M. Pierre-Yves Collombat. Mais la crise, qui l’a provoquée ? Ce n’est pas Dieu qui l’a envoyée ! Ce n’est pas une catastrophe naturelle ! C’est le résultat de votre politique, reconnaissez-le ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
En avril 2007, on nous dit qu’il n’y a pas de souci à se faire puisque M. Fillon a tout réglé et puis, en octobre 2010, arrive une « loi courageuse » que vous voterez avec conviction et qui réglera le problème que les socialistes n’ont pas résolu !
M. Laurent Béteille. C’est bien de le reconnaître !
M. Pierre-Yves Collombat. Et maintenant, on nous explique benoîtement qu’il faudra bien procéder à une réforme systémique en 2014.
Cela signifie que tout ce que vous nous proposez là, ça ne tient pas la route ! C’est du pipeau !
Mme Annie David. C’est certain !
M. Pierre-Yves Collombat. Cela signifie que, comme l’a dit Président de la République, vous travaillez pour donner confiance au marché : vous êtes les réformateurs que les marchés attendent.
Voilà le but de ces discussions longues et difficiles que nous avons depuis trois semaines.
Il faut être sérieux ! Tous les trois ans, vous nous annoncez la réforme du siècle ! Il faudrait quand même vous décider un jour ou l’autre. Si vous pouviez le faire aujourd’hui, ce serait très bien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il faut parler clair.
Ce 21 octobre restera le jour où les fondements de la retraite par capitalisation auront été introduits et où, quelles que soient vos dénégations, la retraite par répartition aura été jetée par-dessus bord. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Nous sommes pour une réforme du financement de la retraite par répartition. Nous avons fait des suggestions – nous aurions d’ailleurs pu aller bien plus loin –, mais vous n’avez même pas regardé notre proposition de loi.
Nous serons peut-être le seul groupe à voter contre la réforme systémique, car elle est doublement brutale, et il faut rappeler que, par rapport à toutes les réformes qui ont eu lieu ou qui sont en cours dans l’Union européenne, celle-ci fera de la France le pays le plus régressif, mettant véritablement en cause une série de principes fondamentaux.
Elle est brutale parce que notre pays est le seul à agir à la fois sur les bornes d’âge – reculées de 60 à 62 ans pour l’âge légal et, parce que l’on considérait que ce n’était pas suffisant, de 65 à 67 ans pour l’annulation de la décote – et sur la durée de cotisation, qu’on fait passer à 41 annuités et demie, de manière à verrouiller complètement le système.
Cette réforme est donc l’une des plus dures dans toute l’Union européenne.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Ensuite, cette réforme est doublement injuste. Pourquoi ? Parce que, au moment où les résultats du premier trimestre de toutes les grandes entreprises du CAC 40 progressent de 85 %, on se permet de faire payer cette réforme à 85 % par les salariés, tandis que le capital, que l’on « charge » des 15 % restants, est à peine égratigné. Vous lui avez apporté toutes les garanties, à ce capital.
En dépit de tout ce que l’on dit, elle sera terriblement injuste aussi parce que c’est la réforme de la « super-austérité » : elle va s’accompagner non seulement de hausses de cotisations qui sont déjà décidées, mais encore d’un gel des salaires qui s’apparentera à une véritable glaciation ! En effet, on trouve qu’un an de gel, ça ne suffit pas et qu’il faut aller jusqu’à 2012 ou 2013 !
Elle est enfin inefficace parce que, malgré tout ce que vous faites, comme vous ne voulez pas toucher à vos amis détenteurs du capital, en définitive, nous aurons toujours des déficits.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Bien sûr, pour nous, il était important de discuter de la pénibilité, des poly-pensionnés, des retraites des femmes, car il s’agit de questions majeures, mais, en termes de coût, ce ne sont que des à-côtés, c’est epsilon.
En résumé, cette réforme est doublement brutale, doublement injuste et totalement inefficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Les sénateurs de notre groupe, tout comme d’autres collègues, ont jugé que nous devions traduire dans le présent projet de loi les conclusions de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECCS.
Pour nous, centristes, ces propositions sont emblématiques, et nous avons bataillé ferme pour voir notre amendement adopté par le Sénat.
Ce soir, pour des raisons purement tactiques et politiciennes, certains de nos collègues nous lâchent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Les prétextes qu’ils avancent sont peu convaincants : selon eux, il ne faudrait pas voter ces amendements parce qu’ils font suite à l’adoption de mesures destinées à sauver l’actuel système par répartition. Ces arguments ne tiennent pas la route.
D’abord, si cette disposition est adoptée, elle ne restera pas en fin de texte, mais s’insérera après l’article 3 octies, c'est-à-dire en bonne place.
M. Jean-Pierre Caffet. La belle affaire !
M. Nicolas About. Ensuite, il était logique de débattre d’abord des mesures de sauvegarde urgentes avant d’évoquer des désirs d’avenir. (Rires et nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Nous sommes heureux et fiers que cette réforme, que nous allons voter, contribue à sauver et à financer les retraites présentes et celles qui seront liquidées dans un futur proche.
Une sénatrice du groupe CRC-SPG. Ce n’est pas vrai !
M. Jacques Mahéas. Votre réforme n’est pas financée !
M. Nicolas About. Nous sommes toutefois conscients qu’il est de notre responsabilité de proposer, à l’avenir, une réforme systémique plus conforme à ce que nous souhaitons depuis longtemps.
Cela commencera par un grand débat national sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse – ce débat, vous n’avez cessé de le réclamer, chaque jour et à chaque heure, et, lorsqu’on vous le propose, vous le refusez, chers collègues de l’opposition ! –, organisé par le Comité de pilotage des régimes de retraite et le Conseil d’orientation des retraites.
Nous souhaitons que, dans les thèmes de réflexion, figure la convergence progressive des paramètres des différents régimes de retraite légalement obligatoires. Le groupe de l’Union centriste l’a toujours dit clairement.
Nous souhaitons que les conditions de la mise en place d’un régime de base universel par points ou en comptes notionnels soient étudiées dans le respect du principe de répartition – je suis désolé, monsieur Fischer, mais cette démarche s’inscrit bel et bien dans le principe de répartition, au cœur du pacte social qui unit les générations.
Nous souhaitons aussi que soient étudiés les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité.
Enfin, et surtout, nous souhaitons qu’en s’appuyant sur l’expertise du Conseil d’orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite propose au Parlement et au Gouvernement un ensemble de mesures visant à mettre en œuvre les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Voilà un beau défi ! Notre vote de ce soir restera longtemps gravé dans les mémoires, et je ne doute pas que l’on se souviendra de ceux qui ont eu un peu plus que le bout de leur langue pour défendre ce texte et le faire adopter. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Avant l’interruption de séance, j’ai écouté attentivement les uns et les autres, notamment M. Longuet et M. Arthuis, et j’ai finalement entendu beaucoup d’arguments qui se rapprochaient de ceux que nous avons défendus pendant trois semaines, à savoir qu’il fallait arrêter de bricoler, ne plus se contenter de colmater les brèches, mais avoir le courage de tout remettre à plat et d’engager enfin une véritable réforme, à la suite d’une large concertation.
Le problème, c’est qu’avant même de sortir cette proposition des cartons, vous aviez vendu votre réforme aux Français en leur faisant croire que les mesures d’âge qu’elle contenait – les reports à 62 et 67 ans – étaient de nature à régler le problème des retraites.
« Vous ne pourrez pas regarder vos enfants dans les yeux, monsieur Assouline, car il n’y aura plus de système dans cinquante ans ! », me disiez-vous de manière solennelle, monsieur le ministre… Nous vous répondions que votre réforme se traduirait par un déficit de 15 milliards d’euros à l’horizon 2025, et qu’elle était injuste puisqu’elle touchait avant tout ceux qui avaient déjà contribué par leurs efforts, dans tous les domaines, à faire en sorte que le lien social subsiste dans ce pays.
Et voilà que finalement, au bout du compte, M. Arthuis affirme tranquillement que notre système de retraite produit des injustices et des déficits incroyables, qu’il court à la banqueroute. Pour justifier ces amendements, vous reprenez donc mot pour mot notre réquisitoire contre cette réforme. C’est un peu fort de café !
Nous pourrions à la rigueur accepter ces amendements s’ils servaient de base de négociation à une réforme systémique juste et efficace, sur laquelle un consensus national serait recherché. Mais il faudrait au préalable suspendre le débat sur tous les autres articles. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mais, s’il faut d’abord avaler la couleuvre des 62 ans et des 67 ans pour pouvoir discuter de la réforme systémique en 2013, c’est non !
Dans les spots publicitaires que vous avez diffusés sur toutes les chaînes de télévision, avec l’argent des contribuables, vous disiez que votre réforme, avant même le dépôt de ces amendements, réglait le problème pour les nouvelles générations. Et maintenant, en appelant à voter ces amendements, vous dites le contraire. Vous avez donc menti au pays !
Après avoir autant triché avec la vérité, vous voudriez que l’on vous fasse confiance pour 2013 et que l’on vous donne un chèque en blanc. Mais qu’est-ce qui nous prouve que vous n’allez pas, demain, repousser l’âge de départ à 64 ans et remettre à plus tard la réforme systémique susceptible d’équilibrer le système ?
En réalité, tout était préparé depuis le départ. Vous aviez décidé de lâcher sur les handicapés et les femmes de trois enfants après la deuxième manifestation.
M. Jacques Blanc. Vous devriez avoir honte de parler ainsi !
M. David Assouline. Et vous aviez prévu de faire ce semblant d’ouverture à la fin des débats, en promettant d’ouvrir une réflexion à partir de 2013.
Pourtant, vous auriez pu d’emblée, sur un sujet aussi fondamental pour la Nation, engager une discussion franche réunissant l’opposition, la majorité et les syndicats, afin de parvenir à un compromis sur un système pérenne. Vous l’avez refusée et, ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pouvons nous rendre complices de cette manœuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote.
Mme Marie-Agnès Labarre. En ce qui concerne la réforme systémique, beaucoup de choses ont été dites, notamment sur le basculement vers un régime par points.
Certains de ses défenseurs tentent de nous opposer l’argument selon lequel un tel basculement serait sécurisé dans la mesure où ce mécanisme existerait déjà au travers des régimes complémentaires AGIRC et ARRCO. Or ces retraites complémentaires subissent précisément une dégradation, encore plus marquée que celle des retraites du régime général, et cette dégradation résulte notamment de la massification du chômage et des contraintes économiques.
Ainsi, comment ne pas souligner le fait que le taux de rendement a perdu, selon Les Echos du 9 mars 2007, plus de 30 % de sa valeur depuis 1993 ? Cela veut dire que, pour un même montant de cotisations, les pensions versées vont baisser d’autant.
Dans ce système à points, les salariés n’ont aucune visibilité sur ce que sera le montant de leur retraite, car, s’ils peuvent connaître le nombre de points, ils n’ont aucune assurance quant à la valeur du point au moment de leur retraite, et il n’existe pas de taux de remplacement garanti pour une durée normale de carrière.
Je reprendrai ici l’analyse de l’économiste Pierre Concialdi, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales : « En définitive, un système par points, quel que soit son mode de financement, tend à mimer le fonctionnement d’un système de retraites par capitalisation. Il contribue ainsi à valider l’idée que la retraite ne pourrait être qu’une forme d’épargne, ce que dément l’expérience des systèmes de retraites par répartition. »
Nous craignons que ce changement ne soit la première étape du basculement d’un régime obligatoire de base assis sur la répartition vers un régime obligatoire de base fondé sur la capitalisation. Il constitue les prémices d’un vaste mouvement d’individualisation et donc d’effondrement des pensions pour celles et ceux qui, trop modestes, ne parviendraient pas à financer eux-mêmes leur retraite.
Avec un tel système, il n’y aurait plus aucune visibilité sur les pensions, dont le niveau global baisserait encore, et les aspects collectifs de l’accès à la retraite, de même que les enjeux politiques, parmi lesquels figure le partage des richesses, seraient supprimés. Ce système ferait donc disparaître les solidarités. C’est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je souscris totalement aux propos de notre président de groupe, Gérard Longuet.
M. Jacques Mahéas. C’est bonnet blanc et blanc bonnet !
M. Charles Gautier. C’est cousu de fil blanc ! (Sourires.)
M. Jacques Blanc. L’amendement présenté par M. le rapporteur nous donnant satisfaction, notamment en ce qu’il prévoit, comme le proposent aussi nos amis centristes, d’avancer à 2013 le début de la réflexion, je souhaite retirer l’amendement n° 83 rectifié quater, monsieur le président.
J’avoue que la position de nos collègues du groupe socialiste me surprend : leur amendement n° 69 rectifié prévoyait en effet la remise d’un rapport envisageant une réforme systémique. Et voilà que, subitement, ils le retirent !
M. Alain Fauconnier. Nous le concevions comme un préalable !
M. Jacques Blanc. Si j’avais mauvais esprit, j’expliquerais ce revirement par le fait que leurs amis du groupe CRC-SPG ne partagent pas cette position. À moins que leur but ne soit de détruire systématiquement tout ce que nous proposons… (Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Venant de vous, ce n’est pas très crédible !
M. Jacques Blanc. Comment refuser cette logique qui consiste d’abord à assainir et à équilibrer le régime actuel, pour pouvoir ensuite nous diriger vers l’étape suivante, c'est-à-dire la réforme systémique ? C’est ce que nous proposons les uns et les autres de faire, et ce que le président Arthuis rappelait tout à l’heure dans son intervention.
On se demande pourquoi vous faites tant de bruit, chers collègues de l’opposition, alors que vous utilisez des arguments auxquels vous ne croyez pas vous-mêmes. En refusant de voter ce que vous demandiez tout à l’heure, vous venez d’être pris en flagrant délit de mauvaise foi. Pour notre part, nous suivrons le rapporteur et le président du groupe centriste, en restant fidèles à nos convictions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié quater est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce soir, cet hémicycle ressemble à un théâtre d’ombres.
J’ai rarement vu un gouvernement et sa majorité faire preuve d’autant de cynisme au cours d’un débat parlementaire ! (M. le président sourit.) Je vous vois sourire, monsieur le président, c’est votre droit, mais je le pense vraiment !
Quelqu’un, dans cet hémicycle, a-t-il entendu le Gouvernement ou un membre de la majorité évoquer la possibilité d’une réflexion systémique ? (Bien sûr ! sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Oui ! (M. le président brandit le rapport d’information de la MECSS.)
M. Jean-Pierre Caffet. Bien sûr, mais, depuis des mois, le Gouvernement nous explique que c’est la seule réforme possible.
En réalité, il n’était pas question de transformer le système des retraites, mais de réformer en prenant principalement des mesures d’âge, avec la volonté explicite de faire peser 85 %, voire 90 % du financement de cette réforme sur les salariés.
Or un grain de sable s’est introduit dans la réforme : un mouvement social beaucoup plus important que ne l’imaginait le Gouvernement.
Ce gouvernement n’a jamais cherché à négocier quoi que ce soit avec les organisations syndicales, ni sur le contenu de cette réforme ni sur l’éventualité d’une réforme systémique. Jamais nous n’en avons entendu parler !
Ce soir, se reproduit une situation que nous avons déjà vécue à plusieurs reprises, à l’Assemblée nationale et au Sénat : une manœuvre destinée à désamorcer le mouvement social et à faire croire aux Français qu’ils vont bénéficier d’avancées extraordinaires.
Nous avons assisté au même spectacle il y a une dizaine de jours, lorsque le ministre nous a annoncé, au sortir de l’Élysée, le dépôt de deux amendements fabuleux, l’un concernant les parents d’enfants handicapés et l’autre, les femmes, des avancées tout de même assorties d’un certain nombre de conditions : être né entre 1951 et 1956, etc.
C’est la même chose aujourd’hui ! Vous avez misé sur un essoufflement, un épuisement du mouvement social. Or, comme vous vous apercevez que ce mouvement perdure, vous essayez d’introduire un élément dont nous savons tous, car c’est l’évidence même, qu’il n’a jamais figuré dans les intentions du Gouvernement ou de la majorité.
Il suffit de lire les communiqués de l’AFP ! Il est écrit, dans une dépêche datée de ce jour, que Nicolas Sarkozy pourrait adresser un premier signal d’apaisement en laissant passer un des amendements ouvrant la porte à un débat sur une réforme systémique – nous y sommes ! (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste) –, qui interviendrait après l’élection présidentielle de 2012.
M. Nicolas About. Chaque fois que le Sénat obtient quelque chose, on le critique !
M. Jean-Pierre Caffet. Voilà pourquoi je parlais de théâtre d’ombres et de cynisme.
Pour ces raisons, ayant retiré notre amendement, nous ne voterons pas les vôtres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. Vous vous dégonflez ! Finalement, c’est l’Élysée qui dicte la conduite du parti socialiste !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Certaines personnes ne comprennent pas bien le sens du mot « répartition ». Pour elles, cela signifie que l’on va répartir de manière égalitaire entre les retraités. En fait, cela signifie que ce sont les actifs qui cotisent pour les retraités.
Le système de répartition, malgré son nom, n’est donc pas égalitaire.
M. Nicolas About. Non, il est équitable !
M. Jean Desessard. C’est un système inégalitaire ! En effet, comme l’a dit M. Arthuis, il y a des oubliés de la retraite, comme les travailleurs agricoles, les poly-pensionnés, les précaires, qui ne cumulent pas assez d’annuités, et les femmes.
Ce système est inégalitaire, par ailleurs, parce qu’il reproduit les inégalités de carrière.
Les centristes ont dit qu’il valait mieux un système par points.
M. Nicolas About. Et aussi par répartition !
M. Jean Desessard. Nous, nous disons que c’est plutôt de la « capitalisation collective ».
M. Nicolas About. Non !
M. Jean Desessard. Mais peu importe...
Les centristes considèrent que le système par points est juste parce que le calcul des retraites se fait sur la base des cotisations effectivement versées par chaque salarié. Ce n’est pas ma définition de la justice !
Ce qui est juste, pour moi, c’est de réduire non seulement les inégalités de carrière, mais aussi les inégalités dans les retraites.
Je suis favorable à un système de retraite égalitaire, qui permette à chacun de vivre décemment, et je souhaite que l’écart entre les petites et les grosses pensions soit réduit. Je ne reprendrai pas l’ensemble du débat sur les retraites chapeaux...
Je n’évoquerai pas non plus la question des comptes notionnels, car il est quasiment impossible de garantir un revenu par génération indépendamment de la situation économique ; on l’a vu en Suède, avec la baisse des pensions et l’intervention de l’État qui s’est ensuite révélée nécessaire.
Je pense qu’il nous faut penser un autre rapport au travail.
Au XXe siècle, le travail était indissociable de la création de richesses. Il fallait récompenser le travail, la durée de ce travail et le talent.
Aujourd’hui, la priorité des écologistes est la préservation de la planète, sur tous les plans. Actuellement, certaines innovations technologiques appliquées à la production offrent des perspectives fantastiques, mais elles supposent de changer le mode de production : pour nous, il est fondamental de travailler moins !
Mmes Jacqueline Panis, Marie-Thérèse Bruguière et Béatrice Descamps. Encore moins ?
M. Jean Desessard. Cela implique évidemment une autre organisation sociale : indemniser les chômeurs, prévoir des ruptures de carrière pour la reconversion écologique de l’économie, supprimer les emplois inutiles et gaspilleurs d’énergie.
Par conséquent, nous, nous ne concevons pas d’asseoir intégralement le système sur des cotisations puisque nous allons demander aux gens de travailler moins !
Cela pose le problème d’un autre mode de financement. Pour notre part, nous sommes favorables au maintien du système de répartition basé sur l’activité, mais avec une correction, une régulation par la fiscalité. Voilà ce qui détermine mon vote sur ces amendements.
Je voterai évidemment contre, car, avec les Verts, tout au long de l’examen de ce texte, j’ai défendu un système de répartition juste et solidaire, complété par des financements fiscaux, afin de garantir une société fondée sur la solidarité et l’égalité.
Je suis déçu qu’on ne nous propose de discuter de ces grandes orientations qu’à la fin du débat. Pourtant, nous avions prévu d’aborder cette question du projet de société au début de l’examen de ce projet de loi.
Si nous voulons que le Parlement débatte véritablement, il faut aborder les grands projets de société !
Nous voulons un système de retraite par répartition basé sur l’activité, mais nous considérons qu’il faut réduire l’activité humaine et travailler moins. Pour cela, il faut adopter d’autres modes de production et de consommation.
Nous voulons surtout un système de retraite égalitaire, qui ne soit pas fondé sur le principe « travailler toujours plus » et sur les écarts de salaires faramineux que nous connaissons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Une bonne partie du discours du Gouvernement et de sa majorité sur le devenir de notre régime de retraite tient, évidemment, à ce que l’on appelle le papy-boom, c’est-à-dire le choc démographique que constituerait l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses de l’immédiat après-guerre.
Or une étude sur les besoins de financement des retraites dans les différents pays de l’Union européenne d’ici à 2060, réalisée par Eurostat, l’organisme statistique de la Commission européenne, nous indique que la France est loin d’être le pays le plus en peine pour financer son régime de retraite. C’est même l’un des pays où le papy-boom sera le moins onéreux.
En effet, entre 2010 et 2020, la part du produit intérieur brut que nous devrions consacrer à financer les retraites – ce qui n’est pas une utilisation malvenue de la richesse nationale ! – passera de 13,5 à 13,6 points, soit un surcoût de 1/10 de point.
Le mouvement de hausse atteindra son apogée en 2035 : nous devrions passer alors de 13,6 à 14,5 points de PIB, soit un surcoût de 1 point, avant que le renouvellement des générations ne produise un effet inverse, avec un taux de consommation de la richesse nationale passant de 14,5 à 14 points entre 2035 et 2060.
S’il faut être attentif au papy-boom, il ne faut pas oublier que les générations plus creuses des années soixante-dix et quatre-vingt seront largement renouvelées par le rehaussement de la natalité que nous enregistrons depuis quelques années ; à tel point, d’ailleurs, que le surcoût relatif des retraites serait de 5/10 de points entre octobre 2010 et 2060 ! Cela place la France en excellente position dans l’Union européenne, où les seuls pays mieux placés sont ceux qui vont connaître probablement un déclin démographique.
La situation de notre pays n’est donc pas celle que vous décrivez. En outre, du fait de la loi Balladur, le taux de dépenses consacrées aux retraites a baissé entre 1996 et aujourd’hui, passant de 13,5 à 13,3 points de PIB.
La vérité commande de dire qu’on cherche à inquiéter nos concitoyens pour justifier les sacrifices qu’on leur demande, mais qui n’empêcheront pas, par exemple, l’indexation sur les prix, élément clé de la loi Balladur, de faire sentir ses effets, réduisant les pensions de 63 % à 53 % du dernier salaire en 2035, ce qui encouragera au passage le développement des fonds de pension.
En 1993, quelqu’un disait : « Les fonds d’épargne retraite auront toujours en France un rôle marginal et complémentaire. C’est uniquement si l’on pose ce principe que l’on aboutira à obtenir du législateur et des partenaires sociaux l’incitation à de vrais régimes de capitalisation favorisant l’épargne longue et les fonds propres des entreprises ». L’auteur de cette déclaration est bien connu : il s’agit de Raymond Soubie, qui a coécrit, à la demande du Président de la République, une bonne partie du projet de loi dont nous débattons.
On peut tout dire de cette réforme des retraites, mes chers collègues, sauf qu’elle est dictée par une contrainte démographique. Ce texte vise, en réalité, à réduire la part de la richesse nationale consacrée au financement public des pensions et à s’orienter vers des régimes de capitalisation. Voilà l’objectif de ces trois amendements ! C’est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy, pour explication de vote.