M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean Louis Masson. La révolte d’un certain nombre de nos concitoyens contre la réforme des retraites ne s’explique pas seulement par le contenu même du texte ; c’est aussi un désaveu du Président de la République. (Marques d’approbations sur les travées du groupe socialiste.) Je pense pour ma part que l’on peut être de droite et bon gestionnaire, à l’instar de Mme Merkel. En revanche, je ne considère pas que les orientations du Président de la République correspondent à une bonne gestion. Là est le véritable problème !
M. Roland Courteau. Vous aggravez votre cas…
M. Jean Louis Masson. Manifestement, tout le monde doit faire des sacrifices, mais encore faut-il que ceux-ci soient répartis équitablement. Or les Français ne comprennent plus : on leur affirme que le bouclier fiscal a été conçu pour empêcher les grosses fortunes de fuir notre pays, puis ils apprennent par la presse que l’une des plus grandes bénéficiaires de ce dispositif place néanmoins son argent à l’étranger !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean Louis Masson. J’estime qu’il faut en finir une fois pour toutes avec ce dogme catastrophique selon lequel il faut réduire les impôts. Lorsque les caisses sont vides, il faut avoir le courage de réduire les dépenses et d’augmenter les recettes. Toute personne qui souhaite équilibrer son budget essaie d’augmenter ses revenus : selon la formule consacrée, elle travaille plus pour gagner plus !
M. Jean-Marc Todeschini. Et au final, elle gagne moins !
M. Jean Louis Masson. Si l’on veut réduire le déficit du budget de l’État, il faut absolument accroître les recettes.
En matière de finances sociales, la récente réforme des retraites et les mesures envisagées pour la sécurité sociale ne sont pas appropriées. Il aurait fallu, me semble-t-il, instaurer une retraite par points et unifier tous les régimes. Je suis certain que les Français l’auraient compris. Par ailleurs, si l’on veut équilibrer les comptes de la sécurité sociale, il est à mon avis impératif d’instaurer une TVA sociale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean Louis Masson. Je ne comprends pas que l’on n’engage pas une réflexion plus approfondie sur ce sujet important.
En matière de recettes, nous avons besoin d’une mesure phare, à savoir la suppression du bouclier fiscal et un plafonnement de toutes les niches fiscales par contribuable. Actuellement, on prévoit certes de réduire les niches fiscales, mais les professionnels de la réduction d’impôts trouveront toujours le moyen, tant qu’un tel plafonnement n’aura pas été institué, d’obtenir d’importants abattements sur leur impôt sur le revenu ou leur ISF, notamment en contrepartie d’investissements réalisés outre-mer. Seules des mesures de cet ordre permettront de donner à la France les moyens de rééquilibrer ses finances publiques.
Je souhaite donc vivement que l’on abandonne la politique anti-impôts menée depuis 2007. Des ressources fiscales sont nécessaires à tout État développé !
M. Roland Courteau. C’est pour bientôt !
M. Jean-Marc Todeschini. Il sait ce qu’il lui reste à faire en 2012 !
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « les lois et les institutions sont comme des horloges : de temps en temps, il faut savoir les arrêter, les nettoyer, les huiler et les mettre à l’heure juste ». Lord Byron exprime par la poésie la tâche qui nous attend pour nos lois financières.
Crédibilité, stabilité, sincérité, responsabilité sont les principes qui doivent présider au débat d’aujourd’hui, qui, pour la première fois au Parlement, fusionne l’examen des prélèvements obligatoires et celui du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Je me réjouis de cette innovation de bon sens, qui offre une vision globale des perspectives en matière de finances publiques. Au mois de juillet dernier, pour la première fois aussi, le débat d’orientation des finances publiques a été soumis au vote du Parlement.
La réforme de la gouvernance des finances publiques est donc en marche. La crise mondiale qui a ébranlé les économies nationales a profondément détérioré nos finances publiques, déjà mal en point, sapé notre confiance, mais elle a aussi été un électrochoc pour les Français, qui ont pris conscience de la nécessité absolue de réformer, en particulier, la conduite des finances publiques.
Une bonne nouvelle malgré tout : le Crédit suisse a publié son premier rapport sur la richesse mondiale, qui montre que les économies de taille moyenne mais dynamiques, notamment celle de la France, tiennent le haut du classement en termes de richesse, que les Français figurent au quatrième rang pour la richesse patrimoniale et que les ménages de notre pays comptent parmi les moins endettés au monde. La France détient le quart de la richesse européenne.
« Crédibilité » me semble être le maître-mot de la réforme : crédibilité de notre pays aux yeux de nos partenaires européens, car il faut en finir avec le double langage du programme de stabilité, transmis à Bruxelles mais jamais appliqué ; crédibilité de notre détermination à respecter nos engagements, qui apparaissent comme une simple déclaration d’intentions, alors que les mêmes affirmations émanant de l’Allemagne sont jugées comme devant nécessairement entrer dans les faits ; crédibilité à l’égard des marchés internationaux et des agences de notation, pour qu’ils gardent confiance dans la soutenabilité de notre dette ; crédibilité de la classe politique à l’égard de nos concitoyens, à qui l’on demande des efforts financiers alors que l’État affiche toujours une dette record de quelque 1 600 milliards d’euros, soit près de 25 000 euros par Français !
C’est un effort structurel considérable que doivent faire les pouvoirs publics pour remédier à nos déficits chroniques et à notre dette abyssale, dont les intérêts sont handicapants, leur charge représentant le deuxième poste de dépenses de l’État après l’enseignement scolaire…
À la suite de la deuxième conférence sur les déficits, le Président de la République a mis en place un groupe de travail, présidé par M. Camdessus, visant à inscrire dans la Constitution le principe d’équilibre budgétaire. Le président et le rapporteur général de la commission des finances estiment que les discussions y ont été « exceptionnellement constructives » et fondées sur des « convictions opératoires ». Ils y ont apporté la réflexion de notre commission des finances, trop peu écoutée.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Certes !
M. Aymeri de Montesquiou. Reportez-vous, monsieur le ministre, aux interventions de nombre de ses membres, qui prônaient en vain hier des mesures prises aujourd’hui. Notre commission des finances prouve encore une fois son expertise et doit jouer un rôle décisif dans l’élaboration d’une doctrine nationale. Elle a notamment proposé deux principes fondamentaux : la règle de sincérité, posant que les trajectoires pluriannuelles doivent être bâties sur des hypothèses économiques prudentes et étayées ; la règle de responsabilité, prévoyant que l’exécutif doit assumer la responsabilité des mesures qu’il décide, qu’il s’agisse des dépenses ou des recettes.
La commission des finances propose, par exemple, que l’article 4 du présent projet de loi de programmation, qui est l’un des principaux dispositifs du texte, soit reformulé pour établir une norme d’augmentation des dépenses en valeur absolue et en euros constants, et non en pourcentage sur une base annuelle, car la rédaction antérieure rendait impossible le contrôle de l’application de cette mesure avant 2015 !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. Cela fait très longtemps, monsieur le ministre, que nous le réclamons.
« Complexité » est, en revanche, un terme à bannir de la mise en œuvre de la réforme. Des pistes de simplification sont proposées tant par la commission des finances que par le rapport Camdessus.
La première concerne le rapprochement de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Je l’avais déjà évoquée lors du débat sur la gestion de la dette sociale.
La deuxième piste a trait à l’élaboration d’une norme contraignante de programmation des finances publiques avec des objectifs réalistes et crédibles, sans pour autant créer une « loi-cadre de programmation des finances publiques » en plus des trois documents de programmation uniquement indicatifs, mais en rationalisant le programme de stabilité, les lois de programmation pluriannuelles annexées au projet de loi de finances et la loi de programmation des finances publiques.
La troisième piste est d’instaurer le monopole des lois financières sur les mesures nouvelles en matière de prélèvements obligatoires.
La quatrième piste est de prendre en compte le rôle de la commission des finances du Sénat, plutôt que de créer un nouveau comité d’experts.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. La cinquième piste de simplification a trait à l’harmonisation des calendriers budgétaires européen et national, avec le « semestre européen ».
Enfin, la sixième piste vise à retenir un chiffrage en euros constants, et non en pourcentage.
La réforme de la gouvernance des finances publiques prend ainsi une ampleur constitutionnelle, ou à tout le moins organique, comme l’a rappelé M. le rapporteur général de la commission des finances, sur le modèle de celle qui a conduit à la LOLF, grâce à une entente entre la majorité et l’opposition, dans le respect de l’État et de l’intérêt général.
Je conclurai en me référant à Pierre Rosanvallon, qui, dans La myopie démocratique : comment y remédier ?, a montré les dangers d’une immédiateté rythmée par les élections et le manque de vision à long terme. Les questions très préoccupantes, tels les défis environnementaux et climatiques, doivent nous obliger à penser en termes nouveaux nos obligations à l’égard des générations futures. La gestion de nos finances publiques me semble relever exactement du même principe sur le long terme.
Monsieur le ministre, prouvez que le pouvoir et la volonté politique à long terme, s’ils doivent prendre en compte une opinion versatile, doivent savoir aussi lui opposer le temps. Je voterai ces deux textes qui amélioreront notre gouvernance des finances publiques et j’attends avec confiance et impatience la suite des réformes. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du présent projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 est, pour des raisons un peu particulières, imbriqué dans le débat sur les prélèvements obligatoires et l’endettement.
Que l’on me permette de pointer d’emblée quelques aspects pour le moins discutables de ce texte.
Nous avions débattu, en novembre 2008, voilà donc presque deux ans jour pour jour, d’un projet de loi du même ordre et qui, pour l’essentiel, participait des mêmes objectifs de maîtrise de la dépense publique et de réduction des déficits. Le dispositif de ce texte n’a pas supporté l’épreuve du temps – et surtout de l’aggravation de la crise financière –, et on peut légitimement penser qu’il en ira de même pour celui qui nous est soumis aujourd’hui.
Si la précédente loi de programmation concernait la législature en cours, le présent texte porte sur les années 2011 à 2014. Or, un rendez-vous essentiel nous attend au printemps de 2012 : en fonction de certains éléments de la situation politique d’aujourd’hui et de demain, il pourrait entraîner une modification des rapports de force politiques dans notre pays et, de fait, conduire à la conception et à la mise en œuvre de choix politiques différents de ceux qui prévalent actuellement. En effet, ce projet de loi de programmation n’est que la déclinaison française des choix politiques imposés par la bureaucratie bruxelloise, au nom de la course à l’euro fort.
Je formulerai maintenant quelques observations générales.
Tout d’abord, l’endettement des personnes morales de droit public, à commencer par l’État, a augmenté de manière particulièrement spectaculaire, et ce depuis 2007. Au-delà de la crise économique et de ses symptômes financiers de l’été 2008, le glissement de la dette publique n’a pas cessé depuis plus de vingt-cinq ans et n’a fait que s’accélérer ces derniers temps. À la fin de 2003, l’encours de la dette publique atteignait 788 milliards d’euros ; il est monté à 921 milliards d’euros à la fin de 2007 et il s’élevait, fin septembre 2010, à 1 223 milliards d’euros.
On constate donc bel et bien une forme d’accélération de la formation de la dette publique, allant de pair avec une mutation interne, puisque la part des bons du Trésor sur formules, éléments de court terme de la dette, dans l’ensemble de l’encours, est passée, entre fin 2007 et septembre 2010, de 79 milliards à 206 milliards d’euros. Mes chers collègues, cette évolution montre à l’évidence que, devant des problèmes récurrents de trésorerie, l’État se trouve contraint de faire fonctionner la coûteuse « planche à billets » que constituent les bons du Trésor, pour faire face aux exigences du quotidien. Nous pouvons d’ores et déjà en remercier les heureux concepteurs du système européen de banques centrales, qui ont adossé celui-ci à la perte, pour les États souverains, du droit d’émettre la monnaie.
De plus, circonstance aggravante pour votre politique, la part de la dette publique de l’État détenue par des non-résidents a fortement progressé, passant de 58,7 % de l’encours fin 2007 à 70,6 % fin juin 2010. Le produit « dette publique française » est donc fort intéressant pour les marchés financiers, même s’il faut sans doute se méfier des apparences, puisque les non-résidents sont, assez souvent, des filiales étrangères d’établissements bancaires et financiers français et que la langue maternelle de leurs clients est souvent celle de Molière !
Mais cette progression de la dette publique n’est qu’un des éléments du sujet. La dette n’est même, d’une certaine façon, que le miroir des errements du passé ; elle apparaît comme la démonstration que les choix politiques et fiscaux mis en œuvre depuis quelques décennies ont mené l’État, les collectivités territoriales et même la sécurité sociale aux plus grandes difficultés.
Si l’on appréhende la dette publique comme la somme cumulée des déficits budgétaires successifs, il faut donc revenir à la source de ces derniers.
Dans les milieux courtisans de l’Élysée, de Matignon, dans les bureaux de Bercy, dans les salons du MEDEF et les cénacles patronaux, la cause est entendue : les déficits publics sont engendrés par les dépenses publiques, par des dépenses d’administration excessives, par un trop grand nombre de fonctionnaires…
Toutefois, ce discours est passablement dépassé et il a déjà servi plus d’une fois. Mes chers collègues, je ne vous assénerai pas moult citations, tirées de je ne sais combien de discours des années passées, mais cela fait tant de fois que l’on nous ressort l’antienne de la réduction des dépenses publiques que nous sommes obligés de poser la question suivante : depuis très longtemps on nous affirme que la réduction des dépenses publiques entraînera celle des déficits publics, mais ceux-ci, comme la dette, continuent de croître et embellir ; dans ces conditions, ne faut-il pas considérer que ces mesures mènent au résultat exactement inverse de celui qui était annoncé au départ ?
En effet, ce n’est pas la première fois que l’on essaie de contraindre les dépenses publiques. Dois-je rappeler ici les termes de la loi de 1994, qui visait les mêmes objectifs que celle dont nous allons débattre et qui est devenue sans objet à la suite de l’adoption de la loi de finances rectificative de l’été 1995, constatant le creusement des déficits ? N’a-t-on pas, en 1993, réformé la dotation globale de fonctionnement pour geler les concours de l’État aux collectivités locales et créer ainsi les conditions d’une baisse de cette source de financement essentielle ? N’avez-vous pas procédé, depuis 2007 et durant la législature précédente, à des suppressions massives d’emplois publics, mettant ainsi en œuvre un véritable plan social inavoué, dont les effets sur la qualité du service rendu semblent plus évidents que les effets sur la situation des comptes ?
Vous souhaitez, au travers de ce projet de loi de programmation des finances publiques, aller encore plus loin en encadrant plus sévèrement les crédits affectés aux différentes missions budgétaires. Mais la question récurrente demeure, et nous vous la posons de nouveau : monsieur le ministre, pourquoi ces mesures, qui n’ont pas évité durant vingt-cinq ans le dérapage des finances publiques, seraient-elles, demain, plus efficaces qu’elles ne l’ont été jusqu’à présent ?
Pourquoi devrions-nous croire le Gouvernement sur parole, alors que rien n’a jamais prouvé le bien-fondé des réductions de la dépense publique ?
À la vérité, il faut replacer la situation de la dette de l’État dans le contexte plus général de l’endettement des autres agents économiques.
En France, l’endettement public est une réalité, mais le niveau d’endettement atteint s’avère in fine moins important que celui de bien d’autres pays, notamment de nos pays voisins.
Ainsi, notre dette est plus faible que celle de la Belgique ; elle est d’un niveau assez comparable à celle de l’Allemagne ; elle est inférieure à celle du Royaume-Uni et très sensiblement plus faible que celle de l’Italie. Par ailleurs, elle est également inférieure à la dette publique des États-Unis, ainsi qu’à celle du Japon.
Mais, surtout, l’endettement des entreprises et des ménages demeure relativement plus faible qu’ailleurs, singulièrement dans des pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis. Dans ces pays, l’endettement des ménages constitue, d’une certaine manière, le moteur de l’activité économique, mais aussi, comme nous l’avons vu avec la crise des subprimes, parfois la source des désordres de l’économie.
Ce décalage entre l’endettement public et l’endettement privé est peut-être, à la vérité, l’un des premiers éléments à prendre en compte.
En fait, cela fait une bonne vingtaine d’années que la situation des entreprises a connu, de manière générale, une profonde évolution, leurs besoins de financement étant sans cesse réduits au motif que des mesures fiscales et sociales diverses et variées les ont conduit à renforcer leur trésorerie.
Mais ne me faites pas dire que toutes les entreprises de notre pays sont logées à la même enseigne ! Il y a un monde entre les 146 milliards d’euros de trésorerie disponible des groupes du CAC 40 et les difficultés de crédit de nos artisans et de nos très petites entreprises, ainsi que l’a révélé l’aggravation de la crise financière de l’été 2008. Ces difficultés se sont matérialisées, si l’on peut dire, par le nombre élevé de faillites et de procédures collectives que nous avons pu observer durant l’année 2009.
Toutefois, se dégage bel et bien une tendance générale, celle du désendettement des entreprises dans un contexte d’aggravation du déficit de l’État.
Le lien entre l’amélioration de la trésorerie des entreprises et la détérioration continue des comptes publics est clairement établi.
Depuis 1985, nous avons progressivement diminué le taux de l’impôt sur les sociétés, qui est passé de 50 % à 33,33 % ; la taxe professionnelle a été encadrée, réformée, allégée, avant d’être supprimée ; et nous avons eu droit, singulièrement depuis 1993, à une succession ininterrompue de mesures visant à alléger les cotisations sociales des entreprises.
Or toutes ces politiques ont un coût, en termes non seulement de moins-values fiscales que l’État a dû supporter, mais également de recettes de compensation qu’il a fallu mobiliser pour les collectivités locales comme pour la sécurité sociale, et leurs effets n’ont pas été particulièrement évidents.
C’est l’emploi qui a motivé, au fil des années et des débats budgétaires, toutes les mesures qui ont été prises. Mais, en cette fin de l’année 2010, la situation de l’emploi est-elle globalement meilleure qu’elle ne l’était à la fin de l’année 1985, à une époque où la flexibilité de l’emploi, le temps partiel, la précarité n’avaient pas encore commis les ravages que nous connaissons aujourd’hui ? Et dire qu’une bonne partie des sommes que l’État dépense chaque année vise, notamment, à maintenir et à développer ces formes d’emplois atypiques et précaires ! Voilà qui constitue tout de même la quintessence du gaspillage des fonds publics !
Pour ce qui concerne l’endettement des ménages, notons que, malgré les efforts accomplis par le secteur bancaire pour contraindre nos compatriotes à recourir massivement au crédit pour faire face aux dépenses du quotidien comme à leurs investissements, nous conservons à la fois un taux d’épargne élevé et un endettement des ménages relativement faible.
Nul doute qu’il faille y voir là l’un des aspects positifs de notre pacte social, qui ne se matérialise pas nécessairement dans l’usage et l’abus de l’endettement pour accéder à la propriété. En dépit des attaques dont notre pacte social est l’objet et qui datent au moins depuis l’époque où l’on a baissé les impôts et les cotisations dues par les entreprises, nous continuons d’avoir un système de sécurité sociale permettant d’éviter au plus grand nombre de nos concitoyens d’avoir à s’endetter pour leur santé, pour assurer leurs vieux jours ou encore pour faire face à certaines dépenses couvertes par les prestations familiales.
S’attaquer comme vous le faites depuis 2007 – et comme vous avez l’intention de le faire encore avec ce projet de loi de programmation des finances publiques – aux dépenses sociales est risqué au regard des effets qui pourraient en résulter sur les ménages. En effet, le risque est réel de voir certaines familles ne pas réussir à faire face à certaines situations, ce qui creusera, de fait, des inégalités en matière d’accès aux soins, à la culture, aux loisirs, et sera porteur de nouveaux dangers pour la société dans son ensemble.
La dépense publique a, incontestablement, des vertus redistributrices et correctrices des inégalités sociales. La réduire, c’est laisser les inégalités se développer de nouveau, avec tout ce que cela implique en termes de frustration et de colère sociales. Le fait est que ce projet de loi de programmation des finances publiques ne semble pas le moins du monde prévoir un mode de gestion différent des affaires publiques.
Ainsi, est programmée la poursuite de la mise en déclin des dépenses publiques, réduisant celles de l’État à un niveau inférieur à celui de 1985, alors même que le déficit a explosé et s’est largement cristallisé. De plus, le service de la dette va, sans doute, peser pendant quelques années sur le solde budgétaire global, rendant plus lointain le moment où le solde primaire sera de nouveau excédentaire.
S’agissant des dépenses fiscales, ce véritable gruyère législatif que des années de débat budgétaire contraint ont permis d’affiner, le moins que l’on puisse dire, c’est que nous nous trouvons encore bien loin d’une revue de détail plus précise et plus « critique » ! Surtout, on polarise le débat sur un nombre particulièrement réduit de niches et, par habitude, on fait abstraction des niches fiscales et sociales considérables dont bénéficient les entreprises.
On omet de parler des 34 milliards d’euros que l’on a dépensés en 2009 pour le régime des groupes dont ne bénéficient que les plus grandes entreprises à vocation internationale. Que d’argent utilisé pour aider ces groupes à externaliser leurs productions, à liquider des emplois en France et à réaliser des investissements à l’optimum de rentabilité qu’ils peuvent en espérer !
De la même manière, il faudra, un jour, tirer les conclusions de la diminution de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu et du maintien des multiples dispositifs dérogatoires qui permettent d’échapper à la juste contribution des revenus du capital et du patrimoine, cet ensemble de « niches fiscales » étant sans doute le plus coûteux.
Après ce que je viens de dire, vous comprendrez, mes chers collègues, que, fort logiquement, nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation des dépenses publiques. En effet, ce projet de loi ne revient pas sur les inégalités fiscales, imposant au plus grand nombre sacrifices et injustices, mais il programme, surtout, l’austérité sur la longue durée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, le groupe UMP constate avec plaisir et satisfaction que le présent projet de loi de programmation amorce enfin le retour à l’équilibre de nos finances publiques. Monsieur le ministre, vous faites preuve de courage et de ténacité, et je tiens à vous en donner acte.
Ce projet de loi de programmation des finances publiques, qui est le deuxième depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, notamment son article 34, vise essentiellement à actualiser la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, dont les objectifs ont été partiellement remis en cause par la crise économique que nous venons de traverser.
Il a pour objet de mettre en œuvre une stratégie fiscale pluriannuelle de sortie de crise via la maîtrise de la dépense publique, et ce au sens très large, concernant à la fois les dépenses de l’État, des collectivités locales et des régimes sociaux, et le redressement des finances publiques, en réduisant le déficit et, si possible, en maîtrisant l’évolution de la dette.
Mes chers collègues, je ne participerai pas au débat intellectuel passionnant consistant à savoir si le taux de croissance sera, en 2011, de 1,5 %, 2 % ou 2,5 %, car nul ne le sait. Il est clair que des événements mondiaux peuvent ralentir notre taux de croissance ou, au contraire, l’accélérer.
Toutefois, j’exprimerai un regret, monsieur le ministre, celui de ne pas voir aborder, dans le cadre d’une perspective mondiale, l’un des problèmes importants auxquels notre pays est confronté, le déficit de notre commerce extérieur.
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. L’Allemagne, considérée comme un modèle, a une balance commerciale fortement suréquilibrée grâce à la puissance de ses exportations. C’est important pour réduire les déficits. Au lieu de consacrer beaucoup de temps à discuter de l’hypothétique taux de croissance, je souhaite que l’on traite enfin la question de notre balance commerciale et de notre balance des paiements.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Comme je partage très largement le diagnostic établi par notre excellent rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, je me bornerai à évoquer trois points : l’endettement, les prélèvements obligatoires et l’articulation de ce projet de loi de programmation avec l’Europe.
Concernant l’endettement, beaucoup de chiffres ont été donnés. Le Gouvernement estime que la dette publique représentera 85 % du PIB en 2014, tandis que la commission des finances, un peu moins optimiste, prévoit, quant à elle, qu’elle sera de 88,5 %.
Lorsque j’ai été nommé rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », la dette publique de l’État avoisinait les 1 000 milliards d’euros. À la fin de l’année 2010, celle-ci sera de 1 241 milliards d’euros, et atteindra un peu plus de 1 330 milliards d’euros à la fin de l’année 2011. Nous devons être obnubilés par cette masse financière pour chercher à résoudre le problème.
Pour ma part, j’estime que l’objectif central n’est pas tant de réduire notre déficit public à 3 % du PIB en 2013, mais de retrouver la situation que nous avons connue en 2006 et en 2007, avec un solde primaire équilibré : les dépenses et les recettes de l’État sont en équilibre, le déficit n’étant dû qu’au financement des intérêts de la dette. Or nous pouvons atteindre cet objectif en 2013 ou en 2014 selon l’évolution du contexte économique.
Stabiliser le volume des dettes de l’État est nécessaire pour rassurer nos concitoyens, mais aussi les marchés financiers. Ainsi, nous montrerons que nous parvenons progressivement, grâce aux mesures détaillées contenues dans ce projet de loi de programmation, à maîtriser la dépense publique.
Monsieur le ministre, j’ai noté avec intérêt qu’il sera impossible, à partir de 2011, de consacrer des surplus de recettes fiscales ou des moindres dépenses de charges d’intérêt de la dette à autre chose qu’au désendettement. J’en accepte le principe, mais ne pourrions-nous pas l’appliquer dès 2010 ? Ce serait une bonne opération car, en 2010, nous allons avoir une non-dépense de la dette de l’ordre de 1,5 milliard à 2 milliards d’euros au titre de la charge d’intérêt. Il serait bon d’en profiter pour rembourser par anticipation quelques emprunts et réduire ainsi, pour l’année prochaine, de 186 milliards d’euros à 184 milliards d’euros notre objectif d’endettement à moyen et à long terme sur les marchés. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour mettre en pratique cette méthode.
Concernant les prélèvements obligatoires, le groupe UMP se félicite que le Gouvernement ait fixé dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des objectifs chiffrés en matière de mesures nouvelles sur ces prélèvements.
Les avis peuvent diverger sur ce point. Certains pensent qu’il faut augmenter les prélèvements obligatoires pour réduire les déficits ; d’autres estiment au contraire que, dans une perspective de mondialisation comme celle que nous connaissons, nous avons un intérêt majeur à ce que le taux des prélèvements obligatoires dans notre pays ne soit pas plus élevé que celui de nos principaux concurrents, notamment au sein de l’Union européenne et plus spécialement de la zone euro.
Or, il existe de fait une sorte de championnat international en matière de prélèvements obligatoires. Les nôtres oscillent entre 42 % et 44 % du PIB. Il est clair qu’en la matière la thèse que nous défendons rejoint la vôtre, monsieur le ministre : il faut les stabiliser voire les réduire, ce qui ne nous empêche pas de redéployer une partie de nos ressources fiscales dans les limites de ce taux de prélèvements.
Il est également clair que les travaux qui vont être engagés sur la fiscalité du patrimoine, les diverses taxes affectées au financement des retraites ou de la sécurité sociale, dont M. Jégou nous parlait longuement ce matin, signifient que le redéploiement est l’objectif vers lequel il faut tendre. Au contraire, l’idée d’augmenter les impôts me paraît déraisonnable, dans un pays où les prélèvements obligatoires frôlent déjà 43 % du PIB.
Nous remportons deux championnats en Europe aujourd'hui : celui des taux de prélèvements obligatoires, qui sont en moyenne beaucoup plus élevés en France qu’ailleurs, et celui du taux d’épargne des ménages, qui est l’un des meilleurs d’Europe.
Par conséquent, toute mesure de redéploiement de la fiscalité visant à faire participer davantage l’épargne des ménages aux investissements productifs et au développement de notre pays irait dans le bon sens.
Pour ce faire, monsieur le ministre, plutôt que d’envisager une augmentation des impôts, il faut créer les instruments d’épargne longue qui nous manquent, et transformer les placements privilégiés par nos concitoyens – comme les assurances vie ou les plans d’épargne en actions – en des instruments d’épargne à long terme. C’est de cette manière seulement que nous pourrons financer les énormes investissements nécessaires au développement de notre technologie et de notre compétitivité sur le plan international.
Le choix politique du Gouvernement est de ne pas majorer les prélèvements mais simplement de mettre un peu d’ordre, notamment dans l’impôt sur le revenu. Il faut reconnaître, monsieur le ministre, que pour moi qui ai participé – il y a très longtemps – à la création de l’impôt unique sur le revenu, ce dernier s’apparente plus à celui des pays en voie de développement qu’à celui des grandes démocraties concurrentes !
Par conséquent, le redéploiement que j’évoque implique forcément de reprendre, après l’étude de la fiscalité du patrimoine, celle des revenus, avec la progressivité qui s’impose et qui me paraît correspondre à la sociologie actuelle de notre pays.
Enfin, je tiens à souligner le problème posé par l’articulation entre les lois de programmation des finances publiques, les programmes de stabilité et le fameux « semestre européen ».
Cette question a fait l’objet d’un large débat à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, et vous vous êtes engagé à transmettre au Parlement le projet de programme de stabilité. Jusqu’à aujourd’hui, nous ignorions le contenu du programme de stabilité transmis à Bruxelles, alors même qu’il entraînait pour nous toute une série de conséquences législatives. C’est là un fait extraordinaire ! Il est clair que nous devons participer, en amont, à la préparation de ce programme de stabilité.
Vous avez accepté à l’Assemblée nationale le principe d’une proposition de résolution, mais notre commission des finances souhaite aller plus loin encore, en soumettant le projet de programme de stabilité à un débat parlementaire, suivi d’un vote. Le vote est-il opportun ? Doit-on se contenter d’un débat ? Dans les deux cas, il convient d’assurer l’information des commissions des finances des deux assemblées et d’organiser un débat, et plus largement d’associer le Parlement. En effet, dès lors que l’on examine de façon simultanée la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, le débat concernant le programme de stabilité est important.
L’ensemble des informations financières doit en effet parvenir de façon cohérente au Parlement. Cette année est d’ailleurs révélatrice de cette nécessité. La dispersion des mesures fiscales dans les deux textes, les convergences complexes et les organisations « en tuyaux d’orgue » – pour le moins tordus ! – démontrent l’intérêt qu’il y aurait à avoir un débat parlementaire au mois d’avril, en adéquation avec le calendrier du semestre européen. Il conviendrait de parvenir à un accord, au Sénat ou en commission mixte paritaire, sur ce point capital pour l’avenir de notre programmation des finances publiques.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, et compte tenu des propositions de la commission des finances, notre groupe votera unanimement le projet de loi de programmation des finances publiques. J’espère que vous saurez tenir bon face à ceux qui souhaitent, en dépit de déclarations contradictoires, majorer quelques crédits ou actions pour répondre à certaines demandes ; j’espère aussi qu’aucune crise financière ne viendra démolir l’ensemble des hypothèses économiques mondiales retenues.
Nous pensons que vous disposez de l’énergie nécessaire à la mise en œuvre de ce texte, c’est pourquoi nous le voterons ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)