! Mais les cotisations patronales de 1945 étaient adaptées aux conditions production de l’époque, lesquelles sont sans comparaison avec les modes de production actuels : il y a un boulevard pour ne pas dire une avenue entre les deux.
Aujourd’hui, les revenus financiers proviennent de l’exploitation du travail. Ils ont augmenté de manière considérable et constituent une bulle financière qui est déconnectée de la production des richesses. Les revenus du capital sont sans commune mesure avec ce qu’ils étaient lors de la création de notre pacte social, fondé sur la solidarité, qui est à l’origine du régime de retraite par répartition. Il faudrait modifier les choses, mais vous vous y refusez.
Vous refusez aussi de parler de l’emploi. Or, le régime par répartition repose sur le niveau d’activité. Cela signifie que vous n’acceptez pas d’asseoir le régime par répartition.
Que n’ai-je entendu sur l’égalité homme-femme ! Les femmes de la majorité réclament à cor et à cri l’égalité salariale, affirment qu’il faut tout faire pour y parvenir. On verra ce que l’on verra lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, disaient-elles. Or, on ne voit rien du tout ! Dès que nous proposons une disposition de nature à favoriser l’égalité salariale, elle est rejetée. !
Peut-on alors modifier le régime des cotisations patronales et des exonérations. Pas davantage ! Ce régime est pourtant au cœur des difficultés que l’on rencontre pour assurer le financement d’un régime par répartition.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’article 1er A, qui est une sorte de préambule au projet de loi. Il aurait pu nous unir s’il avait été sincère de votre part, mais ce n’est malheureusement pas le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Je ne reviendrai pas sur les inégalités de traitement entre les hommes et les femmes, ou entre les femmes et les femmes, car elles ont été fort bien traitées par Jean-Pierre Caffet. Je n’insisterai pas davantage sur les manœuvres que provoque la montée d’un mouvement social qui vous inquiète. Vous créez des écrans de fumée, mais nos concitoyens ne sont pas dupes. Le point focal de la réforme reste, ils le savent, l’âge légal de départ à la retraite et les modes de financement qui sont injustes.
Les différentes observations présentées par mes collègues devraient conduire à une refonte complète de la réforme actuelle. Après un préambule purement déclaratif, vous lancez votre réforme au pas de charge, en méprisant les inquiétudes légitimes de nos concitoyens.
Nous souhaitons, nous, une réforme sur le long terme, qui garantisse et pérennise le système actuel fondé sur la répartition. Vos prévisions sont erronées et l’équilibre, que vous prévoyez pour 2018, ne sera pas atteint. Il faudra alors présenter un nouveau texte.
Le présent projet de loi marque, dès l’origine, un double échec : une société où les injustices sont de plus en plus flagrantes ; une diminution annoncée du montant des pensions.
La stratégie est bien connue : d’abord, vous organisez le dysfonctionnement ; ensuite, vous prendrez acte de la nécessité de réviser le système puisqu’il ne remplit plus sa mission. Les organismes financiers sont dans les starting-blocks afin d’être prêts quand vous en viendrez à la retraite par capitalisation.
Monsieur le ministre, comment pouvez-vous, dans ce préambule, affirmer la nécessité de conserver la retraite par répartition et la solidarité entre les générations et, dans le même temps, persister dans une réforme injuste et inefficace ?
Nous souhaitons un réel effort financier, équitablement réparti entre le capital et le travail, afin de garantir durablement les retraites actuelles et futures. Nous ne trouvons rien de tel dans ce texte, qui fait peser sur les travailleurs l’ensemble du poids de la réforme.
Comment parler de réforme juste alors que ce sont les travailleurs les plus fragiles, ceux qui ont commencé à travailler très tôt, qui fourniront les efforts les plus importants pour financer le système ?
Nous avons une conception bien différente de la justice sociale et d’une réforme juste. Nous ne sommes pas dupes de l’habillage du texte par ce préambule. Et nous disons aux Français qu’une autre réforme est possible.
Monsieur le ministre, revenez sur votre péché originel qu’est le bouclier fiscal et nous aurons alors les marges de manœuvre pour financer une réforme juste, qui maintiendra l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans et la retraite à taux plein à 65 ans, et qui pérennisera – nous en sommes convaincus – la retraite par répartition.
Voilà ce que nous proposons aux Français. Vous avez institué le bouclier fiscal ; nous vous répondons qu’après une vie de labeur, les Français ont droit à un bouclier social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Le seul intérêt de l’article 1er A est de graver dans le marbre les grands principes de la retraite par répartition. Mais force est de constater que ces grands principes sont mis à bas par les autres articles de ce projet de loi.
Pour sauver le régime de retraite par répartition, il faut mobiliser 45 milliards d’euros d’ici à 2025. Or, si la réforme devait être mise en œuvre en l’état, il manquerait encore 13 milliards d’euros en 2025. Cette réforme n’est donc pas efficace.
De surcroît, on ne mobilise qu’un seul levier, celui de l’âge légal de départ à la retraite qui, bien sûr, pénalise les salariés. Or, tous les économistes s’accordent sur ce point : si l’on veut peser sur l’âge légal pour trouver les 45 milliards d’euros nécessaires à l’équilibre du régime, il faut relever l’âge légal non pas de deux ans, mais de huit ans.
Il s’agit bien d’une impasse, car personne ne peut proposer aujourd’hui un âge de départ à 68 ans et à 73 ans pour une retraite à taux plein, parce que c’est l’âge de la mort, encore aujourd’hui, pour une grande majorité de la population. (M. Jacques Gautier s’exclame.)
M. Gérard Longuet. Non !
M. David Assouline. Vous qui êtes insensibles à l’injustice,…
M. Alain Gournac. C’est incroyable !
M. Christian Cointat. Arrêtez, je vous en prie !
M. Jean Bizet. Un peu de décence !
M. David Assouline. … qui n’avez de cesse de nous asséner des arguments sur l’efficacité économique, sachez que l’efficacité économique que vous escomptez se sera pas au rendez-vous. Nous aurons bientôt l’occasion de le constater.
Dès le premier cap passé, lorsque le Fonds de réserve pour les retraites instauré par Lionel Jospin – 35 milliards d’euros en 2012 – sera épuisé, vous devrez revenir sur cette réforme. Mais j’espère que vous ne serez plus aux responsabilités…
M. Jacques Legendre. Ah bon ?
M. Christian Cointat. On entend vraiment n’importe quoi !
M. David Assouline. Il faudra remettre une réforme en chantier afin de pérenniser le système des retraites.
Vous n’avez pas pris la mesure du changement fondamental qu’a évoqué Mme Borvo Cohen-Seat. Nous ne pourrons pérenniser un système de retraite par répartition que si nous prenons en compte le changement majeur qui s’est produit depuis la Libération dans l’organisation même du travail, de la production et des bénéfices qui en découlent.
Quand l’essentiel des bénéfices provient des revenus du capital et non plus de ceux du travail, la justice, c’est d’aller chercher les financements non pas dans les revenus du travail, mais dans ceux du capital qui, pour l’heure, ne contribuent pas au financement de notre système de retraite.
Vous ne voulez pas prendre en compte ce changement fondamental du capitalisme parce que vous ne voulez pas vous attaquer aux revenus du capital !
Dans notre projet de réforme, nous proposons d’effectuer quelques ponctions sur les bonus et les stock-options, qui sont des salaires supplémentaires exonérés de cotisations, ou encore sur les cessions immobilières, qui échappent à ce jour à tout prélèvement.
D’ailleurs, monsieur le ministre, vous avez décidé de financer les dispositions que vous nous avez présentées ce matin en taxant les cessions immobilières et les revenus du capital. De manière infime, certes, mais faites encore un effort et vous trouverez de l’argent sans pénaliser les salariés !
Lors de la reprise de la séance, à vingt et une heures trente, le Sénat examinera les articles 5 et 6, appelés en priorité, et non pas l’article 1er, comme l’aurait voulu l’ordre de discussion des articles. Votre projet de loi compte trente-trois articles, mais les seuls qui vous intéressent vraiment sont ceux qui ont trait au recul de l’âge légal de départ à la retraite. Les articles 5 et 6 doivent être votés avant samedi, afin que vous puissiez dire mardi aux Français que se mobiliseront : circulez, il n’y a plus rien à voir, vous ne pouvez plus rien obtenir ! Nous ne vous laisserons pas faire cette manœuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je serai bref,…
M. Christian Cointat. Très bien !
Mme Isabelle Debré. Cela commence mal !
M. Jean Desessard. … mais je suis malgré tout obligé de prendre la parole…
Mme Annie David. Cinq minutes seulement !
M. Jean Desessard. … car je me dois d’exprimer la position des sénateurs Verts. J’ai des amis, de mon côté de l’hémicycle, des adversaires, en face de moi, et je dois me déterminer : voter l’article, ne pas le voter ou m’abstenir.
Mme Isabelle Debré. Affreux dilemme !
M. Jean Desessard. Quelles raisons ai-je de voter cet article ?
Grâce à un amendement qui a été déposé par le groupe GDR à l’Assemblée nationale – Mme Borvo Cohen-Seat vient de le rappeler – l’article 1er A dispose que la nation réaffirme le choix de la retraite par répartition. Donc, a priori je devrais y être favorable. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mais en fait, je ne le voterai pas, car, comme l’a indiqué M. Caffet, nous faisons aujourd’hui de la politique spectacle. (Rires.)
M. Alain Gournac. Il avoue enfin !
M. Jean Desessard. Eh oui ! Et à cet égard, certains ministres sont excellents.
M. Gérard Longuet. Est-ce le cas de M. Woerth ?
M. Jean Desessard. M. Woerth est un très grand communicant. Il aurait pu présenter les deux amendements du Gouvernement devant la commission des affaires sociales, laquelle les aurait sans nul doute approuvés. Mais non, il a pris son temps et nous les a présentés ce matin, en séance publique !
En fait, que se passe-t-il ? M. Bizet nous a donné la solution hier. La droite, les milieux économiques, le MEDEF – M. Autain l’a rappelé tout à l’heure – ont décidé d’aligner la France sur les autres pays pour la rendre plus compétitive à l’échelon mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Deux possibilités s’offraient à nous. On aurait pu promouvoir la solidarité, encourager, dans tous les pays, la création d’un SMIC, des retraites acceptables et le plein emploi. Non ! La droite internationale, les organismes internationaux préfèrent organiser la compétition économique.
La droite et le patronat s’efforcent de casser nos acquis sociaux afin d’adapter l’économie de la France à la compétition internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est cet état d’esprit qui guide aujourd'hui son action.
Le gaullisme social qui s’allie au communisme pour élaborer un projet ambitieux de retraite par répartition, ce n’est plus d’actualité !
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean Desessard. Comme vous êtes des communicants, et que vous voulez donner satisfaction aux centristes un jour sur deux (Exclamations sur les travées de l’UMP.), vous avez besoin de mesures valorisantes.
Vous présentez donc des dispositions en faveur des femmes, mais les conditions d’application sont telles qu’elles ne concerneront qu’une minorité d’entre elles et ne remédieront en rien aux difficultés qu’elles rencontrent. Mais cela vous permet de communiquer !
Il en est de même pour les jeunes. Vous annoncez la mise en place d’un « RSA jeunes » en faveur des jeunes âgés de 18 à 25 ans, mais les critères d’attribution sont tellement complexes que très peu d’entre eux y auront accès. Mais cela vous permet de communiquer !
Je ne peux voter pour l’article 1er A, pour les raisons que je viens d’évoquer. Mais je ne peux pas non plus voter contre, car cet article réaffirme l’attachement de la nation au principe de la retraite par répartition. En conséquence, au nom des Verts, je m’abstiendrai. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Il fallait commencer par là !
M. Jean Bizet. C’est un premier pas !
M. Jean Desessard. Vous utilisez cet article pour réaffirmer votre attachement au système de retraite par répartition, mais vous proposez des mesurettes pour communiquer,…
Mme Annie David. Pour faire de l’affichage !
M. Jean Desessard. … alors que votre politique consiste justement à remettre en cause les acquis sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je suggère au groupe UMP de soutenir unanimement le Gouvernement sur l’article 1er A, qui a donné lieu à un débat long et fructueux,…
Mme Annie David. Était-il besoin de le rappeler ?...
M. Gérard Longuet. … car il s’agit d’un article important, qui affiche des convictions que vous devriez partager, mes chers collègues de l’opposition ; je m’étonne d’ailleurs que vous n’ayez pas le courage de les afficher publiquement ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Cet article, que vous aurez peut-être à mettre en œuvre dans un autre temps, rappelle le pacte intergénérationnel. Cette première évidence est forte. Est-elle pour autant acquise pour chacun ? La réponse est : non !
Certaines classes d’âge pourraient en effet fort bien se retourner contre les plus anciens et leur dire : vous n’avez connu ni guerre, ni crise, ni difficultés, mais vous avez accumulé, avec une grande imprévoyance, des dettes importantes, non pas pour équiper le pays en universités, infrastructures, TGV, bâtiments, hôpitaux, …
M. David Assouline. C’est votre génération !
M. Gérard Longuet. … mais parce que vous n’aviez pas le courage de trouver les moyens de payer les factures de vos dépenses quotidiennes.
Ces nouvelles générations pourraient dire à celles qui les ont précédées : …
M. David Assouline. Pour l’instant, elles manifestent contre vous ! On les a vues dans la rue cet après-midi !
M. Gérard Longuet. … parce que vous avez manqué de respect à notre égard, nous n’avons pas l’intention de respecter le pacte intergénérationnel. Il ne fonctionne qu’à sens unique : vous nous envoyez les factures et vous nous imposez l’obligation des les régler, uniquement parce que vous n’avez pas eu le courage de faire face à vos propres responsabilités !
En posant le principe de ce pacte intergénérationnel, on recrée cette obligation mutuelle.
Permettez-moi maintenant de m’adresser directement à notre collègue Jean Desessard, qui fait profession d’être écologiste... C’est une conviction parfaitement respectable.
Mon cher collègue, le credo des écologistes est de respecter la terre, que nous empruntons à nos enfants, et non pas de la piller. C’est exactement ce que nous proposons avec cet effort de solidarité intergénérationnelle ! Nous voulons que les générations actuelles respectent les générations à venir en ne leur transmettant pas de dettes.
Monsieur le ministre, l’article 1er A est intelligent et courageux. Il rappelle qu’il faut respecter ceux qui ont travaillé et précise que tout retraité a droit à une pension qui tienne compte des revenus qu’il a tirés de son activité professionnelle. Il s’agit, en cet instant, non pas de créer un RMI pour personnes âgées,…
Mme Bariza Khiari. Ça va finir par se faire !
M. Gérard Longuet. … mais de rappeler la dignité du travailleur. Après une vie d’efforts, il doit pouvoir, parvenu à l’âge de la retraite, disposer en toute sécurité des fruits de son travail. C’est là tout l’objet du pacte intergénérationnel.
Certains d’entre nous ont fait référence au Conseil national de la Résistance. Mais savez-vous que c’est Alfred Sauvy qui a inspiré le régime par répartition ? Dès 1937, il indiquait que ce régime, que le CNR généralisera – l’instauration des assurances sociales date de 1928 –, était un système de solidarité : ceux qui travaillent paient pour ceux qui ne travaillent plus.
M. Jean-Pierre Caffet. On n’est pas au collège, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Il n’y a pas d’autres possibilités de mobiliser de l’argent. Le système par répartition est effectivement le contraire du système par capitalisation, fondé sur l’individualisme.
M. David Assouline. Nous savons tout cela !
M. Gérard Longuet. Le système par répartition est un système de solidarité. Encore faut-il ne pas transmettre à la génération qui travaille pour vous l’obligation de payer les dettes de générations antérieures !
M. Jean-Pierre Caffet. Nous ne sommes pas vos élèves !
M. Gérard Longuet. Il s’agit, je le répète, d’un article important. Nos collègues centristes ont évoqué l’avenir du régime. L’objet de cet article est précisément de décliner les contraintes que la répartition doit respecter : il faut tenir compte des efforts accomplis dans la vie professionnelle et personnelle de chacun. Nous élaborerons ainsi un système de répartition respectueux des efforts de tous et dont l’ambition est de consolider le pacte intergénérationnel en refusant de faire supporter à nos enfants et petits-enfants la facture de nos propres faiblesses.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous devons voter unanimement cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur Longuet, le fait que nous ne votions pas un article qui dispose que « la nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations » témoigne non pas d’un manque de courage, mais, au contraire, d’une parfaite lucidité : votre réforme est un formidable gâchis !
Pour faire une réforme des retraites, il fallait réunir tous les éléments qui fondent notre pacte social. Quel rapport entretient-on avec le travail ? Quelles réponses faut-il apporter à l’allongement de la durée de vie ? Quelles solidarités doivent être mises en œuvre entre les générations et au sein d’une même génération ? Quelle égalité mettre en place entre les hommes et les femmes ? Quelle protection sociale veut-on accorder aux personnes âgées ? Comment corriger les inégalités au travail ?
C’était l’occasion d’engager un vaste et long débat dans notre pays, comme d’autres nations ont su le faire. Mais vous avez refusé de le conduire, préférant construire une véritable dramaturgie politique dont toutes les ficelles sont tirées, avec précision, par une seule main : celle de l’Élysée ! Nous en avons d’ailleurs eu l’illustration ce matin.
Le scénario que vous avez bâti réduit le Parlement à accepter des amendements rédigés au millimètre, mais hors de cette enceinte. Il cantonne en fait les syndicats et l’opposition à un rôle de faire-valoir.
Pour notre part, nous ne voterons pas l’article 1er A. Comme vous êtes majoritaires, le texte sera sans doute adopté, mais le succès du scrutin sera très certainement une victoire à la Pyrrhus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.
M. Jean-Pierre Caffet. Le groupe socialiste s’abstient ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
(L'article 1er A est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq, et examinerons l’article 5, appelé par priorité.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 5, appelé en priorité.
Titre II
DISPOSITIONS APPLICABLES A L’ENSEMBLE DES RÉGIMES
Chapitre Ier
Âge d’ouverture du droit
Article 5 (priorité)
(Non modifié)
Au début du paragraphe 2 de la sous-section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté un article L. 161-17-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 161-17-2. – L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l’article L. 351-1 du présent code, à l’article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l’article L. 24 et au 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956.
« Cet âge est fixé par décret, de manière croissante à raison de quatre mois par génération et dans la limite de l’âge mentionné au premier alinéa du présent article, pour les assurés nés avant le 1er janvier 1956. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le coup de force de la présidence de la commission des affaires sociales du Sénat nous impose d’aborder prématurément, en séance de nuit, les deux principaux articles du projet de loi.
La manœuvre est grossière. Elle témoigne de l’inquiétude du Gouvernement et de sa majorité face au rejet de plus en plus massif de son projet de réforme.
Monsieur le ministre, après avoir tenté ce matin de désamorcer une mobilisation de nos concitoyens qui s’annonce plus forte que jamais, en concédant quelques mesures en faveur des mères de famille ou des parents d’enfants handicapés, vous poursuivez ce soir en essayant d’achever la discussion sur la fin de la retraite à 60 ans avant mardi prochain, nouvelle journée de mobilisation. Voilà la raison de ce coup de force !
Le relèvement progressif de deux années de l’âge légal d’ouverture du droit à une pension de retraite, objet de l’article 5, est en effet la mesure emblématique de votre projet de loi. Cette mesure n’est pas simplement symbolique et idéologique. Elle est révélatrice de votre conception de la société et de la place que vous accordez au travail dans celle-ci.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut faire quelque chose pour garantir la pérennité de notre système de retraite par répartition. C’est indéniable ! Mais là où le bât blesse, et nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à s’en rendre compte, c’est lorsqu’il s’agit de trouver des solutions.
Des propositions, nous en avons, et elles sont fondamentalement différentes des vôtres. C’est d’ailleurs une malhonnêteté intellectuelle de votre part, monsieur le ministre, et de celle de votre majorité de prétendre que l’actuelle opposition n’a rien à proposer.
Vous n’y croyez d’ailleurs pas vous-même, car après avoir brutalement demandé que soit mis un terme à la discussion à l’Assemblée nationale, vous tentez maintenant au Sénat, nous l’avons vu ce matin, d’éviter une discussion sérieuse sur les moyens de financer autrement la réforme que vous proposez.
Vous présentez cette mesure de relèvement de l’âge légal de départ à la retraite comme faisant partie des principaux leviers permettant de rétablir l’équilibre financier de notre système par répartition.
Vous avez d’abord prétendu que l’équilibre des régimes de retraite était avant tout un problème démographique. L’allongement de la durée de la vie ne peut tout de même pas être considéré comme une catastrophe économique, mais il exige de trouver un nouveau mode de financement des retraites et, surtout, une autre politique de l’emploi.
Cette mesure d’âge, présentée comme une évidence de bon sens, permet en fait d’évacuer toute discussion sérieuse sur de nouvelles sources de financement.
Certains membres de votre majorité ont, comme nous, mais probablement pour d’autres raisons, des doutes sur les mesures que vous préconisez pour assurer un retour à l’équilibre financier en 2018.
C’est à ce débat que vous voulez échapper, car il révélerait aux yeux de l’opinion publique combien votre réforme est socialement injuste, inefficace, et ferait de notre système de protection sociale, de notre régime de retraite en particulier, l’un des systèmes les plus rétrogrades.
Nous ne répéterons jamais assez combien elle est inéquitable, car elle repose à 85 % sur les salariés et à 15 % sur les revenus du capital, alors que dans le calcul du produit intérieur brut, la part des salaires a considérablement diminué quand celle du capital augmentait.
Non, décidemment, s’attaquer à l’âge légal de départ à la retraite en prétendant que cette mesure participerait au sauvetage de notre système est une posture idéologique.
Votre réforme est injuste, mais elle sera aussi inefficace.
Avec cette mesure d’âge, en maintenant au travail les générations les plus anciennes, vous empêcherez les jeunes d’accéder à la vie active. Et ce, sans compter avec une situation de l’emploi très dégradée qui accélérera la décrue des cotisants, creusant encore plus les déficits.
En refusant d’examiner nos propositions visant à rétablir un juste équilibre de notre système de retraite, vous fuyez le débat. Pourtant, vous n’y échapperez pas, nous y reviendrons à l’occasion de l’examen des articles 5 et 6, qui sont la clé de voûte de votre réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’importe si Nicolas Sarkozy assurait, dans son programme présidentiel, que « le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer », « le financement des retraites est équilibré jusqu’à l’horizon 2020 » ; qu’importe s’il se targuait d’avoir « voté la retraite à 60 ans » en 1981…
Le « cœur de la réforme » des retraites, selon vos propres termes, monsieur le ministre, est bien le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans en 2018, comme le prévoit le présent article.
De Xavier Bertrand au président du Sénat, en passant par Luc Chatel, François Fillon ou Jean-François Copé, tous à droite saluent cet allongement. Il en est un au Gouvernement qui risque pourtant de se faire très discret sur le sujet, c’est votre collègue Éric Besson.
En effet, en février 2003, Éric Besson, alors député PS de la Drôme, était le spécialiste des questions sociales au parti socialiste. Il était alors très critique envers la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, dont la priorité était à l’époque la réforme des retraites promulguée en juillet 2003, après moult négociations avec les syndicats. À ce moment-là, Éric Besson condamnait cette réforme qui, disait-il « n’est pas financée » et « est injuste ».
Le futur ministre de l’identité nationale avançait les arguments suivants contre la retraite à 62 ans : « Comment peut-on demander à ce que l’on travaille jusqu’à 62 ou 65 ans alors que nous n’arrivons pas – je l’ai vu en tant que député et en tant que maire – à trouver du travail pour les chômeurs de plus de 50 ans ? Aujourd’hui le monde de l’entreprise rejette les plus de 50 ans. Et à ceux-là mêmes, il faudra dire : cotisez plus de 40 ans. C’est une aberration ! »
Et il a bien raison ! Du fait de la politique des entreprises, le taux d’activité des plus de 50 ans est, en France, un des plus bas des pays européens. Et l’État actionnaire conduit une politique similaire. Ainsi, à La Poste, l’entreprise a mis au point un plan pour pousser, discrètement mais sûrement, les plus âgés vers la sortie. Le dispositif d’accompagnement de fin d’activité, le DAFA, propose aux anciens, en grande majorité des fonctionnaires, de devancer l’appel. C’est également le cas à France Télécom.
Nous marchons sur la tête ! L’allongement des périodes de cotisation, ainsi que le report de l’âge légal de départ à la retraite vont simplement aboutir à baisser les pensions des personnes qui, de toute manière, ne pourront travailler plus longtemps.
N’oublions pas que, aujourd’hui, 600 000 seniors vivent sous le seuil de pauvreté, et ce chiffre risque fort d’augmenter avec votre réforme.
La politique sociale du Gouvernement va devenir une machine à faire des pauvres. C’est d’autant plus lamentable que, dans le même temps, il continue à mener une politique fiscale avantageuse envers les plus riches, notamment grâce au bouclier fiscal dont nous demandons l’abrogation depuis de nombreuses années.
Pour toutes ces raisons, nous nous prononçons contre votre réforme et contre le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l’article.
M. Jacky Le Menn. L’article 5, qui vise à compléter titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale, consacre le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Il est présenté comme l’article clé qui permettra de sauver le financement des retraites. De plus, il semble reposer sur une évidence qu’il serait incongru de questionner. C’est pourtant ce que je vais faire, monsieur le ministre, et je vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser.
Nous vivons plus longtemps, il est donc normal de travailler plus. Cette idée a été si souvent assénée qu’elle semble frappée au coin du bon sens. La loi de 2003 lui a donné un contenu, en fixant une règle tout à fait arbitraire selon laquelle les gains d’espérance de vie devraient se partager entre, pour un tiers, l’allongement de la durée du travail, et, pour deux tiers, l’allongement de la retraite. Cette formule est tout aussi creuse et dénuée de fondement que la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique.
Des chiffres ronds n’ont jamais tenu lieu de politique et encore moins de règle de justice, nous rappelle fort à propos Pierre Concialdi, économiste à l’Institut de recherches économiques et sociales, dans son récent ouvrage Retraites : en finir avec le catastrophisme dont je vous conseille la lecture. Permettez-moi de vous en livrer quelques extraits.
« Les gouvernements, dont le nôtre, qui affichent cette idée font mine de se tromper d’objectif » : personne n’est dupe. « Ce ne sont pas les gains d’espérance de vie qu’il faut partager, mais les gains de productivité » pour participer au redressement du financement de nos régimes sociaux, notamment du régime des retraites.
Mais là, nous touchons à un tabou : il n’est pas question pour notre gouvernement de déplaire au MEDEF qui, lui, n’entend pas voir remis en cause un partage largement inégalitaire des gains de productivité, au bénéfice des plus gourmands de ses mandants, ceux qui sont abonnés au CAC 40. Il est plus confortable pour eux de voir reculer l’âge légal de départ à la retraite des ouvriers, des employés, des cadres – des soutiers du monde du travail, en somme –, ainsi que des femmes pour trouver des financements sans solliciter davantage leurs capitaux propres, ou seulement à la marge, capitaux avec lesquels ils pourront sans vergogne se livrer à leur jeu favori : la spéculation financière. Or, cette dernière n’apporte rien à notre économie et ne crée aucun emploi mais, en revanche, elle provoque des catastrophes, comme celles que nous avons connues au cours des années 2008-2010, pudiquement baptisées « années de crise ».
Autre argument, proclamé cette fois par le Président de la République à l’occasion des vœux aux partenaires sociaux le 15 janvier dernier : « Cela fait cinquante ans que nous gagnons un trimestre d’espérance de vie par an ». Mais l’espérance de vie à laquelle il se réfère est celle qui est évaluée à la naissance qui, en effet, a beaucoup progressé en 50 ans – je l’ai rappelé en commission des affaires sociales –, le taux de mortalité infantile s’étant effondré, et c’est heureux, de 33,4 décès pour 1000 en 1957 à 4,7 pour 1000 en 2007.
Or l’espérance de vie des retraités n’est pas concernée par le taux de mortalité infantile. L’important, pour un retraité, est l’espérance de vie en bonne santé qu’il a à 60 ans. Selon l’INSEE, l’espérance de vie en bonne santé est de 63,2 ans pour les hommes et de 64,2 ans pour les femmes. J’ajoute que l’INSEE retient une définition très restrictive de ce que l’on entend par « bonne santé », à savoir « une absence de limitation d’activité dans les gestes de la vie quotidienne et une absence d’incapacité ». Ainsi, une personne en rémission d’un cancer, atteinte d’un diabète correctement soigné ou ayant subi un pontage coronarien est considérée comme étant en bonne santé : sans commentaire !
Selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites, l’espérance de vie à 60 ans pourrait augmenter d’un an et demi tous les dix ans, soit 0,65 trimestre par an. C’est loin de l’allongement dont fait état le Président de la République, mais les thuriféraires de la retraite à 62 ans n’en sont pas à une approximation près.
Quant à l’espérance de vie en bonne santé, elle est déjà aujourd’hui fortement inégalitaire entre les retraités selon les lieux de vie et selon les types de professions qu’ils ont exercés tout au long de leur carrière.
Quoi qu’il en soit, le report de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite est une mesure idéologique aux conséquences désastreuses pour les plus fragiles de nos concitoyens, les chômeurs, ainsi que pour les femmes, qui sont particulièrement pénalisées. Et, monsieur le ministre, ce n’est pas l’amendement gouvernemental déposé à la hâte ce matin pour essayer de désamorcer le mécontentement populaire qui va sensiblement améliorer les choses.
Une autre conséquence certaine du recul de l’âge légal de la retraite, dont on parle peu, c’est qu’un plus grand nombre de salariés ne seront jamais en retraite, car, hélas ! ils seront décédés ! Si l’espérance de vie augmente, on continue de mourir avant la retraite. Ce recul signifie qu’environ 22 000 personnes supplémentaires de la génération née dans les années soixante-dix ne pourront jamais bénéficier de la retraite parce qu’elles décéderont avant d’avoir atteint l’âge de 62 ans.
Cette disposition de votre projet de loi, qui va transformer un « jeune » retraité en « vieux » chômeur et transférer le mistigri du déficit des caisses de retraite aux caisses de l’UNEDIC est de toute façon attentatoire à l’équité entre nos concitoyens. Cela revient, vous ne pourrez sérieusement me démentir, monsieur le ministre, faire payer largement le financement du système actuel de retraites par les travailleurs modestes.
La grande majorité de nos concitoyens ne saurait admettre une telle hypothèse. Nous nous opposerons donc avec la dernière énergie à l’adoption de cet article déplorable qui met fin à une grande conquête sociale.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous anticipons donc de quelques jours l’examen de l’article 5 qui vise à repousser de 60 à 62 ans l’âge légal d’ouverture du droit à la retraite.
Pour définir un parcours professionnel, il faut tenir compte de plusieurs données : le travail, les conditions travail, la santé au travail, les congés, la formation continue et la retraite.
Je l’ai déjà dit, mais je le répète : chaque fois que les conditions de travail ont été améliorées, elles l’ont été par la gauche.
M. Alain Gournac. Ce n’est pas vrai !
M. Claude Domeizel. Chaque fois qu’elles ont reculé, c’est la droite qui l’a décidé.
M. Alain Gournac. Et le général de Gaulle, il n’a rien fait ? Vous dites n’importe quoi !
M. Marc Daunis. Il faut remonter loin, alors !
M. Claude Domeizel. Il suffit de se référer à l’Histoire pour s’en convaincre. Je vous donnerai des exemples, si vous le souhaitez. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Monsieur Gournac, la vérité vous gênerait-elle ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est parce qu’il est de droite, c’est normal !
M. Claude Domeizel. Je pourrais citer les congés payés, les 35 heures, la retraite à 60 ans ! (MM. Alain Gournac et Michel Bécot se cachent le visage.) Ne vous cachez pas, messieurs !
J’ai entendu dire, à plusieurs reprises, que le passage à la retraite à 60 ans, en 1982, avait été décidé par ordonnance. Quelle différence entre la manière dont les choses se sont passées lorsque François Mitterrand et Pierre Mauroy ont décidé de légiférer par ordonnances pour abaisser l’âge de la retraite à soixante ans et ce qui se passe aujourd'hui ! Cet abaissement était la traduction d’une promesse électorale. Il y a les présidents qui font ce qu’ils ont promis de faire et ceux qui font le contraire ! Entre le Président de la République de 1981, qui avait promis la retraite à soixante ans, et le Président de la République d’aujourd'hui, qui avait promis de ne pas y toucher, il y tout de même une différence. L’essentiel, c’est de faire ce que l’on a promis. Ensuite, que ce soit par le biais d’une loi ou par voie d’ordonnance…
M. Alain Gournac. C’est pareil !
M. Claude Domeizel. Ce qui intéresse les gens, c’est non pas de savoir comment la retraite à soixante ans a été adoptée, c’est qu’elle ait été votée. Et aujourd’hui, ils veulent la conserver.
Je tiens maintenant à rétablir quelques vérités et à revenir sur certains de vos propos, monsieur le ministre.
D’aucuns soutiennent que le gouvernement de Lionel Jospin n’a rien fait pour les retraites. Dois-je rappeler la création du Fonds de réserve pour les retraites ? Vous êtes bien content de vous en servir, monsieur le ministre. Je vous promets de revenir sur ce sujet et sur votre mensonge.
M. Claude Domeizel. Pas aujourd'hui, nous n’en avons pas le temps. Dois-je rappeler aussi la création du Conseil d’orientation des retraites ?
Sous le gouvernement de Lionel Jospin, le déficit de la sécurité sociale est passé de 54 milliards d’euros à quasiment zéro.
M. Claude Domeizel. Si nous sommes passés de 54 milliards d’euros à zéro, c’est tout simplement parce le gouvernement de l’époque a eu la volonté de développer l’emploi. C’est l’une des raisons de sa réussite : qui dit emploi dit bonne santé de notre système de protection sociale. En 2002, vous avez trouvé le régime général excédentaire. Et vous allez nous le rendre déficitaire.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à l’article 6, dont nous demandons la suppression.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le fond de cet article, permettez-moi de revenir sur l’organisation de nos travaux.
Alors que le projet de loi compte trente-trois articles, que nous n’avons même pas encore entamé l’examen de l’article 1er, vous avez décidé d’examiner en priorité les articles 5 et 6. Pourquoi ? Parce que votre plan de communication est déjà prévu. En dépit de tout ce que vous pouvez dire, la seule chose qui vous intéresse, c’est de faire adopter le relèvement de l’âge légal avant mardi afin de pouvoir dire à ceux qui s’apprêtent à manifester, qui espèrent encore pouvoir vous faire bouger, que la disposition étant votée, il n’y a plus besoin de lutter. Eh bien, si, il faudra continuer de lutter, quoi qu’il se passe ce week-end !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Souvenez-vous du CPE !
M. David Assouline. Cette manœuvre, monsieur le ministre, est votre marque de fabrique. Elle est révélatrice de la façon dont vous considérez le Parlement. Ce n’est pas une bonne manière faite à notre travail.
La retraite à soixante ans s’inscrit dans une continuité. Le progrès social a accompagné l’histoire de l’humanité. Il s’est traduit, sur l’ensemble du xxe siècle, par l’abolition de toutes les formes de violence et d’exploitation des travailleurs.
La diminution des accidents du travail, la réduction de la durée journalière, puis hebdomadaire, du temps de travail, la suppression du travail des enfants, la création des congés payés, de la retraite, l’allongement des études ont été les étapes essentielles de ce processus.
Contrairement à toutes les tautologies et fausses évidences que vous ne cessez de nous asséner, alors que l’espérance de vie augmentait, le temps de travail a pratiquement été divisé par deux en un siècle : il passé de 2 695 heures par an en 1896 à 1 441 heures aujourd’hui.
Chaque étape de ce progrès social, revendiqué par les salariés, s’est heurtée à l’opposition massive du patronat, soutenu par la droite. De la même façon, aujourd'hui, le patronat, l’UMP et le Gouvernement s’opposent au maintien du progrès social.
On avance toujours les mêmes arguments : ces changements allaient ruiner les entreprises. Ainsi, en 1936, que disaient la droite et le patronat au sujet de la politique du Front populaire et des avancées fantastiques qu’il a permises, notamment l’instauration des congés payés ? Reprenez les articles de presse ! Ils osaient accuser le Front populaire et ses conquêtes, que personne, ensuite, n’a jamais osé remettre en cause, d’avoir ruiné l’économie du pays et préparé la défaite de 1940 !
À chaque fois, vous avancez les mêmes arguments ! À chaque nouveau progrès social, à chaque tentative de préserver un progrès social, vous nous dites que l’on veut affaiblir l’économie. Or l’histoire a prouvé le contraire. La réduction globale du temps de travail s’est accompagnée d’une très forte augmentation de la richesse par habitant, mesurée par le PIB par habitant : tandis que le temps de travail était divisé par deux, la richesse par habitant était multipliée par huit. Ces progrès n’ont donc jamais été accompagnés de décroissances ou de catastrophes économiques pour notre pays.
Le passage, en 1980, de 65 ans à 60 ans de l’âge légal du départ à la retraite reposait sur l’idée d’un « véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité, à l’issue d’une durée de carrière normale ».
Cette vérité d’hier est toujours valable, car une grande majorité des salariés liquide aujourd'hui sa pension de retraite à l’âge de 60 ans. Ainsi, en 2009, 72 % des attributions de pension de droit direct des hommes à la CNAV et 60 % de celles des femmes concernaient des salariés âgés de soixante ans. Six salariés sur dix liquident leur retraite alors qu’ils ne sont plus en activité. Voilà la réalité !
Les salariés ayant commencé à travailler jeunes arrivent à l’âge de 60 ans en ayant souvent acquis des droits supérieurs à ceux qui sont nécessaires, d’autant que le dispositif « carrières longues » a été considérablement restreint.
À 60 ans, la différence entre l’espérance de vie d’un ouvrier et celle d’un cadre est de sept ans. Or, aujourd’hui, on dit aux ouvriers qu’ils profiteront moins que les autres de leur retraite, qu’ils vont perdre sept ans de pension. Nous n’avons jamais abordé cet aspect sur le fond. Il faudra y venir, et évoquer aussi la question de la pénibilité.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. David Assouline. Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite est une injustice flagrante. Lors de la discussion des amendements, nous aurons l’occasion d’évoquer la réalité économique de la réforme, qui ne permet en rien d’assurer la pérennité du système de retraites.
M. le président. Mes chers collègues, sachez que je n’en voudrai à aucun d’entre vous de respecter son temps de parole. (Sourires.) Assuré de votre sympathie, je sais que vous aurez à cœur de faciliter ma tâche. (Nouveaux sourires.)
Je ne suis pas persuadé que nous pourrons ce soir entendre tous les orateurs qui sont inscrits sur l’article 5. En ne dépassant pas les cinq minutes qui vous sont imparties, vous montrerez que le Sénat est une chambre de débat et que l’on s’y exprime dans le respect du règlement.
La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes au cœur de la réforme. L’article 5 relève l’âge légal de départ à la retraite et l’âge à partir duquel il est possible de bénéficier d’une retraite à taux plein.
Cet article, cœur même de l’injustice qui caractérise cette réforme, opère une véritable régression sociale.
Cette réforme laisse en suspens la question de la pénibilité, des carrières longues ou encore celle de l’emploi des seniors. Il aurait été beaucoup plus innovant de proposer un système personnalisé, fondé sur le libre choix de la fin d’activité, et de maintenir à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite. L’individu doit pouvoir choisir : continuer de travailler ou s’arrêter. La véritable innovation aurait été de permettre à l’individu d’avoir ce choix. Il aurait fallu une implication de l’opinion et une responsabilisation des acteurs économiques et sociaux. Or, aujourd’hui, il ne s’agit que d’une réforme sociale.
L’âge légal de départ à la retraite doit rester fixé à soixante ans, car il s’agit d’une mesure d’équité pour tous ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui sont aussi, souvent, les plus modestes. C’est également une garantie pour des salariés usés par le travail, qui souhaitent partir, et une liberté de choix pour tous les Français.
Par ailleurs, il est surprenant que le Président de la République veuille relever l’âge légal de départ à la retraite alors qu’il déclarait, le 23 janvier 2007, dans le journal Le Monde : « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d’être la durée hebdomadaire légale du travail. » Après son élection, il a répété à plusieurs reprises qu’il n’avait aucun mandat pour réformer les retraites. Aujourd’hui, force est de constater qu’il nous a trompés.
Or la parole donnée aux citoyens est sacrée. La réforme des retraites doit faire l’objet d’un véritable débat public, car c’est du bien commun des Français qu’il s’agit. Nul n’a le droit d’y toucher sans demander sans l’avis de nos concitoyens.
Une réforme manquant d’imagination et d’ambition ne peut pas être une bonne réforme. Pour s’adapter à notre société, qui s’est transformée, il faut de l’audace. Une réforme devrait proposer, notamment, de nouveaux moyens de financement. La réduction des solidarités collectives et des acquis sociaux n’a rien d’innovant. Car aujourd’hui, c’est bien cela que vous nous proposez : réduire progressivement les solidarités collectives et favoriser les assurances individuelles.
Dans leurs discours, le Gouvernement et sa majorité ne cessent de prendre pour exemple les modèles étrangers. Or, en France, l’âge moyen d’accès à la retraite est déjà de 61,5 ans, car, en plus d’avoir atteint 60 ans, il faut avoir cotisé 40,5 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. C’est le même âge qu’en Allemagne et qu’en Espagne. Mais on peut partir avec 35 annuités de cotisations en Allemagne, 30 en Grande-Bretagne, contre 41 annuités chez nous.
Comme vous le voyez, les Français ne sont ni des paresseux ni des privilégiés. Il ne faut pas les diviser, les dresser les uns contre les autres. De telles méthodes sont dépassées et archaïques. L’effort doit, au travers d’une retraite choisie, être partagé par tous les salariés, du secteur public comme du secteur privé. L’effort doit aussi être assumé par les détenteurs de capitaux.
Des solutions existent et il est possible de rechercher d’autres financements que les dispositifs actuels. Il faut tout simplement rapprocher la taxation du capital de celle du travail.
N’oublions pas que ces trente dernières années, 10 % de la richesse produite, soit 200 milliards d’euros, ont été transférés de la rémunération du travail vers les profits. Ce transfert a bénéficié aux revenus financiers. Ainsi, en limitant la progression des salaires au profit de la rémunération des actionnaires, on limite aussi les cotisations qui alimentent les caisses de retraites et on crée des déficits. Non, les déficits ne sont pas une fatalité !
Les revenus du capital doivent être mis à contribution parce que les salariés voient de plus en plus la part de leur salaire direct stagner au profit de revenus complémentaires versés sous forme de bonus, de stock-options, mais aussi d’intéressement ou de participation.
Là encore, l’égalité doit être envisagée. Nous vous proposons une mesure d’égalité : le prélèvement de 25 milliards d’euros sur le capital à l’horizon 2025 pour une réforme équilibrée faisant participer tous les revenus au financement des retraites.
La réforme telle qu’elle est présentée est la plus dure d’Europe. Elle est la seule à modifier à la fois la durée de cotisation et l’âge légal de départ à la retraite, avec un financement assuré en majorité par les salariés.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, du fait du bouleversement de l’ordre du jour, Mme Annie Jarraud-Vergnolle m’a demandé de m’exprimer en son nom sur l’article 5, appelé en priorité.
Dans un pays reconnu mondialement pour ses avancées sociales, sa qualité de vie, la longévité de ses habitants, mais également la productivité de ses salariés, comment comprendre que ce gouvernement cherche à sanctionner des hommes et des femmes ayant commencé à travailler jeune sur des métiers souvent pénibles et à pénaliser les femmes, aux carrières hachées, les salariés précaires, de plus en plus nombreux, ou les seniors, qui, pour la plupart d’entre eux, arrêtent de travailler avant 60 ans parce que les entreprises ne veulent plus les embaucher ?
C’est le choix de la société dans laquelle nous voulons vivre qui est en jeu.
Il est totalement inopérant de déconnecter le présent projet de loi sur les retraites d’un projet de loi sur le travail et l’emploi : l’augmentation du taux d’emploi des jeunes et des seniors conditionne la viabilité de toute politique en matière de retraite ! D’autant plus que, pour le Gouvernement, la ressource nécessaire aux financements des retraites est essentiellement assise sur les salaires.
Vos déclarations d’intention sur la mise en place d’accords-cadres non contraignants pour l’emploi des seniors, notamment lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, sont pour le moment demeurées vaines.
Pourtant, le taux d’emploi dans les prochaines décennies sera décisif, puisque le niveau de l’emploi détermine le volume des cotisations : 1 point de masse salariale supplémentaire, c’est 1,9 milliard d’euros de cotisations en plus ! Mais nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous examinerons les articles suivants.
Nous avons entendu à plusieurs reprises le Gouvernement et, plus encore, le Président de la République décrier l’abaissement de l’âge de la retraite de 65 ans à 60 ans décidé par François Mitterrand en 1982. Mais cet acquis social du droit à la retraite – je dis bien du « droit à la retraite » – à 60 ans a été bénéfique à bien des égards.
Prenons l’exemple de la microéconomie. La théorie du cycle de vie de Franco Modigliani est un modèle de prise en compte de l’âge du consommateur dans la détermination de la fonction de consommation. L’âge détermine à la fois les revenus de l’individu et son patrimoine.
De l’enfant, important prescripteur qui achète par parents interposés, au jeune adulte, aux revenus faibles et qui a tendance à s’endetter, l’individu plus mûr peut rembourser ses dettes et se constituer des ressources, voire un patrimoine pour ses vieux jours.
On a longtemps cru que le troisième âge constituait une clientèle peu accessible à la nouveauté et peu solvable face au marché. On constate maintenant qu’il s’agit de consommateurs ayant un pouvoir d’achat élevé et une grande variété de besoins spécifiques à satisfaire, compte tenu de leur disponibilité. C’est ce qu’on a pu constater dans le secteur du tourisme.
En effet, selon une enquête réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, en 1989, 53 % des personnes âgées de 60 ans à 64 ans réalisaient des séjours touristiques, contre 33 % en 1969, soit une progression de plus de 60 %. Ce taux n’a eu de cesse de croître par la suite, atteignant même 65 % voilà cinq ans.
Et cela ne s’arrête pas là. Non seulement plus de retraités font des séjours, mais ils effectuent 89 % de leurs dépenses sur le territoire national.
Une telle évolution a permis une forte croissance du secteur du tourisme, et même une progression de la formation brute de son capital fixe supérieure à celle de l’ensemble des entreprises.
Par votre réforme, vous allez affaiblir le secteur du tourisme et des loisirs, qui emploie 822 000 personnes.
Nous le savons tous, le maintien de l’ouverture des droits à la retraite à 60 ans est un atout considérable pour notre société. Cet aspect un peu particulier du problème, peut-être pas le plus important compte tenu des trop nombreux retraités qui perçoivent à peine de quoi survivre, est simplement une raison supplémentaire pour vous demander de ne pas légiférer dans l’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises, dans les médias ou devant la commission des affaires sociales, que le projet de loi portant réforme des retraites, dont nous sommes saisis en ce moment, pourrait être « amélioré » – je reprends vos propres termes ! –par notre assemblée. Quel honneur !
Néanmoins, nous ne sommes pas dupes du jeu qui consiste à n’accepter que des amendements ayant une portée mineure, venant de vos propres rangs, visant au maintien du statu quo ou faisant partie d’un numéro de charme à l’égard des centristes !
Non, nous ne sommes pas dupes ! Aucune de ces prétendues avancées ne remettra en cause la philosophie générale du texte sur le fond. En effet, comme nous l’avons constaté ce matin, les décisions viennent directement de l’Élysée !
L’article 5, que nous examinons actuellement, et l’article 6 constituent le noyau dur de votre texte ; ils visent le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans.
Je vois bien les motivations qui ont présidé à une telle décision. Il s’agit pour vous de ne pas verser une année et demie de retraites nouvelles. Cela représente une économie de 7 milliards d’euros par an ! Mais, même si je vois bien vos motivations, je les réfute !
Une telle disposition est inacceptable, et ce pour au moins trois raisons.
Premièrement, la mesure que vous proposez ne règle en rien la question financière. Vous vous contentez de transférer des charges nouvelles vers le budget de l’État, vers l’UNEDIC et même – cela devient une habitude de votre gouvernement – vers les collectivités locales, notamment les départements, qui seront ainsi condamnés à verser le revenu de solidarité active, le RSA, des seniors au chômage pendant deux années de plus ! D’ailleurs, Pôle emploi estime à 265 millions d’euros le surcoût ainsi occasionné.
Deuxièmement, et cela a été rappelé par Patricia Schillinger tout à l’heure, votre réforme porte atteinte au libre choix de chacun ! Or la retraite doit être choisie et adaptée aux parcours individuels.
Troisièmement, le projet de loi aggrave la situation des hommes et des femmes qui ont commencé à travailler à 14 ans, 15 ans ou 16 ans, c'est-à-dire les « carrières longues » ! Ce sont ceux qui attendent déjà de partir en retraite, parce qu’ils ont cotisé pendant 42 ans, 43 ans, voire 44 ans et qui cotisent donc aujourd'hui à vide ! Pourquoi ne bénéficient-ils pas d’une pleine prise en compte de leur longue, très longue, durée de cotisations ?
À ce sujet, que dire des 414 000 apprentis que compte notre pays et qui ne cotisent qu’un trimestre pour une année d’apprentissage ?
En ne réglant pas un tel problème, vous acceptez le fait que des années entières de travail et de cotisations de salariés modestes ne soient pas valorisées par le système de retraite.
Par conséquent, le recul de l’âge légal de départ à la retraite est une décision injuste et inefficace.
En outre, comment pouvons-nous accepter une mesure qui ne tient aucun compte de la réalité du marché du travail ?
Ainsi, le taux d’emploi des seniors de 55 ans à 64 ans est, à 38 %, l’un des plus bas d’Europe ! Monsieur le ministre, savez-vous qu’il y a trois ans d’écart entre l’âge moyen de cessation d’activité, 58,5 ans, et l’âge moyen de liquidation de la retraite, 61,6 ans ? Cela représente trois années à galérer dans des dispositifs d’attente en tous genres ! Et vous voulez allonger encore plus cette période !
Je viens d’évoquer l’emploi des seniors, mais parlons également de l’emploi des jeunes !
Vous ne pouvez pas l’ignorer, les conditions d’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi sont de plus en plus difficiles. Aujourd’hui, le taux de chômage des jeunes actifs peu diplômés est de l’ordre de 40%, contre 10 % pour l’ensemble des jeunes ! La précarité des emplois a considérablement augmenté !
Et ce n’est certainement pas en limitant les outils de l’insertion professionnelle mis à la disposition des jeunes, en particulier par les missions locales, que vous lutterez efficacement contre une telle précarité !
Il faut de toute urgence favoriser et améliorer l’accès des jeunes générations à l’emploi !
Monsieur le ministre, nous vous l’affirmons, l’avenir des retraites se joue aussi et surtout sur le marché du travail.
Nous vous demandons de maintenir l’ouverture des droits à 60 ans, d’écouter celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui manifestent dans nos rues contre l’iniquité de votre projet et de cesser de faire preuve de mépris à l’égard des plus fragilisés de nos concitoyens !
Monsieur le ministre, pour mener à bien une réforme des retraites, il faut de l’écoute et de la responsabilité. Vous ne faites preuve ni de l’un ni de l’autre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.
Mme Bernadette Bourzai. L’article 5 vise à reculer l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans. Il s’agit d’une mesure particulièrement injuste, qui marque une très grande régression sociale, en particulier pour les femmes. C’est encore plus vrai pour l’article 6, qui recule à 67 ans l’accès à la retraite sans décote.
Comme mes collègues l’ont déjà souligné, le recul de l’âge de départ à la retraite pénalisera physiquement toutes celles et tous ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui ont exercé des emplois pénibles.
De plus, un tel recul pénalisera également financièrement toutes celles et tous ceux qui eu des parcours professionnels en « dents de scie » et qui se trouvent dans des situations de plus en plus précaires face à l’emploi à mesure qu’ils avancent en âge. Les personnes qui seront les plus pénalisées par cette réalité sont les femmes. Il s’agit – hélas ! – d’une réalité statistique clairement établie lorsqu’on constate que 86 % des hommes parviennent à valider une carrière complète, contre 44 % seulement pour les femmes, c'est-à-dire deux fois moins.
D’une part, les femmes sont pénalisées dans leur vie professionnelle. En moyenne, leurs salaires sont de 27 % inférieurs à ceux des hommes. Cela est lié au fait que 60 % des emplois non qualifiés et 83 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Pourtant, 1,5 million de femmes salariées souhaiteraient travailler davantage.
Par ailleurs, le taux de chômage des femmes reste autour de 11 %, contre 9,7 % pour les hommes. La pression de la précarité sur les femmes est donc très forte.
Tout cela n’explique pas l’écart des salaires. À qualification professionnelle équivalente, l’écart demeure de 10 % à 15 %, ce que rien ne peut justifier. Au-delà des raisons dites « structurelles » et des discriminations indirectes, les femmes sont victimes d’une discrimination directe en matière de salaires, que nombre de lois et d’accords n’ont pas réussi à faire disparaître. En effet, les femmes sont concentrées dans de petites entreprises, qui échappent à la plupart des dispositions législatives et aux accords concernant l’égalité professionnelle et salariale. Or votre proposition de pénalité se limite aux entreprises de plus de cinquante salariés. Il y a donc peu de chances que la situation évolue.
D’autre part, dans un couple, l’arbitrage des carrières se fait encore presque systématiquement en faveur du mari, en cas de mutation professionnelle impliquant un changement de domicile, voire de nature ou de rythme de travail. Les femmes sont prises dans un cercle vicieux, dont la situation professionnelle et salariale inférieure à celle des hommes constitue à la fois la cause et la conséquence.
Or, dans un marché du travail fortement dégradé et concurrentiel, lorsqu’on quitte un emploi à cinquante ans, il n’est pas évident d’en retrouver un autre.
La question des rémunérations à l’embauche place également les personnes avancées en âge face à un dilemme. Il leur faut admettre des rémunérations plus faibles face à de plus jeunes demandeurs d’emploi, alors que, à la différence de ces derniers, le montant des rémunérations perçues dans les vingt-cinq dernières années sert au calcul de celui de la retraite.
Dès lors que le chômage des plus de cinquante ans a augmenté de 17,6 % depuis un an et que six salariés sur dix sont sans emploi au moment du départ en retraite, les deux ans supplémentaires n’allongent pas arbitrairement la durée de vie active ; ils allongent en réalité la durée de la période de précarité face à l’emploi ! En outre, ils permettent mécaniquement de diminuer le montant de la pension, puisqu’ils font glisser la période des vingt-cinq dernières années sur laquelle est calculée la pension.
Nous savons tous que les retraites des femmes sont nettement inférieures à celles des hommes. Or votre réponse consiste à dire qu’il faut améliorer la situation des femmes dans l’emploi pour améliorer leur situation face à la retraite.
Nous sommes bien d'accord, mais c’est un aveu d’impuissance, monsieur le ministre ! Savez-vous que ce que vous présentez comme une solution, notamment l’égalité salariale, est en réalité l’un des objectifs du combat des femmes depuis des décennies ? Nous sommes ravies d’apprendre aujourd’hui qu’il s’agit simplement d’une mesure qui se décrète. Et je ne doute pas que le Gouvernement décrétera derechef demain matin que l’égalité salariale est un fait en France !
Rassurez-vous, nous ne sommes pas dupes. Personne dans le pays n’a compris que votre texte sur les retraites réglait le long combat des femmes pour l’égalité salariale et professionnelle, qui demeure d’actualité malgré les textes ou accords qui sont intervenus depuis trente ans !
En conclusion, je dirai que votre méthode, qui consiste à ne pas prendre en compte les différentes situations de notre population, constitue une véritable discrimination,…
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Bernadette Bourzai. … d’ailleurs dénoncée par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, dans son avis du mois septembre dernier. C’est inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Notre système de retraites est confronté aux défis du vieillissement de la population et aux conséquences d’une situation de l’emploi dramatique. D’ailleurs, les deux vont de pair.
Pour autant, le projet de réforme des retraites que vous nous proposez dans l’urgence ne répond en fait qu’aux exigences de la notation financière. Il ne garantit en rien la pérennité durable de notre modèle par répartition, quoi que M. Longuet ait pu en dire tout à l’heure.
Bien au contraire, il aggrave les injustices. Sa mesure phare, le relèvement de l’âge minimum de départ à la retraite de 60 à 62 ans, accroît les inégalités et restreint les possibilités de choix des salariés, sur qui reposent l’essentiel des efforts consentis.
Ce sont nos compatriotes aux carrières incomplètes qui pâtiront le plus de la réforme en voyant leur âge de départ à taux plein reculer de 65 à 67 ans à partir de 2016.
Ce sont ainsi les femmes qui seront le plus concernées, et il ne fait aucun doute que nombre d’entre elles vont tomber dans la précarité alors qu’elles forment déjà le gros des bataillons des retraités les plus défavorisés.
Autre constat : à 60 ans, un ouvrier et un cadre ont un écart d’espérance de vie de sept ans. Les travailleurs manuels ne sont pas seulement désavantagés face à la mort : au sein d’une vie plus courte, ils passent aussi plus de temps que la moyenne en situation d’incapacité physique et de dépendance. Ces professions sont en général particulièrement touchées par les limitations fonctionnelles physiques ou sensorielles, qui concernent plus de 60 % des années à vivre après 60 ans. Cette réforme accroîtra fortement les disparités des modes de fin de vie.
Pire, ce sont ces derniers, ceux qui ont commencé à travailler jeune, qui seront les perdants du recul de l’âge de départ à la retraite. Ce sont eux qui cumulent le plus les handicaps sociaux : ils sont les moins diplômés, les plus touchés par les arrêts de travail et ceux qui disposent des plus bas revenus. C’est avant tout ceux-ci qui supporteront finalement principalement les coûts de la réforme. Ils payeront plus pour recevoir moins.
Monsieur le secrétaire d'État, le droit à la retraite est un droit fondamental, et notre système de retraite, fondé sur la solidarité entre les groupes sociaux, est un élément constitutif du pacte social. Son évolution doit se construire par le dialogue, et dans un esprit de justice et de consensus.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Bernard Cazeau. Le recul de l’âge de départ à la retraite impliquait nécessairement une sérieuse préparation et un large débat avant de soumettre la proposition aux parlementaires, et non quelques semaines de débat avec les partenaires sociaux et quelques jours de discussion avec les représentants du peuple que nous sommes !
Les sociaux-démocrates suédois ont instauré il y a quelques années trois ans de débat avant de réussir leur réforme des retraites sur un consensus. Vous, vous êtes pressés : 2012 pointe à l’horizon et vous avez hâte d’assumer les promesses que vous avez faites aux plus privilégiés.
Pour conclure, je vous donnerai un conseil : évitez, de grâce, de stigmatiser la gauche, qui a bien préparé le terrain avec des actions dont vous êtes heureux de profiter aujourd'hui. Je pense, notamment, au Fonds de réserve des retraites. Assez de suffisance aussi : il n’y a pas lieu de fanfaronner comme l’a fait cet après-midi le Premier ministre ; on ne peut pas être fier d’une telle réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Si nous devions choisir un sous-titre pour l’article 5 concernant l’« âge d’ouverture du droit », ce pourrait être : « Retraites : les femmes payent le prix fort ».
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Odette Terrade. Cet article, qui prévoit le report de 60 à 62 ans de l’âge d’ouverture du droit à une pension, s’inscrit dans la continuité des précédentes réformes de 1993 à 2003, lesquelles, malheureusement, ont toutes aggravé les inégalités entre les hommes et les femmes. L’expérience des précédentes réformes que vous avez toutes conduites, mes chers collègues de la majorité, est édifiante tant elles ont amplifié les inégalités.
Les femmes ont de plus en plus de difficultés à valider 40 annuités au cours de leur carrière professionnelle. Seules 43 % d’entre elles y arrivent, contre 86 % pour les hommes.
Le Conseil d’orientation des retraites, le COR, a montré que les personnes nées entre 1963 et 1975 enregistrent déjà, à l’âge de 30 ans, deux trimestres d’activité de différence en défaveur des femmes !
Les écarts de pensions entre les hommes et les femmes sont des gouffres : 827 euros en moyenne pour les femmes contre 1 425 euros pour les hommes. Et, sans pension de réversion, ce chiffre tombe pour les femmes à 790 euros par mois.
Comment pouvez-vous imaginer qu’une femme puisse vivre dignement avec une telle retraite ? Le mépris inscrit dans votre réforme pour les plus précaires aggravera encore plus la situation des femmes.
Augmenter la durée de cotisation et porter l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans accentuera également le casse-tête du calcul des pensions pour ces dernières.
Les dispositions de l’article 5 obligeront toutes les femmes qui ont des carrières incomplètes à effectuer des choix terribles : les femmes qui ont un travail devront travailler bien au-delà de 67 ans afin de compenser la faiblesse de leurs pensions par des surcotes ; les femmes au chômage, elles, seront contraintes soit de percevoir plus longtemps les minimas sociaux dans l’attente des 67 ans, soit de prendre leur retraite avec des décotes importantes.
La double peine infligée à toutes les femmes qui subissent déjà les profondes inégalités de notre société est un scandale !
C’est justement cette société que nous refusons et dont nous dénonçons les modalités d’organisation, cette société où le partage des richesses se fait entre quelques privilégiés et où les inégalités se creusent aussi vite qu’augmentent les profits des entreprises du CAC 40 !
Monsieur le secrétaire d'État, arrêtons-nous sur quelques grands constats.
Dès le début de l’activité professionnelle, des écarts d’emploi se font jour entre les hommes et les femmes. Ces dernières sont les plus touchées par le chômage et le temps partiel. C’est une première injustice à laquelle s’additionne la discrimination salariale : toutes générations confondues, l’écart de salaire est de 18 % à 27 %. La note s’avère donc salée pour les femmes, et votre réforme, même amendée, ne suffira pas à alléger les différences. Elle devrait pourtant chercher à atteindre trois objectifs.
Premièrement, je le dis encore une fois, il faudrait réduire les inégalités durant la vie active en prenant en compte le quotidien des femmes. L’éducation des enfants et les tâches domestiques reposent encore trop souvent sur elles seules. Ce sont autant d’éléments qui pèsent sur l’emploi, le salaire et la carrière des femmes.
Deuxièmement, il faudrait poser la question de l’articulation de la vie professionnelle avec la vie familiale.
Troisièmement, c’est le point le plus important, il faudrait réintégrer dans les régimes de retraite la question de l’égalité des genres.
Notre système de retraite par répartition, largement redistributif et correctif, permet d’atténuer les aléas de la vie. Mais vous n’avez cure de ces corrections et vous leur opposez plutôt l’allongement de la durée de cotisation et la remise en cause des droits familiaux, dans le secteur public comme dans le secteur privé.
Résultat, l’addition de toutes ces mesures injustes pénalise les femmes dont la part parmi les nouveaux retraités concernés par la décote tend à s’accroître, passant de 41 % en 2004 à 51 % en 2007.
De même, trois femmes sur dix doivent attendre l’âge de 65 ans pour compenser les effets d’une carrière incomplète et tenter d’accéder au bénéfice du taux plein.
Si les systèmes de retraites ne peuvent corriger toutes les inégalités professionnelles et sociales dont les femmes sont victimes, ils ne peuvent non plus les ignorer comme vous proposez de le faire avec beaucoup d’aisance, ni rejeter sur la solidarité nationale l’essentiel des correctifs à opérer.
Peut-être préférez-vous, mes chers collègues de la majorité, courir le risque de consacrer, au travers d’une dualité des mécanismes de retraites, une dualité sociale et de genre ? Pour moi, ce serait inacceptable.
C’est bien pourquoi, avec mon groupe, je m’opposerai au report de 60 à 62 ans de l’âge d’ouverture du droit à la retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. C’est bien connu, ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent qui change de sens !
Malgré l’engagement pris par le plus haut responsable de l’État devant les Françaises et les Français de ne pas toucher à la retraite à 60 ans, alors qu’il les avait assurés qu’il était « important pour lui » de tenir la parole donnée – il avait même révélé à cette occasion qu’il l’avait voté – le couperet est en train de tomber.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous plains quelquefois. Si le scénario que vous êtes en train de nous jouer s’était déroulé il y a quelques décennies, faute de SMS et de mails, vous seriez épuisé à force d’aller et retour entre la rue du Faubourg Saint-Honoré et la rue de Vaugirard. Car, à l’évidence, le Gouvernement est dans la stratégie et seulement la stratégie !
M. Gérard Longuet. C’est mieux que d’être dans la tactique à courte vue !
M. Yves Daudigny. Son seul souci, cela a été benoîtement avoué, est de savoir de quelle manière il fera passer la pilule.
C’est ce que prouve également, depuis l’ouverture de nos débats au Sénat, la façon dont il abat les cartes de procédure au fur et à mesure. Comme l’opposition veut mener ce débat au fond et jusqu’au bout, projet contre projet, le Gouvernement demande d’abord la réserve de tous les amendements portant articles additionnels avant l’article 5. De la sorte, il évite d’examiner tout de suite nos propositions, notamment celles qui portent sur le financement.
Comme l’opposition continue malgré tout à vouloir débattre et qu’elle résiste, le Gouvernement exige la priorité sur les articles 5 et 6, qui reportent l’âge de la retraite à 62 ans et l’âge du taux plein à 67 ans.
Le Gouvernement ne cherche pas à instaurer le dialogue sur ce projet de loi, mais il s’inscrit uniquement dans le rapport de force. La considération qu’il porte aux manifestations est révélatrice de cette stratégie de bonneteau !
Mais l’acte final n’est pas encore écrit ! Il faut dire la vérité à nos concitoyens : il n’est nul besoin de reculer l’âge d’ouverture du droit à la retraite pour sauver le système. La réforme que vous voulez faire avaler aux Françaises et aux Français signe, en réalité, sa mort sur ordonnance !
Alors que la politique fiscale de baisse des impôts et de cadeaux menée depuis dix ans a ruiné les finances publiques, votre seul remède est de prendre toujours plus aux salariés en leur demandant maintenant de payer plus en travaillant plus.
Vous nous avez dit ce matin que la retraite était forcément une question d’âge puisque l’on pose toujours la question : « À quel âge prends-tu ta retraite ? » Doit-on vous faire crédit de ce que les véritables raisons qui fondent le projet de loi que vous défendez sont quand même plus élaborées que ce raisonnement ?
La vérité est que cette réforme est plus brutale qu’aucune autre menée en Europe. Elle est également la moins crédible de toutes, car elle prétend faire passer tous le monde sous la même toise, au mépris des différences. Je pense à tous ceux qui n’ont pas toujours pu travailler ou qui n’ont plus de travail, à ceux qui travaillent depuis trop longtemps, à ceux qui sont épuisés.
La vérité est que ce projet n’est pas totalement financé. Nous le savons, rien n’est assuré après 2018, et votre réforme ruine par avance le Fonds de réserve des retraites.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yves Daudigny. Contrairement à ce que vous affirmez, vous reportez de manière irresponsable la dette sur la jeune génération d’aujourd’hui.
Nos propositions, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le maintien de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans n’ont rien à voir avec la caricature que vous en faites. Nos propositions sont responsables.
Une note de Pôle emploi dans Repères et Analyses indique : « En lien avec la contraction sans précédent de l’activité économique en 2009 – chute de 2,5 % du PIB –, l’emploi salarié recule de 1,5 % entre fin décembre 2008 et fin décembre 2009, soit une perte nette de 256 100 postes de travail. Un tel niveau des destructions nettes d’emploi salarié n’avait jamais été observé depuis l’après-guerre. »
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, ce n’est pas d’un relèvement de 60 à 62 ans de l’âge d’ouverture du droit à pension que notre pays a besoin : notre pays a besoin d’emplois.
Mme Annie David. Exactement !
M. Yves Daudigny. La retraite est une assurance, ce n’est pas seulement une allocation. Ce n’est pas non plus un privilège, c’est un droit pour lequel les salariés ont souscrit toute leur vie.
Une réforme des retraites mérite mieux que ce médiocre exercice de rafistolage, aussi injuste que cynique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
MM. Roland Courteau et Marc Daunis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Cet article, point central de la réforme proposée par le Gouvernement, est, pour le groupe socialiste, absolument inacceptable. En effet, le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, fût-il progressif, ne manque pas d’inquiéter en raison, notamment, de l’état actuel du marché du travail dans notre nation et, plus particulièrement, de la situation de l’emploi des personnes de plus de 50 ans. Quelle est donc la situation de l’emploi de ces personnes ?
Selon l’INSEE, en 2009, seuls 38,9 % des personnes âgées de 55 à 64 ans avaient un emploi, niveau inférieur de sept points à la moyenne de l’Union européenne, qui est de 46 %.
Selon les chiffres du ministère, publiés en août de cette année, le taux de chômage des personnes âgées de 50 ans et plus a augmenté de plus de 17 % entre juillet 2009 et juillet 2010.
En outre, depuis 2008, la HALDE et l’OIT publient conjointement, chaque année, un « Baromètre sur les perceptions des discriminations dans les entreprises et la fonction publique ». Selon ce baromètre, en 2009, les discriminations liées à l’emploi constituaient 50 % des saisines de la HALDE et, parmi ces saisines, la discrimination fondée sur l’âge figure au troisième rang des motifs de plainte. Cette discrimination est, d’ailleurs, reconnue par la justice. Je tiens à citer l’exemple d’un agent public de 47 ans seulement, auquel il a été interdit d’intégrer un grade supérieur en raison de son âge, alors qu’il avait réussi le concours lui permettant d’obtenir une telle promotion. Le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a reconnu, en mars de cette année, que cette personne avait subi une discrimination liée à son âge.
Ces éléments statistiques doivent nous interroger sur la pertinence de faire passer de 60 à 62 ans l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite.
En effet, de nombreux salariés de plus de 50 ans souhaiteraient pouvoir exercer une activité leur permettant de vivre décemment. Le Gouvernement devrait donc mettre en place une réelle politique de l’emploi en faveur des seniors, plutôt que de vouloir les voir travailler plus longtemps.
Faute d’une telle politique, il est quasiment certain que l’assurance chômage devra payer pour les personnes concernées. Il s’agit purement et simplement d’un transfert de charges, transfert auquel le Gouvernement nous a habitués dans d’autres domaines.
Selon une étude de Pôle emploi – citée dans le journal Les Échos du 28 septembre 2010 –, le relèvement de l’âge de la retraite aura pour conséquence d’empêcher plusieurs milliers de personnes de basculer du chômage vers la retraite.
Selon une note de l’UNEDIC – citée dans le journal La Tribune du 28 septembre 2010 –, la réforme des retraites aura un coût compris entre 440 millions et 530 millions d’euros pour l’assurance chômage, ce qui fait écho à la déclaration de François Fillon, qui a affirmé le 16 septembre dernier que « les partenaires sociaux qui gèrent l’assurance chômage vont devoir intégrer le réforme des retraites ».
Ainsi, il apparaît très clairement que cette réforme ne fait que déplacer un très important problème, au lieu de lui apporter une solution pérenne.
Dans le cadre de son projet alternatif au projet du Gouvernement, le Parti socialiste prévoit une politique dynamique et volontaire pour l’emploi des seniors. Les objectifs de cette politique sont de permettre aux seniors de retrouver une activité, tout en évitant de transférer une partie du coût des retraites sur l’assurance chômage.
Nous persistons par conséquent à refuser l’allongement de la durée de travail, ce qui nous conduit à demander la suppression de l’article 5. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Vous prétendez réformer notre système de retraite pour lui permettre de retrouver l’équilibre, sans aborder une seule fois la question fondamentale de son financement. Nous aurions pu, par exemple, nous attendre à un volet spécifiquement dédié au financement des retraites. Or, à la lecture du projet de loi, nous constatons que ce volet manque cruellement, et pour cause.
En effet, prévoir un volet « financement » aurait supposé de votre part la volonté d’apporter des ressources supplémentaires et, surtout, pérennes, à notre protection sociale. Plutôt que d’agir ainsi et de faire contribuer les millions d’euros qui échappent au financement solidaire de la sécurité sociale, vous avez fait le choix de rallonger la durée de vie professionnelle des salariés, alors que, dans le même temps, les salaires et les pensions ont baissé considérablement, particulièrement depuis 1993, c’est-à-dire depuis la réforme Balladur.
Comment ne pas rappeler que, pour les salariés du secteur privé, le passage aux quarante annuités de cotisation, la prise en compte des vingt-cinq meilleures années et l’indexation des pensions sur les prix ont eu pour effet de diminuer de 10 % à 15 % la valeur des pensions des salariés ayant eu une carrière complète, la baisse atteignant même 20 % à 25% pour ceux n’étant pas parvenu à justifier d’une carrière complète.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on sait déjà que les articles 4, 5 et 6 de ce projet de loi entraineront un écrasement des retraites.
Pourtant, notre pays n’a jamais été aussi riche et les actionnaires ne se sont jamais partagé des dividendes aussi importants. À peine la crise finie, les profits des entreprises cotées au CAC 40 explosaient déjà de 80 %.
La productivité des salariés de notre pays n’a pas cessé de progresser, augmentant de manière continue la masse des richesses produites par salarié. Deux actifs d’aujourd’hui produisent autant, ou presque, que trois actifs en 1983. Tous les économistes le disent, les progrès de la technique et des sciences permettront encore, dans les années à venir, une augmentation considérable du ratio salarié sur valeur ajoutée.
Malgré cela, l’on voudrait nous faire croire que dans un tel contexte économique, il n’y aurait pas d’autres solutions pour financer les retraites que de reporter de deux ans l’âge légal de départ à la retraite.
Il ne s’agit en fait que d’une posture idéologique.
Vous faites travailler plus longtemps les salariés pour permettre aux actionnaires de faire fructifier plus longtemps leurs capitaux, sans jamais exiger que les richesses qu’ils accumulent soient davantage dirigées vers la solidarité.
C’est pour éviter que Nicolas Sarkozy trahisse la promesse qu’il avait faite au MEDEF de ne pas augmenter les impôts que vous procédez de la sorte.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bernard Vera. Qu’importe s’il manque à un autre engagement, pris non pas devant une minorité de nos concitoyens, mais devant tous les Français, celui de ne pas revenir sur le départ à la retraite à 60 ans.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Bernard Vera. Souvenez-vous du document de campagne, que vous avez sans doute distribué, mes chers collègues de la majorité, qui indiquait: «la retraite à 60 ans doit rester un droit ». Souvenez-vous des déclarations de Nicolas Sarkozy en mai 2008 : «Je dis que je ne le ferai pas, je n’en ai jamais parlé au pays et cela compte pour moi, je n’ai pas de mandat pour cela ».
Mme Annie David. Exact !
M. Bernard Vera. Ou encore, de cette dernière déclaration, plus récente : « Nous avons toujours été pour la retraite à 60 ans. ».
Finalement, vous supprimez la retraite à 60 ans, ce qui aura tout simplement pour effet de priver les salariés de deux années de vies passées à faire autre chose que travailler, sans toutefois parvenir à financer l’intégralité de votre projet. La preuve en est qu’un grand quotidien national de l’économie annonçait le 30 septembre dernier qu’il manquait au moins 2,5 milliards d’euros pour que les régimes de retraites soient à l’équilibre.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Quatre !
M. Bernard Vera. Il ne faudra donc pas attendre 2018 pour que de nouveaux « mauvais coups » pleuvent, le prochain projet de financement de la sécurité sociale comportera pour les salariés son lot de mauvaises surprises.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons avec fermeté à cet article 5, qui remet en cause le droit fondamental du départ à la retraite à 60 ans.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Avec cet article, nous entrons véritablement au cœur des dispositifs « piliers » du projet du gouvernement, piliers qui détruisent le droit à la retraite pour tous dans des conditions décentes.
Tout d’abord, une atteinte, peu anodine, à ces droits, fait passer l’âge de départ légal à la retraite de 60 à 62 ans. Mais comme si cette régression sociale ne suffisait pas, il faut y ajouter l’article précédent, qui prévoit l’allongement de la durée de cotisation des assurés pour la porter à quarante et une annuités et demie.
Enfin, pour s’assurer coûte que coûte que rien ne viendra entraver les intérêts financiers ni de l’État ni des entreprises, on assène le « coup final » : la retraite sans décote n’est assurée qu’à partir de 67 ans, et non plus 65 ans.
Trop soucieux de la réduction de la dette publique pour satisfaire les agences de notation et les marchés financiers, l’État sacrifie donc purement et simplement les salariés.
Le cumul de ces trois principales atteintes portées au régime de retraite actuel aura des conséquences dramatiques pour chaque assuré, qui se verra obligé de choisir entre une retraite avec pension entière accordée très tardivement, amputant ainsi son temps de retraite en bonne santé, ou une retraite à un âge décent, au sacrifice d’une partie de ses cotisations.
Est-ce, franchement, un choix raisonnable et, surtout, efficace tant au plan économique que social ?
Cette réforme est d’autant plus inadmissible qu’elle ne tient pas compte de la pénibilité du travail accompli. Les maigres mesures destinées à prendre en compte les conditions de travail difficiles ne font qu’évoquer le handicap. Une autre question se pose : celle de la reconnaissance collective de la pénibilité de professions en lien avec la nature du travail accompli et de ses conditions d’exercice.
Je voudrais ici, pour appuyer mon propos, évoquer un métier, parmi beaucoup d’autres, que cette réforme impactera énormément. Je veux parler du métier d’enseignant, dont l’exercice jusqu’à 62 et 67 ans serait très difficile et aurait des conséquences importantes pour les enseignants, mais aussi pour les élèves et, in fine, pour l’avenir du pays.
Une étude du Centre de recherches et d’études sur l’âge et les populations au travail de novembre 2009, réalisée à l’initiative de Dominique Cau-Bareille, s’est penchée sur le « vécu du travail et la santé des enseignants en fin de carrière ». Cette étude confirme que beaucoup d’enseignants souhaitent quitter dès que possible un métier qu’ils jugent souvent pénible et fatiguant.
En dehors des conditions d’exercice de ce métier, il faut noter un premier facteur qui pèse nécessairement sur les enseignants. Ce métier, autrefois valorisé, est aujourd’hui dénigré, accompagné de peu de reconnaissance.
Mais au-delà, la fin de carrière des enseignants est assez mal vécue du fait de difficultés propres au métier.
Enseigner signifie en effet être présent, attentif à chaque instant, initier, écouter chaque élève ainsi que les familles, répondre aux attentes et aux espoirs qu’elles placent en eux, ou encore gérer les élèves en difficultés, ainsi que les tensions au sein de l’école, et tout cela dans un contexte de forte réduction de postes, imposée depuis plusieurs années par votre Gouvernement. Tout cela contribue à générer un stress important chez les enseignants, qui s’épuisent au fur et à mesure des années.
Il faut à cela ajouter un élément : les professeurs des écoles entrent dans la vie active assez tardivement, et cette tendance ne va pas aller en s’arrangeant, puisque le recrutement des enseignants se fera désormais au niveau du master. Ainsi, les professeurs des écoles entrent dans la vie active à 27 ans en moyenne.
Que dire, d’ailleurs, de la « masterisation », qui place actuellement de jeunes enseignants sans aucune formation professionnelle devant une classe, ce qui génère beaucoup de souffrance ?
Une profession pénible, une carrière qui commence tard, le fait que près d’un enseignant sur trois est parti à la retraite en 2007 avec une décote, tout cela doit nous fait comprendre la nature des difficultés vécues en fin de carrière.
Qu’en sera-t-il après cette réforme qui repousse à 67 ans l’âge de départ à la retraite sans décote ? Tout laisse à penser que cette profession, dans son exercice comme dans son système de retraite, va se dégrader considérablement. Faut-il rappeler ici toute l’importante de ce métier ?
Les enseignants forment de jeunes citoyens, et l’exercice de ce métier est primordial. Il est essentiel, dans l’intérêt de l’enseignant comme de l’élève, que ce métier s’exerce dans des conditions psychologiques et physiologiques qui permettront à chaque élève de tirer profit du savoir dispensé, mais aussi aux enseignants de ne pas subir leur fin de carrière.
Les enseignants jouent un rôle déterminant pour l’avenir de notre pays. Ce serait mal connaître et reconnaître leur rôle que de les condamner à percevoir une retraite indécente ou à enseigner en mauvaise santé sans plus de passion et ni de motivation.
Je suis, pour toutes ces raisons, formellement opposée à la destruction de la retraite qui nous est proposée par cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. « Mes ouvriers meurent en moyenne à 62 ans. Je n’ai donc aucun problème pour leur offrir la possibilité de partir en retraite à 60 ans. »
Cette formule, dont on ne sait s’il s’agit d’une boutade cynique ou du constat chagriné de la réalité des faits, fut, dans les années 1970, prononcée par l’un de ceux que l’on a pu présenter comme de « grands capitaines d’industrie », en l’espèce M. Francis Bouygues, PDG du groupe du bâtiment et des travaux publics du même nom.
Je ne sais si son fils reprendrait aujourd’hui les mêmes termes pour décrire la situation de ses salariés – au moins pour le cœur de métier originel du groupe –, mais le fait est que cette remarque s’inscrit, sous bien des aspects, au cœur des enjeux de notre débat.
On n’a cessé de nous répéter, depuis plusieurs mois, que l’allongement de la durée de la vie, produit des progrès accomplis par l’ensemble de la société grâce à la sécurité sociale, allait nous imposer de consentir un allongement subséquent de la durée de la vie professionnelle.
En effet, on n’aurait plus 60 ans en 2010 comme on pouvait avoir 60 ans en 1981, lorsque la gauche, enfin arrivée au pouvoir, décidait de faire droit à une très ancienne revendication du mouvement ouvrier, à savoir la retraite à 60 ans.
Les docteurs « la rigueur » qui professent aujourd’hui l’allongement de la durée de la vie active – ce qu’il faut donc bien appeler un recul social – oublient évidemment de rappeler que la décision de fixer l’âge de la retraite à 60 ans n’avait pas vocation à être prise de manière isolée. Pour ceux qui s’en souviennent, la retraite à 60 ans fut accompagnée de la création de la cinquième semaine de congés payés,…
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Annie David. … véritable vecteur de développement de l’activité dans le secteur du tourisme au sens large, de la réduction du temps de travail à 39 heures – ce qui nous valut à peu de choses près les mêmes discours ineptes que lors du passage aux 40 heures en 1936 et lors de la mise en place des 35 heures ensuite –, mais aussi de la loi instituant les contrats de solidarité.
La raison d’être de ces contrats de solidarité consistait à faciliter l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en assurant un renouvellement des effectifs des entreprises dont un nombre plus ou moins important de salariés étaient appelés à faire valoir leur droit à pension. Le principe du contrat de solidarité, c’était le passage de témoin entre l’ancienne génération, étant enfin parvenue à faire valoir son droit au repos, et la nouvelle, qui pouvait enfin concrétiser son droit au travail.
Que l’on ne s’y trompe pas : sans dispositif digne de ce nom tendant à permettre aux salariés âgés de plus de 50 ans, et singulièrement de 55 ans, de prolonger leur activité professionnelle – or ce texte n’en prévoit aucun car, à l’instar de bien d’autres, il se contente d’offrir aux entreprises de nouvelles exonérations sociales en lieu et place de toute autre mesure ou obligation –, on ne fera qu’installer un nombre grandissant de personnes dans la précarité, le chômage et, à terme, la pauvreté !
Reculer l’âge de départ en retraite, c’est faire payer au monde du travail le prix fort des progrès que ses cotisations – et donc son travail – ont permis à l’ensemble de la société d’accomplir. Il n’est pas vrai que chacun et chacune, dans ce pays, soit à égalité devant l’âge, et donc la retraite. Il est notoire que l’on vit moins longtemps lorsqu’on a été mineur, mouleur noyauteur ou peintre en bâtiment, que lorsqu’on a été instituteur, cadre de banque ou même électricien EDF.
Il est donc injuste de prolonger ces injustices et de les rendre encore plus intolérables avec cet article 5. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l’article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous savions déjà que votre gouvernement avait tout fait pour éviter la négociation avec les organisations syndicales. Nous savions aussi que vous aviez tout fait pour éviter le débat à l’Assemblée nationale. Nous savons aujourd’hui que vous voulez également hâter le débat dans notre hémicycle.
Cette précipitation est la preuve que cet article 5, qui porte la retraite à 62 ans d’une manière assez ignominieuse, vous rend quelque peu honteux et que vous avez peur de la capacité de nos concitoyens à se mobiliser. Vous savez également que, sur les bancs de l’opposition, nous sommes entrés en résistance face à votre projet de loi.
M. Woerth parlait hier de consensus sur le report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite : encore une incantation destinée à démobiliser les salariés ! Mais la réalité est tout autre : nous sommes résolument opposés à cet article 5, qui traduit un recul social sans précédent. Nous sommes contre cet article 5, parce que nous considérons que la mobilisation des sommes qui échappent aujourd’hui à la solidarité pourrait permettre de garantir le maintien du départ à la retraite à 60 ans.
Vous avez d’ailleurs profité de toutes les possibilités que vous donne le règlement de notre assemblée pour nous confisquer le débat sur le financement des retraites. Cela ne nous empêchera pas de porter la contradiction que vous préféreriez escamoter !
De la même manière, la priorité demandée pour les articles 5 et 6 n’entamera en rien notre mobilisation, comme celle des salariés. Vous avez réformé le règlement du Sénat afin, dites-vous, de rendre à notre assemblée la maîtrise de son ordre du jour. Cette maîtrise reste somme toute limitée, puisqu’il suffit au Gouvernement de demander une priorité pour l’obtenir, même si elle répond à des fins peu honorables.
Mais nous ne sommes pas dupes, vous voulez envoyer un signal fort aux manifestants : les deux articles les plus symboliques ayant été adoptés, il n’y aurait plus lieu de manifester. Nous pensons, au contraire, que la mobilisation ne sera que renforcée si vous nous obligez à adopter immédiatement ces deux articles qui témoignent d’une certaine ignominie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l’article.
Mme Marie-Agnès Labarre. En présentant une proposition de financement pour le maintien de la retraite à 60 ans, les sénateurs du Front de gauche ont montré qu’il était possible de conduire une réforme juste et efficace dans ce pays, et ils sont entendus par le peuple français à un point que vous n’imaginiez sans doute pas !
Brandissant sans cesse l’argument fallacieux de la démographie, comme pour mieux dissimuler vos réelles intentions, vous vous arc-boutez sur votre nouveau dogme : pour faire comme les autres pays européens, vis-à-vis desquels vous établissez d’ailleurs des comparaisons hardies, il faudrait sans délai retarder de deux ans l’âge d’ouverture du droit à la retraite.
Eh bien, si nos amis grecs et espagnols ont dû subir cet affront…
M. Philippe Dallier. Ils ont pourtant des gouvernements socialistes !
Mme Marie-Agnès Labarre. … c’est que les biens publics grecs et espagnols ont été pillés par les vautours de la finance... avec votre bénédiction et celle du FMI !
C’est vrai, bon nombre de pays européens ont fait le choix de « passer les bornes », dans tous les sens du terme, qu’ils soient libéraux « pur sucre » ou teintés de social-démocratie. Bon nombre de gouvernements européens ont préféré en effet le financement de la spéculation au financement des régimes sociaux : comme en France, ils ont préféré servir des dividendes plutôt que des salaires.
Voilà pourquoi la corde se tend entre le peuple et vous : il n’est écrit nulle part que la France soit condamnée à ce régime qui enrichit les riches et appauvrit les pauvres. Hurler un mensonge et le répéter en boucle n’a jamais eu pour effet de transformer ce mensonge en vérité.
M. Philippe Dallier. C’est bien vrai !
Mme Marie-Agnès Labarre. Quel est ce mensonge ? Le mensonge, c’est que la France de 2010 n’aurait plus les moyens de s’offrir ce que celle de 1945 et de 1981 lui ont permis de se payer. Le fautif ? La mondialisation.
Quelle est la réalité ? La réalité, c’est que la France n’a jamais été aussi productive, ni aussi riche. Deux salariés produisent aujourd’hui plus de richesse que trois il y a trente ans.
La réalité, c’est que le gouvernement de la France, le vôtre, a choisi de distribuer ce surcroît de richesse de façon injuste, inéquitable, insupportable.
La réalité, Le Parisien de ce jour nous la rappelle en rendant public le rapport de la Cour des comptes sur les niches fiscales et sociales qui bénéficient aux entreprises et, bien sûr, peu à l’emploi ; le manque à gagner pour les caisses de l’État et des organismes sociaux qui en découle s’élève à 172 milliards d’euros.
La réalité, c’est que votre bouclier fiscal a pour effet d’assécher les comptes publics et de placer de fait notre système de solidarité en faillite.
La réalité, c’est qu’on a volé l’argent des salariés pour l’offrir aux financiers qui nous fabriquent cette mondialisation qui vous va si bien et que vous prenez comme prétexte pour nous vendre l’invendable : il faudrait travailler plus durement, plus longtemps, moins se soigner, moins étudier, pour être compétitifs !
Gageons que, grâce à vos bons soins, nous serons compétitifs le jour où nous recommencerons à travailler dès 8 ans, jusqu’à 75 ans, avec des semaines de 48 heures, usines et bureaux ouverts le dimanche, payés à l’heure « productive » et à coups de trique ; le jour où les employeurs n’auront plus à cotiser au chômage. Oui, ce jour-là, le prix de revient de notre production nationale sera enfin revenu au niveau de celui de l’Asie du Sud-Est. Qui sait s’il ne sera pas même inférieure, car ces gens-là, voyez-vous, prétendent aussi gagner et améliorer leur vie !
Voilà pourquoi nous ne sommes pas dupes : le passage à 62 ans n’est qu’une étape, rien qu’une étape dans le processus de déconstruction de notre modèle de société.
Vos 62 ans ne sont même pas crédibles : qui croira qu’on pourra partir sans décote à 62 ans, quand les débuts de carrière sont retardés, chômage oblige, quand les carrières sont morcelées, quand la flexibilité de l’emploi et les temps partiels subis sont érigés en summums de la modernité dans le travail ? Qui partira à la retraite à 62 ans en ayant cotisé le nombre de trimestres que vous exigerez de lui ? Qui partira à la retraite à 62 ans avec une pension de misère, quand vous ne voulez pas entendre que le SMIC lui-même, auquel le futur retraité pourra difficilement prétendre, est un salaire de misère qui ne permet pas de se loger et de se nourrir en même temps ?
En réalité, vous nous inventez la retraite à 67 ans. Pour ce faire, pour faire adhérer les naïfs à vos fausses évidences, vous nous faites le coup de la durée de vie qui s’allonge, en conséquence de quoi, mesdames, messieurs, il est bien normal que la durée de travail s’allonge en proportion...
Mais de quelle vie parlez-vous ? De la vie biologique ou de l’espérance de vie en bonne santé ? Certains de nos concitoyens, voyez-vous, ont un boulot qui ruine leur santé, et il ne s’agit pas seulement des travailleurs de force. Ils se ruineront donc deux ans de plus, si on ne les vire pas avant – voire davantage, pour ceux qui auront besoin de plus qu’une aumône en guise de pension, et ceux-là se répareront moins bien, moins vite et moins sûrement. C’est plus abîmés qu’ils vivront vieux : qui convaincrez-vous que c’est là le destin des travailleurs des pays riches comme le nôtre ?
De plus, vous savez bien que ce n’est pas le nombre d’actifs potentiels qui importe, mais bien le nombre de cotisants, car des actifs au chômage ne participent pas au financement des retraites.
La question première est donc bien celle de l’emploi : si tous les actifs avaient un emploi, la question du financement de toutes les caisses de solidarité existantes serait résolue.
Bref, la retraite, c’est à 60 ans, et il est urgent de l’améliorer, pas de la fusiller ! Puisque nous savons comment nous y prendre, laissez-nous faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, sur l’article.
M. Bernard Angels. Monsieur le ministre, vous présentez le recul de l’âge légal de la retraite comme la seule piste sérieuse pour sauver le système par répartition.
Il vous est difficile de nier les conséquences sociales de ce recul : ainsi, les salariés ayant commencé à travailler tôt vont devoir cotiser au-delà de la durée légale et terminer leur carrière dans des conditions pénibles. Des millions de salariés, celles et ceux qui ont eu les parcours les plus chaotiques, les plus précaires, vont devoir travailler jusqu’à 67 ans.
Mais à cette objection sociale, vous opposez un impératif économique : ce serait le prix à payer pour sauver le système. Or, à l’évidence, vous refusez de voir la réalité économique du pays. Vous négligez complètement la réalité du marché du travail…
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Bernard Angels. La France a l’un des taux d’emploi des actifs de 55 à 64 ans les plus faibles d’Europe, avec 38,9 % des seniors au travail ! Dans ce domaine, notre pays détient un triste record : la moyenne européenne avoisine en effet les 45,6 %.
Bien trop souvent, hélas, les salariés sortent du travail par le chômage, par le licenciement, mais pas par la retraite, et 57 % des chômeurs de 50 ans et plus sont des chômeurs de longue durée. Je le répète : seuls 40 % des actifs âgés de plus de 58 ans sont encore au travail !
M. Jean Desessard. Il faut le savoir !
M. Bernard Angels. Et les autres ? Que vont-ils faire entre 58 et 62 ans ?
M. Jean Desessard. C’est la question !
M. Bernard Angels. Rester deux ans de plus au RMI, au RSA, ou au chômage, sans revenus, en attendant 62 ans ?
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Bernard Angels. Et ce ne sont pas les quelques mesurettes que vous proposez pour l’emploi des seniors qui vont changer quoi que ce soit à cette dramatique situation. Vous vous contentez de reprendre à votre compte le double discours du MEDEF qui réclame à cor et à cri le recul de l’âge légal, tout en laissant les entreprises se débarrasser prioritairement des salariés les plus âgés.
Votre raisonnement économique ne tient donc pas, puisqu’il revient à transférer le déficit du régime vieillesse vers l’assurance chômage ! C’est un comble, quand on se souvient que vous aviez prévu exactement le contraire, il y a cinq ans, puisque vous prétendiez tout résoudre en transférant une partie des cotisations d’allocations chômage au financement des retraites !
Monsieur le ministre, il n’y a pas de meilleur moyen pour pérenniser le système de retraites que la lutte contre le chômage et une véritable politique de l’emploi ! Or, les chiffres récents témoignent de l’inefficacité de votre politique dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cela fait maintenant huit ans, monsieur le ministre, que votre majorité est au pouvoir – huit ans de trop ! Cela fait huit ans qu’elle dispose de tous les leviers. Le bilan est édifiant : tous nos comptes sont dans le rouge ; les déficits se creusent ; le chômage des jeunes et des seniors augmente.
Face à cette situation économique et sociale désastreuse, dont vous êtes comptables, nous pensons aussi qu’il faut agir.
Les socialistes français, tout comme la société française, savent qu’une réforme des retraites est nécessaire, et ce non pour de simples raisons démographiques, lesquelles ont néanmoins leur importance, nous ne l’avons jamais nié.
Les Français savent que cette réforme est nécessaire, mais ils veulent une réforme juste. Ils savent aussi que le seuil des 60 ans constitue pour eux un bouclier social que vous voulez dynamiter.
Qui est concerné par le report de l’âge légal de la retraite de 60 ans à 62 ans ?
Ceux qui ont commencé à travailler tôt : avec ce projet, un salarié ayant débuté dans la vie professionnelle à 18 ans va devoir cotiser 44 annuités ; ceux qui, à quelques années de la retraite, éprouvent une grande fatigue liée à la pénibilité de leur emploi.
Ces ouvriers, ces employés, vous les soumettez à la double peine. Non seulement ils vont devoir attendre deux ans de plus pour pouvoir entamer une nouvelle période de leur existence, mais rien n’est prévu pour eux en matière de pénibilité. Vous confondez pénibilité et invalidité ; c’est consternant !
Vous faites payer par les plus modestes l’essentiel de l’effort de financement ; c’est profondément injuste !
Vous mettez aussi à contribution les collectivités locales : 60 % des Français de plus de 55 ans sont en situation de chômage ; s’ils doivent attendre 62 ans pour toucher leur retraite, cela signifie qu’ils vont devoir passer par la case RMI et RSA.
L’équilibre des comptes que vous nous présentez pour 2018 est factice : c’est notamment l’assurance chômage et les collectivités locales qui vont payer une grande partie de la facture.
Ce n’est pas l’allongement de l’espérance de vie qui est une menace pour nos retraites.
Ces gains de vie, nous les devons à la mise en place de l’État providence, que vous n’avez cessé de vouloir démanteler.
Ces gains de vie, nous les devons à notre modèle social, héritage du Conseil national de la résistance, que vous ne cessez de casser.
L’issue n’est pas dans ce report infini de l’âge légal de la retraite : 62 ans aujourd’hui… Pourquoi pas 65 ans ou 70 ans demain ?
L’issue est dans une politique active en faveur de l’emploi.
Je vous entends encore dire : « Nous irons chercher la croissance avec les dents », ou encore : « Travailler plus pour gagner plus ».
Sans politique de l’emploi, sans une croissance riche en emploi, monsieur le ministre, votre réforme échouera comme a échoué la réforme Fillon de 2003.
Parce que le seuil des 60 ans constitue aujourd’hui le dernier bouclier social des plus modestes, de ceux qui se lèvent tôt pour travailler, nous refusons le report de l’âge légal de la retraite à 62 ans.
C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article 5 du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.
Mme Samia Ghali. Que met en jeu l’article 5 du projet de loi ? Une chose simple à comprendre et que nos concitoyens ont parfaitement compris !
Ce qui est en jeu, c’est la justice. C’est la possibilité de partir à la retraite à 60 ans pour ces hommes et ces femmes qui, parce qu’ils ont commencé à travailler jeune ou ont été formés à leur métier par l’apprentissage, ont, dès aujourd’hui, un nombre de trimestres largement suffisant pour pouvoir prétendre bénéficier de leurs droits sans avoir à prolonger leur activité deux années de plus.
Ces hommes et ces femmes, nous voulons les défendre, car ils ont besoin d’une protection, et cette protection, c’est le rempart que constitue la possibilité de partir à la retraite à 60 ans.
L’âge légal actuel est le bouclier social des plus modestes !
Le dispositif des carrières longues ne répond pas à ce défi. Actuellement, environ 300 000 personnes partent chaque année à la retraite à 60 ans en ayant une, voire deux années de cotisation de plus que ce qui leur est nécessaire pour faire valoir leurs droits à pension.
Ces 300 000 personnes vont être directement impactées par votre réforme. Elles en seront les victimes directes.
Aujourd’hui, elles disposent de l’ensemble des trimestres nécessaires pour faire valoir leurs droits à la retraite et on va leur dire, alors qu’elles ont déjà travaillé 41, 42 ou 43 ans, qu’elles doivent aller au-delà de l’âge de 60 ans.
Monsieur le ministre, au salarié qui a commencé à travailler à 18 ans, vous allez demander de cotiser 44 annuités pour pouvoir partir à la retraite, alors que, pour celui qui a commencé à travailler à 22 ans, votre réforme ne va rien changer : il ne pourra pas partir à 60 ans, en tout cas pas sans décote, ce qui fait que son plan de vie ne sera en rien modifié.
Votre projet, c’est donc la redistribution à l’envers !
Avec votre réforme, ce sont les ouvriers et les employés qui, demain, vont payer pour que les cadres supérieurs puissent continuer à prendre leur retraite comme avant.
Votre système est le plus injuste que l’on puisse imaginer !
Ce que nous voulons, c’est au contraire un bouclier social pour que les catégories populaires et les petites classes moyennes puissent être protégées.
Nous ne voulons pas d’un système anti-solidaire, aboutissant, une fois de plus, à ce que les plus modestes soient obligés de payer pour ceux qui ont eu des carrières plus faciles.
Cet article 5 n’est pas fait pour toutes celles et ceux qui ont permis à la France d’être ce qu’elle est – un grand peuple, un grand pays – et pour toutes ces personnes, qui se retrouveraient les plus pauvres alors qu’elles ont travaillé pendant des années, il faudrait que cet article soit retiré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, messieurs les ministres, je voudrais évoquer, avec une certaine émotion, le soir où la retraite à 60 ans a été votée à l’Assemblée nationale. J’étais alors député et je me souviendrai toujours de ce collègue, député socialiste du département du Nord, qui est monté à la tribune pour parler de tous ces ouvriers qui avaient si longtemps espéré ce jour. Il avait notamment expliqué comment son père s’était battu toute sa vie pour cela et que, décédé avant le vote du texte, il n’avait pu en bénéficier.
Aussi, lorsque M. Nicolas Sarkozy a déclaré que la retraite à 60 ans avait été une erreur, …
M. Christian Cambon. C’était Dominique Strauss-Kahn !
M. Jean-Pierre Sueur. … j’ai considéré que cette phrase témoignait vraiment d’une méconnaissance de ce que fut la vie de tous ceux-là, de toutes celles-là qui ont travaillé si durement. Pour eux, la retraite à 60 ans était une avancée très importante. C’était l’objectif de décennies et de décennies de luttes et d’espérance.
M. Roland Courteau. De sang et de larmes !
M. Jean-Pierre Sueur. Et nous sommes là, mes chers collègues, en cette soirée et pendant les jours qui viennent, pour parler de ce même sujet.
Laissez-moi vous donner un exemple. Je me suis entretenu, comme sans doute beaucoup d’entre vous avec des chefs d’entreprise, notamment des chefs d’entreprise de PME du secteur du bâtiment. Ces patrons m’ont rappelé que, dans ce type de structures, tout le monde se connaissait et que, par conséquent, ils connaissaient bien la situation de leurs compagnons.
Ils m’ont parlé de celle des maçons qui ont commencé à travailler à l’âge de 16 ans, voire de 14 ans.
Qui, dans cet hémicycle, oserait prétendre qu’un homme ayant commencé à être maçon à 14 ou 16 ans et ayant exercé cette profession toute sa vie ne doit pas avoir le droit de partir à la retraite à 60 ans ?
M. Jean-Pierre Sueur. Y a-t-il ici, monsieur le ministre, quelqu’un pour défendre cette position ?
Pour notre part, nous estimons qu’il faut maintenir le droit à la retraite à 60 ans, en considération de toutes celles et de tous ceux qui ont commencé à travailler tôt, ont souvent exercé des métiers difficiles, ont assuré la croissance de notre pays et, franchement, ont bien mérité leur repos.
S’agissant de la pénibilité, nous ne sommes pas du tout d’accord avec votre position. Nous considérons que c’est une humiliation pour ces personnes que d’aller demander au médecin de certifier qu’elles sont bien cassées, qu’elles sont bien malades, qu’elles sont bien blessées, qu’elles ne peuvent plus continuer, qu’elles sont à bout.
Notre conception, c’est qu’un certain nombre de métiers sont, en eux-mêmes, pénibles et devraient ouvrir un droit au départ en retraite anticipé. C’est un droit, monsieur le ministre, il n’est pas nécessaire d’être en invalidité. C’est le droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous sommes les héritiers de toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour la retraite à 60 ans. Son vote à l’Assemblée nationale et au Sénat a été un vote historique. Nous ne voulons pas revenir dessus.
Bien sûr, il faut changer les choses, mais, s’il faut une réforme, celle-ci doit être juste ! Or une réforme juste doit permettre à tous ceux et à toutes celles dont j’ai parlé de bénéficier de la retraite à 60 ans.
J’espère que nous serons entendus ici, dans cet hémicycle, comme les millions de Français qui le demandent avec toute leur force, tout leur espoir, avec leur colère et avec leur cœur. J’espère qu’enfin, monsieur le ministre, les choses vont bouger autrement qu’avec les concessions que vous avez cru utile d’apporter ce matin et qui ne changent rien au fond.
Le problème est historique : nous sommes solidaires de toute cette histoire et nous le resterons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je répondrai ultérieurement à tous les orateurs, mais je voudrais dès à présent réagir à l’intervention de M. Jean-Pierre Sueur.
S’il y a vraiment un problème dans le domaine des retraites, c’est un problème d’information et d’explications. Ce que vous dites, monsieur Sueur, ne correspond pas à la réalité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Mais si, c’est vrai !
M. Roland Courteau. C’est la vérité !
M. Éric Woerth, ministre. Je ne peux pas laisser passer de tels propos, qui laisseraient penser que nous avons une attitude inhumaine vis-à-vis des membres d’un certain nombre de professions.
Le maçon que vous évoquez, monsieur Sueur, est intégré dans un dispositif de carrière longue. Certes, celui-ci n’a pas été adopté sous votre majorité – c’est certain –, il n’en demeure pas moins que ce maçon, ayant commencé à travailler à 16 ans, a effectué une carrière longue et, de ce fait, pourra prendre sa retraite à 59 ou à 60 ans. Il ne travaillera pas jusqu’à 62 ans. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous prenons donc en compte les personnes qui ont commencé à travailler tôt. Voilà la réalité. On peut polémiquer, on peut avoir des divergences d’appréciation entre majorité et opposition. Heureusement, même… Mais faisons-le en nous appuyant sur des exemples réels, et non sur des faits qui sont dénaturés !
M. Jean-Pierre Sueur. Le maçon prendra sa retraite à 62 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Le dispositif de carrière longue est largement utilisé, puisque 100 000 personnes partent en retraite, chaque année, dans ce cadre. Nous le maintenons, et ce à tel point que nous allons même jusqu’à élargir la population des bénéficiaires en intégrant les personnes qui ont commencé à travailler à 17 ans.
Donc votre maçon, monsieur Sueur, vous pouvez le rassurer : s’il a commencé à travailler à 15 ans ou à 16 ans, il partira en retraite à 60 ans ou avant 60 ans, et c’est normal !
M. Roland Courteau. Et s’il a commencé à 18 ans ?
M. Jean-Pierre Sueur. Il prendra sa retraite à 62 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Je voulais aussi vous dire qu’à un moment donné il faut s’interroger sur la notion d’espérance de vie. Certains ont d’ailleurs très bien posé la question, même si nous n’en tirons pas tous les mêmes conclusions.
L’espérance de vie…
Mme Annie David. En bonne santé !
M. Éric Woerth, ministre. … est différente pour chacun d’entre nous. Elle est aussi différente géographiquement,…
Mme Odette Terrade. Socialement !
M. Éric Woerth, ministre. … selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme – nous en avons suffisamment discuté – ou en fonction des catégories sociales. Tous ces critères peuvent évidemment être croisés : votre espérance de vie ne sera pas la même si vous êtes une femme cadre, une femme ouvrière, un homme cadre, ou encore si vous vivez dans le nord ou le sud de la France.
Le sujet est complexe. Mais ce que l’on sait de l’espérance de vie, c’est qu’elle progresse !
Mme Annie David. Elle se tasse !
M. Éric Woerth, ministre. Je parle de l’espérance de vie à 60 ans, et non de l’espérance de vie à la naissance, qui tient compte de la mortalité infantile.
Cette espérance de vie à 60 ans a donc considérablement progressé : elle a crû de cinq ans depuis 1982 et le vote de la retraite à 60 ans. Au fond, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, on peut considérer que, lorsque votre majorité a pris cette décision, le seuil de 60 ans correspondait à un âge « plus vieux » – trois ans d’écart – que les 62 ans actuels. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En d’autres termes – vous êtes bien obligés de le reconnaître – aujourd’hui, à 62 ans, on est plus jeune de trois ans qu’à 60 ans en 1982 ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La vie, ce n’est pas une photographie. Elle est en mouvement permanent et, lorsque l’espérance de vie progresse, l’âge de départ à la retraite doit évoluer.
Quelqu’un qui aura 62 ans en 2018 sera plus jeune de trois ans – si l’on se réfère à son espérance de vie – qu’une personne qui partait à la retraite à 60 ans en 1982. (Rires et exclamations sur les mêmes travées.) Telle est bien la réalité !
Mme Annie David. CQFD !
M. Roland Courteau. C’est plutôt alambiqué !
M. Éric Woerth, ministre. Enfin, monsieur Sueur, je trouve que vous exprimez une curieuse opinion au sujet des médecins, quand vous dites qu’il est humiliant de passer devant un médecin. (Protestations prolongées sur les mêmes travées.)
Nous créons la retraite pour pénibilité, c'est-à-dire la possibilité de continuer à prendre sa retraite à 60 ans, …
M. Jean-Pierre Sueur. C’est un droit !
M. Éric Woerth, ministre. … quand tous les autres Français la prendront plus tard, à l’intention de ceux qui ont été exposés à des facteurs de pénibilité. Il est bien normal qu’ils partent plus tôt, mais il faut simplement qu’ils prouvent qu’ils ont bien été exposés à ces facteurs. (Les protestations s’amplifient.)
Mme Annie David. Il y a déjà des listes de maladies professionnelles ! Appuyez-vous dessus !
M. Éric Woerth, ministre. Sinon beaucoup de gens demanderont à bénéficier du dispositif et ils s’étonneront qu’un tel en profite alors qu’eux en sont exclus. Il faut donc fixer des critères rationnels, le premier étant l’usure physique.
Dans la branche ATMP, le taux d’incapacité est un critère bien connu. Nous avons décidé que les personnes reconnues en incapacité au taux de 10 % pourront partir en retraite à 60 ans. Nous avons fait passer ce taux à 10 % parce que, à partir de ce seuil, monsieur Sueur, on intègre les troubles musculo-squelettiques, qui sont, au fond, la maladie de notre époque.
M. Jean-Pierre Sueur. Les maçons n’ont pas le droit de partir à 60 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas parce qu’ils sont maçons qu’ils ont un métier pénible, c’est parce que, à un moment donné, ils en ressentent les effets physiques. Il y a 36 000 manières d’être maçon, comme vous le savez. Avec ce projet de loi, si un maçon se retrouve avec un taux d’incapacité de 10%, il partira à 60 ans. Si un maçon a commencé à travailler avant 18 ans, il partira à 60 ans.
Donc, de grâce, si l’on veut que le débat soit constructif, il faut être précis et dire les choses telles qu’elles sont. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Le maçon partira à 62 ans !
M. le président. La parole est à Jean-François Voguet, sur l’article.
M. Jean-François Voguet. Nous venons d’entendre un discours extrêmement réactionnaire,…
M. Guy Fischer. Exact !
M. Jean-François Voguet. … qui fait honte à notre assemblée et au monde du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
C’est maintenant de la condition féminine que je voudrais parler, au nom de Mme Schurch.
S’il est bien une catégorie de salariés qui va subir de plein fouet les effets de la potion libérale que vous vous apprêtez à administrer au monde du travail, ce sont bien les femmes, dans leur ensemble.
Pour traiter la question du recul de l’âge de la retraite, il est en effet patent qu’un regard particulier doit être porté sur la question du travail féminin. Le premier aspect fondamental de cette question, c’est bien évidemment que la France compte un nombre particulièrement élevé de femmes en activité, du fait d’un important développement du salariat dans les années soixante et soixante-dix, très largement accru par le mouvement d’allongement de la scolarité, qui a fortement influé sur le niveau de formation initiale des jeunes filles.
La conséquence de ce processus est connue : en 1968, le taux d’activité féminin était inférieur à 50 % du total de la population féminine en âge de travailler. Aujourd’hui, ce taux d’activité avoisine 80 %.
Ce mouvement continu de développement du nombre de femmes en activité ou recherchant un emploi est évidemment le produit de bien des facteurs, depuis la recherche de l’indépendance financière à la nécessité de disposer de deux revenus dans le ménage en passant par l’allongement de la scolarité, qui conduisent bien souvent les femmes à intégrer le monde du travail par choix plutôt que de se « replier » sur la vie du foyer familial, vers lequel vous voudriez certainement les ramener.
Ce mouvement de féminisation de l’emploi est allé de pair – faut-il le souligner encore ? – avec la tertiarisation de l’économie et l’émergence des fonctions administratives, comptables ou encore juridiques dans les entreprises, fonctions pouvant être assumées aussi bien par des hommes que par des femmes.
Dans un autre ordre d’idées, le travail féminin s’est aussi développé avec l’accroissement de l’emploi public – que vous êtes en train de supprimer – consécutif à la structuration des services publics de l’État comme des autres échelons de pouvoir local et qui allait de pair avec le maillage économique et social du pays. Nous savons tous que le fonctionnaire est souvent, d’abord, une fonctionnaire !
Enfin, la parcellisation des tâches dans de nombreux secteurs industriels et de services, dans la grande distribution a amené au développement d’un emploi féminin déqualifié. Ce sont aujourd’hui les femmes qui sont au premier rang des emplois précaires, du temps partiel imposé, des horaires élastiques et qui demeurent les victimes désignées des inégalités salariales et de promotion.
Seulement voilà, les comptables cyniques qui ont conçu le texte de ce projet de loi viennent de se rendre compte que, plus le temps passait, et plus les femmes étaient en situation d’avoir des carrières complètes, avec le nombre d’annuités nécessaires pour prétendre à une retraite à taux plein, et qu’elles avaient de surcroît l’outrecuidance de vivre plus longtemps que les hommes,…
Mme Annie David. Là, elles exagèrent... (Sourires.)
M. Jean-François Voguet. … en clair, que le déficit structurel des retraites aurait comme raison principale la nécessité de verser des pensions à des femmes – aujourd’hui, 1 000 euros par mois en moyenne ! – et que, de ce fait, les caisses allaient être durablement vidées.
Alors, vous avez sorti la règle à calcul et vous vous êtes dit que deux ans de plus pour partir en retraite, cela pourrait permettre de résoudre une partie du problème avant que le recul symétrique de l’âge de perception de la retraite à taux plein ne freine durablement la croissance de la retraite des femmes.
Jolie manière, vous en conviendrez, de remercier les femmes françaises d’avoir décidé de prendre leur part à l’activité économique de la nation ! C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard, sur l’article.
M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire écouter la petite musique centriste puisqu’on l’a peu entendue aujourd’hui. Elle s’exprimera par la voix du mauvais élève qui, au fond de la classe, depuis des heures, entend répéter les mêmes arguments et qui a envie d’en faire valoir d’autres.
Mme Annie David. Ne vous gênez pas !
M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur Desessard a dit tout à l’heure qu’un amendement centriste sur deux avait été accepté. En tout cas, les sénateurs centristes voteront cet article,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On le savait !
M. Jean-Jacques Pignard. …et ce pour deux raisons qui ont trait à la démographie et à la jeunesse.
La démographie, tout d’abord.
On a beaucoup parlé tout à l’heure du Conseil national de la Résistance, et l’historien que je suis a beaucoup d’admiration pour ce qui s’est passé à l’époque. Mais c’était en 1944 et nous sommes en 2010.
M. Jean Desessard. Il n’y avait pas de centristes !
M. Jean-Jacques Pignard. Bien sûr que si ! Il y avait des centristes puisque le MRP y était représenté.
J’ai bien entendu tout à l’heure notre éminent collègue François Autain, qui, très justement, à propos de la démographie, disait que le taux de fécondité en France était nettement plus élevé que dans les autres pays européens. Mais, si l’on veut se projeter dans l’avenir, il faut tenir compte de deux éléments. D’abord, petit bémol, avec un nombre moyen de deux enfants par femme, le renouvellement des générations n’est pas assuré ; ce nombre doit être de 2,1. J’ajoute que le taux actuel est dû à un phénomène que les démographes connaissent bien : le troisième enfant tardif, élément qui a beaucoup joué ces dernières années. Ce phénomène se prolongera-t-il compte tenu de l’évolution de la société vers les familles recomposées ? Je n’en suis pas certain.
En tout cas, une chose est sûre, c’est qu’en 1944 on entrait dans la vie active à 14 ou 15 ans et l’on prenait sa retraite à 65 ans, quand on y arrivait. Parce que l’espérance de vie en bonne santé, c’est un élément que l’on ne connaissait pas en 1944.
Mme Annie David. Justement, on ne va tout de même pas revenir à cette époque !
M. Jean-Jacques Pignard. Il faut donc comparer ce qui est comparable. On n’entre plus dans la vie active à 14 ans et l’on prend sa retraite à 60 ans. Par conséquent, à moins de vouloir ramener tous les jeunes au travail à 14 ans et de ne plus s’occuper des personnes âgées (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste), il me semble qu’il n’y a qu’un seul moyen de s’en sortir, c’est de modifier le curseur.
M. Guy Fischer. Pensée spécieuse !
M. Jean-Jacques Pignard. Ensuite, la jeunesse.
M. Sueur nous a tout à l’heure fait le coup du monopole du cœur, avec ses souvenirs de l’Assemblée nationale, puis M. Assouline nous a fait celui du monopole de la jeunesse, au motif que seul le parti socialiste la défendait. La gauche n’a pas le monopole du cœur, on le sait depuis très longtemps !
Mon grand-père est mort à 30 ans, durant la Première Guerre mondiale, mon père est mort à 44 ans, et j’ai bien le sentiment d’appartenir à une génération privilégiée, comme beaucoup des baby-boomers qui se trouvent dans cette assemblée. Mais je pense aussi aux jeunes, notamment à mes trois enfants et aux trente-cinq générations de lycéens auxquelles j’ai enseigné. Et si je n’avais pas été élu sénateur, j’aurais volontiers exercé trois ans de plus, madame, sans être fatigué, parce que j’adorais mon métier. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Si l’ascenseur social ne fonctionne plus tout à fait comme en 1944, ce n’est pas uniquement en raison de la répartition des revenus du capital et de ceux du travail, comme vous l’avez dit. C’est parce qu’en 1944 l’ascenseur social ne valait que pour nos propres enfants, pour ceux d’Europe, d’Amérique, et même – monsieur Fisher, je vais vous faire plaisir ! – pour ceux d’URSS (Sourires.),…
M. Guy Fischer. C’est de l’anticommunisme…
Mme Annie David. … primaire !
M. Jean-Jacques Pignard. … et que tout le reste n’existait pas. Aujourd’hui, le gâteau mondial a été redistribué. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Laissez-moi finir, je vous ai assez écoutés !
Si, aujourd'hui, l’ascenseur social fonctionne moins bien pour nos propres enfants, c’est parce qu’il fonctionne mieux dans les pays en voie de développement, comme le montrent les rapports de l’ONU. Cela pose un problème, car nos jeunes seront pénalisés par rapport à notre génération, ce qui est probablement une situation inédite. Alors, ne les pénalisons pas davantage en leur faisant payer les dettes que nous ne voudrions pas assumer, car ce serait leur infliger une double peine ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. Jean Desessard. La discussion s’arrête donc sur un orateur centriste… (Sourires.)
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 8 octobre 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART