M. Aymeri de Montesquiou. Si, madame le ministre d’État ! En 2002, on circulait à pied sans protection à Kaboul.
M. Aymeri de Montesquiou. Aujourd’hui – je m’y suis rendu deux fois cette année –, on ne se déplace plus qu’en convoi blindé. N’est-ce pas la démonstration que notre politique n’est pas la bonne ?
M. Aymeri de Montesquiou. Quelle nouvelle orientation comptez-vous lui donner ? Le chef d’Al-Qaïda liant la présence française en Afghanistan à la menace terroriste en France, nous devons expliquer notre action dans ce pays à nos compatriotes, qui, pouvant se sentir menacés, la comprendront et soutiendront nos sacrifices en connaissance de cause : le respect des droits fondamentaux, ainsi que la lutte contre la barbarie et le projet taliban visant à transformer en émirats les pays d’Asie centrale, une zone stratégique.
J’ai été interpelé dan un petit village par un vieil Afghan qui m’a dit en russe – il était donc instruit –, « вы тожэ ухлют », c'est-à-dire : « Vous aussi, vous partirez ».
M. Jean-Louis Carrère. Bien sûr !
M. Aymeri de Montesquiou. Sera-t-il prophète ?
L’importance de nos contributions internationales et notre participation aux opérations de maintien de la paix partout dans le monde prouvent que « rien de ce qui est humain ne nous est étranger ».
C’est la raison pour laquelle notre pays est toujours « une puissance d’influence mondiale ». Il le restera s’il opère des choix justes et visionnaires, s’il demeure vigilant sur l’adaptation et la modernisation de sa diplomatie et attentif aux personnels qui la composent. Dans cet esprit, madame le ministre d’État, je voterai les crédits de cette mission. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est dommage ; j’aurais applaudi votre discours si vous n’aviez pas indiqué que vous voteriez les crédits !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Madame le ministre d’État, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien je suis satisfait de votre nomination à la tête du ministère des affaires étrangères, ministère de tutelle des Français de l’étranger, que je représente.
Je sais l’attachement qui est le vôtre à l’expatriation française dans le monde. J’ai participé à de nombreux colloques concernant les Français de l’étranger dont vous étiez l’invitée d’honneur, et vous avez toujours su faire comprendre à nos compatriotes expatriés combien vous étiez proche de leurs préoccupations.
Je vous le dis d’autant plus volontiers que je m’occupe particulièrement, au Sénat, de la couverture sociale des 2,5 millions de Français vivant à l’étranger.
Deux sujets me tiennent à cœur : d'une part, les crédits du pôle social, que gère votre ministère, pour nos compatriotes les plus défavorisés ; d'autre part, la Caisse de sécurité sociale des Français de l’étranger, la CFE, que je préside et qui est l’organe de rattachement à la sécurité sociale de nos compatriotes expatriés.
Sur le premier point, c’est avec une véritable stupéfaction que nous avions appris l’année dernière, lors de la présentation des crédits de la mission, que le fonds d’action sociale géré par votre ministère – créé en 1977, il intéresse les personnes âgées nécessiteuses, les handicapés majeurs et mineurs, l’enfance en détresse et les personnes en butte à des difficultés passagères –, serait diminué d’un tiers au cours des années 2010, 2011 et 2012.
J’avais eu l’occasion de préciser à votre prédécesseur qu’une telle mesure était inenvisageable et inadmissible, et que, s’il était louable de s’occuper d’actions humanitaires comme il l’avait fait, les Français de l’étranger les plus défavorisés ne devaient pas être traités de la sorte !
C’est pourquoi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, j’avais soutenu un amendement déposé par mon excellent collègue Adrien Gouteyron pour modifier la répartition des crédits à hauteur de 1,5 million d’euros et maintenir à peu de chose près le budget de l’année précédente.
Je constate avec satisfaction que le Gouvernement a décidé de consacrer au pôle social un budget de 19,8 millions d’euros pour 2011 et de maintenir l’enveloppe à ce niveau pendant la durée du nouveau triennium.
En revanche, le second problème que je souhaite soulever lors de mon intervention, celui qui concerne la Caisse des Français de l’étranger, ne me paraît pas résolu.
Madame le ministre d’État, permettez-moi de vous rappeler que la Caisse de sécurité sociale des Français de l’étranger constitue, depuis sa création en 1984, un élément essentiel de la couverture sociale de nos compatriotes. La CFE protège 200 000 Français dans le monde. Ses adhérents sont de plus en plus nombreux.
La loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale avait prévu qu’une aide gouvernementale serait mise en place au profit de la troisième catégorie de cotisants, c’est-à-dire de ceux dont les revenus sont les plus faibles, permettant ainsi à certaines familles qui n’en ont pas les moyens de payer la cotisation volontaire demandée par la Caisse et d’être couvertes. Le financement de la couverture de cette catégorie est complexe.
Dans un premier temps, la CFE devait puiser dans ses réserves à hauteur de 50 millions de francs, puis être relayée par une ligne budgétaire de l’État. C’est votre ministère qui a été choisi pour assumer cette dépense.
Depuis la fin de 2006, et après l’épuisement du préfinancement propre à la CFE que j’ai évoqué, c’est donc votre ministère qui prend en charge le coût de cette troisième catégorie aidée, comme il l’a encore fait pour l’année 2010.
Mme Geneviève Colot, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale, qui a d'ailleurs remis un excellent rapport, a fait voter un amendement tendant à instituer un cofinancement à parts égales entre la caisse et votre ministère. Cette initiative faisait d’ailleurs suite à une délibération du conseil d’administration de la CFE qu’avait souhaitée votre ministère.
Cet amendement a été adopté contre l’avis de M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial, qui a présenté de manière inexacte les conséquences de l’article 19 de la loi de modernisation sociale. Il a prétendu que c’était la CFE qui devait financer l’intégralité du dispositif. Or c’est tout le contraire qui était prévu, puisque le financement était à la charge de l’État, la CFE n’émettant qu’une première avance !
Toutefois, un problème subsiste. Si, comme je l’ai indiqué, le cofinancement à parts égales a été voté à l’Assemblée nationale, son abondement n’est pas assuré, car un second amendement de Mme Colot tendant à compléter la ligne budgétaire initiale prévue n’a pas été adopté. Il faudra donc que le Sénat mette de la cohérence là où les votes de l’Assemblée nationale sont contradictoires.
Ainsi, cette troisième catégorie aidée pourra continuer à exister, ce qui permettra à nos compatriotes dans l’incapacité d’assurer la totalité de la cotisation compte tenu de leurs ressources de bénéficier de cette couverture sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, depuis son élection en 2007, le Président de la République a affirmé vouloir placer au premier rang de ses priorités la politique étrangère, une ambition que nous ne pouvons que partager.
Si le chef de l’État a, certes, beaucoup voyagé et beaucoup proposé au cours des trois dernières années, les faits, qui, eux, ne trompent pas, sont moins parlants.
Je voudrais d’emblée repréciser le contexte dans lequel s’inscrit notre action. Avec la fin de la guerre froide, le bilatéralisme américano-soviétique s’est évanoui. Les événements des années quatre-vingt-dix et, surtout, 2000 ont également montré que l’unilatéralisme d’une toute-puissance états-unienne n’était ni soutenable ni souhaitable.
Le monde s’est donc engagé dans la voie du multilatéralisme, avec une multiplication des pôles d’influence et une redistribution des cartes en direction de l’Asie et de l’Amérique du Sud.
Dans ce contexte, les Nations unies devraient avoir un rôle déterminant à jouer. L’ONU a pourtant montré bien peu d’autorité lors des récentes crises internationales, et son secrétaire général peine à faire entendre sa voix depuis sa nomination. Il lui est d’autant plus difficile de se faire entendre que bon nombre d’États, dont le nôtre, accordent malheureusement assez peu d’importance à l’avenir de cette institution.
Nous devrions pourtant prouver notre attachement au multilatéralisme, tout en nous efforçant de défendre nos principes dans le cadre des institutions internationales. Pour cela, il est nécessaire de soutenir l’ONU de toute notre énergie et d’être, au sein de cette institution, une force de proposition.
Si le G8 et le G20 ne sont pas à négliger, ils restent des clubs très fermés, et nous ne devrions pas les laisser outrepasser les prérogatives onusiennes. Pourtant, tout se passe aujourd’hui comme si ces groupes, ainsi que l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, et le Fonds monétaire international, le FMI, étaient les seules structures à même de décider de l’avenir de notre planète. La seule enceinte légitime au plan mondial reste l’ONU. C’est pour cette raison qu’il faut militer en faveur de sa réforme, afin que l’institution soit mieux adaptée aux nouveaux enjeux globaux. Par exemple, quelle place doit revenir à l’Union européenne dans ses instances ?
Cela passe nécessairement par un élargissement du Conseil de sécurité.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Vous êtes donc d'accord avec le Président de la République ! Je vous en remercie.
M. Michel Boutant. Nous ne sommes plus en 1945. Les équilibres d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier. Afin de pouvoir agir avec efficacité et rapidité, l’ONU devrait pouvoir disposer de moyens militaires et civils d’intervention permanents.
D’une manière plus générale, c’est la légitimité de l’organisation qui doit être réaffirmée avec force. L’ONU doit chapeauter l’ensemble des organisations internationales et assumer avec ambition des tâches civiles et même, le cas échéant, militaires, avec un mandat précis et des moyens adéquats.
La France doit porter ce projet. Pour cela, elle doit sensibiliser ses voisins européens, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, sur le sujet. Qu’a fait le Président de la République depuis 2007 pour relancer l’ONU ? Votre ministère entend-il s’attaquer au défi du multilatéralisme ? Plus que des réponses verbales, nous attendons des actes !
Des actes, c’est également ce que nous souhaitons sur le dossier du désarmement. La huitième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ou TNP, qui s’est tenue à New York au mois de mai dernier, n’a malheureusement pas permis de dégager une position française claire.
Quelques mois plus tôt, le Président de la République, s’exprimant au sujet de la feuille de route de Barack Obama, avait déclaré : « Nous vivons dans un monde réel, pas dans un monde virtuel ». Un monde réel ne mérite-t-il pas justement que ses dirigeants traitent le sujet du désarmement avec moins de négligence ? Il ne s’agit pas, pour mes amis et moi, de remettre en cause le principe français de la dissuasion nucléaire indépendante.
Cependant, nous estimons que, par responsabilité envers les générations futures, nous ne pouvons pas nous soustraire à l’objectif, certes de très long terme, d’un monde dénucléarisé. À cet égard, la position du Président de la République n’est pas très claire. Une telle ambiguïté place d’ailleurs notre pays en porte-à-faux sur la scène diplomatique internationale.
D’ailleurs, il serait intéressant que le nouveau ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants, M. Alain Juppé, puisse expliquer au Président de la République le contenu de la tribune qu’il avait cosignée dans le journal Le Monde le 14 septembre 2009 : « Pour un désarmement nucléaire mondial, seule réponse à la prolifération anarchique ».
Concrètement, la France devra reprendre un rôle d’impulsion dans tous les débats sur le désarmement et la non-prolifération des armes de destruction massive. Mais, encore une fois, il n’incombe pas uniquement à la France de faire avancer ce dossier. Le désarmement est toujours un horizon souhaitable, et c’est, me semble-t-il, au niveau européen que notre pays doit porter cette proposition. De quelle manière entendez-vous défendre le dossier à Bruxelles, madame le ministre d’État ?
En particulier, comment soutenir les bonnes initiatives tendant à une réduction des armements conventionnels les plus déstabilisants et les plus dangereux pour les populations ? Je pense en particulier aux armes de petit calibre, qui font aujourd’hui des ravages dans les conflits africains.
Madame le ministre d’État, avant de conclure, je souhaiterais vous interroger sur un domaine d’action plus précis et qui me tient tout spécialement à cœur : la lutte contre la piraterie maritime.
Je dois admettre que la France a tenté d’agir en la matière au cours des derniers mois, notamment au moyen du projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer.
Malgré tout, les bonnes intentions affichées ne résolvent pas l’ensemble des problèmes qui se posent. Le député Christian Ménard reconnaissait le 4 novembre dernier que l’opération Atalanta, si elle avait donné dans un premier temps quelques résultats, montrait aujourd’hui ses limites. Les actes de piraterie sont en effet en pleine recrudescence dans le golfe d’Aden, et les pirates sont de mieux en mieux armés et organisés.
De plus, même si nombre d’entre eux ont été arrêtés, des difficultés se posent toujours pour les suites judiciaires à donner à leur arrestation.
Enfin, et je terminerai sur ce point, nous savons tous que la piraterie perdurera tant que les causes politiques, économiques et sociales qui la provoquent n’auront pas disparu. Aussi, madame le ministre d’État, pouvez-vous nous indiquer de quelle manière la France entend venir en aide à la Somalie, qui vit depuis bien trop longtemps dans une situation anarchique ?
Sur ce dossier comme sur bien d’autres, la France doit bien sûr faire entendre sa voix, mais surtout retrousser ses manches ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
(M. Roger Romani remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame le ministre d’État, permettez-moi tout d’abord de vous exprimer à mon tour ma satisfaction de voir pour la toute première fois une femme à la tête du Quai d’Orsay.
Votre nomination constitue un beau témoignage de l’évolution de votre ministère, qui s’emploie à tous les échelons à diffuser l’image d’une France dynamique, ouverte sur le monde et pionnière sur tous les grands enjeux de notre temps.
Nous comptons sur vous pour aider notre pays à développer son action en préservant au mieux son budget et pour défendre au mieux les intérêts de nos compatriotes expatriés.
Je note beaucoup d’éléments positifs dans le projet de budget qui nous est présenté cette année. Malgré les indispensables restrictions budgétaires, le budget global de la mission « Action extérieure de l’État » progresse de près de 5 % et la dotation du programme 151 augmente de près de 5,5 %.
Cet accroissement permettra de développer le service public en faveur de nos compatriotes expatriés, ce qui s’inscrit parfaitement dans la volonté du Gouvernement de rapprocher les citoyens de leur administration, ainsi que l’a récemment rappelé M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
L’enjeu est de taille. En expatriation, plus encore qu’en métropole, l’accès à l’information est vital. Je pense bien sûr aux situations de catastrophe naturelle ou de crise politique, mais aussi, comme cela a été rappelé lors du débat sur les retraites, à l’importance pour les expatriés d’être informés des conséquences de leur expatriation en matière de droits sociaux, afin de mettre en place des stratégies de prévoyance, ou encore aux parents confrontés à un conflit avec leur ex-conjoint au sujet de l’attribution de l’autorité parentale. En l’occurrence, la méconnaissance du droit international et des dispositifs institutionnels peut conduire à des erreurs dramatiques.
Une véritable campagne de communication doit être menée sur le sujet. À cet égard, je salue l’engagement du personnel du Quai d’Orsay.
Je voudrais souligner aussi le rôle encore trop méconnu, y compris parmi nos communautés expatriées, des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE. Ils constituent un maillon essentiel pour assurer la transmission des informations au sein des multiples réseaux qui structurent notre diaspora, dont de nombreux membres n’entretiennent – hélas ! – pas ou peu de relations avec les consulats.
L’enveloppe allouée à l’AFE, à la télé-administration et aux services administratifs ne représente que 3,9 % des crédits du programme 151. Son renforcement pourrait permettre d’accroître l’efficacité de ces ressources, encore insuffisamment mobilisées.
Il nous faut absolument mobiliser nos réseaux à l’étranger, car ils constituent un vivier de compétences et d’expertise qui mériterait d’être mieux utilisé au service du rayonnement économique, stratégique et culturel de la France, et ce pour un coût quasi nul.
Les conseillers à l’AFE constituent le support irremplaçable de la mobilisation de ces ressources, mais ils ont besoin que leur rôle soit mieux accepté et promu localement par le réseau diplomatique et consulaire.
La double échéance électorale de 2012 constitue un bon levier pour mobiliser et stimuler nos compatriotes, mais c’est dès maintenant que nous devons y travailler. Je me réjouis qu’un vrai budget de près de 600 000 euros soit enfin alloué à la mise à jour des listes électorales, au financement de campagnes d’information et à l’amélioration des procédures de vote par correspondance. Par ailleurs, une somme d’un million d’euros sera consacrée à l’amélioration des conditions de mise en œuvre du vote électronique.
L’enseignement est évidemment un autre enjeu majeur pour nos compatriotes vivant à l’étranger. L’AEFE joue un rôle essentiel dans la formation des élites internationales et françaises et consolide notre influence dans plus de 130 pays. Il est indispensable de lui donner les moyens de poursuivre cette double mission. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Mais deux tiers des élèves français résidant à l’étranger et nombre d’étrangers francophones n’ont pas accès à ces établissements d’excellence. Notre stratégie de diffusion de l’enseignement en français et « à la française » doit mieux les intégrer.
Cela passe par un appui renforcé aux petites écoles de français langue maternelle, ou FLAM, par la labellisation de cursus francophones au sein d’établissements étrangers, par l’envoi de volontaires internationaux dans ces structures en soutien à la francophonie et par le développement de la diffusion audiovisuelle en français dans les médias étrangers.
Le financement de telles actions est actuellement dispersé entre de multiples lignes budgétaires, et il est notamment menacé par la diminution de 17,4 % des crédits d’intervention du programme 185.
Madame le ministre d’État, je voudrais vous exhorter à travailler avec nos partenaires francophones dans les pays étrangers – je pense bien sûr au Québec – pour coordonner nos actions en la matière.
La proposition que j’avais formulée à cette même tribune au mois de décembre 2005 me semble plus que jamais d’actualité : une fondation pour la présence française à l’étranger favoriserait le développement des initiatives et de financer ces actions, que le budget de l’État ne peut plus réellement prendre en charge dans divers domaines. Cette structure pourrait s’appuyer sur des branches de droit local permettant aux expatriés de profiter de conditions de fiscalité avantageuses sur les dons et legs dans différents pays.
Ma principale réserve sur le budget qui nous est présenté aujourd'hui concerne l’aide sociale. En effet, si les crédits du pôle social augmentent très légèrement, c’est surtout du fait d’un élargissement de son périmètre.
La troisième catégorie de la CFE, la Caisse des Français de l’étranger, qui concernait 3 744 adhérents en 2009, est indispensable. Pour autant, le débat sur son financement ne doit pas éluder la réflexion sur les autres dispositifs d’aide sociale.
Alors que la population française à l’étranger continue d’augmenter de 3 % à 4 % par an, les crédits dévolus aux sociétés françaises de bienfaisance, centres médico-sociaux et autres organismes d’assistance diminuent. Pourtant, nous devrions soutenir ces structures et les encourager à accroître la portée de leur action avec des partenariats privés. Je pense par exemple à une maison de retraite qui a été ouverte au Paraguay.
Les 16 millions d’euros d’aide aux personnes alloués via les comités consulaires pour la protection et l’action sociales ne suffisent pas à couvrir les besoins de nos compatriotes de l’étranger âgés ou handicapés ou confrontés à des situations de détresse ponctuelle. Nous devons y remédier.
Je rappellerai que le coût mensuel moyen est de 258 euros par bénéficiaire, à comparer aux 677 euros mensuels versés au titre de l’allocation de solidarité aux personnes âgées en France.
La réticence à permettre à la solidarité nationale de s’étendre à nos compatriotes de l’étranger est profondément ancrée en métropole, comme en atteste la récente polémique sur la fiscalité des Français de l’étranger.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il est de notre devoir de faire évoluer les mentalités, afin que nos expatriés soient considérés comme des membres à part entière de la nation.
Nonobstant cette mise en garde, je voterai ce budget, qui va dans la bonne direction, même si je souhaiterais qu’il soit plus important.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, j’aborderai d’abord la gestion du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger.
La politique en la matière consiste à financer l’entretien du patrimoine existant – nous en avons besoin – et les acquisitions nouvelles par les produits de cession. Malheureusement, et j’avais déjà soulevé le problème l’an dernier, elle connaît des difficultés dans sa mise en œuvre.
Tout d’abord, l’agence foncière à l’étranger, qui devait gérer l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger, n’a toujours pas été mise en place, pas plus que l’embryon de structure destiné à gérer quatre ou cinq des sites.
Plus grave encore, comme vous le savez sans doute, c’est un marché de dupes. En effet, les prévisions de cessions d’immeubles réalisables à l’étranger d’ici à 2012 sont estimées à 368 millions d’euros. Cet argent est intégralement restitué au ministère des affaires étrangères pour les missions que je viens d’indiquer.
Toutefois, en réalité, en tout cas jusqu’à l’an dernier, le ministère des finances gardait l’essentiel des produits de cession. En 2009, pour 70 millions d’euros de cessions, Bercy n’avait restitué que 7 millions d’euros au ministère des affaires étrangères, soit seulement 10 % du total.
Les choses ont peut-être changé depuis ; j’espère que, sous votre conduite énergique, il en sera ainsi, madame le ministre d’État. Toutefois, si la situation perdure, ce sera vraiment, je le répète, un marché de dupes. Aucun d’entre nous ne pourra l’accepter.
En outre, nos ambassades et nos consulats dans certains pays ont un besoin urgent de crédits pour la réfection et l’entretien lourd tant leur dégradation progressive finirait par les faire passer pour des établissements de pays du Tiers-monde !
D’une manière générale, les dispositions de la RGPP applicables au ministère des affaires étrangères sont trop brutales et ont pour conséquence d’amoindrir la qualité des services rendus aux usagers sans que de véritables économies soient réalisées pour autant.
Par exemple, vous allez supprimer 450 équivalents temps plein travaillés, ou ETPT d’ici à 2013, alors que 883 ETPT ont déjà été supprimés entre 2006 et 2008 et 700 ETPT entre 2009 et 2011. Au total, 2 000 ETPT ont été supprimés au ministère des affaires étrangères en sept ans !
Pour un ministère de taille modeste – il compte près de 16 000 fonctionnaires, voire entre 25 000 et 30 000 employés en tout si l’on intègre les contrats locaux –, c’est énorme ! Cela correspond à presque 10 % des effectifs.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. La RGPP n’a que deux ans ; on ne peut pas tout lui faire porter !
M. Richard Yung. Votre ministère l’avait en quelque sorte anticipée, sans doute par vertu. Mais nous voyons que la vertu n’est jamais récompensée ; 2 000 postes ont disparu en sept ans !
M. Robert Hue. Absolument !
M. Richard Yung. Nous savons tous que nous sommes, si vous me permettez l’expression, « à l’os ».
Si les consulats fonctionnent, c’est parce que le consul travaille 70 heures par semaine, vient le samedi et le dimanche pour traiter les demandes de visas et de passeports. Cette situation ne tiendra pas ! Le tissu est déjà en train de craquer !
J’avais fondé quelques espoirs dans la coopération européenne en matière consulaire. Chaque année, il en est question. Pourtant, nous ne progressons pas du tout dans cette voie : nous ne voyons aucune réalisation concrète, ou très peu, par exemple la création de quelques postes exotiques, comme à Oulan-Bator.
Pourtant, il serait facile de mettre en place une telle coopération en matière, par exemple, de délivrance des visas Schengen. Or on continue à voir jusqu’à dix guichets côte à côte dans certaines villes, alors que, dans d’autres, on n’en trouve aucun ! Une telle situation ne me satisfait guère. J’aimerais connaître votre opinion sur ce point, madame le ministre d’État.
À mon avis, le dogme de l’universalité du réseau sera remis en cause. Je sais que ce choix a été fait voilà trois ans à peine, mais nous voyons bien que nous n’y arrivons plus. Si les moyens en personnels sont ceux que j’ai indiqués, nous qui sommes les représentants des Français établis hors de France, nous ne pouvons pas nous en réjouir. Nous souhaitons le maintien d’un réseau, car les consulats sont, en quelque sorte, nos mairies, nos préfectures.
Madame le ministre d’État, à la suite de certains de mes collègues, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre du Service européen pour l’action extérieure. Combien de Français sont en passe d’être recrutés ou le sont déjà ? Par ailleurs, le SEAE peut-il être le cadre d’une coopération européenne ?
Je rejoins mes collègues pour faire remarquer que, en matière de protection sociale, la diminution de la dotation à la CFE de 2 millions d'euros pour le financement de la troisième catégorie aidée n’est pas satisfaisante. Nous déposerons un amendement tendant à y remédier.
Je voudrais à présent évoquer la francophonie, au nom de notre collègue Jean Besson.
À la lecture du projet de loi de finances pour 2011, un constat s’impose : la francophonie risque d’être une fois de plus réduite à la portion congrue, et ce malgré tous nos appels pour que l’on porte haut les couleurs de la France et que l’on réponde à une demande forte en la matière.
Je crains que, diluée dans les différentes missions de l’action extérieure de l’État, la francophonie ne reste désespérément la variable d’ajustement de plusieurs ministères. Il ne faudrait pas que la France, le pays du français, devienne paradoxalement le pays le moins volontariste sur le plan de la francophonie !
Ainsi, notre politique restrictive en matière de délivrance des visas pousse les étudiants vers d’autres pays plus ouverts. En valeur absolue, la France attire deux fois moins d’étudiants étrangers que l’Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni !
Notre pays souffre également de l’absence de véritable programme d’échanges scolaires et de la diminution drastique du nombre des alliances françaises et des instituts culturels, véritable clef de voûte de notre action francophone et culturelle à l’étranger.
Les subventions aux alliances françaises locales passeront de 7,2 millions d'euros en 2010 à 6,6 millions d'euros en 2011, ce qui représente une baisse de 10 %, malgré le travail tout à fait remarquable qu’accomplissent partout ces hommes et ces femmes, jusque dans les plus petites villes du monde.
Certes, le président du groupe France-République populaire de Chine se réjouit du travail réalisé par les alliances françaises de Pékin, de Wuhan et de Tianjin, mais il ne peut pas occulter la baisse des subventions de 20 % à 30 % en moyenne.