Article 4
Les ventes à primes de livres numériques ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de l’article L. 121-35 du code de la consommation, que si elles sont proposées par l’éditeur, tel que défini à l’article 2, simultanément et dans les mêmes conditions à l’ensemble des personnes mentionnées à l’article 3. – (Adopté.)
Article 5
Pour définir la remise commerciale sur les prix publics qu’il accorde aux personnes établies en France proposant des offres de livres numériques au public, l’éditeur, tel que défini à l’article 2, doit tenir compte, dans ses conditions de vente, de l’importance des services qualificatifs rendus par ces derniers en faveur de la promotion et de la diffusion du livre numérique par des actions d’animation, de médiation et de conseil auprès du public. Les critères permettant de juger la qualité de ces services sont définis contractuellement entre les organisations représentatives des professions concernées.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Leleux, est ainsi libellé :
Première phrase
I. - Supprimer les mots :
établies en France
II. - Remplacer les mots :
au public
par les mots :
aux acheteurs situés en France
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Mélot, rapporteur. Il est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. La présente proposition de loi pose un principe important : la prise en compte de la qualité du service rendu par les détaillants dans le cadre d’une régulation de prix unique.
Il semble cependant imprudent de préciser dans le texte la manière dont ce service va être pris en considération pour l’établissement de la remise, et ce pour plusieurs raisons.
D’une part, les organisations professionnelles des acteurs concernés ne sont pas toutes constituées ; je pense, en particulier, à la représentation des détaillants qui n’opéreraient qu’en ligne.
D’autre part, les services qui peuvent être rendus en faveur de la diffusion évoluent chaque jour grâce aux avancées technologiques et à l’inventivité des acteurs. Fixer des critères de manière conventionnelle pourrait avoir un effet de frein à l’innovation. Le cas échéant, il appartiendra aux acteurs concernés de définir des bonnes pratiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Mélot, rapporteur. La commission émet un avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 132-5 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu'une œuvre étant publiée sous forme imprimée est commercialisée sous forme numérique, la rémunération de l'auteur au titre de l'exploitation numérique est fixée en tenant compte de l'économie générée, pour l'éditeur, par le recours à l'édition numérique.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement tend à garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable dans le cadre de l’exploitation de leur œuvre sur support numérique.
La question de l’établissement du prix du livre numérique est abordée ce soir sous tous les angles, afin de tenter de ménager l’ensemble de la filière du marché actuel du livre imprimé, dont les acteurs, nombreux, vont du libraire à l’imprimeur ou même au fabricant de papier.
Les grands oubliés de ce débat semblent être les auteurs. Pourtant, sans auteurs, point d’œuvre : ils sont à l’origine de la chaîne !
Dans son avis du 18 décembre 2009 portant sur le livre numérique et rendu à la suite d’une demande du ministre de la culture et de la communication, l’Autorité de la concurrence estimait que, pendant la période de un ou deux ans durant laquelle il convenait de ne pas figer le marché et de légiférer a minima sur la question du prix du livre numérique, la question du mode de rémunération des auteurs dans le monde numérique pourrait être réglée.
Si un dispositif ad hoc devait être ultérieurement envisagé pour assurer la rémunération juste et équitable des auteurs dans le cadre du numérique, rien ne nous empêche, dès maintenant, d’apporter à ces derniers quelques garanties en la matière.
On sait que, pour les éditeurs, les économies de coût engendrées par l’édition numérique seront de l’ordre de 40 %. Il convient de s’assurer que les auteurs bénéficieront de la manne au titre de leur cession de droits aux éditeurs.
L’amendement n° 2 rectifié tend donc à modifier le code de la propriété intellectuelle dans ce sens, afin d’indiquer que le contrat de cession de droits passé entre un auteur et un éditeur doit prévoir, dans le cas d’une exploitation numérique d’un livre à imprimer, une rémunération tenant compte de la marge réalisée par l’éditeur.
Depuis une dizaine d’années, certains contrats visent déjà la cession des droits pour une exploitation numérique. D’autres ont inclus une clause d’avenir envisageant une cession sur tout support technologique futur. Mais certains contrats n’ont rien prévu du tout. Il convient donc d’insérer dans le code de la propriété intellectuelle une disposition faisant obligation aux contrats anciens affectés d’un vide juridique de comporter un avenant et à tout contrat passé à l’avenir de prévoir les modalités de rémunération des auteurs en cas d’exploitation numérique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Mélot, rapporteur. L’amendement n° 2 rectifié tend à poser un principe de rémunération équitable dans les cas où l’édition d’un livre numérique permettrait à l’éditeur de réaliser une économie. Partageant la préoccupation ainsi exprimée, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Assouline, on peut en effet légitimement s’interroger. Effectivement, une amélioration importante des marges est prévisible. Cependant, si l’économie générée par le recours à l’édition numérique doit être répercutée sur le prix de vente des livres numériques, il s’agit d’un prérequis nécessaire au développement d’une économie légale du livre numérique et, partant, à la lutte contre le développement du piratage.
Les auteurs et les éditeurs viennent d’ouvrir un espace régulier de discussion pour l’élaboration d’un code des usages relatif à l’édition numérique.
Le Conseil permanent des écrivains, très conscient des enjeux de l’édition numérique, veillera, dans son dialogue avec le Syndicat national de l’édition, à ce que ce code des usages garantisse à l’auteur une rémunération juste et équitable.
Il me semble qu’il n’appartient pas au législateur de déterminer les conditions de rémunération des acteurs privés de la chaîne du livre, qui sont au demeurant convenus d’en discuter dans un cadre contractuel, ce que vous avez rappelé, monsieur le sénateur.
Ayant le désir de ne pas intervenir dans ce domaine, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 2 rectifié.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, je comprends fort bien vos propos. Certes, les marges ne seront pas forcément immédiates en raison d’un nécessaire investissement, qui risque, dans un premier temps, d’annuler tout bénéfice supplémentaire.
Quoi qu’il en soit, à terme, les marges seront énormes. Je l’ai constaté dans les pays où le livre numérique s’est d’ores et déjà développé, notamment lors d’un déplacement récent au Japon ; les personnes interrogées se sont montrées très franches quand on leur a posé la question : elles ont reconnu des marges atteignant 40 %, tout simplement. Quant à savoir si les auteurs en bénéficiaient…Je me suis rendu compte à cette occasion que, apparemment, dans la négociation, les éditeurs avaient en réalité capté l’essentiel de la manne.
Je sais qu’en France des négociations sont en cours.
Aujourd'hui, alors que le législateur pose un acte fondateur dans le domaine du prix du livre numérique, certains d’entre nous peuvent avoir la volonté d’aider les auteurs, y compris dans ces négociations, mais sans fixer d’autorité quoi que ce soit, qu’il s’agisse du montant de la marge, de la redistribution ou de la façon de procéder. Par le biais de l’amendement n° 2 rectifié, nous voulons simplement avoir une pensée pour les auteurs et leur assurer une rémunération juste et équitable.
À un moment donné, les marges dégagées vont permettre de baisser les coûts – le piratage est un des enjeux, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre – et elles seront telles que tous les acteurs de la filière devront pouvoir en bénéficier. Elles permettront d’aider également la création, les auteurs, les libraires.
La commission, en s’en remettant à la sagesse du Sénat, traduit son souci que la future loi n’oublie personne et que cela figure dans le débat. Les auteurs n’étant pas forcément ceux qui ont le meilleur rapport de force dans les négociations, il s’agit de les aider. Comment le Gouvernement pourrait-il y être complètement opposé ? Si cet amendement détruisait l’équilibre juridique du texte, je comprendrais que le Gouvernement y soit défavorable, mais ce n’est pas le cas ici, et ma proposition ne gêne en rien le cadre contractuel ni les négociations entre les auteurs et les éditeurs dont vous nous avez dit qu’elles se déroulaient de manière assez satisfaisante.
Je souhaite tout simplement aider la création. Par conséquent, je maintiens l’amendement n° 2 rectifié.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. L’esprit de la présente proposition de loi est de faire bénéficier d’une évolution technologique considérable l’ensemble des intervenants, qu’il s’agisse des auteurs, des éditeurs ou des lecteurs.
L’amendement n° 2 rectifié ne contraint pas, ne fixe pas un pourcentage, n’intervient pas dans le champ des négociations. Son adoption marquerait la volonté de la représentation nationale de faire en sorte que la présente proposition de loi profite, de manière équilibrée, à tous ceux qui sont concernés.
Pour ce qui me concerne, cette intention me paraît parfaitement normale et compréhensible. C’est pourquoi je voterai le présent amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 5.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement dépose, sur le bureau de chacune des deux assemblées, un rapport étudiant les modalités d'affectation aux secteurs de l'imprimerie et de l'industrie du papier d'une compensation financière liée à la baisse d'activité engendrée par l'essor du livre numérique.
Ce rapport fait l'objet d'un débat dans les commissions en charge de la culture de chaque assemblée.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous l’avons déjà dit, le développement du livre numérique va bouleverser d’ici à quelques années toute la chaîne du marché de l’édition, au sens large. Il est à craindre que certains secteurs n’en souffrent. Nous avons abordé le problème spécifique des librairies indépendantes, dont certaines risquent de voir leur chiffre d’affaires substantiellement diminuer.
De la même façon, le secteur de l’imprimerie et celui du papier en général risquent aussi de souffrir beaucoup. Le transfert d’une partie du commerce de livres imprimés vers la transaction sous forme numérique va affecter de plein fouet ces industries, qui subissent déjà les conséquences du développement de la presse numérique. Il en résultera inévitablement des plans sociaux.
La maîtrise du prix du livre numérique permettra sans doute d’éviter des situations comme celles qui existent outre-Atlantique, où quelques opérateurs dont l’édition n’est pas le métier se positionnent désormais sur le marché en situation monopolistique, voire oligopolistique, et commercialisent comme produits d’appel des livres numériques à prix cassés, afin de mieux vendre d’autres services qui constituent le cœur de leur métier.
Ces pratiques, comme l’a justement indiqué Mme Mélot dans son rapport, mettent en péril la rémunération de l’ensemble des acteurs de la filière.
Nous sommes tous d’accord aujourd’hui pour tenter de trouver une solution afin de préserver l’ensemble de la filière. Aussi souhaitons-nous que le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’information qui fasse l’objet de débats au sein respectivement de la de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat et de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
Ainsi pourront être mesurées les conséquences du développement du livre numérique pour l’ensemble de la chaîne du livre papier.
Surtout, pourra être examinée la façon dont les baisses de coût pour les éditeurs – nous venons de les évoquer –, estimées dans certains pays en avance sur la France à 40 %, peuvent aussi bénéficier aux différents acteurs de cette filière, qu’il s’agisse de ceux de l’imprimerie ou de l’industrie papier.
Loin de moi l’idée de faire une analogie facile, mais un grand nombre de secteurs de l’industrie, notamment dans les années quatre-vingt, ont subi des reconversions massives en raison de la robotisation, de l’informatisation : on les a regardés mourir. On aurait pu anticiper en octroyant des aides à la reconversion pour que les entreprises concernées ne soient pas laissées au bord du chemin.
En l’espèce, je propose d’anticiper. Grâce à l’élaboration du rapport que je préconise, la situation pourrait être appréciée et le développement du livre numérique pourrait être vécu comme un bonheur, un progrès, même par ceux qui en subiront les conséquences, notamment le secteur l’imprimerie, qui tient une place importante dans nombre de nos régions, mes chers collègues…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Mélot, rapporteur. Je rappelle que la commission propose de modifier l’article 7 pour demander un rapport annuel qui devra comporter une étude d’impact économique.
Monsieur Assouline, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 1 rectifié. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Cet amendement est fondé sur l’hypothèse, loin d’être démontrée à ce jour, de la substitution mécanique et intégrale du marché du livre numérique à celui du livre imprimé.
Par ailleurs, le Gouvernement estime qu’une pareille compensation aurait des effets pervers, en faisant peser des frais supplémentaires sur l’édition numérique.
Elle entraînerait certainement un renchérissement du prix du livre numérique et ferait donc porter finalement la charge aux consommateurs.
En maintenant des prix élevés pour ces produits immatériels, elle contribuerait au développement du piratage. Elle handicaperait, enfin, le développement du livre numérique.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Assouline, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. David Assouline. Nous ne nous sommes pas compris !
Il s’agit ici d’un rapport permettant d’apprécier les conditions d’une éventuelle solidarité. Vous reprenez, monsieur le ministre, certes, d’une manière moins catégorique, l’argument que vous avez avancé tout à l’heure.
En aucun cas les gains supplémentaires pour l’édition du livre numérique ne doivent se fondre dans une kyrielle d’aides qui empêcheraient de baisser les prix pour le client.
Ce n’est pas l’esprit de cet amendement.
Il s’agit plutôt de demander un rapport pour que cette révolution se fasse en pleine conscience des conséquences qu’elle emporte, de sorte que l’on puisse savoir dans quelle mesure une solidarité peut s’opérer et dans quelle mesure des aides à la reconversion, notamment, peuvent être apportées.
Bien entendu, si cela doit empêcher le développement du livre numérique et le maintenir à un prix élevé, le législateur et le Gouvernement ne prendront jamais des décisions en ce sens.
Il faut cependant que l’on ait les yeux ouverts pour rester solidaires. Avec les yeux fermés, on laisse parfois mourir des secteurs dans l’indifférence générale : c’est ce qu’il peut y avoir de pire !
Tout le monde doit pouvoir dire : « Vive le livre numérique ! ». Personne ne doit penser que le livre numérique est un malheur qui le frappe.
Au moment où l’on se dirige franchement vers le livre numérique, je voudrais que l’on garde les yeux ouverts sur l’ensemble de la chaîne et que l’on manifeste cette exigence dans la loi.
Je vais retirer cet amendement, non pas en raison des explications de M. le ministre mais parce que, si Mme le rapporteur intègre dans son propre amendement cette préoccupation, en faisant porter le rapport qu’elle demande sur l’ensemble de la chaîne – imprimeurs compris –je serai satisfait et je le voterai.
Je retire donc cet amendement, en attendant celui de Mme le rapporteur, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Article 6
(Non modifié)
Un décret en Conseil d’État détermine les peines d’amendes contraventionnelles applicables en cas d’infraction aux dispositions de la présente loi. – (Adopté.)
Article 7
Le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel sur l’application de la présente loi au vu de l’évolution du marché du livre numérique.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Mélot, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
, comportant une étude d'impact économique sur l'ensemble de la filière
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Colette Mélot, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que le rapport devra comporter une étude d'impact économique, afin que soient évaluées les conséquences de la loi sur l'ensemble des acteurs – auteurs, éditeurs, libraires, imprimeurs, industrie du papier, mais il peut y en avoir beaucoup d’autres –, et pourra donner lieu, le cas échéant, à des préconisations.
Nous aurons ainsi couvert l’ensemble de la filière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame le rapporteur, voici donc la réponse à la question qui nous occupe : je suis favorable à votre proposition.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je souhaite rapidement rétablir la genèse de cet amendement, pour éviter toute contradiction.
Le groupe socialiste est en quelque sorte à l’initiative de cette mesure, mais, comme nous ne pouvions pas déposer nous-mêmes d’amendement sur un article adopté par la commission – seul le rapporteur en avait la possibilité -, Mme le rapporteur a bien voulu intégrer les éléments de notre amendement dans le sien, qui répond ainsi à nos préoccupations.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au dernier alinéa (6°) de l'article 278 bis du code général des impôts, après le mot : « Livres », sont insérés les mots : « sur tout type de support physique ».
II. - La perte de recettes pour l'État résultant de l'application du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement tend à étendre le taux réduit de TVA aujourd’hui applicable aux seuls livres imprimés, en vertu de l’article 278 bis du code général des impôts, à l’ensemble des livres disponibles par le biais d’un support physique.
Ainsi pourront être concernés des livres accessibles par le biais d’un CD-ROM, des livres téléchargeables sur une clé USB ou sur un ordinateur, ces différents vecteurs de communication étant considérés comme des supports physiques.
Le livre numérique se verrait alors appliquer un taux de TVA réduit.
Je rappelle que la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009 a étendu la possibilité de faire bénéficier du taux de TVA réduit aux livres téléchargés sur un support physique, ce qui a déjà permis d’appliquer ce taux réduit aux livres audio en France.
Certes, cette dernière directive entre en contradiction avec une directive plus ancienne, 2006/112/CE du 28 novembre 2006, relative au système commun de la TVA. Je rappelle cependant que la France a très souvent joué, au sein de l’Europe, un rôle moteur et incitatif dans le domaine culturel. L’exception culturelle à la française en constitue la meilleure preuve. Je vous renvoie au débat précédent, qui nous a rassemblés.
Rien n’empêche la France, de concert avec l’Espagne, qui souhaite également mettre en place un taux de TVA réduit sur la vente des livres numériques, d’inciter les autres États européens à agir de la sorte.
Il est, pour l’heure, difficile d’estimer quel sera le succès du livre numérique en France, et dans quels délais il interviendra. Ce secteur balbutiant ne représente actuellement que 0,1 % du marché, selon les chiffres du rapport Zelnik.
Si l’on veut favoriser l’essor de ce type de livres et éviter de reproduire les erreurs passées, constatées par les industries musicale et cinématographique notamment avec les pratiques de piratage, il convient de favoriser la vente du livre numérique à un prix attractif.
Or un différentiel de quatorze points de TVA avec le livre papier ne permettra pas aux éditeurs de livres numériques de vendre à un prix attractif.
C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement, qui tend à abaisser le taux de TVA applicable au livre numérique à 5,5 %.
Je crois avoir décelé dans l’intervention de M. le ministre une certaine sympathie pour cette idée. Depuis le début des débats, malgré, parfois, des incertitudes quant à la réaction de la Commission européenne, nous avons choisi de prendre les devants pour poser les problèmes et dire ce que nous pensons. Je demande que l’on adopte la même attitude sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Mélot, rapporteur. Toutes les interventions, ce soir, ont mentionné le sujet de la TVA sur le livre numérique.
Mme Françoise Laborde. Absolument !
Mme Colette Mélot, rapporteur. Nous sommes tous du même avis. Mais, comme je l’ai indiqué, notre commission s’en préoccupera à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, seul texte pouvant accueillir ce type d’amendement.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Nous sommes tous d’accord, mais ce n’est pas l’objet de ce texte, monsieur Assouline.
Cet amendement n’a pas à figurer dans la proposition de loi discutée aujourd’hui. Il relève de la discussion du projet de loi de finances.
En conséquence, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Je veux bien prendre des risques, mais je ne veux pas être téméraire… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
Cher collègue, je vous prie d’être bref, car le personnel, je vous le rappelle, vient de suivre plus de cent quarante heures de débats.
M. David Assouline. Je répondrai à votre remarque, monsieur le président !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Renar.
M. Ivan Renar. Je suis attristé par la déclaration de notre rapporteur et du ministre.
Nous voterons, pour notre part, cet amendement, qui est une sorte de pétition de principe qu’il faut affirmer.
Cet amendement vise à étendre au livre numérique le taux de TVA réduit appliqué aujourd’hui au livre papier.
En effet, ce taux de TVA réduit résulte de la reconnaissance de l’œuvre de l’esprit, quel que soit son support.
Le livre numérique est, avant d’être numérique, un livre, une création. La question de son support et de sa forme est certes importante, mais elle ne le définit pas à elle seule. Elle définit son mode de circulation, son commerce, sa circulation, mais pas son contenu.
Si des spécificités peuvent et pourront être développées, via le mode numérique, le livre ne devient pas pour autant un simple logiciel électronique ou un simple service numérique. Il conserve toutes ses spécificités en tant qu’œuvre et cela même justifie que le livre numérique bénéficie d’un taux de TVA à 5,5 %.
Cela est d’autant plus important que ce taux de TVA conditionne le prix de vente au public, un prix que les consommateurs estiment actuellement trop élevé par rapport au prix du livre papier.
On sait en effet, même si l’on peut le déplorer, que le consentement à payer est bien inférieur quand il s’agit d’un format numérique et que les prix actuels, de 15 % à 20 % moins élevés que ceux du livre papier, ne sont pas jugés assez attractifs.
Ainsi, un taux de TVA réduit impliquerait, outre la reconnaissance d’une exception culturelle, une diminution du prix de vente et permettrait aux éditeurs de pratiquer une politique de prix incitant au développement de l’achat de livres numériques.
C’est à la seule condition de l’application d’un taux de TVA réduit que la circulation de ces œuvres de l’esprit, que l’État souhaite favoriser, sera rendue possible et que le secteur du livre numérique pourra constituer une offre légale suffisamment attractive pour se développer.
Il ne faut pas, là encore, prendre le prétexte européen pour ne pas aller jusqu’au bout des intentions que se donnent les promoteurs de cette proposition de loi.
Nous voterons cet amendement parce que nous pensons que la France doit être à l’initiative de ce taux de TVA réduit en Europe, comme elle a su être force d’impulsion, pour beaucoup de pays européens, avec la loi Lang de 1981 relative au prix du livre, qui nous inspire toujours.
Il s’agit d’une pétition de principe. C’est pourquoi il serait intéressant de l’inscrire dans la loi, sous réserve d’une traduction, ensuite, dans le projet de loi de finances.