M. Edmond Hervé. Je ne dors pas, monsieur le ministre !
Mme Nicole Bricq. Votre formulation était maladroite, monsieur le ministre !
M. François Baroin, ministre. Mais pourquoi taire mon étonnement face à votre intervention soudaine concernant la Guyane ? En aucune façon les dispositifs de réduction du degré d’implication de la dépense fiscale en matière de développement photovoltaïque en outre-mer ne remettent en cause les dispositifs de mise en œuvre du service public électrifié en Guyane comme ailleurs. Je dis bien « en aucune façon », monsieur Hervé. Il demeure des dispositifs.
Je me permets de rappeler une fois encore que le coût de rachat du prix de l’électricité à EDF est dix fois supérieur en outre-mer qu’en métropole.
De grâce, que ce débat, par un langage facile, ne serve pas à occuper les esprits qui ne connaissent pas l’outre-mer et qui ne l’aiment pas.
M. Edmond Hervé. C’est un symbole, monsieur le ministre ! Je ne m’exprime pas souvent, mais, lorsque je le fais, c’est précis !
M. François Baroin, ministre. L’éloignement de l’outre-mer justifie la demande d’un soutien plus actif de la part de l’État.
Je le dis en conscience, en responsabilité et – ceux qui me connaissent le savent – avec ma conviction ultramarine : ce budget préserve l’essentiel des dispositifs dérogatoires permettant un accompagnement des politiques publiques en outre-mer supérieur à celui de métropole.
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, reconnaissez également ma conviction !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)
M. le président. L'amendement n° I-48, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les propriétaires, bailleurs ou copropriétaires privés, des immeubles collectifs, chauffés collectivement, ne pourront bénéficier des avantages fiscaux (réduction d'impôts, éco-prêt à taux zéro ou certificats d'économie d'énergie, subventions...) liés à l'exécution de travaux d'économie d'énergie ou à la mise en place de tout service d'efficacité énergétique, s'ils n'ont pas au préalable mis en œuvre les dispositifs individuels des mesures prévues par la loi, permettant d'évaluer leur efficacité énergétique.
Les copropriétaires ou les locataires occupants des immeubles collectifs pourront différer le paiement de 10 % des charges énergétiques de chauffage et d'eau chaude, jusqu'au jour de l'adoption par une assemblée générale extraordinaire de copropriété, ou par décision du bailleur, de l'installation desdits dispositifs individuels de mesures prévues par la loi.
La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Cet amendement comporte un double dispositif, qui a pour objet d’accélérer la mise en œuvre des dispositifs individuels des mesures prévues par la loi, permettant d’évaluer l’efficacité énergétique des appartements.
Il s’agit, en effet, de priver les propriétaires, bailleurs ou copropriétaires privés d’immeubles collectifs chauffés collectivement d’avantages fiscaux tant qu’ils n’auront pas mis en place ces dispositifs individuels de mesures prévues par la loi.
Par ailleurs, il s’agit de permettre aux copropriétaires ou aux locataires occupant des immeubles collectifs de différer le paiement de 10 % des charges énergétiques de chauffage et d’eau chaude, jusqu’au jour de l’adoption, par une assemblée générale extraordinaire de copropriété, ou par décision du bailleur, de l’installation desdits dispositifs individuels de mesures prévues par la loi.
Cet amendement vise à accélérer la mise en place de ces dispositifs individuels qui ne coûtent rien à l’État, et peuvent même, au contraire, lui rapporter un peu d’argent compte tenu de la lenteur de la mise œuvre de tels dispositifs. En outre, ces dispositions peuvent être tout à fait profitables en matière d’économies d’énergie.
Tel est l’objet de cet amendement, qui est simple et, selon moi, assez efficace.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission estime cet amendement intéressant. Il vise à conditionner le bénéfice des différents avantages fiscaux liés à l’exécution de travaux d’économie d’énergie à la mise en œuvre effective, par les propriétaires des immeubles collectifs chauffés collectivement, des dispositifs individuels d’évaluation de l’efficacité énergétique prévue par la loi.
Réduire la facture énergétique et mieux circonscrire les avantages fiscaux est une préoccupation que nous partageons, dans le contexte de nos finances publiques. Mais je me suis demandé si la rédaction était suffisamment précise pour que l’amendement soit réellement normatif.
Je me tourne vers le Gouvernement pour solliciter son avis. En d’autres termes, l’idée vous semble-t-elle bonne, monsieur le ministre ? Si tel était le cas et si la rédaction est perfectible, nous pourrions y revenir à l’occasion de l’examen du collectif budgétaire.
Je sollicite une réaction de votre part en deux temps, monsieur le ministre. Il me semble que le raisonnement suivi par M. René Beaumont est intéressant et que la question mériterait d’être approfondie, même si je ne crois pas que l’amendement puisse être adopté ce soir, compte tenu de sa rédaction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Les dispositifs mis en place, qu’il s’agisse des crédits d’impôt développement durable, de l’éco-prêt logement social ou de l’éco-prêt à taux zéro, favorisent la réalisation de travaux par les propriétaires et les bailleurs sociaux.
La mise en place d’appareils de mesure de la chaleur dans les immeubles collectifs pourvus d’un système de chauffage commun a pour but de sensibiliser les occupants des logements aux économies d’énergie.
Il s’agit d’une mesure palliative, par laquelle les économies d’énergie peuvent temporairement être atteintes grâce au comportement des occupants.
Pénaliser ceux qui veulent bien entreprendre des travaux sous le prétexte qu’ils n’ont pas préalablement installé de répartiteur de frais de chauffage serait contre-productif. (M. René Beaumont est dubitatif.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous êtes donc contre l’idée !
M. le président. Monsieur Beaumont, l'amendement n° I-48 est-il maintenu ?
M. René Beaumont. Je me permets de dire que je n’ai pas été tout à fait convaincu par les arguments de M. le ministre. Mais, par discipline républicaine, en tout cas en ce qui concerne la majorité, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-48 est retiré.
L'amendement n° I-207, présenté par MM. Gillot, S. Larcher, Lise, Antoinette, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - À compter du 1er novembre 2010, lorsque leur bénéfice imposable déterminé conformément à l'article 209 du code général des impôts est, au titre de l'année considérée, supérieur de plus de 20 % au bénéfice de l'année précédente, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Les compagnies pétrolières bénéficient d’un incontestable effet d’aubaine. Hors de toute décision propre à ces entreprises, leurs résultats s’améliorent mécaniquement en période de forte hausse des prix du pétrole.
La majoration de l’impôt sur les sociétés des compagnies pétrolières, en cas de progression forte du bénéfice d’une année sur l’autre, permet de les mettre directement à contribution pour régler, au moins temporairement, la question sensible du prix du carburant outre-mer.
Celui-ci a, en effet, servi de puissant détonateur lors de la crise sociale outre-mer. Le gel des prix imposé par l’État en décembre 2008 puis en mars 2009 l’a paradoxalement contraint à payer le « manque à gagner » des compagnies pétrolières locales, puisque ce gel contrevient aux obligations réglementaires concernant le mode de fixation des prix du carburant outre-mer.
Ainsi, en raison de la non-modification globale du système de fixation du prix des carburants outre-mer, l’État est obligé d’indemniser, à intervalle régulier, des compagnies pétrolières, à hauteur de 175 milliards d’euros à cette date. La sortie brutale du gel des prix, sans avoir au préalable fait toute la transparence nécessaire, n’est pas une solution.
Aussi, et dans l’attente d’une révision complète du système, est-il proposé, par cet amendement, d’utiliser une partie des profits pétroliers réalisés pour indemniser les compagnies touchées par ce gel.
Le produit de cette contribution pourrait permettre ainsi à l’État, tant qu’il n’a pas modifié dans sa globalité le régime de fixation des prix du carburant outre-mer, de payer ses dettes aux compagnies pétrolières pénalisées juridiquement par le gel des prix et, pour le surplus, d’abonder les fonds en faveur de la formation professionnelle et de l’insertion des jeunes dans les départements et collectivités d’outre-mer, conformément à l’engagement signé par l’État, lors de la sortie de crise outre-mer dans la proposition n° 90 du protocole d’accord du 4 mars 2009.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’imagine que cet amendement vise le groupe Total.
Il s’appliquerait à une compagnie dont le bénéfice imposable augmente de plus de 20 % sur une année. Or, en 2010, le bénéfice net de Total a diminué de 20,2 % par rapport à l’année précédente. En conséquence, l’amendement ne s’appliquerait pas…
En outre, et plus sérieusement, faut-il vraiment stigmatiser le seul groupe pétrolier français ? Nous avons vu que l’activité de raffinage était particulièrement importante. Total, quoi qu’on en dise, est le premier contribuable de France. Enfin, la majoration de l’impôt proposée ici ne permettrait évidemment pas de régler le problème, qui est réel, du prix élevé du carburant outre-mer.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, dont les dispositions sont présentées de manière récurrente…
M. Didier Guillaume. Nous avons de la suite dans les idées !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … et visent, en quelque sorte, à stigmatiser le succès que représente pour la France le groupe Total.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-207.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 13 bis (nouveau)
I. – Le I de l’article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du douzième alinéa est supprimée ;
2° Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut d’un arrêté fixant le montant de la contribution due pour une année donnée avant le 31 décembre de l’année précédente, le montant proposé par la Commission de régulation de l’énergie en application de l’alinéa précédent entre en vigueur le 1er janvier, dans la limite toutefois d’une augmentation de 0,003 €/Kwh par rapport au montant applicable avant cette date. » ;
3° Le treizième alinéa est supprimé.
II. – Le I est applicable à la fixation du montant de la contribution pour l’année 2011.
M. le président. L'amendement n° I-169, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L’article 13 bis porte sur la contribution au service public de l’électricité, plus connue sous le sigle de CSPE, qui a été créée en 2000. Il a été introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du député Michel Diefenbacher et avec l’appui du Gouvernement.
Cet article a trois défauts.
Premièrement, – et ce point est très important – il modifie la procédure de fixation du tarif de la CSPE. Désormais, en l’absence d’intervention du ministre concerné – par carence, comme on dit en termes administratifs –, c’est la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, qui sera amenée à fixer les tarifs. Il suffira que le ministre ne fasse part d’aucune demande de relèvement des prix de l’électricité pour que cette instance prenne une décision.
Pourtant, comme M. Philippe Marini l’écrit lui-même dans son rapport, « la responsabilité de l’évolution de la CSPE demeura essentiellement politique ». Cette disposition est donc un faux-semblant, mais le Gouvernement pourra jouer sur cette responsabilité.
Deuxièmement, – et il s'agit là d’un très gros défaut – cet article entraînera évidemment une montée des prix de l’électricité pour le consommateur. En effet, il fait passer la CSPE applicable par mégawattheure de 4,5 euros à 7,5 euros, soit une augmentation de 3 euros.
Or, cette hausse de la CSPE de trois centimes d’euros par kilowattheure représente tout de même, si l’on fait le calcul, une augmentation de 66 % du tarif applicable pour les ménages, ce qui n’est pas négligeable.
Quand on examine la part des dépenses énergétiques dans le budget des Français, on s’aperçoit que celle-ci est significativement plus élevée chez les 20 % des ménages les plus pauvres que chez les 20 % les plus riches. C’est peut-être une évidence, mais il fallait la rappeler, me semble-t-il.
Nous connaissons aussi, parce que nous venons d’en débattre longuement, les causes de cette augmentation des prix, qui est destinée à se poursuivre dans les prochaines années : il s'agit notamment, comme vous le soulignez vous-même dans votre rapport, monsieur Marini, et à juste titre, des « tarifs de rachat préférentiels dont bénéficie la filière de production d’électricité photovoltaïque ».
En réalité, on fait en quelque sorte payer aux ménages les choix relatifs aux investissements dans certaines énergies renouvelables, dont nous avons vu qu’ils n’étaient pas toujours pertinents. Mais je n’y reviendrai pas, car nous en avons déjà débattu longuement.
Troisièmement, ce système crée une inégalité entre les ménages et les entreprises. En effet, si nous y regardons de plus près, les augmentations de la contribution épargneront les 250 plus gros consommateurs, ceux que l’on appelle en termes techniques les électro-intensifs, me semble-t-il, c'est-à-dire les plus grandes entreprises. Ces dernières sont protégées par un plafond fixé à 500 000 euros, à la différence des consommateurs, pour lesquels toute limite supérieure est supprimée.
M. le rapporteur général nous présentera tout à l'heure un amendement – sauf si, évidemment, celui-ci était adopté –…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Nicole Bricq. … visant à élever et à indexer ce plafond, mais sans remettre en cause son existence.
Je le rappelle, il est arrivé dans le passé que la CSPE dégage un excédent, qui a servi non pas à alléger la facture des ménages, mais à financer le TARTAM, c'est-à-dire le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, afin de permettre aux industriels qui avaient choisi de se fournir aux prix du marché de revenir à un tarif réglementé inférieur. Il y a donc une inégalité entre les ménages et les entreprises.
Mes chers collègues, ces trois défauts justifient la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est favorable à cet article que, dans quelques instants, nous proposerons d’amender afin de faire mieux prévaloir le principe d’équité…
Mme Nicole Bricq. Tu parles !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … entre les consommateurs domestiques, c'est-à-dire les ménages, et les consommateurs industriels ou économiques, autrement dit les entreprises.
En effet, ce dispositif est de nature à obliger les pouvoirs publics à mieux tenir compte des coûts qu’il faudra faire réellement supporter aux Français. Il devrait en principe conduire les gouvernements à se poser plus régulièrement la question de la pertinence des tarifs de rachat imposés dont bénéficient certaines filières de production d’électricité comme l’éolien ou le photovoltaïque – une question qui nous a retenus pendant un moment ce soir avec nos amis ultramarins.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
J’avoue d'ailleurs ne pas avoir bien compris la logique de l’argumentation de notre collègue Nicole Bricq : dans le dispositif de l’article 13 bis, la décision revient au ministre, certes, mais si celui-ci était tenté de ne rien faire, parce que, s'agissant de décisions tarifaires, le sujet serait trop sensible vis-à-vis de l’opinion publique, la Commission de régulation de l’énergie, qui est une autorité indépendante, exercerait ses responsabilités.
À mon avis, ce dispositif apporte donc des garanties supplémentaires par rapport à une situation où le Gouvernement serait libre de rester inerte et de ne rien décider afin de ne pas franchir une passe difficile. Il me semble que, dans sa logique, l’article 13 bis est préférable au statu quo. Je voudrais vous en convaincre, madame Bricq, et je ne désespère pas de le faire, même à cette heure tardive. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Nous soutenons l’amendement n° I-169 présenté par notre collègue Nicole Bricq.
En effet, l’article 13 bis du projet de loi de finances tend à faire supporter au consommateur la politique énergétique du Gouvernement, qui est fondée à la fois sur un système très onéreux de rachat de l’électricité issue des énergies renouvelables et sur un désengagement financier récurrent en ce qui concerne la compensation de l’intégralité des charges de service public.
En effet, le nouvel article 13 bis du projet de budget pour 2011 prévoit que la CSPE pourra être augmentée, dans la limite de 3 euros par an, dès le 1er janvier prochain. C’est désormais la Commission de régulation de l’énergie qui élèvera le montant de cette taxe, sauf si le Gouvernement s’y oppose.
Ainsi, la facture d’électricité des ménages grimpera de nouveau de 3 % en janvier prochain, ce qui portera, mes chers collègues, à plus de 6 % la hausse des prix sur six mois, soit l’une des plus fortes augmentations enregistrées depuis près de trente ans.
Les prix réglementés de l’électricité pour les particuliers – les tarifs bleus – sont actuellement fixés à 93,1 euros par mégawattheure, hors taxes. Une hausse de la CSPE de 3 euros par mégawattheure correspondrait donc à une augmentation de plus de 3 % de la facture des ménages.
Si une nouvelle hausse intervient en janvier prochain, les prix auront grimpé au total de plus de 6 % en six mois, une situation inédite depuis le début des années quatre-vingt.
Pis, cette flambée des tarifs ne devrait pas être la dernière. De source syndicale, la Commission de régulation de l’énergie aurait proposé en effet de porter la CSPE à près de 13 euros par mégawattheure en 2011, soit un quasi-triplement par rapport à son niveau actuel, qui est, je le rappelle, de 4,5 euros par mégawattheure.
Comme le soulignait Nicole Bricq, les consommateurs paieront les conséquences de l’ouverture à la concurrence du secteur énergétique, qui s’est accélérée avec le projet de loi NOME, c'est-à-dire nouvelle organisation du marché de l’électricité, obligeant EDF à céder une partie de sa production d’énergie nucléaire pour favoriser les opérateurs privés.
Nos concitoyens et nos entreprises éprouvent de plus en plus de difficultés à faire face à leur facture énergétique, alors que, dans le même temps, EDF distribue chaque année plus de 2 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, dont le principal est l’État. Le Gouvernement s’est complètement désengagé, au profit de la CRE, de la conduite de la politique énergétique, et il se comporte en actionnaire seulement intéressé par l’argent qui entre dans ses caisses.
Cet article constitue une nouvelle illustration des effets pervers des mesures d’incitation fiscales et financières dans le secteur énergétique qui, selon nous, vous le savez, mes chers collègues, devrait au contraire être placé sous la maîtrise de l’autorité publique.
M. le président. L'amendement n° I-13, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° Le onzième alinéa est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, le montant : « 500 000 euros » est remplacé par le montant : « 600 000 euros ».
b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« À compter de l’année 2011, ce plafond est actualisé chaque année dans une proportion égale au taux prévisionnel de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac associé au projet de loi de finances de l’année. » ;
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de répartir équitablement,…
Mme Nicole Bricq. C’est beaucoup dire !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … du moins de notre point de vue, chère collègue,…
Mme Marie-France Beaufils. C’est sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … les probables augmentations à venir de la contribution au service public de l’électricité. (M. Thierry Foucaud s’exclame.)
Chers collègues, la CSPE existe. On nous propose un régime et nous essayons de l’aménager au mieux. En tout cas, au travers de cet amendement, nous nous efforçons de faire en sorte que les arbitrages futurs soient non pas implicites, mais explicites. Veuillez donc m’écouter jusqu’au bout, même s’il est un peu tard.
Instaurée par l’article 5 de la loi du 10 février 2000, la CSPE a pour objet de couvrir « intégralement » les charges de service public de l’électricité qui incombent aux opérateurs historiques, notamment les tarifs sociaux et les obligations de rachat, à des prix fixés par la réglementation, de l’électricité issue de certaines filières.
Or l’augmentation de ces charges de service public de l’électricité n’a pas été compensée, ces dernières années, par l’évolution de la CSPE. Mes chers collègues, le déficit cumulé s’élève actuellement à 1,6 milliard d’euro, et il incombe exclusivement à l’opérateur historique, c'est-à-dire à EDF. Si rien n’est fait, il devrait encore augmenter fortement dans les années à venir, sous l’effet, en particulier, des obligations de rachat à tarifs très favorables par EDF de l’électricité d’origine photovoltaïque.
Les mesures que nous avons adoptées à l’article précédent étaient peut-être douloureuses, mais elles se voulaient, en particulier, une réponse à ces préoccupations. En effet, ces dossiers à l’évolution galopante constituaient pour EDF des charges et auraient contribué à poser de réels problèmes économiques.
Le présent article vise donc, à juste titre, à donner à la Commission de régulation de l’énergie le pouvoir d’agir à la place du ministre chargé de l’énergie en cas de carence de celui-ci – après tout, cela peut arriver, quel que soit le gouvernement en cause –, tout en limitant sa capacité à augmenter la CSPE à 0,003 euros par kilowattheure.
Il est donc probable que la CSPE s’accroîtra pour l’ensemble des abonnés dans les prochaines années.
Dans ces conditions, il ne serait pas logique que les 250 plus gros sites industriels soient exonérés de tout effort du fait de l’existence d’un plafond de CSPE de 500 000 euros par site. Je rappelle que ce dernier n’a pas été révisé depuis 2003.
Sans remettre en cause le principe de ce plafond pour d’évidentes raisons de compétitivité industrielle, le présent amendement prévoit, d’une part, de le faire évoluer chaque année en fonction de l’inflation et, d’autre part, d’opérer un rattrapage, c'est-à-dire de fixer ce plafond à 600 000 euros dès 2011 ; si vous faites le calcul, vous constaterez que ce rattrapage est modeste.
Cette mesure d’équité pourrait éventuellement permettre de limiter la part de la contribution reposant sur les autres consommateurs, c'est-à-dire les ménages.
En d’autres termes, si nous n’actualisons pas le plafond, les ménages seront victimes de l’arbitrage.
Mme Nicole Bricq. D’accord !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est ce que nous avons souhaité expliciter par le présent amendement.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Je suis défavorable au relèvement du plafond de 500 000 euros à 600 000 euros qui entraînerait une augmentation de 20 % des charges supportées par les industries intensives en électricité au titre de la CSPE.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Depuis 2003 !
M. François Baroin, ministre. L’ampleur de cette évolution risquerait de dégrader la compétitivité de ces sites industriels.
En revanche, s’agissant de l’indexation du plafond sur le taux d’inflation prévisionnelle, qui permettrait de faire participer les sites industriels les plus importants aux efforts nécessaires pour rétablir l’équilibre du dispositif de financement, j’y suis favorable.