Article 11 quater (nouveau)
Le IV de l’article 302 bis KG du même code est ainsi modifié :
1° Les deux derniers alinéas du 1 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, jusqu’à la mise en œuvre de la disposition mentionnée à la deuxième phrase du premier alinéa du VI de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ce taux est fixé à 0,5 %.
« Pour les services de télévision autres que ceux diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, le taux est fixé à 0,25 % en 2010 et en 2011. » ;
2° Le 2 est abrogé.
M. le président. L'amendement n° I-328, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Notre amendement vise à supprimer l’article 11 quater, qui diminue la taxe sur les revenus publicitaires des chaînes privées destinée à participer au financement des télévisions publiques.
Les modifications adoptées par l’Assemblée nationale font la part belle aux récriminations des chaînes privées, qui se fondent sur des arguments fallacieux.
Premièrement, les chaînes privées ont mis en avant la baisse de leurs revenus publicitaires, car elles n’ont pas bénéficié autant qu’elles le souhaitaient de l’effet d’aubaine attendu de la réduction de la publicité sur France Télévisions.
Cette baisse, évoquée l’an dernier lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, s’est finalement traduite par une mesure, alors qualifiée de « conjoncturelle » : l’adoption d’un taux fortement réduit pour l’année 2009.
Le taux, fixé à l’origine à 3 %, a subi les attaques successives des chaînes privées qui ne souhaitent que sa disparition : il est ainsi passé à 1,5 %, puis à 0,75 %. Voilà que l’on nous propose de le ramener à 0,5 % !
Or le chiffre d’affaires des recettes publicitaires de ces chaînes est reparti à la hausse, comme leurs investissements publicitaires. Sur les neuf premiers mois de l’année 2010, le chiffre d’affaires publicitaire de TF1 a augmenté de 11 %, ce qui représente 104 millions d’euros supplémentaires. Le résultat du groupe a été multiplié par quatre, passant de 33 millions d’euros à 125 millions d’euros !
Deuxièmement, les chaînes privées oublient, mais je le leur rappelle, les cadeaux que la loi leur a accordés : l’attribution d’une deuxième coupure publicitaire, le passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge, le temps de publicité porté de 7 à 9 minutes par heure, la possibilité offerte par l’État à TF1 de racheter deux chaînes de la TNT à des prix défiant toute concurrence. À ces cadeaux, s’ajoute un avantage spécifique aux chaînes privées de la TNT : elles sont désormais taxées à hauteur de 0,25 %, au seul motif qu’elles sont émergentes, et donc fragiles, en taisant qu’elles sont en forte croissance.
Une grave question se pose alors : quel sera le financement de la télévision publique ?
En effet, cette taxe sur les recettes publicitaires est destinée à financer France Télévisions, qui est actuellement gravement fragilisée. La dotation publique réduite de 75 millions d’euros et l’encadrement du parrainage diminuent les recettes de 10 millions d’euros, sans compensation. N’a-t-il pas été également envisagé de ramener de 20 heures à 19 heures le maintien de la publicité en journée dans les télés pays ?
Par ailleurs, la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet a été remise en cause par la Commission européenne, ce qui, à terme, peut représenter une perte de 360 millions d’euros pour la télévision publique. Avec quel argent financer alors la modernisation de France 3 ou le Global médias, dont on parle – heureusement ! – beaucoup ? Le pouvoir, qui a mis la télévision publique sous influence – la sienne –, est en train de lui construire une économie administrée, qui la fragilise.
Ne souhaite-t-on pas en haut lieu aller vers une privatisation rampante ou vers une privatisation partielle du service public ? Je ne sais. Ma seule certitude, chiffres à l’appui, c’est que la télévision publique est dès aujourd'hui en danger. Pour garantir et pérenniser réellement France Télévisions, nous estimons donc nécessaire, juste et efficace de maintenir la taxe de 3 %. Proportionnelle et raisonnable au regard de l’augmentation des revenus publicitaires des chaînes privées, elle est indispensable à la vie et au développement de France Télévisions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Bravo !
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La taxe sur la publicité suscite un vif débat dans nos deux assemblées. Pour les uns, il faut la réduire, pour certains il faut la supprimer, pour d’autres, il faudrait appliquer le taux maximal.
M. Jean-Jacques Mirassou. Le taux initial.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En tout cas, le plus haut de la série.
La difficulté réside dans la détermination du point d’équilibre entre le financement de France Télévisions, compte tenu de la réforme, et le traitement équitable des chaînes privées. Vous le savez, mes chers collègues, parmi les chaînes privées, il y a les chaînes dites historiques et la TNT, qui est en train de décoller.
Après avoir examiné le sujet, la commission estime que l’équilibre auquel est parvenue l'Assemblée nationale est satisfaisant. De notre point de vue, la taxe doit s’appliquer sur des flux publicitaires, flux qui, selon les prévisions initiales, devaient se reporter de France Télévisions vers les chaînes privées.
Or cet effet d’aubaine – je parle sous le contrôle du président de la commission de la culture – n’a pas eu lieu. Ne pas appliquer une réduction du taux de la taxe aujourd’hui serait, par conséquent, inéquitable.
C'est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement, malgré le talent de son défenseur !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je rends également hommage à la façon dont M. Ralite a défendu l’amendement. Malgré tout, l’avis du Gouvernement est défavorable.
À l’origine, cette taxe, qui a été codifiée à l’article 302 bis du code général des impôts, constituait la contrepartie de la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques. Or il y a bien maintien de la publicité sur les chaînes publiques entre 6 heures et 20 heures. Dans ces conditions, la concurrence entre les chaînes privées et les chaînes publiques pour la commercialisation de leurs espaces publicitaires est maintenue sur cette tranche horaire. Cela prive de fait les chaînes privées d’un éventuel effet report. L'Assemblée nationale a adopté ce dispositif et il nous paraît tout à fait judicieux de diminuer le taux de la taxe jusqu’à ce que soient réunies les conditions pour lesquelles elle avait été initialement votée.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je voudrais apporter tout mon soutien à l’amendement qui a été présenté par Jack Ralite.
D’une part, notre collègue l’a rappelé, le marché publicitaire est aujourd’hui soumis à des mouvements considérables. Effectivement, après un recul, les recettes des sociétés privées connaissent aujourd’hui un redressement, dont nous souhaitons qu’il soit durable, car elles fournissent une source de financement légitime pour les chaînes privées.
Mes chers collègues, nous devons faire preuve de beaucoup de sérieux lorsque nous discutons du financement de l’audiovisuel public. Nous le voyons bien, la tentation actuelle du Gouvernement est d’essayer de réduire sa propre contribution en fonction de l’augmentation des ressources publicitaires des chaînes publiques. Or l’augmentation de leurs ressources publicitaires est non pas une aubaine pour les chaînes publiques, mais le résultat de leur travail. Pour notre part, nous avons toujours considéré que des résultats d’audience satisfaisants du secteur public devaient contribuer à la bonne gestion du pôle public.
Ce n’est vraiment pas faire preuve de sérieux que de diminuer sans cesse, comme on le constate actuellement, le taux de la contribution des chaînes privées. Si l’on veut penser l’économie de l’audiovisuel public, il ne faut pas changer à tout moment la règle du jeu au prétexte que l’État a envie de récupérer une part de sa participation ou parce que les chaînes privées se plaignent.
La diminution de la taxe n’est ni une bonne action à l’égard de l’audiovisuel public ni un dû pour les chaînes privées. Je rappelle, comme l’a très bien fait Jack Ralite, que cette imposition, déjà réduite à plusieurs reprises, a été très largement compensée par de nouvelles règles concernant les coupures publicitaires sur les chaînes privées.
Donc, je le répète avec force, il n’est pas sérieux de rogner petit à petit ce prélèvement tout à fait raisonnable sur les ressources des chaînes privées, jusqu’à sa complète disparition. Je sais que le Gouvernement prête une oreille compatissante aux chaînes privées, mais nous devons aussi garantir le financement de l’audiovisuel public.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. En s’interrogeant sur les modalités du financement de la télévision publique demain, Jack Ralite pose une bonne question, dont nous débattrons en détail – je parle sous le contrôle des présidents de la commission des finances et de la commission de la culture – la semaine prochaine.
Non, monsieur Ralite, la télévision publique n’est pas à ce jour en danger ! Elle a bénéficié d’un excédent de ressources publicitaires au cours des années 2009 et 2010.
Par ailleurs, il faut bien le dire, le travail approfondi du Sénat en faveur de l’indexation et de la revalorisation de la redevance a aussi permis de dégager des ressources supplémentaires qui ont bénéficié à certaines chaînes, notamment Arte, à Radio France, ou à l’Institut national de l’audiovisuel. Pour autant, il est vrai que son financement pérenne, plus fragile, doit être conforté.
Mme Tasca a raison, il faut faire un travail sérieux. Je crois que c’est ce que nous avons fait puisque, dès le mois de novembre de l’année dernière, le président de la commission de la culture, Jacques Legendre, a souhaité que nous effectuions une mission de contrôle sur les financements de France Télévisions.
Nous avons souhaité mener cette mission avec la commission des finances. Entre janvier et juin de cette année, Claude Belot et moi avons auditionné pas moins de 70 personnes et effectué un travail de fond en nous appuyant sur des données chiffrées précises, pour étudier la façon dont la réforme se met en place, dans le cadre d’un contexte budgétaire dégradé.
Cette mission de contrôle a donné lieu à des propositions qui se sont même traduites par une proposition de loi. Tout en poursuivant l’objectif de la réforme, nous avons essayé, certes en décalant le calendrier de la suppression définitive de la publicité, de faire en sorte, dans un secteur qui évolue très rapidement et qui est confronté à des défis immenses, que l’ensemble des propositions soient équilibrées. Il s’agit de satisfaire à la fois les chaînes historiques privées, qui, elles aussi, contribuent à la création, à la vie de l’audiovisuel, et les chaînes de la TNT, et de permettre à l’audiovisuel public, au cœur de ce paysage, de trouver sa large place et de remplir les missions qui lui sont conférées.
Dans le cadre de cette réflexion, nous avions en effet temporairement proposé, puisque l’effet d’aubaine attendu n’avait pas eu lieu, de fixer la taxation à 0,5 % pour les chaînes privées. Cette proposition, qui figurait dans notre rapport, a été reprise par l'Assemblée nationale. Comme l’a indiqué M. le secrétaire d'État, elle est équilibrée dans le contexte que je viens de rappeler. Cela dit, nous aurons l’occasion de débattre davantage de ce sujet au cours de l’examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (M. le président de la commission de la culture applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il n’est pas inutile de rappeler de temps en temps ce qui a été dit ici lors de l’examen de la réforme de l’audiovisuel, il y a maintenant plus d’un an.
Le Gouvernement nous expliquait à l’époque que les opérateurs privés continueraient à voler de leurs propres ailes grâce à l’apport de la publicité. Celle-ci devait ensuite permettre de financer les chaînes publiques, après la disparition programmée de ladite publicité dans ce secteur.
Force est de constater que le financement de l’audiovisuel public, faute d’un engagement suffisant de l’État, n’est pas à la hauteur. Le même État a annoncé la non-disparition à courte échéance de la publicité sur le public. Si bien que la situation est surréaliste : d’un côté, les télévisions privées sont maintenues par une béquille publique, leur insatiabilité étant telle qu’elle les pousse, ce qui est incroyable, à demander régulièrement la diminution du taux de la taxe ; de l’autre, le secteur public est pratiquement contraint de mendier auprès des opérateurs privés pour continuer à avoir une programmation véritablement originale. Car, pour satisfaire cette ambition, il faut des moyens ! Or, tout le monde le reconnaîtra, seul le public est à même d’assurer une programmation de qualité.
Le mélange des genres est donc total.
Pour les raisons exposées par Jack Ralite, d’une part, par Catherine Tasca, d’autre part, nous soutiendrons avec enthousiasme l’amendement présenté par nos collègues du groupe CRC-SPG. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Si j’interviens à ce stade du débat, c’est parce que, dans quelques instants, je présenterai un amendement visant à supprimer cette taxe, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous avons été trompés. Dans le cadre du nouveau paysage audiovisuel, nous pensions que la création de cette taxe était nécessaire pour compenser la suppression de la publicité. Or celle-ci n’a pas disparu.
Ensuite, tous les experts se sont trompés. En trois ans, le point d’équilibre de cette nouvelle taxe, dont vous parliez, monsieur le rapporteur général, a été modifié trois fois, et il est probablement encore appelé à changer.
M. Didier Guillaume. C’est le problème !
M. Philippe Dominati. Cela veut dire que l’équilibre est instable et que ce que nous avions prévu ne s’est pas réalisé.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Hier, vous nous disiez qu’il y avait trop d’instabilité fiscale !
M. Philippe Dominati. Absolument !
Vous avez raison, madame Tasca, la télévision publique accomplit un bon travail. Mais il faut dire que ses recettes publicitaires ont perduré et que l’on y a ajouté des ressources supplémentaires. Il est temps que le Parlement prenne conscience de cette réalité et en tire les conséquences en supprimant une taxe qui avait pour objet de compenser la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. C’est une question d’équité et de justice. En tout cas, nous devons en tirer une leçon en ce qui concerne l’incertitude des taxes nouvelles et leurs effets pervers.
L’amendement n° I-107 rectifié, qui aura ainsi été défendu, tend à simplifier les compromis qui ont lieu budget après budget, parfois entre l’Assemblée nationale et le Sénat, parfois entre les experts, parfois entre les chaînes privées et les chaînes publiques.
Pour l’instant, le point d’équilibre n’est absolument pas atteint. Revenons donc au postulat de départ et supprimons cette taxe !
Mme Catherine Tasca. Il n’y a plus de publicité après vingt heures !
M. Philippe Dominati. Ce n’est pas la même chose !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je reste perplexe en écoutant le débat concernant cet article 11 quater, dont l’introduction par l’Assemblée nationale me paraît emblématique d’un fonctionnement pour le moins curieux de nos institutions.
On constate une fois de plus que des lobbies économiques finissent par imposer à nos assemblées des mesures que je qualifierai tout simplement d’ahurissantes. Il s’agit ni plus ni moins que de favoriser la télévision privée par rapport à la télévision publique. En diminuant la contribution des opérateurs privés, on accroît leurs profits et on retire des ressources au service public. On fausse donc tout simplement la concurrence.
Chacun ici connaît probablement le livre d’un certain dirigeant de chaîne privée dans lequel celui-ci se targue de vendre « du temps de cerveau disponible » afin de pouvoir rendre les téléspectateurs perméables à la publicité. Or en diminuant la contribution versée au service public, nous sommes en train de leur dire : « Bravo, continuez ! ».
Nous devons soutenir le service public de la télévision. C’est pourquoi j’approuve totalement l’amendement de suppression déposé par nos collègues du groupe CRC-SPG. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Chaque fois que des amendements en ce sens ont été déposés, je les ai votés.
En tant que téléspectatrice assidue, …
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Où prenez-vous le temps ?
Mme Nathalie Goulet. La nuit, monsieur le rapporteur général. (Sourires.)
… je constate que la qualité des émissions sur TF1 est inversement proportionnelle au chiffre d’affaires de cette chaîne.
Nous examinerons les crédits de la mission « Médias » dans quelques jours. Nous aurons donc l’occasion de reparler de cette question. En attendant, parce que l’audiovisuel public rencontre de grosses difficultés – je mentionnerai le moment venu le cas de RFI –, je soutiendrai l’amendement présenté par Jack Ralite.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Même si nous sommes en train d’examiner le projet de loi de finances, l’enjeu n’est pas ici le budget de la nation, mais la vision que chacun a de la télévision publique, notamment vis-à-vis de la concurrence privée.
Pour autant, nous ne devons pas opposer télévision publique et télévision privée, car la situation et les techniques évoluent. Ainsi, la TNT prend de plus en plus de place et l’avènement du triple play nous permet aujourd’hui de regarder de nombreuses chaînes sur différents supports. Reste que le service public doit continuer, conformément à son histoire, à jouer son rôle dans notre pays, celui de diffuser des créations, d’éduquer, de refuser à contribuer à l’abêtissement des masses, si je peux utiliser un langage un peu dépassé. Pour ce faire, il faut absolument que le service public de la télévision ait les moyens de vivre.
Dans ce domaine, nous assistons à un drame en trois actes.
Acte I : on supprime la publicité sur le service public après vingt heures, mais on jure ses grands dieux que le niveau de recettes sera maintenu.
Acte II : on fait un cadeau aux télévisions privées.
Acte III : on reproche au service public de ne plus faire du bon boulot. De fait, il n’en a plus les moyens.
C’est donc la fin du service public qui se joue devant nous.
Nous soutenons l’amendement présenté par notre excellent collègue Jack Ralite, au nom du groupe CRC-SPG, car nous voulons maintenir la création, la diffusion la plus large, l’éducation par le service public de la télévision. Si ce n’est pas lui qui le fait, ne nous racontons pas d’histoire, aucun autre média ne le fera, quelles que soient par ailleurs les qualités des chaînes de la TNT. Il existe en effet des programmes de bonne qualité sur les télévisions privées, mais il n’empêche que le rôle essentiel du service public est bien celui-ci.
On voit bien que ce n’est pas une question budgétaire qui nous est posée, mais plutôt une question philosophique, voire idéologique. Adopter cet amendement de suppression ne ferait rien gagner au budget de la nation, mais il permettrait de réaffirmer ici que le service public, notamment celui de la télévision, nous tient à cœur à une époque où tous les autres services publics ont tendance à disparaître du territoire.
M. Thierry Foucaud et M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Une fois de plus ce débat ne se poserait pas si, avant de lancer des réformes, le Président de la République avait un peu plus creusé la question…
Cette méthode me rappelle celle utilisée pour la taxe professionnelle ; avant toute réflexion on annonce la suppression, puis on nous dit : « Débrouillez-vous pour faire fonctionner le système ». Il est en effet facile de supprimer la publicité sur les chaînes publiques, mais il est bien plus difficile de régler les problèmes de financement ! Tout cela illustre bien la façon aberrante de gouverner de certaines personnes qui dirigent la France de manière chaotique.
Il est fondamental de conserver une bonne télévision publique. Pour cela, il est indispensable que celle-ci dispose d’un minimum de moyens.
TF1 est un peu comme ces joueurs de football français. Elle brasse, elle aussi, non pas des millions, mais des milliards, sans être excellente. Après tout, qu’elle paie un peu d’impôt, cela ne lui fera pas de mal !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je suis un peu atterré par l’orientation que prend notre débat. J’ai l’impression que des camps sont en train de se reformer. On se croirait revenu à l’époque du débat sur la réforme de l’audiovisuel public.
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Jean-Jacques Mirassou. Forcément !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Il s’agit plus de marquer un camp que d’examiner véritablement la situation.
Mme Catherine Morin-Desailly nous a rappelé qu’il fallait mesurer l’impact d’une loi. À cet effet, nous avions demandé la création d’une mission conjointe avec la commission des finances afin de voir réellement comment les choses évoluent et de ne pas nous contenter des propos tenus par les lobbies, quels qu’ils soient.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Pourquoi avons-nous soutenu cette réforme ?
Nous n’avons pas entendu une seule fois le mot « audimat » dans ce débat. Or que ceux qui souhaitent défendre le service public le sachent, le retour de la publicité sur les chaînes publiques aboutirait à nouveau à mettre celles-ci sous la même pression que les chaînes privées, à savoir celle de l’audimat.
Nous pensons que de très nombreux Français ont été satisfaits d’être débarrassés de ces lourdes séquences publicitaires. Nous pensons également que c’est une garantie de qualité pour le service public que d’avoir une moindre pression de l’audimat. Je le rappelle, il ne s’agit pas seulement ici d’un débat financier, mais d’une volonté culturelle. Voilà ce qui nous a conduits à soutenir cette réforme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. En France, en ce moment, certains veulent tout, et ils le prennent ; d’autres ne veulent que le nécessaire, et on leur ôte. Cet enjeu, qui a occupé tous nos débats, est devenu un fait de société.
Je le rappelle, TF1, c’est Bouygues, le groupe qui s’est payé la première chaîne de télévision française. Il en avait les moyens.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela date de 1986 !
M. Jack Ralite. Si, par hasard, TF1 rencontrait quelque difficulté – ce que je récuse ; d’ailleurs, tous les articles de presse montrent le contraire, y compris ceux qui sont rédigés par le service de communication de cette chaîne –, le groupe-mère pourrait lui apporter son aide. L’argent coule à flot chez elle !
En fait, le problème est essentiellement moral. Le service public doit perdurer. Le secteur privé, lui, dispose de ses propres moyens pour vivre. Je trouve donc curieux d’entendre qu’il faut rééquilibrer les choses. Pour avoir cet équilibre, il faut que le service public existe. Tout à l’heure, quelqu’un a même dit qu’il fallait que celui-ci trouve une large place. Mais il l’avait, et on la lui a retirée !
Je suis totalement stupéfait qu’on ose dire que le secteur privé est en difficulté et qu’il faut l’aider. Voilà qui devrait justifier l’aumône qui lui est faite. Or c’est plutôt le service public, contrairement à ce que vous dites, madame Morin-Desailly, qui est en danger. Si vous les rencontrez, tous les dirigeants des chaînes publiques, les anciens comme les nouveaux, vous le diront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.
M. Adrien Gouteyron. Comme le président Jacques Legendre, je regrette que ce débat ait tourné à l’affrontement entre deux prétendus camps : public contre privé.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est pourtant le sujet !
M. Jack Ralite. Qui a commencé ?
M. Adrien Gouteyron. Mes chers collègues, je me croirais revenu plus de trente ans en arrière, lorsqu’il était question de l’ORTF et de son évolution !
Il ne s’agit pas ici de diminuer les recettes des chaînes publiques : il s’agit de tenir compte des réalités ! Lorsque a été décidée la suppression, à certaines heures, de la publicité sur les chaînes publiques, tout le monde disait que cela se traduirait par un transfert de recettes de publicité vers les chaînes privées, l’institution d’une taxe étant précisément destinée à compenser ce transfert. Or nous constatons que ce transfert n’a pas eu lieu ! Nous ne pouvons que nous en féliciter puisque les moyens des chaînes publiques ont néanmoins augmenté.
Cela dit, je suis de ceux qui considèrent que la vitalité des chaînes publiques repose, entre autres, sur la concurrence des chaînes privées. Si le secteur public était seul ou définitivement dominant, comme certains d’entre vous semblent le souhaiter, nous ne bénéficierions plus de cette qualité qui est reconnue à la télévision publique. Moi, je crois au caractère stimulant de la concurrence !
Ce n’est pas, en l’espèce, une question d’idéologie : il faut simplement tirer les conséquences de ce qui est observé. Je soutiens donc la disposition adoptée par l’Assemblée nationale, même si je me suis associé à l’amendement que défendra tout à l’heure Mme Morin-Dessailly, parce que je pense qu’il est nécessaire. Par conséquent, je voterai l’article 11 quater, en souhaitant toutefois qu’il soit modifié par l’amendement n° I-50.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.