M. Roland Courteau. C’est pour bientôt !
M. Didier Guillaume. Cela va arriver !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … ils se rendraient compte des limites de l’exercice. On peut être surpris à tout moment par une crise financière venant remettre en cause toutes les hypothèses de départ. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation des finances publiques n’est pas un texte anodin. Il est le point d’aboutissement d’une longue réflexion et nous permet, en quelque sorte, de dresser le bilan de dix ans de mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, de ses succès, mais aussi de ses insuffisances et, pourquoi ne pas le dire sans détour, de ses échecs. De ce point de vue, la commission des finances n’a pas seulement validé les orientations du texte du Gouvernement ; son ambition a aussi été d’en renforcer la portée.
En finir avec le double langage de la France à l’égard de ses partenaires ; adopter des outils crédibles de pilotage des finances publiques, en imposant notamment des normes de dépenses et de recettes exprimées en valeur et non plus seulement en volume ; donner enfin au Parlement toute la place qui lui revient dans le processus de décision budgétaire, lequel débute dorénavant dès l’élaboration du programme de stabilité que chaque État membre de l’Union doit transmettre à la Commission européenne : Philippe Marini a parfaitement exposé, avec le talent qu’on lui connaît,…
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … le corps de doctrine dont nous avons été, lui et moi, les avocats ardents dans le cadre des travaux du groupe de travail présidé par M. Camdessus.
Le Gouvernement devait reprendre ses travaux cet automne, avec pour horizon la nécessaire révision constitutionnelle qui formalisera une prise de conscience que je souhaite la plus consensuelle possible. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ? Votre texte de programmation, aussi défendable soit-il dans ses principes et dans ses finalités, n’est qu’une loi ordinaire et appelle, vous le savez, une refonte plus ambitieuse, qui conférera valeur organique aux règles de bonne gouvernance détaillées à l’instant par Philippe Marini.
Mettons fin, une fois pour toutes, à l’illusionnisme qui a trop souvent entaché notre approche des finances publiques. Gardons toujours présente à l’esprit l’obligation de défendre la crédibilité de notre pays à l’égard de ses partenaires, bien sûr, mais aussi des souscripteurs de notre dette souveraine.
Car la France a, plus que jamais, l’ardente obligation de trouver sa place au sein d’un monde de plus en plus ouvert. Dans ce contexte, notre premier devoir est de renforcer la compétitivité de notre économie, que la crise a soumise à rude épreuve. Mais nous devons le faire en respectant scrupuleusement l’objectif de justice fiscale qui est la condition indispensable de notre cohésion sociale et de la réussite de nos réformes.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Notre débat de cet après-midi me donne ainsi l’occasion de rappeler les vœux que je forme pour une refonte, aussi profonde qu’indispensable, de l’architecture de nos prélèvements obligatoires.
Oserai-je le dire ? Depuis plusieurs mois, j’entends monter une « mélodie », ô combien douce à mes oreilles, qui fut d’abord lointaine mais se fait jour après jour plus distincte : nos compatriotes comprennent que, dans une économie mondialisée, tout impôt de production supplémentaire organise les délocalisations d’activité et d’emplois, et qu’il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre prélèvements sur les ménages et prélèvements sur les entreprises, puisque l’on sait bien que toute taxation de l’activité économique se répercute toujours, tôt ou tard, sur le consommateur, et donc sur les ménages. Affirmer cela n’est certes pas très politiquement correct, mais faisons preuve de réalisme si nous voulons avoir quelques chances de réussite.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Alors oui, aujourd’hui plus que jamais, l’évidence s’impose, monsieur le ministre : la TVA sociale – je veux la nommer « TVA anti-délocalisations » – est l’outil dont nous avons besoin ! Si nous voulons rester compétitifs, il nous faut prolonger l’effort entrepris avec la suppression de la taxe professionnelle – même si une cotisation économique territoriale fondée sur la valeur ajoutée, et donc sur les salaires, l’a remplacée – et substituer aux prélèvements sur les facteurs de production un impôt de consommation qui placera enfin sur un pied d’égalité les importations et les produits nationaux. Pourquoi ajourner une fois encore ce débat ?
Dans un contexte marqué par un chômage endémique, une telle mesure est de nature à enrichir en emplois le contenu de la croissance, en favorisant les modes de production fortement consommateurs de travail. Les secteurs placés à l’abri de la concurrence et à forte intensité de main-d’œuvre devraient en profiter largement. Ceux qui sont exposés à la concurrence et affichent une forte sensibilité à la baisse du coût du travail pourraient gagner des parts de marché, tout en maintenant la localisation de leur production sur le territoire national.
Que l’on me permette d’affirmer qu’il serait possible de faire l’économie du coûteux crédit d’impôt-recherche – dont je persiste à penser qu’il n’empêche pas certaines délocalisations, car tous les travaux de recherche y ouvrant droit ne sont pas réalisés en France –, si l’on se décidait enfin à mettre en œuvre la TVA sociale ! L’allégement des charges sociales pesant sur les salaires des chercheurs réglerait la question.
Mais il n’est pas possible d’en rester là. Le pendant de l’objectif de compétitivité, je le disais à l’instant, c’est celui de justice. La fiscalité ne doit pas seulement être efficace ; elle doit être lisible et équitable, pour être acceptable et acceptée de tous.
Depuis deux ans, la commission des finances fixe donc le même rendez-vous au Gouvernement : celui du bouclier fiscal, qui demeure une mauvaise réponse apportée à un problème réel. La crise a rendu caduc cet instrument, et même si des progrès ont été réalisés l’année dernière dans la définition du revenu fiscal de référence, le compte n’y est pas.
M. Roland Courteau. Nous avions raison !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La Commission européenne vient de lui porter le coup de grâce en contestant sa conformité au droit communautaire. Le temps des « rafistolages » est terminé.
Je me réjouis, là encore, des inflexions entendues ces dernières semaines, notamment dans vos propos, monsieur le ministre, sur des évolutions possibles, pour ne pas dire souhaitables. Mais il faudra aller jusqu’au bout !
Vous connaissez nos propositions sur le « triptyque », devenu entre-temps la « tétralogie » : suppression de l’ISF et du bouclier fiscal – celui-ci étant une mauvaise réponse à un mauvais impôt, qu’il faut abroger lui aussi –, institution d’une nouvelle tranche d’imposition dans le barème de l’impôt sur le revenu – revenu du patrimoine lorsque celui-ci atteint un certain niveau, et non plus simplement revenu sur le travail –, hausse du barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières. Je pense également qu’une réflexion sur l’imposition des successions devrait utilement compléter ce tableau, en vue notamment de contribuer au financement du cinquième risque, à savoir la dépendance.
J’ai bien entendu que le Gouvernement souhaitait organiser un débat approfondi sur le sujet au premier semestre de l’année prochaine. Je ne vois pour ma part aucun inconvénient, et je sais être soutenu sur ce point par M. le rapporteur général, à ce que ce débat, qui n’a jamais cessé, reprenne dès l’examen du projet de loi de finances pour 2011…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne pense pas trop m’avancer en prédisant qu’un amendement déposé par la commission des finances viendra ainsi opportunément animer nos discussions de la fin du mois !
Il faut refonder le pacte républicain sur l’impôt et permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire. Le Président de la République a également évoqué la nécessaire convergence avec l’Allemagne. Les membres du bureau de la commission des finances ont pu s’entretenir, hier après-midi, avec son ministre fédéral des finances, Wolfgang Schäuble. J’ai la certitude que nos propositions seront une contribution utile à la recherche des solutions que nous devrons mettre en œuvre au cours des prochaines années. Du moins ferai-je tout pour qu’il en soit ainsi.
Ma conviction, monsieur le ministre, est que la situation est suffisamment alarmante pour que l’on n’ajourne plus les réformes attendues. Vous le savez bien, l’objectif n’est pas de limiter le déficit à 3 % du PIB ; il est d’équilibrer les finances publiques. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, nous avons cet après-midi trois débats en un : la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, un débat sur les prélèvements obligatoires et un autre sur l’endettement. J’ajoute que M. le rapporteur général de la commission des finances nous a présenté ce matin le projet de loi de finances pour 2011 et que nous suivons les travaux de nos collègues députés.
La programmation des finances publiques se construit dans un contexte contraint, sous la double pression de règles élaborées par le groupe Van Rompuy et, surtout, des marchés financiers.
La France s’est donc engagée à ramener son déficit public à 3 % du PIB en un temps record. La trajectoire annoncée la conduirait même à réduire ce déficit à 2 % du PIB en 2014.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est plutôt bien !
Mme Nicole Bricq. Cet objectif est irréaliste, compte tenu du contexte macroéconomique, et la commission des finances du Sénat l’a revu dans le texte qu’elle a élaboré, aujourd’hui soumis à notre examen et assorti d’un amendement-miroir du Gouvernement.
La commission des finances a bâti une trajectoire en fonction d’une hypothèse de croissance ramenée à 2 % à partir de 2012 et d’un retour à l’équilibre budgétaire en 2014, et non plus en 2013. Elle s’est ainsi rapprochée du taux de croissance potentielle, estimé, dans l’annexe au projet de loi, à 1,8 %, mais, à notre sens, elle est sans doute encore trop optimiste ! Le choc d’une crise comme celle que nous venons de connaître ne s’amortit pas en si peu d’années, et il entame aussi la croissance potentielle.
Je rappelle en outre que, en matière d’emploi, les derniers chiffres publiés ne sont pas bons. Mais j’observe que le Gouvernement occulte régulièrement le problème du chômage dans ses prévisions.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous vous réjouissez que ces chiffres ne soient pas bons ?
Mme Nicole Bricq. Je ne m’en réjouis pas du tout, mais vous avez parlé d’une épreuve de vérité. Il faut donc mettre tous les chiffres sur la table ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Il serait sans doute plus raisonnable de se fonder sur des hypothèses encore plus prudentes, car l’horizon européen s’assombrit et la multiplication des plans de rigueur pèse sur la croissance et l’emploi.
M. Jacky Le Menn. C’est la réalité !
Mme Nicole Bricq. Quoi qu’il en soit, messieurs le président et le rapporteur général de la commission des finances, cela n’enlève rien à la pertinence de la question qui a été posée par la majorité sénatoriale au Gouvernement : à quels ajustements procédera-t-il si la croissance s’avérait plus faible que prévu ? Déciderait-il une hausse des impôts, une nouvelle compression des dépenses, ou les deux ?
La réponse du Gouvernement, au travers de son amendement, relève de l’habileté : si la croissance n’était pas au rendez-vous, il réduirait les fameuses niches fiscales – ce qu’il ne considère pas comme une augmentation d’impôts, j’y reviendrai –, jusqu’à concurrence de 12 milliards d’euros.
La trajectoire annoncée est irréaliste et totalement insincère : il s’agit plus d’un affichage que d’une programmation fondée sur une politique économique orientée vers la création d’emplois et sur une politique fiscale efficace et juste. Si la situation n’était pas aussi grave, on pourrait trouver cocasse d’entendre le Président de la République se déclarer partisan, aux côtés de la Chancelière allemande, de sanctions sévères à l’encontre des pays qui manqueraient à leurs engagements, alors même que la France est dans ce cas…
M. Roland Courteau. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Du reste, comment la majorité elle-même pourrait-elle croire à la sincérité du Gouvernement, dans la mesure où celui-ci s’est empressé de ne pas respecter la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 qu’elle avait adoptée ? Le groupe socialiste, pour sa part, n’a cessé, de budget en budget, particulièrement depuis 2007, de dénoncer une politique aventureuse, qui a conduit à une explosion des déficits et de la dette publics, ainsi qu’à un fort accroissement du taux de chômage, désormais proche de 10 %.
Certes, il y a l’effet de la crise, nous ne le nions pas, mais il n’explique qu’en partie la situation actuelle. Je rappelle que, dans son rapport préliminaire au débat d’orientation budgétaire, la Cour des comptes relève que le déficit structurel représentait déjà 3,7 points de PIB en 2007.
Vous vous étiez engagés, lors de l’examen du précédent projet de loi de programmation des finances publiques, à respecter deux règles.
La première consistait à gager toute dépense fiscale nouvelle ; vous ne l’avez pas fait quand vous avez réduit à 5,5 % le taux de la TVA pour la restauration.
La seconde prévoyait que tout surplus de recettes soit affecté au désendettement ; vous ne l’avez pas respectée non plus.
Maintenant, vous voulez imposer une nouvelle règle, celle du « zéro valeur » hors charges de la dette et des pensions. Eh bien, nous ne croyons pas davantage que vous la respecterez !
M. Jacky Le Menn. En effet, nous sommes incrédules !
Mme Nicole Bricq. Je pourrais également évoquer la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES : c’est l’horreur absolue ! Vous vous asseyez sur la loi organique et vous chargez la barque pour les générations futures, alors que vous nous avez raconté pendant trois semaines qu’il s’agissait de préserver le régime de retraite par répartition à leur profit.
M. François Marc. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Vous avez bâti votre trajectoire en regardant dans le rétroviseur, c’est-à-dire en vous fondant sur le taux de croissance du troisième trimestre de 2009. Mais si la consommation a résisté jusqu’à présent dans notre pays, qu’en sera-t-il lorsque le pouvoir d’achat sera affecté, par exemple par le gel des salaires des fonctionnaires ? On estime que la consommation diminuerait de 7 % à 10 % pour cette seule catégorie. Qu’arrivera-t-il quand le chômage croîtra du fait de la baisse du nombre des contrats aidés programmée dans le projet de loi de finances pour 2011 ? Qu’en sera-t-il de l’investissement public quand les collectivités locales, mises à la diète alors qu’elles ne sont pas responsables des déficits accumulés, réduiront leurs engagements ? Dans nos départements, l’environnement économique actuel suscite une forte inquiétude parmi les entreprises du BTP.
Vous répétez à l’envi que vous allez faire des économies sans augmenter les impôts, monsieur le ministre.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En réduisant les dépenses fiscales !
Mme Nicole Bricq. Pourtant, vous ne pouvez pas ignorer que, dès 2011, ils s’accroîtront de 11 milliards d’euros ! Vous affirmez qu’il n’y aura pas d’augmentation généralisée des impôts, mais vous vous apprêtez à relever le taux de TVA sur les offres triple play, or les opérateurs ont déjà annoncé qu’ils répercuteraient intégralement cette mesure sur les consommateurs ! De quoi s’agit-il là, sinon d’une hausse des prélèvements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pensez-vous qu’il ne faille pas le faire ?
Mme Nicole Bricq. Dans le même temps, car il faut bien préparer l’échéance électorale de 2012,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. … vous agitez devant votre majorité le hochet du bouclier fiscal – la Commission européenne vient à votre secours sur ce point – et de l’ISF,…
Mme Nicole Bricq. … ainsi que celui de la TVA dite « sociale », par euphémisme, au moment même où la consommation va fléchir. Très franchement, il me semble que vous vous trompez.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avez-vous d’autres solutions ?
Mme Nicole Bricq. Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale avait également évoqué cette piste, mais il s’agit d’une erreur absolue sur le plan économique, à l’heure où vous prétendez vouloir soutenir la consommation et l’emploi. Nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Que proposez-vous au juste ?
Mme Nicole Bricq. Au demeurant, vous avez fait du niveau des prélèvements obligatoires un dogme, alors que le groupe socialiste a toujours considéré cet indicateur comme peu fiable lorsqu’il s’agit d’établir des comparaisons avec les autres pays développés. En effet, les conventions comptables, tout comme l’organisation des entreprises, diffèrent d’un pays à l’autre. Cette notion, dont la Cour des comptes avait d’ailleurs pointé les limites dans son rapport de 2008, n’est donc qu’un point de repère parmi d’autres. Le fétichisme du niveau des prélèvements obligatoires avait néanmoins conduit, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, le candidat Nicolas Sarkozy à s’engager à l’abaisser de quatre points durant le quinquennat. Or il augmentera mécaniquement d’un point dès cette année et sera redevenu en 2012 ce qu’il était en 2007. Il s’agissait donc, encore une fois, d’une promesse fallacieuse.
M. Roland Courteau. Une de plus !
Mme Nicole Bricq. Quant à la dette, elle atteindra 1 748 milliards d’euros en 2011, soit une augmentation de 33 % depuis 2008. Les perspectives sont alarmantes, puisque le Gouvernement anticipe une progression de 30 % de la charge de la dette entre 2010 et 2013. Avec 47 milliards d’euros de crédits pour 2011, la mission « Engagements financiers de l’État » sera, en volume, la troisième du prochain budget. Ses crédits devraient atteindre 56,7 milliards d’euros en 2013, soit presque autant – j’insiste sur ce point – que ceux de la mission « Enseignement scolaire »…
Par ailleurs, l’endettement public devrait représenter 83 % du PIB en 2010, 87,4 % en 2012 et, selon M. le rapporteur général, 88,5 % en 2014, soit 30 % de plus qu’en 2008. Or nous savons bien que lorsque la dette publique avoisine 90 % du PIB, la croissance s’en trouve durablement atteinte.
J’ajoute que la dette publique est détenue à hauteur de 70 % par des investisseurs étrangers. Mon but n’est pas de vous faire peur, mes chers collègues, mais on ne peut écarter l’hypothèse que la dette devienne incontrôlable si les taux d’intérêt devaient remonter.
Le Gouvernement annonce une réduction historique du déficit en 2011. Il ne s’agit toutefois que d’un effet mécanique, lié à la non-reconduction des mesures exceptionnelles induites par le grand emprunt et le plan de relance. La hausse des charges de pensions, le gel des concours de l’État aux collectivités territoriales et l’introduction de nouvelles règles d’encadrement de la dépense publique contraindront le Gouvernement à réduire encore les dépenses s’il persiste à refuser toute augmentation des impôts. Les services publics s’en trouveront gravement affectés.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quelles sont vos solutions ?
Mme Nicole Bricq. Quelles dépenses publiques le Gouvernement entend-il encore restreindre ? Il est vrai que, dans les faits, il augmente les impôts, contrairement à ses dires…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et vous, quels impôts voudriez-vous créer ?
Mme Nicole Bricq. Nous n’examinons pas aujourd’hui le projet de loi de finances, monsieur le rapporteur général. Nous en reparlerons le moment venu.
Dans sa trajectoire d’évolution des finances publiques, le Gouvernement table sur une remontée progressive des taux d’intérêt. Mais si ces derniers remontaient brusquement, notamment les taux à long terme, la charge de la dette deviendrait le premier poste budgétaire, devant l’enseignement scolaire.
Je rappelle que le rapport Cotis-Champsaur, publié en mai 2010, estimait que, sans les multiples baisses de prélèvements décidées depuis dix ans, le niveau de la dette publique serait inférieur de 20 points de PIB à ce qu’il est aujourd’hui, soit la bagatelle de 400 milliards d’euros ! On voit bien que la crise n’explique pas tout.
Nous ne nions pas la nécessité de consentir un effort pour réduire un déficit et une dette aussi élevés, monsieur le rapporteur général, mais les conditions de cet effort ont une importance décisive, et c’est sur ce point que nous nous différencions de vous : il doit être économiquement efficace et socialement juste, ce qui n’est le cas ni des mesures du projet de loi de programmation ni de celles du projet de loi de finances pour 2011.
Nous devons tout à la fois combattre les déficits…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ah !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Nicole Bricq. … et la langueur de la croissance, car une croissance faible, c’est moins de rentrées fiscales, et un déficit en hausse. Il faudrait donc maîtriser les dépenses, mais en faisant porter l’effort sur celles qui n’ont pas d’incidence sur la croissance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est-à-dire ?
Mme Nicole Bricq. Or ce n’est pas ce que vous proposez.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On comprend votre raisonnement, mais on souhaiterait que vous indiquiez la marche à suivre…
Mme Nicole Bricq. Si vous m’aviez écoutée, vous auriez compris, monsieur le rapporteur général ! Je ne vais pas refaire la démonstration, mais je vais néanmoins vous donner une piste.
Plutôt que d’envisager d’augmenter la TVA dans une période où la consommation commence à faiblir, vous auriez pu, à tout le moins, examiner de plus près les allégements de charges consentis aux entreprises sans qu’ait été aucunement pris en considération leur degré d’exposition à la concurrence internationale.
Quant aux recettes, le Gouvernement se lance tardivement dans la chasse aux dépenses fiscales. Muni d’un mini-rabot, il exerce ses talents sans ligne de conduite, faute d’avoir évalué une à une, comme nous le demandions, les niches fiscales accumulées, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt de solidarité sur la fortune. Il faut dire qu’il est lié par les mesures prises en 2007 et même avant, car c’est le Gouvernement qui classe de manière purement arbitraire telle ou telle mesure dans la catégorie des niches fiscales.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. C’est ainsi que la majorité et le Gouvernement ont placé dans cette catégorie les indemnités journalières perçues par les accidentés du travail, comme si ceux-ci avaient choisi délibérément d’être accidentés (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste), ou pour la demi-part accordée aux parents isolés, comme si les personnes concernées, des femmes le plus souvent, avaient choisi de perdre leur conjoint ou de divorcer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est facile…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous aviez bien commencé, mais vous dérapez, madame Bricq !
Mme Nicole Bricq. En revanche, vous ne considérez plus la trop célèbre niche Copé comme une niche fiscale. Vous l’avez déclassée !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle n’a jamais existé ! C’est un faux calcul !
M. François Baroin, ministre. Elle est virtuelle ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Tiens donc ! Trouvez-vous que 20 milliards d’euros soient une somme négligeable ?
Pour conclure, le rééquilibrage progressif de nos finances publiques passera par une habile combinaison de mesures portant les unes sur les dépenses, les autres sur les recettes, et suffisamment sélectives pour que soient écartés tous effets néfastes sur la croissance, la compétitivité et l’emploi. Ce dernier est l’objectif majeur, sa progression étant seule à même de réduire durablement le déficit tant de l’État que de la sécurité sociale.
Tel n’est pas le chemin que vous nous proposez. Vous menez la France dans une impasse ; permettez que l’on ne vous y suive pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre niveau d’endettement est actuellement proche de 80 % du PIB ; cette situation est à mes yeux extrêmement préoccupante.
Voilà bien longtemps, M. Fillon déclarait avoir hérité d’un pays en état de faillite. Dans ces conditions, il me semble que, au lieu de réduire les recettes et d’augmenter les dépenses, il convient plutôt d’essayer de ne pas augmenter les dépenses et d’accroître les recettes !
Certes, nous sommes confrontés aux conséquences d’une grave crise économique, mais celles-ci n’empêcheront pas nos voisins allemands, pour lesquels j’ai beaucoup d’admiration, de ramener leur déficit à 3 % du PIB d’ici à un an environ, tandis que le nôtre sera deux ou trois fois plus élevé…
Les orientations prises par le Président de la République sont donc en cause.
M. Roland Courteau. Vous allez vous faire mal voir !
M. Jean Louis Masson. Non seulement le Président de la République a fait de mauvais choix, mais, qui pis est, il s’est entêté. Ainsi, l’instauration du bouclier fiscal a été une gigantesque erreur ; quand on s’entête à ne pas vouloir le supprimer, il ne faut pas s’étonner que les Français descendent dans la rue !