M. Nicolas Alfonsi. Mes chers collègues, absent quelques instants de l’hémicycle, je n’ai pu défendre l’amendement de suppression que nous avions déposé. Cette explication de vote me donnera l’occasion d’exposer les raisons pour lesquelles la majorité des membres du RDSE votera, bien entendu, les trois autres amendements ayant le même objet.
J’ai entendu M. Fourcade dire il y a un instant, non sans quelque raison, que plus de fiscalité entraîne plus de chômage et que plus de chômage signifie moins de cotisations Cet argument peut, en effet, être retenu. Mais, entre M. Desessard, qui évoque des ouvriers ne travaillant que « quatre jours partout dans le monde », et M. Fourcade, qui a fort justement rappelé qu’il n’avait jamais été maoïste, je crois qu’il peut y avoir une voie moyenne.
Contrairement à M. Longuet, en 1982, j’étais un partisan de la retraite à 60 ans. C’est pourquoi, à l’Assemblée nationale, j’ai voté la loi qui l’a instituée. Mais la situation était alors bien différente de ce qu’elle est aujourd'hui.
Nous pensons, nous, qu’il convient de mettre l’accent sur les pertes de recettes qui peuvent menacer notre système de retraite. Certes, M. le ministre invoque un rapport de l’INSEE établissant que, sur trente ans, le rapport entre la rémunération du capital et celle du travail n’a pas varié. Il n’en reste pas moins que le principe de réalité cher à M. Longuet fait apparaître à l’opinion et à l’ensemble de la nation que le capital, aujourd’hui, n’est pas imposé comme il devrait l’être.
On a parlé de François Mitterrand. Moi, je ferai référence au Président Sarkozy, qui avait déclaré à la tribune de l’ONU qu’il fallait instituer une taxe sur les transactions financières, fût-elle infime, fût-elle homéopathique. C’est une semblable proposition que nous faisons pour compenser la perte de recettes de l’assurance vieillesse.
En effet, après avoir abaissé l’âge du départ à la retraite à 60 ans en 1981, le remonter brutalement à 62 ans sans analyser très sérieusement les différentes situations pose tout de même un problème. Nous ne saurions, en ce qui nous concerne, l’accepter et nous voterons donc les amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ces trois amendements de suppression suscitent beaucoup d’interventions que l’on peut comprendre et respecter.
Comme l’a souligné notre rapporteur, Dominique Leclerc, auquel je tiens à rendre hommage, ainsi qu’à tous ceux qui se sont impliqués dans ce travail de fond, la concertation a vraiment été très ample. N’en déplaise à certains de nos collègues, il y a eu beaucoup d’auditions, des auditions ouvertes à tous, sans exception. Un gros travail de fond a été effectué.
Je voudrais aussi, après M. le rapporteur, après M. le ministre et un certain nombre de collègues de notre groupe, insister sur les réalités démographiques que traduisent les chiffres, des chiffres qui ne sont pas inventés puisque c’est l’INSEE qui les fournit.
J’évoquerai également un aspect dont on ne parle peut-être pas assez : l’automatisation, qui est intervenue dans toutes les entreprises, à tous les niveaux, dans tous les domaines. Dans l’agriculture, les machines occupent maintenant une place considérable. Dans le bâtiment et les travaux publics, des engins performants ont remplacé la pelle et la pioche. À côté de la réalité des chiffres, il y a la réalité observable quotidiennement !
Certains sont intervenus au sujet des régimes spéciaux. Particulièrement attaché au secteur ferroviaire, j’en parlerai à mon tour. Au temps des locomotives à vapeur, les trains marchaient au charbon. Chacun se souvient du film la Bête humaine et du chauffeur chargeant le charbon à la pelle. Dans les chemins de fer aussi, aujourd’hui, tout est automatique.
Bref, la société a évolué : on ne peut donc pas parler de « régression sociale ».
Annie David, qui connaît bien le monde du travail, a parlé du mal-être au travail. Ce thème a fait l’objet d’un groupe de travail, précisément, présidé par notre collègue Jean-Pierre Godefroy, qui y a déployé beaucoup d’énergie, et mon ami Gérard Dériot, rapporteur de ce groupe de travail, ne me démentira pas. C’est dire que nous prenons en compte le problème de la pénibilité, y compris sous ses nouvelles formes : le travail sur écran à longueur de journée, par exemple.
Le monde du travail, il n’y a pas que l’opposition qui le connaisse ! Nous le connaissons tous, puisque nous sommes élus par des élus de proximité et que beaucoup d’entre nous sont eux-mêmes ou ont été des élus de base. Autrement dit, tous sans exception, sur toutes ces travées, nous sommes conscients des réalités du monde du travail ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme David a parlé de certains métiers, notamment des éboueurs. Eh bien, mardi dernier, une heure après la manifestation qui a eu lieu devant le Sénat,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cela vous inquiète quand même !
M. Marc Laménie. … à la place des manifestants, il y avait des papiers partout ! Sans doute avaient-ils considéré que, de toute façon, le personnel de la voirie viendrait nettoyer derrière eux ! Or tous les travailleurs méritent d’être respectés ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est vous qui ne respectez pas les salariés !
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. L’un des avantages du débat, qui paraît peut-être trop long à certains, c’est qu’il permet d’entendre les arguments des uns et des autres. Depuis plusieurs jours, j’ai essentiellement, pour ne pas dire uniquement, écouté. Et j’ai appris beaucoup de choses, parfois avec surprise.
J’ai appris, par exemple, monsieur le ministre, qu’à 62 ans – la démonstration était un peu compliquée…
Mme Odette Herviaux. … mais je crois avoir retenu l’essentiel –, aujourd’hui, on est plus jeune qu’à 60 ans dans les années quatre-vingt ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. C’est pourtant vrai, d’une certaine manière !
Mme Odette Herviaux. Cela devrait me rassurer ! Malheureusement, pour être honnête, quand je suis face à mon miroir, je ne suis pas persuadée que cela soit vrai ! (Mais si, mais si ! sur de nombreuses travées. – Rires.)
Trêve de plaisanterie, car le sujet ne s’y prête guère : quand on fait partie des privilégiés, comme vous, mes chers collègues, comme moi-même, il faut le reconnaître, il est quand même beaucoup plus facile de faire un peu plus jeune que son âge que lorsqu’on a pratiqué toute sa vie certains métiers.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
Mme Odette Herviaux. J’ai appris aussi, monsieur le ministre, que le métier de maçon n’était pas pénible en lui-même, qu’il l’était seulement s’il fallait faire des mouvements répétitifs.
J’ai appris encore que seuls ceux qui avaient commencé très jeunes ou qui seraient reconnus invalides au moins à 10 %, pourraient prétendre partir à la retraite à soixante ans.
Je crois que certains métiers sont malgré tout reconnus par tous les Français comme particulièrement difficiles. Si je dis « difficiles » plutôt que « pénibles », c’est pour ne pas faire, en quelque sorte, du Zola après l’heure ! (Sourires.) Quoi qu’il en soit, il est des métiers vraiment très durs parce qu’ils impliquent, par exemple, de porter des charges lourdes ou de travailler souvent dehors, par tous les temps, sous les intempéries.
Et puis, on ne peut pas parler des retraites sans parler des salaires. Or certains métiers ne sont pas reconnus à leur juste valeur.
En confondant pénibilité des métiers et incapacité, non seulement vous vous trompez, mais vous trompez lourdement les Français ! Car, dans de nombreux métiers, les problèmes de santé sérieux risquent de n’apparaître réellement qu’une fois que ceux qui les ont exercés sont à la retraite : je pense à tous ces gens qui pratiquent des métiers où l’on travaille de nuit pendant toute sa carrière, où l’on utilise des produits dangereux ou toxiques – dans les industries agroalimentaires, par exemple –, où l’on manipule des charges lourdes, ce qui déclenche des troubles musculo-squelettiques, etc. Même si ces personnes arrivent à l’âge de la retraite sans avoir un handicap reconnu, elles l’auront malheureusement très rapidement.
Je vais prendre à dessein un exemple qui est en dehors du régime général. J’ai connu des agriculteurs qui, pendant des années, ont utilisé des produits aujourd'hui interdits et qui présentaient des perforations intestinales ou des perforations de l’estomac, lesquelles n’étaient pas reconnues comme maladies professionnelles. Dans quel état étaient-ils après avoir pris leur retraite ? Ces produits-là sont désormais interdits. Mais qu’en sera-t-il avec les nouveaux produits utilisés en agriculture et dans bien d’autres professions ?
Enfin, de toutes les mesures injustes que contient ce projet de loi, la plus grave est celle qui tend à faire porter l’effort de solidarité – certes nécessaire ! – presque exclusivement sur les salariés. Pourtant, si l’on décidait de revoir le mode de financement des retraites en alignant, même partiellement, la fiscalité du capital sur celle qui pèse sur les revenus du travail, il ne serait plus nécessaire de retarder de deux ans l’âge de départ à la retraite.
Nous le savons tous, la charge de la protection sociale et des retraites ne doit pas peser uniquement sur le travail, au risque de diminuer la compétitivité de nos entreprises. Il faut donc accepter d’aller chercher l’argent là où il est !
Vous nous reprochiez, monsieur Fourcade, de vouloir faire payer les riches. Ce n’est pas la question ! M. Longuet a parlé des actifs qui devaient payer pour les inactifs. Moi, je dis : il ne faut pas que les actifs payent pour ceux qui « ont » des actifs ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est pourquoi il faut taxer les stock-options, les retraites chapeaux, les profits des banques, les réserves financières, en bref l’argent de ceux qui font travailler leur argent !
Il y a bien une différence de fond entre nos choix et les vôtres. Selon nous, l’allongement du temps de travail n’est pas le seul moyen d’assurer l’équilibre de notre système de retraite. Nous ferons donc tout, monsieur le ministre, pour que cet article ne soit pas adopté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 110 et 254.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 7 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour un rappel au règlement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Un mauvais coup se prépare !
M. Nicolas About. Compte tenu de l’importance et de l’intérêt de notre discussion, et dans la mesure où elle avance à un rythme qui n’a rien de violent, il me semble nécessaire de réfléchir à la manière de donner du temps au temps. Je souhaite donc, avec le président Gérard Longuet, la réunion de la conférence des présidents pour mettre à jour le calendrier de nos travaux.
M. le président. Je transmettrai votre demande au président du Sénat, mon cher collègue.
M. Nicolas About. J’ai oublié de préciser que ce rappel se fondait sur l’article 29, alinéa 2, de notre règlement, qui donne à cette demande valeur de droit lorsqu’elle émane de deux présidents de groupes et porte sur un ordre du jour précis.
M. le président. Je me permets de rappeler les termes de cet alinéa : « La conférence des présidents est convoquée à la diligence du président du Sénat. La réunion de la conférence des présidents peut être également demandée par deux groupes au moins pour un ordre du jour déterminé. »
Puisqu’il est indiqué que la conférence des présidents est convoquée à la diligence du président du Sénat, je vous confirme que je lui transmets instantanément votre demande. Je ne doute pas qu’il y apportera réponse dans les délais qui conviennent.
M. Nicolas About. Merci, monsieur le président.
M. le président. En fait de diligence, ce sera peut-être un vélo ou une moto... (Rires.)
Article 5 (priorité) (suite)
M. le président. Je suis saisi de trente-quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 835, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les e et f du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Puisqu’aucun sujet n’est tabou, nous entendons continuer à vous proposer des pistes de financement, dont les effets sur les comptes sociaux peuvent être inégaux, mais qui sont toutes dictées par la logique inverse de celle qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi.
Ce qui préside à nos propositions, c’est la justice sociale ! Je ne sais pas si vous connaissez cette notion… (M. Nicolas About proteste.)
En l’état actuel de notre droit, la contribution sociale généralisée, la CSG, créée en novembre 1990, comme la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, créée en 1996, sont intégrées dans le bouclier fiscal. Ces deux contributions ont pour objectif le financement de notre protection sociale et des dettes accumulées à ce titre par le passé, notamment en raison de l’assèchement des comptes sociaux que vous organisez.
En décidant d’intégrer la CSG et la CRDS dans le champ du bouclier fiscal, vous faites une démonstration curieuse : si l’on suivait votre raisonnement, les plus riches, c’est-à-dire les 19 000 bénéficiaires du bouclier fiscal, ne devraient pas contribuer à la réduction de la dette sociale dans les mêmes proportions que l’ensemble des contribuables. Ils bénéficient pourtant, malgré leur fortune, des mêmes dispositifs de protection sociale !
Sans doute consultent-ils souvent des médecins non conventionnés et préfèrent-ils les cliniques de première classe aux hôpitaux publics... sauf quand leur sécurité sanitaire est en jeu. Il n’en demeure pas moins que, dans ces lieux où se mélangent santé et argent, la sécurité sociale intervient et paie ! Au nom de quelle logique pourraient-ils bénéficier du système mis en place tout en s’exonérant, peu ou prou, des règles solidaires de financement sur lesquelles repose notre système ?
Vous nous rétorquerez, comme vous l’avez fait moult fois, qu’il s’agit d’éviter que cette minorité ne soit tentée par l’évasion fiscale et qu’il serait injuste que l’ensemble des prélèvements représentent plus de la moitié des gains perçus.
Si vous continuez à défendre cette politique de division des Français en fonction de leur richesse, monsieur le ministre, nos concitoyens, en revanche, ne vous suivent plus ! Selon une enquête réalisée par TNS Sofres, près des trois quarts des sondés – 71 % – considèrent comme « injuste » la répartition des impôts entre les ménages : cela signifie bien qu’une partie importante de votre électorat voit aussi les choses ainsi.
Pour qui veut respecter la démocratie, il devrait pourtant être facile de choisir entre les exigences formulées par 20 000 personnes à peine, celles qui bénéficient du bouclier fiscal, et celles de plus de 30 millions de nos concitoyens !
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à proposer cette mesure qui, nous en convenons, est sans doute plus symbolique qu’efficace sur le plan économique ou financier ; certains députés de l’UMP souhaitent également la suppression du bouclier fiscal. Malheureusement, ils veulent aussi, au passage, supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF. Mais nous aurons peut-être l’occasion d’en débattre...
Nous vous invitons donc, avec cet amendement, à adopter une petite mesure de justice sociale, sans tabou.
M. le président. L’amendement n° 840, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 225-45 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
Les éléments de rémunérations visés à l'alinéa précédent sont soumis aux cotisations visées à l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Vous affirmez, monsieur le ministre, que l’augmentation du temps de travail de deux ans est indispensable pour financer les retraites futures.
S’il est légitime de poser la question du financement de notre système de retraite par répartition, pour sa sauvegarde, il est injuste que les salariés supportent 85 % de l’effort financier, alors qu’il ne se passe pas un jour où l’on ne nous parle de stock-options, de parachutes dorés, de bonus, de bouclier fiscal, et j’en passe.
Dans l’entreprise où je travaillais, avant d’être élue au Sénat, la patronne au niveau mondial gagnait en un an ce qu’il m’aurait fallu cent ans de travail – deux vies, en quelque sorte ! – pour recevoir en salaire ; et je ne parle pas des « à-côtés » dont elle bénéficiait, car ils n’étaient pas publics.
La Cour des comptes reconnaît elle-même que les exonérations patronales, dont le montant s’élève à 63 milliards d’euros, sont non seulement coûteuses mais inefficaces en termes d’emploi.
Ne pouvez-vous convenir, monsieur le ministre, que faire supporter 85 % de l’effort financier par les salariés est totalement injuste ?
Les entreprises du CAC 40 ont largement participé au déclenchement de la crise économique. Quant aux pertes d’emplois directes ou indirectes, elles ont considérablement aggravé le problème du financement des retraites.
Puisque l’on demande aux salariés de faire des efforts pour sauver notre régime de retraite par répartition, il semble normal et juste que les entreprises du CAC 40 y contribuent aussi, d’autant qu’elles en ont largement les moyens : leurs bénéfices battent des records, et les 500 plus grosses fortunes françaises ont vu leurs revenus passer de 6 % à 14 % du produit intérieur brut.
En 2009, les jetons de présence versés aux administrateurs des entreprises du CAC 40 s’élèvent, en moyenne, à 64 000 euros. Mais d’autres administrateurs, et non des moindres, peuvent toucher bien plus ! Ainsi, Mme Bernadette Chirac toucherait 650 000 euros par an en tant qu’administratrice du groupe LVMH.
On peut dès lors s’étonner que le Gouvernement se contente de prélèvements dérisoires, malgré sa volonté affichée de moraliser la vie économique du pays. Le capital et les hauts revenus ne contribuent en effet qu’à hauteur de 4 milliards d’euros, soit moins de 10 % du financement nécessaire. Malgré le recul de leurs revenus et pensions, les salariés doivent, quant à eux, assumer environ 85 % de l’effort.
M. le président. L'amendement n° 850, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au deuxième alinéa de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, le taux : « 16 % » est remplacé par les mots : « 20 %, lorsque le montant est inférieur à 50 000 € ; 50 %, lorsque le montant est compris entre 50 000 € et 100 000 € ; 75 %, lorsque le montant est supérieur à 100 000 € ».
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement répète à l'envi que le financement des retraites passe par le recul de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite, lequel revient à malmener des travailleurs déjà usés.
Si tant est qu’il soit sincère, ce dont nous doutons, c'est que notre exécutif manque cruellement d'idées. Avec l’amendement n° 850, nous allons donc l’aider à imaginer d’autres solutions.
Que diriez-vous ainsi de revenir sur le régime scandaleux des retraites chapeaux ? Il est temps que les dirigeants d’entreprises donnent l'exemple, en consentant eux aussi des sacrifices pour financer notre système de retraites. Ces patrons bénéficient souvent de retraites coûteuses pour les entreprises qu’ils dirigent, ce qui scandalise nos concitoyens. Et cette situation concerne presque l’ensemble du CAC 40.
M. Nicolas About. C’est reparti pour un tour !
Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit là de produits d’épargne jouissant d’une fiscalité honteuse puisque l'entreprise ne paie sur les sommes versées ni cotisation sociale, ni CSG, ni CRDS. Ce système permet de financer le versement ultérieur de pensions outrancières aux cadres dirigeants.
À l'heure où l'on demande aux salariés de nouveaux efforts, souvenons-nous des indemnités complémentaires versées à l’ancien patron de Carrefour ! En vertu d'un accord heureusement annulé par la Cour de cassation il y a quelques mois, M. Daniel Bernard avait obtenu de son groupe une retraite chapeau de 1,2 million d'euros annuels, à compter de ses 60 ans. À cette fin, Carrefour avait provisionné 29 millions d'euros. Quant au nouveau dirigeant du groupe, il devait bénéficier d'un traitement tout aussi scandaleux !
La pension attribuée à M. Henri Proglio, président de Veolia, n'est pas moins choquante. Évaluée à 700 000 euros par an, elle a conduit le groupe à provisionner 13 millions d'euros ! Le calcul est simple : les entreprises versent en moyenne 15,5 % du salaire brut de leurs salariés à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Pour parvenir à provisionner 13 millions d'euros au cours des trente-six ans de carrière de M. Proglio, Veolia a donc porté son effort d'épargne à la moitié des revenus cumulés de ce dernier !
M. Nicolas About. Où est le rapport avec l’article 5 ?
Mme Marie-Agnès Labarre. Comme la presse l’a indiqué, la question des retraites serait réglée depuis longtemps si tous les salariés bénéficiaient d’un tel traitement !
M. Nicolas About. N’importe quoi ! Cela n’a rien à voir !
Mme Marie-Agnès Labarre. Il est donc temps de mettre un terme à ces abus et de revenir sur des exemptions inacceptables. Il faudrait notamment imposer aux dirigeants nantis de cotiser au FSV à la mesure de leurs rémunérations astronomiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 845, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Au premier alinéa du I de l'article L. 137-13 et au premier alinéa de l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, après les mots : « d'assurance maladie », sont insérés les mots : « et d'assurance vieillesse ».
II. - À la première phrase du II de l'article L. 137-13 du même code, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 40 % ».
III. - Au premier alinéa de l'article L. 137-14 du même code, le taux : « 2,5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
IV. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I, II et III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Par cet amendement, notre groupe propose, d’abord, de porter de 10 % à 40 % le taux des contributions patronales et salariales sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'action – les stock-options – et sur les attributions gratuites d’actions.
Il propose ensuite de faire en sorte que ces contributions bénéficient non plus seulement aux régimes obligatoires d'assurance maladie, mais également au régime d'assurance vieillesse.
Alors que les acquis sociaux sont un à un remis en cause, les privilèges des plus fortunés sont, eux, scrupuleusement conservés. En effet, les stock-options privent à elles seules l'État de 3 milliards d'euros de recettes annuelles, selon un rapport de la Cour des comptes datant de 2007. Taxées, elles pourraient pourtant ramener les comptes de l'assurance maladie dans le « vert » et, si notre amendement était adopté, renflouer les caisses de l'assurance vieillesse.
Ne rêvons toutefois pas trop vite de cette solution efficace, car le MEDEF s’y oppose ! On ne saurait toucher aux revenus des plus riches !
À la lecture attentive du rapport de la Cour, il apparaît en effet que les stock-options servent à maximiser les plus grosses rémunérations du pays. Ainsi, un tiers de leur volume global et des bénéfices associés revient à une dizaine de dirigeants !
Avec cet amendement, nous proposons que l'assurance vieillesse puisse bénéficier des recettes de la taxation des stock-options. En effet, alors que notre système de retraite est profondément remis en cause par l'UMP et le MEDEF, des solutions de financement existent. La taxation des stock-options en est une.
La retraite à 60 ans, à taux plein et à 37,5 annuités n'est pas une lubie ! C'est un droit qu'il est tout à fait possible de garantir, pourvu qu’on s’en donne les moyens.
Dès lors, l’imposition des revenus financiers, la suppression des exonérations de cotisations sociales, la relance de l’emploi et la hausse des salaires doivent s’accompagner de la taxation des stock-options, qui sont un véritable symbole de l’échec du système libéral et doivent donc être largement imposés. Les responsables de la crise financière, dont on connaît les conséquences désastreuses, doivent pleinement participer à l'effort national.
On ne peut pas se contenter de demander des sacrifices aux salariés. Il convient également de s’attaquer aux privilèges des plus fortunés, sans quoi les classes moins favorisées seront les seules mises à contribution. Cessons d’exempter le capital de tout effort !
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons avec cet amendement de rehausser le taux de contribution sur les stock-options, afin de rétablir un minimum de justice dans la manière dont sont respectivement traités le capital et le travail. Nous pourrons ainsi élargir les sources de financement de notre système de protection sociale et donc le préserver. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 839, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 137-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 137-15-1. - Les rémunérations visées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce sont soumises à la contribution visée à l'article L. 137-15. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 849, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Ces cotisations sont pour partie à la charge de l'employeur et pour partie à la charge du salarié. Le taux de cotisation est fixé à 6,55 p. 100 à la charge du salarié ou assimilé sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3. Le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur la totalité des rémunérations ou gains du salarié ou assimilé est fixé à 1,6 p. 100. À partir du 1er janvier 2004, le taux de cotisation patronale est augmenté de 0,34 point au 1er janvier de chaque année, pendant dix ans. »
II. - Chaque année, entre 2004 et 2013, un arrêté indique le taux en vigueur au 1er janvier.
III. - Au cours de l'année 2013, le Parlement délibère sur le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3, en vigueur à partir du 1er janvier 2014.
IV. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.