Sommaire
Présidence de Mme Monique Papon
Secrétaires :
MM. Philippe Nachbar, Bernard Saugey.
2. Candidatures à la mission commune d'information sur les toxicomanies
3. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Article 27 sexies A (précédemment réservé)
M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David, M. Robert Navarro, Mmes Marie-Christine Blandin, Nathalie Goulet, Michelle Demessine, M. Guy Fischer, Mme Mireille Schurch.
Amendements identiques nos 454 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy et 522 rectifié de M. Gérard Dériot ; amendement no 1244 du Gouvernement. – MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Dériot, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Dériot. – Rectification des amendements nos 454 rectifié et 522 rectifié ; retrait de l’amendement no 1244.
MM. le ministre, Jean-Marie Vanlerenberghe, Nicolas About, Alain Vasselle, Mmes la présidente de la commission, Annie David, MM. Jean Louis Masson, Jean-Louis Lorrain, Jean-Marc Todeschini, Jacky Le Menn, Jean-Jacques Mirassou, Mme Michelle Demessine, M. Jean-Pierre Godefroy.
Mme la présidente de la commission, MM. François Fortassin, Gérard Longuet. – Adoption des amendements nos 454 rectifié bis et 522 rectifié bis rédigeant l'article.
M. Nicolas About.
Mme Josiane Mathon-Poinat.
M. Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Yvon Collin, Gérard Longuet, le ministre.
MM. Jean-Pierre Bel, Nicolas About, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d’Éthiopie
Suspension et reprise de la séance
5. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
M. Jean Louis Masson, Mme la présidente.
Mme Christiane Demontès, M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
MM. Robert Navarro, Jean Louis Masson, Jean-Pierre Fourcade, Claude Bérit-Débat, Martial Bourquin, François Fortassin, Jean-Pierre Sueur, Claude Domeizel, Jacques Muller, Mmes Catherine Tasca, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Ronan Kerdraon, David Assouline, Roland Courteau, Alain Fouché.
Amendements identiques nos 51 de Mme Annie David, 282 de M. Jean Desessard, 387 rectifié de M. Yvon Collin et 475 de Mme Christiane Demontès. – Mme Marie-Agnès Labarre, M. Jacques Muller, Mmes Françoise Laborde, Gisèle Printz, MM. le rapporteur, Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Martial Bourquin, Mme Marie-France Beaufils, M. François Marc. – Rejet, par scrutin public, des quatre amendements.
Amendement n° 1148 de Mme Annie David. – MM. François Autain, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jacques Muller. – Rejet.
Amendement n° 1149 de Mme Annie David. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 1150 de Mme Annie David. – Mme Michelle Demessine.
Amendement n° 1212 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 1151 de Mme Annie David. – Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 1152 de Mme Annie David. – M. François Autain.
Mme la présidente de la commission, M. le secrétaire d'État.
M. Charles Gautier.
M. Jacques Muller. – Rejet de l’amendement no 1150 ; adoption de l’amendement no 1212, les amendements nos 1151 et 1152 devenant sans objet.
Mme Nicole Bricq, M. François Fortassin.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 32 quinquies (réservés)
Amendements identiques nos 52 de Mme Annie David et 476 de Mme Christiane Demontès. – M. Bernard Vera, Mme Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Gérard Le Cam. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 185 rectifié de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. – MM. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean Desessard. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 53 de Mme Annie David. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 753 de M. Guy Fischer. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 477 de Mme Christiane Demontès. – M. René Teulade.
Demande de priorité des amendements nos 83 rectifié quater, 558 rectifié quater, 652 rectifié bis, 1220, 557 rectifié bis, 69 rectifié et 327 rectifié. – Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. le secrétaire d'État. – La priorité est ordonnée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
6. Nomination des membres de la mission commune d’information sur les toxicomanies
Suspension et reprise de la séance
7. Communication relative à une commission mixte paritaire
8. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
MM. Guy Fischer, Bernard Frimat, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.
Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 753.
Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 477.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
MM. Daniel Raoul, David Assouline, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Articles additionnels après l'article 32 septies
Amendement n° 54 de Mme Annie David. – Mme Marie-France Beaufils, MM. Dominique Leclerc, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 32 octies (réservés)
M. Pierre Mauroy.
Amendement n° 1156 de Mme Annie David. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 241 de Mme Christiane Demontès. – Mme Bariza Khiari.
Amendement n° 1157 de Mme Annie David. – Mme Josiane Mathon-Poinat.
Amendement n° 1213 de la commission. – M. le rapporteur.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Annie David, M. Jacques Mahéas. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 241 ; rejet de l’amendement no 1157 ; adoption de l’amendement no 1213.
Amendement n° 1158 de Mme Annie David. – M. Marie-Agnès Labarre.
Amendement n° 478 de Mme Christiane Demontès. – M. Jean-Pierre Godefroy.
MM. le rapporteur, Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Annie David, MM. Jean-Pierre Godefroy, Martial Bourquin, Guy Fischer, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 1158.
M. Jean-Pierre Godefroy. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 478.
Mmes Bariza Khiari, Annie David, Christiane Demontès, MM. David Assouline, Jean-Pierre Raffarin, Pierre-Yves Collombat, Jean-Jacques Mirassou, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Caffet, le ministre, Martial Bourquin.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le rapporteur.
Articles additionnels après l'article 3 octies (appelés en priorité) (précédemment réservés)
Demande de priorité de l’amendement no 1220. – MM. le rapporteur, le ministre. – La priorité est ordonnée.
Amendement no 1220 rectifié (priorité) de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 69 rectifié de Mme Christiane Demontès. – Mme Raymonde Le Texier.
Amendement n° 83 rectifié quater de M. André Lardeux. – M. Jacques Blanc.
Amendement n° 558 rectifié quinquies de M. Nicolas About. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Amendement no 652 rectifié de M. Alain Vasselle. – M. Alain Vasselle.
Amendement n° 327 rectifié bis de M. Yvon Collin. – M. François Fortassin.
Amendement n° 557 rectifié bis de M. Jean Arthuis. – M. Jean Arthuis.
MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Bel.
Suspension et reprise de la séance
M. le président.
Mme Christiane Demontès. – Retrait de l’amendement no 69 rectifié.
Mme Annie David, MM. Gérard Longuet, Pierre-Yves Collombat, Guy Fischer, Nicolas About, David Assouline, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Jacques Blanc. – Retrait de l’amendement no 83 rectifié quater.
MM. Jean-Pierre Caffet, Jean Desessard, Bernard Vera, Pierre Mauroy, Mme Odette Terrade, M. Martial Bourquin, Mme Mireille Schurch, M. le rapporteur, Mme la présidente de la commission, M. le ministre. – Adoption, par scrutin public, des amendements identiques nos 558 rectifié quinquies, 652 rectifié bis et 1220 rectifié insérant un article additionnel, l’amendement no 327 rectifié bis devenant sans objet.
MM. Jean Arthuis, le rapporteur, Mme Annie David, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Marie-France Beaufils. – Rejet de l’amendement no 557 rectifié bis.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
Secrétaires :
M. Philippe Nachbar,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à la mission commune d'information sur les toxicomanies
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des quinze membres de la mission commune d’information sur les toxicomanies.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.
Les candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
3
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
Texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 27 sexies A, précédemment réservé.
Article 27 sexies A (précédemment réservé)
Après le I de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Le calcul de l’âge mentionné aux 2° du I s’effectue à compter de 2016 à partir de l’âge mentionné au premier alinéa de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. Cet âge est fixé par décret de manière croissante à raison de quatre mois par année pour les années 2011 à 2016. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nombre de mes collègues, je suis très vigilant, dès que l’on aborde la question de l’amiante. Je le suis d’autant plus qu’à chaque fois qu’il a été question de l’amiante, au cours de ces dernières années, les droits des victimes de ce produit ont été rognés.
Souvenez-vous du décret, pris l’année dernière, réduisant l’assiette servant de base de calcul pour la préretraite amiante, et ce contrairement à ce qu’avait considéré la Cour de cassation, pour qui tous les éléments de rémunérations, y compris les indemnités correspondant à des jours de congés payés ou de RTT non pris, ou à des jours cumulés dans des comptes épargne temps, devaient être pris en compte dans l’assiette de calcul !
Je craignais qu’il n’en soit de même à l’occasion de l’examen de ce texte. J’avais raison de me méfier, puisque, monsieur le rapporteur, vous avez fait adopter par la commission des affaires sociales un article additionnel repoussant de deux années l’accès à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Certes, vous ne touchez pas à l’âge minimal de 50 ans, mais vous prévoyez que l’allocation sera calculée sur la base de 62 ans à partir de 2014, et que 4 mois supplémentaires seront ajoutés dès 2011.
Je suis d’autant plus étonné que cet amendement, dans sa première version, était identique à ceux que Gérard Dériot, Alain Milon et moi-même avions déposés. Quel n’a pas été notre étonnement de découvrir que ce texte avait entre-temps été réécrit dans un sens défavorable aux victimes de l’amiante !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est plus possible d’ignorer aujourd’hui l’ampleur du drame de l’amiante : je vous rappelle que l’exposition à ce produit a déjà provoqué 35 000 décès, et que de 60 000 à 100 000 nouveaux décès sont attendus d’ici à 2030.
Depuis plusieurs années, les rapports et les propositions de réforme se succèdent, sans qu’aucune suite y soit jamais donnée. Le rapport d’information du Sénat, rédigé en 2005 par Gérard Dériot et moi-même, sous la présidence de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, et le rapport de l’Assemblée nationale, publié en 2006 ont ouvert la voie à une évolution des dispositifs de prise en charge des maladies liées à l’amiante, non sans considérer leur coût financier.
L’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, la Cour des comptes, le groupe de travail présidé par M. Jean Le Garrec et le Médiateur de la République ont également souligné les carences des dispositifs de préretraite du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, et d’indemnisation des victimes par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.
S’agissant de l’ACAATA, par exemple, la disparité des règles entre les différents régimes d’assurance maladie et leur manque de coordination aboutissent à traiter de manière très inéquitable les salariés victimes de l’amiante, voire à les priver de toute indemnisation, au motif qu’ils relèvent d’un régime ne prévoyant pas cette allocation ou qu’ils dépendent d’entreprises sous-traitantes, alors même qu’ils exercent leur activité dans une entreprise répertoriée. Ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.
Pourtant, chaque année, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement restreint le traitement de cette question à son aspect purement financier ; je crains fort que ce ne soit encore le cas aujourd’hui ! Par ailleurs, les règles en matière d’irrecevabilité financière empêchent les parlementaires de proposer par amendements les évolutions positives attendues par les milliers de salariés confrontés au problème de l’amiante.
Monsieur le ministre, je vous répète les propos que j’ai déjà tenus à vos prédécesseurs, MM Bertrand, Hortefeux et Darcos : j’espère qu’un jour nous pourrons enfin débattre de la mise en œuvre de la réforme souhaitée de façon unanime, en concertation avec les associations et l’ensemble des organisations syndicales, une réforme qui permette de rendre plus justes les conditions d’attribution des « allocations amiante », mais aussi de rendre plus pérennes les modalités de financement du fonds amiante. (Signes d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
J’ai lu ce matin avec beaucoup d’attention l’amendement que vous avez déposé. Je considère qu’il est positif sur un point, mais très négatif sur un autre. J’y reviendrai à l’occasion de l’examen des amendements.
Votre amendement, loin de régler le problème, le complexifie ! Si vous maintenez l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans pour les victimes de l’amiante – c’est une très bonne disposition, conforme à ce que nous souhaitons –, vous prévoyez toutefois des conditions de temps de présence dans l’entreprise tout à fait impossibles à remplir !
Cet amendement ne reflète pas la réalité des choses. Les dispositions relatives au temps de présence dans l’entreprise correspondent à l’ancienne notion de temps d’exposition. Or nous avions indiqué, dans le rapport de la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, que le problème du temps d’exposition était impossible à régler. En effet, selon la nature de la maladie développée par les personnes exposées à l’amiante, le temps d’exposition peut être reconnu, ou non, comme un facteur de risque.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il ne joue pas, par exemple, dans le cas du mésothéliome, le « cancer de l’amiante ».
Avec la référence au temps de présence dans l’entreprise, vous en revenez à un temps d’exposition !
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le même reproche avait été adressé au comité permanent amiante, qui avait estimé, en 1997, qu’en deçà d’un certain temps d’exposition la santé des travailleurs n’était pas en danger. Cet avis avait été unanimement rejeté, à l’époque, par les médecins, les scientifiques et les spécialistes de la médecine du travail. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. À travers le sort réservé aux salariés exposés à l’amiante, on peut mesurer combien votre texte est source d’injustices et d’inégalités.
Le fait de ne pas exclure les travailleurs exposés à l’amiante du dispositif tendant à reporter de deux ans l’âge légal de départ en retraite équivaut à les priver du droit à bénéficier de leur retraite !
En effet, s’il faut désormais attendre que la « pathologie » amiante soit déclarée, le salarié concerné ne pourra profiter de sa retraite que pendant une durée de six à dix-huit mois, qui correspond au délai de vie suivant l’apparition de la maladie ! Vous créez de la sorte une inégalité de traitement entre, d’une part, les salariés dont la pénibilité a été actée selon vos critères, et qui pourront partir à la retraite à 60 ans, et, d’autre part, les personnes exposées à l’amiante, dont l’âge de départ à la retraite se situera entre 60 et 62 ans.
Or nous savons toutes et tous que l’exposition à l’amiante, comme à l’ensemble des substances cancérogènes, provoque des pathologies survenant longtemps après l’exposition, souvent même après le départ à la retraite.
Ainsi a-t-on recensé sur la plate-forme chimique de Pont-de-Claix, en Isère, 50 maladies professionnelles reconnues liées à l’amiante, qui ont déjà provoqué 10 décès. Sur le seul site Arkema de Jarrie, 80 salariés se sont vu reconnaître une maladie professionnelle ; 30 d’entre eux sont déjà morts. Or tous ces décès sont intervenus dans la tranche d’âge 45-65 ans !
Vous nous répétez que cette réforme est juste. Or vous décidez de faire travailler aussi longtemps que les autres salariés celles et ceux qui mourront plus tôt à cause de leur travail. Où est la justice ?
Compte tenu de la prise en compte d’un taux d’incapacité, et non d’exposition, il faudra attendre qu’une pathologie amiante se déclare chez un salarié avant de lui accorder le bénéfice de la préretraite amiante.
On ne le répétera jamais assez, pour les salariés qui ont été exposés à l’amiante, la cessation anticipée d’activité est un droit, créé pour compenser leur perte d’espérance de vie !
J’ai étudié votre amendement, monsieur le ministre. S’il permet de maintenir les conditions actuelles d’âge de cessation d’activité pour les bénéficiaires d’une ACAATA, il est cependant insuffisant, voire injuste, du fait des conditions qu’il prévoit : les salariés concernés doivent avoir travaillé dans un établissement répertorié pendant une durée minimale fixée par décret.
Comme l’a dit Jean-Pierre Godefroy, il sera impossible à des salariés ayant travaillé sur des sites qui n’existent plus de faire reconnaître qu’ils ont subi une exposition à l’amiante pendant la durée minimale exigée.
Même si ces salariés dont l’emploi a été supprimé et le lieu de travail détruit ont été mutés sur des sites similaires, classés quant à eux amiante, ils ne pourront être reconnus comme des victimes de l’amiante car ils n’auront pas travaillé pendant la durée minimale exigée sur ces derniers sites.
L’amiante est l’une des seules causes de pathologie que ce gouvernement avait accepté de prendre en compte. Bien d’autres produits cancérogènes devraient pourtant être reconnus. C’est le cas des produits chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, dits produits CMR.
Votre amendement, monsieur le ministre, ne répondra en rien à l’inquiétude et à la colère légitime des nombreux salariés exposés à l’amiante. Mais nous reviendrons sur ce point à l’occasion de l’examen des amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Navarro, sur l’article.
M. Robert Navarro. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, comme de nombreux sénateurs, que nous protégions les salariés qui ont été exposés à l’amiante au cours de leur vie professionnelle.
J’aurais aimé aussi qu’une concertation soit engagée avec l’ensemble des associations de défense de ces salariés, ce qui n’a pas été le cas.
L’application de la présente réforme à cette catégorie de salariés serait particulièrement injuste et coûteuse.
Ce serait tout d’abord injuste, car ce dispositif écarte les personnes qui ont été exposées à des produits cancérogènes au cours de leur vie professionnelle et qui ont, de ce fait, une espérance de vie réduite, même s’ils ne présentent pas de signes physiques de cette atteinte.
Voilà qui est particulièrement inique ! On se souvient, en effet, des scandales liés à l’amiante qui ont éclaté dans les années quatre-vingt-dix et qui ont révélé les effets désastreux de l’exposition à ce produit sur la santé de milliers de salariés.
Et ce n’est pas fini ! Un rapport sénatorial de 2005 indiquait que l’amiante pourrait encore causer jusqu’à 100 000 décès d’ici à 2025. N’est-ce pas une preuve tangible de pénibilité ?
Ce dispositif est ensuite coûteux, car il prolonge de deux ans la durée de versement de l’allocation par le FCAATA, avant que les salariés concernés ne puissent bénéficier d’une retraite à taux plein.
Je souhaite que nous maintenions les conditions actuelles d’âge de cessation d’activité et de perception d’une retraite à taux plein pour les salariés qui ont été exposés à l’amiante.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Le Gouvernement recommande l’effort de tous, dans cette réforme – sauf des spéculateurs –, et la convergence des systèmes de retraite, mais il oublie les situations douloureuses !
Quand le Gouvernement envisage de complexifier ou de retarder l’accès à la retraite des salariés exposés à l’amiante, il franchit vraiment la ligne rouge !
L’amiante est un drame collectif. Des hommes et des femmes ont été contaminés sur leur lieu de travail, par l’air, par leurs gants, par leurs protections professionnelles, et cela avec l’impunité durable des employeurs.
Hier, monsieur le ministre, quatre cents veuves de l’amiante, réunies à l’Assemblée nationale de dix-sept heures à vingt heures, ont décrit toute leur souffrance et ont réclamé justice. Ce problème concerne donc votre collègue Mme Michèle Alliot-Marie.
Puisque le gouvernement auquel vous appartenez a recommandé que La Poste effectue des missions autres que le courrier, je vous confierai le courrier des veuves de l’amiante afin que vous le remettiez à M. Sarkozy.
Le drame individuel, c’est aussi les tuyaux dans le nez et la peur de mourir.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les employeurs entendus voilà quelques années par la mission du Sénat à Dunkerque ont reconnu officiellement refuser de signer les attestations d’exposition, et, au passage, ils ont aussi reconnu continuer à utiliser l’amiante en sidérurgie, au Brésil, comme hier en France.
Aujourd’hui, vouloir faire le tri entre handicapés reconnus et exposés, aux années de vie hypothéquées, au travers d’une retraite différée aux dépens du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, est une véritable indécence !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin. La réserve de cet article a semé un espoir chez les victimes de l’amiante : sans doute le ministre avait-il mesuré l’inhumanité d’une application strictement comptable et allait-il rectifier la rédaction.
Eh bien non ! Avec le sang-froid – au sens propre comme au sens figuré – qui vous caractérise, vous restez inflexible, même devant le scandale des contaminations et l’angoisse des contaminés ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Si le Gouvernement ne reste pas inflexible et s’il accepte le dialogue, comme il l’affirme à la télévision, la situation pourra très rapidement évoluer.
Pour l’instant, mécaniquement au service de votre projet libéral, vous persistez à ne rien céder à ceux qui sont en difficulté, tout cela pour protéger les plus riches. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Un peu de respect !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Certains de mes collègues se sont déjà exprimés sur ce sujet, puisque l’Orne partage avec le Calvados et la Manche la « vallée de l’amiante ».
J’évoquerai les difficultés rencontrées par les salariés de Tréfimétaux et de Moulinex, en revenant sur le problème de l’inversion de la charge de la preuve dont nous avons parlé il y a quelques jours.
Dans certaines situations juridiques, l’inversion de la charge de la preuve ou le fait que la charge de la preuve repose sur le salarié rend la démonstration totalement impossible.
Cette situation doit être examinée de près.
Par ailleurs, la non-application de la directive 83/477/CEE du 19 septembre 1983 pose aussi, en cette matière, des difficultés sérieuses. Elle soulève l’incompatibilité de cette directive avec le taux d’incapacité permanente partielle de 25 %.Les demandes d’indemnisation ne sont prises en compte qu’au-delà de ce seuil, au détriment des nombreuses victimes et de leurs familles, comme nous l’avons déjà dit.
Peu de dispositions, dans notre droit et dans les situations rencontrées, ont entraîné autant de questions écrites ou orales, autant d’interventions et de rapports que le problème de l’amiante.
De nombreux parlementaires de l’Orne, du Calvados et de la Manche, tels nos collègues MM. Garrec et Dupont, sont intervenus sur cette question.
Il existe des différences d’appréciation entre les caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM. La CRAM de l’Orne interprétera le texte d’une façon, celle du Calvados, d’une autre. Les salariés victimes et leurs familles méritent des éclaircissements à cet égard.
On observe également des ruptures d’égalité entre les salariés, selon qu’ils ont ou non été reclassés. C’est le cas des salariés de l’entreprise Moulinex, qui sont pénalisés parce que, au lieu d’avoir été mis au chômage, ils ont été reclassés dans un autre site Moulinex.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je vous demande d’examiner la question de l’amiante de façon réaliste et juridiquement applicable.
En outre, bien que le problème des retraites en soit éloigné, nous baignons, avec cette question, dans l’atmosphère du Grenelle de l’environnement. En effet, nous devons aborder non seulement la question des victimes, mais aussi celle des sites amiantés, qui, de toute façon, n’est pas réglée.
Inversion de la charge de la preuve, méconnaissance de dispositions européennes et irrégularités, voire inéquitable traitement entre les différentes caisses régionales : voilà autant de points juridiques que vous avez objectivement – en dehors de toute polémique – à régler, monsieur le ministre, s’agissant de la question de l’amiante.
Voilà pourquoi je tenais à m’exprimer avant l’examen de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.
Mme Michelle Demessine. Nous sommes à un moment extrêmement dur du débat sur la réforme des retraites : cet article touche une catégorie de salariés qui vivent ou qui ont vécu – pour ceux qui ne sont plus là – un drame épouvantable. Ils méritent, de notre part, une attention particulière et, surtout, un grand respect.
Tout ce que nous dirons et tout ce que nous ferons aujourd’hui est très important pour eux. C’est pour eux que je prends la parole.
Voilà une semaine, je participais à Paris à une manifestation réunissant plus de 5 000 victimes de l’amiante. Chaque année, ces personnes rappellent quelle est leur vie et quelles sont leurs difficultés ; chaque année, de nouvelles victimes apparaissent ; chaque année, nous constatons la disparition de certains. Voilà la réalité de ce drame !
Hier, Mme Marie-Christine Blandin et moi-même étions à l’Assemblée nationale aux côtés de quatre cents veuves de victimes, venues majoritairement de Dunkerque. Ces femmes réclament que soit mené un véritable procès pénal – « plus jamais ça ! », disent-elles –…
M. Roland Courteau. Elles ont bien raison !
Mme Michelle Demessine. … pour elles, pour leurs enfants et pour les salariés de demain. (M. Guy Fischer applaudit.) Elles veulent que les véritables responsabilités soient établies.
M. Roland Courteau. Voilà !
Mme Michelle Demessine. Et c’est de la responsabilité de la représentation nationale de bien entendre ce message.
Il aura fallu des milliers de morts pour que le préjudice des victimes de l’amiante soit enfin reconnu et que des dispositions d’indemnisation et de préretraite soient mises en place.
Or la réforme que vous proposez, monsieur le ministre, vient percuter les dispositifs obtenus de haute lutte. Il serait criminel de revenir sur ces acquis, comme tend à le faire l’amendement que vous avez déposé.
Vous proposez en effet d’introduire une mesure à laquelle les salariés se sont toujours opposés. Il s’agirait en effet d’ajouter les mots « en cas de durée de travail dans un des établissements visés au 1° supérieure à un seuil fixé par décret […]».
Pour ces salariés, ces mots sonnent dur. Cela reviendrait à faire mourir une deuxième fois ceux qui ne sont plus là et à rendre plus menaçante encore l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de ceux qui sont encore là et avec laquelle ils sont obligés de vivre tous les jours, puisqu’on a laissé faire pendant des dizaines et des dizaines d’années au nom de la rentabilité et du profit. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors qu’on savait !
M. Alain Gournac. Et vous étiez au pouvoir ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mme Michelle Demessine a été secrétaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas en détail sur le régime de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA, car vous le connaissez.
J’insisterai néanmoins sur le fait que ce régime continue de remplir son rôle. Il concerne environ 32 000 personnes et son application est indispensable.
Des victimes de l’amiante, il en meurt chaque jour ! Il faut redire ici cette vérité, la clamer haut et fort. Voici la réalité du monde du travail : encore aujourd’hui, les expositions à l’amiante continuent. Bien sûr, elles diminuent, mais toutes les entreprises ne se sont pas mises en conformité. Le problème est plus que jamais d’actualité.
Les expositions professionnelles à l’amiante et aux autres produits cancérogènes représentent au total 2,5 millions de salariés.
M. Roland Courteau. C’est énorme !
M. Guy Fischer. En effet !
Pour beaucoup de travailleurs, il n’y aura pas de retraite. Ils mourront avant de pouvoir en bénéficier, victimes d’un cancer professionnel.
Pour d’autres, la retraite ne sera qu’un bref moment de répit. Ils tomberont malades quelques mois ou quelques années après l’ouverture de leurs droits.
L’âge moyen de survenue d’un cancer broncho-pulmonaire, chez les personnes qui sont indemnisées par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, est de 63 ans.
Qui, mieux que les victimes de l’amiante, les accidentés du travail ou les personnes confrontées à l’explosion des maladies professionnelles, peut parler de ces réalités ?
Toutes les personnes rassemblées au sein de la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la FNATH, ou de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, en sont les témoins.
Comme cela a été dit longuement lors des débats sur votre vision de la pénibilité, monsieur le ministre, alors que nous parlons « pénibilité », le Gouvernement parle « invalidité ».
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Guy Fischer. Le Gouvernement ne peut pas feindre d’ignorer que les deux tiers des cancers d’origine professionnelle se déclarent après l’âge de 60 ans. Sont évidemment concernées les personnes exposées à des produits cancérogènes, comme l’amiante, mais aussi à des produits largement présents en milieu de travail et à tous les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, dits CMR.
Comme justificatif à tous ces reculs sociaux, le Gouvernement nous assène que les caisses de l’État sont vides, oubliant de dire que c’est lui, et non les victimes du travail, qui a vidé ces caisses par la multiplication des exonérations de charges fiscales et sociales ! Ce ne sont pas les victimes du travail, sous-indemnisées en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, qui sont responsables de la situation !
De plus, c’est non pas à l’État de financer la compensation de la pénibilité, mais bien aux employeurs, lesquels sont à l’origine de ces conditions de travail qui blessent, mutilent et tuent.
Lors de la manifestation commune des accidentés du travail et des victimes de l’amiante, le 9 octobre, de nombreux slogans faisaient référence à la demande d’un procès pénal. On pouvait lire, notamment : « Amiante, 10 morts par jour, ni responsable ni coupable ? »
Les premières plaintes de travailleurs exposés à l’amiante datent de 1996, mais les enquêtes se heurtent à la complexité du dossier, à un manque de volonté politique de voir établir les responsabilités, et, surtout, à un manque de volonté des entreprises qui se regroupent bien souvent derrière les restructurations ayant eu lieu pour s’y opposer.
Ce n’est pas la rédaction actuelle de l’article 27 sexies A ni celle de l’amendement du Gouvernement qui vont apaiser leurs craintes, bien au contraire ! Cet amendement gouvernemental est inacceptable.
M. Guy Fischer. Aujourd’hui, le Gouvernement renie ses engagements !
Toute une série d’exemples peuvent illustrer ce fait. Je pense, à cet instant, aux employés de l’entreprise Tréfimétaux, située à Pont-de-Chéruy, dans l’Isère, ou encore à ceux de toute l’industrie de l’automobile du département du Rhône, en particulier Renault Trucks. Nous avons travaillé avec eux, et nous nous sommes heurtés à des barrières infranchissables. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.
Mme Mireille Schurch. L’article 27 sexies A résulte de l’adoption d’un amendement déposé par M. le rapporteur.
Avec cet article, tout le monde avait cru comprendre que, après avoir été épargnées à l’Assemblée nationale, les victimes de l’amiante éligibles à l’ACAATA, l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, allaient finalement subir elles aussi le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite.
La réalité était tout autre, car les victimes de l’amiante, sans même l’avoir encore compris, avaient déjà été affectées par le relèvement de l’âge légal de la retraite.
En effet, à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, il était prévu, même si ce point n’était mentionné nulle part, que, dès la promulgation du texte, les victimes de l’amiante subiraient le report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite, cela sans aucun seuil. Elles seraient donc encore moins bien loties que le commun des mortels. Cet état de choses était un scandale : alors que, à de nombreuses reprises, le Gouvernement leur avait assuré que la réforme des retraites n’aggraverait pas leur régime, c’était pourtant bel et bien le cas.
M. le rapporteur a voulu sortir les victimes de l’amiante de cette situation. Il s’est heurté au refus catégorique du ministre et, finalement, il a déposé un amendement de transaction, qui est donc devenu l’actuel article 27 sexies A.
Cet article prévoit simplement que les victimes de l’amiante seront traitées de la même manière que tous les autres assurés, avec un relèvement progressif de l’âge de la retraite à 62 ans.
C’est là une très faible concession et, surtout, un recul important par rapport au dispositif existant. Comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement refuse aujourd’hui le maintien du droit actuel pour ces personnes, pourtant demandé, au travers d’amendements identiques, par de très nombreux sénateurs siégeant sur toutes les travées, fait rare qui mérite d’être souligné.
Monsieur le ministre, avant que ce nouveau coup de force ne trouve son issue, je souhaiterais à mon tour vous parler de l’amiante, de ses ravages et de ses victimes, même si mes collègues l’ont fait bien mieux que moi.
M. Jean-Patrick Courtois. Alors pourquoi prenez-vous la parole ?
Mme Mireille Schurch. Comment pouvez-vous vouloir raboter les droits de ces personnes, qui ont été et sont encore victimes de l’un des plus gros scandales de santé publique qu’ait connus notre pays ? Vous n’avez donc aucun scrupule, aucune humanité !
M. Guy Fischer. Ils sont inhumains !
Mme Mireille Schurch. L’amiante a longtemps été présentée comme une matière extraordinaire. On la retrouvait partout, on l’utilisait tant et notre industrie avait tellement misé sur elle qu’il fallut une accumulation de drames et d’études scientifiques pour que, enfin, le caractère mortifère de cette substance soit reconnu.
La résistance du patronat sur cette question a été acharnée. Il en a fallu des combats pour que la vie des travailleurs soit enfin reconnue comme plus importante que les intérêts financiers en jeu !
Cette attitude n’est pas sans rappeler celle du lobby des fabricants de cigarettes, des promoteurs des hormones de croissance, des constructeurs d’antennes-relais de téléphonie mobile ou des industries recourant aux nanoparticules, dont nous parlerons également : on nie, on refuse l’évidence, et quand elle est prouvée, on la minimise.
En 1997, l’utilisation de l’amiante a été – enfin – définitivement interdite en France. En 1999, un régime spécifique d’indemnisation et de cessation anticipée d’activité a été créé pour les victimes. Néanmoins, comme nous le voyons aujourd’hui, avec ce gouvernement, rien n’est jamais acquis. Monsieur le ministre, nous vous attendons sur cette question ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 454 rectifié est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 491 rectifié est présenté par M. Milon.
L'amendement n° 522 rectifié est présenté par M. Dériot.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les établissements visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. »
2° Le septième alinéa est ainsi rédigé :
« 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les ports visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. »
3° Le treizième alinéa est ainsi rédigé :
« L'allocation cesse d'être versée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions de durée d'assurance requises pour bénéficier d'une pension de vieillesse au taux plein, à condition qu'il soit âgé d'au moins soixante ans. Les conditions de durée d'assurance sont réputées remplies au plus tard à l'âge de soixante-cinq ans. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 454 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise à maintenir les conditions actuelles d’âge de cessation d’activité et de perception d’une retraite à taux plein pour les anciens travailleurs de l’amiante.
Je le rappelle, l’indemnisation des victimes de l’amiante repose sur deux dispositifs principaux : le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Le FCAATA verse aux salariés ayant été exposés à l’amiante une allocation de cessation anticipée d’activité et s’assimile donc à un régime de préretraite. Sa mise en place constitue une première réponse à la reconnaissance des dommages causés par l’amiante sur la santé. En effet, il vise à compenser la perte d’espérance de vie à laquelle sont confrontées, statistiquement, les personnes contaminées par l’amiante.
À Condé-sur-Noireau, ville du Calvados particulièrement exposée aux poussières d’amiante, l’espérance de vie moyenne n’est plus aujourd’hui que de 58 ans, mes chers collègues, à tel point que l’on surnomme désormais cette petite région la « vallée de la mort ».
M. Roland Courteau. C’est terrible !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je pourrais, dans le même département, citer aussi l’exemple de la société Tréfimétaux, à Dives-sur-Mer. En Seine-Saint-Denis, l’ANDEVA, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, qui compte 500 adhérents, a, depuis sa création, suivi les dossiers de 260 personnes décédées à cause de cette substance, dans un tiers des cas avant 60 ans. D’autres victimes sont mortes juste après leur départ à la retraite. On estime que 40 % des allocataires du FCAATA décèdent dans les deux ans suivant leur départ à la retraite à l’âge de 60 ans, c’est-à-dire avant 62 ans !
En fait, on sait aujourd’hui que l’âge moyen de décès des victimes de maladies professionnelles liées à l’amiante est de 64 ans et que, une fois que la maladie est déclarée, il est trop tard pour agir, particulièrement dans le cas du mésothéliome.
On sait que la durée de vie des personnes atteintes d’un mésothéliome est d’environ dix-huit mois après le déclenchement de la maladie. Ce laps de temps s’écoule dans des conditions épouvantables, et il faut garder à l’esprit l’angoisse dans laquelle vivent les salariés dont un ancien collègue de travail a été frappé par le mésothéliome.
Nous considérons que ceux qui vont mourir plus tôt doivent partir à la retraite plus tôt. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’application du report de l’âge de la retraite, même progressive, au bénéficiaire d’une allocation de cessation anticipée d’activité au titre de l’exposition à l’amiante serait injuste et coûteuse. La mort n’attendra pas deux ans de plus pour frapper. Elle n’a que faire de nos modifications législatives !
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette réforme est injuste, car elle créera une situation inéquitable entre, d'une part, les personnes dont la pénibilité du travail aura été reconnue en application des dispositions du présent projet de loi et qui pourront continuer à partir à la retraite à 60 ans, et, d'autre part, celles qui auront été exposées à l’amiante, dont le départ à la retraite pourra intervenir entre 60 et 62 ans.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le FCAATA n’est pas un privilège. Il permet la réparation par la société d’un dommage subi par les salariés qui ont été exposés à l’amiante.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je n’ai pas utilisé tout mon temps de parole tout à l'heure, madame la présidente.
Je reviendrai sur ce point en expliquant mon vote, mais nous ne pouvons pas conditionner le maintien des conditions actuelles d’âge de cessation d’activité pour les bénéficiaires de l’ACAATA à une durée minimale de travail dans une entreprise listée, comme le prévoit l’amendement n° 1244 du Gouvernement. Dans le rapport que MM. Vanlerenberghe, Dériot et moi-même avons publié, il est clairement établi que, s'agissant du mésothéliome, qui se déclare généralement après une latence supérieure à vingt ans, le risque n’est pas proportionnel à la durée d’exposition à l’amiante.
En conséquence, l’amendement que nous présentons vise à maintenir le droit de ces personnes à partir en préretraite, sachant que, dans ce cas, ils bénéficient non pas du taux plein, mais seulement d’une pension au taux de 65 %. Lorsque l’on accepte une amputation de 35 % de ses ressources, c’est que l’on sait très bien que l’on court un risque à court terme !
L’amiante étant interdite depuis 1997 (Marques d’impatience sur les travées du groupe UMP),…
M. Jean-Patrick Courtois. Respectez votre temps de parole !
M. Roland Courteau. Laissez-le parler ! C’est grave !
M. Jean-Pierre Godefroy. … le nombre de victimes diminuera progressivement. Je crois que tous ceux qui ont été exposés à l’amiante méritent de se voir reconnu par la société le droit de finir décemment une vie abrégée. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Christiane Demontès. Les victimes de l’amiante méritent notre écoute !
Mme la présidente. L’amendement n° 491 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Gérard Dériot, pour présenter l'amendement n° 522 rectifié.
M. Gérard Dériot. Cet amendement, comme le précédent, vise les victimes de l’amiante dont la situation a été reconnue et qui ont droit à une allocation du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Pour l’entrée dans le dispositif et la sortie avec une pension de retraite à taux plein, il tend à maintenir les bornes d’âge actuelles, de 60 ans et de 65 ans respectivement.
Je ne reviendrai pas sur la situation des travailleurs de l’amiante. La mission d’information dont Jean-Pierre Godefroy et moi-même étions rapporteurs et que présidait Jean-Marie Vanlerenberghe a montré les négligences, les erreurs et les dénis qui ont abouti à ce drame.
La mise en place du FCAATA, qui est en pratique un dispositif spécifique de préretraite, est destinée à compenser la perte d’espérance de vie des personnes exposées. Dès lors, il ne me paraît pas justifié que l’on allonge de deux ans la durée de travail de ces dernières.
Je rappellerai que notre réforme du système des retraites est précisément fondée sur la prise en compte de l’espérance de vie. Or, si celle-ci a très largement augmenté pour l’ensemble des Français, tel n’est pas le cas pour les travailleurs de l’amiante : bien au contraire, elle est malheureusement réduite pour eux. Par ailleurs, leur entrée dans la maladie, elle, n’est pas décalée de deux ans !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Gérard Dériot. Certes, heureusement, certaines des victimes ne développeront que des pathologies bénignes. Toutefois, il suffit d’une fibre d’amiante pour provoquer un mésothéliome. Il faut y insister : il a été découvert qu’il suffit d’une seule fibre d’amiante pour causer un cancer !
D’après l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, entre 1997 et 2050, nous devons nous attendre à une mortalité par mésothéliome comprise entre 44 480 et 57 020 décès. Une fois la maladie déclarée, l’espérance de vie est de douze à dix-huit mois. Par ailleurs, on estime entre 1 800 et 4 000 le nombre des cancers broncho-pulmonaires attribuables chaque année à l’exposition à l’amiante.
Bien sûr, cette maladie a été prise en compte et un système de préretraite a donc été mis en place au bénéfice de ces personnes. Les mesures prises commencent à porter leurs fruits, de même que les dispositions visant à protéger de l’amiante les travailleurs, puisque le nombre de nouveaux allocataires du FCAATA est en voie de diminution et que, surtout, le nombre des sorties du dispositif augmente. Nous pouvons nous féliciter de cette évolution : elle signifie que le FCAATA joue pleinement son rôle et que son extinction se produira dans les années qui viennent.
Alors qu’un taux d’incapacité de 10 % permettra de partir à la retraite à 60 ans, je ne pense pas qu’il soit équitable d’imposer à ces patients de continuer leur activité après cet âge. J’ajoute que le financement du FCAATA est assuré par la branche accidents du travail-maladies professionnelles et ne pèse pas sur le budget des caisses de retraite. Les personnes concernées ne relèveront du système des retraites qu’à partir de l’âge de 60 ans pour les unes, de 65 ans pour les autres.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite donc le maintien du régime actuel, car les malades de l’amiante ont déjà subi un très lourd préjudice. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1244, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le I de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« 2° Avoir atteint, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans :
« a) en cas de durée de travail dans un des établissements visés au 1° supérieure à un seuil fixé par décret, l'âge de soixante ans, diminué du tiers de cette durée ;
« b) dans les autres cas, un âge déterminé par décret, qui pourra varier en fonction de la durée du travail effectuée dans les établissements visés au 1°. » ;
2° Le septième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« 2° Avoir atteint, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans :
« a) en cas de durée de travail dans un des ports visés au 1° supérieure à un seuil fixé par décret, l'âge de soixante ans, diminué du tiers de cette durée ;
« b) dans les autres cas, un âge déterminé par décret, qui pourra varier en fonction de la durée du travail effectuée dans les ports visés au 1°. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Retirez cet amendement, monsieur le ministre !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sujet est suffisamment douloureux et difficile pour que nous ne déclenchions pas une polémique et ne fassions pas des déclarations à l’emporte-pièce, comme j’en ai pourtant entendu un certain nombre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En la matière, la France a pris des dispositions que n’ont pas adoptées d’autres pays. Face au drame de l’amiante, nous avons tous, heureusement, la même position. La création du FCAATA et du FIVA a constitué une réponse.
Chacun connaît l’extrême gravité des pathologies causées par l’exposition à l’amiante. Il n’est donc pas question de polémiquer sur cette question. En tout cas, le Gouvernement ne s’engagera pas dans cette voie.
Nous souhaitons évidemment que les victimes de l’amiante ou les personnes exposées à l’amiante dans les entreprises répertoriées sur les listes du FCAATA puissent continuer à bénéficier de ces dispositifs. Aujourd’hui, environ 30 000 personnes sont allocataires du FCAATA. Ce nombre évolue du fait de l’arrivée de 5 000 ou 6 000 nouveaux allocataires chaque année. Parmi les personnes qui sortent du dispositif, 96 % partent à la retraite.
Lorsque j’ai déposé un amendement au nom du Gouvernement, mon objectif était de préciser clairement les conditions dans lesquelles, dans le contexte de changement de l’âge de départ à la retraite, les travailleurs ayant été exposés à l’amiante pouvaient avoir accès à ce dispositif de cessation d’activité anticipée.
Nous avons pris en compte la demande des sénateurs, notamment celle de M. Dériot : l’âge à partir duquel est déduit le tiers de la durée de présence dans une entreprise appartenant à la liste de celles qui sont liées à l’amiante doit rester 60 ans, et non pas passer à 62 ans.
Il y a eu une période intermédiaire au cours de laquelle a émergé l’idée qu’il fallait lisser les choses. Voilà quel était le sens de l’amendement présenté en commission par M. le rapporteur. Cet amendement avait alors fait l’objet d’une discussion avec les associations de victimes de l’amiante, qui semblaient plutôt d’accord.
Mme Annie David. Mais non…
M. Éric Woerth, ministre. M. Dériot, à l’instar de M. Godefroy, avait alors indiqué qu’il souhaitait non pas un tel « lissage », mais le maintien de l’âge de 60 ans ; le Gouvernement a donné son accord.
Prenant connaissance de l’amendement de M. Dériot, nous avons voulu préciser un certain nombre de points pour faciliter le fonctionnement du dispositif. Nous voulions notamment souligner que, aux termes de cet amendement, les personnes bénéficiant du FCAATA et ayant, à l’âge de 60 ans, suffisamment cotisé pour bénéficier d’une retraite à taux plein se trouveraient dans une zone de non-droit et devraient attendre l’âge de 62 ans pour partir à la retraite. Nous avons voulu remédier à cela.
Ainsi, entre 60 et 62 ans, les personnes bénéficiant de leurs droits à la retraite cesseraient d’être allocataires du FCAATA et se retrouveraient sans rien, à la suite du report de l’âge légal de la retraite.
M. Guy Fischer. C’est clair.
M. Éric Woerth, ministre. C’est à cette situation que nous avons souhaité apporter une réponse. Notre démarche résultait d’une volonté de donner des garanties à ces personnes et d’éviter qu’il y ait des perdants. (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je vous dis les choses telles qu’elles sont, il ne s’agit pas de sujets de polémique.
En outre, nous avons voulu éviter que des personnes qui auraient travaillé pendant très peu de temps – que ce soit une semaine ou trois mois – dans une entreprise figurant sur les listes du FCAATA conservent le droit de partir à la retraite à 60 ans, alors que la probabilité qu’elles développent une quelconque maladie est très faible. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela aurait été injuste pour les autres salariés. Il convient donc de s’interroger sur la fixation d’une durée minimale – même très brève – d’activité dans une entreprise répertoriée, pour définir l’âge d’accès à la préretraite de ces personnes.
La commission ne nous ayant pas suivis sur ces deux points, nous nous en tiendrons donc, en dépit de ses imperfections, à l’amendement du sénateur Dériot. Je ne veux pas de polémique sur le sujet de l’amiante, et je suis donc prêt à accepter cet amendement. Cela fera des perdants, mais c’est votre choix.
Je suis par conséquent disposé à retirer l’amendement du Gouvernement. Si vous souhaitez en rester à l’amendement de M. Dériot, nous nous y rallions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les amendements nos 454 rectifié et 522 rectifié ont été présentés par nos collègues Jean-Pierre Godefroy et Gérard Dériot, qui ont animé une mission d’information de la commission sur le drame de l’amiante. Le rapport de cette dernière était intitulé : « Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir ».
Ces deux amendements identiques prévoient que la réforme des retraites ne s’appliquera pas aux victimes de l’amiante et visent à maintenir le dispositif actuel en leur faveur.
Il est bien entendu impensable d’envisager de faire des économies aux dépens des victimes de l’amiante, qui relèvent, je le répète, d’un dispositif spécifique et bien encadré. Celui-ci a vocation à s’éteindre progressivement, à un horizon relativement proche.
De même que nous avons souhaité maintenir à 55 ans l’âge de départ à la retraite des handicapés, nous souhaitons maintenant que les victimes de l’amiante continuent à bénéficier des mesures actuelles.
La commission des affaires sociales, à l’unanimité, a émis un avis favorable sur ces deux amendements.
MM. Marc Daunis et Bernard Piras. Merci, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Pour lever la difficulté soulevée par M. le ministre,…
Mme Annie David. Il n’y en a pas.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. … peut-être pourrions-nous rectifier les amendements de MM. Dériot et Godefroy, en ajoutant, au dernier alinéa, la phrase suivante : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, ils bénéficient immédiatement d’une pension de retraite. »
M. Jean-Pierre Godefroy. Que dit cet article du code ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de quelques minutes, afin que nous puissions communiquer à nos collègues le texte des amendements ainsi rectifiés.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mes chers collègues, au dernier alinéa des amendements identiques nos 454 rectifié et 522 rectifié, après les mots : «, à condition qu’il soit âgé d’au moins soixante ans. », la commission des affaires sociales propose d’ajouter la phrase suivante : « Par dérogation aux dispositions de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, il bénéficie immédiatement d'une pension de retraite. »
Monsieur Godefroy, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 454 rectifié dans le sens suggéré par la commission ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait, madame la présidente. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Dériot, acceptez-vous également une telle rectification de l’amendement n° 522 rectifié ?
M. Gérard Dériot. Oui, madame la présidente. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Il s’agit donc des amendements identiques nos 454 rectifié bis et 522 rectifié bis, ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les établissements visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. »
2° Le septième alinéa est ainsi rédigé :
« 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les ports visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. »
3° Le treizième alinéa est ainsi rédigé :
« L'allocation cesse d'être versée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions de durée d'assurance requises pour bénéficier d'une pension de vieillesse au taux plein, à condition qu'il soit âgé d'au moins soixante ans. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, il bénéficie immédiatement d'une pension de retraite. Les conditions de durée d'assurance sont réputées remplies au plus tard à l'âge de soixante-cinq ans. »
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je suis dans le même état d’esprit que tout à l’heure : il n’y a pas lieu de polémiquer sur un sujet aussi douloureux.
Cela étant, cette rectification ne résout pas toutes les questions que j’ai soulevées ; elle ne règle que la plus facile d’entre elles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est déjà pas mal !
M. Éric Woerth, ministre. Quand on parle de justice, il faut examiner les choses de façon exhaustive. Le dispositif présenté peut créer certaines injustices à l’égard d’autres catégories de salariés. Sur un sujet aussi sensible que celui-là, il faut mesurer les conséquences des décisions que l’on prend. Je le répète, tout n’est pas réglé.
Cela étant dit, le Gouvernement accepte ces amendements et retire l'amendement n° 1244.
Mme la présidente. L'amendement n° 1244 est retiré.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 454 rectifié bis et 522 rectifié bis.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, vous avez bien fait de retirer votre amendement, qui, pour le moins, était maladroit.
En effet, au détour d’une phrase, il revenait, en dépit des apparences, sur des mesures de justice destinées aux travailleurs de l’amiante. Il remettait notamment en cause une disposition essentielle, la création du FCAATA, et le financement de celui-ci. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le FCAATA est un système clos, voué à s’éteindre naturellement, mais qui concerne encore plus de 30 000 personnes, dont 90 % au moins partent à la retraite à 60 ans.
À mon sens, en défendant cet amendement, vous commettiez trois erreurs.
Premièrement, s’agissant de l’amiante, la notion de durée d’exposition n’est pas pertinente. L’inhalation d’une seule fibre peut provoquer un mésothéliome, qui est un cancer foudroyant : le décès du malade survient dans un délai d’un an à dix-huit mois.
Deuxièmement, le drame de l’amiante est la conséquence d’une vaste manipulation des entreprises concernées, dont l’État s’est, peut-être involontairement d’ailleurs – je ne jugerai pas –, rendu complice, au moins de 1976 à 1996. Quel que soit le coût, j’estime donc que l’État doit réparer.
Troisièmement, il n’y a pas d’effet d’« aubaine », comme je l’ai entendu dire tout à l’heure. Employer un tel mot me semble insupportable en la circonstance. Il faut tout simplement rendre justice aux victimes potentielles d’une exposition aux conséquences funestes, souvent mortelles.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l’Union centriste votera ces amendements. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Bien entendu, je fais miens les propos de mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe.
Je comprends les préoccupations du Gouvernement, mais je lui suggère, pour l’avenir, de ne plus faire référence, dans un tel amendement, à un décret sans que le contenu de celui-ci ne soit explicité. En effet, cela donne le sentiment que l’on renvoie à d’autres le soin de trancher une question dont l’importance humaine et politique est telle que seul le Parlement a la légitimité démocratique pour la traiter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste, de l’UMP et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. La commission entend préserver les droits actuels des victimes de l’amiante. Il n’a jamais été question que l’on puisse envisager de réaliser des économies aux dépens des personnes atteintes d’une maladie provoquée par l’exposition à l’amiante.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. Cela étant, monsieur le ministre, nous aurions tout de même intérêt à toiletter le dispositif. En effet, des personnes ayant travaillé dans une entreprise figurant sur la liste qui a été fixée par arrêté mais dont les fonctions étaient purement administratives seront éligibles alors qu’elles n’ont jamais été exposées à l’amiante. Par conséquent, il serait sans doute nécessaire d’apporter des correctifs à la mesure.
Par ailleurs, je fais mienne l’observation que vient de formuler M. About : sur un sujet aussi sensible que celui-là, on ne peut renvoyer à un décret la détermination des conditions d'application sans que la commission des affaires sociales puisse débattre de sa teneur.
M. Charles Revet. Oui, ce n’est pas possible !
M. Alain Vasselle. Cela aurait certainement permis de lever toutes les ambiguïtés.
Cela étant, j’ai cru comprendre que le Gouvernement était prêt à aller plus loin que ce que prévoient les dispositions actuelles. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste.) Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que l’adoption en l’état de ces amendements identiques pourrait exclure injustement du dispositif un certain nombre de personnes. Un travail conjoint du Gouvernement et de la commission des affaires sociales sur cette question aurait pu permettre d’éviter une telle situation.
Je suggère donc que nous mettions à profit le bref laps de temps qu’il nous reste d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire pour parfaire la rédaction de l'article 27 sexies A, afin que le Sénat ne puisse encourir la responsabilité d’avoir adopté à la va-vite des dispositions de nature à léser certaines personnes. Ce serait, me semble-t-il, faire preuve de sagesse et de précaution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je souhaitais formuler exactement la même suggestion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 454 rectifié bis et 522 rectifié bis.
Mme Annie David. Le groupe CRC-SPG votera ces amendements.
Une fois n’est pas coutume, je remercierai M. le rapporteur (Sourires), pour le soutien qu’il a apporté aux membres de la commission des affaires sociales dans ce dossier et pour la confiance qu’il a témoignée aux spécialistes que sont MM. Dériot et Godefroy.
Madame la présidente, votre proposition de rectification des amendements était bienvenue. Ce débat montre que le travail parlementaire prend tout son sens quand il s’effectue en bonne intelligence, dans un climat d’écoute mutuelle. (Marques d’approbation sur certaines travées de l’UMP.)
Monsieur le ministre, vous vous en doutez, je n’irai pas jusqu’à vous remercier ! (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.) Néanmoins, je vous sais gré de la sagesse dont vous avez fait montre en vous ralliant à ces amendements identiques, même si, selon vous, ils n’apportent pas toutes les réponses.
Vous affirmez que vous voulez une réforme juste. Sur ce sujet, la justice, c’est bien de permettre à tous les travailleurs victimes de l’amiante de cesser leur activité plus tôt. D’autres l’ont souligné, il est scientifiquement prouvé que l’inhalation d’une seule fibre d’amiante peut provoquer un cancer. Par conséquent, tous les travailleurs qui ont été en contact, si peu de temps que ce soit, avec ce matériau doivent pouvoir bénéficier du dispositif. J’espère que vous associerez aux prochaines discussions les associations compétentes, comme le demandent un certain nombre d’entre elles, notamment l’ANDEVA ou la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés.
L’adoption de ces amendements identiques permettra déjà de franchir un pas important, en maintenant les droits actuels des travailleurs de l’amiante, mais je voudrais aller un peu plus loin.
Monsieur le ministre, la liste des entreprises concernées a été fixée par arrêté, comme l’a rappelé M. Vasselle. Je pense qu’il faudrait peut-être revoir cet arrêté et rendre cette liste évolutive, pour permettre l’inscription de quelques établissements qui ne sont pas encore répertoriés alors que l’on y a manipulé de l’amiante.
Je citerai un seul cas, celui de l’entreprise Arkema, dont j’ai déjà parlé à vos prédécesseurs : j’espère que vous serez le dernier ministre devant qui je l’évoquerai. Des salariés de cette société ont été mutés d’un site à un autre, dans le même département. Pourtant, ils ne pourront pas être reconnus comme victimes potentielles de l’amiante, car leur établissement d’origine ne figure pas sur la liste fixée par arrêté. Depuis la fermeture du site en 1998, ces salariés se battent pour obtenir cette reconnaissance. Il conviendrait donc que la liste que j’évoquais puisse être revue.
Je remercie la Haute Assemblée d’avoir permis que le statut de victimes soit reconnu aux travailleurs de l’amiante. Nous avons dit, lors du débat sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, que le degré d’évolution d’une société se mesure à la place qu’elle accorde aux femmes. Dans le même esprit, la grandeur d’une société se mesure à la place qu’elle sait faire aux victimes, quelles qu’elles soient, en l’occurrence quelle que soit la durée de l’exposition à l’amiante. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je me réjouis qu’ait pu être trouvée une solution tout à fait satisfaisante, me semble-t-il, au bénéfice des travailleurs de l’amiante. En guise d’épilogue à ce débat, je formulerai deux remarques.
D’une part, il faut toujours se méfier des renvois à des décrets ou à des arrêtés. L’expérience prouve en effet que les dispositions qui sont finalement adoptées sur proposition de l’administration sont toujours plus restrictives que nous ne l’envisagions au moment où nous légiférions. En cette matière, la prudence s’impose donc.
D’autre part, compte tenu de tous les problèmes que rencontre actuellement la France, il est absolument indispensable que chacun, à commencer par le Gouvernement, fasse preuve de souplesse. Nous avons eu un débat relativement long sur ces amendements ; il aurait été plus satisfaisant d’aboutir plus rapidement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. À défaut d’atteindre l’idéal, nous tâchons du moins d’être le moins injustes possible.
Les dangers de l’exposition à l’amiante, en particulier l’apparition d’un mésothéliome, étaient connus depuis longtemps ; pourquoi a-t-on tellement attendu ? Certaines pathologies sont peut-être moins médiatiques que d’autres et ne sont pas considérées comme prioritaires. Cette situation en appelle évidemment à notre responsabilité.
Cela étant, la discussion permet d’aboutir non pas à une ouverture spectaculaire, mais à des solutions tout à fait raisonnables.
Je retiendrai aussi que les meilleures intentions peuvent déboucher sur des effets pervers. Il faudra donc rester vigilants.
Sur un tel sujet, il ne suffit pas d’opposer à nos concitoyens la simple raison, qu’elle soit technique ou administrative, même si cela nous paraît juste. En effet, les problèmes doivent être envisagés dans leur globalité, avec leur dimension subjective, irrationnelle et affective. Si nous laissons de côté ces éléments, nos décisions seront marquées par une trop grande rigidité.
Le dialogue qui s’est amorcé nous a permis, fort heureusement, de nous réconcilier. Je souhaiterais que cet arc-en-ciel ne soit pas sans lendemain ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Je voudrais remercier les auteurs des deux amendements. Tout le monde pourra s’approprier cette avancée. Il est très bien que nous prenions tous conscience de la nécessité de prendre en compte la souffrance des victimes de l’amiante. La France a pris un certain retard sur ce sujet, et nous ne pouvons guère nous enorgueillir des petites avancées obtenues !
Cela étant, contrairement à Mme David, je suis prêt pour ma part à remercier M. le ministre ! (Sourires.) J’aimerais toutefois qu’il nous associe, ainsi que les collectifs représentant les victimes de l’amiante et les syndicats, à une réflexion visant à lever les réserves qu’il a évoquées, plutôt que de nous prendre de court par le dépôt impromptu d’un amendement. Ce n’est pas là une méthode de travail !
En tout cas, votons déjà ces amendements identiques, qui donnent en partie satisfaction !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le ministre, nous comprenons parfaitement votre volonté de ne pas être injuste et de ne pas laisser de côté un certain nombre de victimes potentielles. Vous nous dites qu’il faudrait, en quelque sorte, viser l’exhaustivité, sinon l’idéal, mais l’exercice est très difficile !
En tout état de cause, la commission des affaires sociales est tout à fait capable d’analyser les problèmes et de trouver un consensus sur des solutions adaptées.
En outre, comme l’a dit très justement M. About, la responsabilité politique est très fortement engagée sur des sujets aussi importants que celui-ci. Dans cette perspective, le Parlement est aussi apte que le Gouvernement à chercher la meilleure voie, au bénéfice de nos concitoyens.
Je tiens d’autant plus à l’affirmer que certains de vos propos m’ont laissé quelque peu dubitatif. Par exemple, fixer une durée minimale d’exposition à l’amiante n’est pas pertinent. Cette notion n’a aucune valeur heuristique ! Il suffit d’une seule piqûre de moustique-tigre pour attraper le chikungunya ! De nombreuses pathologies peuvent se développer après une très brève exposition au facteur de risque. Ce n’est pas ainsi que l’on doit appréhender le problème !
Or bien souvent, dans le cadre réglementaire, on se détourne de l’essentiel, à savoir apporter une réponse à la hauteur de l’enjeu humain, en raison de considérations annexes, toujours plus ou moins suspectes d’être inspirées par le souci de réaliser des économies.
Au sein de la commission des affaires sociales, nous essayons en permanence de mettre de côté nos divergences politiques pour nous concentrer sur la recherche d’une bonne réponse à de mauvaises situations, qui auraient dû être traitées plus tôt.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne vais pas sauter au plafond…
M. Jean-Claude Gaudin. Alors restez assis !
M. Jean-Jacques Mirassou. … parce que l’évidence a fini par s’imposer.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est cela, le débat parlementaire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je suis un peu surpris que, face à l’intelligence collective qui s’est déployée, M. le ministre se rallie finalement à ces amendements tout en émettant de forts doutes sur leur pertinence.
Monsieur le ministre, en déposant un amendement à la dernière minute, vous n’avez pas permis au Sénat de travailler correctement. En particulier, la commission des affaires sociales n’a pu débattre suffisamment de votre proposition. La loi a vocation à prendre en compte tous les cas de figure.
Bien sûr, nous voterons ces deux amendements. Un sujet aussi sensible justifie que, pour faire avancer les choses dans le bon sens, on aille au-delà des calculs millimétriques dont vous avez le secret, monsieur le ministre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
Un sénateur de l’UMP. On vote, maintenant !
Mme Michelle Demessine. Nous voterons ces amendements, parce qu’ils permettent de corriger, autant que faire se peut, les conséquences de votre réforme des retraites pour les victimes de l’amiante.
Je me réjouis que nous ayons eu un débat de qualité sur cette question. Nous le devons à l’excellent travail réalisé par la mission d’information dont le groupe CRC-SPG avait sollicité la création. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Son rapport avait donné pour la première fois aux victimes de l’amiante, que nous avions très largement entendues, le sentiment d’un début de compréhension du drame qu’elles vivaient.
Monsieur le ministre, vous avez retiré votre amendement. Cela me paraît très sage. Vous avez essayé, dites-vous, de parer à une possible injustice à l’égard d’autres catégories de personnes, mais je rappellerai que le dispositif mis en place pour les victimes de l’amiante est déjà un régime dérogatoire.
Hier, à l’Assemblée nationale, devant un assez grand nombre de parlementaires – les sénateurs, retenus ici par ce débat très important, étaient bien sûr peu représentés –, les veuves de victimes de l’amiante ont apporté leur témoignage. Permettez-moi de vous donner aujourd’hui lecture d’un extrait d’un courrier, resté hélas sans réponse, que l’une d’elles a adressé au Président de la République.
M. Jean-Claude Gaudin. Il va répondre !
Mme Michelle Demessine. « Claude, mon époux, a travaillé dès l’âge de 17 ans comme rondier, surveillant des installations pour cette grande entreprise nationale, EDF, dont il était si fier […].
« L’amiante l’a accompagné dans sa vie professionnelle, à son insu, comme à l’insu de milliers de travailleurs. Pour Claude, c’était d’abord la centrale thermique à flamme de Lourches […] puis les centrales nucléaires du Bugey et de Gravelines, où il a terminé sa carrière comme instructeur.
« Le 9 novembre 2005, le pneumologue m’annonce la maladie foudroyante de Claude, l’épouvantable, l’insupportable diagnostic : cancer bronchique primitif 30 bis consécutif à l’inhalation de poussières d’amiante.
« Cette invisible tueuse l’a frappé en quarante-deux jours ! Oui monsieur le Président, quarante-deux jours pour en mourir à 60 ans ! L’enfer pour toute la famille, mes enfants, Estelle et Aurore. Les toux sont interminables ; il faut aspirer les sécrétions bronchiques jour et nuit, à chaque instant, pour l’aider à respirer face aux crises d’étouffement ; l’oxygène en permanence, aucun répit pour le sommeil qui disparaît, les angoisses, les pleurs, la douleur de le voir souffrir.
« Je me disais que ce n’était qu’un cauchemar, mais la réalité ne nous a fait aucune concession, l’atroce était toujours le quotidien, il fallait faire face. Faire face aussi à la sécurité sociale de Calais, un mur d’incompréhension ; mon mari Claude est mort trop vite, ce ne pouvait pas être l’amiante !
« Dix mois après, le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles reconnaît la maladie professionnelle. C’est comme la silicose, on est reconnu quand on est mort. »
Je n’irai pas plus loin, mais la suite est encore plus dure. Je le dis très solennellement, de tels témoignages nous imposent un devoir de modestie, mais aussi et surtout de responsabilité. Nous devons nous défaire de toute arrogance.
Ces victimes attendent beaucoup de nous, de la représentation nationale. Elles ont demandé hier aux députés et aux sénateurs de constituer un groupe de travail commun pour mener une réflexion en lien avec les associations. Il s’agit de produire enfin des propositions qui permettront la tenue d’un vrai procès pénal de l’amiante, pour que l’impunité cesse de régner dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
J’ajouterai, pour conclure (Protestations sur les travées de l’UMP),…
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, madame Demessine !
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Si j’interviens de nouveau, c’est parce que j’ai entendu de la bouche de notre collègue Alain Vasselle des propos qui m’inquiètent : selon lui, la commission mixte paritaire pourrait arranger les choses…
Mes chers collègues, j’aimerais que le Sénat fasse savoir que la position qu’il va adopter dans un instant ne doit être ni déformée ni édulcorée.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je suis bien d’accord !
M. Roland Courteau. C’est clair !
M. Jean-Pierre Godefroy. M. Vasselle a indiqué en outre que, dans les entreprises concernées, le personnel administratif n’a pas été exposé à l’amiante. Il faut faire très attention : tout dépend des entreprises dont il s’agit.
Personnellement, j’ai été exposé à l’amiante à l’époque où je travaillais à la construction du Redoutable. Dans notre atelier, nous étions équipés de bottes en amiante, d’un tablier en amiante, de gants en amiante, d’un tapis de sol en amiante. Le chef d’atelier, les dessinateurs, les secrétaires partageaient nos locaux : les portes étant grandes ouvertes, la poussière d’amiante se répandait partout !
Bien sûr, il est possible que, au sein des entreprises figurant sur la liste fixée par arrêté, certains services n’aient pas été touchés. Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que l’on oppose une démarche collective à la prise en compte des cas individuels ; il faut un système mixte. Ainsi, les premières victimes – non indemnisées – de l’amiante ont été toutes ces femmes de ménage chargées de nettoyer les ateliers en fin de journée : elles ont été les premiers désamianteurs et en ont pris plein les poumons !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les entreprises d’intérim qui les employaient ayant disparu, elles ne peuvent donc faire valoir leurs droits !
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est donc nécessaire, outre la liste d’entreprises fixée par arrêté, de prévoir un accès individuel au dispositif. C’est d’ailleurs pour cette raison que la mission d’information avait préconisé la mise en place de comités de site, destinés à reconstituer les carrières des personnels touchés. Cette mesure n’a pas été mise en œuvre pour l’instant, et c’est bien dommage.
Monsieur le ministre, si nous nous sommes abstenus l’autre jour sur les dispositions relatives à l’instauration d’un carnet de santé au travail et d’une fiche d’exposition, c’est en raison des conditions de leur élaboration. À titre personnel, je considère pourtant que de tels outils permettraient de reconstituer plus facilement les carrières des travailleurs concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais indiquer que s’il apparaît nécessaire en commission mixte paritaire d’améliorer le dispositif dans le sens suggéré par M. le ministre, nous ne le ferons, le cas échéant, que dans le strict respect des intentions de MM. Godefroy et Dériot. (M. Jean-Pierre Fourcade applaudit.)
MM. Roland Courteau et Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera ces deux amendements pour deux raisons.
D’une part, leur adoption permettra d’améliorer considérablement le dispositif.
D’autre part, le présent débat fait honneur au Sénat. Croyez bien que nous ne boudons pas notre plaisir ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Comme vient de le dire M. Fortassin, ce débat et le travail réalisé par la mission d’information conduite par MM. Godefroy et Dériot honorent notre assemblée. La profondeur et la solidité de ce travail ont débouché sur des amendements qui ont été pris en considération non seulement par la commission, mais aussi par le Gouvernement.
J’indiquerai très clairement à M. Godefroy que le groupe UMP n’a pas l’intention de dire en commission mixte paritaire le contraire de ce qu’il a déclaré en séance publique.
M. Roland Courteau. C’est bien de le préciser !
M. Gérard Longuet. Nous partageons largement les convictions de notre collègue et je tiens à dissiper ses craintes, s’il en avait. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.)
Par ailleurs, j’ai écouté le témoignage livré par Mme Demessine avec d’autant plus d’attention que je suis l’élu d’une région industrielle, la Lorraine.
C’est justement parce qu’il y a des cas extrêmement douloureux que la position de M. le ministre est extraordinairement difficile. Il a en effet la mission de garantir que ceux qui souffrent le plus bénéficieront du maximum de moyens et d’éviter que ceux qui ne sont pas directement concernés ne deviennent les voyageurs clandestins d’un train qui ne leur est pas destiné.
Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir accepté ces amendements et reconnu le travail de la mission d’information. Je sais que votre seule volonté, en présentant l’amendement du Gouvernement, était de faire en sorte que la solidarité nationale profite pleinement à ceux qui en ont réellement besoin et ne soit pas inutilement dispersée.
Cela étant, vous avez raison, monsieur Godefroy : le sujet est d’une horrible complexité, qu’illustre parfaitement l’exemple des salariés intérimaires que vous avez cité. C’est la raison pour laquelle, madame Demessine, les moyens, nécessairement limités, doivent être accordés d’abord et avant tout à ceux qui relèvent avec une certitude absolue du dispositif.
Tel était l’esprit de votre intervention, monsieur le ministre. Je le comprends, et je vous remercie de vous être rallié à la position élaborée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 454 rectifié bis et 522 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés à l’unanimité.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 27 sexies A est ainsi rédigé. (Applaudissements.)
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. J’ai été vivement intéressé par les arguments de M. le ministre, ainsi que par les observations de M. Vasselle et de Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Il faudra en effet tirer profit du temps qui nous sépare de la commission mixte paritaire. Le dispositif que nous venons de voter ne vise que le régime général et ne règle pas du tout le cas des polypensionnés. Manifestement, notre rédaction de l’article 27 sexies A est donc imparfaite. Il est heureux que la CMP puisse encore nous permettre de l’améliorer, dans l’intérêt de tous ceux qui ont été exposés à l’amiante. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
titre v ter (suite)
Mesures relatives à l’épargne retraite
Article 32 quinquies
I. – Un régime de retraite supplémentaire à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale réservé par l’employeur à une ou certaines catégories de ses salariés ou aux personnes visées au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6 et au troisième alinéa de l’article L. 3324-2 du code du travail ne peut être mis en place dans une entreprise que si l’ensemble des salariés bénéficie d’au moins un des dispositifs suivants :
1° Plan d’épargne pour la retraite collectif prévu au chapitre IV du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail ;
2° Dispositif mentionné au b du 1 du I de l’article 163 quatervicies du code général des impôts ;
3° Contrat d’épargne retraite en application des articles 39, 82 ou 83 du code général des impôts.
II. – Lorsqu’un régime de retraite supplémentaire mentionné au premier alinéa du I existe dans l’entreprise à la date de promulgation de la présente loi, cette entreprise est tenue de mettre en place, au plus tard le 31 décembre 2012, pour l’ensemble de ses salariés, l’un des dispositifs prévus par les 1° à 3° du même I, sauf si le régime n’accueille plus de nouvelles personnes adhérentes à compter de sa date de fermeture lorsque celle-ci est antérieure à la promulgation de la loi n° … du … portant réforme des retraites.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l’article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 32 quinquies, que nous proposerons de supprimer, ne manque ni d’ironie ni de cynisme. Il tend en effet à légitimer la pratique des retraites chapeaux, dont chacun sait qu’elle profite à une poignée de dirigeants, en prévoyant explicitement qu’elle ne pourra exister, à l’avenir, que dans les entreprises ayant instauré un plan de retraite complémentaire collectif de type PERCO.
Prendre une telle mesure revient, ni plus ni moins, à justifier l’intolérable, les parachutes dorés, et l’inacceptable, l’atteinte au principe de la répartition.
Si nous sommes opposés aux systèmes de retraite par capitalisation, nous refusons tout autant les parachutes dorés, ces avantages exorbitants consentis à une poignée de cadres dirigeants, pour des montants sans mesure commune avec les salaires et éléments complémentaires de rémunération perçus par l’ensemble du personnel.
Le constat est clair : que vous cherchiez à augmenter le nombre de bénéficiaires des mécanismes de retraite complémentaires ou à légitimer les parachutes dorés, c’est toujours au détriment des régimes de retraite par répartition.
Les premiers à être alléchés par de tels dispositifs, nous le savons tous, ne sont pas les salariés ; ce sont les banquiers, les assureurs, les actionnaires, car ils savent que, avec le présent texte, les retraites seront appelées à baisser, à tel point que les salariés n’auront plus, espèrent-ils, d’autre choix que d’épargner, c’est-à-dire de capitaliser.
D’ailleurs, selon Aviva, sixième assureur mondial, les vingt-sept pays de l’Union européenne devront trouver 1 900 milliards d’euros afin d’assurer une retraite décente aux citoyens qui prendront leur retraite entre 2011 et 2051.
Toujours d’après Aviva, la France devra mobiliser 243 milliards d’euros à cette fin et le Français moyen sera tenu d’épargner 8 000 euros par an pour compléter sa retraite future. Cela représente une aubaine, certes, pour les assureurs, à condition que les salariés, ceux qui travaillent dans les usines, dans les entreprises, dans le secteur des services à la personne, puissent épargner autant : ce sera bien difficile…
En la matière, on ne peut pas compter sur la générosité des employeurs, puisque, comme vous le savez, les fonds de pension investis en bourse sont abondés par les salariés, selon leurs moyens, et par l’employeur, selon son bon vouloir. J’ajoute que les employeurs considèrent que l’abondement occasionnel par leurs soins du plan d’épargne retraite qu’ils imposent à leurs salariés suffit à justifier le gel des salaires, c’est-à-dire la baisse du pouvoir d’achat.
Si recourir à ce mécanisme est une façon discrète de transférer des fonds du système par répartition vers la capitalisation individuelle, cela constitue également un moyen de faire supporter aux salariés les risques des entreprises.
Selon une récente étude américaine, il manque 6 600 milliards de dollars aux Américains pour maintenir leur niveau de vie pendant leur retraite, soit 45 % du PIB des États-Unis. Les fonds de pension américains sont donc proches de l’abîme ; ceux des cent premières entreprises américaines accusent un déficit de 460 milliards de dollars. À ce jour, les retraités américains ne sont pas sûrs de recevoir le fruit de leur épargne. Que cela nous serve de leçon !
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement. (Mmes et MM. les sénateurs de l’opposition se lèvent.)
M. Jean-Pierre Bel. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà maintenant plus de quinze jours que nous débattons de ce texte.
M. Nicolas About. C’est bien !
M. Jean-Pierre Bel. Aujourd’hui, la France est inquiète, angoissée, bloquée. C’est le moins que l’on puisse dire. Cette situation, lourde de risques, est de la responsabilité du Gouvernement ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Jacqueline Panis. Non, de Ségolène Royal !
M. Jean-Pierre Bel. Il incombe au Gouvernement de s’exprimer. Mes chers collègues, nous en appelons solennellement au Président de la République. Par millions, les Françaises et les Français ont manifesté leur mécontentement, leur inquiétude, leur exaspération. À cette heure, les regards sont tournés vers le Parlement, où nous avons essayé d’instaurer un débat équilibré. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Vous avez tout bloqué !
M. Nicolas About. Obstruction !
M. Jean-Pierre Bel. Notre objectif était de défendre un projet de réforme alternatif,…
M. Alain Gournac. Non !
M. Jean-Pierre Bel. … car c’est cela aussi, la démocratie.
Dans une démocratie, il y a la démocratie sociale et la démocratie parlementaire.
Oui, bien sûr, nous sommes attentifs à ce que disent les manifestants dans la rue et les grévistes dans les entreprises.
Oui, nous sommes inquiets d’une situation de blocage qui, aujourd’hui, peut parfois faire craindre des évolutions que nous ne souhaitons pas. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Il est encore temps de s’adresser au Président de la République pour qu’il suspende les débats sur ce texte. (Non ! sur les travées de l’UMP.) Reprenons le chantier : des millions de Françaises et de Français attendent ce geste.
Mme Colette Giudicelli. Arrêtez votre obstruction !
M. Jean-Pierre Bel. Nous avons entendu également, dans les rangs de la majorité, des personnalités s’exprimer sur des points clés du texte, sur lesquels il y a matière à discuter, sur lesquels il est possible de faire bouger les choses.
Monsieur le ministre, je m’adresse, à travers vous, au Président de la République : saisissez ce moment, agissez avec sagesse, ne cherchez pas la confrontation, le conflit.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vraiment le monde à l’envers !
M. Jean-Pierre Bel. Il est encore possible, je le répète, de faire bouger les choses. Il est encore temps d’entendre les Français, qui attendent de vous que vous suspendiez les débats ! (Non ! sur les travées de l’UMP.) Ouvrez-vous à la discussion et à la concertation ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Les caméras sont là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souscris aux propos de mon collègue Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, et m’adresse à mon tour solennellement, au nom du groupe CRC-SPG, à nos collègues de la majorité et au Gouvernement.
Nous sommes les représentants du peuple. (Nous aussi ! sur les travées de l’UMP.) Bien entendu ! Quand je dis « nous », j’entends « nous les sénateurs » !
Aujourd’hui, le peuple, à une très forte majorité (Non ! sur les travées de l’UMP),… C’est ainsi, mes chers collègues ! Une large majorité du peuple, dis-je, refuse la réforme proposée par le Président de la République et le Gouvernement. Il est temps de l’entendre ! Il ne faudrait pas que le hiatus entre les parlementaires et le peuple demeure aussi grand qu’il l’est aujourd’hui.
M. Alain Gournac. Vous avez mis les jeunes dans la rue !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les organisations syndicales se comportent de manière responsable ! Elles n’appellent pas à mettre le pays à feu et à sang ! C’est le Président de la République qui prend la responsabilité d’inciter au désordre.
M. Jean-Claude Gaudin. Mais bien sûr…
M. Charles Revet. C’est vous qui avez appelé les jeunes à descendre dans la rue !
M. François-Noël Buffet. Cessez d’attiser le feu !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous ne faites que cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écoutez la demande raisonnable et légitime des organisations syndicales, rouvrez le dialogue ! Cela implique de suspendre la discussion du présent texte,…
M. Alain Gournac. Pas du tout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … de reprendre les négociations et de présenter un autre projet de réforme des retraites. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Pyromanes !
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour un rappel au règlement.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà plus d’une centaine d’heures que, avec application et dignité – c’est la fierté du Sénat –, nous discutons de ce projet de loi portant réforme des retraites.
À l’évidence, nous ne sommes pas entendus. Le peuple français manifeste de façon récurrente et nous indique clairement – ce serait être autiste que de ne pas l’entendre (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP) – que cette réforme lui paraît injuste et inadéquate.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais non !
M. Pierre Hérisson. C’est votre avis !
M. Yvon Collin. Je me joins donc à M. Bel et à Mme Borvo Cohen-Seat pour en appeler à la sagesse du Gouvernement et du Président de la République : il faut éviter le blocage du pays.
Nous sommes dans une situation très tendue et dramatique. Il me semble que la sagesse serait de suspendre nos travaux,…
M. Pierre Hérisson. Non !
M. Yvon Collin. … de remettre les choses à plat,…
M. Alain Gournac. Non !
M. Yvon Collin. … de réunir autour d’une table tous les partenaires, de rétablir un vrai dialogue. Ce n’est qu’ainsi que nous donnerons véritablement sa chance à une grande réforme des retraites dans notre pays, parce que nous avons effectivement besoin de réformer le système des retraites.
M. Charles Revet. Nous sommes en train de le faire !
M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous entendiez. C’est une parole de sagesse que nous vous adressons, il ne s’agit pas de faire de la démagogie. (Si ! sur les travées de l’UMP.) Il est encore temps de nous écouter ! (Applaudissements prolongés sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Longuet. Tout d’abord, je prierai mes collègues de l’opposition de bien vouloir s’asseoir… (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel cinéma !
M. Gérard Longuet. Au nom du groupe UMP, je souhaiterais m’adresser à M. Woerth, et à travers lui à l’ensemble du Gouvernement.
Nous sommes particulièrement fiers, au sein de la majorité, de participer à l’élaboration d’une réforme qui donnera à notre pays une chance sérieuse de régler enfin un problème dont l’origine remonte à 1982 et qui n’a jamais été traité de manière approfondie, alors que les gouvernements successifs avaient pourtant jugé indispensable de le faire.
Je rappellerai que, en 1982, M. Pierre Mauroy, alors Premier ministre, avait procédé par ordonnances.
Mme Annie David. Nous le savons !
M. Gérard Longuet. À cette époque, ni l’Assemblée nationale ni le Sénat n’avaient été mis en mesure d’évaluer toutes les conséquences d’une réforme nécessairement populaire, mais dont le financement n’avait pas été assuré.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel dommage !
M. Gérard Longuet. Il a fallu attendre 1991 pour que le Premier ministre Michel Rocard pose publiquement le problème en commanditant un Livre blanc, dont les recommandations ont été mises en œuvre pour la première fois par la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale, sur l’initiative du Premier ministre Édouard Balladur.
Le Premier ministre Lionel Jospin avait lui aussi établi le même diagnostic et ressenti la même nécessité de faire bouger les choses. Il avait d’ailleurs, avec beaucoup de prudence, créé deux nouveaux instruments : le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, et le Conseil d’orientation des retraites, le COR.
Les gouvernements ayant succédé au sien, qui n’étaient pas de la même orientation politique, ont eu le courage, quant à eux, de passer à l’action, sous l’égide de M. François Fillon en 2003,…
M. Jean-Marc Todeschini. Sans mandat !
M. Gérard Longuet. … puis en 2007, alors que celui-ci était devenu Premier ministre.
Aujourd’hui, nous devons assumer notre responsabilité de parlementaires. Nos trois collègues présidents de groupe de l’opposition ont évoqué la démocratie sociale ; elle est permanente. Dans l’histoire sociale française, les débats sociaux ont toujours été ouverts. Une loi fût-elle votée, rien n’interdit le débat, le dialogue, l’approfondissement, les compléments par voie de convention collective ou, naturellement, les propositions de programme politique.
Notre système politique est construit autour d’institutions issues du suffrage universel. Cette réforme est pour nous une source de fierté : en demandant aux Français de fournir un effort en partant deux ans plus tard à la retraite, elle place face à ses responsabilités ce vieux pays qui n’assume que trop rarement des réformes qu’il invoque volontiers.
À brève échéance, le suffrage universel se prononcera, à l’issue d’un débat politique : les élections présidentielles auront lieu au printemps de 2012, et seront immédiatement suivies des élections législatives.
Nous ne sommes ni des masochistes ni des pervers. Nous n’avons pas la volonté de nous faire des ennemis pour le plaisir ; nous avons simplement un sens profond des responsabilités,…
M. Roland Courteau. Nous aussi !
M. Gérard Longuet. … et nous ne voulons plus que le pays se paie de mots et s’offre des dépenses sociales qu’il n’est pas capable de financer, léguant ainsi aux générations à venir les factures de sa propre lâcheté ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Il y a autre chose à faire !
M. Gérard Longuet. Nous ne serons pas la génération de la lâcheté ! Nous ne serons pas la majorité de l’impuissance ! (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP se lèvent et applaudissent.) Nous ne serons pas la majorité de la facilité, la majorité de la résignation,…
M. Jean-Jacques Mirassou. La majorité des nantis !
M. Gérard Longuet. … ni, comme vous l’avez été trop souvent, la majorité du mensonge ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Nouveaux applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Provocateur !
M. Gérard Longuet. Lorsque les Français seront appelés à s’exprimer, au printemps de 2012, nous aurons la fierté de nous présenter devant eux avec un programme, un bilan et un témoignage de notre esprit de responsabilité. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Acte est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne suspendrons pas les débats. Quelle drôle d’idée ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Si votre vision de la politique consiste à toujours demander des moratoires, à remettre les décisions à plus tard,…
M. Roland Courteau. Vous ne voulez rien écouter !
M. Éric Woerth, ministre. … cela dénote une façon singulière d’exercer sa responsabilité ! Quand des problèmes se posent, il faut essayer de les régler. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est ce que nous faisons.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous faites le contraire !
M. Éric Woerth, ministre. Notre devoir à l’égard des Français et de la France est de faire évoluer notre système des retraites, de le réformer, tout simplement pour en garantir la pérennité. Une telle réforme est nécessaire pour les générations futures,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Mais pas celle que vous proposez !
M. Éric Woerth, ministre. … il ne suffit pas d’un moratoire, d’une nouvelle commission ou de faux-semblants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne confondons pas le dialogue social et la démocratie politique. Nous sommes allés au bout du dialogue social lors de la préparation du projet de loi. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ce texte n’est pas tombé tout fait du ciel ! Il est le fruit d’un long dialogue…
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce ne sont pas des négociations !
M. Éric Woerth, ministre. … avec les organisations syndicales, les partis politiques, les Françaises et les Français. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Quel bon texte !
M. Éric Woerth, ministre. Il a d’ailleurs considérablement évolué. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Pas du tout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, et vous le savez bien !
M. Éric Woerth, ministre. Il a évolué dix-huit fois depuis son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale. Dix-huit mesures représentant plusieurs milliards d’euros ont été décidées par le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat pour, encore et toujours, améliorer le texte.
Nous ne confondons pas non plus la démocratie politique et ce qui se passe dans la rue. Nous ne travaillons pas sous la pression de la rue. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Vous travaillez pour qui ?
M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas ainsi que fonctionne une démocratie ! Nous ne confondons pas le droit de grève avec le droit de blocage ou le droit d’incendier.
M. Claude Bérit-Débat. Nous non plus !
M. Éric Woerth, ministre. Il y a des limites à ne pas franchir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écoutez ce que disent les Français !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement fera respecter l’ordre public, gage de liberté pour tous.
La démocratie politique française est bien vivante. Nous le voyons d’ailleurs aujourd’hui encore dans cette enceinte. La démocratie politique s’exprime par les élus, tant à l’Assemblée nationale que maintenant au Sénat, depuis bientôt trois semaines, sur un texte dont nous discutons de manière très approfondie.
Viendra le moment où le débat s’achèvera et où le Sénat votera sur l’ensemble du texte : ce sera l’expression non pas de la rue, mais de nos institutions !
Pour notre part, nous sommes attentifs aux retraités de ce pays, actuels et futurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Aux retraites chapeaux !
M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes attentifs aux jeunes Français, qui disent vouloir bénéficier du même système de protection sociale que nous. Or, vous voudriez leur transférer la charge du financement, sans jamais accepter que les générations précédentes consentent des efforts !
Nous sommes attentifs à assumer les responsabilités qui sont les nôtres. Toujours remettre à plus tard, toujours reporter les efforts sur les autres, c’est votre solution, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ce n’est pas la nôtre !
L’enjeu de cette réforme est très important. Il faut avoir le courage politique de réformer ce qui doit l’être. C’est difficile. Vous n’avez jamais fait de réforme difficile ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Vous êtes les spécialistes de la réforme facile ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) C’est ainsi ! Nous avons attendu en vain que vous engagiez une réforme des retraites lorsque vous étiez au pouvoir, alors que cela était nécessaire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. David Assouline. Et la retraite à 60 ans ?
M. Éric Woerth, ministre. Pour notre part, nous nous sommes attelés à une telle réforme. Ce qui est en jeu, c’est l’avenir de nos retraites,…
M. David Assouline. Vous n’avez rien fait pour l’avenir !
M. Charles Gautier. C’est une honte !
M. Éric Woerth, ministre. … l’image de la France dans le monde (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), la capacité de notre pays à évoluer. Nous devons vaincre nos vieux démons, ceux de l’immobilisme ! Nous devons savoir résister à la tentation de l’immobilisme, car c’est certainement ce qui peut le plus affaiblir notre pays !
Puisque vous avez adressé des requêtes à la majorité et au Président de la République – je les lui transmettrai, bien évidemment –, je vous demande, à mon tour, de garder votre calme ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Gardez votre sérénité ! Ne persistez pas dans cette fuite en avant ! Je vous demande enfin de faire preuve de responsabilité, notamment à l’égard des générations futures. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait trois semaines que nous sommes là !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Bel. Nous avons entendu les discours invariables de M. Longuet et de M. le ministre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les demandes présentées, dans la sérénité et le calme, par les présidents des groupes dits d’opposition n’ont pas été prises en considération.
M. Nicolas About. On vous a écoutés, et vous n’en avez pas fait autant !
M. Jean-Pierre Bel. Nous nous adressons donc directement au Président de la République.
Madame la présidente, je demande une suspension de séance. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Non !
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Je ne souhaitais pas répondre, considérant que l’opposition n’a pas à nous sommer de nous expliquer. Voilà déjà plus de quinze jours que l’opposition fait traîner le débat… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Laissez-moi parler ! Qu’est-ce que c’est que ces méthodes ? Quand M. le ministre parle, vous hurlez ! Quand nous parlons, vous hurlez ! Ne pourriez-vous pas avoir la courtoisie de vous taire ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Quand on prétend diriger un jour un pays, on commence par apprendre la politesse ! (Mêmes mouvements.)
J’indiquerai simplement que nous souhaitons que ce débat se poursuive, afin que nous puissions réellement mettre en œuvre cette réforme indispensable.
M. Marc Daunis. Fayot !
M. Nicolas About. Nous souhaitons cette réforme pour garantir la pérennité du système des retraites et assurer véritablement les retraites des Français. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’associe à la demande de suspension de séance présentée par M. Bel…
M. Alain Gournac. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chers collègues de la majorité, vous êtes de véritables provocateurs ! (Rires sur les travées de l’UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Absolument ! En réalité, vous refusez, comme le Gouvernement d’ailleurs, un véritable débat sur le contenu qu’il faut donner à la réforme des retraites ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Vous voulez imposer votre réforme des retraites, celle dont le peuple ne veut pas ! Voilà la réalité ! (Mêmes mouvements.)
4
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d’Éthiopie
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de la Chambre de la Fédération d’Éthiopie, conduite par Mme Dimitu Anbisa. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que cette jeune démocratie porte à notre institution.
Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que le séjour de nos collègues en France contribue à établir des liens d’amitié entre nos deux pays, et je leur souhaite la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour dix minutes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Ce n’est pas assez ! Nous avions demandé quinze minutes !
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Au cours du débat qui a précédé la suspension de séance, chaque groupe a pu s’exprimer. En tant que non-inscrit, j’avais moi aussi demandé la parole, et je déplore que l’on ne me l’ait pas donnée. Les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe ont pourtant les mêmes droits que les autres, et je trouve regrettable qu’ils soient traités, en l’occurrence, de manière un peu désinvolte.
Mme la présidente. Permettez-moi de vous faire observer, monsieur Masson, que ce sont les présidents de groupe qui se sont exprimés tout à l’heure.
M. Jean-Claude Gaudin. Il peut le devenir ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès. Je demande la parole pour un rappel au règlement, madame la présidente.
Mme la présidente. Sur quel article fondez-vous votre demande, madame Demontès ?
M. Jean-Pierre Sueur. Sur l’article 35 !
Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, je n’ai pas pour habitude d’abuser du temps qui m’est imparti !
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas sûr !
Mme la présidente. Je vous donne la parole pour un rappel au règlement, madame Demontès, mais je vous prie d’aller à l’essentiel.
Mme Christiane Demontès. Notre pays vit une très grave situation de crise. Cela est déjà arrivé dans notre histoire, mais, chaque fois, le Président de la République et le Gouvernement ont réussi à ouvrir des espaces de dialogue.
Dès lors, je demande de nouveau très solennellement que les travaux du Sénat soient suspendus (« Non ! » sur les travées de l’UMP)…
M. Roland Courteau. Elle a raison !
Mme Christiane Demontès. … le temps nécessaire et que le Président de la République prenne l’initiative de réunir autour d’une table l’ensemble des partenaires sociaux…
M. Jean-Pierre Fourcade. Non !
M. Charles Revet. Il n’y a plus de caméra, ce n’est plus la peine !
Mme Christiane Demontès. … pour qu’ils trouvent ensemble des solutions, car, manifestement, le dialogue, contrairement à ce que dit M. le ministre, n’est pas allé à son terme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la sénatrice, les travaux du Sénat viennent d’être suspendus pendant dix minutes, cela semble tout à fait suffisant. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Tous les salariés apprécieront : dix minutes pour le dialogue social, c’est suffisant !
Mme Annie David. C’est indigne !
Mme la présidente. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
Article 32 quinquies (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion des articles, nous reprenons l’examen de l’article 32 quinquies.
La parole est à M. Robert Navarro, sur l'article.
M. Robert Navarro. En tant que jeune sénateur, le début de la séance de cet après-midi m’a intéressé, car il m’a donné l’occasion de voir un visage du Sénat que je ne connaissais pas encore. Avant d’aborder l’article 32 quinquies, je voudrais faire part de mes réflexions à cet égard.
La France va très mal en ce moment. Les incidents se multiplient, et il y a un risque, que l’on ne peut plus écarter, que des citoyens français – manifestants, membres des forces de l’ordre, lycéens, étudiants, « casseurs » – soient victimes d’un accident grave.
Élus de terrain, nous avons tous ici le souvenir des émeutes dans les banlieues. Ces violences sont inacceptables, et je les condamne ! Mais il est de notre devoir politique d’éviter d’accentuer les tensions et de semer les raisins de la colère.
Monsieur le ministre, il est encore temps, me semble-t-il, d’éviter une crise dramatique. Je ne cherche pas à vous en rendre responsable par avance ; je souhaite que nous trouvions ensemble une solution pour garder notre pays du pire.
Aujourd’hui, cette nuit ou demain, nous aborderons l’article 33, qui fixe le calendrier de mise en œuvre de votre réforme. Rien ne vous empêche de reporter à l’après- présidentielle de 2012 l’application de tout ou partie de la loi ; le calendrier prévu montre que nous ne sommes pas à quelques mois près ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
La loi pourrait ainsi être votée et nous pourrions aller sur le terrain tenter de ramener le calme tant qu’il en est encore temps. De toute façon, monsieur le ministre, le sujet n’est pas clos : il sera, avec la réforme fiscale et les politiques en faveur de l’emploi, au cœur de la campagne présidentielle de 2012.
Nous avons tous à gagner à une modification du calendrier : le coût économique est marginal, voire nul, si l’on prend en compte les conséquences du conflit qui se dessine. Ne prenons pas le risque d’avoir un mort sur la conscience ! (Murmures sur les travées de l’UMP.) Vous avez encore quelques heures pour envisager cette solution.
En ce qui concerne maintenant l’article 32 quinquies, il conditionne la mise en place de régimes de retraite supplémentaires à prestations définies pour certaines catégories de salariés dans les entreprises à l’existence de PERCO ou de contrats d’épargne retraite.
Ces régimes de retraite concernent très peu de Français, le plus souvent des cadres dirigeants de grandes entreprises, le plus médiatique de ces régimes exceptionnels étant celui des retraites chapeaux. Cet article vise à inciter les cadres dirigeants qui souhaitent continuer à en bénéficier à mettre en place un PERCO ou un contrat d’épargne retraite. L’objectif affiché de votre projet de loi est de sauver la retraite par répartition, à laquelle je suis particulièrement attaché. J’ai bien peur que prendre des mesures qui renforcent les régimes de retraite par capitalisation n’entre en contradiction avec cet objectif théorique ! Je souhaite donc la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Je profiterai de ce temps de parole pour dire ce que je n’ai pas pu exprimer tout à l’heure.
Dans une démocratie parlementaire, c’est au Parlement de délibérer ; nous n’avons pas à céder à la pression de la rue. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous ne sommes plus à l’époque de la Terreur, quand des individus montaient sur les estrades pour menacer les représentants du peuple !
M. Jean-Jacques Mirassou. On n’en est pas là !
M. Jean Louis Masson. Quelle que soit la position que l’on puisse avoir sur le fond – pour ma part, je n’approuve pas sans réserves, tant s’en faut, le texte qui nous est soumis –, il faut respecter la démocratie. (M. David Assouline s’exclame.) Jusqu’à nouvel ordre, la France est une démocratie parlementaire.
S’agissant de l’article 32 quinquies, je suis très réservé sur la pratique des retraites chapeaux. Or cet article tend à la moraliser quelque peu, en prévoyant de donner un petit quelque chose aux salariés de base pour la rendre un peu moins critiquable.
Les retraites chapeaux devraient, me semble-t-il, être soumises au régime général et pleinement fiscalisées. Monsieur le ministre, si ce texte comportait un certain nombre de mesures plus sociales et plus équitables, il y aurait peut-être moins de monde dans la rue. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Charles Gautier. On parle bien de la même chose !
M. Jean Louis Masson. J’assume tout à fait ces propos ! Une mesure stricte d’encadrement des retraites chapeaux aurait peut-être permis de mieux faire admettre à la population le passage à 62 ans de l’âge légal de la retraite.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.
M. Jean-Pierre Fourcade. La politique du tout ou rien n’est pas bonne ! Tout le monde a pu constater que certaines personnes s’étaient octroyé des retraites chapeaux scandaleuses, d’un montant extrêmement élevé.
Mme Raymonde Le Texier. Il y en a toujours !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cet article prévoit qu’il ne pourra désormais y avoir de retraites chapeaux que dans la mesure où tous les salariés de l’entreprise en question pourront bénéficier d’un système de retraite complémentaire, tel que le PERCO ou tout autre contrat d’épargne. (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Vous déplacez le problème !
M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà un point tout à fait intéressant dans le débat qui nous oppose, mes chers collègues.
En effet, il est impossible de supprimer les retraites chapeaux, car nous sommes dans une économie mondialisée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Ah, nous y revoilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. Si nous interdisions les retraites chapeaux, il est évident que la plupart de nos grandes entreprises installeraient leur siège social à l’étranger. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Raymonde Le Texier. N’importe quoi ! C’est inacceptable !
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous raisonnez en termes franco-français, en occultant complètement les problèmes que nous devons affronter sur le plan international !
Pour ma part, je considère que cet article tend à moraliser les retraites chapeaux, en généralisant les régimes de retraite supplémentaire à l’ensemble des salariés de l’entreprise. Votre volonté de supprimer cet article montre bien que vous refusez d’entrer dans une perspective d’ouverture sur le monde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous en restez au discours franco-français type 1950 amélioré ! Ce n’est pas notre position ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)
M. Roland Courteau. N’importe quoi !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, rien n’a été épargné aux Français. Le Gouvernement leur a imposé de travailler plus longtemps ; il a raboté le niveau des pensions ; il a renforcé les inégalités entre les hommes et les femmes. Bref, malgré leur mobilisation massive, encore constatée aujourd'hui, les Français devront faire face à une régression sociale sans précédent.
Nous avons eu l’occasion de dénoncer, tout au long de ce débat, les arguments fallacieux qui ont été avancés pour faire croire, contre toute évidence, que ce texte était juste.
Pourtant, avec l’article 32 quinquies, on franchit un pas supplémentaire dans le cynisme. Que prévoit-il ? En substance, les dirigeants devront mettre en place dans leur entreprise un PERCO ou un contrat d’épargne retraite s’ils veulent conserver leurs retraites chapeaux.
A priori, on pourrait donc se dire, monsieur Fourcade, que cette mesure constitue une avancée pour les salariés, qui devraient désormais bénéficier d’un PERCO ou d’un contrat d’épargne. Mais, en réalité – et c’est là que cet article est proprement stupéfiant, voire scandaleux ! –, ce n’est rien d’autre qu’une concession faite aux salariés pour préserver les avantages des dirigeants.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et voilà !
M. Claude Bérit-Débat. On marche sur la tête !
M. Jean-Jacques Mirassou. Sur le chapeau ! (Sourires.)
M. Claude Bérit-Débat. Oui, et on le mange !
Avec ce dispositif, la mise en place d’un PERCO pour les salariés deviendrait une condition à l’attribution de retraites supplémentaires aux dirigeants, presque une formalité. À mes yeux, cet article est sous-tendu par une logique perverse, car il lie deux éléments qui n’ont rien à voir ensemble : les PERCO et les contrats d’épargne retraite des salariés sont une chose ; les pensions surcomplémentaires des patrons en sont une autre !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet article n’a, en réalité, qu’un objet, celui de légitimer des pratiques que la morale, l’opinion et même la justice – je pense à la décision de la Cour de cassation dans l’affaire Daniel Bernard – réprouvent. Ici, il s’agit ni plus ni moins de concéder aux salariés quelques petits avantages pour mieux asseoir les grands privilèges des patrons.
M. Gérard Le Cam. Très bien ! C’est exact !
M. Claude Bérit-Débat. C’est une logique que je dénonce. Les pratiques comme celle des retraites chapeaux doivent être étroitement encadrées : elles doivent être strictement définies et, surtout, elles doivent conserver un caractère socialement acceptable, voire être supprimées dans certains cas. Les lier aux régimes de retraite des salariés ne changera rien à leur nature intrinsèque.
Une fois de plus, vous voulez nous faire croire, monsieur le ministre, à des avancées, …
M. Roland Courteau. Eh oui ! Encore une fois !
M. Claude Bérit-Débat. … mais vous favorisez en fait les positions acquises et les rentes de situation.
Au mois de juin dernier, vous estimiez, monsieur le ministre, qu’il serait judicieux que les patrons donnent l’exemple en consentant les premiers des efforts. Quant au Premier ministre, il considérait qu’un mécanisme consistant à faire financer les retraites de quelques hauts dirigeants par une entreprise n’était « pas acceptable ». Ces bonnes paroles ont laissé place à l’inénarrable « finalement, ce n’est pas mal à condition que… »
Pour ma part, je ne vois pas où est l’équité dans ce dispositif, ce qui me pousse à demander sa suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l'article.
M. Martial Bourquin. Cette réforme des retraites n’était pas prévue, le Président de la République ayant lui-même déclaré qu’il ne la ferait pas, du moins pas de cette façon-là.
Par ailleurs, un événement très significatif vient de se produire : la création d’un nouveau groupe financier par la fusion du groupe CNP Assurances et du groupe Malakoff Médéric. On est en droit de se demander si cela ne prépare pas le dynamitage du système des retraites par répartition. En effet, est-ce une coïncidence si la mise en place de ce nouveau groupe, qui sera dirigé par M. Guillaume Sarkozy en personne, intervient en même temps qu’est menée avec une fermeté inouïe, qui confine à la fermeture, la présente réforme des retraites ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Claude Bérit-Débat. Mais non !
M. David Assouline. Comme par hasard !
Mme Éliane Assassi. Une fusion avec le monde de la finance !
M. Martial Bourquin. N’est-ce pas là une manière de préparer le dépassement ou le dynamitage de la retraite par répartition ? Nous sommes en droit de nous interroger.
Hier, M. le ministre a dit vouloir sauver le système des retraites par répartition. Mais je me souviens d’une promesse du Président de la République selon laquelle GDF resterait une entreprise publique…
M. Roland Courteau. Eh oui, il l’a dit !
M. Martial Bourquin. Il l’a dit et répété sur tous les tons, pour finir par la privatiser !
Selon certaines sources, la mise en place d’un fonds de pension à la française représenterait un marché de 40 milliards à 110 milliards d’euros ! On sait ce que sont les fonds de pension : l’argent des salariés servira à financiariser au maximum l’économie.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Martial Bourquin. Avant de vous lancer dans cette aventure, rappelez-vous l’affaire Enron !
Hier, notre collègue Jean-Pierre Sueur a posé des questions extrêmement précises. Votre attachement proclamé à la retraite par répartition et ces ouvertures ménagées par le texte visant à la mise en place d’un système par capitalisation ne cachent-ils pas la fin programmée du système des retraites par répartition ?
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Martial Bourquin. Nous sommes en droit de nous poser cette question.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. Martial Bourquin. Tout cela pourrait expliquer votre attitude de fermeture dans ce débat sur les retraites, votre opposition à toute nouvelle négociation,…
Mme Nicole Bricq. La fermeture est claire ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin. … l’objectif étant de mettre rapidement en place un système par capitalisation, au bénéfice de certains acteurs de la sphère financière qui s’y sont préparés.
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Martial Bourquin. Telles sont les questions que nous nous posons ; elles méritent quelques éclaircissements.
Tout à l’heure, M. Longuet a évoqué une « majorité responsable ». Mais l’est-elle lorsqu’elle mène cette réforme des retraites tout en maintenant le bouclier fiscal ? Nous sommes en droit d’estimer que cette réforme n’est pas juste !
Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il fallait avoir un esprit de dialogue, mais il ne faut pas dialoguer simplement entre soi, il faut aussi échanger avec le peuple et avec ses contradicteurs ! Au vu des nouveaux éléments apportés au débat, on pourrait rouvrir les négociations avec les organisations syndicales et engager de nouvelles discussions au Parlement pour améliorer le texte qui nous est proposé.
Ce projet de loi comporte le risque, et même le danger, d’une introduction de la retraite par capitalisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.
M. François Fortassin. Il s’agit là d’un dispositif extrêmement important.
Qu’attendent aujourd'hui nos concitoyens, sinon un signe d’espoir ? Ils considèrent, monsieur le ministre, que les mesures que vous proposez sont profondément injustes, …
Mme Éliane Assassi. En effet !
M. François Fortassin. … inéquitables, inacceptables, voire scandaleuses ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.) Quelles que soient nos sensibilités, nous avons tous conscience qu’une réforme est indispensable.
M. Christian Cointat. Ah, quand même !
M. François Fortassin. Mais encore faut-il que cette réforme, quelle qu’elle soit, soit acceptée par la population ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Et qu’elle soit juste !
M. François Fortassin. Pour ce faire, il ne faut pas désespérer les plus fragiles de nos concitoyens.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas non plus les exaspérer !
M. François Fortassin. On ne doit pas avoir le sentiment que ceux-ci paieront pour les personnes aisées, quelquefois même fortunés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les nantis !
M. François Fortassin. Mes chers collègues, vous dites avoir le sens des responsabilités ! Dont acte, cela vous honore, mais vous êtes bardés de certitudes !
M. Jean-Claude Gaudin. Vous aussi !
M. François Fortassin. Écoutez le pays ! Un parlementaire ne se déshonore pas en acceptant des compromis. Vous avez aujourd'hui la possibilité de revoir un certain nombre de choses. Écoutez ce qui se dit dans la rue, dans nos campagnes, dans nos villes ! Nos concitoyens ont de plus en plus le sentiment que, dans ce pays, la seule réussite et le seul espoir possibles, c’est de devenir riche !
Vous avez dit que le bouclier fiscal n’était plus un tabou. C’est très bien, mais il faudra passer aux actes, car, avec ce bouclier fiscal, que vous le vouliez ou non, vous vous êtes tiré une balle dans le pied ! N’amochez pas l’autre ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je relève une confusion très préjudiciable dans ce que vous proposez.
On nous a répété à satiété que la retraite par répartition sera préservée. En outre, ceux qui le veulent pourront recourir aussi à l’épargne retraite, ce qui relève d’un choix volontaire.
Or, en prenant en compte les mesures qui ont été adoptées, hélas ! cette nuit, il y aura l’épargne retraite obligatoire, un choix forcé. Qu’on le veuille ou non, un certain nombre de prestations seront versées sous cette forme. Voilà la première confusion que vous faites.
Ensuite, la participation, avec le système bizarre que vous instaurez, sera automatiquement affectée à l’épargne retraite obligatoire si l’on omet de prendre un certain nombre de précautions. Nous ne comprenons pas votre logique, et nous ne discernons pas très bien quelle clarté pourrait jaillir d’une telle confusion !
Et voilà que, au présent article 32 quinquies, vous créez une sorte de mécanisme permettant de lier les retraites chapeaux et l’épargne retraite. Ainsi, la mise en place d’un système de retraite chapeau sera conditionnée à la création d’un régime d’épargne retraite.
Non seulement l’épargne retraite sera obligatoire, mais elle absorbera la participation et même, tout simplement, une partie des revenus ! Quelqu’un est-il en mesure d’exposer la rationalité d’un système aussi compliqué, pour ne pas dire tarabiscoté ? Mais ce que l’on ne dit pas, c’est que toutes ces mesures remettent en cause la retraite par répartition, même si vous vous échinez à prétendre le contraire, monsieur le ministre !
Par ailleurs, vous créez entre les retraites chapeaux et l’épargne retraite obligatoire un lien tout à fait pervers. Or, nous ne cessons de vous le dire, les Français ne veulent pas d’une réforme injuste. N’entendez-vous donc pas cette exigence qui monte aujourd’hui de toute la population de ce pays ? Ils en ont assez des retraites chapeaux, du bouclier fiscal, des revenus financiers exorbitants, des stock-options, etc. ! Les Français n’admettent pas un tel étalage, alors que la contribution des bénéficiaires du bouclier fiscal au financement de votre réforme des retraites sera réduite à une quasi-aumône !
Aujourd’hui, plutôt que de céder à la tentation de vous obstiner, enfermé dans la certitude d’avoir raison, la sagesse commanderait, je vous l’assure, de se réunir autour d’une table pour déterminer quelles dispositions pourraient rendre plus juste cette réforme des retraites.
Mais, au lieu de cela, vous associez retraites chapeaux et épargne retraite obligatoire. Franchement, tous ceux qui sont dans l’inquiétude et la difficulté ne sauraient comprendre cela ! On peut toujours améliorer les choses, mais il faut savoir écouter. Messieurs les ministres, nous vous le disons depuis le début de ce débat, la politique du pire est la pire des politiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’utiliserai pas les cinq minutes de temps de parole qui me sont imparties : certains de mes collègues se sont déjà exprimés, et moi-même suis souvent intervenu dans ce débat. Je ne vais donc pas répéter ce qu’eux ou moi avons déjà pu dire.
J’indiquerai simplement que, s’agissant de cet article 32 quinquies, nous sommes dans une situation irréelle : …
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je suis d’accord !
M. Claude Domeizel. … nous parlons dans cet hémicycle des retraites chapeaux alors que ceux qui les rejettent manifestent justement à quelques dizaines de mètres du Sénat, rue de Vaugirard…
M. Robert del Picchia. Il n’y a personne !
M. Claude Domeizel. Mon expérience à la fois personnelle, professionnelle et d’élu local m’a appris que, dans des situations difficiles – certes moins tendues que la situation actuelle… –, il fallait toujours faire preuve d’humilité, sortir du schéma « j’ai raison, tu as tort » et, surtout, toujours laisser une porte ouverte. C’est ce qu’ont demandé tout à l’heure les présidents du groupe CRC-SPG, du groupe socialiste et du groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Cet article 32 quinquies légitime les retraites chapeaux.
Je m’exprimerai sur le fond tout à l’heure, en présentant mon amendement de suppression. En cet instant, je souhaite m’adresser à notre collègue Jean-Pierre Fourcade, qui nous a expliqué que la pratique des retraites chapeaux se justifiait par la nécessité d’être ouvert au monde. Ainsi, une fois de plus, on nous affirme que si nous n’alignons pas sur des pratiques en vigueur hors de nos frontières, nous nous exposerons à des délocalisations.
Hier, on dénonçait une fiscalité française trop lourde pour les entreprises, des normes sociales trop protectrices, notamment en matière de conditions de travail, des normes environnementales trop strictes… Chaque fois, il faudrait en faire moins pour éviter les délocalisations !
Aujourd’hui, on nous affirme que nous ne pouvons pas nous passer de retraites chapeaux, toujours à cause des risques de délocalisations.
Demain, on nous expliquera probablement qu’il faut supprimer notre système de protection sociale, sous le prétexte qu’il n’en existe pas de tel dans le reste du monde !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ou les congés payés !
M. Jacques Muller. Pour l’heure, en tout cas, c’est le système de retraite par répartition qui est dans le collimateur !
En vous écoutant, monsieur Fourcade, j’ai acquis la conviction que vous soutiendriez l’amendement que nous déposerons cette nuit (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP), visant à aligner la retraite des parlementaires sur celle du régime général. En effet, il n’y aura pas de risque de délocalisation en l’occurrence ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui sait ?
M. Jacques Muller. Monsieur le ministre, hier soir, mon collègue Desessard vous a demandé quel était très précisément le montant de la défiscalisation liée aux plans d’épargne retraite. Cette défiscalisation représente un coût pour l’État, pour la collectivité, y compris pour les plus pauvres d’entre nous, qui acquittent eux aussi la TVA. Nous attendons une réponse à cette question. (M. Jacques Desessard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.
Mme Catherine Tasca. Comme notre collègue Jacques Muller, je voudrais rebondir sur l’intervention de M. Fourcade. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Je n’interviendrai plus ! (Sourires.)
Mme Catherine Tasca. Selon un argument constamment ressassé par la majorité, toute réduction des privilèges exorbitants que s’accordent les dirigeants d’un certain nombre d’entreprises de notre pays créerait un vaste mouvement d’exode, d’expatriation.
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais bien sûr !
Mme Catherine Tasca. Ce n’est pas sérieux !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cela s’est déjà produit !
Mme Catherine Tasca. La France continue d’exister, même sans ceux qui sont partis !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais l’industrie est partie aussi !
Mme Catherine Tasca. Souvenez-vous de la crise absolument catastrophique que notre pays a connue voilà deux ans. L’ensemble de notre système bancaire était ébranlé. C’est l’État, c’est-à-dire la collectivité française, qui, dans notre intérêt à tous, l’a tiré d’affaire. N’ayons pas la mémoire courte ! Si les dirigeants des entreprises osent utiliser cette menace du départ hors de nos frontières, ils s’excluent absolument de la communauté nationale. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
La majorité en appelle très volontiers à notre sens des responsabilités, mais aussi à celui des grévistes et des manifestants, qui joueraient contre l’intérêt du pays. Elle utilise même cet argument au-delà de la raison, car nous n’avons pas prôné la suppression de tous les privilèges que j’ai évoqués ! Il convient seulement, selon nous, de les ramener à de justes proportions, de les rendre acceptables par l’opinion et supportables pour les entreprises. Surtout, il importe de ne pas nourrir davantage encore le sentiment d’injustice qui grandit dans notre pays.
En conclusion, je me permets de vous suggérer de renoncer à cet argument des risques de délocalisations, car il est peu crédible sur le plan économique. Si vous refusez de toucher aux stock-options, aux parachutes dorés et aux retraites chapeaux, vous devrez demain rendre des comptes à tous ceux à qui vous expliquez qu’ils doivent accepter de travailler plus longtemps pour mériter des retraites amoindries, tandis que notre pays manque d’emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous continuez dans la provocation ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Vous soutenez l’octroi de privilèges exorbitants, au motif que leurs bénéficiaires quitteraient le territoire si l’on tentait de les réduire. Jusqu’où êtes-vous prêts à prôner la mise aux normes de la France pour lui permettre d’affronter la concurrence internationale ?
Il existe des pays dans lesquels les salariés ne touchent qu’un dollar ou un euro par jour, ce qui leur permet à peine de survivre. Il existe des pays qui n’offrent aucun système de protection sociale. Sans doute s’agit-il là pour vous de modèles à imiter ? Mais ne pensez-vous pas que, ce faisant, nous allons à une catastrophe nationale et internationale ?
Au fond, on voit bien qui vous écoutez : non pas les millions de nos concitoyens qui refusent votre réforme de retraite et s’opposent à l’existence de privilèges exorbitants, mais le patronat, en l’occurrence le MEDEF, qui s’est largement exprimé, dès 2007, sur la réforme des retraites.
En revanche, vous écoutez attentivement le patronat et, en l’occurrence, le MEDEF, qui s’est largement exprimé, dès 2007, sur la réforme des retraites.
Évidemment, vous ne vous êtes pas targués d’appliquer le programme du MEDEF ! Vous avez habillé votre réforme, prétendant, en préambule, vouloir sauver la retraite par répartition, ce qui est faux. Vous le dites vous-même, en 2018, vous serez dans l’incapacité de payer les retraites.
Vous mettez donc en œuvre, de façon très précise, la réforme voulue par MEDEF. Dans Besoin d’air, petit livre que je connais désormais presque par cœur, on peut lire que la retraite par répartition est une « erreur historique » dont la France a le triste secret. Selon ses auteurs, un tel système ne peut perdurer, aussi bien pour ce qui concerne l’âge de la retraite que la durée de cotisation ou, finalement, le montant des pensions. Il convient donc de le réformer – cela, vous le dites officiellement – et d’évoluer vers un régime par capitalisation.
Même si vous ne l’écrivez pas, vous ne vous en cachez pas pour autant, c’est bien cette réforme que vous voulez mettre en œuvre, la réforme du MEDEF.
Tous vos amis, tous vos proches, tous ceux qui se trouvaient au Fouquet’s ce fameux soir attendent que vous donniez la possibilité aux assurances diverses qui envahissent de leurs messages la télévision et la presse, …
Mme Catherine Tasca. Ils attendent leur récompense !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …de mettre en œuvre la retraite par capitalisation, les salariés n’ayant guère d’autre choix.
Il faut que cela soit dit clairement : vous écoutez uniquement les représentants du patronat.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de ce débat, tous les sénateurs qui siègent à gauche de cet hémicycle se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles le Président de la République, malgré ses promesses, avait engagé cette réforme des retraites.
M. Jean-Claude Gaudin. Il y a la crise !
M. Ronan Kerdraon. Il a d’abord affirmé qu’une réforme était nécessaire. Nous le disons également. Il a ensuite déclaré que, bien qu’il n’ait reçu aucun mandat sur ce dossier, il lui fallait mener cette réforme. Tout cela, nous pourrions le comprendre.
Toutefois, les propos qu’ont tenus tout à l’heure Martial Bourquin et, hier soir, Jean Desessard me font penser qu’il existe d’autres motivations.
Les choses remontent sans doute à 2006 ou 2007, quand un certain Guillaume Sarkozy (Protestations sur les travées de l’UMP.) a été nommé président du groupe Médéric, devenu entretemps le groupe Malakoff-Médéric.
M. Roland Courteau. Une vérité qui dérange !
M. Ronan Kerdraon. Cette belle histoire n’aurait aucun intérêt si le groupe Malakoff-Médéric n’était pas aujourd’hui l’un des acteurs majeurs de la retraite complémentaire privée et s’il n’avait pas trouvé comme partenaire, cela a été rappelé tout à l’heure par mes collègues, la Caisse des dépôts et consignations et sa filiale, la Caisse nationale de prévoyance, qui sont tout de même les bras armés de l’État.
Cette belle histoire n’aurait aucun intérêt s’il ne s’agissait en fin de compte de faire main basse sur une affaire juteuse, celle de l’épargne individuelle. Mais comment procéder ? Tout simplement, en déstabilisant le système de retraite par répartition, pour faire le jeu du système par capitalisation à la mode anglo-saxonne.
Comme l’a dit Martial Bourquin tout à l’heure, il s’agit de capter, d’ici à 2020, un marché de 40 milliards à 110 milliards d’euros qui constitue un véritable « gâteau financier ». À cet égard, je me contenterai de citer un rapport confidentiel, paru sur un site que vous avez hier vilipendé, à savoir Mediapart : « À l’horizon 2020, selon le rapport du Comité d’orientation des retraites, le COR, une baisse du taux de remplacement de l’ordre de 8 % est attendue pour une carrière complète. Cette baisse est toutefois variable selon le niveau du salaire et le profil de carrière et dépend fortement des hypothèses prises dans les travaux du COR. »
Les hommes de Malakoff-Médéric-ont dû penser que les régimes de retraite par répartition vont à ce point être étranglés par les évolutions démographiques et l’absence de nouvelles recettes que cela fera forcément les affaires d’autres opérateurs.
Tout cela se passe, se pense et se réalise sans le moindre scrupule, mais avec un seul objectif : le profit à tout prix ! Quelle belle équipe, pour reprendre le titre d’un film, que celle que forment Nicolas et Guillaume Sarkozy ! L’un asphyxie le régime par répartition, tandis que l’autre jette les bases du système par capitalisation.
C’est pourquoi, comme mes collègues, je vous demande, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, d’entendre la rue, puisque vous avez évincé les parlementaires et les organisations syndicales, et que je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. À l’image de beaucoup d’autres, cet article est un cheval de Troie contre un principe pourtant affirmé comme intangible dès l’article 1er, à savoir la retraite par répartition. Il vise en effet à introduire progressivement un régime par capitalisation.
Depuis le début de notre discussion, cette « réforme » fait l’objet d’un véritable quiproquo.
Dans notre pays, le mot « réforme » a une histoire. À chaque fois, il s’est agi de placer l’être humain au centre, pour tenter d’améliorer son sort, ses conditions de vie, sa liberté et ses droits. Telle est l’histoire de la réforme.
Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il faut mettre en œuvre une réforme des retraites. Bien sûr ! Vous avez d’ailleurs été obligé, pour justifier la nécessité de votre action, de reconnaître que le système actuel devait être amélioré, notamment pour ce qui concerne, d’une part, l’égalité entre les hommes et les femmes et, d’autre part, la pénibilité.
Vous avez prétendu qu’il fallait pérenniser le système pour que les jeunes générations lui conservent leur confiance et ne se tournent pas vers des systèmes de retraite par capitalisation. Pour ce faire, il fallait trouver des ressources. C’est ainsi que vous avez justifié une réforme, en faisant mine d’améliorer le système des retraites et de placer l’être humain en son centre. Or c’est exactement l’inverse qui se produit !
J’évoquerai d’abord le problème de pénibilité. Aujourd’hui, parmi les travailleurs qui effectuent des travaux pénibles, 1 700 000 sont exposés aux produits toxiques ; 3,7 millions environ subissent le travail de nuit. Mais votre réforme ne prend en considération que 30 000 personnes ! Au lieu d’améliorer le sort de ceux qui sont confrontés à la pénibilité, votre réforme se traduit par une régression : ils partaient à la retraite à 60 ans, ils partiront à 62 ans, au mieux ! Ne parlez donc pas de réforme, mais plutôt d’un retour en arrière, y compris pour ceux que vous avez voulu mettre au centre de vos préoccupations !
Je rappellerai ensuite la situation des femmes. Certes, vous avez essayé d’améliorer la situation des mères de trois enfants. Mais cela ne concerne que quelques milliers de personnes ! Pour toutes les autres, les millions de femmes qui sont déjà en situation d’inégalité, la régression est incontestable : 67 ans au lieu de 65 ans, et 62 ans au lieu de 60 ans !
Pour ce qui concerne l’équilibre financier, vous avez prétendu vouloir pérenniser notre système de retraite, pour que les jeunes générations aient confiance. Or, comme en témoignent les récentes enquêtes d’opinions, 80 % des Français ne croient pas que cette réforme permettra d’assurer la pérennité du régime par répartition.
Ainsi, vous avez réussi à préparer nos concitoyens à l’idée qu’ils devront, s’ils en ont les moyens, se tourner vers des systèmes complémentaires. Par conséquent, vous mettez immédiatement en danger le système de retraite par répartition, non seulement parce que votre réforme est injuste, mais aussi parce qu’elle n’assure pas la pérennité du financement des retraites, 45 milliards d’euros restant à trouver à l’horizon 2025.
Vous avez tout faux ! Cessez donc de nous faire des leçons sur la réforme. Oui, il faut une réforme ! Ce que vous mettez en place, c’est une régression ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Mes collègues viennent de vous le dire, les Français ne veulent pas d’une réforme injuste, ils vous le font savoir régulièrement et massivement.
Vous préférez toutefois vous barricader dans une sorte de bunker, sourds aux attentes du plus grand nombre. Jamais, cela a été dit par mes collègues, nous n’avions connu pareil comportement de la part d’un gouvernement, face à un pays qui traverse une crise particulièrement grave.
Ici, nous parlons des retraites chapeaux, dont on ne pourrait prétendument se passer en raison des délocalisations. Monsieur Fourcade, ne peut-on parler en la matière de chantage, nombre de Français vivant avec des pensions de misère ou des ressources inférieures au seuil de pauvreté ?
Sur un plan plus général, de telles réformes – ô combien majeures ! – nécessitent un consensus national, lequel suppose que de véritables négociations aient été menées. La Suède et d’autres pays ont su préparer de telles réformes et obtenir ce consensus ; pour cela, ils ont travaillé en amont, prenant le temps nécessaire pour rapprocher les parties. Ils y sont parvenus et ont mis en œuvre les réformes ainsi définies, avec l’appui total du peuple, et non contre le peuple, comme c’est le cas actuellement.
Bien sûr, une réforme des retraites est nécessaire. Mais nous ne voulons pas de celle que vous proposez, ni de la façon dont vous la proposez. Car vous faites porter l’effort sur celles et ceux dont la seule fortune repose sur leur force de travail.
Tout à l’heure, sur les deux amendements défendus par nos collègues Jean-Pierre Godefroy et Gérard Dériot, plusieurs sénateurs se sont réjouis de ce qu’ils ont appelé une sorte de « réconciliation ». Il a même été avancé, par la voix, me semble-t-il, de notre collègue François Fortassin, que le débat sur les victimes de l’amiante rehaussait le niveau du travail du Sénat. Cette parenthèse nous prouve surtout que, lorsque le Gouvernement et la commission font preuve d’écoute et d’esprit de dialogue, on peut arriver à avancer en matière de justice.
Comme l’a dit notre collègue Jean-Jacques Mirassou, l’intelligence collective permet d’aboutir. Puisse donc cet épisode vous inciter à réfléchir et à faire œuvre utile, en écoutant davantage l’opposition et la majorité du peuple, qui s’exprime dans la rue. Cela devrait vous conduire, chers collègues de la majorité, ainsi que le Président Sarkozy à renoncer à la discussion du projet de loi et à ouvrir enfin de véritables négociations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, sur l’article.
M. Alain Fouché. Je souhaite simplement évoquer rapidement les retraites chapeaux et les stock-options. De nombreux sénateurs le reconnaissent, on peut constater, dans ce domaine, des excès, un certain nombre de personnes étant effectivement privilégiées.
Pour ma part, je souhaite que la majorité et l’opposition trouvent un accord dans ce domaine, dans la perspective de taxer davantage les personnes concernées. Les uns et les autres, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous avons déposé une série d’amendements, que nous examinerons plus tard, concernant le financement des régimes de retraite. Ils visent tous à prévoir une taxation plus importante.
Sur ce sujet, il est indispensable que le Gouvernement se rallie aux propositions défendues par l’ensemble de notre assemblée. L’opinion souhaite en effet que les retraites chapeaux et les stock-options soient davantage taxées. (M. François Fortassin applaudit.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 282 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 387 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 475 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 51.
Mme Marie-Agnès Labarre. Alors que chacun s’accorde à dire que notre protection sociale – retraite par répartition comprise – a joué un rôle important d’amortisseur de crise, vous proposez, à travers l’ensemble de ce titre V ter, de généraliser les mécanismes de retraite par capitalisation, c’est-à-dire l’inverse de notre système de protection sociale.
Vous justifiez les retraites chapeaux de quelques-uns par la création de retraites par capitalisation pour tous. C’est de la fumisterie, voire de l’indécence, pour les salariés, qui sont de futurs retraités !
Les effets de la crise de 2008 n’ont pas encore fini de se faire sentir, la crise n’est pas encore elle-même terminée, comme en témoigne le chômage de masse, que, déjà, vous proposez de tourner le dos à notre système de protection sociale.
Pourtant, la crise financière pose clairement le problème de l’utilisation des fonds de pension pour le financement les retraites.
Avec les milliards d’euros dilapidés en quelques mois, qui manqueront aux retraités, et donc à l’économie mondiale, nous sommes en droit de nous demander comment il serait possible de garantir à la fois des niveaux d’emploi et de pension élevés, tout en soutenant les niveaux de rentabilité demandés par ces fonds.
En réalité, cet équilibre n’est pas possible puisque ces fonds de pension cannibalisent l’emploi sans être capables de garantir le niveau des retraites. C’est d’ailleurs toute la difficulté des mécanismes de retraite à cotisations définies que vous entendez généraliser, y compris en proposant un basculement systémique.
On prend souvent en exemple les fonds de pension américains, exemple criant. Je voudrais, pour ma part, citer le cas des fonds de pension chiliens, détenus par les banques et les assurances du pays, que vous n’hésitiez pas, voilà quelques années encore, à prendre en exemple.
Mis en place sous la dictature politique, sociale et économique d’Augusto Pinochet, ils étaient censés jouer leur rôle à la fin de l’année 2007. Or, aujourd’hui, deux ans après cette date limite, on sait que 50 % des Chiliens potentiellement concernés ne le seront plus. Et pour cause : depuis l’instauration de ces mécanismes, les Chiliens ont connu la dégradation continue de leur économie, du niveau de l’emploi et de leurs rémunérations.
Ces retraites privées étant d’abord et avant tout alimentées par des cotisations volontaires, les Chiliens concernés ne pouvant plus les verser, leurs retraites sont inexistantes.
Cet exemple supplémentaire devrait vous inviter à réfléchir, notamment à la suspension de nos débats, afin de poursuivre le dialogue social. Dans l’immédiat, je vous invite à voter notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l'amendement n° 282.
M. Jacques Muller. Avec cet article 32 quinquies, nous avons la très désagréable impression que vous cherchez à sauver les apparences. En effet, il dispose que les entreprises ouvrant une retraite chapeau à leurs dirigeants devront offrir un produit d’épargne retraite collectif à tous leurs salariés, sans forcément, d’ailleurs, informer ceux-ci.
Je ferai deux remarques : d’une part, cette disposition est intrinsèquement perverse puisqu’elle tente de légitimer les fameuses retraites chapeaux, qui scandalisent à juste titre tous nos concitoyens ; d’autre part, elle est un aveu d’échec parce qu’elle tend à reconnaître implicitement que la retraite de base sera insuffisante en raison du recul de l’âge de la retraite.
En effet, ce projet de loi ne prend en compte ni le développement du travail précaire et intermittent, ni les carrières discontinues des femmes, ni la précarisation des seniors, ni la faiblesse de leur taux d’emploi, lequel ne risque pas de s’améliorer dans la mesure où vous avez refusé de poser comme contrepartie aux aides que recevront les entreprises la création d’emplois en CDI.
Mécaniquement, le montant des retraites diminuera, en raison non seulement de la trop grande faiblesse des cotisations, mais encore parce que nombre de salariés, trop usés, les auront liquidées avant d’atteindre l’âge légal de départ à la retraite dès lors que celui-ci aura été reculé.
L’introduction de ce principe de compensation des retraites chapeaux est la preuve de l’échec d’une réforme dont le point cardinal est le recul de l’âge de la retraite. Elle repose sur une logique intrinsèquement perverse. C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 387 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Permettez-moi un propos liminaire sous forme de billet d’humeur, et non d’humour. Je suis généralement prête à rire, mais le sujet est trop sérieux.
Je trouve en effet que nous ne sommes plus respectés dans notre rôle de parlementaire. Je m’explique : j’étais présente cette nuit, jusqu’à trois heures vingt-cinq, comme beaucoup d’entre nous. Je reviens aujourd’hui à quatorze heures trente, et voilà que nous examinons l’article 27 sexies A. Comment voulez-vous que je défende rapidement l’amendement n° 387 rectifié, qui porte sur l’article 32 quinquies, puisqu’il fait référence aux amendements nos 385 rectifié et 386 rectifié, déjà défendus, qui portaient eux-mêmes respectivement sur les articles 32 bis et 32 quater. J’ai l’impression que nous jouons aux charades.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, avez-vous relu récemment L’Art de la charade à tiroirs, de Luc Étienne, paru en 1962 ?
M. Josselin de Rohan. Il est épuisé, comme nous ! (Sourires.)
Mme Françoise Laborde. J’ai la prétention d’avoir suivi de près, pour mon groupe, le projet de loi, mais compte tenu de l’examen dans le désordre des articles, il est difficile de maintenir un haut niveau de cohérence dans nos débats.
Mon impertinence due à la fatigue et à la déception d’être ainsi malmenée ira jusqu’à vous demander si vous avez procédé au tirage du Loto pour déterminer l’ordre de passage des articles. Nos concitoyens ont cru que la loi était votée après l’adoption des articles 5 et 6. Dans mon département, certains d’entre eux se sont étonnés que je retourne à Paris pour la poursuite des débats, pensant que tout était terminé. Pourtant, nous sommes encore là,…
M. Josselin de Rohan. Grâce à qui ?
Mme Françoise Laborde. … et tout le monde y perd son latin.
L’examen désordonné des articles additionnels fera travailler nos neurones. Cette nouvelle gymnastique intellectuelle va-t-elle détrôner les mots croisés et le sudoku ?
Je suis généralement assez modérée, mais cette fois, plutôt que de faire un rappel au règlement classique, j’ai voulu exprimer mon amertume, ma tristesse, de voir un projet de loi aussi important pour l’avenir de tous les Français traité en dépit du bon sens chronologique.
L’amendement n° 387 rectifié vise à lutter contre le développement de la retraite par capitalisation. Je vous ferai grâce de mon argumentaire puisque les collègues qui m’ont précédée ont très bien défendu des amendements identiques à celui-ci. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 475.
Mme Gisèle Printz. Cet article est un magnifique exemple de jésuitisme. Il vise en effet à ce que les régimes de retraite supplémentaire à prestations définies, réservés à certaines catégories de salariés dans les entreprises, ne puissent être mis en place en l’absence de PERCO ou de contrats d’épargne retraite.
En fait, il s’agit des retraites chapeaux, qui ont fait quelque bruit lorsque les montants hallucinants provisionnés au bilan des banques notamment, pour les vieux jours de leurs dirigeants, ont été connus.
Compte tenu de la responsabilité écrasante des organismes financiers dans la crise financière et du coût pour l’ensemble des contribuables, le succès de ces opérations auprès de l’opinion a été assuré.
Comment éteindre l’incendie sans toucher aux avantages indus, aux privilèges des cadres dirigeants ?
La première opération a été médiatique. On a pu entendre la profonde indignation de Mme Parisot, qui a appelé ses confrères à une sorte de charte d’éthique.
Puis, comme cela ne semblait pas émouvoir les foules, il a été décidé que le système des retraites chapeaux ne pourrait être mis en place sans que soit parallèlement mis en place un dispositif d’épargne retraite. Tous les régimes possibles sont prévus : PERCO, article 39, 82 et 83 du code général des impôts et PERP, le plan d’épargne retraite populaire.
En réalité, c’est faire d’une pierre deux coups : donner une image presque sociale à cette décision, alors que cela permet surtout d’installer des régimes de retraite par capitalisation là où ils n’existent pas encore.
Au demeurant, les entreprises qui distribuent des retraites chapeaux à leurs cadres dirigeants sont déjà dotées de tels dispositifs.
Je conclurai par deux remarques.
D’une part, les retraites chapeaux sont des régimes à prestations, et non à cotisations définies. À l’inverse, les salariés qui sont obligés d’adhérer à des contrats collectifs, tels ceux de l’article 83, sont dans de régimes à cotisations définies et à prestations aléatoires.
D’autre part, le dispositif de retraites chapeaux – article 39 – permet une déduction des cotisations de l’impôt sur les sociétés de l’entreprise. Et point n’est besoin de souligner à quel point ces cotisations sont imposantes !
Le Gouvernement, qui a communiqué sur la nécessité de limiter les abus en la matière, dispose là d’un levier intéressant et qui aurait un impact budgétaire certes modeste, mais utile et politiquement significatif.
Pourquoi donc ne pas supprimer cette déduction ?
Nous sommes donc en présence d’une disposition qui ne modifie en rien la situation existante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Comme l’a bien expliqué notre collègue Jean-Pierre Fourcade, la disposition prévue à cet article est essentielle, car elle est un moyen complémentaire à la taxation pour lutter contre les abus auxquels nous avons assisté en matière de retraites chapeaux
La commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Je voudrais dire à Mme Laborde que je n’ai pas bien compris le sens de son intervention. Dès le début de son examen, voilà deux semaines, nous sommes tous convenus que les mesures d’âge étaient les éléments essentiels de ce projet de loi. C’est la raison pour laquelle nous avons appelé en priorité les articles 5 et 6 et réservé l’examen de l’article 27 sexies A, qui traite d’un sujet délicat, à savoir l’amiante.
D’une manière générale, il avait été décidé de réserver l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel.
Aussi, ma chère collègue, il me semblait que la manière dont nous avions organisé nos travaux était claire pour tout le monde, et, pour ma part, je n’y vois aucune malice.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Le Gouvernement émet un avis identique à celui de la commission. Il y a une certaine logique à prévoir, parallèlement aux retraites chapeaux, une couverture de l’ensemble des salariés par un dispositif d’épargne retraite.
Les auteurs de ces quatre amendements de suppression de cet article ont émis une série de critiques contre la disposition qui y est visée, mais, en réalité, ils voudraient en rester à la situation qui prévaut actuellement et refuser ce qui constitue une réelle amélioration. C’est quelque peu incohérent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. L’article 32 quinquies est symptomatique – j’allais dire significatif – de la volonté qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi.
En fait, cet article aurait pu être intitulé « article 32 quinquies (MEDEF) », car il permet de joindre l’utile à l’agréable, comme cela a été démontré tout à l’heure. Il garantit les retraites chapeaux au prix de quelques contraintes qui, cela n’a échappé à personne, ne seront pas opérationnelles.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ceux qui nous expliquent aujourd’hui qu’il faut garantir les retraites chapeaux pour éviter les délocalisations nous expliquaient déjà hier que le bouclier fiscal était destiné à fixer sur notre sol les foyers aux revenus les plus élevés. Et ce sont encore eux qui affirmaient détenir une liste de personnes possédant des comptes secrets en Suisse, personnes qui auraient été menacées de poursuites à moins de rapatrier rapidement leur argent en France. On aimerait bien, du reste, savoir où en est ce dossier.
Par ailleurs, monsieur le ministre, cet article garantit un principe qui est antinomique avec celui que vous prétendez défendre depuis une centaine d’heures. En introduisant la retraite par capitalisation, à dose homéopathique, certes, et en la présentant comme une fatalité, vous vous inscrivez dans l’échec programmé du financement du système par répartition dont vous soutenez pourtant la pertinence. Les mesures que vous préconisez dans cet article marquent un glissement fatal de notre système par répartition vers la capitalisation.
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela signifie que vous ne croyez pas aux slogans que vous scandez depuis maintenant dix jours et dix nuits, vantant les bienfaits de la retraite par répartition.
Vous nous proposez un marché de dupes et c’est pourquoi nous voterons les amendements de suppression de l’article 32 quinquies.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Le développement forcené de l’épargne retraite est un aveu d’échec. Les experts, dont certains sont proches du Gouvernement, estiment que le déséquilibre démographique ne pourra pas être corrigé par le seul recul de l’âge de départ à la retraite. Ainsi, cette réforme est non seulement détestable socialement – nous l’avons maintes fois souligné ces derniers jours – mais elle est aussi mauvaise, inefficace sur le plan économique.
M. Woerth nous expliquait tout à l’heure qu’il faut savoir entrer dans le détail pour comprendre les choses. Eh bien voici un détail, un peu oublié, qui permet de mieux comprendre la situation : dans notre économie, les revenus financiers ont été multipliés par dix en quarante ans et ils pèsent aujourd’hui quelque 230 milliards d’euros.
L’inefficacité du système des retraites qui nous est proposé conduit naturellement le Gouvernement à stimuler l’épargne retraite pour contrebalancer le recul programmé du régime de base. Cette démarche soulève deux problèmes majeurs.
Le premier est que l’on joue la carte de la spéculation plutôt que celle de la sécurité.
Sous couvert de nous inspirer de la modernité des régimes anglo-saxons, d’une nécessité de rupture avec un modèle obsolète des retraites, on se prépare à faire un grand saut dans l’inconnu.
En termes de sécurité, la retraite par répartition est la plus efficace puisque ce sont les actifs d’aujourd’hui qui financent en temps réel, sur l’ensemble de leurs revenus, ceux du travail et ceux du capital – il ne faut pas l’oublier – la retraite des inactifs. Il n’y a donc pas de perte en ligne.
Pour défendre un tel système, il faut trouver un point d’équilibre en tenant compte des disparités démographiques, ce qui est politiquement délicat, j’en conviens. Il ne faut pas trop solliciter les actifs qui ne souhaitent pas subir des prélèvements trop importants tout en maintenant des niveaux de pension satisfaisants. Pour réussir, il faut du temps. Or, plutôt que de se donner du temps, le Gouvernement a décidé de passer en force.
Ensuite, et c’est le second problème, la spéculation sur l’épargne retraite est une réalité. Les responsables politiques bottent en touche : épargnez aujourd’hui, on verra plus tard. Ce refus de prendre ses responsabilités présente des risques inconsidérés.
Le développement des fonds de pension conduit à la catastrophe, nous le savons. Il suffit d’observer ce qui s’est passé dans une entreprise comme Enron, mais aussi dans un pays comme la Grande-Bretagne, qui a vu son système de retraite mis en difficulté par la crise financière de 2008, ou encore lors de la catastrophe générale de 1929.
C’est une très mauvaise opération que de troquer la solidarité et la sécurité contre la spéculation, avec tous les risques qu’elle recèle.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons tous les amendements de suppression des articles qui tendent à développer cette détestable retraite par capitalisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. L’objectif de cet article est de nous faire accepter les retraites chapeaux comme un mal nécessaire pour lutter contre les délocalisations.
Hier, Christiane Demontès a repris une exclamation d’un dirigeant de la CFDT : « Mais que font-ils de leur fric ? »
Dans notre pays, les inégalités sont passées en une décennie d’un rapport de 1 à 30 à 1 à 300. Avec cet article, vous nous proposez en fait d’entériner cette situation en imposant aux entreprises qui proposent des retraites chapeaux d’ouvrir à l’ensemble de leurs salariés un dispositif d’épargne retraite par capitalisation.
Il ne suffit plus de dire que la ficelle est un peu grosse, car en fait de ficelle, il s’agit d’une corde. Cet article est inacceptable.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, dans un premier temps, la capitalisation va créer une dualité entre le système par répartition et le système par capitalisation. Dans un second temps, vous le savez, le système par capitalisation deviendra prédominant.
Ce n’est pas une coïncidence si Guillaume Sarkozy a pris la tête d’un groupement qui prépare un fonds de pension à la française, qui ambitionne d’agir sur une surface financière de 40 à 110 milliards d’euros. Mais le Gouvernement reste silencieux sur ce sujet, ce qui est pour le moins gênant ! Plus le débat avance, et plus j’ai l’impression que nous avons un mur devant nous.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. Je me demande même si nous débattons encore des régimes de retraite, par capitalisation ou par répartition, si nous ne sommes pas en fait revenus à l’ancien régime, qui fait tout pour le CAC 40, tout pour les quelques privilégiés de ce pays, mais qui n’a aucune volonté de prendre en considération ce que des millions de personnes disent très fort dans la rue ou pensent tout bas.
M. Roland Courteau. Voilà la vérité !
M. Martial Bourquin. Des personnes, de gauche et de droite, se demandent pourquoi on met en place une réforme aussi inique, aussi injuste !
Le Gouvernement doit dire ouvertement ce qu’il veut faire. Je considère pour ma part qu’il dynamite le système par répartition, sous prétexte de le défendre. En réalité, il prépare un système par capitalisation et déjà un fonds de pension se met en place afin de pouvoir occuper ce créneau.
Mes chers collègues, les manifestations qui ont lieu depuis trois semaines sont d’une ampleur rarement atteinte en France. Il est temps de revenir à la raison, de se poser les vraies questions, d’ouvrir de véritables négociations avec les organisations syndicales… (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Martial Bourquin. … et de revenir devant le Parlement avec une vraie réforme. Car ce que vous nous proposez aujourd’hui est tout sauf une réforme. C’est un retour en arrière spectaculaire. Vous ne pouvez pas appeler cela une réforme !
Nous vivons une des crises les plus importantes que nous ayons connues. Et vous demandez aux salariés de payer les pots cassés, de supporter les conséquences des aventures immobilières extraordinaires de quelques financiers !
Chers collègues, il est toujours temps de revenir en arrière, d’ouvrir des négociations. Tout à l’heure, trois présidents de groupe vous l’ont demandé. Cessez d’être sourds aux revendications des salariés, à la volonté du peuple, qui attend du Parlement une vraie réforme. Or, pour l’instant, vous ne proposez qu’un retour en arrière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Christian Cointat. Des mots, toujours des mots !
M. Nicolas About. Retour en arrière, c’est un pléonasme !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. En donnant l’avis de la commission sur les amendements de suppression, M. Leclerc s’est étonné que nous souhaitions supprimer l’article 32 quinquies qui vise, à ses yeux, à encadrer les retraites chapeaux, que nous refusons par ailleurs.
Prétendre que cet article vise à encadrer les retraites chapeaux est un peu exagéré, mon cher collègue. Vous reconnaissez vous-même dans votre rapport que le seul intérêt de ces retraites est leur caractère largement dérogatoire sur le plan fiscal. Pour mieux faire passer le maintien des retraites chapeaux – vous pouvez constater que je m’efforce d’employer des termes corrects –, vous subordonnez ce régime à l’ouverture, pour l’ensemble des salariés, d’un dispositif d’épargne retraite. C’est un peu fort !
Une fois que les salariés se seront habitués à l’épargne retraite, il sera plus facile de continuer à détricoter le système par répartition afin que la seule solution devienne la retraite par capitalisation.
Nous ne pouvons accepter une telle démarche. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 32 quinquies. Nous refusons d’entrer dans la logique d’habillage de la capitalisation, qui a été portée par les députés à l’Assemblée nationale, à laquelle vous avez aujourd’hui recours parce que le Gouvernement n’a pas voulu affronter directement l’ensemble des organisations syndicales, des salariés, des retraités en annonçant d’emblée que la capitalisation sous-tend votre réforme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. L’article 32 quinquies vise à justifier de manière implicite les retraites chapeaux.
Voilà maintenant de nombreuses journées et de nombreuses nuits que nous dénonçons le caractère injuste de ce projet de loi. Après les longues discussions que nous avons eues sur des sujets majeurs, notamment la pénibilité, le présent article, par un effet d’affichage, ne peut que susciter une certaine indignation dans l’opinion.
En effet, il s’agit ici, on l’a bien compris, d’inciter les cadres qui souhaitent continuer à bénéficier de la retraite chapeau à mettre en place un PERCO ou un contrat d’épargne retraite, afin de dissimuler les privilèges qui leur sont octroyés.
Notre collègue Jean-Pierre Sueur a, tout à l’heure, clairement analysé ce processus d’autolégitimation sur les retraites chapeaux qui, incontestablement, nous paraît des plus injustes.
En effet, ces retraites chapeaux sont des chèques de départ de plusieurs millions d’euros, qui constituent un des aspects les plus choquants de l’indécence qui caractérise les rémunérations des PDG. Hélas pour eux, ces avantages sont désormais portés à la connaissance du grand public, et figurent dans les documents d’information qui sont publiés par les groupes cotés en bourse.
Peu à peu, on découvre l’intégralité des rémunérations folles de nombreux patrons. (Signes d’impatiences sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle. C’est fini !
M. Jacques Gautier. Il a épuisé son temps de parole !
M. François Marc. Ce qui doit nous inquiéter, mes chers collègues, ce sont ces informations récentes, communiquées lors des dernières semaines, qui font état d’une explosion, depuis 2009, des rémunérations des administrateurs d’entreprises et des bonus qui sont accordés à certains traders. (Mêmes mouvements.)
M. Jean Desessard. Très juste !
M. François Marc. Notre questionnement concernant ces retraites chapeaux est donc tout à fait légitime. Il s’agit, à travers les amendements de suppression qui sont émis ici, de tenter d’arrêter ce processus de légitimation de certains avantages indus. (Signes d’impatiences sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cointat. C’est tout de même incroyable ! On ne peut pas continuer comme cela !
M. François Marc. Certes, les retraites chapeaux peuvent avoir une utilité dans la gestion des ressources humaines, et peuvent conserver une fonction d’attractivité de carrière pour de nombreux cadres, et pour des droits supplémentaires qui souvent ne dépassent pas quelques centaines d’euros mensuels.
L’entreprise peut déduire du bénéfice imposable le montant des primes versées si elle recourt à un tiers externe pour la gestion de la retraite supplémentaire. À ce sujet, j’attire votre attention… (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Laissez terminer M. Marc !
M. François Marc. Je viens de commencer, madame la présidente, je n’ai parlé que deux minutes…
M. Christian Cointat. Pas du tout !
Mme la présidente. J’entends bien, monsieur Marc. Mais vous savez que la fatigue se fait partout un peu sentir … (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Reprenez votre propos, je vous laisse encore deux minutes et demie de temps de parole. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. François Marc. Je crains de ne pas devoir vous remercier de ce temps de parole que vous m’accordez, madame la présidente. C’est en effet un temps qui m’est dû. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je n’attends pas de remerciements, monsieur Marc. Veuillez poursuivre.
M. François Marc. Je voulais attirer votre attention, mes chers collègues, sur le rapport que vient de publier le conseil des prélèvements obligatoires, concernant les niches fiscales et sociales. Nous avons en effet, ces derniers jours, pu prendre connaissance des décisions prises depuis 2002 dans notre pays, qui conduisent le conseil des prélèvements obligatoires à signaler que, depuis cette date, 107 dépenses fiscales applicables aux entreprises ont été créées, soit près de 12 dépenses fiscales nouvelles par an. On observe d’ailleurs que le rythme s’est accéléré depuis 2006. Cette accélération s’explique sans doute par le fait qu’à partir de 2006 les politiques qui ont été menées visaient à accentuer cette évolution.
Le rapport du conseil des prélèvements obligatoires attire enfin l’attention sur l’injustice constituée par les retraites chapeaux, et la nécessité qu’il y aurait, aujourd’hui, à modifier ce dispositif.
Tous les dirigeants du CAC 40 se sont fait voter des retraites à faire rêver !... Et tous ont un double privilège : ils ne versent aucune cotisation pour financer leur retraite supplémentaire, et ils se gardent bien de calculer le montant de celle-ci sur la base des vingt-cinq meilleures années, comme le premier salarié venu.
Il n’est donc pas acceptable, mes chers collègues, de poursuivre la consolidation et la pérennisation des retraites chapeaux, telles qu’elles seraient introduites par ce dispositif. Dès lors, la suppression de l’article 32 quinquies a totalement sa raison d’être. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51, 282, 387 rectifié et 475, tendant à supprimer l’article 32 quinquies.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 70 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 1148, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Notre amendement vise à supprimer le premier alinéa de l’article 32 quinquies de ce projet de loi de réforme des retraites.
Nous souhaitons sa suppression car il s’inscrit dans le titre V ter de ce projet de loi qui consacre véritablement l’épargne retraite.
Si chacun des articles de ce projet de loi est injuste et inadmissible – nous n’avons pas peur de le répéter –, ce titre V ter constitue l’aboutissement idéologique des destructions opérées par les articles précédents : l’affaiblissement du régime de retraite par répartition, pour favoriser la retraite par capitalisation.
Ce projet de loi opère un véritable changement de système de notre régime de retraite. Sous couvert de vouloir préserver la retraite par répartition, tout est fait pour mieux l’affaiblir et faire évoluer un système fondé sur la solidarité collective vers une épargne individuelle, aussi injuste que dangereuse.
L’article 32 quinquies est ici particulièrement significatif puisqu’il crée une obligation d’extension de l’épargne retraite pour chacun des salariés, lorsqu’il existe dans l’entreprise des retraites chapeaux.
Voilà la seule volonté du Gouvernement qui, une fois de plus, fait passer les intérêts du capital et des grandes entreprises, pressées de prospérer sur ce qui va devenir un véritable marché de la retraite, avant ceux des salariés.
Car la retraite par capitalisation ne peut être satisfaisante pour les salariés et les futurs retraités ; elle n’est pour eux qu’un miroir aux alouettes que brandissent comme une solution miracle ceux qui peuvent et qui veulent en tirer profit.
Nous nous opposons vivement à ce que le niveau de retraite de chacun dépende de son épargne individuelle, a fortiori quand une part de capitalisation est introduite dans la retraite.
De plus, l’épargne retraite n’offre pas des garanties suffisantes pour les salariés. En effet, les prestations de celle-ci sont largement inférieures à la seule qui vaille : la retraite par répartition.
L’effort d’épargne exigée serait en effet trop important, pour une pension au final assez maigre. Par ailleurs, aucune garantie n’existe pour indexer le montant des pensions sur les salaires, ni pour compenser la perte du pouvoir d’achat due à l’inflation.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter pour cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’avis est défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Le développement de cette épargne retraite constitue pour nous une priorité claire et nette donnée aux plus riches.
En effet, le développement de l’épargne retraite pour compléter une ressource de base programmée à la baisse constitue en réalité une rupture avec le principe de solidarité, sur lequel reposait notre système de retraite bâti au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Sur le papier, tout le monde a le droit d’épargner ; en revanche, concrètement, nombre de nos concitoyens ne peuvent pas le faire, au regard des revenus dont ils disposent aujourd’hui. Ceux qui ont du mal à « boucler » leurs fins de mois ne pourront jamais épargner pour leur retraite.
Ne pas accepter cette réalité, c’est pratiquer la politique de l’autruche.
Cette priorité donnée aux riches repose également sur le principe des exonérations fiscales. En effet, il s’agit d’un cadeau proportionnel à la richesse. Ce « manque à gagner » pour l’État est supporté par tous les contribuables, y compris les bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA, car ils paient, à travers leur consommation, fût-elle minimaliste, la TVA.
Je voudrais rappeler ici une loi économique fondamentale, la loi de Keynes, selon laquelle la propension à épargner est une fonction croissante du revenu. Autrement dit, plus on est riche, plus on peut épargner.
Avec ce dispositif, manifestement, le Gouvernement se prépare à aider les plus riches.
Sur ce sujet, je demande une fois de plus au Gouvernement – je constate que M. Woerth n’est plus là mais M. Tron le suppléera parfaitement –…
M. Jacques Muller. … quel est le coût pour la collectivité du montant de l’épargne retraite. C’est la troisième fois que nous posons la question. Nous aimerions obtenir une réponse.
En conclusion, je dirai que le développement de cette épargne retraite, avec les exonérations fiscales à la clé, relève très exactement d’une redistribution à l’envers des pauvres envers les riches.
Les principes fondateurs de notre système de retraite sont aujourd’hui mis à mal. Les précurseurs de ce système de retraites collectives qui devait être notre fierté – je pense notamment au général de Gaulle et à son délégué au Conseil national de la Résistance, Jean Moulin – doivent se retourner dans leur tombe !
Nous voterons cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1149, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet article 32 quinquies, tout comme le titre V ter, n’a pas d’autre but que de consacrer et d’organiser la retraite par capitalisation.
Ce projet de loi la pose tout d’abord comme une simple possibilité, avant de la prévoir de manière obligatoire dans les entreprises. Enfin, on voit bien arriver la dernière étape : c’est l’obligation pure et simple de la retraite par capitalisation, en la soumettant aux retraites chapeaux de quelques-uns dans les entreprises.
La retraite par répartition à laquelle nous sommes tant attachés, proclamée à l’article 1er, est ensuite soigneusement et insidieusement liquidée par le reste de ce projet de loi.
Faire que la capitalisation ne soit plus un simple choix mais devienne, petit à petit, une véritable obligation : voilà le but ultime de la majorité et de ce projet de loi.
Les Français le savent et vous le disent, monsieur le secrétaire d’État, mais vous persistez à ne pas vouloir les entendre, le système de retraite par capitalisation amplifie les inégalités salariales. C’est un système profondément injuste. Ils n’en veulent pas, car la plupart d’entre eux percevront une pension insuffisante et aléatoire.
C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement de suppression de votre mécanique douteuse et incompréhensible, mais fidèle à votre objectif.
Nous vous demandons, une fois encore, d’écouter la rue. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Les Français veulent que le montant de leur retraite soit pérenne et leur permette de vivre dignement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1150, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Beaucoup a été dit sur ces fameuses retraites chapeaux. Je ferai tout de même quelques remarques.
Il est des moments révélateurs dans nos débats, où il vous est plus difficile de dissimuler vos véritables intentions.
Nos concitoyens ont découvert l’existence des retraites chapeaux, qui attribuent des mannes exorbitantes, en plus de leurs non moins exorbitantes rémunérations, à des PDG des entreprises du CAC 40 pour « stimuler la concurrence », comme l’a dit notre collègue Jean-Pierre Fourcade. Pour nombre d’entre eux, ces retraites chapeaux symbolisent tout ce qu’il y a de profondément immoral dans cette société ultralibérale, chère à votre cœur, et dans laquelle vous voulez faire entrer la France à marche forcée.
Il est particulièrement scandaleux d’avoir aujourd’hui ce débat, que je trouve détestable, alors que l’on va demander aux salariés d’accepter de travailler plus longtemps, et souvent d’avoir une retraite, non pas chapeau mais au rabais.
Le Président de la République avait, au cœur de la crise, déclaré solennellement qu’il allait moraliser le capitalisme. Proposer à ces salariés, parce qu’on est un peu gêné aux entournures, de conditionner le bénéfice des retraites chapeaux, qu’on bénit pour l’occasion, à l’ouverture d’un PERCO, que l’on pourrait appeler leur ersatz, ce fonds de pension à la française, dont nous avons déjà dit très abondamment tout ce que nous en pensons – et qui, d’ailleurs ne rencontre pas le succès attendu, comme le souligne M. Leclerc lui-même dans son rapport –, je trouve que c’est à la fois scandaleux et arrogant.
Chers collègues, vous avez l’occasion de vous rattraper en votant notre amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1212, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 3 et 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Régime de retraite supplémentaire auquel l'affiliation est obligatoire et mis en place dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.
II. - En conséquence, alinéa 5
Remplacer la référence :
3°
par la référence :
2°
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification, qui vise également, mais de manière incidente, à consacrer l’épargne retraite sur un plus petit nombre de types de contrats, tout en conservant pour l’entreprise un panel de choix suffisamment large.
Mme la présidente. L'amendement n° 1151, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Selon l’expression consacrée, on ne va pas tourner autour du pot : l’article 32 quinquies vise à obliger, par un moyen détourné, l’ensemble des salariés d’une entreprise à souscrire au dispositif d’épargne retraite.
Comme cela a été dit, ce serait une étape supplémentaire dans la mise en place du système de retraite par capitalisation que vous souhaitez voir concurrencer de façon déloyale notre système solidaire de retraite par répartition.
Je dis « déloyale », car la faillite que vous organisez aurait pour conséquence des pensions devenues dérisoires tant elles seraient faibles, ou inatteignables du fait des mesures d’âge que vous instaurez.
Cette faillite programmée s’accompagne d’une véritable campagne de promotion de la capitalisation.
Nous l’avons dit tout au long de ce débat, nous assistons à un lent mouvement de mainmise des intérêts privés sur la manne de capitaux que représentent les pensions de nos concitoyens.
Je rappelle qu’il s’agit d’un marché de 230 milliards à 275 milliards d’euros chaque année, que les banques et les compagnies d’assurances ne sauraient laisser échapper.
C’est la raison pour laquelle subordonner, comme le fait cet article, la mise en place de certains régimes de retraites, destinés aux cadres dirigeants d’entreprises, à l’ouverture obligatoire de dispositifs d’épargne retraite nous semble inacceptable.
Cela contribuerait à programmer inéluctablement la faillite de notre actuel système de retraite.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, par cet amendement, supprimer la possibilité de mettre en place ces fameux régimes chapeaux sous condition d’ouverture obligatoire d’un contrat d’épargne retraite à prestations ou à cotisations définies.
Mme la présidente. L'amendement n° 1152, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Je voudrais d’abord, très respectueusement, madame la présidente, vous faire une observation.
Alors que mon amendement est inscrit sur le dérouleur en premier, vous l’avez appelé en quatrième position. Je trouve cela tout à fait anormal. (Rires sur les travées de l’UMP.) C’est pourquoi je me permets d’élever une protestation parfaitement légitime, me semble-t-il.
Mme la présidente. Monsieur Autain, permettez-moi, tout aussi respectueusement, de vous en donner les raisons.
L’amendement n° 623 ayant été supprimé, on a remis le vôtre à la place où il devait être, c’est-à-dire avec les trois amendements en discussion commune.
M. François Autain. Je ne vois pas en quoi la suppression de l’amendement n° 623 rétrograde automatiquement mon amendement en fin de liste. Je trouve cela totalement injuste et incompréhensible ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Monsieur Autain, continuons !
M. François Autain. Les explications que vous m’avez données ne m’ont pas totalement satisfait, mais je m’en contenterai. (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois. Quelle bonté !
M. François Autain. En défendant nos amendements précédents sur cet article 32 quinquies, nous avons eu l’occasion de dire et de répéter notre opposition à ce mécanisme qui lie l’ouverture d’un régime de retraite, qu’on a l’habitude d’appeler « chapeau » – ce terme n’est pas vraiment approprié –, à un plan ou à un contrat d’épargne retraite bénéficiant à tous les salariés dans l’entreprise.
Je sais que le temps presse, mes chers collègues, et que nous devons en terminer le plus rapidement possible… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Je ne reviendrai donc pas sur le fond de notre argumentation.
Les deux précédents amendements que nous avons présentés visaient ainsi à supprimer les dispositions énumérées dans le I de cet article, qui tendent à subordonner la mise en place de ces régimes dits chapeaux – l’expression est vraiment impropre –, réservés aux cadres dirigeants d’une entreprise, à l’ouverture, pour l’ensemble des salariés, d’un régime de retraite supplémentaire auquel l’affiliation est obligatoire, les plans d’épargne pour la retraite collectifs, ou contrats d’épargne retraite à prestations ou à cotisations définies.
Un second cas de figure est visé par le II de cet article, celui des entreprises qui disposeraient déjà d’un régime chapeau. Il est prévu de les obliger à se mettre en conformité avec les dispositions précédentes, avant le 31 décembre 2012.
Mes chers collègues, ce n’est pas tant le délai qui nous préoccupe que le principe même d’obliger les entreprises et leurs salariés à développer l’épargne retraite.
Aussi, nous vous demandons, à travers cet amendement n° 1152, de supprimer le II de cet article 32 quinquies. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 1150, 1151 et 1152. Il est en revanche favorable à l’amendement n° 1212.
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier, pour un rappel au règlement.
M. Charles Gautier. Ce rappel se fonde sur l’article de notre règlement relatif à l’organisation des séances.
Nous avons entendu beaucoup de choses dans cet hémicycle cet après-midi. Il nous a été rappelé longuement que nous vivions dans une démocratie parlementaire et, en conséquence, que notre assemblée ne devait pas céder à la pression extérieure.
M. Jean-Pierre Fourcade. Exactement !
M. Charles Gautier. J’ai cru comprendre qu’il était ainsi fait allusion à la pression de la rue.
Il se trouve que j’ai entre les mains la copie d’une dépêche de l’AFP, tombée ce soir à dix-huit heures quatorze.
M. Nicolas About. Il ne faut pas plus céder à la pression de la presse qu’à celle de la rue !
M. Robert del Picchia. L’AFP, ce n’est pas la Bible !
M. Charles Gautier. Cette dépêche fait référence aux déclarations du secrétaire général de l’Élysée, lequel somme le Sénat de presser le pas… (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela ne risque pas d’arriver !
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Laurent Béteille. C’est vous qui avez fait appel au Président de la République !
M. Charles Gautier. Ce titre de dépêche résume toute mon intervention. (Brouhaha sur toutes les travées.)
Le fait que le Sénat reçoive une telle injonction d’une composante de la République qui n’a aucun mandat pour s’adresser de la sorte aux chambres me semble poser un véritable problème.
C’est pourquoi je souhaiterais que le bureau du Sénat donne son point de vue sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Article 32 quinquies (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen de l’article 32 quinquies.
La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l’amendement n° 1150.
M. Jacques Muller. Cet article 32 quinquies pose le problème du lien entre les retraites chapeaux et le développement des PERCO.
Cette articulation pose un problème éthique majeur, que mes collègues ont déjà abordé, et sur lequel je ne reviendrai pas.
Mais l’essor des PERCO pose aussi un problème macro-économique de première ampleur, qui n’a pas encore été abordé dans cet hémicycle. Il reflète en effet le développement de l’économie financière, ou économie casino, qui suscite l’inquiétude de nombreux experts et chefs d’entreprises.
Cette économie casino repose sur deux piliers : le prélèvement de dividendes extrêmes sur la valeur ajoutée des entreprises, à hauteur de 230 milliards d’euros aujourd’hui, et, plus inquiétant encore, le fait que cette manne financière ne soit pas investie.
Je voudrais en effet attirer votre attention, mes chers collègues, sur la confusion opérée par la presse dite spécialisée entre les « investissements » et les « placements ».
En effet, selon la définition rigoureuse de la comptabilité nationale, l’investissement, ce n’est pas le placement financier, mais la formation brute de capital fixe, c’est-à-dire, concrètement, l’augmentation des moyens de production dans les entreprises, la création d’infrastructures et de logements, y compris de logements sociaux, dont nous aurions grand besoin aujourd’hui. Je rappelle que nous avons célébré, le 17 octobre dernier, la journée mondiale de lutte contre la misère, qui consacre le droit au logement comme un droit humain fondamental.
Ce déficit de formation brute de capital fixe pose un certain nombre de problèmes. On peut tout d’abord estimer que cette multiplication des placements financiers et cet essor de l’économie casino s’apparentent à de la thésaurisation. Autrefois, nos grands-parents plaçaient de l’argent liquide sous leurs matelas. Aujourd’hui, ce sont des sommes considérables qui sortent du circuit économique sans être investies.
Il en résulte une pression inouïe sur les entreprises, mais aussi sur le monde du travail, lorsqu’il s’agit de partager la valeur ajoutée entre salaires et profits, de même qu’une pression considérable sur les normes environnementales. Je rappellerai ici l’abandon de la taxe « Sarkozy-carbone » au nom de la concurrence internationale.
Au final, cette économie financière se traduit par la formation de bulles, dont l’éclatement est tout aussi imprévisible qu’inéluctable, ainsi qu’en témoignent les exemples qui ont jalonné l’histoire.
Il serait aujourd’hui de notre responsabilité de cesser d’alimenter cette bulle financière, notamment en voulant développer des plans d’épargne retraite qui y contribuent largement.
C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 1151 et 1152 n’ont plus d'objet.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article 32 quinquies.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste votera contre cet article, pour plusieurs raisons.
Premièrement, M. le ministre répète à l’envi que ce texte est fait pour sauver la retraite par répartition. À l’évidence, l’article 32 quinquies ne participe pas de cet objectif, puisqu’il traite des retraites chapeaux : on est loin de la répartition !
Deuxièmement, comme l’amendement n° 1212 le démontre aisément, nous abordons, au détour d’un texte censé sauver la retraite par répartition, des sujets qui ont trait à l’épargne salariale. Si vous aviez voulu réformer la retraite au moyen de l’épargne salariale, peut-être eût-il mieux valu y consacrer un texte entier, monsieur le ministre.
La comparaison du texte adopté par l’Assemblée nationale et de celui proposé par la commission des affaires sociales du Sénat, à laquelle je me suis livrée, révèle d’ailleurs une divergence d’appréciation quant au champ d’application de cet article 32 quinquies.
Notre collègue Philippe Marini étant de retour parmi nous, il est en mesure d’assurer sa défense. Je vais donc pouvoir le citer !
M. Guy Fischer. C’est lui qui tire les ficelles !
Mme Nicole Bricq. Selon la dépêche invoquée par notre collègue Charles Gautier, nous poursuivrions les manœuvres dilatoires. Je signale tout de même à M. Guéant que nos amendements – c’est aussi le cas de ceux de la majorité, mais pas de ceux du Gouvernement – ont été déposés le 5 octobre. Nous ne prenons donc personne par surprise : nous nous contentons de défendre nos positions, et nous ne nous livrons à aucune manœuvre dilatoire.
Je pense que vos hésitations relatives au champ d’application de cet article tiennent à ce que les retraites chapeaux, qui sont qualifiées de « régimes de retraite supplémentaires à prestations définies » dans le projet de loi, ne concernent qu’une catégorie limitée de personnes situées au sommet de l’échelle sociale, par exemple des mandataires sociaux, qui peuvent en même temps être salariés.
Il n’est pas aisé de débusquer ces retraites chapeaux, nichées au beau milieu de l’épargne salariale.
M. Philippe Marini. Encore des niches !
Mme Nicole Bricq. Dès lors, je comprends vos hésitations, qui ressortent d’ailleurs de la rectification opérée par la commission des affaires sociales.
Dans Le Monde daté du 19 octobre, vous prétendez, monsieur Marini, que la taxation accrue des retraites chapeaux provoque des crispations, que vous expliquez par le fait que les Français sont attachés à leurs intérêts particuliers. Vous précisez également que les dirigeants d’entreprises ne sont pas les seuls concernés, que les cadres le sont également. Je vous rappelle quand même que seule une minorité de Français est concernée.
M. Philippe Marini. C’est gentil de me citer, madame Bricq !
Mme Nicole Bricq. On comprend mieux le débat qui nous a occupés cet après-midi !
C’est une troisième raison pour voter contre cet article, la quatrième étant liée à l’argument avancé par M. Fourcade, sans cesse ressassé depuis le vote en 2007 de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA.
Tout le discours du Gouvernement et de la majorité justifiant l’existence du paquet fiscal reposait sur deux arguments : ce dispositif était censé relancer la croissance – nous avons vu ce qu’il en a été ! – et éviter l’exil de ceux qui contribuent à la richesse du pays.
Je vous rappelle, monsieur Fourcade, que nous avions adopté un amendement, déposé sur mon initiative, visant à demander des comptes au Gouvernement sur les effets du dispositif en termes de retour des exilés fiscaux.
M. Guy Fischer. On attend toujours !
Mme Nicole Bricq. Nous n’avons jamais reçu ce rapport !
De grâce, ne nous resservez pas, encore une fois, ce plat réchauffé : il est indigeste !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. La majorité de mon groupe votera contre cet article, pour les raisons excellemment soulignées par Mme Bricq.
Je voudrais insister sur un autre point, que j’ai déjà évoqué hier. On arrive, avec les retraites chapeaux, à des écarts de revenus entre retraités encore plus importants que lorsque les gens sont en activité. Nos concitoyens ne l’acceptent pas !
Le Gouvernement aurait dû s’attacher à réduire ces écarts de revenus. Si l’on peut comprendre qu’il existe des écarts de revenus importants lorsque les gens sont en activité, dans la mesure où ceux qui occupent de hauts postes apportent une valeur ajoutée sur le plan économique, ces écarts doivent être réduits – sans viser bien sûr l’égalité ! – lorsque les gens sont à la retraite.
Ce signe fort aurait donné un certain espoir à ceux de nos concitoyens qui perçoivent de faibles retraites.
Vous n’avez pas voulu le faire, car vous voulez protéger ceux qui ont déjà des privilèges, et leur en donner d’autres. Même si ce n’était pas votre objectif de départ, comme vous le dites, le résultat est là !
Surtout, nos concitoyens ne l’acceptent pas, et je ne peux que leur donner raison. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 32 quinquies, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 71 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 32 quinquies (réservés)
Mme la présidente. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 32 sexies
Après le onzième alinéa de l’article L. 132-22 du code des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les contrats liés à la cessation d’activité professionnelle, l’entreprise d’assurance ou de capitalisation fournit, dans cette communication, une estimation du montant de la rente viagère qui serait versée à l’assuré à partir de ses droits personnels. Elle précise, le cas échéant, les conditions dans lesquelles l’assuré peut demander le transfert de son contrat auprès d’une autre entreprise d’assurance, d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 52 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 476 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l’amendement n° 52.
M. Bernard Vera. Cet amendement a déjà été défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 476.
Mme Patricia Schillinger. Cet article nous conduit à nous poser une question sémantique : quelle est la différence entre information, communication et publicité ?
L’information a un caractère factuel, neutre. Les données, les faits et les événements sont décrits, et peuvent être accompagnés d’une opinion, celle-ci étant clairement séparée de la relation des faits et indiquée comme telle.
La publicité est la mise à la connaissance du public de l’existence d’un bien ou d’un service, accompagnée d’une description souvent très partielle, en tout cas partiale, clairement destinée à inciter d’éventuels consommateurs à acquérir ce bien ou ce service.
Et puis, à mi-chemin, il y a la communication, dans cette zone grise qui n’est ni de l’information ni de la publicité, mais une présentation orientée d’un bien ou d’un service. La différence est ténue entre la publicité et la communication, celle-ci n’étant souvent que l’habillage sophistiqué de la publicité.
Dans l’article 32 sexies du projet de loi, c’est le mot « communication » qui est utilisé. Sans doute direz-vous qu’il ne faut pas y voir malice, mais ce mot désigne ici une réalité révélatrice. Ce n’est pas une information extérieure et neutre sur les dispositifs d’épargne retraite qui sera donnée aux salariés, mais bien une communication de l’entreprise d’assurance ou de capitalisation qui sera distribuée.
Il est précisé explicitement, dans l’article, que cette communication portera sur les rentes.
Dans son rapport, notre collègue Jean-Jacques Jégou indique qu’il approuve l’ajout de cet article dans le projet de loi, car il constate la préférence des Français pour la sortie en capital plutôt qu’en rente. Il ajoute : « En effet, l’un des problèmes majeurs de la commercialisation des produits de retraite réside dans la difficulté de convaincre l’épargnant d’investir des sommes sans pouvoir indiquer de façon certaine le montant de la rente qu’il percevra ».
Il est rassurant de voir que nos compatriotes ne sont pas les naïfs manipulés que le Gouvernement décrit à longueur d’articles de presse. Les Français, même peu au fait de ces mécanismes complexes, perçoivent bien que le retour du capital qu’ils investissent est compromis. Vous opérez donc toutes ces manipulations pour les obliger à adhérer, y compris par défaut, à des produits collectifs dont la sortie est en rente.
Certes, le travail des actuaires des compagnies d’assurance et des sociétés de gestion n’est pas de calculer le montant le plus profitable et la durée la plus adaptée pour l’épargnant et le retraité. Ce travail consiste à rechercher le moyen de préserver, pour la société d’assurance ou de gestion, une partie du capital déposé. Cela implique une bonne connaissance des tables de mortalité et des probabilités des âges de décès.
Je rappelle ce point pour souligner qu’il ne s’agit pas ici d’un système de répartition, fondé sur la solidarité entre les vivants jeunes et vieux, mais d’un système de capitalisation, dont le fondement est la spéculation sur la mort. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Il existe, d’ores et déjà, un dispositif d’information permettant de connaître globalement le montant de l’épargne. L’article 32 sexies prévoit, en outre, la possibilité d’obtenir des informations sur le versement d’une rente.
Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, le versement d’une rente a un caractère hypothétique. Pour cette raison même, le dispositif n’a en aucun cas caractère d’engagement. Une rente, surtout en matière de produits à risque, peut faire l’objet de fluctuations : aucune information d’ordre général ne peut donc être donnée.
Ce dispositif vise seulement à fournir davantage d’informations aux salariés, sans pour autant les engager au-delà du raisonnable. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Votre offensive à marche forcée pour faire adopter ce texte (M. Nicolas About s’exclame) n’a pas découragé les millions de Français qui ont défilé ces dernières semaines. J’ai même l’impression qu’en les provoquant vous les encouragez à manifester sous les formes les plus diverses !
Cette réforme, qui met en place un système de retraite parmi les plus sévères d’Europe, en activant simultanément deux leviers, la durée de cotisation et l’âge légal de départ, n’est que la chronique de la mort annoncée de notre régime de retraite solidaire.
Nos concitoyens savent que vous créez ici les conditions de la mise en place, à terme, d’un système de retraite par capitalisation, en élargissant encore un peu plus l’espace de l’épargne privée. Le monde de la finance se réjouit évidemment de la disparition de notre système solidaire, puisqu’elle garantira son enrichissement égoïste.
Cette réforme, profondément injuste, répond aux injonctions maintes fois répétées de Mme Parisot. Après avoir été entendue par Nicolas Sarkozy sur le « verrou » de l’âge légal, la patronne des patrons l’est à présent, aussi, sur les mécanismes individuels d’épargne retraite.
Cette casse généralisée de notre système par répartition est le fruit d’une politique ultralibérale qui n’ose pas dire son nom. Le Gouvernement applique béatement les orientations libérales de la Commission européenne et des marchés financiers.
Dans un Livre vert sur les retraites intitulé Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe, la Commission européenne recommande de traiter de façon coordonnée certains thèmes communs, parmi lesquels figurent le fonctionnement du marché intérieur, les exigences résultant du pacte de stabilité et de croissance, et les réformes des retraites, qui doivent être cohérentes avec la stratégie Europe 2020. C’est l’alignement total ! Il est recommandé, notamment, de consolider le marché des retraites par le développement des régimes complémentaires et d’une offre assurantielle individuelle pour les travailleurs.
Nous savons tous que le développement des plans épargne retraite provient de l’anéantissement de notre système de retraites par répartition. Vous cassez délibérément ce système solidaire pour pouvoir, ensuite, montrer à nos concitoyens que la solidarité ne fonctionne pas. Vous répondez ainsi aux attentes de vos amis les financiers qui n’attendent qu’une chose : faire de l’argent sur le dos des retraités potentiels.
Ce projet de loi est inique à bien des égards. Le développement des plans épargne retraite en est une illustration : c’est un cadeau que vous faites aux lobbies qui vous courtisent.
Malgré vos discours incantatoires, loin de réformer et de sauver notre régime de retraite par répartition, vous le mettez à bas purement et simplement. C’est pourquoi notre groupe propose cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 et 476.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 185 rectifié, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un arrêté précise les conditions d'application du présent alinéa.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. L’article 32 sexies vise à modifier l’article L. 132-22 du code des assurances relatif à l’obligation d’information annuelle concernant les contrats de retraite afin de prévoir la communication d’une estimation de la rente viagère qui serait versée au titre des contrats liés à la cessation d’activité professionnelle.
Le présent amendement tend à prévoir que les modalités d’application de cette nouvelle obligation seront fixées par arrêté, afin de tenir compte de la spécificité des contrats, qu’ils soient formulés en unités de compte ou non.
En effet, il nous est apparu important, d’une part, que les assurés puissent être informés de manière appropriée, en fonction de l’horizon du départ en retraite et cela même si leur contrat comprend des unités de comptes, et, d’autre part, que cette obligation ne pèse pas indûment sur le traitement des informations par l’assureur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Cette précision est utile, le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues sénatrices et sénateurs... (Exclamations amusées.)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Oyez, oyez ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. …et parmi certains collègues, camarades (Nouveaux sourires.), en particulier ceux qui ont lutté contre les retraites chapeaux, je ne comprends absolument pas l’amendement de M. Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ah !
M. Jean Desessard. J’ai essayé de comprendre la phrase qu’il tend à insérer : « Un arrêté précise les conditions d’application du présent alinéa. »
M. Claude Guéant nous reprochera sans doute de bloquer le débat, mais peut-on avoir une explication ? On dit souvent que la loi est bavarde, qu’il est inutile de trop développer ! Je comprends très bien que M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État veuillent faire plaisir à M. Jégou, mais quel est l’intérêt d’inscrire cette précision dans la loi, alors qu’un alinéa précise un certain nombre de points, notamment sur l’intérêt de communiquer ?
Il est dit dans l’alinéa 2 qu’il faut communiquer. Or M. le secrétaire d’État nous a dit que cela ne servait pas à grand-chose puisque l’information était déjà donnée, mais il est malgré tout important de communiquer !
M. Jean Desessard. Je n’avais déjà pas bien compris, et maintenant, l’amendement indique qu’un arrêté est nécessaire !
Si l’on a compris l’alinéa aussi bien que moi, je comprends qu’un arrêté soit nécessaire pour l’expliquer ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Quoi qu’il en soit, cela ne sert pas à grand-chose.
M. Jean-Patrick Courtois. Il faut lire l’arrêté !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 32 sexies, modifié.
(L'article 32 sexies est adopté.)
Article 32 septies
(Non modifié)
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 144-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le contrat peut également prévoir le paiement d’un capital à cette même date, à condition que la valeur de rachat de cette garantie n’excède pas 20 % de la valeur de rachat du contrat. »
Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Notre amendement prévoit de supprimer l’article 32 septies de ce projet de loi qui prévoit que le salarié peut obtenir le paiement en capital des sommes qu’il a versées sur un contrat d’épargne retraite seulement à hauteur de 20 %.
Pour le reste, c’est-à-dire 80 % des sommes versées restantes, le salarié est contraint de recevoir une rente. C’est à croire, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne considérez pas les salariés comme les propriétaires de leur propre épargne. C’est un comble !
Drôle de conception que la vôtre, alors même que – comme le reconnaît lui-même Dominique Leclerc –, l’un des principaux freins à ces mécanismes réside dans la contrainte de la rente.
Pour notre part, nous ne sommes pas favorables à une généralisation de ce type d’épargne. Notre amendement vise donc moins à rechercher son développement qu’à tenter de comprendre pour quelles raisons vous entendez limiter ainsi la possibilité pour les salariés d’obtenir un versement par rente.
La réponse, nous la trouvons en regardant en direction des marchés. Comme, actuellement, l’épargne retraite par capitalisation ne parvient pas à s’accaparer les 230 milliards d’euros qui circulent dans les comptes de la CNAV, c’est-à-dire les 230 milliards d’euros de la répartition et de la solidarité, vous entendez limiter les sorties financières, afin que les banques, les assurances et tout ce que le monde compte de spéculateurs puissent continuer à jouer avec l’argent des salariés.
Hier, notre collègue Isabelle Debré nous a dit qu’il faudrait une fiscalité différente, selon que les placements sur les comptes épargne étaient des placements à long ou à court terme. Mais elle oublie de préciser que cette fiscalité différente a, d’abord et avant tout, comme objectif d’inciter, par la sanction, une fiscalité ou un rendement moins intéressant, celles et ceux des salariés qui décideraient de récupérer rapidement leur agent pour en profiter.
Avec la question du versement de l’épargne par rente ou par capital, c’est le même débat.
Avant de conclure, je voudrais prendre un exemple et poser une question.
Imaginons un salarié qui a travaillé toute sa vie et qui a cotisé plusieurs années à un plan d’épargne pour la retraite collectif, ou PERCO. L’âge de la retraite atteint, il se rend compte qu’il s’est, durant sa vie, surendetté, à un point tel que le montant des sommes qu’il a à rembourser mensuellement est trop élevé par rapport au niveau de sa pension. Il s’imagine alors pouvoir récupérer l’argent placé pour solder ses crédits divers et vivre chaque mois plus sereinement.
Au nom de quoi et pour quelles raisons pourriez-vous décider de le priver de cette possibilité ?
Avec cet exemple et cet amendement, nous entendons, chacun l’aura compris, poser la question de la disponibilité et de l’utilité de l’argent. Celui-ci, fruit du travail des salariés, doit lui revenir sous la forme qu’il aura personnellement choisie.
Tel est le sens de l’amendement n° 53 que notre groupe soumet à votre vote, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 753, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Rédiger ainsi cet article :
Le quatrième alinéa du I de l'article L. 144-2 du code des assurances est ainsi rédigé :
Le plan d'épargne retraite populaire peut, à compter de la date de liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d'assurance vieillesse ou de l'âge fixé en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, être payable, à cette échéance, par un versement en capital.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État et pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L’amendement n° 753 tend à modifier la rédaction de l’article 32 septies en prévoyant que le salarié puisse obtenir, lors de la liquidation de sa pension, que les sommes accumulées sur un plan épargne retraite lui soient versées en capital et non sous forme de rente.
D’ailleurs, notre collègue Dominique Leclerc, rapporteur de ce projet de loi, l’avoue lui-même, nos concitoyens sont frileux vis-à-vis des rentes. Et s’ils le sont, c’est qu’ils savent pertinemment qu’aucun outil bancaire ne peut sérieusement garantir dans le temps la non-dégradation du montant des rentes, particulièrement en cas de survenue d’une crise économique de grande ampleur, comme celle que nous avons connue voilà peu et dont nous ressentons encore les effets néfastes.
L’article 32 septies, tel qu’il résulte de la rédaction de l’Assemblée nationale, n’est d’ailleurs pas satisfaisant. En effet, s’il prévoit la possibilité d’une sortie en capital, celle-ci est plafonnée seulement à 20 %.
Cette limitation nous amène à nous interroger. En effet, on pourrait légitimement estimer que les salariés qui ont fait le choix individuel de cotiser personnellement pendant une partie de leur carrière professionnelle sont les propriétaires des sommes qu’ils ont déposées sur ces comptes.
Mais avec cet article, tout devient relatif. Si les salariés qui ont consenti des efforts financiers pour se constituer un complément de retraite individuel sont effectivement les propriétaires des comptes, ils ne le sont pas des capitaux. Ceux-ci appartiennent aux marchés financiers qui en ont besoin pour nourrir la bulle spéculative et financière.
La preuve en est que cet article ne les autorise qu’à bénéficier d’un versement en capital à hauteur de 20 % des sommes versées. Autrement dit, les marchés financiers consentent à redonner aux salariés 20 % de leur propre argent, et confisquent les 80 % restants.
Nous sommes, pour notre part, opposés à cette logique et nous considérons que le souscripteur – puisque c’est de cela qu’il s’agit – doit rester maître de l’évolution du compte auquel il a décidé de souscrire.
Par ailleurs, notre amendement prévoit de supprimer la possibilité offerte aux adhérents de se constituer, sous conditions, une épargne affectée à l’acquisition de leur résidence principale. Il n’est en fait pas possible de présenter le plan d’épargne retraite populaire, le PERP, comme une mesure destinée à financer la retraite complémentaire des salariés, tout en le transformant, au gré du temps, en un compte épargne comme un autre, permettant notamment l’acquisition d’un domicile principal.
Tout cela conduit à un mélange des genres qui n’est pas souhaitable et qui tend à faire croire qu’entre retraite, fût-elle complémentaire, et consommation, il n’y a plus de différence !
C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 477, présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
à cette même date
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Cet amendement est emblématique : par la disposition qu’il vise à supprimer, il souligne le caractère aléatoire des rendements des placements en épargne retraite – et ce ne sont pas que des mots !
Au fil du texte, on mesure de plus en plus combien le salarié qui accepte, plus ou moins sous la contrainte de l’employeur, la monétarisation du compte épargne temps, a fortiori le placement de cet argent sur des produits à risques, lâche la proie pour l’ombre.
Plus votre texte prévoit de dispositions, de communications, de précautions, plus vous avouez involontairement que vous mettez en place un système dangereux pour les épargnants, salariés ou non.
Toutes ces dispositions ont pour objet de ne pas laisser le résultat du travail à la disposition des travailleurs et de permettre au capital de reprendre ce que, normalement, il devrait restituer aux travailleurs.
Cela vaut aussi pour d’autres domaines. Nous assistons actuellement à des tentatives qui nous inquiètent. Par exemple, dans le domaine de la santé, que je connais un peu moins mal que les autres, on introduit le bonus malus, qui remet en cause le principe de solidarité qui a fondé la sécurité sociale.
Avec le bonus malus, ceux qui ne seront pas malades recevront une restitution partielle de leurs cotisations, mais ceux qui n’auront pas la chance d’être en bonne santé verront leurs cotisations augmenter.
Et l’on appelle cela de la solidarité ? Franchement, il s'agit d’une remise en cause fondamentale de notre système de retraite. Et ce qui s’amorce ici pour le produit du travail s’appliquera, demain, dans le domaine de la santé.
De grâce, mes chers collègues, soyons particulièrement vigilants, sinon, demain, le peuple fera entendre sa voix dans la rue.
Or, pour notre part, nous ne souhaitons pas que des problèmes aussi importants soient résolus de cette façon : nous voulons qu’un dialogue s’établisse entre le peuple et nous, mais aussi que les systèmes sociaux qui ont été construits dans notre pays, en particulier depuis 1947, puissent perdurer tout en s’adaptant aux évolutions démographiques et techniques de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Demande de priorité
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, en application de l’article 44, alinéa 6 de notre règlement, et en accord avec la commission, je demande que soient examinés par priorité, avant l’examen des autres amendements portant articles additionnels, les amendements nos 83 rectifié quater, 558 rectifié quater, 652 rectifié, 1220, 557 rectifié bis, 69 rectifié et 327 rectifié bis, initialement placés après l’article 3 octies.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’évoquerai très rapidement la suite de nos travaux.
Comme l’a noté tout à l'heure un de nos collègues, le Sénat reçoit des instructions de M. Guéant, le secrétaire général de l’Élysée. (Mme Catherine Procaccia proteste.) Celui-ci se mêle de la vie des organisations syndicales et dénonce les « manœuvres dilatoires du Sénat ». Je trouve ces propos très offensants. En outre, leur auteur n’est pas habilité à s’adresser au Parlement, qui, d'ailleurs, n’a pas d’ordre à recevoir de l’exécutif, et encore moins du secrétaire général de l’Élysée.
M. Robert del Picchia. Nous, nous ne prenons pas nos ordres au Parti !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Néanmoins, même s’il nous fait injonction de terminer nos débats tel jour à telle heure,…
M. Nicolas About. Non ! Il n'y a pas d’injonction au Parlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … c’est à nous d’en décider, et je souhaiterais savoir quelle sera l’organisation de nos travaux, notamment ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
6
Nomination des membres de la mission commune d’information sur les toxicomanies
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission commune d’information sur les toxicomanies.
La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées, et je proclame MM. Jean-Paul Alduy et Gilbert Barbier, Mmes Nicole Bonnefoy, Brigitte Bout, Christiane Demontès et Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Christiane Hummel et Virginie Klès, MM. Jacky Le Menn et Alain Milon, Mme Isabelle Pasquet, MM. François Pillet et Yves Pozzo di Borgo membres de la mission commune d’information sur les toxicomanies.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n’avez pas répondu à Mme Borvo Cohen-Seat, madame la présidente !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux (La réponse ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Ça, c’est du Guéant !
M. David Assouline. Le Parlement se plie aux injonctions de l’Élysée !
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
8
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Au cours des derniers jours, et particulièrement aujourd’hui, Guillaume Sarkozy a été omniprésent…
M. Adrien Gouteyron. C’est vous qui l’avez amené !
M. Guy Fischer. … dans nos débats. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Quelle ne fut alors pas ma surprise de trouver, au milieu de mes documents relatifs à la réforme des retraites, une invitation ! « Monsieur le vice-président, nous organisons un prochain déjeuner de travail auquel nous vous avons convié sur le thème :…
M. Nicolas About. Vous n’y êtes pas allé…
M. Guy Fischer. … quelle sera l’assurance maladie de demain ? ».
Essayez de deviner autour de quelle personnalité était organisé ce déjeuner…
M. Guy Fischer. Autour de Guillaume Sarkozy (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)…
Mme Annie David. Et voilà, on a fait le tour !
M. Guy Fischer. Vous voyez que c’est un homme qui a toujours une longueur d’avance.
M. Adrien Gouteyron. Ce n’est pas votre cas !
M. Guy Fischer. Il est omniprésent.
M. Adrien Gouteyron. Je n’ai pas eu d’invitation, monsieur Fischer !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Moi non plus…
M. Guy Fischer. Je vous rappelle que Guillaume Sarkozy est le délégué général de Malakoff Médéric. Il organisera ce déjeuner de travail avec Paul Grasset, directeur général du groupe PRO BTP. Cela permet de se faire une idée…
Et j’ai trouvé un autre document où il est écrit : « il n’y a pas de raison d’avoir peur de la retraite complémentaire privée ». C’est la suite ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Frimat. Madame la présidente de la commission, si j’ai bien compris l’intervention que vous avez faite avant la suspension de séance, vous avez demandé à ce que reviennent en priorité dans la discussion quelques amendements portant articles additionnels qui avaient précédemment été réservés. Nous aimerions savoir avec précision à quel moment vous prévoyez de faire intervenir la discussion sur ces amendements ? Cette priorité s’applique-t-elle immédiatement après l’article 32 septies actuellement en discussion ou après l’article 33 ?
M. Nicolas About. Après l’article 33 !
M. Bernard Frimat. Mme la présidente de la commission l’a peut-être dit, monsieur le président About, mais vous savez que j’ai toujours beaucoup de difficultés à comprendre les choses. J’ai besoin qu’elles me soient précisées avec la gentillesse dont vous êtes coutumier. (Sourires.)
Nous ne discutons pas cette priorité, madame la présidente de la commission. En effet, dès lors qu’elle est demandée par la commission et que le Gouvernement en est d’accord, celle-ci est de droit. Nous voudrions simplement savoir à quel moment précis de la discussion elle s’appliquera.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ces amendements viendront en discussion après l’article 33.
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au vote sur l’amendement n° 753 au sein de l’article 32 septies.
Je mets aux voix l'amendement n° 753.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Mme Annie David. Ils n’ont pas fini de dîner, voilà pourquoi ils demandent un scrutin public !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 477.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Daniel Raoul. Dites à Guéant de les priver de dessert !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n°73 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Daniel Raoul. Nous demandons le président du groupe UMP en séance !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 32 septies.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Raoul. C’est M. Guéant qui fait de l’obstruction ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n°74 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour un rappel au règlement.
M. Daniel Raoul. J’interviens à la fois en tant que porte-parole de mon groupe et en tant que secrétaire de séance.
Madame la présidente, je voudrais que nous puissions poursuivre nos débats dans des conditions raisonnables. Cette situation n’est pas possible ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je mesure à l’heure actuelle l’attachement des sénateurs du groupe UMP pour ce projet de loi : il n’est qu’à compter combien sont présents ; ils votent avec leurs pieds ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, permettez-moi de vous dire que je vous trouve particulièrement agités ce soir !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.
M. David Assouline. Je ne sais pas qui est agité mais, pour notre part, nous souhaitons pouvoir travailler normalement. (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.) Nous reprenons nos travaux sans savoir exactement quand ils s’achèveront. Certains s’en moquent peut-être, mais nous sommes un certain nombre à avoir participé à ce débat plusieurs nuits d’affilée et nous aimerions savoir ce qu’il en est pour cette séance. Mais nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, car nous sommes en bonne santé et motivés.
Par ailleurs, nous apprenons qu’à l’Élysée, M. Guéant… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Un sénateur de l’UMP. Si on commençait à travailler ?
M. David Assouline. Laissez-moi vous dire, et ce n’est pas une question de gauche ou de droite : quand je suis arrivé dans cet hémicycle en 2004, il était inconcevable – je le répète, inconcevable – que l’on puisse, directement de l’Élysée, décider de la façon dont devait travailler le Sénat. À tout moment, quelqu’un dans vos rangs se serait levé pour s’exclamer qu’il n’avait jamais vu cela. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Nous ne devons pas nous accoutumer à de telles méthodes. Ce que fait M. Guéant est un scandale absolu !
Mme Jacqueline Panis. Vous l’avez dit tout à l’heure !
M. David Assouline. C’était le sens de l’intervention de mon collègue Daniel Raoul.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il a eu raison !
M. David Assouline. Il a souligné que tels procédés n’étaient pas acceptables. En plus, c’est le groupe UMP qui ralentit le déroulement de nos travaux en n’assurant même pas sa présence dans l’hémicycle.
Madame la présidente, on ne peut pas rabrouer de cette façon notre collègue et lui reprocher d’avoir une attitude agitée, pour ces simples propos. Son intervention était tout à fait respectable et avait toute sa place.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je ne vois pas ce que les propos de M. Guéant ont de choquant. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Les sénateurs commentent beaucoup ce que fait l’Élysée ; il n’y a donc rien de scandaleux à voir l’Élysée commenter ou donner un point de vue. Chacun a le droit de s’exprimer, sans influencer le Sénat ou influer sur ses travaux. Il s’agit d’une opinion, qui doit être prise comme telle.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est honteux !
M. Roland Courteau. M. Guéant n’est pas élu !
M. Charles Gautier. Et la séparation des pouvoirs ?
Articles additionnels après l'article 32 septies
Mme la présidente. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 32 octies
Le b du 1 du I de l’article 163 quatervicies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« b) À titre individuel et facultatif aux contrats souscrits dans le cadre de régimes de retraite supplémentaire, auxquels l’affiliation est obligatoire et mis en place dans les conditions prévues à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, lorsque ces contrats sont souscrits par un employeur ou un groupement d’employeurs ; ».
Mme la présidente. L'amendement n° 54, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. J’aimerais moi aussi savoir à quelle heure s’achèveront nos débats ce soir. Peut-être en saurons-nous plus sur l’organisation de nos travaux lorsque la commission et le Gouvernement émettront leur avis sur l'amendement n° 54.
Avec cet article 32 octies, nous arrivons au terme de la discussion sur l’ensemble des articles insérés à l'Assemblée nationale par la voie d’amendements déposés par des députés de la majorité. Ceux-ci ont décidé de mettre au cœur de cette réforme le développement des différentes formes de capitalisation, dont le seul objectif est de mettre à bas notre système solidaire.
En créant le titre V bis, relatif à l’épargne retraite, juste avant les dispositions finales de ce projet de loi, c’est donc en forme de bouquet final, destructeur de notre système par péréquation, que les députés ont choisi de terminer ce texte.
Ainsi, au terme de ce projet, ils ont tenu à mettre en place tout un système de possibilités et de contraintes forçant la mise en place de comptes épargne retraite pour créer les conditions d’une individualisation à venir.
Alors que chacun reconnaît que notre système de retraite est confronté à un problème de financement et que les finances publiques sont au plus mal, l’ensemble des mesures ici préconisées vont, une nouvelle fois, contribuer à vider les caisses.
De nouvelles ressources seront défiscalisées et exemptées de cotisations sociales. De ce fait, elles seront aussi soustraites aux cotisations retraite. Plus précisément, cet article 32 octies vise à réécrire l’article 163 quatervicies du code général des impôts, qui prévoit la déductibilité du revenu net global, soumis à l’impôt sur le revenu, des cotisations et des primes versées au profit d’un compte épargne retraite.
Cette mesure vise, plus précisément, à rendre plus attractifs fiscalement les contrats épargnes obligatoires mis en place par les employeurs. Aussi connaissant notre opposition à ce type de contrat d’épargne, vous ne serez pas étonnés que nous vous demandions la suppression de cet article.
Mais ce qui me surprend le plus, c’est que vous ayez accepté de faire figurer dans un texte quelque chose qui aggrave notre situation fiscale au moment où vous nous dites que vous allez faire en sorte de réduire les niches fiscales dans la prochaine loi de finances. Il y a quand même des contradictions qu’il est bon de souligner au moment où l’on débat des questions de retraite ! Nos propositions n’ont, quant à elles, rien à voir avec de la fiscalisation !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’amendement n °54.
Mme Marie-France Beaufils. J’interviens pour une explication de vote, mais surtout pour une remarque. En soulevant cette question de la fiscalisation, je pensais quand même provoquer une réaction du Gouvernement !
M. Charles Gautier. Il s’en moque !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 32 octies.
(L'article 32 octies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 32 octies (réservés)
Mme la présidente. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l'article 33.
TITRE VI
DISPOSITIONS FINALES
Article 33
I. – L’article 3 entre en vigueur le 1er janvier 2012.
II. – Les articles 5 à 20 bis, 26, 27 quater et 27 quinquies sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011.
III. – L’article 22 entre en vigueur le 1er juillet 2011 et est applicable aux demandes de pension déposées à compter de cette date.
IV. – L’article 25 est applicable aux expositions intervenues à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012.
IV bis. – L’article 29 bis est applicable aux demandes d’allocation de veuvage déposées à compter du 1er janvier 2011.
V. – L’article 30 est applicable aux indemnités journalières d’assurance maternité versées dans le cadre des congés de maternité débutant à compter du 1er janvier 2012.
VI. – (Supprimé)
VII (nouveau). – Le IV de l’article 32 ter est applicable aux droits à participation attribués au titre des exercices clos après la promulgation de la loi n° … du … portant réforme des retraites.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Mauroy, sur l’article.
M. Pierre Mauroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens au lendemain de la sixième journée d’action organisée par les syndicats, par les lycéens, par des groupes de différentes natures, dans le cadre d’un conflit qui, manifestement, s’élargit et pose de très gros problèmes à la nation et à la population.
On nous dit que M. Sarkozy veut essayer de trouver la sortie. Ce n’est pas en force qu’il faut essayer de trouver la sortie ! C’est naturellement en faisant des propositions qui puissent aller dans le sens d’une réunion, d’une discussion, d’une négociation. Il est toujours possible d’arriver finalement au but, c’est-à-dire à une retraite qui donne satisfaction aux Françaises et aux Français.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Pierre Mauroy. Je suis intervenu vendredi et, monsieur le ministre, à cette occasion, vous avez fait de l’ironie. Vous avez dit que moi-même – et au-delà de ma personne, les sénateurs socialistes – que la gauche, donc, aimait les chiffres ronds. Je ne comprends pas ce que les chiffres ronds ont à voir avec le débat qui est le nôtre !
Moi, je ne suis pas banquier ! Je ne remue pas des liasses d’argent ! Je ne sais pas ce que sont les chiffres ronds par rapport aux autres chiffres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
J’avoue, d’ailleurs, que les chiffres des victoires de la gauche ne sont pas nécessairement des chiffres ronds. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
En effet, 1848, ce n’est pas un chiffre rond ! 1871, ce n’est pas un chiffre rond ! 1936 – dont on n’a peut-être pas suffisamment parlé– n’est pas davantage un chiffre rond ! Pas plus d’ailleurs que les autres chiffres… Passons sur cela.
J’en viens au véritable problème en discussion, la retraite à 60 ans, que j’ai évoquée la dernière fois. Je ne vais pas y revenir.
Simplement, puisqu’on a parlé des chiffres ronds, de l’amour que je leur porte, voire de ma nostalgie pour une retraite à 60 ans, je dois dire que ces propos ont tout de même eu une résonnance dans le pays. Peut-être en avez-vous trouvé l’écho dans la revue de presse que vos collaborateurs ne sauraient manquer de vous faire.
Moi, j’en ai beaucoup entendu parler ! De retour à Lille, j’ai vu comment tout le monde avait réussi à capter ce message, j’ai vu qu’au fond tout le monde reste attaché à la retraite à 60 ans et qu’il n’est pas possible de jeter cette retraite à 60 ans dans les oubliettes de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela, ce n’est pas possible ! Par conséquent, il faut la prendre en considération.
J’en viens ensuite au problème de la réforme. Nous sommes attachés à la réforme. De temps en temps, on nous dit même que nous sommes des réformistes. Sans doute est-ce vrai.
M. Jacques Gautier. Il y a longtemps que c’est fini !
M. Pierre Mauroy. Nous sommes attachés à la réforme. M. Sarkozy s’y dit également attaché. Oui ! Mais il y a de bonnes réformes et il y a de mauvaises, de très mauvaises réformes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Par conséquent, il faut rester dans le registre des bonnes réformes, celles qui plaisent au peuple, à la majorité des Françaises et des Français. Et, manifestement, la réforme que nous proposons – et nous ne sommes pas les seuls – va dans le bon sens. Par conséquent, il ne faut pas l’oublier.
J’ajoute que, chemin faisant, on discute un peu de tous les problèmes. Certes, on en laisse beaucoup sur le côté, mais peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir.
En tout cas, la retraite à 60 ans, ce n’est pas possible qu’elle aggrave la situation des jeunes ! Ce n’est pas possible qu’elle aggrave la situation des seniors !
C’est quand même un comble que ces seniors, les uns les mettent à la porte de plus en plus rapidement et, par conséquent, de plus en plus jeunes, et que les autres fassent une réforme pour, finalement, leur fermer la porte qui accède à la retraite. Cela, c’est vraiment inimaginable !
Et je suis persuadé qu’ils en garderont le souvenir ! En effet, vous pouvez bomber le torse, vous pouvez vous targuer de la majorité que vous avez ici, qui vous permettra de vous en sortir. Oui ! Mais je sais bien qu’en définitive, cette majorité, elle sera relative parce qu’il y aura un autre appel, l’appel devant le peuple. Et cette fois-là, ce sera la grande élection qui tranchera le problème, celui de la retraite en particulier, mais bien d’autres problèmes aussi.
Je suis persuadé que, sur ce plan-là, vous marquez de mauvais points vis-à-vis du peuple par les positions qui sont les vôtres.
Quoi qu’il en soit, tous les sondages – dont je n’abuse pas – le montrent, la grande majorité des Françaises et des Français sont à plus de 50 %, à plus de 60 % – ce matin, c’était à plus de 65 % – contre la réforme que vous envisagez. De cela, vous devez tenir compte.
Finalement, le Gouvernement se positionne, ou plutôt se réfugie, dans une position de faiblesse qui sera jugée par le peuple, au-delà même des péripéties des votes dans cette assemblée.
Mais les votes dans cette assemblée ont leur importance. On connaît la réputation qu’a eue le Sénat sous la Troisième République. On connaît la réputation qu’il a eue sous la Quatrième République, qui en avait fait un Sénat croupion. On connaît la réputation qu’il avait au début de la Cinquième République, une réputation qui lui valait de s’entendre dire qu’il fallait véritablement le réformer !
Méfiez-vous ! Le Sénat ne doit pas redevenir la chambre noire de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Il doit, au contraire, voter des propositions, des réformes qui sont attendues par le peuple et prendre des dispositions pour qu’il en soit ainsi. Faute de quoi, vous aurez des lendemains difficiles, comme vos prédécesseurs sénateurs ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Mauroy. Que me dites-vous, madame ? Je commence à peine, comme chacun l’aura sans doute deviné ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Merci de bien vouloir terminer votre intervention !
M. Pierre Mauroy. Madame, combien de temps m’accordez-vous ?
Mme la présidente. Terminez ! Vous avez déjà dépassé votre temps de parole !
M. Charles Gautier. À peine !
M. Pierre Mauroy. Vous pouviez m’avertir, madame !
Je veux quand même apporter une conclusion. Ma conclusion, c’est qu’il y a deux problèmes fondamentaux.
Le premier, c’est naturellement la durée. Combien faudra-t-il d’annuités pour la retraite ?
Cette mesure dépasse le volet social et s’étend à la civilisation. La vie s’allonge. Il faut donc en tirer les conséquences, y compris sur le plan des retraites. (Manifestations d’impatience sur les travées de l’UMP.) La première secrétaire du parti socialiste s’est exprimée sur cette question. (Protestations sur les mêmes travées.)
Laissez-moi terminer, je vous en prie ! (Les protestations redoublent.)
M. Gérard César. C’est terminé !
M. Roland Courteau. Vous ne respectez rien !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous êtes minables !
M. Pierre Mauroy. Le chahut, j’en ai l’habitude ! Toutes les mesures sociales que j’ai présentées alors que j’étais Premier ministre, je les ai présentées devant une droite vent debout ! (Les protestations reprennent, couvrant la voix de l’orateur.) Cela, vous avez oublié de le rappeler !
Mais nous, nous le savons et nous pensons que vous devez nous écouter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Par conséquent, il faut tenir compte de cette donnée de la durée. Mais il faut aussi…
Mme la présidente. Merci, monsieur le Premier ministre !
M. Pierre Mauroy. Non, madame ! Je termine !
Il faut aussi tenir compte de l’assiette. Ce ne sont pas les salariés seuls qui peuvent payer ces retraites. Il faut, par conséquent, élargir l’assiette et l’élargir sans doute au capital.
M. Alain Vasselle. Il faut lui couper la parole !
M. Pierre Mauroy. J’avais des propositions à vous faire sur ce plan. En tout cas, je vous dis que, si vous ne prenez pas une mesure que le peuple attend,…
M. Rémy Pointereau. Coupez-lui le micro !
M. Pierre Mauroy. … il y aura des conséquences qui seront redoutables ! Ne prenons pas ce chemin ! Il y a un chemin qui permettrait d’accorder à chacun une retraite convenable. Ce sont ces propositions que nous faisons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. L’amendement n° 1156, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Lors de la discussion de l’article 3, nous avons indiqué les réticences que nous nourrissions à l’égard des dispositions introduites, mais également les avancées potentielles de ce droit à l’information.
En effet, l’article 3 vise à renforcer l’information dispensée aux assurés en matière de retraite, d’une part, en prévoyant de leur fournir une information générale sur le système de retraite dès leur première acquisition de droits à la retraite, et, d’autre part, en créant un entretien personnalisé à partir de l’âge de 45 ans.
Pourtant, à l’alinéa 1 de l’article 33, l’entrée en vigueur de cette obligation est différée, l’Assemblée nationale l’ayant d’ailleurs repoussée du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2012.
Selon nous, toute disposition de nature à améliorer le droit à l’information des assurés sociaux sur les différents régimes de retraite doit entrer immédiatement en vigueur.
Le droit d’information a été institué par la loi de 2003, qui prévoit la fourniture automatique, tous les cinq ans à partir de 35 ans, d’un relevé de situation individuelle et, à partir de 55 ans, d’une estimation indicative globale du montant de la pension. Cette mission est jusqu’à présent assurée par le GIP Info Retraite.
Dans ce cadre, l’article 3 représente, certes, une avancée en permettant aux salariés de disposer de ces informations plus tôt.
Pourtant, sur le fond, nous craignons que ce « point d’étape retraite » soit utilisé non seulement pour informer les assurés, mais aussi pour promouvoir la souscription de produits financiers, et donc la retraite par capitalisation.
Comme nous vous le rappelions lors de l’examen de ce même article 3, selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, il est prévu que cet entretien portera notamment « sur les avantages respectifs des différents dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur retraite ».
Le « point étape retraite » à 45 ans risque malheureusement de se transformer en une information orientée, pour ne pas dire une incitation systématique à recourir aux plans d’épargne retraite.
Bien que nous soyons attachés au droit à l’information, nous demandons cependant la suppression de l’alinéa 1 de l’article 33 qui repousse son entrée en vigueur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 241, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L’article 33 fixe les conditions d’entrée en vigueur de plusieurs dispositions du projet de loi.
En ce qui concerne l’amélioration du droit à l’information des assurés, nous n’avons pas grand-chose à dire. Là où ça se gâte, c’est sur les conditions d’entrée en vigueur des articles 5 à 20, 22, 25 et 30, autant de mesures que nous avons rejetées en bloc. Je veux parler du relèvement des deux bornes d’âge, de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans.
Il s’agit, globalement, d’une politique barbare.
Nous contestons le bien-fondé de cette réforme d’une manière générale, car celle-ci ne répond pas aux réels enjeux de la question des retraites. Vous vous placez sur le terrain de la démographie quand c’est d’orientation économique qu’il conviendrait de discuter.
Le recul de l’âge pour obtenir une retraite à taux plein lorsque l’on n’atteint pas le nombre d’annuités requises pour y prétendre avant est l’exemple même du caractère idéologique et inhumain de ce texte. Nous ne cesserons de vous le répéter, qui sera dans l’impossibilité de satisfaire à cette exigence, sinon, principalement, les femmes et les personnes ayant eu une carrière mouvementée, hachée ? Nous croyons, pour notre part, qu’il s’agit de personnes fragiles, précaires et ayant connu une vie difficile.
À 65 ans, bien des gens ont effectué une carrière complète ou quasi complète. À court terme, la grande majorité, si ce n’est l’ensemble des Français qui atteindront cet âge auront cotisé le temps requis, à l’exception, je le redis, des femmes qui jonglent avec des périodes de temps partiel le plus souvent subi, de chômage, d’inactivité, et les personnes ayant eu des carrières brisées, heurtées, inhabituelles.
Pour nous, réforme est synonyme de progrès. Quand un texte qui se veut réformateur fragilise encore davantage des catégories précaires, il se pare d’atours qu’il ne mérite pas. Nous sommes résolument opposés au recul de l’âge de départ à la retraite à 62 ans et de l’âge de départ à la retraite à taux plein à 67 ans. Si certains veulent travailler plus, la loi les y autorise, mais que ceux qui veulent s’arrêter parce que la vie ne leur a déjà pas fait beaucoup de cadeaux le puissent, voilà qui me semble une réelle avancée. La solidarité doit continuer à avoir un sens dans notre pays.
Par cohérence avec toutes nos déclarations, nous demandons la suppression de l’alinéa fixant les conditions d’entrée en vigueur des dispositions de ce texte, qui est loin de marquer un progrès de société acceptable par nous. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L’amendement n° 1157, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les références :
26, 27 quater et 27 quinquies
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s’agit d’un amendement de pure forme mais ô combien symbolique.
Nous vous proposons de supprimer, à l’alinéa 2 de cet article 33, les références aux articles 26, 27 quater et 27 quinquies, pour la simple et bonne raison que ces articles ont été supprimés lors du passage du texte en commission.
Cela démontre, alors que le sujet est tout de même sérieux puisqu’il a trait aux conditions d’existence des plus de 60 ans, de leur pouvoir d’achat, ainsi que de leur droit à la retraite, la précipitation dont vous faites preuve sur le sujet.
Cela démontre également la confusion qui a régné lors des travaux de la commission des affaires sociales afin d’élaborer le texte dont nous sommes en train de débattre.
Pour simple rappel, les articles ainsi supprimés concernaient l’abaissement de la condition d’âge pour le départ à la retraite et le bénéfice du taux plein au profit des assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, ainsi que l’extension aux salariés agricoles et non agricoles du dispositif relatif à la pénibilité.
La commission a fait le choix de supprimer ces articles insérés lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale pour en transférer le contenu dans d’autres articles.
Il faut maintenant que l’article 33 en tienne compte. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 1213, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les références :
26, 27 quater et 27 quinquies
par les références :
27 ter AC, 27 ter AF et 27 ter AG
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 241 et 1157.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 1213 est un simple amendement de coordination.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 241 et 1157.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1213 et défavorable aux amendements nos 241 et 1157.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Sincèrement, l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement sur l’amendement n° 1157 me surprend, puisque nous proposons ni plus ni moins de supprimer des références que la commission elle-même entend supprimer dans son propre amendement n° 1213 !
Pour le coup, monsieur le rapporteur, votre avis n’est pas à la hauteur du travail que l’on a pu fournir dans ce débat. Ce n’est pas respectueux ! Dès lors qu’il s’agit d’amendements de notre groupe, vous les traitez quelque peu à la va-vite. Croyez bien que je le regrette. Que nos propositions ne vous conviennent pas, je peux évidemment le comprendre puisque nous défendons une autre réforme pour notre système de retraite par répartition. Mais ayez tout de même un minimum de respect pour notre travail et pour celui de nos collaborateurs, qui ont beaucoup travaillé au cours des trois dernières semaines !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Madame David, je n’admets pas que vous puissiez tenir de tels propos à mon égard. Vous me connaissez, et vous savez que je n’ai pas l’habitude d’agir comme vous le décrivez !
J’étais, c’est vrai, en train d’étudier un amendement à venir, et je n’ai pas vu le vôtre arriver.
Mme Annie David. Vous l’avez donc rejeté !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je vous en prie, un peu de respect, cela ne fera pas de mal ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
Mme Annie David. C’est vous qui devriez être plus respectueux !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mes chers collègues, nous nous connaissons trop pour savoir qu’il faut relativiser certains propos.
Par son amendement, la commission propose non pas de supprimer les références auxquelles vous avez fait allusion, mais de les remplacer par d’autres. Il y a tout de même un petit distinguo entre votre amendement et le nôtre, que je n’avais effectivement pas souligné, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Vous venez, monsieur le rapporteur, de nous parler de respect. (Ah ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Permettez-moi de vous rappeler que, ce qui aurait été respectueux, dans le cadre du projet de loi, c’eût été de discuter réellement avec les organisations syndicales. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Cela vous gêne dès que l’on évoque les organisations syndicales, d’autant qu’en ce moment elles sont dans la rue et montrent au peuple de France que ce texte est mauvais. Sans doute aurait-il été plus intelligent, pour « respecter » la démocratie, d’intervenir bien en amont et de faire comme beaucoup d’autres pays.
M. Roland Courteau. La Suède !
M. Jacques Mahéas. En Suède, par exemple, la discussion a duré des mois et des mois.
Les uns et les autres, nous sommes conscients de la nécessité d’engager une réforme des retraites. Mais il doit s’agir d’une bonne réforme, comme disait Pierre Mauroy, acceptable par tous.
C’est tout le contraire avec ce projet de loi, qui brime nombre de nos concitoyens quand il en favorise d’autres. L’article 33 en est la parfaite illustration.
Les dispositions relatives à l’entrée en vigueur de la réforme auraient pu être beaucoup plus étalées dans le temps. Je reprends le cas, que j’ai déjà évoqué, de cette femme ayant commencé à travailler à 14 ans : certes, grâce à une petite adaptation législative, elle peut espérer partir à la retraite à 58 ans ; mais au bout du compte, elle aura cotisé quarante-quatre ans, c’est-à-dire plus que le maximum exigé.
En règle générale, les personnes dans des situations analogues exercent des métiers difficiles, souvent pénibles, qui n’exigent pas une grande qualification ; leur volet études est extrêmement restreint. Vous les pénalisez donc doublement.
Le passage de 65 à 67 ans est tout aussi pénalisant. Il vous a été dit et répété que ce seront souvent les femmes, ayant des carrières plus hachées et confrontées à des difficultés particulières, qui seront les premières visées.
Vous n’avez pas l’habitude, je me dois de le dire, de laisser des laps de temps suffisants pour permettre à nos concitoyens de réfléchir aux conséquences de vos décisions sur leur situation. Vous demandez aux infirmières de décider, si, oui ou non, elles préfèrent passer de la catégorie B à la catégorie A. Mais, pour faire leur choix, elles ne disposent que d’un délai ridicule ! Et actuellement, nombre d’entre elles reçoivent des missives leur intimant de prendre une décision.
Je voudrais terminer sur le problème des fonctionnaires. Lorsque vous entrez dans la fonction publique, c’est un choix, vous en connaissez la grandeur, les difficultés et les avantages. Or vous rognez ces derniers. Il y a donc rupture de contrat entre l’État et le fonctionnaire, à qui il est demandé à la fois de rendre un travail de qualité et d’effectuer un certain nombre d’années de service.
D’ores et déjà, vous ne remplacez pas un poste de fonctionnaire sur deux partant en retraite. Voilà une décision qui, au-delà de déplaire fortement, pénalise fortement les enseignants, puisque les remplacements ne sont plus assurés.
Il y a, disais-je, rupture de contrat. Dès lors que de telles mesures sont prises, tout doit être étalé dans le temps, les discussions préalables comme la mise en œuvre. Ce n’est pas ce que vous faites ici. Votre décision tombe comme un couperet.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste défend ces amendements ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 241.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 75 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1157.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Marc Todeschini. C’est de l’obstruction !
M. Gérard Longuet. Je retire ma demande de scrutin public, madame la présidente.
Mme la présidente. Nous allons donc procéder au vote sur l’amendement n° 1157.
M. David Assouline. On va compter !
Mme la présidente. Veuillez bien lever les mains, mes chers collègues.
M. Charles Gautier. Il y a doute !
Mme la présidente. Laissez-nous le temps de compter.
M. David Assouline. Nous souhaitons que les résultats soient proclamés !
(L'amendement n'est pas adopté. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues ! Nous avons compté !
MM. David Assouline et Jean-Marc Todeschini. Quel est le résultat exact ?
M. Robert del Picchia. Soyez bons joueurs !
Mme Christiane Demontès et M. Charles Gautier. Selon M. Claude Guéant, cela fait combien ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1213.
Je rappelle que le Gouvernement a émis un avis favorable.
Quels sont ceux qui sont favorables à cet amendement ?
L’amendement est adopté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Et les voix contre, alors ?
Mme la présidente. Votre comportement ne nous permet pas de travailler dans la sérénité…
Je reprends : que ceux qui sont contre veuillent bien lever la main.
M. Charles Gautier. Et M. Claude Guéant, qu’a-t-il voté ?
M. David Assouline. Nous aurions été plus vite avec un scrutin public ! Moins on est, plus c’est long !
Mme la présidente. Pour : soixante-trois voix ; contre : cinquante-trois voix.
(L'amendement est adopté. –Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1158, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Vous avez pris la décision de faire figurer dans l’article 33, relatif aux dispositions finales, la date d’entrée en application de diverses mesures contenues dans ce projet, ce qui vous a permis de dissocier les mesures de leur mise en application.
L’effet d’annonce escompté devait vous permettre de masquer ainsi un élément essentiel des mesures visées.
C’est notamment le cas de l’alinéa 4 qui, ainsi rédigé, n’a pas de signification précise. Il dispose en effet que l’article 25 de ce projet de loi ne s’appliquera qu’à compter du 1er janvier 2012 au plus tard. Or, ce dernier article figure au chapitre Ier du titre IV de ce projet de loi, lequel concerne un sujet particulièrement sensible et qui a été longuement débattu dans cet hémicycle, à savoir la pénibilité et, plus particulièrement, sa prévention.
Je ne reviendrai pas ici sur toutes les raisons pour lesquelles nous sommes opposés aux différentes mesures inscrites dans le projet de loi sur cette question.
L’article 25 concerne la mise en place du dossier médical en santé au travail, qui doit retracer les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail.
Aux termes de cet alinéa dont nous demandons la suppression, ce dossier médical ne prendra toutefois en compte que les « expositions intervenues à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012 ». Il n’aura pas par conséquent la mémoire du parcours professionnel des salariés. On peut même dire qu’il permet de tirer un trait sur leur passé.
Cette disposition est pour le moins choquante, car même si le salarié a subi des expositions dangereuses dans le passé et que celles-ci ont été reconnues, il n’en restera aucune trace. Elles seront même réputées ne pas avoir existé. On passe ainsi par pertes et profits toutes les expositions dangereuses intervenues avant la date fixée par décret. C’est inacceptable !
Même si, demain, les progrès de la science montrent le lien causal entre telle maladie et telle situation professionnelle, il n’y aura pas trace de cette dernière. Il sera alors très difficile de prendre en charge tous les salariés concernés.
Vous comprendrez dès lors notre total désaccord avec cet alinéa, dont nous vous demandons la suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 478, présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
intervenues
par les mots :
en cours ou prenant effet
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Avant de défendre très rapidement cet amendement, je tiens à dire à nos collègues de la majorité que j’ai trouvé tout à fait discourtois qu’ils aient empêché notre collègue et ami Pierre Mauroy de finir son exposé (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP)… Mais pourquoi hurlez-vous ? Je n’ai rien dit de mal, du moins pas encore ! Peut-être vous sentez-vous vraiment fautifs ?...
Pour ma part, je ne verrais aucun inconvénient à ce que M. Raffarin – il m’excusera de le citer alors qu’il n’est pas présent dans l’hémicycle –, ancien Premier ministre, dépasse d’une minute son temps de parole s’il souhaite nous faire part de sa position et de son opinion sur la façon dont la réforme est menée. (Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, notre amendement a pour objet de remplacer, à l’alinéa 4 de l’article 33, le mot : « intervenues » par les mots : « en cours ou prenant effet ».
Compte tenu de ce qui est arrivé pour l’amiante et que nous avons rappelé cet après-midi, quand le dossier médical et la fiche individuelle relative aux expositions auront été créés, il faudrait faire en sorte qu’ils prennent en compte les expositions en cours, car nous ne savons pas de quoi demain sera fait. À l’avenir, dans dix ans peut-être, la durée d’exposition considérée comme nocive pour un produit donné pourra être fixée à un certain nombre d’années. Or, dans sa rédaction actuelle, l’alinéa ne permettra de prendre en compte les années d’exposition qu’à partir du 1er janvier 2012, privant ainsi certaines personnes exposées à des produits dangereux de la possibilité de faire valoir leurs droits en s’appuyant sur la durée d’exposition réelle.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande que l’on substitue les termes « en cours ou prenant effet » au mot « intervenues ». Cela ne sera pas très compliqué pour le médecin du travail de vérifier, au sein de l’entreprise où il est, que des personnes ont été exposées à un certain nombre de risques pendant plusieurs années, avant 2012. Il s’agit, selon moi, d’une rédaction de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est malheureusement impossible de reconstituer aujourd’hui – on le sait – les expositions à des risques professionnels. C’est d’ailleurs tout l’enjeu des articles 25 et suivants du projet de loi ! Il est donc nécessaire de fixer dès maintenant une date d’entrée en vigueur. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1158.
L’amendement n° 478 a pour objet d’étendre le contenu du dossier médical aux expositions en cours ou prenant effet à compter d’une date fixée par décret. Cela pose, bien sûr, la question de la traçabilité de la vie professionnelle passée qui n’a malheureusement pas aujourd’hui de réponse pertinente. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Le Gouvernement fait le même constat que la commission et émet donc un avis défavorable sur chacun de ces deux amendements. En effet, nous avons bien conscience de la nécessité de mettre en œuvre la traçabilité du passé, c’est pourquoi il faut la mesurer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Ce que viennent de nous dire M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État est tout de même assez grave ! En effet, cela signifie que finalement l’article 25, qui concerne la pénibilité des travailleurs et a fait l’objet ici d’un débat important, ne s’appliquera qu’à partir d’une date fixée par décret, au plus tard au 1er janvier 2012. Du coup, ne seront prises en compte que les expositions intervenues après cette date.
Ainsi, les travailleurs d’aujourd’hui qui effectuent des travaux pénibles ne seront pas tous intégrés dans la catégorie de la pénibilité. Finalement, vous avez insisté pour définir cette notion alors que les travailleurs de 56 ans ou 57 ans qui exercent aujourd’hui dans la pénibilité devront travailler jusqu’à 62 ans, voire 67 ans, puisqu’il leur faudra prouver individuellement une certaine durée d’exposition à ces travaux pénibles.
Vous avez tout individualisé, mais là, bizarrement, vous collectivisez la date pour la prise en compte de la pénibilité. Je trouve que c’est quand même très grave pour la santé des travailleurs ! Monsieur le secrétaire d’État, là encore, quand vous nous dites que vous faites une réforme juste, prenant en compte leurs états de santé et que vous êtes attaché à la prévention dans les conditions de travail, vos actes ne correspondent pas à vos paroles !
Je suis désolée de vous dire qu’il s’agit véritablement d’une escroquerie envers les millions de travailleurs qui exercent aujourd’hui une profession dans des conditions de pénibilité avérée, mais que vous ne reconnaîtrez pas parce que la prise en compte de cette pénibilité sera effective le 1er janvier 2012, en tout cas à une date fixée par décret à cette date au plus tard. Ce n’est ni honnête, ni juste pour tous les salariés qui accomplissent des travaux pénibles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le secrétaire d’État, je suis surpris de votre réponse. Cette après-midi, lorsque nous avons discuté de l’amiante, quand je vous ai parlé des travailleurs en sous-traitance et des difficultés qu’ils rencontrent pour reconstituer leurs parcours professionnels, j’ai obtenu le soutien de M. Longuet, président du groupe UMP. Effectivement, la difficulté principale est de reconstituer les carrières et d’expliquer pourquoi ces personnes ont droit, le cas échéant, à des mesures dérogatoires. Cette question peut se poser dans 10 ans ou 15 ans !
En faisant ce que vous faites là – prendre en compte les expositions à partir de 2012 –, vous effacez le passé du salarié ! S’agissant de l’amiante, pour le salarié qui souhaite partir en retraite prématurée, on prend en compte un tiers du temps de présence dans l’entreprise. Si un tel phénomène a lieu de nouveau pour un autre produit, avec votre disposition, les gens ne pourront pas faire valoir leurs droits faute de justifier un temps d’exposition, que vous aurez gommé ! Vous effacez le passé des salariés.
Franchement, je vous demande de réfléchir car il y a un problème sur ce point ! Personne ne peut comprendre que l’on fasse complètement abstraction du passé d’exposition des travailleurs à des produits nocifs ou dangereux quand on sait qu’ils auront besoin de ce justificatif, le cas échéant, pour faire valoir leurs droits dans 10 ans ou 15 ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur Godefroy, il n’y a pas matière, je crois, à parler des heures entières de sujets très simples. Nous avons des outils pour le passé et nous mettons un nouvel outil en place. Nous aurons donc la traçabilité sur la base de ce nouvel outil uniquement quand il aura été mis en place. Il y a donc ce qui relève du passé, avec les outils du passé, et un nouvel outil pour le futur ! Ce dernier ne pourra donner des informations que sur la base de la date de sa création. C’est aussi simple que cela !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je pense que la réponse est tout à fait insatisfaisante. S’il y a bien, dans ce projet de loi, une grande injustice, c’est certainement celle de la pénibilité ! Nous savons que certains salariés ont une espérance de vie inférieure de 6 à 7 ans par rapport aux autres salariés parce qu’ils ont des travaux pénibles. Nous avons ces statistiques à notre disposition. Elles existent !
Pourquoi, aujourd’hui, dans un projet de loi que vous êtes si pressés de voir voté, ne pas prendre en compte cette question de la pénibilité ? Cela peut être interprété comme du mépris par rapport à celles et ceux qui travaillent très durs et qui sont exposés à des conditions de travail difficiles.
Si nous souhaitons avoir des statistiques plus précises, nous pouvons nous référer aux travaux de l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, sur les conditions de travail, qui nous démontrent que les troubles musculo-squelettiques ou les maladies professionnelles touchent spécifiquement certaines professions. Dès lors, lorsque nous débattons d’un sujet aussi grave que les retraites qui touche des millions de personnes, comment se fait-il que nous bâclions un travail aussi important sur la question de la pénibilité ? C’est invraisemblable !
Comme le disait ma collègue Annie David tout à l’heure, pourquoi remettre ce travail à demain alors que c’est un chantier d’aujourd’hui et que la question de la pénibilité fait partie intégrante de la question des retraites ? Nous l’avons fait dans le passé sur la question des mineurs, pourquoi ne pas le faire aujourd’hui pour des professions qui sont exposées ? Votre réponse qui consiste à dire : « Écoutez, on va avoir des outils statistiques pour demain » est intolérable. Ce n’est pas sérieux de nous proposer une telle réponse!
Que font ces salariés qui aujourd’hui paient nos retraites, font les trois-huit ou travaillent dans des conditions déplorables ? Ils doivent attendre que l’on ait demain des statistiques au goût du jour alors même qu’ils savent qu’ils ont une espérance de vie plus faible que les autres ? Pourquoi ce rejet de problèmes si importants ?
Beaucoup de personnes – y compris parmi celles qui sont dans la rue aujourd’hui – qui ont ces travaux pénibles, ou qui ne les ont pas mais qui considèrent que les personnes concernées doivent avoir une retraite à 60 ans, pensent qu’ils doivent pouvoir en bénéficier parce qu’ils la méritent, parce qu’ils travaillent dur. Les carreleurs en sont un bon exemple : ils sont à genoux pendant des dizaines d’années et ils doivent ensuite se faire opérer. On le sait très bien, la médecine permet d’en témoigner !
Parlons de ces maçons, qui ont des problèmes de dos ! (Murmures sur les travées de l’UMP.)
Mme Jacqueline Panis. Certains sénateurs aussi ont mal au dos !
Mme Annie David. Cela vous dérange que l’on parle des travailleurs ! Pourtant il y en a encore en France, ils n’ont pas tous été tués !
M. Martial Bourquin. Parlons de ces personnes qui ont travaillé dans des fosses, sur des chaînes ou les bras en l’air pendant des années ! Écoutez bien chers collègues – c’est important ce dont on parle : il s’agit de millions de personnes qui ont été usées par le travail !
Vous ne pouvez pas leur demander de cotiser deux ans de plus et de partir deux années plus tard parce que, eux, ils ne peuvent physiquement pas le faire ! Vous n’avez pas le droit de remettre ce débat à demain. Écoutez, il y a des choses qui sont du domaine de la dignité (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.), on doit parfois se faire honneur, et lorsque vous reportez à demain un débat aussi grave que celui-là, vous vous déshonorez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. J’ai vécu l’expérience dans mon département avec le groupe BSN, avec cette usine de Givors que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer et dans laquelle les maîtres verriers ont eu les plus grandes difficultés…
Mme Jacqueline Panis. Vous en avez déjà parlé !
M. Guy Fischer. … à la suite de la suppression de cet établissement, pour faire valoir leurs droits, faire reconnaître leur pénibilité et leur état de santé. À l’heure actuelle, cette affaire se règle devant les tribunaux !
Nous savons comment cela se passe : les preuves deviennent de plus en plus difficiles à collecter du fait de la volonté des patrons de retenir l’information, sous prétexte de perte d’archives ou de changement de directeurs des ressources humaines. La réalité, c’est que ces travailleurs qui ont été menés et usés jusqu’à la corde ne peuvent absolument pas faire valoir leurs droits alors qu’ils sont touchés par des cancers. Nous avons déjà eu l’occasion, d’ailleurs, de les accueillir ici au Sénat pour faire valoir leurs droits lorsqu’il y avait eu des débats sur l’amiante.
Je crois qu’en réalité vous ne connaissez pas le monde du travail ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Vous ne voulez pas le reconnaître mais c’est le fond du problème. Vous avez une sorte de mépris (Mêmes mouvements.) pour des gens qui ont donné leur vie dans le travail, et, à l’heure actuelle, vous voulez les faire travailler encore deux ans de plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, il y a quand même quelque chose qui n’est pas clair du tout dans ce que vous nous dites, à savoir que c’est un outil nouveau donc qu’il ne peut entrer en vigueur qu’à partir du moment où l’on décide de l’utiliser.
Vous allez créer ainsi une injustice flagrante et qui, en tout cas, me paraît peu acceptable pour les parlementaires que nous sommes. En effet, il pourra y avoir le cas – et il y en aura certainement beaucoup ! – de quelqu’un qui a été exposé pendant vingt ans à des produits toxiques, à une pénibilité musculaire ou à toute autre difficulté pouvant être rencontrée dans l’éventail des travaux pénibles, et qui, ayant changé de métier – peut-être parce que cette personne a été licenciée – se trouvera, au moment où vous mettrez en application votre loi avec votre nouvel outil, dans un emploi où elle n’est pas spécialement exposée.
Il n’empêche que cette personne, qui a passé vingt ans dans un métier à faire des travaux pénibles, devrait avoir la possibilité de faire suivre son dossier d’une façon ou d’une autre pour qu’elle puisse prouver – puisqu’il faudra le prouver de façon individuelle, à un moment donné – qu’elle a été exposée pendant la majeure partie de son temps de travail et qu’elle peut donc avoir des séquelles dues précisément à cet emploi.
Dès lors, vous créez deux catégories : d’une part, ceux qui sont dans le même travail et pour lesquels la reconnaissance de leurs conditions de travail pourra avoir lieu, et, d’autre part, ceux qui ont changé de travail – parfois par obligation puisqu’ils ont été licenciés – et à qui l’on dira qu’ils ne sont pas exposés car ils n’ont pas de travail pénible.
Comment pourront-t-ils faire reconnaître le fait que, pendant les dix ou vingt années précédentes, ils ont été exposés à la pénibilité du travail ? Comment les faire bénéficier de leurs droits au moment de la retraite ? Il n’est pas possible de faire des textes qui vont créer ainsi des injustices criantes entre deux catégories de personnes qui sont pourtant dans des situations identiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le secrétaire d’État, si j’ai bien compris votre réponse tout à l’heure, la pénibilité sera prise en compte par les documents prévus à l’article 25, c’est-à-dire le dossier médical en santé au travail et la fiche individuelle d’exposition aux risques professionnels.
Mais vous nous avez dit également, me semble-t-il, que les pénibilités antérieures sont prises en compte par d’autres documents. Cela me paraît très important car nous discuterons encore de la pénibilité lors de l’examen des articles additionnels après l’article 27 ter et, après les interventions des uns et des autres montrant que c’est un sujet essentiel, je souhaite que nous ayons une attitude semblable à celle que nous avons eue pour l’amiante.
On ne peut pas, me semble-t-il, faire abstraction de cette pénibilité que tout le monde a à affronter, soit lui-même, soit à travers ses voisins, sa famille. Ce serait une injustice flagrante de ne pas la prendre en compte.
C’est assez compliqué, il est vrai, et cela peut coûter cher, mais c’est une question de solidarité qu’il nous faudra aborder un peu plus tard. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1158.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 76 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 219 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 110 |
Pour l’adoption | 37 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 478.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mes chers collègues de la majorité, cet après-midi, j’y insiste, M. Gérard Longuet, le président du groupe UMP, a dit que nous étions tous d’accord sur le fait qu’il était très compliqué de reconstituer les carrières, notamment chez les sous-traitants.
Vous êtes en train de nous dire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que la France va être la première à reconnaître la pénibilité – nous ne partageons pas tout à fait ce sentiment – et, en même temps, dans ce petit alinéa 4 de l’article 33, vous faites en sorte que la pénibilité actuelle et passée des salariés ne soit pas reconnue.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Mais non !
M. Jean-Pierre Godefroy. La reconnaissance de la pénibilité commence au mois de janvier 2012. Or, dans la mesure où des problèmes de santé – comme pour l’amiante – se poseront dans une dizaine d’années et qu’il faudra reconstituer les carrières, les personnes ne pourront pas faire valoir leurs droits parce que vous aurez effacé leur passé.
Or aujourd’hui dans les entreprises, à partir du moment où ce carnet de santé, cette fiche d’exposition surtout seront en vigueur, il sera tout à fait possible pour le médecin du travail de l’entreprise ou le médecin du service interprofessionnel de santé au travail d’inscrire dans le dossier d’exposition les travailleurs exerçant des métiers pénibles, portant des charges lourdes, exposés à des produits chimiques, travailleurs que l’on connaît déjà depuis dix ou quinze ans. Ce n’est pas compliqué, cela ne coûtera pas cher : le médecin du travail constate que les travailleurs qu’il suit ont bien été exposés à ces problèmes depuis dix ans. Et vous l’effacez d’un coup !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Mais non !
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais si, parce que chacun a bien reconnu aujourd’hui qu’il n’y avait actuellement aucun document de traçabilité !
S’agissant de problèmes qui se poseront dans dix ou quinze ans, vous pénalisez des personnes qui ne pourront pas faire valoir leurs droits parce que vous aurez décidé que cette disposition s’appliquera à partir de 2012.
C’est une erreur de société, une injustice vis-à-vis des salariés. Il n’est pas compliqué de dire – c’est le but de notre amendement – que l’on tient compte des expositions en cours ! C’est la moindre des choses pour ceux qui aujourd’hui effectuent des travaux pénibles. Ce n’est tout de même pas la mer à boire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 478.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 77 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne voulez pas nous entendre, mais nous vous rappellerons jusqu’au bout que cette réforme est injuste et inefficace. Alors, ne comptez pas sur nous pour voter un article qui fixe les conditions d’entrée en vigueur de mesures que nous rejetons en bloc !
Nous voterons résolument contre cet article, parce que finalement – il faut le dire et le redire – vous proposez aux Français une vie de galère dominée par les théologiens du marché du grand casino mondial ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Oui, nous voterons contre, parce que vous avez encore eu l’inélégance d’en rajouter pendant l’intervention de Pierre Mauroy. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Après que M. le Premier ministre eut dit qu’il était nostalgique, vous n’avez pas été capables de respecter sa parole. Et sa parole, c’est celle de l’expérience !
Il vous met en garde contre une politique de discorde et de division.
Pierre Mauroy, ni passéiste ni nostalgique – simplement juste ! – avait envie de changer la vie des ouvriers qu’il connaissait ; il voulait leur donner un espoir de vie. Nous sommes ses héritiers parce que nous ne renonçons pas à changer la vie, dans le plus beau sens du terme. À nos yeux, la politique signifie prendre sur soi le destin d’autrui !
Vous, vous voulez, au nom d’une droite décomplexée, casser les tabous, faire preuve de modernisme, d’anticipation, de vision d’avenir. Au nom de ce jeu de massacre, vous supprimez, comme Pierre Mauroy l’a rappelé, un acquis social majeur, …
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais non !
Mme Bariza Khiari. …. la retraite à 60 ans, en la repoussant à 62 ans et, par effet mécanique, à 67 ans, sans même vous poser la question de ce que cela implique comme souffrances supplémentaires pour nos concitoyens.
En conséquence, nous voterons contre l’article 33, qui fixe les conditions d’entrée en vigueur de plusieurs dispositions de ce projet de loi que nous jugeons iniques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. L’article 33 figurant sous le titre VI intitulé « Dispositions finales » fixe les dates d’entrée en vigueur de certains articles.
Nous avons eu un débat très intéressant sur la pénibilité. Mais je constate que, dès qu’il s’agit d’un droit pour les travailleurs, le dossier médical en santé au travail, celui-ci est rabaissé, rogné, avant même que le projet de loi ne soit voté. On ne pourra donc pas véritablement prendre en compte l’ensemble des travailleurs concernés.
Quant à l’alinéa 6 de l’article 33, il prévoit que l’article 30 est applicable aux indemnités journalières d’assurance maternité versées dans le cadre des congés de maternité débutant à compter du 1er janvier 2012. J’en ai parlé au moment du débat sur l’égalité professionnelle, de nombreuses femmes revendiquaient ce droit, celui de tenir compte des indemnités journalières versées dans le cadre d’un congé de maternité pour le calcul de la pension de retraite.
Certes, nous avons obtenu ce droit, qui était très attendu, mais de manière tout à fait discriminante, puisqu’il n’a absolument pas d’effet rétroactif. De plus, cette disposition ne s’appliquera qu’à partir du 1er janvier 2012. Toutes les mamans ne bénéficieront donc pas dès aujourd'hui de cette nouvelle mesure. Cela vous fait sourire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mais je constate que le droit des travailleurs, en l’espèce celui des femmes, est, une fois encore, bafoué.
En revanche, l’alinéa 8 relatif à l’article 32 ter dont nous avons longuement débattu cet après-midi et qui concerne le transfert automatique d’une partie de la participation dans le PERCO, en cas de non-demande du salarié de bénéficier de tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de sa participation, …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est applicable immédiatement !
Mme Annie David. … s’appliquera dès la promulgation de cette loi. Il faut dire que cette disposition vous intéressait beaucoup !
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes formidables !
Mme Annie David. Le groupe Malakoff Médéric…
M. Guy Fischer. Dirigé par Guillaume Sarkozy !
Mme Annie David. … et l’ensemble des cabinets de placement vous remercient, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État. Cette disposition, qui rapportera sans doute beaucoup d’argent, …
M. Guy Fischer. Aux sociétés d’assurance !
Mme Annie David. En effet !
M. Guy Fischer. Il y avait urgence !
M. Guy Fischer. Elles peuvent attendre !
Mme Annie David. C’est déjà bien que l’on prenne en compte le congé maternité ! Mais ce sera dans pas mal d’années. Cette mesure ne vous coûtera rien tout de suite.
Quant aux droits des travailleurs et à la reconnaissance de la pénibilité, je n’en parle même pas !
Pour ce qui concerne l’alinéa 1 de l’article 33 relatif à l’article 3, c'est-à-dire le droit à l’information des assurés, il faudra là aussi attendre le 1er janvier 2012 pour qu’il entre en vigueur. Pourtant, il était souhaitable que les assurés puissent avoir, de manière régulière, une information sur leurs droits à retraite et un entretien personnalisé à partir de l’âge de 45 ans. Mais là encore, il faudra attendre pour que ce dispositif entre en application.
Vous le voyez bien, vous nous parlez de réforme juste et équitable. Mais, une fois encore, preuve est faite que vous prenez votre temps pour rendre applicables les mesures tendant à donner de nouveaux droits aux salariés, alors que vous vous empressez de les rendre applicables dès lors qu’il s’agit d’engraisser encore un peu plus le capital !
C’est pourquoi nous ne voterons pas cet article 33, qui comprend, comme l’a souligné notre collègue Bariza Khiari, des dispositions finales parfaitement iniques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez-vous pourquoi le peuple rejette votre réforme ! Posez-vous cette question ! Vous avez la réponse !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. C’est un fait, les Français rejettent majoritairement votre texte.
Votre conception du dialogue et de la concertation n’est pas la leur. Votre conception de l’équité les inquiète et, quant à celle que vous avez de la justice, ils la réprouvent.
Comment pourrait-il en être autrement quand vous faites peser sur les épaules des salariés plus de 90 % des efforts demandés et que vous épargnez les revenus du patrimoine ?
Vous parlez de la sauvegarde de notre régime par répartition, mais vous multipliez les dispositions qui vont dans le sens contraire. Votre réforme va entraîner une diminution du niveau de pension de nos concitoyens, au moins de certains de nos concitoyens. À terme, ce sont plusieurs centaines d’euros qui manqueront, chaque année, à ceux qui perçoivent un salaire modeste. Vous me direz que ce n’est pas beaucoup ! Mais c’est énorme pour les personnes qui ont des retraites modestes, et, dans ce pays, elles sont des millions !
M. Guy Fischer. Effectivement !
Mme Christiane Demontès. La situation que vous créez pour ceux qui sont privés d’emploi en fin de carrière est pire. Quel sort leur réservez-vous ? L’allongement de la période de précarité !
Quant à ceux qui ont des carrières hachées, aux jeunes qui éprouvent tant de difficultés à intégrer le monde de l’emploi, aux seniors qui se désespèrent de ne pouvoir mettre à disposition leurs acquis professionnels et leur expérience, ils ont été les grands absents de ce texte !
Il ne suffit pas de légiférer pour imposer le travail jusqu’à 62 ans, encore faut-il regarder la réalité de nos concitoyens en face et réorienter votre politique défaillante.
La réalité renvoie aussi à votre bilan et à sa mise en perspective. Nous l’avons dit, la crise ne peut servir d’unique prétexte à votre texte. Les comptes sociaux étaient dans une situation déficitaire bien avant la crise.
Vous ne pouvez pas non plus avancer la démographie comme argument, car rien n’a changé dans notre pays depuis 2003, notamment le taux de natalité.
En fait, vous devriez faire face au bilan de votre gestion caractérisée notamment par les 30 milliards d’exonérations de cotisations sociales annuelles, la multiplication du nombre des niches fiscales pour les personnes aisées, l’explosion du chômage et de la précarité, alliée à la perte de pouvoir d’achat, pour l’immense majorité.
Mais, comme vous n’assumez pas cette situation et que vous êtes contraints par les agences de notation, comme par votre déplorable logique comptable, vous exigez des Français qu’ils le fassent. C’est tout simplement détestable et très injuste !
Non contents de ce choix, vous imposez également au pays des mesures paramétriques qui dégraderont encore la situation. Non seulement vous effectuez un hold-up sur le Fonds de réserve pour les retraites, mais, en plus, vous allez faire porter le poids de votre texte sur l’UNEDIC. À charge pour les partenaires sociaux de trouver des solutions pour financer le coût occasionné par celles et ceux que mettez sciemment en situation de précarité dès 60 ans, et souvent, malheureusement, bien avant.
Enfin, comment ne pas parler de votre propension à créer toujours plus de dettes ? Tel est bien le but de l’allongement de la durée de vie de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, et la commission mixte paritaire saisie de ce projet de loi organique s’est d’ailleurs réunie dans la journée. À charge pour les Français, notamment les générations à venir, de trouver des solutions ! Pour le moment, il semble que vous vous en laviez les mains, mais les fonds de pension seront là pour quelques-uns.
Face à cet incroyable montage financier, nous vous opposons la sanctuarisation du FRR, une répartition de l’effort mettant à contribution, de manière équitable, les revenus du patrimoine et ceux du travail. Nous voulons majorer les prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options, relever le « forfait social » appliqué à l’intéressement et à la participation, remettre en cause la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales. Bref, nous voulons inscrire la justice fiscale et sociale là où vous instaurez l’iniquité et l’injustice.
M. Robert del Picchia. Votre temps de parole est épuisé !
Mme Christiane Demontès. Je n’ai pas terminé !
Votre projet de loi dégrade la vie de nos concitoyens. Non seulement le montant général des pensions servies va baisser, mais, en plus, vous pénalisez les plus faibles, bref toujours les mêmes.
Ne vous êtes-vous pas rendu compte que notre économie est terriblement marquée par l’inégalité salariale ? On pourrait être porté à le croire, tellement vous pénalisez les femmes de notre pays, celles qui ont les salaires les plus faibles, les emplois à temps partiel imposé. Faire œuvre de justice sociale aurait consisté à remédier à cette situation, et c’est ce que nous vous avons proposé.
Avec deux amendements, vous avez voulu nous faire croire que vous endossiez le costume de Robin des bois ! Ce rôle ne vous sied pas, …
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Christiane Demontès. … vous le jouez d’ailleurs à l’envers, si je puis dire : vous pillez les pauvres et les modestes pour donner aux plus aisés !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Arrêtez ! Votre temps de parole est épuisé !
Mme Christiane Demontès. Chacun le sait, votre réforme est injuste, brutale et inefficace. Elle appelle d’autres réformes.
Pour notre part, nous entendons répondre au besoin de justice sociale de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. L’article 33 vise à fixer les dates d’application des dispositions prévues dans ce projet de loi, mais j’attire l’attention de ceux qui n’en seraient pas pleinement conscients sur le fait que les mesures d’âge prendront effet à compter du 1er juillet 2011.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le texte n’est pas encore voté !
M. David Assouline. De façon récurrente, vous n’avez cessé de vous référer, monsieur le ministre, mes chers collègues – même si vous le faites moins ! – aux exemples étrangers, voulant démontrer par là même que l’opposition ne regarde pas ce qui se fait ailleurs et vit dans un vase clos.
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
M. David Assouline. Permettez-moi, à mon tour, de revenir sur ces exemples.
Vous avez cité l’Allemagne et la Suède notamment.
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à fait !
M. Nicolas About. Le Liechtenstein ! (Sourires.)
M. David Assouline. Pour comprendre ce qui se passe en ce moment dans notre pays, l’ampleur du choc que représentent votre réforme et les raisons pour lesquelles vous avez perdu la bataille de l’opinion, remémorons-nous quelques dates et les temps forts de la réforme.
M. Alain Fouché. Vous n’en savez rien !
M. David Assouline. En février, le Gouvernement annonçait qu’il allait faire une réforme, sans plus, n’ayant pas arrêté ses choix. Il faut dire que le Président de la République s’était engagé devant le pays, comme candidat, à ne pas toucher à l’âge légal de la retraite, et il l’avait répété après son élection.
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est faux !
Mme Christiane Demontès. Non, c’est juste, monsieur Raffarin !
M. David Assouline. Nos concitoyens en étaient donc restés là.
Ensuite, les syndicats l’ont dit, il n’y a eu aucune négociation réelle.
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est faux !
M. David Assouline. Mais non, ce sont ces mêmes syndicats qui ont reconnu que des négociations avaient bien eu lieu avec des gouvernements de droite, notamment sur la loi Fillon en 2003. Or là, ils disent : rien de tel !
Le Gouvernement a mis sur la table ses propositions dans les mois suivants.
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est faux d’un bout à l’autre !
M. David Assouline. Et en juin, nos concitoyens ont enfin appris que l’âge légal de la retraite allait passer de 60 ans à 62 ans et celui de la retraite à taux plein de 62 ans à 67 ans.
M. David Assouline. Ensuite, est venue la période estivale durant laquelle partent en vacances ceux qui le peuvent ! D’ailleurs, beaucoup de Français n’ont pu partir cet été à cause de la crise ; un sur deux d’après les estimations. Et à la rentrée, en septembre, six mois à peine après, dont deux mois de vacances, a été présenté dare-dare un texte à l’Assemblée nationale.
Mais, mes chers collègues, ce processus a duré dix ans en Suède !
M. Nicolas About. Oui, mais avec une opposition constructive, qui a le sens des responsabilités !
M. Gérard Longuet. Cela fait trente ans qu’on en parle !
M. David Assouline. Et, durant ces dix ans, le gouvernement a négocié avec les syndicats.
Par ailleurs, vous avez cité l’exemple de l’Allemagne.
M. Nicolas About. C’est le même cas de figure : l’opposition est constructive !
M. David Assouline. La durée de cotisation n’a rien à voir puisqu’elle est en moyenne de trente-cinq ans.
M. David Assouline. Mais ce que vous ne dites pas, c’est que le dispositif s’appliquera en 2027 ! Mes chers collègues, 2027, ce n’est pas le 1er juillet 2011 !
Cette brutalité d’application s’ajoute à la brutalité de l’injustice de votre réforme, et ce cocktail-là fait que la majorité des Français n’acceptent ni l’injustice, ni votre façon de gouverner, qui devient insupportable ! C’est pour cela que vous avez perdu la bataille de l’opinion ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Patrick Courtois. Ce n’est pas vrai !
M. David Assouline. Nous ne pouvons donc que nous opposer à cet article instaurant des délais d’application d’une brutalité extrême, véritable concentré de votre méthode et de votre réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ça suffit, monsieur Assouline ! La bataille de l’opinion, vous ne l’avez pas gagnée ! La seule bataille de l’opinion qui compte, c’est celle des élections. Aujourd’hui, c’est cette majorité qui est légitime ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Vous vous vantez d’avoir gagné 2012,…
M. David Assouline. Je ne dis pas ça !
M. Jean-Pierre Raffarin. … mais ce n’est pas encore fait ! Nous, nous ferons en sorte que les Français comprennent.
M. Balladur, en 1993, a eu, quant à lui, le courage d’informer les Français sur la réalité de la situation ; M. Juppé, en 1995, l’a fait lui aussi ; je l’ai fait moi-même, en 2003, avec l’accord de la CFDT. Il y a longtemps que les Français sont informés !
Nous voyons bien la situation : il y a de plus en plus de cotisants…
Mme Nicole Bricq. Mais non, c’est le contraire ! Il y en a de moins en moins ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Raffarin. … mais ils n’arrivent pas à financer parce qu’il y a encore plus de retraités ! C’est parce qu’il y a plus de retraités que de cotisants qu’il faut faire ces réformes !
Nous avons informé les Français avec Alain Juppé, nous avons informé les Français avec Édouard Balladur, nous avons informé les Français avec François Fillon : aujourd’hui, les Français connaissent la réalité ! Alors, vous pouvez essayer de nous faire perdre du temps ici, en espérant que la rue le rattrapera ; mais la démocratie, elle est ici ! (M. le rapporteur applaudit.)
Nous sommes fiers, dans la majorité, d’être rassemblés aujourd’hui pour dire la vérité aux Français. Or la vérité, c’est que sans travail, il n’y a pas d’avenir, que sans efforts, il n’y a pas de progrès et qu’aujourd’hui, nous devons nous rassembler pour l’avenir du pays, et certainement pas le diviser.
J’ai écouté M. Mauroy tout à l’heure. Je comprends ce qu’il peut penser, lui qui fut à l’origine, à un moment différent de notre histoire, de ce qui était, pour lui, un acte historique ; mais, depuis ce temps-là, nous avons tous mesuré que la France n’avait pas d’avenir sans effort des Français ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – De nombreux sénateurs de l’UMP se lèvent pour applaudir.)
Mme Annie David. Vous enfoncez les plus pauvres !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le Premier ministre, avec tout le respect que nous vous devons et que je vous dois, ce que nous vous reprochons, ce n’est pas ce que vous dites, mais ce que vous ne dites pas aux Français ! (Sourires ironiques sur les travées de l’UMP.)
Ce que vous ne dites pas, c’est que la situation dans laquelle nous sommes – et serons encore demain – est le produit d’une politique qui fait fi des problèmes de l’emploi ! Vous pourrez faire toutes les réformes que vous voulez, si vous ne réformez pas votre politique économique, nous allons dans le mur, et nous y resterons ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Alors, mettez tout sur la table ! Parlez-nous d’une politique économique qui nous permettra de faire face à l’avenir !
M. Jean-Patrick Courtois. Et les 35 heures ?
M. Pierre-Yves Collombat. Parlez-nous d’une politique fiscale qui nous permettra d’équilibrer vraiment les régimes et de ne pas faire peser le financement seulement sur les cotisations ! Parlez-nous de tout cela, mettez tout cela sur la table ! Alors, effectivement, nous pourrons discuter.
Mais vous ne nous parlez que de l’allongement de la durée de cotisation. Or vous savez très bien que ceux que vous voulez garder au travail ne pourront pas travailler. Oui, vous le savez très bien ! Finalement, ce que vous visez, bien que vous prétendiez le contraire, ce n’est pas l’allongement de la durée effective du travail – parce que cela ne sera pas possible sans changement de politique – mais bien une réduction du niveau des pensions qui seront effectivement perçues !
M. Nicolas About. Ça, c’est Aubry !
M. Pierre-Yves Collombat. Encore une fois, une politique des retraites qui ne tient pas compte de la politique économique, c’est du vent ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le Premier ministre, nous sommes un peu surpris par la tonicité – je dirais même, l’agressivité – de votre intervention (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.).
Nous avons bien compris que votre discours était exclusivement à usage interne, qu’il s’agissait de galvaniser les troupes qui, en fin de discussion, expriment par leur passivité à la fois leur lassitude et le peu de crédibilité qu’elles accordent aux propositions faites par le Gouvernement. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Il faut dire que la répétition sans fin de vos interventions engendre plutôt l’ennui et n’incite pas à la présence.
M. Jean-Jacques Mirassou. Si vous voulez remonter le temps, monsieur le Premier ministre, alors il faut dire quelle était la situation de l’emploi il y a dix ans ! Ce qui n’a pas été assez dit ici, en tout cas pas assez fort, c’est que, quand il y a des problèmes sur les retraites, c’est par manque de cotisants ; et quand on manque de cotisants, c’est le signe flagrant que le chômage progresse !
M. Jean-Pierre Raffarin. Et la démographie, monsieur ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous ne pourrez pas, même pas vous, vous exonérer de vos responsabilités en la matière !
Votre propos témoignait d’ailleurs de votre absence tout au long de ce débat, parce que, si vous aviez été présent dans les rangs de votre majorité, vous vous seriez rendu compte que ni les socialistes ni la gauche n’ont nié la nécessité de mettre en place une réforme des retraites. (Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Simplement, nous avions la prétention de penser qu’on pouvait dépasser assez facilement les critères démographiques et statistiques pour inscrire le travail du Sénat dans une réforme à portée sociétale, qui puisse tenir compte de cette constatation-là, mais aussi des principes fondamentaux du CNR dont, par ailleurs, certains d’entre vous ont revendiqué la paternité avec un peu trop de facilité.
En fin de parcours, venir de la sorte nous donner des leçons, c’est un peu juste. En tout état de cause, la démonstration a été faite dans les rangs de la gauche que les arguments que nous avons essayé d’établir par rapport à la pénibilité, au report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et au report à 67 ans de l’âge du départ à taux plein, auraient pu trouver un commencement de début de résolution s’il y avait eu la volonté politique d’avoir un débat, que vous revendiquez aujourd’hui, mais que votre majorité n’a jamais consenti à instaurer dans les rangs du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le Premier ministre, nous sommes très honorés de votre présence dans ce débat…
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais c’est pour vous, madame ! (Rires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci, je n’en doutais pas ! Mais permettez-moi cependant de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, comme tout le monde…
M. Jean-Pierre Raffarin. Respect réciproque, madame ! (Nouveaux sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … permettez-moi donc de vous dire que ce que nos concitoyens ne supportent pas, ne supportent plus en tout cas, c’est que vous demandiez toujours aux mêmes, et à eux exclusivement, les efforts dont vous parlez ; je veux parler des salariés les plus modestes.
Alors qu’à l’inverse, pour les bénéficiaires de niches fiscales, de stock-options, de retraites chapeaux, de bouclier fiscal,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et c’est reparti !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … pour ceux-là, pas d’efforts ! Au contraire, que des privilèges, que des sourires, que des avantages !
Ce n’est pas cela, demander un effort au pays ! L’effort, nos concitoyens savent quand il faut le faire ; mais ils le font quand il est juste et quand, en plus, ils considèrent que ce sera pour le bénéfice de tous. Or, ce n’est pas le cas ! La réforme des retraites proposée par le Gouvernement sera supportée exclusivement par les salariés.
Et que fera-t-on en 2018, comme le régime sera encore en déficit ? On leur imposera un changement de régime de retraite et la retraite par capitalisation. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Nicolas About. Pas du tout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà ce qui est visé ! Et cela, vous n’avez même pas le courage de le dire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. Il ne suffit pas de l’asséner pour que ça devienne vrai !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, je serai relativement bref car l’heure commence à devenir tardive.
Je me réjouis des propos que nous venons d’entendre dans la bouche du Premier ministre Raffarin, qui, à la fin de son intervention, a essayé de démontrer que Pierre Mauroy était l’homme du passé (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)…
M. Jean-Pierre Raffarin. Je n’ai jamais dit cela, c’est une caricature !
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne vous dirai pas, monsieur Raffarin, que vous êtes l’homme du passif ! (Exclamations indignées sur les mêmes travées.)…
Un sénateur de l’UMP. Et voilà, ça revient encore une fois !
M. Jean-Pierre Caffet. Mais vous savez comment ce débat s’est terminé autrefois…
M. Jean-Pierre Raffarin. Ayez autant de respect pour M. Mauroy que moi !
M. Jean-Pierre Caffet. Eh oui, monsieur Raffarin ! Souvenez-vous de l’homme du passif ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Pierre Raffarin. M. Mauroy ne parlerait pas sur ce ton !
M. Jean-Pierre Caffet. À l’heure actuelle, c’est ce débat que nous avons !
Et savez-vous pourquoi, monsieur Raffarin ? Parce que quand vous nous dites qu’il n’y a pas de progrès social sans effort des Français, je vous réponds, monsieur le Premier ministre, que c’est toujours les mêmes qui passent à la caisse depuis des années ! (Ça suffit ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Caffet. Mais oui, je suis calme ! Ne vous inquiétez pas, monsieur Tron ! Je sais me maîtriser, contrairement à certains ! (Rires ironiques sur les travées de l’UMP.)
C’est toujours les mêmes qui passent à la caisse, monsieur Raffarin ! (M. Gérard Longuet s’exclame.) Vous le savez aussi bien que moi : cette réforme des retraites est financée à 85 %, sinon plus, par les salariés ! C’est toujours aux mêmes que vous demandez des efforts !
Monsieur Raffarin, je vous ai connu, sur ces bancs, beaucoup plus attentif aux propos que nous tenions…
M. Jean-Pierre Raffarin. Ah ! Je vous aime mieux comme ça !
M. Jean-Pierre Caffet. … oui, je me souviens très bien de débats où je vous ai senti beaucoup plus attentif à certains de nos arguments ! Et je suis extrêmement surpris ce soir de vous voir épouser une réforme qui est, en vérité, le symbole de l’injustice. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ma patience a des limites !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Permettez-moi un mot, en cette fin de débat sur l’article 33.
Tout à l’heure, monsieur Assouline, je vous ai entendu indiquer un certain nombre de choses. Vous disiez : « Vous êtes allés trop vite, vous n’avez pas consulté, vous n’avez pas concerté, vous n’avez pas négocié… » Bref, vous nous accusiez de passer en force. Voilà ce que vous dites depuis je ne sais pas combien de dizaines d’heures, et vous vous répétez beaucoup !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais oui, parce que c’est la vérité !
M. Éric Woerth, ministre. Or, la réalité est tout autre. Premièrement, je tiens à rappeler que cette majorité a déjà réalisé un certain nombre de réformes des retraites. Nous avons fait celle de 1993 ; celle de Jean-Pierre Raffarin, en 2003 ; nous avons fait la réforme de 2007, celle des régimes spéciaux ; et nous faisons aujourd’hui une autre réforme.
M. Marc Daunis. C’est donc que les précédentes étaient mal faites !
M. Jean-Marc Todeschini. Des essais, rien que des essais !
M. Éric Woerth, ministre. Évidemment, en matière de réforme des retraites, votre expérience est nettement plus limitée, c’est le moins qu’on puisse dire ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Deuxièmement, en ce qui concerne cette réforme, ce n’est pas du tout comme vous dites, monsieur Assouline ; il ne s’agit pas d’une réforme que nous aurions élaborée dans notre coin, sans jamais interroger qui que ce soit ! (Mêmes mouvements.)
Mme Annie David. Vous ne nous entendez pas !
M. Éric Woerth, ministre. Chaque fois que vous parlez et que quelqu’un à droite intervient, ne serait-ce que pour dire un mot, vous montez sur vos grands chevaux et commencez à dire : « Mon Dieu, comment pouvez-vous agir ainsi ? ». Alors, laissez-moi parler ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Oui, vous montez sur vos grands chevaux ! J’ai dit ce que j’ai dit ! Vous passez votre temps à nous interrompre et à nous agresser ! Alors, cessez ce comportement ! Si vous n’acceptez pas la contestation, c’est que vous n’acceptez pas, au fond, le débat démocratique ! Laissez-nous donc parler ; vous parlez 80 % du temps dans cet hémicycle ! (Mêmes mouvements.) Laissez nous dire ce que nous avons à dire !
Justement, je voulais dire que nous avons publié, au cours du mois de mai, un document d’orientation construit après des centaines d’heures de réunions et de discussions avec les uns et les autres, notamment les partenaires sociaux. Puis, ce document d’orientation a été versé au débat, qui a eu lieu pendant encore un mois entier, à nouveau avec les partenaires sociaux. Ce débat, comme le document, a été public.
Ensuite, nous avons arrêté un projet de texte, qui a été à nouveau discuté. Puis, fin juillet, nous sommes passés en commission : d’abord à l’Assemblée nationale, pendant des jours et des nuits, puis ici. Alors, ne me dites pas que ce texte n’aurait pas été discuté ! Il a été discuté comme rarement un texte concernant les retraites l’aura été.
Enfin, en ce qui concerne les régimes de retraite à l’étranger, je dois vous le dire franchement : vous ne retenez que ce que vous avez envie de retenir ! L’Allemagne, ce n’est pas 35 ans de cotisation, mais 35 ans de cotisation quand on a 63 ans, monsieur Assouline !
Pourquoi ne dites-vous pas la vérité ? Pourquoi la tronquez-vous chaque fois ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) C’est bien à partir de 63 ans, monsieur Assouline, sans compter la décote, car l’âge du taux plein est aujourd’hui à 65 ans en Allemagne et passera à 67 ans – non pas en 2027, comme vous le prétendiez, mais en 2029. Alors, soyez précis si vous voulez être crédibles !
En ce qui concerne la Suède, pourquoi oubliez-vous toujours de dire que les Suédois baissent les pensions de retraites de leurs concitoyens ? Les Suédois verront leurs pensions de retraite diminuer de 3 % cette année, et probablement d’autant l’année prochaine. Alors, dites la vérité !
Vous seriez incapables d’assumer un instant les réformes qui sont faites dans les pays que vous citez toujours en exemple. Jamais vous n’accepteriez même de les voter ! Alors, s’il vous plaît, un peu de sérénité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Enfin, dernier point, vous avez gagné une bataille, monsieur Assouline, celle de la démagogie et de l’irresponsabilité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, vous avez énoncé votre vérité et, bien évidemment, vous la partagez ! Mais il en existe une autre : cette réforme est profondément injuste. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Nous voulons une réforme des retraites et, nous, la justice ne nous dérange pas. Au contraire, nous l’aimons !
M. Gérard Longuet. Vous l’aimez, mais…
M. Martial Bourquin. C’est la différence entre vous et nous !
M. Paul Blanc. Mais qu’est-ce que ça veut dire ?
M. Martial Bourquin. On ne peut pas demander des années de cotisations à des personnes qui ont 1 000 euros de retraite par mois et, en même temps, redonner des chèques de 360 000 euros à 11 000 contribuables. Ce n’est pas possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Voilà ce que nous mettons en cause !
Pour nous, le problème n’est pas de faire une réforme des retraites, mais plutôt de savoir quel genre de réforme.
Celle-ci est viciée à la base, car elle est injuste ! Elle repose uniquement sur les salaires, alors que nous voulons taxer davantage le capital, les banques, les stock-options et les retraites chapeaux. Si un geste important avait été fait dans ce sens, il aurait été possible d’avoir une véritable négociation, et donc une vraie réforme des retraites. Voilà où est le problème !
Mme Jacqueline Panis. Vous ne la voulez pas !
M. Laurent Béteille. Vous avez toujours refusé de la faire !
M. Martial Bourquin. Ne dites pas que nous ne voulons pas de réforme des retraites, car nous en voulons une. Mais nous la voulons juste ; or celle-ci est profondément injuste.
Je me pose une question, monsieur le ministre. Que cherche le Gouvernement ? À quoi joue-t-il ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et vous, à quoi jouez-vous ?
M. Martial Bourquin. Que cherchez-vous en voulant passer en force quand des millions de personnes sont dans la rue et que près des deux tiers de la population rejettent ce projet de réforme, y compris votre électorat ?
Vous êtes en train de bloquer la France !
M. Jacques Blanc. C’est vous qui la bloquez !
M. Martial Bourquin. Nous, nous voulons sortir de ce débat sur les retraites avec un vrai projet. C’est la raison pour laquelle Jean-Pierre Bel vous a demandé, avec les présidents des groupes RDSE et CRC-SPG, de lever la séance (Non ! sur les travées de l’UMP.), afin de pouvoir renégocier avec les syndicats et trouver un terrain d’entente.
Tout à l’heure, nous parlions de la pénibilité. Comment oser, sur une question aussi grave que celle-là, remettre les décisions à plus tard ? Ce n’est pas possible de faire des choses pareilles !
M. Nicolas About. Vous ne l’avez jamais fait, peut-être ?
M. Roland du Luart. Vous l’avez fait pendant quinze ans !
M. Martial Bourquin. Vous l’avez fait, vous nous le proposez et vous vouliez même faire adopter cette réforme à toute vitesse ! Maintenant, vous vous plaignez, car nous avons aujourd’hui un vrai débat parlementaire !
M. Paul Blanc. Tu parles !
M. Martial Bourquin. Je vous le dis franchement, chers collègues, pour débloquer la situation, le bon sens, c’est d’arrêter le débat parlementaire (Non ! sur les travées de l’UMP.), d’ouvrir avec les organisations syndicales une vraie négociation...
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est de la flûte !
M. Martial Bourquin. ... et d’élaborer une réforme juste et équilibrée, ce qu’elle n’est pas aujourd’hui.
Le projet de loi que vous nous proposez est profondément injuste, et vous le savez. Savez-vous ce qui va nous être proposé dans peu de temps ? C’est de retirer la résidence principale de l’impôt sur la fortune. Pour tout ce qui avantage les plus aisés de notre société, vous êtes à l’écoute. En revanche, pour le peuple, vous êtes d’une surdité totale ! Ce n’est plus possible, car vous êtes en train de bloquer définitivement la démocratie.
Mais un jour ou l’autre – Pierre Mauroy vous le disait tout à l’heure –, cela se paiera très cher ! Il est des victoires qui sont acquises ici avec des majorités, mais c’est le peuple qui tranche ensuite par le suffrage universel ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je peux vous assurer que cela se paie très cher !
Monsieur le secrétaire d'État, vous pouvez sourire ! Cela ne changera rien à cette réalité.
Vous êtes condamnés aujourd’hui ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Paul Blanc. Robespierre !
M. Martial Bourquin. Vous allez laisser votre nom à un projet de réforme sinistre, funeste. Demain, vous le payerez cher avec le suffrage universel ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDS. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 33, modifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG. M. Guy Fischer a demandé la parole !
Mme la présidente. Le scrutin est ouvert. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 78 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
(M. Gérard Larcher remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. Mes chers collègues, nous en sommes parvenus aux articles additionnels après l’article 3 octies, qui avaient été précédemment réservés et qui ont fait l’objet d’une demande de priorité.
Articles additionnels après l'article 3 octies (appelés en priorité) (précédemment réservés)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’étais rapporteur lors de l’examen de la réforme des retraites de 2003, comme je le suis aujourd’hui pour le projet de loi que nous examinons.
M. Guy Fischer. C’est une de trop !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je souhaite que soit examiné par priorité l’amendement n° 1220, qui est certainement le plus important de ceux que j’ai été appelé à défendre.
M. le président. La commission demande que soit examiné par priorité l'amendement n° 1220.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande ?
M. le président. La priorité est de droit.
J’appelle donc, par priorité, l'amendement n° 1220, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À compter du premier semestre 2014, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :
1° Les conditions d'une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;
2° Les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;
3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
II. - En s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement, afin de remplacer 2014 par 2013.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 1220 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement concrétise une réflexion et une conviction de plus de dix ans.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de prévoir qu’à compter du premier semestre 2013 le comité de pilotage des régimes de retraite organisera une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Pourquoi, me direz-vous, alors que nous finissons tout juste l’examen du projet de loi, anticiper dès maintenant la prochaine étape ?
Cette réforme des retraites de 2010 est à juste titre dominée par le souci d’introduire des mesures financières à effet rapide. Le Gouvernement a fait le choix de maintenir le niveau actuel des pensions et des retraites. Mais, en raison de la poursuite du phénomène de vieillissement de la population, la question de l’équilibre des régimes se reposera nécessairement à l’avenir. Nous nous situons dans la perspective de 2018.
Par conséquent, il conviendrait d’engager très prochainement, pour après 2018, une réflexion à plus long terme sur les contours d’une réforme systémique à l’horizon de la décennie 2020. Mais, pour cela, il faut du temps ! Plutôt que d’ajuster tous les quatre ou cinq ans les paramètres de l’assurance vieillesse, sans doute vaudrait-il mieux refonder une fois pour toutes le cadre général de l’assurance vieillesse tel qu’il a été conçu en 1945.
En s’inspirant des réformes menées dans les pays voisins visant à promouvoir respectivement les techniques des points et des réalités actuarielles des comptes notionnels, notre pays adopterait un système davantage fondé sur le principe de la « contributivité ». Les futurs retraités auraient ainsi la garantie que les prestations qui leur seront servies dépendront plus strictement qu’aujourd’hui du montant des cotisations versées.
Il serait également possible de se fixer pour objectif la préservation d’un haut niveau de retraite à l’avenir, tout en évitant que le poids des ajustements financiers nécessaires ne soit systématiquement et principalement mis à la charge des générations futures.
À moyen terme, l’assurance vieillesse aura besoin d’un véritable électrochoc, qui prendra la forme d’une réforme systémique, seule à même de conjurer le phénomène de crise de confiance massive qui gagne de plus en plus nos assurés.
J’ai bien parlé d’une évolution du système actuel. Il convient en effet de conserver un système par répartition, dans lequel les actifs d’aujourd’hui paient les retraites d’aujourd’hui. Celui-ci doit rester contributif – les cotisations sur les salaires alimentent les retraites servies – et distributif – les périodes non cotisées sont prises en compte –, afin d’assurer les solidarités intergénérationnelles et intragénérationnelles.
Pourquoi s’orienter vers une retraite par points ? Vous le savez très bien, mes chers collègues, c’est un système qui existe déjà et qui a fait ses preuves. J’évoquerai notamment le régime additionnel de la fonction publique, les régimes AGIRC-ARCCO et IRCANTEC, les régimes agricoles et des professions libérales.
Mais surtout, ce système, grâce à une plus grande transparence et une nouvelle gouvernance, permettra d’assurer une plus grande équité. Les dispositifs actuels étant le fruit de notre histoire sociale, de très nombreux arbitrages sectoriels ont créé certaines iniquités.
Enfin, les jeunes générations ne croient plus en notre système. Elles sont convaincues que, une fois arrivées à l’âge de la retraite, elles n’en profiteront pas. Il est de notre responsabilité de les rassurer. Pour ce faire, nous devons prendre les mesures nécessaires pour sauver notre système par répartition, auquel nous sommes tous attachés. La seule manière est de nous donner les moyens de le faire évoluer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 69 rectifié, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2015, le Comité d'orientation des retraites présente au Gouvernement et au Parlement un rapport envisageant une réforme systémique.
Ce rapport est rendu public.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement repose sur deux constats, l’un concernant la forme, l’autre le fond.
Sur la forme, notre pays connaît 38 régimes de retraite différents. Cette architecture complexe se conjugue avec des parcours professionnels qui n’ont plus rien à voir avec la linéarité de ceux que nous connaissions majoritairement il y a encore une vingtaine d’années.
La lisibilité et la mise en perspective individuelle au regard des droits acquis en matière de retraite sont, chacun le sait, quasi impossibles. Une telle opacité nuit à la crédibilité même de notre système. En effet, comment légitimer un système reposant sur des cotisations sans bénéficier d’une parfaite lisibilité ? Vous en conviendrez, l’exercice est difficile. Il l’est d’autant plus quand vous vous adressez aux jeunes.
Sur le fond, il apparaît que si on persiste, comme entend le faire l’actuelle majorité, à asseoir les recettes destinées à nos régimes de retraite uniquement sur les cotisations salariales, sans rien faire pour réorienter la répartition des gains de productivité et des bénéfices, l’immense majorité de nos concitoyens s’appauvrira, tandis que la précarité et la désespérance progresseront.
Notre système de retraite a besoin d’une réforme et non pas, comme ce texte nous le propose, d’un ajustement paramétrique injuste.
Un certain nombre de travaux ont été effectués en la matière. Sans que la convergence soit à l’ordre du jour, nous observons que de véritables réformes ont été menées dans de nombreux pays. Schématiquement, si certains, en France, appellent de leurs vœux la mise en place d’un régime unique, d’autres souhaitent l’instauration d’un régime par points, sans oublier ceux qui considèrent le système dit des « comptes notionnels » comme porteur d’avenir. La réforme est donc au cœur de nombreuses réflexions.
Forts de ce constat, nous souhaitons mettre en œuvre une vraie réforme. À nos yeux, dans une société en pleine mutation, celle-ci ne peut être abordée sous le seul angle des paramètres techniques de financement. Elle relève d’abord d’un choix de société et doit permettre de prendre en compte les mutations de la société et les attentes des Français à l’égard des temps de la vie.
Une telle réforme doit être axée sur quatre objectifs prioritaires : conforter le niveau des pensions, faire une réforme juste, assurer la pérennité du système de retraite par répartition et permettre davantage de choix individuels dans le cadre des garanties collectives.
Appelant de nos vœux une réelle réforme systémique, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas saisi l’occasion que constitue ce texte pour engager une vraie concertation avec l’ensemble des acteurs de nos régimes de retraite. Une telle démarche, nous le savons, demande du temps, des débats, des expertises, … ainsi qu’une longue phase transitoire.
C’est pourquoi, conformément aux rôles et missions impartis au Conseil d’orientation des retraites, nous demandons que celui-ci engage des travaux en vue de la remise, à l’horizon 2015, d’un rapport du Gouvernement au Parlement envisageant une réforme systémique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 83 rectifié quater, présenté par MM. Lardeux et J. Blanc, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À compter du premier semestre 2014, le Comité de pilotage des régimes de retraite et le Conseil d'orientation des retraites organisent une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :
1° La convergence progressive des paramètres des différents régimes de retraite légalement obligatoires ;
2° Les conditions de mise en place d'un régime de base universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;
3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
II. - En s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite propose au Parlement et au Gouvernement un ensemble de mesures visant à mettre en œuvre les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Cet amendement prévoit l’organisation, à compter du premier semestre 2014, d’une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Une telle disposition répond, me semble-t-il, aux préoccupations qui ont été exprimées sur les différentes travées de notre assemblée.
M. le président. L'amendement n° 558 rectifié quinquies, présenté par MM. About et Vanlerenberghe, Mme Dini, M. A. Giraud, Mme Payet, M. Maurey et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À compter du premier semestre 2013, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :
1° Les conditions d'une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;
2° Les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;
3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
II. - En s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Cet amendement est identique à amendement n° 1220 rectifié.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’objet de cet amendement est similaire à ceux qui viennent de vous être présentés ou qui le seront dans un instant. Je ne reviendrai donc pas sur son dispositif, d’ailleurs parfaitement explicite, et me concentrerai sur l’importance qu’il revêt à nos yeux.
Il s’agit de poser dès aujourd’hui les jalons d’un équilibre pérenne de la répartition, autrement dit d’ouvrir dès à présent un nouvel horizon.
Aujourd’hui, une réforme paramétrique d’urgence s’impose. C’est pourquoi nous ne nous sommes pas opposés au relèvement de la borne d’âge d’ouverture des droits. Mais, à moyen et long termes, nous ne ferons pas l’économie d’une réforme structurelle, « systémique », pour reprendre le vocabulaire technique consacré, réforme qui consistera à remplacer les annuités par les points ou les comptes notionnels au sein d’un régime universel.
Au sein de mon groupe, nous appelons de nos vœux une telle réforme depuis 2003. Le septième rapport du COR, publié en janvier 2010, ainsi que son président, M. Hadas-Lebel, ont très bien montré comment un régime par points réduit les inégalités entre les régimes et concrétise l’égalité de tous devant la retraite.
Dans un tel système, je me permets de le rappeler, les cotisations versées au nom de l’assuré sont transformées en points. Puis, chaque année, celui-ci acquiert des points. À la fin de sa vie active, la pension obtenue est égale au nombre de points multiplié par une valeur de service, fixée par les gestionnaires, respectant l’équilibre nécessaire entre les cotisants et les pensionnés. Il existe ainsi une relation directe entre le montant de la retraite et celui des cotisations versées. C’est l’une des grandes différences avec le système des annuités.
En résumé, par rapport au système actuel, celui par points permet de dégager quelques avantages, notamment face à trois impératifs : l’équilibre – je rappelle qu’il n’y a pas d’équilibre spontané dans le système des annuités –, la lisibilité et, enfin, la solidarité. En effet, le système par points rend explicite la part nécessaire que nous devons consacrer à la solidarité, afin de ne pas défavoriser les plus faibles ou les plus jeunes générations.
Le changement de système nécessitera une grande préparation et un calendrier de transition à définir. Il faudra au moins quinze à vingt ans – si l’on se réfère à ce qui s’est passé en Suède – pour passer à un système par points. Il conviendra au préalable d’être capable de faire des choix politiques. Faut-il adopter un seul régime avec des spécificités ou conserver un système privé et un système public ? Quelle pondération faudra-t-il instituer entre les différents critères ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pour répondre à toutes ces questions, nous appelons de nos vœux une grande réflexion nationale en 2013. Nous avons retenu cette date parce qu’elle est postérieure au grand débat national de 2012, lequel permettra certainement de clarifier les positions de chaque famille politique.
Ce calendrier nous donnera le temps de débattre avec tous les partenaires et, surtout, l’ensemble des Français sur la pérennité du système par répartition, dans la perspective de proposer aux nouvelles générations, comme nous l’espérons, un système respectant à la fois la justice et l’égalité de tous devant la retraite. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. L'amendement n° 652 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, Longuet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À compter du premier semestre 2013, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :
1° Les conditions d'une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;
2° Les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;
3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
II. - En s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Cet amendement est identique aux amendements nos 1220 rectifié et 558 rectifié quinquies.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement est le fruit de la réflexion et du travail de la MECSS, que j’ai l’honneur de présider, et qui a produit un rapport apprécié, dont les deux rapporteurs n’étaient autres que Dominique Leclerc et Christiane Demontès, …
Mme Raymonde Le Texier. Très bon rapport !
M. Alain Vasselle. … ce qui me laisse à penser que nous devrions pouvoir dégager une très large majorité au sein de la Haute Assemblée pour approuver le dispositif tendant à engager une réflexion nationale sur une réforme systémique.
Chacun en convient, notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe et M. le rapporteur viennent de le rappeler, il était nécessaire, à la suite de la crise financière qu’ont vécue le pays et l’Europe, de s’engager le plus rapidement possible dans une réforme paramétrique, pour régler une situation conjoncturelle difficile et délicate.
Mais une telle situation nous impose également de préparer l’avenir, notamment la retraite des jeunes, en nous engageant éventuellement, en tant que de besoin et en fonction du travail que nous aurons conduit, vers une réforme systémique, comme l’ont fait des pays voisins tels que la Suède, qui a été maintes fois citée, et l’Italie.
Je ne redévelopperai pas ici l’ensemble de l’argumentaire que M. le rapporteur vient de rappeler. Ce que je souhaite, c’est que, dans notre sagesse, en mettant de côté la passion qui anime souvent nos débats, nous puissions nous retrouver, au moins sur ce point, en grand nombre, pour préparer l’avenir de notre système de retraite. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 327 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 septembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité de faire évoluer le système de retraite actuel vers un régime à points.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Cet amendement est relativement similaire à ceux qui viennent d’être défendus puisqu’il prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement sur la possibilité de faire évoluer le système de retraite actuel vers un régime à points.
Un tel système ne remet pas en cause le système de retraite par répartition auquel les Français sont profondément attachés, et présente plusieurs avantages.
Il permet en effet de choisir l’âge du départ à la retraite, tout en garantissant une juste compensation à ceux qui décident de travailler au-delà de l’âge légal. Il assure également une meilleure visibilité de l’âge de départ à la retraite et une très grande transparence. Enfin, il répond à l’objectif de solidarité auquel nous sommes très attachés.
M. le président. L'amendement n° 557 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'assurance vieillesse universelle garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation.
Le montant de la pension est égal au montant du compte de cotisations retraite de l'assuré divisé par le nombre d'années d'espérance de vie de sa génération au moment de la liquidation de la pension.
Le compte de cotisations retraite est alimenté par les cotisations retraite de l'assuré et par les intérêts produits par ce compte. Ces intérêts sont garantis par l'État.
Le taux de cotisation retraite obligatoire est fixé à un pourcentage déterminé du revenu brut de l'assuré.
Le taux d'intérêt garanti par l'État est égal au taux de croissance de la masse salariale entre l'année de versement des cotisations et l'année de liquidation de la pension.
Sauf dans les cas définis par la loi, l'assuré ne peut liquider sa pension de retraite avant l'âge de soixante ans.
II. - Le I du présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2020.
III. - Remplacer les huit premiers alinéas de l'article L. 114-2 du code de la sécurité sociale par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 114-2. - Le Conseil d'orientation des retraites a pour mission de produire et rendre publiques les informations nécessaires à la mise en œuvre de l'article n° ... de la loi n°....portant réforme des retraites.
« Il formule toutes recommandations ou propositions qui lui paraissent de nature à faciliter cette mise en œuvre. »
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Notre système de retraite souffre de deux maux qui le condamnent.
Premièrement, tel qu’il fonctionne, il va tout droit vers la faillite.
Les dispositions que nous avons examinées jusqu’à ce soir ont pour objectif d’y porter remède, partiellement car nous savons que, entre 2012 et 2018, il faudra transférer vers la CADES au moins 62 milliards d’euros. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Mais il est permis de penser que le système s’équilibrera en 2018 !
Le deuxième mal qui condamne notre système de retraite, c’est qu’il est très inégalitaire, illisible, comme l’ont souligné M. le rapporteur et d’autres intervenants. Il compte vingt et un systèmes de base et des régimes complémentaires obligatoires. À cotisations égales, pensions inégales ! Cela ne peut pas durer, c’est une offense à l’idée que nous nous faisons du principe d’égalité des Français devant la retraite.
Le COR a très bien démontré que, à rémunération nette égale, un fonctionnaire perdrait entre 10 % et 20 % de sa pension si celle-ci était calculée selon les règles en vigueur dans le privé. En revanche, un cadre de la fonction publique percevrait moins que son collègue du secteur privé.
Je le répète, ce système est injuste et illisible. C’est la raison pour laquelle nous devons nous orienter vers l’institution de comptes individuels de cotisation, vers une réforme systémique. J’ai entendu, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles vous avez déposé des amendements visant à insérer des articles additionnels. Mais pourquoi attendre 2013 ou 2014 ? Nous savons ce vers quoi il faut aller ! Alors sommes-nous capables de mettre sous le boisseau nos considérations quelque peu dogmatiques (Mouvements divers sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Jacques Mahéas. Ce n’est pas à nous qu’il faut s’adresser !
M. Jean Arthuis. … et de regarder enfin la réalité en face pour répondre à l’attente de nos concitoyens et imaginer un système qui redonne confiance aux plus jeunes ?
Voilà pourquoi, avec mes amis de l’Union centriste, je souhaite que la réforme systémique intervienne sans attendre, le plus tôt possible. Le système est en danger ; nous avons écarté le danger financier, au moins en partie, et il est désormais de notre responsabilité de placer les Français à égalité devant la retraite. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Vous sabordez la retraite par répartition !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 69 rectifié proposent que le COR remette un rapport sur une réforme systémique, à l’horizon 2015.
Cette proposition ne nous semble pas suffisamment ambitieuse. (M. Jean-Pierre Caffet s’esclaffe.) En outre, le septième rapport du COR traite déjà de cette question. Je vous rappelle que c’est à la demande du Sénat, suivi par l’Assemblée nationale, que le COR a travaillé sur ce thème.
La commission demande à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement, au profit des amendements identiques nos 558 rectifié quinquies, 652 rectifié bis et 1220 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 83 rectifié quater prévoit que la réflexion nationale organisée à compter du premier semestre 2014 soit suivie de mesures destinées à mettre en œuvre une réforme systémique.
Il nous semble important de ne pas préempter les conclusions de cette réflexion.
Là encore, je demanderai à son auteur de bien vouloir retirer son amendement, au profit des trois amendements identiques ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 327 rectifié bis prévoit qu’un rapport sera publié sur le passage éventuel vers un régime par points.
Comme je l’ai dit à l’instant, le septième rapport du COR traite déjà de cette question.
Là encore, je demanderai à son auteur de bien vouloir retirer son amendement, au profit des trois amendements identiques ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 557 rectifié bis, présenté par Jean Arthuis, prévoit la mise en place à l’horizon 2020 d’un régime de retraite universel par répartition, reposant sur des « comptes de cotisations retraite », sur le modèle de ce qui se fait en Suède.
Cette proposition est certes intéressante, mais elle présente à nos yeux deux limites.
D’une part, elle ne prévoit pas de réflexion nationale préalablement à l’instauration de ce nouveau régime ; or, il nous semble indispensable qu’une réforme de cette ampleur puisse faire l’objet d’un large débat public national. D’autre part, l’horizon 2020 nous semble un peu trop proche, pour toutes les raisons qui ont été indiquées.
Là encore, je demanderai à son auteur de bien vouloir retirer son amendement, au profit des trois amendements identiques ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Ces amendements visent à organiser, selon des modalités diverses, une réflexion sur une réforme systémique de nos régimes de retraite.
Ce débat a eu lieu à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement a souhaité ne pas clore ce débat devant les députés, de manière que celui-ci se prolonge devant le Sénat. Je suis donc heureux qu’il puisse se tenir.
Derrière cette notion de réforme systémique se cachent trois objectifs, auxquels on ne peut que souscrire.
Le premier objectif, c’est de renforcer la lisibilité de nos régimes de retraite. Comme en témoignent nos débats, il faut bien reconnaître que ces régimes sont très complexes et donc peu compréhensibles, ce qui est un mal absolu pour un régime de retraite universel.
Le deuxième objectif, c’est de prolonger la convergence entre ces différents régimes de retraite. Au cours des débats, nous avons notamment évoqué la situation des polypensionnés, et l’on voit bien, à travers cet exemple, que se pose la question de l’équité du système.
Le troisième objectif, c’est d’inciter chaque assuré à prolonger son activité en lui permettant d’en tirer les bénéfices quant au montant de sa pension. Dans un certain nombre de pays, on appelle cela le libre choix.
Au regard de ces trois objectifs, trois possibilités s’offrent à un Gouvernement pour réformer un régime de retraite, au-delà de l’alternative entre réforme systémique ou réforme paramétrique.
On peut réformer un régime de retraite en baissant les pensions.
M. Guy Fischer. Elles baissent déjà !
M. Éric Woerth, ministre. Évidemment, le Gouvernement s’y refuse, de même qu’il se refuse à réformer le régime de retraite par la hausse systématique des cotisations ou des impôts. Le régime par répartition, c’est d’abord le financement des actifs ! Il est bon de le rappeler, alors qu’on fait au régime par répartition de faux procès et que beaucoup se trompent à son endroit.
On peut aussi réformer un régime en prolongeant la vie active : c’est la voie de la raison et c’est celle que nous avons choisie.
En réalité, notre préoccupation est simple : ne pas faire croire aux Français qu’il sera possible de basculer vers un régime par points ou notionnel, qui est une forme de régime par répartition, monsieur Desessard, sans avoir préalablement rétabli l’équilibre de nos régimes de retraite. C’est un impératif absolu avant tout éventuel changement de système. Les comptes doivent être sains avant tout basculement vers un autre système.
La réforme, d’abord, la réflexion systémique ensuite : c’est ce que le Gouvernement avait indiqué dans son document d’orientation du 16 mai dernier, qui n’écartait pas cette piste.
Les nombreux échanges que nous avons eus avec les groupes Union centriste et UMP, avec la commission nous conduisent à penser que les amendements qu’ils ont déposés, respectivement les amendements nos 558 rectifié quinquies, 652 rectifié bis et 1220 rectifié, vont dans le bon sens. Ils précisent qu’une réflexion doit être engagée d’ici à 2013 – vous avez modifié la date, ce que nous acceptons. Cette réflexion prolongera la réflexion que le COR avait conduite voilà deux ans.
Cette réflexion devra permettre de répondre à cette question : comment peut-on opérationnellement aboutir à un régime par points ?
Je résume : d’abord, nous menons une réforme ; celle-ci contient l’idée d’une réflexion à mener sur l’opportunité de nous diriger vers un régime unique de retraite ; en 2013 un rapport est publié et, s’il conclut à l’opportunité d’un tel régime, celui-ci sera mis en place à l’échéance de notre réforme, c'est-à-dire entre 2018 et 2020.
Cette réflexion à laquelle nous invite le Sénat est judicieuse et complémentaire de la réforme que nous menons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, compte tenu de l’ensemble des éléments nouveaux qui viennent d’être portés à notre connaissance, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.
M. le président. Monsieur Bel, le Sénat va accéder à votre demande.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 21octobre à zéro heure vingt-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques nos 1220 rectifié, 652 rectifié bis et 558 rectifié quinquies, appelés par priorité.
La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Nous sommes appelés à nous prononcer, par priorité, sur des amendements qui visent à organiser dans le futur une réflexion sur une autre réforme des retraites, une réforme systémique.
Le groupe socialiste est favorable à une telle réforme, occasion de mettre sur la table l’ensemble de ce qu’il y a à savoir sur les différents régimes de retraite, sur ce qui existe dans d’autres pays, mais aussi sur ce qu’il est possible de faire chez nous.
Nous considérons que notre système doit reposer sur des droits collectifs solides, qui jouent un rôle de vigie sociale et qui permettent davantage de choix individuels.
M. Jean-Luc Fichet. Tout à fait !
Mme Christiane Demontès. Comme nous l’avons rappelé tout au long de ces trois semaines, nous proposons d’instaurer le principe d’une retraite choisie, permettant à ceux qui n’en peuvent plus de travailler de faire valoir leurs droits à la retraite à 60 ans, tout en permettant à ceux qui veulent travailler plus longtemps, et qui le peuvent, de le faire.
Cette retraite choisie se ferait dans le cadre d’une refonte globale de l’acquisition de droits, avec la création d’un compte-temps individuel, la prise en compte, dans le calcul des droits à la retraite, des périodes de formation initiale et continue et, éventuellement, une incitation à retarder son départ.
Pour les nouvelles générations, nous proposons de créer un compte-temps qui permettrait de décloisonner les trois temps de la vie : le temps de la formation, le temps du travail, et le temps de la retraite. Les événements de la vie ne se succèdent plus de manière linéaire. Ce compte-temps permettra à chacun d’organiser librement les périodes de sa vie : prendre une année sabbatique, reprendre des études ou réduire progressivement son temps de travail au lieu de subir le couperet de la retraite.
Voilà nos propositions, et nous les avons développées tout au long du débat.
En cet instant, je tiens d’abord à vous faire part de notre étonnement de devoir nous prononcer par priorité sur ces amendements, qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un long débat en commission des affaires sociales, M. le rapporteur peut le confirmer.
Pourquoi ces amendements viennent-ils ce soir, après le vote de l’article 33, c’est-à-dire le dernier article du projet de loi ? Pourquoi ne pas les avoir examinés dès le début de la discussion du texte ?
Monsieur le ministre, vous soutenez que les dispositions que nous avons discutées et que votre majorité a adoptées sont bonnes, qu’elles étaient nécessaires, mais le débat à peine terminé, vous nous expliquez que l’on va faire autre chose, que l’on va engager une réforme systémique.
M. Nicolas About. On lance un débat !
Mme Christiane Demontès. Nous ne pouvons accepter une telle démarche. Mes chers collègues, quel aveu de nous dire ce soir que, dans deux ans, on recommence tout, on fait enfin une vraie réforme, après avoir fait voter au Sénat une réforme qui n’en est pas une, qui se résume à des ajustements comptables et paramétriques, ainsi que vous l’avez-vous-même reconnu. C’est pratiquement une contre-réforme que vous envisagez maintenant !
Nous ne pouvons pas accepter cette organisation du débat et c’est pourquoi nous retirons notre amendement no 69 rectifié. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Nicolas About. Vous êtes enfermés dans votre esprit partisan !
M. le président. L’amendement no 69 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Avant d’en venir à mon explication de vote proprement dite, permettez-moi d’apporter une précision.
L’amendement no 1220 de la commission prévoyait que le comité de pilotage organiserait une réflexion nationale sur une réforme systémique en 2014. Le rapporteur l’a rectifié en séance en remplaçant la date de 2014 par celle de 2013. Toutefois, la commission ne s’étant pas réunie, il s’agit désormais de l’amendement du rapporteur et non plus de celui de la commission.
Sur le fond, cela ne change en rien notre position. Nous restons opposés à cet amendement, quelle que soit l’échéance prévue.
Ces trois amendements identiques prévoient une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique à laquelle nous sommes défavorables. Comme dans les négociations avec les partenaires sociaux, vous fixez déjà le carnet de route. Vous avez déjà fixé des bornes : le report à 62 ans, d’une part, et à 67 ans, d’autre part, ainsi que l’allongement de la durée de cotisation. Ici, vous fixez d’emblée les trois thèmes de la réflexion, en introduisant notamment les comptes notionnels.
Depuis le début de ce débat, nous avons dit et répété que nous étions favorables à une réforme du financement de notre système de retraite par répartition. Mais vous avez toujours refusé, tout au long de ces trois semaines de discussion, d’aborder cette question et aucune des propositions financières que nous avons faites n’a été débattue.
Dans un système de retraite par points ou fondé sur des comptes notionnels, des droits à pension sont attribués aux assurés, mais le niveau des pensions n’est jamais fixé. Comme M. Jean-Marie Vanlerenberghe l’a rappelé tout à l’heure, ce niveau dépend de la valeur du point à la date à laquelle le salarié demande à liquider ses droits et cette valeur dépend elle-même de la démographie. Mais il a omis de préciser que la valeur du point dépend aussi du taux de croissance du PIB et qu’en Suède, pays dans lequel ce système fonctionne, du fait de la crise, la valeur du point s’est écroulée, les pensions ont littéralement dégringolé et l’État a dû renflouer le système.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui ! C’est incroyable !
Mme Annie David. Cela aurait dû nous faire réfléchir collectivement.
D’ailleurs, dans les pays où ces régimes sont déjà expérimentés, la valeur de ce point n’est pas nécessairement communiquée par les organismes et, lorsqu’elle l’est, ce n’est qu’à titre indicatif, les salariés ne pouvant pas la rendre opposable à l’administration. Tout cela donne, en réalité, beaucoup de latitude au Gouvernement pour faire varier la valeur du point, et donc le montant des pensions.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. On n’en est pas là !
Mme Annie David. Je rappelle que ces systèmes organisent la distribution des pensions au sein d’une même classe d’âge. Donc, c’en est fini de la solidarité entre générations. Cela non plus, vous ne nous le dites pas ! C’est en tout cas ainsi que les choses se passent en Suède.
La redistribution (Protestations sur les travées de l’UMP.)…
Mes chers collègues, permettez-moi d’aller au bout de mon intervention ; ensuite vous pourrez reprendre la parole. Là, je perds mon temps, alors que j’ai beaucoup de choses à dire.
Donc, nous contestons ce manque de solidarité intergénérationnelle.
En outre, cette réforme systémique ne résoudrait pas la question fondamentale, celle du financement, puisque vous ne prévoyez pas de ressources nouvelles, sauf à nous dire, monsieur le ministre, que vous allez augmenter les cotisations…
Mme Annie David. En tout cas, ce n’est pas ce que vous nous avez annoncé, me semble-t-il. Donc, sans finances nouvelles, je ne vois pas comment ce système à points pourrait répondre aujourd’hui aux besoins de notre système par répartition pour assurer la solidarité intergénérationnelle et permettre à tous nos concitoyens de partir à la retraite avec des pensions décentes.
Je m’arrêterai là puisque mon temps de parole est écoulé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Naturellement, le groupe UMP votera avec conviction ces amendements identiques, qui ont désormais tous le mérite d’avancer la date de cette réflexion.
Sur le fond comme sur la forme, ce débat est parfaitement légitime.
Nous avions le devoir absolu d’apporter une réponse à l’insupportable déficit du régime français des retraites tel qu’il fonctionne actuellement. (Mme Annie David s’exclame.)
M. Jacques Mahéas. Qu’avez-vous fait depuis 2007 ?
M. Gérard Longuet. Cette obligation est devenue impérieuse du fait de la crise parce que les décisions de 1982 n’ont pas été financées. Le signal d’alarme a été tiré dès 1991 ; les mesures de 1993, 2003 et 2007 ont été pertinentes, mais la crise de 2008 nous a apporté deux certitudes.
D’une part, il n’y aura pas de croissance forte pour l’Europe de l’Ouest : nous n’atteindrons pas les 3 % par an que nous pouvions espérer il y a quelques années encore. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Même pas les 2 % !
M. Gérard Longuet. Alors, mon raisonnement vaut a fortiori, chère collègue !
D’autre part, nous devons consolider nos finances publiques, car la France est exposée, comme toutes les nations du monde, au jugement de ceux dont nous avons besoin, c'est-à-dire ceux qui nous prêtent de l’argent.
La réforme paramétrique était indispensable et urgente. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous avons accepté que l’aspect paramétrique passe en premier dans ce débat, pour apporter une réponse immédiate à un besoin absolu.
Épuisions-nous, monsieur le ministre, cher Éric, à travers cette première partie, la totalité du sujet ? La réponse est non. Cette assemblée est parfaitement légitime pour attaquer la réflexion de fond sur ce que nous appelons d’une formule un peu prétentieuse la « réforme systémique ».
Pourquoi sommes-nous légitimes ? Parce que, de votre côté comme du nôtre, avec nos collègues Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Christiane Demontès, Bernard Cazeau et Claude Domeizel, le Sénat conduit depuis dix ans des réflexions sur les questions structurelles. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a montré dans son intervention combien nous étions, les uns et les autres, impliqués dans ces réflexions.
M. Assouline, que nous écoutons toujours avec beaucoup d’intérêt (Sourires sur les travées de l’UMP.), nous a rappelé que la Suède avait mis dix ans à changer de système. Je lui répondrai que c’est exactement ce que nous proposons en cet instant. Dès lors que nous sauvons l’équilibre financier du système actuel hérité de 1945 et du projet du CNR que le général de Gaulle avait mis en place,…
Mme Nicole Bricq. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait plus tôt ?
M. Gérard Longuet. … nous avons le devoir absolu de répondre à la vieille question posée par Alfred Sauvy et que j’évoquais au cours de la discussion générale. Le régime par répartition ne peut pas être déficitaire parce que c’est le produit des cotisations d’une année qui nourrit les retraites de la même année.
Or, en France, nous aimons l’ambiguïté et, de réforme en réforme, nous sommes arrivés à un système équivoque, qui a l’apparence d’un régime de retraite par répartition, mais qui repose sur des droits sociaux capitalisés pesant lourdement sur ce système et le privant de toute flexibilité.
Les travaux réalisés par le COR sur le système suédois à la demande du Sénat nous ont appris que les systèmes par points, évoqués par les uns et les autres sous le nom savant de « comptes notionnels », reviennent au principe d’Alfred Sauvy, c’est-à-dire que l’énergie d’une année finance les retraites versées au titre de cette même année. Il s’agit ensuite de répartir entre les millions de retraités le produit de ces cotisations.
Tout l’intérêt de la réflexion systémique, c’est d’avoir la répartition la plus juste. Je souscris totalement à l’observation de Jean Arthuis : l’histoire de notre pays – il ne s’agit pas d’un maléfice des hommes ou des structures – fait que notre système de retraite est très ancien, et il convient d’y mettre de l’ordre compte tenu des évolutions permanentes.
Nous aurons dix ans pour le faire. Nous préférons commencer en 2013 pour que nous puissions avoir, en 2020, une réforme adaptée et acceptée par l’ensemble de nos compatriotes, qui découvrent aujourd’hui, médusés, que leur système traditionnel est déficitaire et auxquels nous apportons l’espérance, à partir d’un débat très ample, de construire ensemble une solution durable pour le long terme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. Jacques Mahéas. Comment voulez-vous que nous ayons confiance ?
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Peut-être est-ce l’heure tardive, mais j’ai un peu de mal à suivre…
La position que nous avions adoptée en déposant notre amendement n° 69 rectifié était en parfaite cohérence avec tout ce que nous avons dit : on ne peut pas envisager autre chose qu’une réforme systémique, c’est-à-dire qui mette tout sur la table, pour parler plus vulgairement. Et je signale que cet amendement aurait dû être examiné au tout début de la discussion de ce texte.
En écoutant M. Longuet, je songeais que, comme dit le poète, « les plus désespérés sont les chants les plus beaux ».
« Grâce aux lois Fillon, jusqu’en 2020, nous n’avons pas de souci majeur à avoir quant au financement de nos retraites. Je garantirai l’application des lois Fillon. » Qui a dit cela ? (Sarkozy ! sur les travées socialistes.) Nicolas Sarkozy, en effet, lors du débat télévisé avec Ségolène Royal, durant la campagne pour l’élection présidentielle, c’est-à-dire il y a trois ans. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
MM. Jean-Pierre Fourcade et Christian Cambon. Depuis, il y a eu la crise ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Mais la crise, qui l’a provoquée ? Ce n’est pas Dieu qui l’a envoyée ! Ce n’est pas une catastrophe naturelle ! C’est le résultat de votre politique, reconnaissez-le ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
En avril 2007, on nous dit qu’il n’y a pas de souci à se faire puisque M. Fillon a tout réglé et puis, en octobre 2010, arrive une « loi courageuse » que vous voterez avec conviction et qui réglera le problème que les socialistes n’ont pas résolu !
M. Laurent Béteille. C’est bien de le reconnaître !
M. Pierre-Yves Collombat. Et maintenant, on nous explique benoîtement qu’il faudra bien procéder à une réforme systémique en 2014.
Cela signifie que tout ce que vous nous proposez là, ça ne tient pas la route ! C’est du pipeau !
Mme Annie David. C’est certain !
M. Pierre-Yves Collombat. Cela signifie que, comme l’a dit Président de la République, vous travaillez pour donner confiance au marché : vous êtes les réformateurs que les marchés attendent.
Voilà le but de ces discussions longues et difficiles que nous avons depuis trois semaines.
Il faut être sérieux ! Tous les trois ans, vous nous annoncez la réforme du siècle ! Il faudrait quand même vous décider un jour ou l’autre. Si vous pouviez le faire aujourd’hui, ce serait très bien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il faut parler clair.
Ce 21 octobre restera le jour où les fondements de la retraite par capitalisation auront été introduits et où, quelles que soient vos dénégations, la retraite par répartition aura été jetée par-dessus bord. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Nous sommes pour une réforme du financement de la retraite par répartition. Nous avons fait des suggestions – nous aurions d’ailleurs pu aller bien plus loin –, mais vous n’avez même pas regardé notre proposition de loi.
Nous serons peut-être le seul groupe à voter contre la réforme systémique, car elle est doublement brutale, et il faut rappeler que, par rapport à toutes les réformes qui ont eu lieu ou qui sont en cours dans l’Union européenne, celle-ci fera de la France le pays le plus régressif, mettant véritablement en cause une série de principes fondamentaux.
Elle est brutale parce que notre pays est le seul à agir à la fois sur les bornes d’âge – reculées de 60 à 62 ans pour l’âge légal et, parce que l’on considérait que ce n’était pas suffisant, de 65 à 67 ans pour l’annulation de la décote – et sur la durée de cotisation, qu’on fait passer à 41 annuités et demie, de manière à verrouiller complètement le système.
Cette réforme est donc l’une des plus dures dans toute l’Union européenne.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Ensuite, cette réforme est doublement injuste. Pourquoi ? Parce que, au moment où les résultats du premier trimestre de toutes les grandes entreprises du CAC 40 progressent de 85 %, on se permet de faire payer cette réforme à 85 % par les salariés, tandis que le capital, que l’on « charge » des 15 % restants, est à peine égratigné. Vous lui avez apporté toutes les garanties, à ce capital.
En dépit de tout ce que l’on dit, elle sera terriblement injuste aussi parce que c’est la réforme de la « super-austérité » : elle va s’accompagner non seulement de hausses de cotisations qui sont déjà décidées, mais encore d’un gel des salaires qui s’apparentera à une véritable glaciation ! En effet, on trouve qu’un an de gel, ça ne suffit pas et qu’il faut aller jusqu’à 2012 ou 2013 !
Elle est enfin inefficace parce que, malgré tout ce que vous faites, comme vous ne voulez pas toucher à vos amis détenteurs du capital, en définitive, nous aurons toujours des déficits.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Bien sûr, pour nous, il était important de discuter de la pénibilité, des poly-pensionnés, des retraites des femmes, car il s’agit de questions majeures, mais, en termes de coût, ce ne sont que des à-côtés, c’est epsilon.
En résumé, cette réforme est doublement brutale, doublement injuste et totalement inefficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Les sénateurs de notre groupe, tout comme d’autres collègues, ont jugé que nous devions traduire dans le présent projet de loi les conclusions de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECCS.
Pour nous, centristes, ces propositions sont emblématiques, et nous avons bataillé ferme pour voir notre amendement adopté par le Sénat.
Ce soir, pour des raisons purement tactiques et politiciennes, certains de nos collègues nous lâchent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Les prétextes qu’ils avancent sont peu convaincants : selon eux, il ne faudrait pas voter ces amendements parce qu’ils font suite à l’adoption de mesures destinées à sauver l’actuel système par répartition. Ces arguments ne tiennent pas la route.
D’abord, si cette disposition est adoptée, elle ne restera pas en fin de texte, mais s’insérera après l’article 3 octies, c'est-à-dire en bonne place.
M. Jean-Pierre Caffet. La belle affaire !
M. Nicolas About. Ensuite, il était logique de débattre d’abord des mesures de sauvegarde urgentes avant d’évoquer des désirs d’avenir. (Rires et nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Nous sommes heureux et fiers que cette réforme, que nous allons voter, contribue à sauver et à financer les retraites présentes et celles qui seront liquidées dans un futur proche.
Une sénatrice du groupe CRC-SPG. Ce n’est pas vrai !
M. Jacques Mahéas. Votre réforme n’est pas financée !
M. Nicolas About. Nous sommes toutefois conscients qu’il est de notre responsabilité de proposer, à l’avenir, une réforme systémique plus conforme à ce que nous souhaitons depuis longtemps.
Cela commencera par un grand débat national sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse – ce débat, vous n’avez cessé de le réclamer, chaque jour et à chaque heure, et, lorsqu’on vous le propose, vous le refusez, chers collègues de l’opposition ! –, organisé par le Comité de pilotage des régimes de retraite et le Conseil d’orientation des retraites.
Nous souhaitons que, dans les thèmes de réflexion, figure la convergence progressive des paramètres des différents régimes de retraite légalement obligatoires. Le groupe de l’Union centriste l’a toujours dit clairement.
Nous souhaitons que les conditions de la mise en place d’un régime de base universel par points ou en comptes notionnels soient étudiées dans le respect du principe de répartition – je suis désolé, monsieur Fischer, mais cette démarche s’inscrit bel et bien dans le principe de répartition, au cœur du pacte social qui unit les générations.
Nous souhaitons aussi que soient étudiés les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité.
Enfin, et surtout, nous souhaitons qu’en s’appuyant sur l’expertise du Conseil d’orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite propose au Parlement et au Gouvernement un ensemble de mesures visant à mettre en œuvre les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Voilà un beau défi ! Notre vote de ce soir restera longtemps gravé dans les mémoires, et je ne doute pas que l’on se souviendra de ceux qui ont eu un peu plus que le bout de leur langue pour défendre ce texte et le faire adopter. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Avant l’interruption de séance, j’ai écouté attentivement les uns et les autres, notamment M. Longuet et M. Arthuis, et j’ai finalement entendu beaucoup d’arguments qui se rapprochaient de ceux que nous avons défendus pendant trois semaines, à savoir qu’il fallait arrêter de bricoler, ne plus se contenter de colmater les brèches, mais avoir le courage de tout remettre à plat et d’engager enfin une véritable réforme, à la suite d’une large concertation.
Le problème, c’est qu’avant même de sortir cette proposition des cartons, vous aviez vendu votre réforme aux Français en leur faisant croire que les mesures d’âge qu’elle contenait – les reports à 62 et 67 ans – étaient de nature à régler le problème des retraites.
« Vous ne pourrez pas regarder vos enfants dans les yeux, monsieur Assouline, car il n’y aura plus de système dans cinquante ans ! », me disiez-vous de manière solennelle, monsieur le ministre… Nous vous répondions que votre réforme se traduirait par un déficit de 15 milliards d’euros à l’horizon 2025, et qu’elle était injuste puisqu’elle touchait avant tout ceux qui avaient déjà contribué par leurs efforts, dans tous les domaines, à faire en sorte que le lien social subsiste dans ce pays.
Et voilà que finalement, au bout du compte, M. Arthuis affirme tranquillement que notre système de retraite produit des injustices et des déficits incroyables, qu’il court à la banqueroute. Pour justifier ces amendements, vous reprenez donc mot pour mot notre réquisitoire contre cette réforme. C’est un peu fort de café !
Nous pourrions à la rigueur accepter ces amendements s’ils servaient de base de négociation à une réforme systémique juste et efficace, sur laquelle un consensus national serait recherché. Mais il faudrait au préalable suspendre le débat sur tous les autres articles. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mais, s’il faut d’abord avaler la couleuvre des 62 ans et des 67 ans pour pouvoir discuter de la réforme systémique en 2013, c’est non !
Dans les spots publicitaires que vous avez diffusés sur toutes les chaînes de télévision, avec l’argent des contribuables, vous disiez que votre réforme, avant même le dépôt de ces amendements, réglait le problème pour les nouvelles générations. Et maintenant, en appelant à voter ces amendements, vous dites le contraire. Vous avez donc menti au pays !
Après avoir autant triché avec la vérité, vous voudriez que l’on vous fasse confiance pour 2013 et que l’on vous donne un chèque en blanc. Mais qu’est-ce qui nous prouve que vous n’allez pas, demain, repousser l’âge de départ à 64 ans et remettre à plus tard la réforme systémique susceptible d’équilibrer le système ?
En réalité, tout était préparé depuis le départ. Vous aviez décidé de lâcher sur les handicapés et les femmes de trois enfants après la deuxième manifestation.
M. Jacques Blanc. Vous devriez avoir honte de parler ainsi !
M. David Assouline. Et vous aviez prévu de faire ce semblant d’ouverture à la fin des débats, en promettant d’ouvrir une réflexion à partir de 2013.
Pourtant, vous auriez pu d’emblée, sur un sujet aussi fondamental pour la Nation, engager une discussion franche réunissant l’opposition, la majorité et les syndicats, afin de parvenir à un compromis sur un système pérenne. Vous l’avez refusée et, ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pouvons nous rendre complices de cette manœuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote.
Mme Marie-Agnès Labarre. En ce qui concerne la réforme systémique, beaucoup de choses ont été dites, notamment sur le basculement vers un régime par points.
Certains de ses défenseurs tentent de nous opposer l’argument selon lequel un tel basculement serait sécurisé dans la mesure où ce mécanisme existerait déjà au travers des régimes complémentaires AGIRC et ARRCO. Or ces retraites complémentaires subissent précisément une dégradation, encore plus marquée que celle des retraites du régime général, et cette dégradation résulte notamment de la massification du chômage et des contraintes économiques.
Ainsi, comment ne pas souligner le fait que le taux de rendement a perdu, selon Les Echos du 9 mars 2007, plus de 30 % de sa valeur depuis 1993 ? Cela veut dire que, pour un même montant de cotisations, les pensions versées vont baisser d’autant.
Dans ce système à points, les salariés n’ont aucune visibilité sur ce que sera le montant de leur retraite, car, s’ils peuvent connaître le nombre de points, ils n’ont aucune assurance quant à la valeur du point au moment de leur retraite, et il n’existe pas de taux de remplacement garanti pour une durée normale de carrière.
Je reprendrai ici l’analyse de l’économiste Pierre Concialdi, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales : « En définitive, un système par points, quel que soit son mode de financement, tend à mimer le fonctionnement d’un système de retraites par capitalisation. Il contribue ainsi à valider l’idée que la retraite ne pourrait être qu’une forme d’épargne, ce que dément l’expérience des systèmes de retraites par répartition. »
Nous craignons que ce changement ne soit la première étape du basculement d’un régime obligatoire de base assis sur la répartition vers un régime obligatoire de base fondé sur la capitalisation. Il constitue les prémices d’un vaste mouvement d’individualisation et donc d’effondrement des pensions pour celles et ceux qui, trop modestes, ne parviendraient pas à financer eux-mêmes leur retraite.
Avec un tel système, il n’y aurait plus aucune visibilité sur les pensions, dont le niveau global baisserait encore, et les aspects collectifs de l’accès à la retraite, de même que les enjeux politiques, parmi lesquels figure le partage des richesses, seraient supprimés. Ce système ferait donc disparaître les solidarités. C’est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je souscris totalement aux propos de notre président de groupe, Gérard Longuet.
M. Jacques Mahéas. C’est bonnet blanc et blanc bonnet !
M. Charles Gautier. C’est cousu de fil blanc ! (Sourires.)
M. Jacques Blanc. L’amendement présenté par M. le rapporteur nous donnant satisfaction, notamment en ce qu’il prévoit, comme le proposent aussi nos amis centristes, d’avancer à 2013 le début de la réflexion, je souhaite retirer l’amendement n° 83 rectifié quater, monsieur le président.
J’avoue que la position de nos collègues du groupe socialiste me surprend : leur amendement n° 69 rectifié prévoyait en effet la remise d’un rapport envisageant une réforme systémique. Et voilà que, subitement, ils le retirent !
M. Alain Fauconnier. Nous le concevions comme un préalable !
M. Jacques Blanc. Si j’avais mauvais esprit, j’expliquerais ce revirement par le fait que leurs amis du groupe CRC-SPG ne partagent pas cette position. À moins que leur but ne soit de détruire systématiquement tout ce que nous proposons… (Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Venant de vous, ce n’est pas très crédible !
M. Jacques Blanc. Comment refuser cette logique qui consiste d’abord à assainir et à équilibrer le régime actuel, pour pouvoir ensuite nous diriger vers l’étape suivante, c'est-à-dire la réforme systémique ? C’est ce que nous proposons les uns et les autres de faire, et ce que le président Arthuis rappelait tout à l’heure dans son intervention.
On se demande pourquoi vous faites tant de bruit, chers collègues de l’opposition, alors que vous utilisez des arguments auxquels vous ne croyez pas vous-mêmes. En refusant de voter ce que vous demandiez tout à l’heure, vous venez d’être pris en flagrant délit de mauvaise foi. Pour notre part, nous suivrons le rapporteur et le président du groupe centriste, en restant fidèles à nos convictions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié quater est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce soir, cet hémicycle ressemble à un théâtre d’ombres.
J’ai rarement vu un gouvernement et sa majorité faire preuve d’autant de cynisme au cours d’un débat parlementaire ! (M. le président sourit.) Je vous vois sourire, monsieur le président, c’est votre droit, mais je le pense vraiment !
Quelqu’un, dans cet hémicycle, a-t-il entendu le Gouvernement ou un membre de la majorité évoquer la possibilité d’une réflexion systémique ? (Bien sûr ! sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Oui ! (M. le président brandit le rapport d’information de la MECSS.)
M. Jean-Pierre Caffet. Bien sûr, mais, depuis des mois, le Gouvernement nous explique que c’est la seule réforme possible.
En réalité, il n’était pas question de transformer le système des retraites, mais de réformer en prenant principalement des mesures d’âge, avec la volonté explicite de faire peser 85 %, voire 90 % du financement de cette réforme sur les salariés.
Or un grain de sable s’est introduit dans la réforme : un mouvement social beaucoup plus important que ne l’imaginait le Gouvernement.
Ce gouvernement n’a jamais cherché à négocier quoi que ce soit avec les organisations syndicales, ni sur le contenu de cette réforme ni sur l’éventualité d’une réforme systémique. Jamais nous n’en avons entendu parler !
Ce soir, se reproduit une situation que nous avons déjà vécue à plusieurs reprises, à l’Assemblée nationale et au Sénat : une manœuvre destinée à désamorcer le mouvement social et à faire croire aux Français qu’ils vont bénéficier d’avancées extraordinaires.
Nous avons assisté au même spectacle il y a une dizaine de jours, lorsque le ministre nous a annoncé, au sortir de l’Élysée, le dépôt de deux amendements fabuleux, l’un concernant les parents d’enfants handicapés et l’autre, les femmes, des avancées tout de même assorties d’un certain nombre de conditions : être né entre 1951 et 1956, etc.
C’est la même chose aujourd’hui ! Vous avez misé sur un essoufflement, un épuisement du mouvement social. Or, comme vous vous apercevez que ce mouvement perdure, vous essayez d’introduire un élément dont nous savons tous, car c’est l’évidence même, qu’il n’a jamais figuré dans les intentions du Gouvernement ou de la majorité.
Il suffit de lire les communiqués de l’AFP ! Il est écrit, dans une dépêche datée de ce jour, que Nicolas Sarkozy pourrait adresser un premier signal d’apaisement en laissant passer un des amendements ouvrant la porte à un débat sur une réforme systémique – nous y sommes ! (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste) –, qui interviendrait après l’élection présidentielle de 2012.
M. Nicolas About. Chaque fois que le Sénat obtient quelque chose, on le critique !
M. Jean-Pierre Caffet. Voilà pourquoi je parlais de théâtre d’ombres et de cynisme.
Pour ces raisons, ayant retiré notre amendement, nous ne voterons pas les vôtres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. Vous vous dégonflez ! Finalement, c’est l’Élysée qui dicte la conduite du parti socialiste !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Certaines personnes ne comprennent pas bien le sens du mot « répartition ». Pour elles, cela signifie que l’on va répartir de manière égalitaire entre les retraités. En fait, cela signifie que ce sont les actifs qui cotisent pour les retraités.
Le système de répartition, malgré son nom, n’est donc pas égalitaire.
M. Nicolas About. Non, il est équitable !
M. Jean Desessard. C’est un système inégalitaire ! En effet, comme l’a dit M. Arthuis, il y a des oubliés de la retraite, comme les travailleurs agricoles, les poly-pensionnés, les précaires, qui ne cumulent pas assez d’annuités, et les femmes.
Ce système est inégalitaire, par ailleurs, parce qu’il reproduit les inégalités de carrière.
Les centristes ont dit qu’il valait mieux un système par points.
M. Nicolas About. Et aussi par répartition !
M. Jean Desessard. Nous, nous disons que c’est plutôt de la « capitalisation collective ».
M. Nicolas About. Non !
M. Jean Desessard. Mais peu importe...
Les centristes considèrent que le système par points est juste parce que le calcul des retraites se fait sur la base des cotisations effectivement versées par chaque salarié. Ce n’est pas ma définition de la justice !
Ce qui est juste, pour moi, c’est de réduire non seulement les inégalités de carrière, mais aussi les inégalités dans les retraites.
Je suis favorable à un système de retraite égalitaire, qui permette à chacun de vivre décemment, et je souhaite que l’écart entre les petites et les grosses pensions soit réduit. Je ne reprendrai pas l’ensemble du débat sur les retraites chapeaux...
Je n’évoquerai pas non plus la question des comptes notionnels, car il est quasiment impossible de garantir un revenu par génération indépendamment de la situation économique ; on l’a vu en Suède, avec la baisse des pensions et l’intervention de l’État qui s’est ensuite révélée nécessaire.
Je pense qu’il nous faut penser un autre rapport au travail.
Au XXe siècle, le travail était indissociable de la création de richesses. Il fallait récompenser le travail, la durée de ce travail et le talent.
Aujourd’hui, la priorité des écologistes est la préservation de la planète, sur tous les plans. Actuellement, certaines innovations technologiques appliquées à la production offrent des perspectives fantastiques, mais elles supposent de changer le mode de production : pour nous, il est fondamental de travailler moins !
Mmes Jacqueline Panis, Marie-Thérèse Bruguière et Béatrice Descamps. Encore moins ?
M. Jean Desessard. Cela implique évidemment une autre organisation sociale : indemniser les chômeurs, prévoir des ruptures de carrière pour la reconversion écologique de l’économie, supprimer les emplois inutiles et gaspilleurs d’énergie.
Par conséquent, nous, nous ne concevons pas d’asseoir intégralement le système sur des cotisations puisque nous allons demander aux gens de travailler moins !
Cela pose le problème d’un autre mode de financement. Pour notre part, nous sommes favorables au maintien du système de répartition basé sur l’activité, mais avec une correction, une régulation par la fiscalité. Voilà ce qui détermine mon vote sur ces amendements.
Je voterai évidemment contre, car, avec les Verts, tout au long de l’examen de ce texte, j’ai défendu un système de répartition juste et solidaire, complété par des financements fiscaux, afin de garantir une société fondée sur la solidarité et l’égalité.
Je suis déçu qu’on ne nous propose de discuter de ces grandes orientations qu’à la fin du débat. Pourtant, nous avions prévu d’aborder cette question du projet de société au début de l’examen de ce projet de loi.
Si nous voulons que le Parlement débatte véritablement, il faut aborder les grands projets de société !
Nous voulons un système de retraite par répartition basé sur l’activité, mais nous considérons qu’il faut réduire l’activité humaine et travailler moins. Pour cela, il faut adopter d’autres modes de production et de consommation.
Nous voulons surtout un système de retraite égalitaire, qui ne soit pas fondé sur le principe « travailler toujours plus » et sur les écarts de salaires faramineux que nous connaissons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Une bonne partie du discours du Gouvernement et de sa majorité sur le devenir de notre régime de retraite tient, évidemment, à ce que l’on appelle le papy-boom, c’est-à-dire le choc démographique que constituerait l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses de l’immédiat après-guerre.
Or une étude sur les besoins de financement des retraites dans les différents pays de l’Union européenne d’ici à 2060, réalisée par Eurostat, l’organisme statistique de la Commission européenne, nous indique que la France est loin d’être le pays le plus en peine pour financer son régime de retraite. C’est même l’un des pays où le papy-boom sera le moins onéreux.
En effet, entre 2010 et 2020, la part du produit intérieur brut que nous devrions consacrer à financer les retraites – ce qui n’est pas une utilisation malvenue de la richesse nationale ! – passera de 13,5 à 13,6 points, soit un surcoût de 1/10 de point.
Le mouvement de hausse atteindra son apogée en 2035 : nous devrions passer alors de 13,6 à 14,5 points de PIB, soit un surcoût de 1 point, avant que le renouvellement des générations ne produise un effet inverse, avec un taux de consommation de la richesse nationale passant de 14,5 à 14 points entre 2035 et 2060.
S’il faut être attentif au papy-boom, il ne faut pas oublier que les générations plus creuses des années soixante-dix et quatre-vingt seront largement renouvelées par le rehaussement de la natalité que nous enregistrons depuis quelques années ; à tel point, d’ailleurs, que le surcoût relatif des retraites serait de 5/10 de points entre octobre 2010 et 2060 ! Cela place la France en excellente position dans l’Union européenne, où les seuls pays mieux placés sont ceux qui vont connaître probablement un déclin démographique.
La situation de notre pays n’est donc pas celle que vous décrivez. En outre, du fait de la loi Balladur, le taux de dépenses consacrées aux retraites a baissé entre 1996 et aujourd’hui, passant de 13,5 à 13,3 points de PIB.
La vérité commande de dire qu’on cherche à inquiéter nos concitoyens pour justifier les sacrifices qu’on leur demande, mais qui n’empêcheront pas, par exemple, l’indexation sur les prix, élément clé de la loi Balladur, de faire sentir ses effets, réduisant les pensions de 63 % à 53 % du dernier salaire en 2035, ce qui encouragera au passage le développement des fonds de pension.
En 1993, quelqu’un disait : « Les fonds d’épargne retraite auront toujours en France un rôle marginal et complémentaire. C’est uniquement si l’on pose ce principe que l’on aboutira à obtenir du législateur et des partenaires sociaux l’incitation à de vrais régimes de capitalisation favorisant l’épargne longue et les fonds propres des entreprises ». L’auteur de cette déclaration est bien connu : il s’agit de Raymond Soubie, qui a coécrit, à la demande du Président de la République, une bonne partie du projet de loi dont nous débattons.
On peut tout dire de cette réforme des retraites, mes chers collègues, sauf qu’elle est dictée par une contrainte démographique. Ce texte vise, en réalité, à réduire la part de la richesse nationale consacrée au financement public des pensions et à s’orienter vers des régimes de capitalisation. Voilà l’objectif de ces trois amendements ! C’est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy, pour explication de vote.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, mes chers collègues, avouez que nous vivons ce soir des choses extraordinaires !
Nous discutons avec vous depuis des jours, messieurs les ministres, mais c’est vous qui avez apporté ce projet de réforme. Et c’est nous qui n’en avons pas voulu, qui avons souhaité l’amender et qui avons guerroyé tout au long du débat. Or vous avez fermé toutes les portes, et il n’a pas été possible d’avoir un véritable dialogue !
Mme Annie David. C’est sûr !
M. Pierre Mauroy. Voilà comment les choses se sont passées !
Ce texte a une répercussion immédiate : la réaction des organisations syndicales et des Français qui, dans leur grande majorité, refusent votre réforme. Toute la presse en a parlé !
Des manifestations importantes ont eu lieu, et vous n’avez pas bougé. Vous avez continué à dire que votre réforme était la solution au problème des retraites et que vous ne bougeriez pas.
Nous, nous n’avons cessé de vouloir amender votre projet, mais vous n’avez rien voulu entendre. Nous voici parvenus à l’heure de vérité. Vous ne croyez plus, désormais, à cette réforme, mais vous voulez tout de même l’emporter devant le Parlement !
Comme l’ont dit les uns et les autres, le financement de cette réforme n’était pas du tout assuré. Or vous ne pouvez pas, dans la conjoncture actuelle, faire supporter cette réforme uniquement par les salariés. Ce n’est pas possible !
Vous savez bien que cette réforme était mort-née dès lors que l’on ne trouvait pas d’autres financements. Vous en aviez quelques-uns, mais nous ne pouvions les accepter.
Maintenant, vous allez dans une autre direction, plus vertueuse, en élargissant ce débat.
Il faut rester dans des logiques de clarté et de vérité.
M. Jacques Mahéas. D’honnêteté !
M. Pierre Mauroy. Oui, d’honnêteté.
Vous nous avez apporté une réforme ; nous n’en voulons pas et le peuple n’en veut pas non plus. Cela a déclenché un mouvement social toujours bien présent. Vous voulez vous « tirer des flûtes », et vous croyez que, par-dessus le marché, vous allez réussir ce tour de passe-passe avec notre complicité… Certainement pas !
Ne croyez pourtant pas que nous ne soyons pas conscients qu’il faudra un large débat sur la réforme et son financement. Des propositions ont été faites, il faut pouvoir en discuter.
Enfin quoi, alors que le débat est fini, ou presque, et que vous maintenez vos positions sur une réforme qui est peut-être déjà caduque dans l’esprit de beaucoup d’entre vous, vous voudriez que nous supportions, de manière totalement injuste, une défaite parlementaire et que nous n’en appelions aux Français et aux Françaises ?...
Autrement dit, ce débat est un peu truqué et vous seriez malhonnêtes si vous pensiez, ce soir, nous associer à ces amendements. Comme si nous pouvions, ce soir, vous accompagner, après que vous nous avez refusé toute prise en compte de nos propositions, qui permettaient pourtant d’avancer dans la voie de la vraie réforme, plus juste, qu’attendent les Français et les Françaises ! Il ne saurait en être question !
Nous avons subi votre réforme. D’entrée de jeu, nous savions qu’elle était tout à fait insuffisante. Nous avons, tout au long de ces journées, présenté des amendements. Avouez que la porte était close. Vous n’aviez pas envie d’ouvrir la négociation. (Mme Lucienne Malovry manifeste son impatience.)
Nous en sommes là. Dans ces conditions, vous faites ce que vous voulez et, nous, nous irons jusqu’au bout en disant non à cette réforme. Ce n’est pas la réforme que nous voulons !
Certes, il faudrait reprendre tout cela, en particulier sur le plan des financements, à condition bien sûr d’accepter le régime de répartition. Mais ce sera pour un autre jour : le jour où vous aurez avoué que votre réforme n’était pas bonne, qu’elle était mort-née et qu’il fallait, dans ces conditions, la reprendre sur des bases nouvelles, c’est-à-dire avec ceux qui représentent le mouvement social et avec les partenaires habituels, qui s’opposent quelquefois à vous, mais qui peuvent aussi être de votre côté, pour faire la véritable réforme qu’attendent les Français et les Françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Permettez-moi de dire que c’est pour moi à la fois un grand honneur et la source d’une profonde émotion que de prendre ici et en cet instant la parole après Pierre Mauroy. Je n’oublie pas que, jeune syndicaliste, ouvrière d’usine, j’ai porté cette revendication de la retraite à 60 ans pour mes collègues usés par leur travail, puis encore lorsque j’ai été employée dans l’administration, où j’ai eu d’autres collègues qui n’étaient pas moins usés.
La retraite à 60 ans, on y a cru ; Pierre Mauroy l’a instituée à une époque où d’autres valeurs avaient cours, des valeurs républicaines et de solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) C’est pourquoi je suis vraiment très émue…
Ces amendements proposent l’organisation, à compter du premier semestre 2013, d’une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Certes, il ne s’agit là que d’un rapport, mais il cache d’autres intentions, nous venons de le voir.
Ces systèmes par points ou en comptes notionnels ont en commun de supprimer une mission fondamentale pour nos régimes de retraite, figurant, par ailleurs, à l’article 3 de la loi de 2003, à savoir assurer un taux de remplacement du salaire défini à l’avance et faire de la variation du niveau des pensions le moyen d’équilibre financier des régimes.
En réalité, cela doit être dit, cette réforme entérine une logique que nous dénonçons : l’application des mécanismes de décote.
En effet, si un salarié décide de hâter son départ à la retraite, il subira de fait deux facteurs de réduction de sa pension : la faiblesse du nombre de points dont il disposera et son espérance de vie, puisque plus l’espérance de vie est longue, plus le dénominateur du ratio est important.
Contestable en soi, cette mesure est gravissime dans le contexte actuel.
Mes chers collègues, nous l’avons dit, surtout à gauche, le Gouvernement ne prend aucune mesure concernant la pénibilité. Il se limite à reconnaître l’incapacité survenue. Les salariés usés par le travail, qui ne trouvent dans ce projet de loi aucune mesure leur permettant de reconnaître la pénibilité de leur travail et de bénéficier d’une retraite sans décote, devront donc subir, s’ils partent tôt, la réduction de leur pension, en raison de l’insuffisance des points qu’ils auront pu obtenir.
Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG ne vous accompagneront pas dans cette logique de réduction des pensions et de poursuite obligatoire de l’activité professionnelle des salariés, au-delà des limites de leur force.
Nous ne voterons donc pas ces amendements qui, comme l’a dit M. Guy Fischer, introduisent les bases de la capitalisation et jettent par-dessus bord la retraite par répartition, socle de notre contrat républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Nous aurions dû commencer par là !
Enfin, on s’aperçoit qu’il nous faut une grande réforme des retraites, qu’elle doit être systémique et aborder les questions du financement.
Christiane Demontès a fait une série de propositions qui montrent que, si nous avions eu ce débat dès le début, nous aurions pu réaliser cette réforme que les Français attendent.
J’ai noté que, dans les propositions qui ont été faites tout à l’heure, une question fondamentale est restée absente de nos débats : l’emploi des jeunes.
Dans ce domaine, nous nous situons tristement dans le peloton de queue de l’Europe. Or nous savons que, si 100 000 jeunes trouvaient un emploi, ce seraient 5,5 milliards d’euros qui rentreraient dans les caisses de retraite.
On compte 4,2 millions de personnes inscrites à Pôle emploi. Parmi elles et celles qui sont en formation, il y a 3 millions de chômeurs.
Une question essentielle a été très peu abordée dans nos débats : notre société ne peut pas vivre avec ces millions de chômeurs. Le système de retraite par répartition ne peut pas s’équilibrer avec une telle masse de chômeurs. La question de l’emploi des jeunes doit donc être une obsession si l’on veut équilibrer notre régime de retraite.
Cher collègue Jacques Blanc, monsieur le président About, ne tombons pas dans la caricature : on ne peut pas dire que les socialistes se désistent. Nous avons eu des débats fermés et parfois violents.
M. Nicolas About. On sait d’où est venue la violence !
M. Martial Bourquin. On nous a dit : « Circulez, y a rien à voir : ce sera 62 ans et 67 ans, un point c’est tout ! ». Alors, on ne peut pas nous dire ensuite : « Pourquoi ne réfléchirions-nous pas ensemble à un futur idéal où l’on pourrait envisager une réforme systémique ? ».
M. Jacques Blanc. Vous l’avez demandée !
M. Martial Bourquin. Nous ne sommes tout de même pas des poulets de la dernière couvée ! Ce n’est pas possible de nous proposer cela !
Après les votes qui sont intervenus, concernant notamment l’allongement de la durée des cotisations à 62 ans, et l’allongement jusqu’à 67 ans pour la retraite pleine et entière, vous introduisez un doute fondamental sur votre volonté de mener à bien une grande réforme systémique des retraites.
M. Nicolas About. Retirez tous vos amendements, alors !
M. Martial Bourquin. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces amendements. Ce n’est pas que nous nous « débinions », bien au contraire. S’il y a alternance – et c’est une vraie nécessité en France ! –, l’une des premières tâches à accomplir sera de mener à bien cette réforme systémique. Et nous nous y engageons, en faisant en sorte de trouver les financements.
M. Nicolas About. Ouais, ouais !
M. Martial Bourquin. Je vous parlais de l’emploi tout à l’heure, mais parlons aussi de la fiscalité. Il nous faut une fiscalité beaucoup plus juste, qui frapperait beaucoup plus les privilégiés.
Vous essayez de faire croire que vous avez le courage de prendre des décisions et que nous, nous ne l’aurions pas. Mais, si !
M. Nicolas About. Vous êtes dans l’hypocrisie !
M. Martial Bourquin. Nous n’attendons que cela : prendre des décisions, de bonnes décisions pour avoir une réforme juste des retraites.
M. Nicolas About. Il faut une majorité pour cela ! Ce n’est pas avec les communistes que vous pourrez le faire !
M. Martial Bourquin. Avec ce que vous avez d’ores et déjà voté, vous avez fait plaisir, aux agences de notation. C’est ce voulait Nicolas Sarkozy, qui souhaitait adresser un signal à celles-ci.
Mais le coup porté aux salariés est tellement dur qu’il faudra un autre artifice que celui de ce soir pour le faire oublier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Ce soir, nous sommes un peu floués.
Vous avez proclamé votre attachement à ce régime par répartition lors de l’examen de l’article 1er et nous voilà ce soir devant votre volonté d’en terminer avec ce régime et, du moins, de réfléchir à d’autres régimes qui nous inquiètent.
Votre amendement, monsieur le rapporteur, porte atteinte aux solidarités et à la répartition. Cela mérite tout de même que l’on s’y attarde.
Si cet amendement et ceux qui y sont identiques devaient être adoptés, ils conduiraient à une individualisation des retraites et à un écrasement inédit du montant des pensions puisque le salarié ne connaît pas le montant de sa pension, il ne connaît que le montant des prélèvements.
Mme Annie David. Exactement !
Mme Mireille Schurch. Il s’agit d’un écrasement des pensions. Le mécanisme que propose, par exemple, M. Arthuis a pour effet de calculer les droits à retraite des salariés sur l’intégralité de leur vie active et non sur les vingt-cinq meilleures années, comme c’est le cas dans le privé, et les six derniers mois, comme dans le public.
De ce fait, les périodes de précarité et de chômage entrent dans le calcul, de la même manière que les périodes d’activité.
M. Nicolas About. Il y a un système de compensation !
Mme Mireille Schurch. Cette prise en compte automatique des mauvaises années, si le salarié ne parvient pas à les compenser par des efforts supplémentaires, entraîne donc une baisse de sa pension.
Là encore, derrière des apparences de bon sens et peut-être même de justice, cette disposition sera génératrice d’inégalités, notamment envers les femmes, dont nous avons tant parlé, mais aussi pour celles et ceux qui ont des carrières non linéaires et qui subissent régulièrement ou durablement des périodes de chômage ou de sous-emploi.
Ce mode de calcul réduit la pension de celui qui a subi des années moins bonnes ou imparfaitement prises en compte. Cela prolonge pendant la retraite les inégalités de la vie active. Les femmes, qui subissent plus que les hommes la précarité, seront, une nouvelle fois, les victimes de cette mesure.
Elles le seront d’autant plus que, en Suède comme en Italie, le basculement vers des régimes similaires a conduit à une diminution tout à fait notable des ressources issues des mécanismes des pensions de réversion.
En effet, dans ce système, le salarié perçoit une pension qui correspond strictement à l’argent que lui-même et son employeur ont déposé sur le compte, complété par les intérêts accumulés sur ce dernier. La réversion ne devrait être attribuée que si le salarié le décide, en réduisant sa pension, car il ne peut pas dépenser plus que son capital acquis.
À titre d’exemple, en Italie, le calcul de la pension de réversion est automatiquement intégré dès le premier euro versé sur le compte du salarié, tandis que, en Suède, le montant de la pension de réversion minore le total de la retraite. Quand on connaît la part que représentent les mécanismes de réversion dans la pension des femmes, il y a de quoi s’inquiéter !
À propos de la Suède, comment oublier que, après avoir augmenté de 30,2 % en 2005, 12 % en 2006 et 5,6 % en 2007, la valeur annuelle des fonds y a baissé de 34,5 % en 2008 ? Enfin, en 2009, la baisse des retraites a été de 4 %, ce qui provoque d’ailleurs là-bas de vives inquiétudes, et on le comprend puisque cette mesure transforme de facto, contre leur volonté, les salariés en acteurs de la bourse, avec les risques que cela comporte. Or c’est bien là que vous voulez conduire la France et les salariés de ce pays.
Enfin, les dispositions de ces amendements reviennent, en basculant le système vers un régime dit « à cotisations définies », à figer pour toujours le partage des richesses à un moment donné. C’est postuler que l’accroissement des richesses résultant notamment de la hausse de la productivité des salariés français n’aurait plus à être partagé qu’entre les actionnaires ; ce postulat, nous le réfutons.
Nous voterons donc contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Tout d'abord, je voudrais revenir sur un point de forme, qui n’est pas qu’un détail : j’ai entendu Christiane Demontès affirmer que le Sénat découvrait aujourd'hui un projet d’amendement qui n’avait pas été examiné en commission.
Mmes Nicole Bricq et Raymonde Le Texier. Elle pas dit cela !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’ai noté précisément ses propos ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Chers collègues, je n’ai jamais interrompu personne, laissez-moi donc m’exprimer au moins quelques minutes !
J’ai aussi entendu Annie David s’étonner que nous ayons rectifié notre amendement pour ramener notre horizon de 2014 à 2013. En fait, en accord avec la présidente Muguette Dini, j’ai déclaré aux membres de la commission qu’un thème aussi important méritait un débat en séance publique. Sur ce point, ce soir, nous sommes comblés ! Je regrette d'ailleurs que, pour d’autres questions, nous n’ayons pas eu la sagesse de nous écouter davantage et d’être un peu plus constructifs… Nous y sommes malgré tout parvenus en quelques occasions !
Voilà pour la forme. Je ferai maintenant une remarque de fond.
En 2003, une réforme essentielle a eu lieu. Nous avons d'ailleurs la chance de compter parmi nous le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, qui l’a conduite avec François Fillon, le Premier ministre d’aujourd'hui. Or, pour nous en tenir au thème financier, puisque c’est celui que vous privilégiez, chers collègues de l’opposition, tous deux ont choisi de se situer dans la perspective des années 2030-2050, ce qui a d'ailleurs suscité les hurlements de tous ceux qui trouvaient cette échéance trop éloignée.
Jean-Pierre Raffarin et François Fillon ont affirmé leur ambition de couvrir 60 % de la dépense mais, dans un souci de prudence, ils nous ont donné rendez-vous tous les quatre ans. En effet, ils ont souligné avec sagesse que, si nous établissions des règles rigides, celles-ci ne résisteraient pas au temps, car nous ne maîtrisons pas l’environnement extérieur.
Revenons maintenant aux préconisations du COR. Cet organisme, au-delà des hypothèses qu’il a tracées, souligne que, si nous ne faisons rien, il faudra baisser de 42 % le montant des pensions, cotiser sept à huit années de plus – je n’évoque même pas les échéances de cet allongement – ou augmenter de façon exorbitante les cotisations.
En outre, chers collègues de l’opposition, il y a un événement que vous oubliez : en 2009, pour la première fois depuis 1945, les rentrées fiscales ont diminué et la masse salariale s’est réduite de près de 5 % ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Caffet. Mais alors, ne parlez pas de réforme systémique !
M. David Assouline. Et les niches fiscales ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’échéance qui devait survenir en 2030 ou au-delà s’est rapprochée de nous d’une dizaine ou d’une vingtaine d’années – nous n’allons pas chipoter sur la date exacte.
Il y avait donc urgence. Le Gouvernement n’a pas avancé de deux ans l’échéance prévue pour se faire plaisir ! Il a pris un risque. Il a considéré que, compte tenu de l’urgence de la situation, une réforme paramétrique s’imposait. Et nous faisons face à ce problème.
Chers collègues, si nous vous présentons ces amendements ce soir, c’est parce que, pour préparer l’avenir, nous ne devons pas attendre les échéances prévues, c'est-à-dire 2018 ou au-delà !
Les membres de la MECSS se sont rendus dans les pays voisins et ils ont constaté que, partout, pour mener une réforme digne de ce nom, il fallait un certain nombre d’années de préparation – certains évoquent une dizaine d’années. Nous n’avons rien inventé !
Le Sénat a pris la précaution de demander au COR si une telle réforme était possible. Il a répondu que, techniquement, elle l’était. Aujourd'hui, par conséquent, nous regardons l’après-2018, mais cela suppose, comme vous l’avez toujours souligné, chers collègues, une véritable réflexion nationale préalable : c’est ce qui figure dans les premières lignes de l’amendement que j’ai déposé !
Chers collègues de l’opposition, je vous ai écoutés et ce qui m’a frappé, même si je n’ai pas voulu vous le dire tout de suite, c’est que vous ne cessez d’opposer votre projet au nôtre. Toutefois, vous oubliez simplement que, aujourd'hui, c’est l’exécutif qui a l’initiative ! Nous sommes ici pour discuter du projet du Gouvernement, et voilà tout. Nous pouvons l’améliorer (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), mais vous n’avez pas la possibilité de présenter votre projet. Il est trop tard ! Il fallait le faire en 1991, quand M. Rocard vous a réveillés et que vous avez refusé de l’entendre. À cette époque vous pouviez présenter un projet. Mais qu’est-ce qui vous a manqué ? Le courage ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
Aujourd'hui, un gouvernement responsable sauve le système par répartition,…
Mme Nicole Bricq. Non ! Avec votre amendement, vous apportez la preuve du contraire !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … qui disparaîtra demain si nous ne faisons rien. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Voilà la vérité qui vous gêne ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Mauroy, avec tout le respect que je lui dois, a évoqué des tours de passe-passe. Je n’ai pas son expérience politique et j’ignore ce dont il veut parler. D’autres connaissent peut-être mieux ces techniques ! (Sourires entendus sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Nous, nous sommes ici pour préparer l’avenir, nous sommes responsables et, je le répète, nous voulons rendre confiance aux jeunes, qui ne croient plus en ce système. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Caffet. C’est réussi !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Enfin, je suis désolé que vous n’ayez pas eu la patience de lire le rapport de la MECSS, que préside Alain Vasselle.
Mme Nicole Bricq. Je l’ai lu !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons toujours dit, parce que c’était évident, que le problème essentiel, c’était l’emploi.
M. David Assouline. Vous ne vous en souciez guère !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cessez de caricaturer ainsi la majorité, car c’est insupportable. Bien sûr que notre souci premier est l’emploi, parce que c’est de celui-ci que dépendent les cotisations sociales.
Relisez notre rapport : nous nous sommes inquiétés de l’emploi des seniors, mais aussi et surtout de celui des jeunes. En effet, nous partageons tous le souci de faire entrer le plus rapidement possible les jeunes dans le monde du travail, non seulement pour qu’ils versent des cotisations, mais aussi pour qu’ils trouvent leur place dans la société française.
Vous avez tout à l’heure tenu des propos totalement anachroniques, divisant la vie des gens en trois parties : l’éducation, le travail et la retraite. Mais qui vit ainsi autour de vous ? Sortez de votre bulle ! (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les Français, eux, ont parfaitement compris, et depuis longtemps, que la formation se faisait tout au long de la vie.
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Hier, vous avez caricaturé mes propos sur le départ à la retraite progressif. Vous ne les avez pas compris parce que vous ne voyez pas ces gens – et il y en a – qui veulent continuer à travailler tout en profitant d’un début de retraite. Ce point figure dans notre projet.
Chers collègues de l’opposition, demain, c’est vous qui aurez eu tort de ne pas avoir soutenu une réforme qui est urgente et, surtout, qui est portée par une véritable vision d’avenir. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est bon de dire ce que l’on a sur le cœur !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Après la flamme de notre rapporteur, mon propos sera plus calme.
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais M. Leclerc était calme ! (Sourires.)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Chers collègues, je citerai simplement le rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, enregistré à la présidence du Sénat le 18 mai 2010, c'est-à-dire il y a cinq mois, et intitulé : « Retraites 2010 : régler l’urgence, refonder l’avenir ».
Régler l’urgence, c’est précisément ce que nous sommes en train de faire à travers ce projet de loi. Pour ce qui est de la refondation de l’avenir, je vous renvoie aux pages 134 et 135 de ce rapport où l’on peut lire ceci :
« L’année 2010 pourrait être l’occasion de poser le principe d’une telle réforme et de définir, à l’issue du processus de modification des paramètres des régimes de retraite en cours […] » La réforme en question est celle qui est visée par les trois amendements identiques.
À la page suivante : « Ce temps du débat permettrait d’envisager toutes les hypothèses et de réfléchir à la gouvernance du futur système. »
Et pour clore ce chapitre, les auteurs du rapport écrivent, en caractères gras : « La MECSS souhaite qu’au-delà des obligations financières et comptables qui lui sont assignées, le rendez-vous 2010 pour les retraites puisse être également le moment de l’engagement d’une véritable refondation du pacte intergénérationnel qui a présidé, voilà soixante-cinq ans, à la création de l’assurance vieillesse. »
Tel est précisément l’objet de ces trois amendements. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Annie David. Ce n’est pas ce que vous nous avez présenté !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Au mois de mai dernier, le document d’orientation rédigé à l’issue de la première phase de concertation avec les organisations syndicales et largement diffusé précisait : « Le Gouvernement n’écarte pas pour le long terme la piste d’une réforme systémique du mode de calcul des droits (régime par points en comptes notionnels, toujours dans le cadre de la répartition). » Voilà qui était tout à fait clair.
J’insisterai sur la cohérence d’un tel projet avec la réforme de 2010. Aujourd'hui, il est naturel, dans un premier temps, d’assainir les comptes de l’assurance vieillesse. Nous ne pouvons continuer à laisser les déficits s’accumuler dans nos régimes. Nous devons réformer, et il y a urgence : la démographie, puis la crise, qui a suscité une certaine accélération des tendances à l’œuvre, nous obligent à faire évoluer fortement le système de retraite. C’est ce que nous faisons et nous l’assumons. Nous en avons d'ailleurs débattu au cours de ces dernières semaines.
Néanmoins, dans un deuxième temps, il est aussi naturel de se poser la question de l’évolution de notre régime, sans fermer aucune porte. Pourquoi s’interdire de lancer une telle réflexion ? Ce serait une erreur. C'est pourquoi nous acceptons les amendements qui ont été déposés à la fois par le groupe de l’Union centriste, l’UMP et M. le rapporteur.
M. Jacques Mahéas. C’est votre bouée de sauvetage !
M. Éric Woerth, ministre. Déclencher ensemble cette réflexion nationale sur le passage éventuel à un système de retraites par points ou en comptes notionnels qui, quelle que soit sa forme, resterait au fond universel, constitue un enrichissement de notre pacte social.
Cela ne veut pas dire que nous adopterons un tel système. Nul ne peut préjuger de la décision finale, et nous n’allons pas conclure ce débat avant même de l’avoir commencé.
Monsieur le rapporteur, à travers l’amendement que vous avez déposé, vous proposez de lancer cette réflexion à partir de 2013 et de la poursuivre au-delà de cette date. Il reviendra au Gouvernement et à la majorité qui seront au pouvoir à ce moment-là de faire le nécessaire après 2018-2020 pour changer, ou non, le système de retraite français. Pour cela, il faut un débat sur le long terme, comme celui qu’ont mené d’autres pays, car il s'agirait évidemment d’un changement de culture dans le domaine des retraites.
Au demeurant, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC-SPG, ce ne serait pas un changement total. En effet, l’AGIRC et l’ARRCO sont des régimes par points, qui sont gérés par les partenaires sociaux.
Mme Annie David. Comment sera géré le nouveau système ?
M. Éric Woerth, ministre. Ce ne serait donc pas une absolue nouveauté dans la France d’aujourd'hui, où il existe déjà, à côté du régime général, des systèmes par points, qui sont gérés par les partenaires sociaux.
Mme Annie David. En France ! Pas en Suède.
M. Éric Woerth, ministre. Je voulais tout de même le souligner.
Mon propos est totalement cohérent, tout comme les choix que nous avons faits : les acquis de la réforme de 2010 peuvent être parfaitement basculés dans un régime par points ou en comptes notionnels.
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Éric Woerth, ministre. La notion d’âge vaut également dans un régime universel. Quand il atteint l’âge requis, un salarié peut solder les points qu’il a acquis tout au long de sa carrière.
La notion de pénibilité est évidemment aussi très importante dans ces régimes. Il en va de même pour la notion très importante de carrière longue, qui suppose l’anticipation de la retraite. Et la question de l’emploi des seniors est également majeure.
Tout ce que nous faisons aujourd’hui pour réformer nos retraites pourra constituer une base solide si, éventuellement, la France des années 2020 choisissait de changer son système de retraite.
Nous devions absolument nous poser cette question du basculement vers un autre système de retraite, mais nous devions auparavant assurer l’équilibre financier de ce système de retraite : c’est un impératif moral, c’est la première justice que nous devons aux Français ! Cet équilibre est obtenu, par le projet de réforme du Gouvernement, à partir de 2018. Il est par conséquent logique qu’à partir de cette date il soit possible de réfléchir au régime universel.
Enfin, si vous me permettez de m’avancer sur un terrain plus polémique, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, je dirai que je vous ai trouvés très laborieux dans ce débat. (Protestations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) En effet, le grand écart est toujours un exercice difficile…
M. Jacques Mahéas. C’est vous qui le faites le grand écart !
M. Éric Woerth, ministre. Vous souhaitiez, notamment par votre amendement, et vous nous l’avez répété sans cesse, explorer la piste du régime systémique. Vous pourriez nous dire – qu’importe qui a eu l’idée en premier ! – que vous êtes prêts à nous accompagner au moins sur ce point. Ç’aurait été bien de le faire. Mais la réalité est que vous êtes gênés par cette proposition (Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Éric Woerth, ministre. … par le courage que nous déployons à vouloir sauver le système par répartition et par le fait que nous souhaitions prolonger cela par une réflexion approfondie dans le cadre d’un débat national sur la réforme systémique. Bref, rien ne change ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1220 rectifié, 558 rectifié quinquies et 652 rectifié bis.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant du groupe UMP et du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 79 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 octies.
Par ailleurs, l’amendement n° 327 rectifié bis n’a plus d’objet.
Monsieur Arthuis, l’amendement n° 557 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis. Mes chers collègues, je tiens à vous dire que cet amendement est l’expression d’une conviction.
Monsieur le ministre, vous vous êtes interrogé sur l’opportunité d’un régime universel.
Lorsque, dans quelques semaines, vous nous présenterez le projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous allez nous demander d’affecter des impôts au financement des retraites. Nous sommes donc sortis de la stricte répartition. En effet, l’État, mobilisant à cette fin une partie du produit des impôts, participe au financement d’une partie des retraites, comme il participe à celui d’une partie des régimes de santé et de famille. Dès lors qu’il y a financement par le produit de l’impôt, il y a nécessairement universalité et régime unique.
Il est urgent, monsieur le ministre, de mettre un terme à tant d’injustice dans le calcul des pensions comme dans l’âge de départ à la retraite. Dans ces conditions, il nous paraît également urgent d’instituer des comptes individuels de cotisations.
Et il convient, chers collègues de gauche, de ne surtout pas caricaturer cette démarche. En effet, si nous voulons prendre en compte les longues carrières, qui méritent certains égards, il n’y a pas d’autre solution.
Nous connaissons l’espérance de vie et pouvons l’estimer par catégories professionnelles. Il est ainsi possible de permettre à chaque Français sentant venir l’âge « possible » du départ à la retraite, de connaître – compte tenu de ce qui s’est accumulé en points sur son compte individuel de cotisations, et de son espérance de vie à cet instant – le possible montant de sa pension. S’il estime alors qu’elle est trop modeste, il a la liberté de continuer à travailler pendant un, deux, trois ans. C’est un système qui doit être transparent.
Croyez-moi, chers collègues, il n’y a pas matière à hésitation.
Certes, la réforme que nous avons votée ici au fil des jours, depuis deux semaines, contribue au colmatage financier, avec l’espérance d’un équilibre entre les recettes et les dépenses en 2018. Le problème de la justice demeure toutefois entier. Celui de la transparence, aussi.
C’est la répartition que nous voulons préserver ! J’ai entendu dire que ceci constituerait un glissement vers un régime par capitalisation. Absolument pas !
Ce que nous proposons est la réponse aux deux maux majeurs dont souffre notre système de retraite. Le mal financier sera réglé par la réforme que nous soumet le Gouvernement. Il nous reste à régler le problème de la justice, et il n’y sera pas répondu sans que soit institué un régime de compte individuel de cotisations.
Pour ces raisons, je maintiens notre amendement, qui est, je le répète, monsieur le président, l’expression d’une conviction profonde.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si vous me le permettez, monsieur Arthuis, j’opposerai ma propre conviction à la vôtre.
Lorsque nous avons présenté notre amendement, nous n’avons jamais parlé de transposer chez nous un système qui n’est pas le nôtre.
Si nous demandons un large débat national, ce n’est pas pour arrêter d’ores et déjà une grille de réflexion. Nous voulons simplement davantage de transparence, une autre gouvernance. Ce ne devrait pas être trop difficile puisque, pour l’heure, nous sommes les champions de la complexité : trente-huit régimes, des centaines de mutuelles…
Nous avons surtout dit que nous voulions plus d’équité, au travers d’un système par points. Mais, dans un tel système, il est possible de garder le système par annuités : ce n’est pas incompatible. Il est possible de faire un basculement en une année aussi bien qu’en dix années.
Nous n’avons pas eu la prétention de dire s’il fallait un régime unique ou non. Nous avons eu la sagesse de laisser au débat et à la réflexion la possibilité de formuler une proposition à ce sujet.
Je pense qu’il est aujourd’hui prématuré d’affirmer qu’il est possible de transposer en France un modèle étranger pour régler tous nos problèmes. Il faut laisser une ouverture. Si cela prend quelques années, nous aurons tout le temps d’accommoder la « copie » à notre réalité et à ce que nous espérons, c’est-à-dire une équité accrue.
Je n’ai pas voulu trop insister sur ce point, mais nous avons un système de retraite très injuste en France. Il n’y a rien d’aussi injuste que les retraites ! C’est d’ailleurs pourquoi nos concitoyens envient nos retraites de parlementaires. Je le dis toujours, il n’est pas possible de promettre une retraite de parlementaire ou de conservateur des hypothèques à chacun des Français, mais il est grand temps de faire quelque chose pour avancer dans le sens de l’équité.
Dans la réforme de 2003, il y a quelque chose qui est passé inaperçu, et sans doute êtes-vous comme moi concerné, cher Jean Arthuis, puisqu’il s’agit des professions libérales : pour dix caisses, nous sommes arrivés à garantir qu’à revenu égal correspondaient cotisations égales et prestations égales. Pourquoi serait-il impossible d’y arriver à une plus grande échelle, selon le principe de la solidarité ?
Toutefois, certains de nos collègues sont gênés par l’idée – une idée qui correspond chez nous à une conviction – selon laquelle, dans un système par répartition comme le nôtre, on peut parler d’un plancher qui serait peut-être plus proche de la réalité des besoins des Français, mais aussi de son corollaire, à savoir un plafond ! Voilà ce qui déplaît !
Pourquoi avons-nous été combattus si fortement à propos du complément de retraite s’appuyant sur de l’épargne retraite ? Là encore, tout le monde se cache derrière son petit doigt ! Car tous ceux qui le peuvent profitent de la Préfon, c’est-à-dire d’un système par capitalisation, à l’instar des régimes additionnels.
Aujourd’hui, donnons-nous les moyens d’instaurer un système solidaire et plus juste pour tous les Français. Voilà quel était le sens de notre amendement. Reconnaissons la vérité, ouvrons les yeux ! Moi, j’ai toujours dit : les tours de passe-passe, on ne connaît pas et l’hypocrisie, on essaie de ne pas trop en faire preuve ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 557 rectifié bis.
Mme Annie David. Monsieur Arthuis, je respecte vos convictions profondes. Je souhaite seulement que les nôtres bénéficient du même respect.
Vous prétendez que votre amendement a pour objet de pallier le déficit du régime de retraite par répartition grâce à l’intervention de l’État. Mais force est de rappeler que, s’il manque plus de 30 milliards d'euros dans les caisses de notre protection sociale, c’est du fait de la politique d’exonérations des cotisations patronales que mène le Gouvernement. (D’un geste ample du bras, M. Jean-Marie Vanlerenberghe semble signifier qu’il faut bien l’admettre.) Dans la mesure où c’est lui, avec la politique qu’il a mise en place, qui est responsable de cette situation, il est normal que ce soit lui qui compense !
Notre conviction à nous, c’est que, pour sauver notre système de retraite par répartition, il faut une autre politique de l’emploi et une autre politique de prélèvements en direction des entreprises, afin de revoir tous les avantages dont elles bénéficient en la matière.
La Cour des comptes a rendu public, sur ce point, un chiffre proprement incroyable : la politique d’exonérations du Gouvernement coûte 172 milliards d'euros par an. C’est peut-être en ayant ce chiffre à l’esprit qu’il faut d’urgence engager une réflexion en vue d’élaborer un autre financement de notre système de retraite par répartition.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Conviction pour conviction, je tiens à dire à Jean Arthuis que tout le monde est d’accord sur l’idée qu’il faut un système juste. Mais qu’est-ce que la justice ? (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je ne suis pas sûr, en effet, que ce soit la question à se poser à deux heures trente du matin… (Nouveaux sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Évidemment, là, ça devient un peu compliqué. Ce qui est juste, est-ce un système qui rend au retraité ce qu’il a cotisé ou bien un système qui va plus loin ? Cette question pourrait à elle seule à nourrir de longs débats !
Je n’ai sans doute pas bien compris la présentation de cet amendement, mais il me semble que le dispositif qu’il tend à mettre en place contient un élément que je trouve assez urticant. Il serait prévu une sorte de calcul rapportant le montant des cotisations de chacun à l’espérance de vie de sa génération. On a l’impression d’être devant un système d’assurance où le risque, c’est le risque de vivre ! En d’autres termes, avec cet amendement, plus vous risquez de vivre – c'est-à-dire de vivre longtemps –, moins vous aurez de retraite. C’est un peu bizarre…
Certes, cette proposition a le mérite de poser le problème et de rappeler la nécessité d’engager une réflexion globale, ce sur quoi nous ne pouvons qu’être tous d’accord. En revanche, je n’ai pas été totalement convaincu par la mesure proposée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons voulu savoir ce que cette proposition de MM. Vanlerenberghe et Arthuis signifierait concrètement pour un salarié. En effet, dès lors qu’ils maintiennent leur amendement, il est logique d’éclairer la décision que nous avons à prendre à son sujet de quelques éléments d’appréciation.
Nous avons pris le cas d’un individu percevant un salaire brut moyen de 1 500 euros par mois et cotisant pendant 42 ans, puisque c’est ce que prévoit le projet de loi, sur la base de 120 euros par mois. La cotisation globale de ce salarié, au fil de ses années de travail, s’élèvera donc à 60 480 euros. On peut estimer que cette somme sera génératrice d’une rémunération telle qu’il pourra espérer disposer, au moment de la liquidation, d’environ 120 000 euros de pension totale. Bien sûr, ce n’est qu’une hypothèse, car on ne sait rien de la façon dont les sommes correspondant à ses cotisations pourraient être placées et rémunérées.
Si, au moment où il demande la liquidation de ses droits, son espérance de vie, puisque c’est cela qui est pris en compte pour le calcul du montant de sa pension, est de vingt ans, il percevra 6 000 euros par an – c'est-à-dire 120 000 euros divisés par 20 –, soit exactement le tiers de ce que représentait la dernière rémunération annuelle !
Examiner la situation ainsi, avec des cas concrets, permet d’avoir des éléments d’analyse. Comme nous n’étions pas convaincus par le système, nous avons choisi une approche rigoureuse.
M. Jean Arthuis. C’est une caricature !
Mme Marie-France Beaufils. À l’évidence, la solution offerte à travers cet amendement ne peut nous satisfaire : la pension qu’elle permettrait de verser se rapprocherait beaucoup d’un minimum vieillesse et nous ferait basculer dans un régime qui s’apparenterait au système américain.
M. Jean Arthuis. Vous caricaturez, madame !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 557 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 21 octobre 2010 :
À onze heures quarante-cinq :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010)
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
À quinze heures, le soir et la nuit :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
3. Suite du projet de loi portant réforme des retraites.
En application de l’article 60 bis du règlement du Sénat, la conférence des présidents a décidé que le Sénat se prononcerait sur l’ensemble du projet de loi par un scrutin public à la tribune.
4. Éventuellement, projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire (n° 714, 2009-2010).
Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 728, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 729 rectifié, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 21 octobre 2010, à deux heures trente-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART