Mme Nicole Bricq. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° I-255 rectifié. Ces deux amendements ont un objet un peu différent de celui des amendements précédents.
L’amendement n° I-258 rectifié concerne l’ISF et les liens incestueux qu’il entretient avec le bouclier fiscal pour permettre à certaines personnes de s’exonérer de la contribution à l’impôt.
De la même façon qu’on institue un plafonnement global des « niches fiscales » à l’impôt sur le revenu, il paraît légitime d’instaurer un plafonnement global des niches fiscales à l’impôt de solidarité sur la fortune qui se sont également multipliées.
Il n’est pas acceptable que la mise en place du bouclier fiscal conduise à créer une nouvelle niche fiscale parmi les plus importantes, au bénéfice des redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune. Il s’agit, si je puis dire, d’une « double niche ».
Le bouclier fiscal représente, en réalité, une mise en cause insidieuse de l’ISF.
Nous proposons que son application ne puisse avoir pour effet de réduire l’imposition due par le contribuable au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune en dessous d’une cotisation minimale calculée pour chaque tranche d’imposition du patrimoine.
L’adoption de l’amendement n° I-258 rectifié ne conduirait pas à relever la cotisation d’impôt de solidarité sur la fortune due par un contribuable par rapport à celle qui est payée hors application du bouclier fiscal. Par le biais de cet amendement, nous voulons simplement nous assurer que des contribuables redevables de l’ISF ne pourront pas purement et simplement annuler leur cotisation grâce à l’application du bouclier fiscal, mais qu’ils resteront redevables d’une cotisation minimale à ce titre.
L’amendement n° I-255 rectifié a pour objet de remettre en cause les transferts fiscaux organisés par la majorité parlementaire pour l’ensemble des ménages, mais surtout en direction d’une petite fraction de contribuables redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune qui représentent moins de 2 % des contribuables français.
L’article 885 I quater du code général des impôts permet, en effet, à un contribuable de bénéficier d’un abattement des trois quarts de la valeur réelle de ses placements dans une ou plusieurs entreprises, à la condition qu’il y exerce, ou y ait exercé, des fonctions de salarié ou de mandataire social.
Plus grave, cette exonération est accordée pour les titres détenus depuis plus de trois ans par un mandataire ou un salarié qui quitte une entreprise pour partir en retraite.
Très directement, ce dispositif vise les salariés et, surtout, les mandataires ayant acquis des titres au travers de mécanismes tels que les stock-options.
Non seulement le Gouvernement a refusé, malgré la multiplication du nombre de scandales depuis 2002, de moraliser réellement ces dispositifs, mais il offre, au contraire, à leurs bénéficiaires de nouveaux cadeaux fiscaux.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je m’efforcerai de faire un commentaire global sur tous ces amendements d’inspiration diverse. (Mme Nicole Bricq fait une moue dubitative.)
Ma chère collègue, cette diversité ne ressort pas des arguments qui ont été avancés, mais elle apparaît à la lecture de tous les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui nous sont soumis. J’en veux pour preuve l’amendement de notre collègue Philippe Dominati qui tend à supprimer l’ISF.
M. Philippe Dominati. Mon amendement sera appelé en discussion ultérieurement !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je me permets d’anticiper légèrement, mon cher collègue.
Les membres des groupes de l’opposition souhaitent la suppression immédiate du bouclier fiscal, mais j’aurais tendance à dire, mes chers collègues, que vos approches sont, en quelque sorte, complémentaires. On pourrait les conjuguer, dans la mesure où plusieurs amendements visent à modifier le calcul du bouclier fiscal ou celui de l’ISF.
M. Nicolas About. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À cet égard, les amendements présentés par M. About, notamment, qui s’inscrivent dans le cadre de la législation fiscale telle que nous la connaissons depuis 2007 tendent à apporter des correctifs au calcul du bouclier fiscal.
L’ensemble de ces préoccupations doivent certainement rejoindre la réflexion d’ensemble sur la nouvelle stratégie fiscale qu’il convient de mener à bien pour ce qui concerne les impôts sur le patrimoine et les revenus du patrimoine.
La commission des finances du Sénat a défendu, vous le savez, au cours de plusieurs discussions budgétaires, une position synthétique dont nous nous rapprochons ces jours-ci, du moins dans les intentions. Elle reposait sur ce que nous avons appelé une « trilogie », un « triptyque ».
Le premier élément concerne la suppression du bouclier fiscal.
Ce dispositif se concevait fort bien dans une période de baisse tendancielle de la fiscalité. Mais, dès lors que l’on demande à nos concitoyens de faire des efforts en cette période postérieure à la crise, il est clair qu’il n’est pas supportable d’en excepter les mieux pourvus d’entre eux. Et cette seule constatation conduit à condamner politiquement, de façon probablement irréversible, le bouclier fiscal.
Le deuxième terme, indissociable du premier, a trait à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, outil de délocalisation de capitaux. Cet impôt repose sur la déclaration de valeur vénale que le contribuable a de la peine à établir, surtout s’il s’agit d’un redevable se trouvant à la limite de l’imposition ou dont une part significative de l’imposition provient de la valorisation d’un principal actif, par exemple, une résidence principale.
La commission des finances a toujours eu pour préoccupation, voire pour obsession, d’éviter une réforme fiscale qui ait des conséquences financières sur le solde des administrations publiques et se traduise, en d’autres termes, par un déficit supplémentaire.
La réforme de la taxe professionnelle que nous avons dû mener à bien l’année dernière s’est traduite, elle, par une majoration annuelle récurrente de 5 milliards d’euros du déficit des administrations publiques.
Nous ne pouvons nous permettre de perdre un seul euro avec la réforme fiscale de l’imposition du patrimoine ; il me semble que cette vision est aujourd'hui partagée à la quasi-unanimité.
La suppression du bouclier fiscal et de son enfant, dont je ne sais s’il est naturel ou légitime, l’ISF – vos propos n’ont pas été très éloignés, chère Nicole Bricq – impliquent des compensations, qui font l’objet du troisième et dernier élément de la trilogie.
M. Jean-Pierre Fourcade. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Plusieurs pistes ont été évoquées, chemin faisant, par les uns et les autres, et il va falloir y mettre bon ordre.
Il faut savoir que la fiscalité de l’épargne, en d’autres termes la fiscalité des revenus du capital, n’est pas sans limite. On peut d’ailleurs établir des comparaisons avec les régimes fiscaux existants chez nos voisins.
De plus, en matière de barème d’impôt sur le revenu, sans doute est-il possible d’instituer une tranche marginale supplémentaire, de manière à achever d’équilibrer l’opération en faisant en sorte que la réforme soit réalisée dans un esprit d’équité. Cette réforme doit témoigner d’une vraie simplification en étant lisible et compréhensible.
J’ajouterai un dernier point, qui soulève un paradoxe.
Nous allons consacrer sans doute un temps non négligeable – mais le sujet le mérite ! – à évoquer les niches de l’ISF, notamment la plus belle d’entre elles, très harmonieuse, très bien façonnée, pourrais-je dire, par les métiers d’art que nous incarnons à cet égard, à savoir la réduction d’ISF en cas d’investissement dans les PME.
Connaissez-vous, mes chers collègues, le sujet du jour ?
Des inquiétudes apparaissent dans certains milieux, et on commence à entendre : mais si vous supprimez l’ISF, que deviendra ce régime si intéressant pour le financement des entreprises ? C’est assez paradoxal, mais si l’on pousse cette réflexion à l’extrême, certains interlocuteurs vont nous demander de supprimer l’ISF, mais de garder la niche, en créant un crédit d’impôt pour un impôt qui, par hypothèse, n’existerait plus ! (Sourires.) J’espère que nous n’en arriverons pas là, mais un tel raisonnement montre les contradictions intimes qui caractérisent la fiscalité à la française.
Mes chers collègues, nous avons quelques mois – en réalité, quelques semaines seulement ! – pour préparer le débat sur le projet de loi de finances rectificative.
Toutes vos idées seront prises en compte. Il était parfaitement utile et opportun de les exprimer. Toutefois, vous comprendrez que la commission des finances vous appelle, les uns et les autres, à retirer vos amendements ici et maintenant, toutes ces propositions devant s’intégrer dans un raisonnement plus global et être mises en perspective. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne saurais que faire, avec les mêmes mots, le même développement que M. le rapporteur général, car l’avis du Gouvernement est évidemment identique à celui de la commission.
Le présent débat sur la manière de repenser, de façon ordonnée et cohérente, notre système fiscal est important, personne ne le nie. Des arguments ont été développés avec modération. Les propositions figurant dans la série d’amendements que nous examinons, dont je comprends parfaitement la logique, apportent une pierre à notre réflexion commune.
Des éléments nouveaux ont été présentés par rapport au débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale ces dernières semaines. Ils tiennent compte de l’évolution du contexte budgétaire et financier.
Toute la question a été très bien résumée par M. le rapporteur général : faut-il supprimer le bouclier fiscal maintenant ou attendre un peu ?
Plusieurs faits militent en faveur de la seconde solution. D’abord, nous sommes dans un cadre budgétaire et non spécifiquement fiscal. On peut donc décaler.
Ensuite, le Président de la République a demandé à la Cour des comptes de procéder à une comparaison des dispositifs français et allemand. Il est important d’avoir l’avis de cette instance, qui apporte toujours des éléments pertinents à notre réflexion globale.
En conclusion, le Gouvernement souhaite le retrait de l’ensemble de ces amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable. Mais sachez qu’il tient compte, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos arguments, dont aucun ne mérite d’être balayé d’un revers de main.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Voilà un moment important. Le grand soir fiscal promis par le Président de la République et la majorité pour le mois de juin prochain, ou en tout cas avant l’été, ne saurait être remis à plus tard, alors que nous pouvons agir dès aujourd’hui.
Notre proposition est fondamentalement différente de celles qui nous sont régulièrement faites par MM. Marini et Arthuis avec leur fameuse trilogie.
Pour nous, je l’ai indiqué lors de la discussion générale, la suppression du bouclier fiscal n’est pas une monnaie d’échange, ni une contrepartie à l’ISF ; c’est un préalable à toute réforme fiscale de fond.
Même si je vous suis sur votre terrain et si je prends en compte, pour la combattre, l’argumentation que vous développez, votre trilogie ne fonctionne pas car, en refusant de vous attaquer aux revenus du capital et même au capital, vous savez très bien que vous êtes loin du compte !
Il faut, dites-vous, augmenter la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu. Faites une grande réforme de l’impôt sur le revenu, affichez les taux réels et appliquez l’effort contributif à toutes les tranches, et particulièrement à celles du haut ; vous avez largement de quoi faire ! Mais comme vous ne voulez pas vous attaquer au prélèvement libératoire, proportionnel et non progressif, vos marges de manœuvre sont bien évidemment très limitées. Aucun des subterfuges que vous pourrez trouver ne permettra jamais de combler ce que représente l’impôt sur la fortune. Par conséquent, même en vous suivant sur votre terrain, je peux être d’autant moins d’accord avec vous que vous mélangez patrimoine et revenu du travail. Vous « larguez » une recette de 4,1 milliards d’euros pour l’année écoulée contre un produit dont le coût devrait être de 665 millions d’euros. Le compte n’y est pas !
Je voudrais également revenir sur vos justifications d’un bouclier fiscal à 50 % dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, appellation fallacieuse d’encouragement au travail, car on a vu ce qu’il en était...
Tous les chiffres de 2008 et de 2009 le montrent, il faut avoir un patrimoine très important, de 15 millions d’euros, pour bénéficier de l’effet maximal du bouclier fiscal. Cela signifie que vous n’encouragez absolument pas le travail. Vous favorisez la rente et la thésaurisation. Mieux vaut être rentier, y compris rentier retraité, que créateur d’entreprise. Alors ne venez pas nous faire la leçon par rapport à vos objectifs de 2007 !
De plus, vous avez justifié le bouclier fiscal en disant que, dans un contexte de compétition internationale, cette mesure empêcherait les départs – ce qui n’a pas été constaté – et favoriserait les retours. Mais le petit mouvement de retour qui a eu lieu en 2008 était dû à l’effet de la crise plutôt qu’au bouclier fiscal ! Par conséquent, même sur l’argumentation liée à l’efficacité, vous n’êtes pas au rendez-vous.
Pour toutes ces raisons, permettez que l’on supprime le bouclier fiscal dès aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais vous dire combien la tentation est forte de voter l’abrogation du bouclier fiscal,...
Mme Nicole Bricq. Succombez-y !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... car le réquisitoire est accablant !
M. Bernard Vera. Mais oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Lorsque nous avions voté cette mesure, nous pensions qu’elle s’appliquait au revenu de référence. Mais, en fait, elle vise le revenu fiscal, c’est-à-dire après déduction des abattements, réductions, tout ce qui est le fruit de la surabondance des niches fiscales. Par conséquent, le bouclier fiscal est une injustice absolue.
M. Bernard Vera. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De plus, l’objectif visé était de permettre le retour des capitaux. Mais, manifestement, cela n’a pas marché ! Lorsque l’on doit augmenter l’impôt, c’est un drame, car seuls contribuent ceux qui ne bénéficient pas du bouclier fiscal.
Pour faire simple, on vient de voter un point supplémentaire d’imposition, ce qui est une grande simplification dans la fiscalité : une partie de l’impôt est dans le bouclier, l’autre en est exclue. C’est un argument supplémentaire accablant !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faut le dynamiter !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Enfin, l’Europe venant de porter le coup de grâce, il ne reste plus un seul argument en faveur du maintien du bouclier fiscal. Il faut donc le supprimer.
Mme Nicole Bricq. Et tout de suite !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela dit, si nous votions maintenant sa suppression, cette disposition aurait un caractère rétroactif. Or nous devons nous prémunir contre une telle rétroactivité. En même temps, le fait de devoir attendre le printemps prochain me met dans l’embarras, car la mesure non seulement sera aussi rétroactive, mais ne s’appliquera qu’en 2013.
Chers collègues, un vote en première partie de la loi de finances entraînant une rétroactivité de la mesure, je vous proposerai une disposition identique en deuxième partie, afin que la mesure s’applique en 2011 sur les produits fiscaux de 2012.
S’agissant des contreparties, Philippe Marini a admirablement justifié le triptyque. Mais, selon moi, il conviendra de s’orienter vers une tétralogie. En effet, le produit de l’impôt sur le revenu, y compris avec une tranche supplémentaire fixée à 45 %, ne suffira pas à gager la perte de ressources.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par conséquent, nous devrons revoir le barème et les assiettes d’imposition des plus-values mobilières et immobilières.
Dans les amendements que je proposerai au nom de la commission des finances et, à défaut, à titre personnel, il sera prévu de mettre à contribution les plus-values dans une optique d’équité, car c’est cela qui nous préoccupe. Et il faut simplifier considérablement.
J’entends bien aussi les appels de tous ceux qui ont monté des opérations de défiscalisation, des officines, des holdings, et mis au point des opérations assez sophistiquées au demeurant, fruit d’une belle intelligence ! Demain, ils vont nous expliquer que c’est dramatique, car la suppression du bouclier fiscal va détruire des emplois. Ne résistons pas à la tentation d’introduire plus de simplicité en supprimant un certain nombre de pages du code général des impôts.
Cette supplique me rappelle les propos que j’entendais à une époque où, exerçant des responsabilités gouvernementales, j’envisageais d’abaisser le taux marginal d’impôt sur le revenu. Je recevais des lettres accablantes de protestations de ceux qui vendaient de la défiscalisation. Ils m’expliquaient que leur argument de vente était justement ce taux marginal qu’ils rêvaient de voir pratiquement fixer à 100 %.
Arrêtons ces opérations totalement artificielles et profondément scandaleuses ! Je vais donc résister à la tentation de voter ces amendements tendant à l’abrogation du bouclier fiscal, mais je ne résisterai pas à celle de déposer un amendement en faveur d’une tétralogie en deuxième partie du projet de loi de finances.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je tiens à expliquer mon vote sur la suppression du bouclier fiscal, car c’est l’un des principaux points auxquels nous tenons dans la discussion de ce projet de loi de finances.
Je remercie M. le président de la commission des finances de ses propos, qui montrent, tout comme l’expérience vécue depuis trois ans, la pertinence des arguments que nous avions avancés lorsque nous avions abordé ce problème en 2007.
Après l’intervention de M. Jean Arthuis et l’explication de vote de Mme Nicole Bricq, permettez-moi de répondre à la justification selon laquelle ce n’est pas le bon moment pour supprimer le bouclier fiscal.
Le premier argument qui nous a été opposé est que, cette suppression devant s’inscrire dans une nouvelle stratégie fiscale, il était nécessaire d’attendre l’année prochaine pour trouver une solution allant dans le sens d’une simplification.
Je ne trouve pas mon compte dans cet argument lié à la simplification qui nous a déjà été opposé à l’occasion de la réforme de la taxe professionnelle proposée l’année dernière.
En effet, le système étant devenu totalement aberrant, il fallait aussi de la simplification, mais il était trop compliqué pour les entreprises de réformer immédiatement la taxe professionnelle ! Le dispositif d’adaptation qui s’avère nécessaire, mois par mois, année après année, est loin d’être achevé et l’on constate le résultat de cette simplification et la situation complexe dans laquelle on se trouve aujourd’hui.
Mme Nicole Bricq. Oh oui !
M. François Marc. Je crains vraiment que nous n’ayons du mal à concevoir cet argument de simplification eu égard à ce qui s’est passé l’année dernière !
Le second argument est qu’il faut tendre vers plus d’équité. Mes chers collègues, sur quoi se fonde cette idée de loi unique pour une nouvelle stratégie fiscale ? Sur une idée qui est essentielle, que l’on entend depuis des années et qui est simple dans l’esprit de ceux qui veulent la mettre en avant : il faut supprimer l’ISF. Il n’y a aucune raison plus forte que celle-là !
Parler aujourd’hui d’équité et d’amélioration de la justice fiscale dans notre pays, alors même que le fondement de cette stratégie nouvelle est de supprimer l’ISF, c’est vraiment être à côté de l’objectif visé.
Par conséquent, nos arguments en faveur de la suppression immédiate du bouclier fiscal sont incontestables. Certes, nous pourrions souscrire à l’idée du président de la commission des finances, qui préférerait attendre la deuxième partie du projet de loi de finances.
Ces amendements méritent, par principe, d’être soumis aujourd’hui même au vote.
Au regard de tous ces arguments, le moment semble incontestablement venu, mes chers collègues, de supprimer le bouclier fiscal, qui fait tant de mal à notre pays et démotive profondément nombre de nos concitoyens. Ces derniers perdent ainsi le sens de l’initiative et ressentent un sentiment d’injustice.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat, tout à fait passionnant, me rappelle ma jeunesse, ce qui est très agréable.
À l’époque où j’exerçais des fonctions gouvernementales, j’avais créé un impôt sur les plus-values intégré dans l’impôt sur le revenu. Or, depuis 1975, le Parlement n’a eu de cesse de sortir les plus-values de l’assiette du barème progressif de l’impôt sur le revenu, en créant des éléments de taxation forfaitaires et proportionnels. J’observe donc avec plaisir que la tendance s’inverse aujourd’hui…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. Au nom du groupe UMP, je souhaite affirmer de la manière la plus claire qu’il n’est pas question de supprimer le bouclier fiscal et l’ISF sans rétablir une imposition équivalente pour ne pas grever le budget de l’État dont l’assiette intègre les plus-values et les revenus du capital.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais pas seulement !
M. Jean-Pierre Fourcade. J’insiste sur ce point, car j’entends dire un peu partout, notamment dans cette enceinte, je lis dans la presse que l’on va concéder un nouveau cadeau aux classes possédantes et aux riches ! Or l’étude sérieuse à laquelle nous allons nous livrer dans les mois prochains pour supprimer le bouclier fiscal et l’ISF doit déboucher sur une taxation des revenus du patrimoine et des plus-values.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela ne suffira pas !
M. Jean-Pierre Fourcade. Peut-être faudra-t-il modifier également la progressivité de l’impôt sur le revenu.
Quoi qu’il en soit, il n’est pas question, dans la conjoncture budgétaire actuelle et étant donné l’endettement de notre pays, de priver l’État de 4 ou 5 milliards d’euros de recettes ! Il faut le dire de la manière la plus claire, pour éviter tout malentendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. J’ajouterai simplement quelques mots, à la suite des interventions tout à fait, pédagogiques et lumineuses de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission des finances.
L’ISF, comme le bouclier fiscal, a des effets pervers – je pense notamment aux délocalisations –, qui engendrent des injustices. Alors que nous nous efforçons, d’année en année, d’améliorer ces deux dispositifs, nous ne réussissons qu’à les compliquer davantage et à les rendre illisibles. Il est temps de renoncer aux ajustements.
Je me revois ici même, à ce micro, l’année dernière, et peut-être même voilà deux ans, plaidant, comme Jean Arthuis tout à l’heure, en faveur de cette fameuse trilogie, qui s’est depuis enrichie et pourrait devenir une tétralogie.
Je me tournais alors vers mes collègues siégeant sur la gauche de cet hémicycle, leur faisant valoir que la suppression du bouclier fiscal devait être mise en perspective avec une remise en cause de l’ISF. Puis je m’adressais à mes collègues de la majorité, expliquant que, s’ils souhaitaient voir l’ISF disparaître, leur position sur le bouclier fiscal devrait forcément évoluer.
Je constate aujourd’hui que nous avons progressé en la matière. M. le président de la commission a raison de nous proposer d’étudier ce problème au cours de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, pour des questions de rétroactivité.
L’année dernière, l’ensemble des membres de mon groupe avaient demandé un scrutin public sur un amendement relatif à ce sujet. Nous avions alors été les seuls à nous prononcer en faveur de cette trilogie, future tétralogie. Mais les temps n’étaient peut-être pas venus ! Aujourd’hui, il semble que la situation ait évolué. Je souhaite que nos propositions se concrétisent à l’occasion de l’examen de la deuxième partie de ce projet de loi de finances pour 2011.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-157 rectifié et I-313 rectifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont demandé le retrait de ces amendements.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 104 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 180 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° I-249 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-139 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-156 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-155 rectifié et I-254 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-251 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-158 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-257 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-422 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-256 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-419 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-250 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-258 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-333 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre de 2011 et des années suivantes font l'objet d'une majoration de 10 %.
Les dispositions des articles premier, 885 I bis, 885 I quater, 885 0-V bis et 1649-0 A du code général des impôts ne sont pas applicables à la majoration.
Cette majoration est constatée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que l'impôt de solidarité sur la fortune.
II. - Pour l'année 2011, les redevables doivent acquitter la majoration au plus tard le 30 juin 2011 auprès de la recette des impôts de leur domicile au 1er janvier 2011.
La parole est à M. Bernard Vera.