M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame le ministre d’État, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous connaît bien, puisqu’elle vous a déjà accueillie alors que vous étiez ministre de la défense. C’est avec le même plaisir qu’elle vous recevra en votre nouvelle qualité. Le groupe UMP se réjouit également de votre présence au banc des ministres.
Vous êtes ministre sans discontinuer depuis 2002, et vous êtes depuis quelques jours la première femme à détenir le portefeuille des affaires étrangères et européennes. Les diplomates m’ont fait remarquer ce point. Je leur ai rappelé que vous étiez aussi la première femme à avoir occupé non seulement le poste de ministre de la défense, mais également celui de ministre de l’intérieur avant d’avoir été ensuite ministre d’État, garde des sceaux. De même, vous êtes la première personnalité politique de la Ve République à avoir dirigé consécutivement quatre ministères régaliens, et ce sous l’autorité de deux Présidents de la République et de trois Premiers ministres.
Il était donc tout à fait logique de vous retrouver aujourd’hui à votre nouveau poste.
En tant vice-président de la commission des affaires étrangères, je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Je vous exprime également la grande satisfaction des Français de l’étranger, car ils savent que vous avez toujours été attentive à leurs demandes.
Les grands thèmes de politique étrangère ont été abordés, notamment par MM. Raffarin et Chevènement.
M. Josselin de Rohan, le président de la commission, exprimera ses vues sur le G20, le G8, l’Afghanistan et différents dossiers d’actualité en d’autres temps et d’autres lieux.
Madame le ministre d’État, au sein de votre ministère, la gestion de crise et, d’une manière générale, la sécurité des Français de l’étranger sont des priorités.
Je sais que l’on ne peut pas aborder dans le détail la situation des otages actuels – néanmoins, toute information que vous pourriez nous communiquer serait la bienvenue –, car le sujet est très délicat.
Nous sommes réservés sur le budget global contraint, malgré une légère augmentation des crédits. Comme l’a fort bien indiqué le rapporteur spécial Adrien Gouteyron, nous pensons qu’il a atteint une limite et qu’il devra être conforté à l’avenir.
Toutefois, nous sommes satisfaits d’avoir obtenu les crédits nécessaires à la poursuite dans de bonnes conditions de l’aide à la scolarité des élèves français fréquentant les établissements d’enseignement français à l’étranger.
Le rapport de nos collègues parlementaires Geneviève Colot et Sophie Joissains – certains l’ont critiqué, tandis que d’autres le trouvent excellent – rappelle, si besoin était, l’accueil très favorable que les familles françaises bénéficiaires ont réservé à la prise en charge des frais de scolarité des lycéens.
Je n’engagerai pas un long débat sur le sujet.
Cependant, comme les détracteurs de la PEC prétendent que la mesure provoque l’éviction des élèves étrangers, je souhaite rappeler deux éléments.
D’une part, la mission première de l’AEFE est d’assurer l’éducation des enfants français.
D’autre part, les effectifs d’élèves étrangers scolarisés dans les classes de lycée où la PEC est en vigueur non seulement n’ont pas baissé, mais ils ont même augmenté de 4,9 % l’année dernière. Les élèves étrangers y sont même deux fois plus nombreux que les Français : 31 365 contre 16 631 ! Vous voyez bien qu’il n’y a pas d’éviction !
J’en viens au coût de la PEC, sujet qui appelle de la transparence. Comme le rapport l’a démontré – cela a d’ailleurs été confirmé par l’Inspection générale des finances –, ce coût a été artificiellement gonflé.
En 2007, le Parlement a accordé 5 millions d'euros pour un coût réel de la PEC de 1,8 million d'euros. En 2008, les crédits s’élevaient à 20 millions d'euros pour un coût réel de 8,4 millions d'euros. En 2009, ils atteignaient 30 millions d'euros pour un coût réel de 19 millions d’euros. En 2010, leur montant était de 42 millions d'euros pour un coût réel 30 millions d'euros. Et le coût affiché cette année est supérieur de 25 % au coût réel. Ce sont les chiffres de l’AEFE. Alors que l’on ne nous dise pas que la PEC coûte trop cher !
Rassurez-vous, mes chers collègues, le solde n’a pas été gaspillé par l’Agence, qui a le mérite de bien gérer, puisque les crédits ont été attribués aux bourses scolaires. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Le Président de la République avait d’ailleurs demandé que le budget consacré aux bourses soit augmenté. Ces trois dernières années, ce budget a connu une hausse moyenne de 13,5 %.
Que l’on ne nous dise pas que la PEC est financée au détriment des bourses scolaires ! C’est exactement le contraire !
Et la PEC n’a pas non plus fait s’envoler les frais de scolarité ! Certes, ils ont augmenté – tout augmente ! –, mais dans des proportions similaires à celles qui avaient été observées les années antérieures, à l’exception de la hausse mécanique de la contribution à l’Agence en 2009 et en 2010.
Relevons que les hausses varient selon les écoles. À Bruxelles, les deux lycées gérés directement par l’AEFE ont augmenté leurs frais de scolarité de 25 %, alors que le lycée de New-York a revu les siens à la hausse de 16 %. Les coûts de fonctionnement sont évidemment différents à New-York, Rabat, Casablanca ou encore à Madagascar. Mais l’enseignement dispensé est identique ! Le principe d’égalité devant la loi s’apprécie en fonction du résultat, et non des moyens mis en œuvre pour y parvenir.
D’aucuns soutiennent que la PEC pousserait les entreprises à se désengager du financement des frais de scolarité. Il convient d’être prudent sur ce point. Selon les termes du rapport, sur les quelque 200 entreprises du Cercle Magellan, seules 5 se sont désengagées depuis 2007. Madame le ministre d’État, nous en convenons avec vous, les entreprises qui le peuvent doivent participer à ce financement. Vous avez des idées. Nous attendons vos propositions.
Cela dit, il est effectivement indispensable de contribuer aux efforts d’économies budgétaires de notre pays. C’est pourquoi nous sommes obligés de mettre en place un mécanisme de plafonnement de la prise en charge des frais de scolarité ; je le répète chaque année. En 2011, il ne sera pas possible d’étendre la mesure au-delà des classes de lycée. Tout le monde, y compris le Président de la République, s’accorde sur ce point.
Nous souhaitons que les élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, véritables experts de terrain,…
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai !
M. Robert del Picchia. … soient étroitement associés à la détermination de ce plafond. Nous en reparlerons lors de l’examen des amendements.
Madame le ministre d’État, je voudrais maintenant attirer votre attention sur la disposition du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 qui prévoit l’interdiction pour les administrations publiques centrales d’emprunter au-delà de douze mois. Certes, cette mesure est justifiée, mais elle est inapplicable à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, qui ne peut pas rembourser sur cette période des emprunts de plusieurs millions d’euros.
Nous avons cosigné un amendement d’André Ferrand tendant à remédier à cela. J’ai cependant quelque inquiétude quant à son efficacité. En effet, le dispositif proposé vise à introduire dans le code de l’éducation une mesure spécifique à l’Agence qui ne serait pas applicable en cas d’adoption du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Cela étant, la démarche initiée par notre collègue est importante.
On pourrait peut-être tout simplement ne pas faire pas figurer l’AEFE dans la liste des organismes auxquels s’appliquera l’interdiction d’emprunter au-delà de douze mois, d’autant plus facilement que cette liste, qui doit être définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget, n’est pas encore établie. Madame le ministre d’État, nous comptons sur votre forte capacité de persuasion pour convaincre vos collègues. Je souhaiterais obtenir de votre part des assurances sur ce sujet.
J’évoquerai enfin le budget consacré aux élections des députés des Français de l’étranger, qui doit être à la hauteur des enjeux. Il faut donc engager les crédits suffisants dans le budget tant pour 2011 que pour 2012.
Madame le ministre d’État, nous vous faisons confiance, car nous savons à quel point vous vous êtes battue pour obtenir gain de cause lorsque vous défendiez le budget de la défense, suscitant notre admiration. Nous comptons sur vous pour en faire autant sur le budget des affaires étrangères.
Le groupe UMP, qui connaît votre expérience, vos compétences et votre engagement républicain, votera le projet de budget de la mission « Action extérieure de l’État » pour 2011. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame le ministre d’État, jusqu’à présent, l’examen des crédits de votre ministère donnait traditionnellement lieu à des échanges enflammés sur la politique étrangère. Force est de constater que la situation a bien évolué depuis trois ans.
Grâce à Gérard Larcher, le président du Sénat, et à Josselin de Rohan, le président de la commission des affaires étrangères, des débats sur la politique extérieure ont eu lieu au Sénat. Aussi pouvons-nous aujourd'hui examiner le présent projet de budget sans évoquer les malheurs du monde, qui sont d’ailleurs nombreux.
Mon intervention est un peu une « victoire de l’optimisme sur l’expérience », comme le disait Henri VIII à son sixième mariage ! (Sourires.)
Notre diplomatie en général et notre rayonnement culturel en particulier ont des difficultés à se satisfaire d’un budget de crise. Mais notre diplomatie d’influence et le rayonnement de la France commencent aux portes de nos consulats et de nos ambassades.
C’est pourquoi il faut, me semble-t-il, veiller scrupuleusement à la qualité du recrutement des personnels de nos ambassades. Pourquoi envoyer des ambassadeurs non arabisants dans les pays arabes et des arabisants dans les pays anglophones ?
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
Mme Nathalie Goulet. Nous savons à quel point les relations culturelles et universitaires sont essentielles au soutien des relations économiques. On ne dira jamais assez les effets majeurs de l’implantation de la Sorbonne et du Louvre à Abou Dhabi ou de Saint-Cyr en Arabie Saoudite.
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est exact !
Mme Nathalie Goulet. Notre action extérieure n’est pas une agence de recyclage pour des amis en mal d’exotisme, pour des parlementaires ayant perdu leur circonscription ou pour d’anciens ministres, par ailleurs notoirement non anglophones, propulsés au plus haut d’organisations internationales !
Alors que les débats des commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, insistent sur la nécessité de procéder à des recrutements locaux pour une meilleure efficacité des services rendus, et alors que les recrutements locaux sont, selon une expression bien française ou, plus exactement, québécoise, beaucoup moins dispendieux pour le budget en période de RGPP, les procédures anciennes perdurent, au mépris des besoins et de la réalité du terrain.
Ainsi, notre ambassade des Émirats arabes unis avait besoin d’un attaché de presse. On lui a envoyé un homme tout à fait remarquable venant de CulturesFrance, de CampusFrance ou de dieu sait où, mais ne parlant ni arabe ni même anglais !
M. Jean-Louis Carrère. Est-ce qu’il parle ?
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai qu’il est un peu difficile de trouver un attaché de presse dans un pays comme les Émirats arabes unis, surtout avec un statut d’expatrié et le salaire qui va avec… Et il a fallu toute l’inventivité et la créativité de notre ambassadeur pour créer un poste de secrétaire général de notre ambassade !
En période de RGPP, il faut faire preuve d’un peu de prudence quant à ce type de poste !
Au sultanat d’Oman, il y a un nouvel attaché culturel qui vient du Yémen. On pourrait, certes, penser que c’est une bonne nouvelle et que la personne connaît bien la région. Simplement, au Yémen, elle était chargée de l’agriculture, et non de la culture ! (Sourires.) Il est probable que sa nomination soit due à une erreur de copier-coller… (Nouveaux sourires.)
Je ne parle pas de cet ambassadeur d’un pays essentiel dans le conflit du Proche-Orient dont la seule qualité est d’avoir été un médecin en charge d’opérations humanitaires et qui non seulement ne parle pas arabe, mais parle même très mal l’anglais !
Combien de temps la diplomatie française poursuivra-t-elle encore de telles erreurs de casting, dont la France n’a pas, ou plus, les moyens ?
L’argent public pourrait être employé beaucoup plus astucieusement, avec beaucoup plus d’efficacité, en multipliant les recrutements locaux. C’est le sens de la campagne que je mène.
Nous pourrions très bien imaginer, notamment en matière culturelle, un recruté local pour l’ensemble des pays du Golfe persique, en excluant l’Iran, qui mérite un statut particulier. Il serait possible, me semble-t-il, de réaliser des économies. A-t-on vraiment besoin de cinq attachés culturels, dans cinq ambassades, qui nouent des contacts la première année, travaillent la deuxième et recherchent déjà leur affectation suivante la troisième ?
Madame le ministre d’État, je crois sincèrement que les recrutés locaux pourront mettre à profit toute leur connaissance du terrain et être beaucoup plus efficaces pour les relations culturelles de la France.
Vous souhaitez rapprocher votre ministère des entreprises ; vous aurez à cet égard tout mon soutien, comme celui des membres du groupe auquel j’appartiens.
D’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, j’avais plaidé pour la création, en partenariat avec les professionnels français du barreau, les experts-comptables et les commissaires aux comptes, d’un pool de consultants volants qui officieraient dans des postes ciblés à forte capacité d’investissement.
En effet, il existe de nombreux exemples de pays à forte capacité contributive dont les ressortissants n’ont aucune information quant aux possibilités d’investissement en France et où le moindre conseil fiscal est simplement inexistant.
À mon sens, « l’équipe France » doit marcher dans le même sens, sous la direction de l’ambassadeur, et sous votre autorité, qu’il s’agisse du département culturel, économique ou diplomatique. Elle doit parler d’une seule voix et avoir une seule tête, la vôtre, madame le ministre d’État.
Voilà quelques semaines, j’ai entendu avec beaucoup d’intérêt, à New York, le discours du président Barack Obama sur les objectifs du millénaire. Il a déclaré en substance qu’en continuant ainsi, nous ne pourrions pas être présents partout, et a rappelé que si nous ne fixons pas de priorités, nous n’en atteindrons aucune !
C’est bien le problème qui se pose aujourd’hui avec ce projet de budget. Nous n’avons pas les moyens de notre politique. Sans mécène, pas d’école française à Tbilissi. Sans la banque de Sharjah, pas de lycée français à Dubaï !
Madame le ministre d’État, les défis qui nous attendent sont nombreux. Vous l’avez compris, je crois aux actions transversales.
Il s’agit non pas d’envier la réussite du British Council ou du Goethe Institut, mais de changer les mentalités. Je suis certaine que vous porterez bien la voix de la France !
Je voudrais conclure en saluant les maires de la Vienne,…
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo ! À charge de revanche ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. … qui sont venus en nombre pour assister à ce débat. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nathalie Goulet. J’espère qu’ils auront l’occasion de rester pour entendre votre réponse, madame le ministre d’État. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, ce soir, pour la dix-neuvième et dernière fois, je participe au débat sur le budget du ministère des affaires étrangères, et je mesure avec regret la régression.
Pendant les premières années de mon mandat, on ne parlait guère de finances. Le débat portait alors sur la politique internationale et se terminait par un vote unanime de soutien à l’action du ministre, quelle que soit la majorité gouvernementale.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Il ne tient qu’à vous ! (Sourires.)
M. Jacques Blanc. Vous n’avez qu’à le faire !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C’est vous, chers collègues de la majorité, qui avez commencé à voter contre les crédits du ministère !
Depuis dix ans, les réductions de crédits et d’emplois ont tant frappé que les finances sont devenues le sujet central des débats et que la presse en fait ses grands titres.
Je mesure également la régression s’agissant des Français de l’étranger, que je représente. En 1999, à la suite de mon rapport au Premier ministre intitulé L’exclusion sociale dans les communautés françaises à l’étranger, le Gouvernement avait renforcé ou initié des mesures d’action sociale, et non pas d’aide, en faveur des Français et des communautés françaises, qui avaient perdu pied dans l’aventure de l’expatriation : formation professionnelle pour la réinsertion, appui à la recherche d’emploi, santé, et j’en passe…
Les moyens ont été méthodiquement rognés ou supprimés. Aujourd’hui, il ne reste pratiquement que la charité publique ou privée.
La troisième catégorie aidée de la Caisse des Français de l’étranger, ou CFE, qui avait inclus les Français de l’étranger dans la solidarité nationale à partir de 2002, n’est plus financée par l’État. Elle est donc vouée à disparaître à plus ou moins long terme.
Au total, la citoyenneté des Français à l’étranger tend à se réduire à sa dimension électorale. Nous devenons des électeurs que l’on flatte, que l’on séduit, mais dont on refuse de considérer la situation réelle. (Mme Claudine Lepage applaudit.)
Présidente du groupe d’information internationale France-Territoires palestiniens du Sénat, je placerai mes propos dans la suite des paroles d’un grand témoin, le père Manuel Musallam, curé de la paroisse catholique de Gaza jusqu’à la fin de 2009, qui déclarait ceci : « Pour nous, en Palestine, il est évident que ce n’est pas de pitié dont nous avons besoin, mais de justice. Nous sommes dans une histoire où l’injustice règne en maître. La seule véritable expression de la justice, face à cela, c’est la mise en œuvre des droits fondamentaux de la personne humaine et du droit international. »
Madame le ministre d’État, depuis trois ans, le Gouvernement français abreuve le peuple palestinien de pitié. On apporte une « aide humanitaire » aux Palestiniens victimes du blocus de Gaza et de l’occupation militaire en Cisjordanie.
Or, en Palestine, le problème n’est pas du tout humanitaire. La misère résulte d’une politique raisonnée systématique de « dé-développement », menée par le Gouvernement israélien, son armée et les colons.
Nous sommes tous informés de l’asphyxie économique et sociale de Gaza, de l’israélisation de Jérusalem-Est, qui s’effectue d’ailleurs au mépris du droit international, et des exactions quotidiennes contre les biens et les personnes des Palestiniens. Madame le ministre d’État, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas !
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Aux Palestiniens, la France et l’Union européenne font l’aumône de leur coopération et de leurs financements. Simultanément, dans le plateau israélien de la balance, la France met sa coopération militaire, ses échanges commerciaux, l’entrée dans l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, et le rehaussement du partenariat avec l’Union européenne, qu’on continue à négocier secrètement.
Est-ce ainsi que l’on défend le droit ? Défend-on le droit en apportant tout son appui à un État qui viole systématiquement la légalité internationale ?
La France est membre du conseil de sécurité de l’ONU. Comment comptez-vous en faire respecter les résolutions ? Que ferez-vous pour qu’Israël applique la quatrième convention de Genève en Cisjordanie et mette fin au blocus de Gaza ? Accepterez-vous de recevoir les défenseurs de Salah Hamouri, prisonnier politique français en Israël ?
Oui à la compassion envers les Palestiniens, mais pas pour masquer le déni de droit et l’injustice !
Face à un tel déni de droit, les sociétés civiles palestinienne, israélienne et internationale recourent à la lutte non violente dans toutes ses modalités connues. En France, un certain nombre de personnes sont ainsi poursuivies devant les tribunaux. Si cela doit être mon cas, je l’assumerai et j’en serai fière !
Mais c’est à l’État de faire respecter la légitimité internationale. Il est grand temps que la France revienne à ses fondamentaux diplomatiques au Proche-Orient ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame le ministre d’État, je soulignerai d’abord que vos fonctions antérieures de ministre de la défense, puis de l’intérieur, vous rendent les problèmes internationaux familiers.
« Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay ! » Cette injonction de deux anciens ministres des affaires étrangères compétents et respectés, MM. Alain Juppé et Hubert Védrine, ne peut pas être ignorée.
Votre budget, qui s’élève à 3 milliards d’euros, n’est pas substantiel. Faisons en sorte qu’il soit utilisé efficacement !
La recherche de performance, alliée aux contraintes budgétaires et au non-renouvellement des effectifs, est mise en œuvre de manière exemplaire et courageuse, car parfois humainement douloureuse, par le Quai d’Orsay.
Le comité interministériel des réseaux internationaux de l’État, le CORINTE, est un succès. L’ambassadeur coordonne enfin l’ensemble de l’action extérieure et lui donne sa cohérence.
Néanmoins, la rationalisation pourrait être plus audacieuse. Européen convaincu, j’appelle depuis des années à la mutualisation des services consulaires des pays de l’Union.
En effet, je crois à une citoyenneté européenne qui s’exprimerait à l’étranger par une représentation consulaire commune, au moins aux États de l’espace Schengen, et par la suppression des consulats au sein des pays de l’Union. Ces décisions seraient logiques, symboliques, économiques et d’autant plus légitimes que le service européen pour l’action extérieure, le SEAE, est en cours d’installation. Sous peu, Lady Ashton sera à la tête d’une diplomatie européenne forte de 3 000 agents, dirigée par Pierre Vimont.
Madame le ministre d’État, le droit communautaire prévaut sur le droit national. Qu’en est-il de l’action extérieure ? Quel équilibre de répartition des responsabilités et des tâches comptez-vous définir ?
Si nos collègues Adrien Gouteyron et Jean-Louis Carrère, dans leur rapport d’information, sont réservés sur les missions diplomatiques communes avec nos partenaires de l’Union européenne, ils relèvent 26 collaborations réussies en matière consulaire, 19 centres communs de réception de visas, 3 centres administratifs et 3 projets en cours.
Madame le ministre d’État, comptez-vous intensifier ce mouvement ? L’Allemagne est notre partenaire presque exclusif grâce à l’accord entré en vigueur en 2008. Qu’en est-il d’une collaboration avec d’autres pays de l’Union ?
Le redéploiement des effectifs, sur lequel j’insiste lors de chaque examen des crédits de cette mission, est indispensable et stratégique. Or les chiffres que j’ai lus cette année m’ont sidéré !
Quelque 19 % des agents expatriés sont déployés en Europe, c’est-à-dire chez nous – on en compte 154 en Allemagne et 148 en Belgique –, et 35 % le sont en Afrique, et même pas principalement dans les pays émergents. Pourquoi ? Mes chers collègues, comparez les effectifs : 207 agents au Sénégal, mais 160 en Chine ; 127 à Madagascar, mais 123 en Russie ; 83 au Burkina Faso, mais 110 en Inde ; 80 au Mali, mais 104 au Brésil !
Certains chiffres sont encore plus aberrants : 14 agents aux Seychelles, 14 à Sainte-Lucie, 10 à Trinité-et-Tobago, 10 aux Fidji, 8 à la Jamaïque, 27 à Maurice ! Le bronzage serait-il une obsession de notre diplomatie ? (Exclamations.)
Madame le ministre d’État, un budget exprime des choix stratégiques, une vision politique à long terme. Les chiffres étonnants sur la répartition des effectifs vous semblent-ils efficaces pour une action extérieure stratégique et ciblée vers des pays d’avenir ?
L’examen des crédits de l’action extérieure de l’État étant un « moment décisif où nous pouvons passer en revue objectifs, stratégies, modalités d’action, réformes en cours et critiques », je souhaite vous interroger sur quelques points qui me préoccupent : le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, le Moyen-Orient et l’Afghanistan.
Le retour de notre pays au sein du commandement intégré de l’OTAN avait provoqué de vives réactions. Certains n’y étaient pas favorables, mais y discernaient, comme moi-même, le moyen de mettre en place une défense européenne. Nous l’avons donc voté. Beaucoup de nos partenaires de l’Union n’en voyaient pas la nécessité, considérant cette défense européenne comme inutile en raison de leur appartenance à l’OTAN.
Le Président de la République avait conditionné le retour de notre pays dans l’OTAN au renforcement de la défense européenne. Où en est-on de ce point de vue ? (M. Jean-Louis Carrère s’esclaffe.) Quels sont les avantages de cette réintégration pour la France, hormis l’obtention de quelques postes ? Au final, n’avons-nous pas perdu une part d’autonomie de notre politique étrangère ?
M. Aymeri de Montesquiou. L’alliance avec les États-Unis dans ce cadre ne nous prive-t-elle pas d’une option alternative concertée ?
M. Aymeri de Montesquiou. Il semble de plus que les États-Unis soient toujours décisionnaires pour les grandes opérations (Mme le ministre d’État le conteste), par exemple pour les dates de retrait des troupes en Afghanistan, même si le sommet de Lisbonne prévoit une plus grande concertation.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Lors d’un déjeuner, j’interrogeais l’ambassadeur des États-Unis afin de savoir si son pays condamnerait un jour Israël pour une de ses atteintes répétées au droit international. Il ne m’a pas répondu.
Notre appartenance à l’OTAN amollie-t-elle nos positions au Moyen-Orient, héritées du général de Gaulle ? (Mme le ministre d’État fait un signe de dénégation.)
Le Président de la République, dans son discours à la Knesset, a exhorté Israël à adopter une politique plus conforme au droit international. Est-ce le cas ?
Au mois de janvier 2009, en réaction à des tirs de roquette, certes inacceptables, mais qui n’ont heureusement pas fait de morts, l’opération « Plomb durci » a fait 1 400 victimes, dont une majorité de civils. L’arraisonnement dans les eaux internationales de la flottille partie de Turquie a fait 9 morts. Toutes ces exactions provoquent haine et tensions avec le monde musulman.
Madame le ministre d’État, allez-vous proposer des mesures soulignant notre volonté qu’Israël respecte le droit international ou vous contenterez-vous de simples paroles ?
Je connais l’Afghanistan depuis 1994. J’ai vécu, en particulier, quinze jours chez le commandant Massoud durant l’été 2001. J’y suis retourné à plusieurs reprises après la chute des talibans. En 2002, on circulait à pied sans protection à Kaboul.