Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements portent sur le même sujet mais ne procèdent pas exactement des mêmes intentions.
Madame Bricq, le régime des emplois à domicile devra subir en 2011 la suppression de l’abattement de 15 points de cotisations patronales. (Mme Nicole Bricq en convient.) Cela représente, aux yeux de beaucoup d’entre nous, un lourd effort, allant peut-être au-delà de ce qu’ils auraient souhaité. C’est une raison de plus pour ne pas dégrader le régime fiscal des emplois à domicile et pour ne pas toucher à la réduction d’impôt existante.
Pour cette raison, la commission est défavorable à votre amendement.
L’amendement du groupe RDSE, qui a été présenté par M. le sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, Denis Detcheverry, vise à transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt accordée aux retraités au titre de l’emploi de salariés à domicile.
Il est difficile, techniquement, de transformer dans la loi et en procédant par l’initiative parlementaire, une réduction d’impôt en crédit d’impôt. En effet, les règles de recevabilité financière, au titre de l’article 40, sont impératives et rendent cet exercice quasiment impossible. C’est pourquoi votre amendement, monsieur Detcheverry, prévoit que l’extension de l’avantage fiscal souhaitée ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû. De ce fait, le dispositif ne peut pas vraiment satisfaire votre objet – mais je ne crois pas que vous puissiez rédiger l’amendement de façon très différente – puisque vous souhaiteriez que la partie de la réduction qui excède l’impôt soit remboursée au titre du crédit d’impôt.
Votre amendement a aussi valeur de questionnement et il serait utile que le Gouvernement s’exprime à son sujet. Quant à la commission, pour des raisons essentiellement techniques, elle en demande le retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos I-217 et I-363.
Je signale que les mesures proposées dans l’amendement n° I-217 représentent 154 millions d’euros et, pour répondre à M. le rapporteur général, celles que prévoit l’amendement de M. Detcheverry, 959 millions d’euros.
Mme la présidente. L'amendement n° I-364, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 1 ter de l'article 200, il est inséré un 1 quater ainsi rédigé :
« 1 quater Lorsqu'un logement est loué à un organisme sans but lucratif en vue de sa sous-location à des personnes mentionnées au II de l'article L. 301-1 du code de la construction et de l'habitation, l'abandon total ou partiel du loyer par le propriétaire correspond à un abandon exprès de revenus ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue au 1. L'abandon de loyer est caractérisé soit par la fixation explicite d'un loyer inférieur d'un minimum de 30 % au loyer de marché, soit par une renonciation expresse, avec un minimum semblable, à la perception de tout ou partie du loyer prévu par le bail. »
2° Le 2 de l'article 200-0 A est complété par un c) ainsi rédigé :
« c) La réduction d'impôt prévu au 1 quater de l'article 200. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos I-213 et I-360 sont identiques.
L'amendement n° I-213 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° I-360 est présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa de l'article 200-0 A du code général des impôts, après les mots : « supérieure à », la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : « un montant de 15 000 euros. »
II. - Cette disposition s'applique aux revenus imposés au titre de l'année 2010.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° I-213.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement concerne également ces niches qui mitent notre fiscalité, mais il s’agit ici du plafond global de la réduction d’impôt sur le revenu procurée par les divers dispositifs d’exonération fiscale, ce plafond par lequel on prétend faire passer un rabot, auquel certains préféreraient une lime à ongles…
Dans la loi de finances pour 2010, les sénateurs, sur votre initiative, monsieur le rapporteur général, ont abaissé le plafonnement de 25 000 euros à 20 000 euros, auxquels s’ajoutent 8 % du revenu imposable. Le Gouvernement avait éprouvé quelques difficultés à accepter ce montage, mais, finalement, il avait fait montre de bonne volonté et s’était rendu aux arguments des sénateurs de la majorité, que nous avions du reste soutenus.
Toutefois, nous voudrions diminuer encore le niveau de ce plafonnement global. En effet, quand ce dernier avait été instauré, le Gouvernement et sa majorité avaient estimé qu’il représentait un gain budgétaire de 200 millions d'euros. Ce montant n’a jamais véritablement été confirmé, mais peut-être, monsieur le ministre, nous direz-vous quel est son effet réel.
En tout cas, nous considérons que l’on peut obtenir encore davantage de ressources fiscales en fixant à 15 000 euros le plafond et en se dispensant d’ajouter à ce montant une fraction du revenu imposable.
Une telle mesure aurait pour vertu de toucher, si je puis m’exprimer ainsi, les 10 000 plus gros contribuables bénéficiaires des niches fiscales. L’intérêt de notre proposition réside donc non pas seulement dans son rendement budgétaire, mais aussi et surtout dans sa capacité à limiter plus fortement et justement les effets d’aubaine liés à toutes les niches fiscales existantes. En effet, le contribuable aurait à arbitrer entre différents dispositifs d’incitation fiscale en fonction de ses revenus et de ses objectifs propres d’allocation. Cette solution n’est donc nullement attentatoire à la liberté de décision des individus.
Elle permettrait en outre de réduire rapidement et sensiblement le coût des dispositifs fiscaux dérogatoires, qui est passé, je le rappelle, de 50 milliards d'euros en 2002 à 75 milliards d'euros en 2010, et même à plus de 100 milliards d'euros si l’on considère globalement l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.
La réduction maximale de l’impôt obtenue grâce à la combinaison de plusieurs dispositifs serait ainsi de 15 000 euros, les divers plafonds applicables à chaque réduction ou crédit d’impôt restant bien sûr applicables.
Pour nous, mes chers collègues, il s'agit d’une mesure tout à fait essentielle.
Mme la présidente. L'amendement n° I-360 n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-317 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le montant : « 20 000 € », la fin du premier alinéa de l'article 200-0 A du code général des impôts est supprimée.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Si l’on s’en tient aux seules réductions et crédits d’impôt sur le revenu prévues par notre législation, on observe que le coût de l’ensemble des dispositifs existants est légèrement supérieur à 14 milliards d’euros.
Nous avons souligné que l’État renonçait à des sommes considérables pour alléger l’impôt sur le revenu. Si l’on se réfère à l’évaluation des voies et moyens, on se situe aux alentours de 41 milliards à 42 milliards d’euros de dépenses fiscales, qui se répartissent en trois tiers : les réductions et crédits ; les mesures de caractère général ; les dispositions spécifiques à certains revenus catégoriels, singulièrement ceux qui sont issus du capital, du patrimoine et de l’activité non salariée.
Ainsi, le coût de la seule taxation à taux particulier des plus-values serait compris entre 1,5 et 2 milliards d’euros, ce qui vaut bien des mesures de réduction d’imposition.
Notre position de fond sur la dépense fiscale est la suivante : il faut la réduire parce qu’elle nuit profondément au principe d’égalité devant l’impôt et il faut la recycler, de manière à dégager des marges qui serviraient à la fois à réduire le déficit et à repenser la dépense publique, en adéquation avec la réalité des besoins.
Autre paradoxe : on n’a toujours pas mis en place, avec l’allocation personnalisée d’autonomie, l’outil de lutte collective contre les effets de la dépendance des personnes âgées, mais on laisse croître la dépense fiscale liée aux emplois à domicile, au point de définir, cette année, des mesures que la plupart des acteurs du secteur ne comprennent pas.
De même, on réduit les crédits de la recherche, on précarise les conditions de travail des chercheurs eux-mêmes et on laisse perdurer un crédit d’impôt recherche qui se transforme en outil d’optimisation fiscale, les premiers bénéficiaires en étant les holdings de tête de nos grands groupes !
Les choix budgétaires et fiscaux induits par la dépense fiscale doivent donc être révisés de manière intégrale, objective et critique, d’autant que l’on ne s’attache qu’à l’impôt sur le revenu, ce qui permet de masquer le reste.
À force d’éclairer un seul point du débat, on peut laisser dans l’ombre tous les autres, comme la mise en pièces de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le rendement a été réduit d’au moins 20 %, ou les allégements de l’impôt sur les sociétés, qui dénaturent cette imposition en en réduisant le rendement de plus de 100 milliards d’euros si l’on en croit le Conseil des prélèvements obligatoires.
Une réduction de la dépense fiscale encore plus nette que celle qui figure dans le présent projet de loi de finances est donc l’une des pistes que nous devons suivre pour financer avec plus de souplesse encore le plan de relance économique dont nous avons besoin.
Un, trois ou cinq milliards d’euros de dépenses fiscales en moins, c’est autant de nouveaux titres d’emprunts publics que l’État n’aura pas à émettre. Or diminuer aujourd'hui notre dette, c’est le meilleur moyen de baisser les impôts de demain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Chers collègues, les propositions concernant le plafonnement global des niches doivent-elles être débattues en première ou en seconde partie de la loi de finances ?
Je comprends bien que les propositions qui nous sont soumises auraient un impact sur les revenus de 2010, et c’est pour cette raison que vous les présentez lors de la discussion de la première partie. Je ne vous cache pas que cela me pose problème, car changer la règle du jeu pour les contribuables alors que l’année 2010 est presque terminée, c’est leur faire subir un traitement qu’ils ne méritent peut-être pas.
Quant à s’interroger sur le niveau de ces plafonds en valeur absolue et en pourcentage pour les revenus de l’année 2011, pourquoi pas ? Peut-être le ferons-nous ensemble, chers collègues, mais lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
En vertu de ces éléments d’analyse et de ces interrogations, je vous serai tout à fait obligé de bien vouloir retirer ces amendements, pour que nous réexaminions, le cas échéant, des dispositions similaires lorsque nous aborderons l’article 58 bis, dans la seconde partie du projet de loi de finances.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° I-213.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste n’a pas cherché ici à créer un effet de surprise puisque nous avions déjà déposé un amendement similaire l’année dernière. Nous faisons notre travail d’opposition.
Je sais que M. le rapporteur général a des idées sur cette question et que les députés en ont eu également lorsqu’ils ont examiné la seconde partie du projet de loi de finances. De telles dispositions pourraient donc tout à fait être adoptées. Cela étant, nous pouvons les laisser de côté et y revenir lors de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, au vu des propositions que vous nous ferez alors, monsieur le rapporteur général, et même si nous sommes déjà quelque peu éclairés par le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale.
Nous déposerons alors de nouveau un amendement et j'espère que nous aurons une discussion fructueuse sur ce sujet.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-317 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-210 est présenté par M. Massion, Mmes Demontès et Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° I-359 est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa du 1 de l’article 200 quater C du code général des impôts est complété par les mots : « ou de logements achevés avant l’approbation du plan de prévention des risques technologiques qu’ils louent ou s’engagent à louer pendant une durée de cinq ans à des personnes, autres que leur conjoint ou un membre de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale. »
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° I-210.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement, dont mon collègue Marc Massion a pris l’initiative, vise à rétablir l’égalité entre les propriétaires, qu’ils soient résidents ou bailleurs, de logements situés dans les zones de prévention des risques technologiques, là où se trouvent les établissements industriels à risque fort, c'est-à-dire les établissements classés « Seveso ».
Ces zones se situent souvent dans les vallées industrielles, par exemple le long de la Seine, notamment en aval de Paris – sachant que, en amont, bien des industries ont malheureusement disparu –, ou encore dans le sillon rhodanien.
La loi Grenelle 2 a instauré un crédit d’impôt pour les travaux obligatoires de sécurité, afin de renforcer les habitations situées au sein du périmètre d’un plan de prévention des risques technologiques. Or cette mesure ne bénéficie qu’aux propriétaires résidents et ignore les bailleurs sociaux. Il y a là une inégalité véritablement aberrante !
Nous proposons donc que ce dispositif, qui a été adopté par la majorité sénatoriale, profite aussi aux bailleurs sociaux. En effet, nous ne voyons pas pourquoi ceux-ci seraient pénalisés par rapport aux autres, sachant qu’ils subissent déjà le prélèvement HLM, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.
J’ajoute que ce cas pose un problème général, monsieur le ministre : qu’appelle-t-on une niche fiscale ?
Mme Nicole Bricq. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, vous avez de cette notion une vision sélective et arbitraire. En fait, c’est le ministre du budget qui décide si un dispositif constitue ou non une niche.
J’ai été très surprise de constater – même si, à la limite, je peux comprendre le raisonnement suivi – que certaines dispositions de l’article 200 quater C du code général des impôts, introduites par la loi Grenelle 2, avaient été supprimées lors de l’examen de la seconde partie du PLF, sur l’initiative du rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale et au motif qu’il s'agissait d’une niche fiscale. Voilà qui prouve l’absurdité de ce genre de dispositifs !
Lorsque nous débattrons de la fiscalité, l’an prochain et au moment de la campagne présidentielle de 2012 – ce qui nous permettra, je l’espère, de confronter directement nos projets en la matière –, nous réaffirmerons notre position, qui consiste à rompre avec ce système absurde.
En effet, la France compte près de 500 niches fiscales ; à cet égard, nous sommes les champions ! Si nous voulons aider certains secteurs, pour des motifs sociaux, environnementaux ou économiques, nous devons mettre en place des subventions. Il faut en finir avec ce mitage de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.
Pour en revenir à l’objet de cet amendement, nous proposons de corriger une situation aberrante puisque, je le répète, il existe dans ces vallées industrielles une inégalité entre les propriétaires résidents et les bailleurs sociaux, au détriment de ces derniers, qui ne sont pourtant pas forcément dans une situation financière des plus favorables et dont les locataires ne ressortissent pas aux couches les plus aisées de la population.
Vous pensez bien qu’il n’est très plaisant pour les habitants de ces zones, qui sont déjà confrontés à des risques technologiques, de constater que leur immeuble HLM n’est pas mis aux normes de sécurité. Là, on frise l’absurdité sociale : des personnes qui habitent dans ces périmètres et qui, a priori, ne se situent pas en haut de l’échelle sociale se voient, de surcroît, pénalisés au regard de leur sécurité dans leur logement !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce matin, notre collègue Marc Massion nous a sensibilisés à ce sujet. Cependant, la commission n’a pas été favorable à son amendement, car celui-ci tend à élargir une niche fiscale.
Madame Bricq, la définition des niches fiscales est en effet éminemment relative.
Mme Nicole Bricq. N’est-ce pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sartre disait : « L’enfer, c’est les autres ». On pourrait dire, en matière de fiscalité : « La niche, c’est les autres. » (Sourires.) Autrement dit, une niche fiscale, c’est allégement de fiscalité dont les autres bénéficient !
Tout au long de la préparation de cette loi de finances, je n’ai pas rencontré un seul bénéficiaire d’un régime privilégié qui qualifie lui-même ce dernier de « niche ». En général, les lettres que nous recevons sur ce sujet commencent par la phrase : « Le régime n° … n’est pas une niche fiscale, car je peux invoquer en sa faveur un intérêt général de tout premier rang. »
Ce n’est d'ailleurs pas totalement faux : si le législateur a fait des encoches dans les assiettes des impôts, c’est bien en vertu de considérations d’intérêt général ; sinon, il en aurait été empêché.
Cela étant dit, madame Bricq, j’ai le sentiment qu’il y a un léger écart entre l’explication que vous avez développée et le contenu de l’amendement. En effet, alors que, dans votre propos, vous avez particulièrement mis l’accent sur les bailleurs sociaux, l’amendement est, lui, d’une portée tout à fait générale.
Le crédit d’impôt que vous sollicitez serait égal à 40 % du montant des dépenses engagées dans la limite de 30 000 euros par logement. Il s’appliquerait aux dépenses effectuées entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013. À notre sens, rien ne garantit que le bailleur ne puisse pas récupérer au moins une partie de ces dépenses auprès du locataire.
Nous sommes bien sûr prêts à prendre en considération la situation particulière des communes frappées par un plan de prévention des risques technologiques. Cependant, dans la conjoncture actuelle, le signal donné par la création d’un nouveau crédit d’impôt ne nous semble pas aller exactement dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pu émettre un avis favorable sur cet amendement.
Toutefois, si le Gouvernement éclairait notre lanterne de manière différente, nous pourrions naturellement réexaminer ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Je crains d’échouer, monsieur le rapporteur général, dans la mission que vous semblez m’assigner, car le Gouvernement émet le même avis que la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je souhaite simplement proposer à M. le rapporteur général à et M. le ministre d’aller expliquer aux bailleurs sociaux et aux résidents concernés que, à leurs yeux, ceux-ci demandent à bénéficier d’une niche…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas un déshonneur !
Mme Nicole Bricq. Sur le plan politique, ce sera sûrement très facile à expliquer !
Du reste, il ne s’agit pas ici de créer une niche : vous avez tous déjà voté la création du crédit d’impôt dans le Grenelle 2 !
J’affirme simplement qu’il n’est pas justifié que les bailleurs sociaux ne soient pas considérés comme les autres propriétaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Dans ce cas, limitez la portée de votre amendement aux bailleurs sociaux !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. L’amendement de nos collègues du groupe socialiste pose le problème de la mise aux normes de sécurité des bâtiments et notamment des ensembles locatifs.
En effet, dans les dispositions issues du Grenelle 2, figure un crédit d’impôt destiné à la réalisation des travaux de mise en sécurité des bâtiments qui sont exposés aux risques technologiques. Comme l’a précisé notre collègue Nicole Bricq, il s’agit des bâtiments construits dans les zones Seveso, qui pourraient se trouver directement concernés par tout accident industriel susceptible de se produire dans ces secteurs.
Les plans de prévention des risques technologiques, ou PPRT, étant en phase de conception, nous allons sans doute nous retrouver avant peu avec un nombre croissant de bâtiments, y compris des logements, directement concernés par leurs prescriptions. Bien entendu, un certain nombre de ces logements sont des logements locatifs et, singulièrement, des logements locatifs sociaux. Or le crédit d’impôt ne vise, pour le moment, que les travaux effectués par un propriétaire sur son habitation principale et il ignore le cas spécifique des locataires.
C’est à cette distorsion que nos collègues socialistes entendent mettre un terme avec leur amendement, et nous approuvons leur démarche, sous réserve que lesdits logements relèvent effectivement de la législation relative au logement social.
Au-delà du cas particulier des bailleurs privés, qui peuvent être concernés par le présent amendement, il conviendra d’examiner de quelle manière les travaux qui seront rendus nécessaires par les PPRT ainsi que par les PPRI, les plans de prévention des risques d’inondation, pourront être financés avec le concours de l’État et les formes que ce concours pourra prendre.
C’est la raison pour laquelle le groupe CRC-SPG votera cet amendement, qui concerne des parties importantes de départements à forte tradition industrielle. Nous espérons que des mesures spécifiques seront prises en direction des bailleurs sociaux.
Mme la présidente. L'amendement n° I-211, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le IV de l'article 200 sexies du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les montants prévus aux I, II, III et IV sont actualisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondis à la dizaine d'euros la plus proche. »
II. - La disposition mentionnée au I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L’objet de cet amendement est bien connu du rapporteur général et peut-être du ministre car, depuis que le barème de la prime pour l’emploi a été gelé, nous réclamons qu’un parallélisme soit instauré avec l’impôt de solidarité sur la fortune, pour lequel a été introduit un dispositif d’indexation sur l’inflation. En effet, la première tranche du barème de l’ISF, qui n’est pourtant pas si basse, est relevée d’année en année, ce qui permet d’exonérer de cet impôt un certain nombre de personnes.
Nous voulons que, par homothétie avec l’ISF, il soit mis fin au gel du barème de la prime pour l’emploi, de manière qu’il profite à ceux qui en ont le plus besoin.
Mais je n’insisterai guère, car je connais par avance la punition que cet amendement va recevoir : un avis défavorable et de la commission et du Gouvernement. On peut toujours espérer une bonne nouvelle, mais je sais que la prime pour l’emploi n’est pas beaucoup appréciée sur les travées de la droite. D’ailleurs, lors de la création du RSA, des velléités de suppression de cette prime s’y étaient manifestées.
Je veux néanmoins ajouter que c’est encore un des signes qui montrent que notre système d’imposition du revenu est vraiment à bout de souffle. Afin que la prime pour l’emploi profite vraiment à ceux qui en ont besoin, il serait utile de mettre en place un impôt sur le revenu avec une assiette élargie ; c’est une des propositions que nous ferons.
Nous souhaitons que l’impôt sur le revenu soit autant que possible non mité, progressif, qu’on y intègre la CSG et la prime pour l’emploi. C’est à ces conditions que nous aurons un impôt sur le revenu large, redistributif et ainsi conforme à sa vocation originelle.
En attendant, nous vous proposons d’indexer la prime pour l’emploi sur l’inflation, comme c’est le cas pour l’ISF aujourd’hui ; du reste, cette indexation était appliquée il y a encore trois ans.