M. Jean Arthuis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de libérer la conscience des gestionnaires de « carried interest », qui ont parfois l’impression de bénéficier d’avantages excessifs.
Je souhaite rappeler quelques éléments. Les parts ou actions dites de « carried interest » ou « à rendement subordonné » sont attribuées aux gestionnaires d’entités de capital-investissement et peuvent constituer une proportion importante de leur rémunération au terme de la période de gestion. Elles ont été conçues avant tout comme un instrument d’intéressement et permettent donc aux gestionnaires de bénéficier d’une fraction importante, généralement de 20 %, de la surperformance du fonds ou de la structure au-delà d’un certain seuil.
Cette surperformance ne prend pas la forme d’une rémunération avec les impositions et les cotisations sociales qui s’y attachent. En revanche, elle peut prendre la forme d’une plus-value et être taxée comme telle. L’unité de comptes n’est pas seulement en milliers d’euros ; parfois, il s’agit de millions d’euros.
L’article 15 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a encadré le régime fiscal de ces produits. La taxation proportionnelle selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières ne s’applique que si certaines conditions, en particulier de seuil et de durée d’investissement dans le fonds par les gestionnaires, sont remplies. Le retour sur la surperformance du fonds est également plafonné à 20 %.
Si ces conditions ne sont pas respectées, les revenus de la cession sont assimilés à des salaires, donc soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales.
Ce régime concerne ainsi les fonds communs de placement à risque, les fonds communs de placement pour l’innovation, les fonds d’investissement de proximité et les sociétés de capital-risque de droit français, et a été étendu aux entités européennes équivalentes. L’ensemble est codifié dans les articles 80 quindecies, 150-0 A et 163 quinquies C du code général des impôts, et un décret du 20 octobre 2009 a précisé les modalités d’application du dispositif.
Il se trouve que les intéressés peuvent tirer profit d’un placement dans un plan d’épargne en actions, un PEA, ce qui n’a manifestement pas été prévu pour eux. Il me paraît donc indispensable d’exclure cette possibilité. Sans doute me rétorquerez-vous que d’autres modes d’utilisation du PEA appelleraient également des commentaires critiques et pourraient faire l’objet d’apurements… Il serait temps de définir un bon usage de ces plans, madame la ministre !
Le présent amendement vise donc à étendre une telle interdiction aux titres d’entités européennes de capital-investissement, comme cela est prévu par le titre IV de l’article 78 de la loi du 28 décembre 2001 de finances pour 2002. Il procède également à une double codification de cette nouvelle disposition dans le code monétaire et financier et de l’ensemble des dispositions de ce même titre IV dans le code général des impôts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission soutient cette initiative du sénateur Jean Arthuis. D’ailleurs, il s’agit d’une extension nécessaire et bienvenue de l’article 15 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, qui résultait lui-même de l’adoption d’un amendement déposé à l’époque par notre collègue.
La commission a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° I-120, qui tend à compléter le travail effectué au mois de décembre 2008.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est tout à fait favorable à l’amendement qui vient d’être présenté par le sénateur Jean Arthuis.
D’une part, cet amendement a pour objet de compléter le dispositif anti-cumul des avantages du régime des parts de « carried interest » avec d’autres avantages fiscaux.
D’autre part, il vise à inscrire dans le code général des impôts ou dans le code monétaire et financier des dispositifs qui n’y figuraient pas jusqu’à présent.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 14.
L'amendement n° I-395, présenté par M. Leleux, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du f du 1 de l'article 200 du code général des impôts, après les mots : « d'organismes publics ou privés », sont insérés les mots : « , y compris de sociétés de capitaux dont les actionnaires sont l'État ou un ou plusieurs établissements publics nationaux, seuls ou conjointement avec une ou plusieurs collectivités territoriales, ».
II. - Le I est applicable aux versements effectués au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Le sous-amendement n° I-467, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l'amendement n° 395
Remplacer les mots :
aux versements effectués au titre des exercices ouverts
par les mots :
aux dons et versements effectués.
L’amendement n° I-395 n'est pas soutenu.
En conséquence, le sous-amendement n° I-467 n'a plus d'objet.
L'amendement n° I-335, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l'article 779 du code général des impôts, le montant : « 156 974 € » est remplacé par le montant : « 60 000 € ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les mesures contenues dans les articles 8, 9 et 10 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ou loi TEPA, ont constitué, en leur temps, une sérieuse amorce de la réforme de la fiscalité du patrimoine.
En effet, alors que le lien entre travail, emploi, pouvoir d’achat et imposition du patrimoine demeure relativement ténu, ces trois articles ont procédé à une réforme sensible de l’imposition des successions et donations. Au demeurant, ils constituent une sorte de concentré de ce que l’on appelle de manière abusive depuis 2007 une « réforme ».
Dans un premier temps, on a fait beaucoup de bruit autour d’une idée simple. Il s’agit de s’apitoyer sur les personnes qui, du fait des lois de la nature, se trouvent confrontées au problème de règlement d’une succession. Et, en vertu du principe selon lequel il ne faut pas ajouter du malheur à la douleur de la perte d’un être cher, on met en place une mesure visant à relever les seuils d’exonération de droits, tout en assurant l’exonération intégrale de la part du conjoint survivant. Une telle disposition est a priori évidemment populaire, sauf que le deuxième volet de l’affaire a été soigneusement caché.
En effet, ce que nous constatons dans un deuxième temps est d’une tout autre nature.
D’abord, dans les familles dotées d’un patrimoine important, le principe de l’exonération de la part du conjoint survivant constitue un sacré avantage fiscal qui permet de réduire les droits de l’ensemble de la succession, et ce de manière proportionnelle.
Ensuite, la mesure n’avait évidemment de portée que pour les successions productrices de droits. Or, comme chacun sait, seul un nombre minoritaire de successions étaient concernées par cette disposition de la loi TEPA.
Mais, surtout, dans un troisième temps, la mesure s’est révélée transposable aux donations ; là, c’est le jackpot ! Car les donations entre vifs ont sans surprise connu un grand développement depuis 2007 au motif, d’ailleurs prévisible, que cela permettrait à quelques familles de bonne réputation dotées d’un patrimoine important de procéder à de fructueuses opérations de donation-partage assorties d’une belle optimisation fiscale.
Le démembrement tout relatif d’un patrimoine familial permettait d’éviter d’acquitter le moindre droit sur la donation, mais aussi de réduire les droits à payer au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Les conséquences de la loi TEPA sur le montant des droits de succession perçus sont de 700 millions d’euros. Pour les donations, nous sommes passés d’une recette de 1,4 milliard d’euros dans la loi du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 à une recette attendue de 800 millions d’euros dans la loi de finances pour 2011 et ce, sans le double effet de la réduction des droits à payer l’ISF que nous évoquions précédemment.
Compte tenu de l’ampleur de cette déperdition de recettes, nous ne pouvons évidemment que proposer de ramener le montant des exonérations à un niveau plus conforme à la réalité des patrimoines et des capacités contributives des éventuels redevables.
C’est d’ailleurs le sens de cet amendement, que nous vous invitons à adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les auteurs de cet amendement ne seront sans doute pas surpris que je les renvoie à la discussion sur la fiscalité du patrimoine. Cela formera un tout, et leur contribution au débat sera importante. Il serait donc dommage de la consommer prématurément dans un cadre qui ne lui convient pas forcément.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission et sollicite également le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-335 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Non, je le retire, monsieur le président. De toute manière, il n’aurait pas été adopté. Toutefois, nous reviendrons sur le sujet.
M. le président. L'amendement n° I-335 est retiré.
L'amendement n° I-253, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la fin du premier alinéa du I de l'article 990 I du code général des impôts, le montant : « 152 500 euros » est remplacé par le montant : « 100 000 euros ».
II. - Le I est applicable aux contrats conclus depuis 1er novembre 2010.
La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une grande partie des transmissions s’effectuent aujourd’hui au travers de l’assurance-vie, qui permet de léguer jusqu’à 152 500 euros en franchise de droits, l’abattement de 152 500 euros au-delà duquel s’applique une taxation de 20 % étant accordé à chacun des bénéficiaires.
Les droits de succession en ligne directe ont été quasiment supprimés dans le cadre du « paquet fiscal » adopté au cours de l’été 2007.
Cependant, afin d’éviter que les avantages fiscaux au bénéfice des plus aisés ne conduisent à une totale défiscalisation de toutes les successions, nous proposons de limiter la possibilité de transmission d’un patrimoine en exonération totale de droits au travers d’une assurance-vie à un montant comparable à celui qui est retenu par le Gouvernement pour les successions proprement dites, soit 100 000 euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La réponse que je ferai au groupe socialiste sera très voisine de celle que j’ai adressée précédemment à nos collègues du groupe CRC-SPG.
Mme Nicole Bricq. Vous allez nous renvoyer au printemps ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Exactement ! Il faut « que cent fleurs s’épanouissent ». (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Méfiez-vous des ides de mars !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous pourrez d’ailleurs participer au débat. Nous allons créer le terreau nécessaire pour qu’il soit pluraliste et fructueux.
Les auteurs de cet amendement proposent de modifier l’abattement relatif aux revenus de l’assurance-vie. Le régime fiscal applicable en la matière devra effectivement être réexaminé, ainsi d’ailleurs que l’ensemble de la fiscalité de l’épargne, à l’occasion du rendez-vous printanier. Mais ne le faisons pas ponctuellement aujourd’hui. Le débat aura bientôt lieu, et nous l’attendons avec une certaine gourmandise.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.
Je précise que nous devrons aborder cette série de questions en ayant pour objectifs non seulement de réformer en profondeur de la fiscalité du patrimoine, mais également d’adapter notre législation à la directive « Solvabilité II » et de renforcer les fonds propres de nos entreprises grâce au recours par les sociétés d’assurance-vie à des investissements dans des sociétés, y compris sous forme d’actions.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, vos propos sont certes un peu plus rassurants que ceux de M. le rapporteur général de la commission des finances.
Néanmoins, si nous revenons sans cesse sur la fiscalité applicable à l’assurance-vie, nous allons créer de l’incertitude et de l’inquiétude parmi les épargnants, que j’essaie de défendre au sein de notre Haute Assemblée.
Par ailleurs, comme vous le savez, les placements réalisés en la matière servent à financer l’économie. Dès lors, je doute que l’adoption de mesures ayant pour effet de faire fuir les épargnants soit bien raisonnable et entraîne des conséquences conformes aux attentes du Gouvernement…
M. le président. L'amendement n° I-252, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 4 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est abrogé.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Sans doute nous promettra-t-on une nouvelle fois, sur le présent amendement comme sur les précédents, un printemps qui chante…
Pour autant, nous ne pouvons pas, me semble-t-il, nous dérober en évitant de légiférer sur des sujets qui nous semblent très importants dès maintenant.
La réforme des successions devait, nous affirmait-on lors de l’adoption de la loi TEPA, profiter au plus grand nombre. Si cela avait été vrai, nous nous en serions certainement tous réjouis. Mais c’était évidemment totalement faux !
En effet, à l’époque, 89 % des successions en ligne directe étaient déjà exonérées, ainsi que 90 % des transmissions aux époux survivants. Et comme le taux des successions en ligne exonérées a été porté à 93 % par cette loi, seuls 4 % de Français supplémentaires ont été concernés ! Il y a donc de quoi s’interroger lorsque certains prétendent que le dispositif « profite à tout le monde » !
En réalité, les mesures ainsi instituées bénéficient seulement à 20 000 familles parmi les plus aisées, et le 1,7 milliard d’euros qui leur a été distribué représente en moyenne une restitution de 85 000 euros pour chacune. Ce n’est, certes, pas si mal pour les concernés, mais ce n’est pas du tout conforme à ce que qui avait été annoncé, c’est-à-dire des dispositions profitant au plus grand nombre !
Le Président de la République avait déclaré qu’il s’agissait de favoriser la transmission des fruits d’une vie de travail. Là encore, l’expérience montre que c’est totalement faux !
Comme tout le monde le sait, si des successions sont aujourd’hui exonérées, c’est bien en raison de l’augmentation de la valeur du patrimoine, du capital et, surtout, de la spéculation financière active, sans oublier le gonflement des prix de l’immobilier ! Voilà les vraies raisons de la progression des montants de certaines successions !
Par conséquent, il est légitime d’affirmer que, contrairement aux déclarations de ses auteurs, la réforme sur les successions a essentiellement concerné, outre les 4 % de Français dont je parlais tout à l’heure, les familles qui se sont enrichies sans travailler !
À l’appui de notre demande de suppression d’un tel dispositif, nous osons dire qu’il a mis à mal notre pacte républicain ! Nul n’est besoin d’en faire la démonstration.
L’allégement des prélèvements progressifs est incontestablement une tendance lourde et des niches fiscales ont été créées en nombre depuis des années, notamment depuis 2002.
Tels sont les arguments qui, à nos yeux, justifient aujourd’hui l’abandon du « détricotage » libéral du système fiscal français. Le présent amendement a donc pour objet de revenir sur cette disposition inacceptable, car contraire à l’esprit républicain en faveur duquel nous nous battons tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sur la forme, je me demande si l’amendement n° I-252 fait référence au bon dispositif. Ses auteurs mentionnent en effet l’article 4 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, qui concerne l’exonération d’impôt sur le revenu des rémunérations perçues par les étudiants au cours de l’année scolaire ou universitaire.
M. Marc souhaite à l’évidence parler non pas d’une telle disposition, mais plutôt de l’évolution des droits de succession, sujet important qui doit être mis en relation avec le devenir de l’impôt sur le patrimoine.
Madame le ministre, parmi différents schémas, n’est-il pas concevable que les droits de succession soient imputables sur un impôt annuel, si l’on en maintient un, sur la détention de capital ou de patrimoine ? Ne serait-ce pas l’une des pistes à explorer ?
À mon sens, les droits de succession, d’une part, et les relations entre ceux-ci et un éventuel impôt maintenu, d’autre part, sont deux sujets bien distincts.
Mes chers collègues, je me permets de vous renvoyer à des travaux antérieurs de la commission des finances sur les droits de succession, en particulier à un rapport que j’avais commis voilà quelques années. J’y rappelais l’augmentation en valeur réelle de ces droits sur la longue période, en particulier depuis 1984, date à laquelle ils ont été doublés.
Assurément, le sujet mérite un vrai débat et doit être remis en perspective dans le cadre de l’opération printanière que nous entamerons lorsque nous aurons enduré les frimas de l’hiver. (Sourires.) Nous serons alors en mesure d’y voir un peu plus clair sur le devenir de notre fiscalité.
Pour l’instant, je pense que le destin de cet amendement d’appel est d’être retiré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Marc, je vous ferai la même observation que M. le rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise plutôt les articles 8 à 10 de la loi TEPA, autrement dit l’ensemble du dispositif relatif aux successions.
Nous aurons l’occasion de débattre plus longuement au cours de l’année 2011 sur les apports de ce dispositif, en particulier sur l’exonération des conjoints survivants, qu’il s’agisse de couples mariés ou pacsés.
Nous pourrons également évoquer l’exonération consentie en faveur du frère ou de la sœur survivant ayant vécu aux côtés du de cujus avant le décès de ce dernier et examiner l’ensemble des dons sous plafond consentis entre vifs, entre ascendants et descendants.
À mon sens, toute une série de mesures, à propos desquelles nous ne partageons pas forcément le même point de vue, étaient clairement avantageuses pour nos concitoyens et ont permis à un plus grand nombre d’entre eux – certains en profitaient déjà auparavant – de bénéficier d’une exonération de droits de succession au profit de la transmission du patrimoine acquis après paiement des impôts par ceux qui avaient constitué des actifs au cours de leur vie.
L’ensemble de ces questions seront examinées à l’occasion du débat sur la fiscalité du patrimoine, qui, je l’espère, n’aura pas comme résultat une imposition annuelle sur la détention du patrimoine, dont la logique ne me semble pas évidente. Il me paraît plus souhaitable de se situer dans une perspective, plus dynamique que statique, d’imposition des revenus et plus-values du patrimoine, afin d’encourager la fructification du capital, et non sa pure détention.
Sous le bénéfice de ces quelques explications préliminaires, qui ne préjugent en rien du fond du débat, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° I-252, monsieur le sénateur. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous maintenons notre amendement, car occulter un tel sujet reviendrait à biaiser totalement le débat sur la justice fiscale.
Madame le ministre, monsieur le rapporteur général, je vous en donne acte, le présent amendement concerne effectivement les articles 8 à 10, et non l’article 4, de la loi TEPA.
Vous le savez, la fiscalité sur les successions telle qu’elle existait avant 2007 participe au caractère progressif de l’impôt.
Pour notre part, nous tenons vraiment à l’abrogation des mesures du « paquet fiscal ».
M. le rapporteur général de la commission des finances nous renvoie élégamment au grand débat qui doit se dérouler au printemps prochain. Mais, pas plus qu’une hirondelle ne fait le printemps, une intervention du Président de la République, même devant trois chaînes de télévision, ne fait une réforme fiscale !
Or nous avons d’ores et déjà bien compris que la réforme fiscale risquait de se limiter à la suppression de l’ISF. Et nous ne sommes pas du tout d’accord.
Avant la loi TEPA, les droits de mutation à titre gratuit, c’est-à-dire les donations et les droits de succession, représentaient 9 milliards d’euros. Les mesures adoptées dans la loi TEPA correspondent à un manque à gagner annuel pour le budget de l’État de plus de 2 milliards d’euros. Elles ont profité à 4 % de la population et ont visé les plus fortunés de nos concitoyens. Elles ont donc renforcé les inégalités de patrimoine, qui étaient largement supérieures aux inégalités liées aux revenus du travail.
Nous ne pouvons pas nous contenter de l’argument avancé des finances publiques et des déficits. La fiscalité dont nous débattons participe, je le répète, au caractère progressif de l’impôt, donc à la redistribution et à une plus grande justice fiscale.
Selon votre argumentation, le maintien de taux d’imposition élevés sur le capital – je parle bien du capital, et non des plus-values réalisées – pourrait créer des risques d’évasion fiscale. Or, selon une étude réalisée par l’un des meilleurs spécialistes de l’université de Columbia, de tels phénomènes peuvent exister, mais ils sont de très faible ampleur. Le risque n’est donc pas réel.
De plus, la transmission de fortunes importantes à des descendants n’assure absolument pas que ces derniers possèdent les qualités requises en matière de gestion, notamment lorsqu’ils héritent d’entreprises.
L’efficacité économique du « paquet fiscal » n’est donc pas non plus prouvée.
J’ai entendu le Président de la République, toujours en avance d’un sujet, annoncer une réforme de la dépendance.
M. Albéric de Montgolfier. C’est très bien !
Mme Nicole Bricq. Il a alors avancé trois pistes de réflexion : le recours sur succession, la souscription d’une assurance privée – nous avons bien compris que ce serait le moyen le plus sollicité – et une hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, solution très vite écartée, la majorité étant opposée aux augmentations générales.
J’ai évoqué une perte de recettes pour l’État de 2 milliards d’euros. Mes chers collègues, si vous voulez faire un effort de solidarité en matière de dépendance, revenez sur les mesures contenues dans la loi TEPA et vous trouverez 2,3 milliards d’euros ! Ensuite, nous pourrons commencer à discuter d’une réforme fiscale. Nous avons bien compris que telle n’était pas votre position.
Pour notre part, nous ne voulons pas que les impôts portant sur les successions comme sur les donations à titre gratuit soient l’angle mort de la fiscalité française.
Pour toutes ces raisons, nous maintenons l’amendement n° I-252.