compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Fin de mission d'un sénateur
M. le président. Par lettre en date du 25 novembre 2010, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 1er décembre 2010, de la mission temporaire sur les métiers et les compétences dans le secteur des énergies marines renouvelables, confiée à Mme Gisèle Gautier, sénatrice de la Loire-Atlantique, auprès de Mme Valérie Létard, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
3
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, établi en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
4
Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 110 rectifié, rapport n° 111).
Défense
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense » (et article 69).
La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le ministre d’État, pour votre première intervention significative devant le Sénat à l’occasion de la présentation du projet de budget de la défense, permettez-moi de vous féliciter pour cette nomination majeure.
Même si vous avez occupé par le passé des fonctions plus importantes encore au service de notre pays, je connais trop la passion du service de l’État qui vous anime – elle vous a d’ailleurs toujours animé – pour douter que la mission qui vient de vous être confiée avec le ministère de la défense ne vous intéresse infiniment. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Pour les rapporteurs de la commission des finances de la Haute Assemblée, qui sont tout autant attachés à leur fonction, il s’agit là d’une réelle satisfaction et d’un encouragement majeur au moment où, une fois de plus, ils s’interrogent sur le fait de savoir si les programmes militaires, tels qu’ils ont été élaborés avec tant de soin avec la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, pourront être respectés.
Nous comptons beaucoup sur votre investissement et sur votre motivation, comme vous pouvez compter, monsieur le ministre d’État, sur notre vigilance et notre soutien, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition,…
M. Jean-Louis Carrère. Ça, ce n’est pas sûr !
M. François Trucy, rapporteur spécial. … car ici, au Sénat – vous le savez parfaitement –, devant les nécessités et les exigences de la défense nationale, les préoccupations partisanes passent au second plan : seuls comptent les intérêts majeurs de l’État.
En revanche, nous avons des sujets d’inquiétude et nous allons, les uns et les autres, vous les exposer.
Le rapport écrit que Jean-Pierre Masseret, Charles Guéné et moi-même avons rédigé est suffisamment complet pour que je n’aie pas à reprendre ici, alors que le temps nous est mesuré de manière insupportable, les données de la mission et de ses chapitres.
Si je me permets de dire que le temps nous est mesuré de manière insupportable, c’est en songeant aux 182 heures que nous avons consacrées ici même à débattre de la réforme des retraites alors que, aujourd'hui, nous ne disposons chacun que de dix minutes pour analyser le troisième budget de l’État et ses 37 milliards d’euros. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Avouez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il y a là matière à s’interroger. Cela étant, monsieur Carrère, je ne regrette pas ces 182 heures, je fais juste une comparaison !
Monsieur le ministre d’État, je limiterai mon propos à quelques considérations, questions ou réflexions que je souhaite vous adresser.
Je commencerai par évoquer quelques-uns des sujets de satisfaction. Ils ne sont pas mineurs.
J’aborderai tout d’abord la tenue de nos forces en Afghanistan, où elles affrontent depuis déjà longtemps un ennemi redoutable sur un terrain extraordinairement difficile. Le sang versé rend compte de la dureté des combats et force le respect.
N’en déplaise aux partisans du départ de la France de ce théâtre d’opérations, c’est au prix de tels sacrifices que notre pays peut encore conserver sa place au Conseil de sécurité des Nations unies, au moment où son poids économique relatif diminue proportionnellement face à celui de pays émergents de la taille de la Chine, de l’Inde et du Brésil, et où sa capacité à contribuer efficacement à la paix mondiale reste essentielle.
Face aux difficultés rencontrées sur ce terrain, je remercie votre prédécesseur d’avoir amélioré de manière significative les moyens de nos soldats, et pas simplement ceux de leur sécurité.
Ensuite, monsieur le ministre d’État, je vous félicite des efforts déployés par votre ministère et vos états-majors en faveur de tous les domaines concernés par la vaste réorganisation des armées. Aucune opération aussi gigantesque n’a jamais été imposée à un grand corps de l’État.
Cette réorganisation prévoit une réduction drastique des effectifs sans que soient affaiblies – c’est l’objectif – les capacités opérationnelles ; la réalisation de bases de défense, seule méthode qui permette une mutualisation sensible des moyens et de la logistique ; le maintien des objectifs et des moyens d’un recrutement dont la qualité garantit celle des unités et des écoles ; une programmation ambitieuse pour tous les matériels de la défense ; enfin, des économies, partout recherchées, qui doivent en principe être réinvesties dans l’équipement et le maintien en condition opérationnelle.
Que ce soit conformément à la loi relative à la programmation militaire, au Livre blanc fondateur ou à la très civile révision générale des politiques publiques, la RGPP, les armées produisent des efforts dignes d’éloges pour respecter une feuille de route particulièrement difficile.
Enfin, les récents accords franco-britanniques, sur lesquels vous nous donnerez certainement de plus amples détails, monsieur le ministre d’État, sont sources d’une autre satisfaction, qui est de taille. Nous espérons beaucoup de ces accords, mais que pouvons-nous en attendre ? Ils sont en effet un peu inespérés, tant on connaît le peu d’appétence des Anglo-saxons pour une coopération avec les Français.
Les quelques remarques qui vont suivre, monsieur le ministre, constituent en revanche d’importants sujets de préoccupation.
Je m’interroge avec inquiétude – je ne suis d’ailleurs pas le seul – sur les perspectives de ressources de la mission « Défense » d’ici à 2014.
Tout d’abord, je m’interroge sur les fameuses « ressources exceptionnelles ». La vente des fréquences hertziennes est-elle vraiment escomptable en 2011 ? En tout cas, l’est-elle plus qu’en 2010 ?
Les ressources exceptionnelles provenant de ventes immobilières du patrimoine de la défense, même revues à la baisse, vont-elles véritablement alimenter votre budget à la hauteur qui était initialement prévue ?
Face à ces difficultés à vendre – elles ne sont pas étonnantes dans le contexte économique actuel –, que devient le projet Balard d’un Pentagone à la française ? Je sais bien que ce projet ne doit pas être financé par le produit des cessions immobilières précédemment citées, mais est-on sûr que, si le ministère de la défense déménage à Balard en 2014, l’État ne se retrouvera pas pendant plusieurs années avec une partie importante du patrimoine actuel sur les bras ?
La question des ressources exceptionnelles n’est pas essentielle, car de telles ressources, si elles devaient être manquantes, peuvent toujours être compensées, comme on l’a vu en particulier l’an dernier.
L’essentiel, pour la commission des finances, c’est que le taux de croissance sera probablement nettement inférieur aux prévisions du Gouvernement – ce dernier prévoit un taux de 2 % l’année prochaine et de 2,5 % de 2012 à 2014 –, de sorte que, pour ramener le déficit national à trois points du PIB en 2013, il faudra vraisemblablement prendre des mesures supplémentaires sur les dépenses et les recettes. Dans ces conditions, il est à craindre que la mission « Défense » ne serve de variable d’ajustement. Nous en avons un peu l’habitude !
Par ailleurs, si l’on souhaite se projeter au-delà de 2013, on ne trouve par définition rien, dans la programmation triennale 2011-2013, sur 2014 et sur ce qui servira de point de départ au calcul des ressources de la mission « Défense » cette année-là. Prendra-t-on en compte les ressources totales qui sont actuellement prévues pour 2013 ou les seuls crédits de paiement ?
Mais la question des ressources n’est pas tout. Parviendrons-nous à respecter « physiquement » la loi relative à la programmation militaire ? Disposerons-nous des effectifs et des matériels prévus ?
L’impression qui se dégage est que, du fait d’une sous-estimation initiale de la masse salariale et de la faible inflation en 2009, il existe un risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, potentiellement à hauteur de plusieurs milliards d’euros. Cela constitue un véritable sujet de préoccupation supplémentaire à l’horizon 2014.
À cela s’ajoutent les graves incidents industriels qui affectent certains programmes ou l’entretien de très grosses unités de la marine nationale. Je pense ainsi au récent accident d’entretien du Charles de Gaulle – je ne parle pas de la première hélice –, qui a ridiculement retardé, et peut-être en partie compromis, le succès d’une campagne internationale très prometteuse, dont nous attendions beaucoup.
On peut surtout s’inquiéter des retards de l’A400M et de ceux du NH90 ; mais d’autres évoqueront sûrement ces sujets, qui plus est mieux que moi.
Enfin, je regrette, monsieur le ministre d’État, qu’un récent rapport de la Cour des comptes sur la gestion des hôpitaux militaires ait cloué au pilori la direction centrale du service de santé des armées, la DCSSA, pour sa gestion des établissements, oubliant les contraintes exorbitantes qui pèsent sur ceux-ci et les efforts exceptionnels que la direction déploie jour après jour pour constituer les antennes chirurgicales avancées, les ACA, lesquelles non seulement assurent efficacement la sécurité sanitaire de nos troupes lors des opérations extérieures, mais aussi se déploient au profit des populations locales, comme tout le monde en est le témoin.
Certes, la direction centrale du service de santé des armées doit sûrement faire plus d’efforts de gestion, engager des réformes importantes et développer d’autres formes de coopération et de complémentarité avec le secteur civil ; mais lorsqu’un rapport est injuste avec une institution, il peut y perdre une part importante de son efficacité. Je le regrette.
Monsieur le ministre d’État, sur le papier, le projet de budget de la défense pour 2011 est sincère et équilibré. Si l’on prend en compte les prévisions de ressources exceptionnelles, il est conforme, à l’épaisseur du trait, aux prévisions de la loi relative à la programmation militaire.
Nos inquiétudes concernent plutôt les années suivantes, à l’horizon 2014, je le répète, et plus encore à l’horizon 2020, comme mes collègues ne manqueront pas de le souligner. Certes, la réserve de budgétisation prévue dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 est en principe susceptible d’abonder les plafonds de crédits prévus par cette même loi, mais l’ensemble des ressources de la mission « Défense » risquent d’être nettement inférieures à la programmation.
Peut-être pourrez-vous nous apporter des éléments de nature à nous rassurer, monsieur le ministre d’État, en particulier en ce qui concerne la révision de la loi relative à la programmation militaire, qui doit avoir lieu en 2012 ?
En conclusion, Charles Guené et moi-même avons proposé à la commission des finances, en tant que rapporteurs spéciaux, d’approuver les crédits de la défense, ce qu’elle a fait. Nous proposons aujourd'hui au Sénat de faire de même. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, mes collègues rapporteurs spéciaux et moi-même avons décidé cette année de nous écarter de notre logique sectorielle habituelle pour poser clairement la question aujourd’hui essentielle des perspectives budgétaires des crédits de la mission « Défense », dans le contexte de la nécessaire réduction du déficit public.
Notre collègue François Trucy vient de présenter le cadre programmatique du présent projet de loi de finances : la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, dont les perspectives d’exécution suscitent certaines inquiétudes.
Je vais maintenant présenter les grands équilibres du présent projet de loi de finances. Mon collègue Jean-Pierre Masseret s’intéressera ensuite aux perspectives de la mission « Défense » à plus long terme. Cela nous permettra de mettre en évidence le fait que des choix politiques essentiels, qui vont bien au-delà des seuls enjeux de finances publiques, devront être faits ces prochaines années.
Les crédits de paiement de la mission « Défense » proposés pour 2011 s’élèvent, je le rappelle, à plus de 37 milliards d’euros. Je n’entrerai pas dans les détails des différents programmes, car nos collègues rapporteurs pour avis le feront avec talent tout à l’heure.
Pour ma part, je m’efforcerai de répondre à trois questions.
Tout d’abord, le montant global des ressources prévues pour 2011 est-il conforme à la loi relative à la programmation militaire ?
Ensuite, dans quelle mesure ces crédits permettront-t-ils d’exécuter « physiquement » ladite loi ?
Enfin – cette question est essentielle –, dans quelle mesure les objectifs opérationnels seront-ils atteints ?
En ce qui concerne le montant global des ressources prévues pour 2011, les ressources pour la mission « Défense » sont, à l’épaisseur du trait près, conformes à ce que prévoit la loi de programmation militaire.
Selon le Gouvernement, les ressources seraient inférieures de seulement 50 millions d’euros au montant fixé par la loi de programmation militaire. En effet, les crédits de paiement seraient de 500 millions d’euros de moins, mais, en contrepartie, les ressources exceptionnelles qui auraient dû être perçues en 2009 et en 2010 le seraient de manière décalée, d’où 450 millions d’euros de ressources supplémentaires.
Ce serait seulement ensuite, en 2012 et surtout en 2013, que, si l’on ajoute les ressources exceptionnelles aux crédits de paiement fixés par le projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014, les ressources totales de la mission « Défense » seraient nettement inférieures à ce que prévoit la loi de programmation militaire.
Cette affirmation selon laquelle les ressources globales seraient en 2011 inférieures de seulement 50 millions d’euros à ce que prévoit la loi de programmation militaire doit cependant être nuancée.
Tout d’abord, comme cela a été expliqué dans le rapport, il nous semble que le Gouvernement minore d’une trentaine de millions d’euros le montant des ressources qui découleraient en 2011 de l’application stricte de la loi de programmation militaire. Le manque de ressources globales serait donc non de 50 millions d’euros, mais de 80 millions d’euros. On peut bien entendu discuter ce chiffre, mais ce qu’il montre, c’est que l’on se situe bien dans l’épaisseur du trait, 80 millions d’euros représentant 0,2 % de la mission « Défense ». Il ne s’agit donc pas d’un montant significatif.
Le montant attendu des ressources exceptionnelles constitue un sujet plus important. Il s’élève à plus d’un milliard d’euros en 2011, dont 850 millions d’euros de ressources hertziennes. L’enjeu n’est peut-être pas si essentiel que cela en lui-même. En effet, si le Gouvernement veut garantir à la mission « Défense » les ressources prévues, il peut toujours compenser les ressources exceptionnelles manquantes, comme il l’a fait en 2009.
Ce qui nous préoccupe, c’est plutôt que d’éventuels manques à gagner en 2011, voire au cours des années suivantes, ne soient pas compensés, alors que nous sommes sortis de la logique du plan de relance pour entrer dans celle d’une réduction forte du déficit public.
Par ailleurs, pour atteindre l’objectif de déficit public de 6 points de PIB en 2011, l’effort discrétionnaire de réduction du déficit risque de devoir être plus important que celui qui est actuellement prévu, ce qui pourrait impliquer une contrainte plus forte sur la mission « Défense ».
Monsieur le ministre d’État, dans quelle mesure les montants prévus pour 2011 permettront-ils d’exécuter « physiquement » la loi de programmation militaire ?
Les ressources de la mission « Défense » devraient donc être, en 2011, globalement en ligne avec ce que prévoit la loi de programmation militaire, si l’on excepte les aléas des ressources exceptionnelles et d’un éventuel effort supplémentaire qui pourrait être demandé à la mission « Défense ».
Une deuxième question est de savoir dans quelle mesure ces ressources permettront l’exécution « physique » de la loi de programmation militaire. En effet, ce n’est pas tout d’avoir l’argent, encore faut-il qu’il permette de disposer des effectifs et des équipements prévus !
De ce point de vue, la situation paraît préoccupante du fait de la « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement. Ainsi, en 2011, selon la programmation révisée du Gouvernement, les dépenses d’équipement seraient réduites de 500 millions d’euros par rapport à la loi de programmation militaire pour permettre le financement du « dérapage » des dépenses de fonctionnement.
Comme mes collègues rapporteurs spéciaux et moi-même l’avions déjà souligné lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, cette situation s’explique notamment par le fait que, contrairement aux lois de programmation militaire précédentes, la loi actuelle programme en euros constants non seulement les dépenses d’équipement, fortement dépendantes de l’inflation, mais aussi l’ensemble des dépenses. Celles de personnel sont ainsi concernées alors qu’à court terme elles ne dépendent pas de l’inflation.
L’inflation ayant été quasiment nulle en 2009, le pouvoir d’achat de la mission « Défense » se trouve réduit de plusieurs centaines de millions d’euros par an. À cela s’ajoute le fait que certaines dépenses de personnel dérapent en euros courants. Ainsi, un projet de décret d’avance récemment transmis à la commission des finances tend à accroître les dépenses de personnel de la mission « Défense » de 200 millions d’euros en 2010, hors opérations extérieures, ou OPEX.
Non seulement les dépenses de personnel sont supérieures à ce que prévoit la loi de programmation militaire, mais, de plus, elles ne permettent pas d’avoir le niveau d’effectifs prévu. En effet, la loi de programmation militaire définit deux objectifs en la matière : un en niveau et un en évolution par rapport à l’année précédente.
L’objectif d’évolution par rapport à l’année précédente est à peu près respecté, mais les effectifs ayant été plus faibles que prévu en 2008, on observe dès lors un écart significatif en 2009 et en 2010 en équivalents temps plein travaillé, ou ETPT.
En outre, certaines dépenses d’équipement viendront se substituer à d’autres, jugées sinon plus utiles, du moins plus urgentes. Ainsi, en conséquence de l’absence de contrat à l’exportation du Rafale, la mission « Défense » va devoir acquérir onze de ces avions en plus sur la période 2010-2012, dont quatre en 2011.
Pour terminer, j’en viens aux perspectives relatives aux objectifs opérationnels.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la loi de programmation militaire fixe non seulement des objectifs de moyens, mais aussi – c’est évidemment l’essentiel – des objectifs de capacités opérationnelles. Ces derniers sont repris par les contrats opérationnels des différentes armées ainsi que par les projets annuels de performance annexés aux projets de lois de finances.
L’indicateur du projet annuel de performance le plus important aux yeux de mes collègues rapporteurs spéciaux et de moi-même est celui qui est intitulé : « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France ». Depuis l’année dernière, il est d’ailleurs l’un des quatre indicateurs principaux de la mission « Défense ».
Cet indicateur concerne notamment les capacités de projection de l’armée de terre qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, doit notamment pouvoir projeter 30 000 combattants à 8 000 kilomètres dans un délai de six mois. Pour la première fois, le présent projet de loi de finances prévoit que cet objectif de l’armée de terre ne sera pas parfaitement atteint en 2011, puisqu’il ne le serait qu’à 95 %, et à 90 % en 2013. Les auteurs du projet de loi de finances expliquent cette évolution défavorable par une précision laconique : « Les prévisions tiennent compte des contraintes budgétaires de la période ».
Il serait donc illusoire de s’imaginer que les contraintes budgétaires n’auront pas de conséquence sur les capacités opérationnelles. On commence déjà à le voir pour 2011. En l’absence d’une volonté politique forte de préserver les capacités opérationnelles, cette tendance pourrait être encore plus nette en 2014, voire en 2020. Ce sont donc des choix importants qui devront être faits ces prochaines années, comme notre collègue Jean-Pierre Masseret va maintenant l’expliquer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je rapporte le programme 146, qui concerne l’équipement des forces. Chacun ici sait ce que cela signifie : il s’agit de garantir à nos armées du matériel moderne et performant pour respecter les contrats opérationnels que lui fixe l’autorité politique.
Ce sont des crédits importants – « des sous », comme on dirait en province ! –, puisqu’ils s’élèvent à 13 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à presque 12 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces crédits, répartis sur nos cinq systèmes de force, doivent permettre la mise en application des engagements tant du Livre blanc sur la défense que de la loi de programmation militaire.
Par conséquent, les seules questions que nous nous posons sont les suivantes : ces crédits sont-ils et seront-ils respectés ? Quelles sont les perspectives en matière d’équipement eu égard aux contraintes budgétaires qui, manifestement, perdureront ?
Au final, quelles questions devons-nous les uns et les autres, que nous soyons de droite ou de gauche, traiter sans complaisance, ne serait-ce que pour préparer le rendez-vous de 2012 fixé par la loi de programmation militaire ?
Tout d’abord, je souhaiterais dresser un premier constat que mes collègues ont déjà évoqué et que je n’approfondirai donc pas. La loi de programmation militaire ne démarre pas sous les meilleurs auspices puisque, comme nous venons de le voir à l’instant, les dépenses de fonctionnement ont été sous-estimées – c’est d’ailleurs souvent le cas – et resteront durablement supérieures aux prévisions. Elles empiéteront donc demain sur les dépenses d’équipement. Mon collègue a évoqué la commande de treize Rafale supplémentaires pour permettre à l’industriel de compenser l’absence de contrat à l’export. Or c’est une mesure qui devra être financée !
De 2011 à 2013, il faudra réaliser une économie sur les équipements d’environ 1,8 milliard d’euros.
Je rappelle ici que l’objectif du Livre blanc concernant les augmentations prévisibles était une progression en volume de 1 % par an. Cet objectif semble hors d’atteinte, et, par conséquent, nous allons nous trouver dans un dispositif d’évolution soit en zéro volume, soit en zéro valeur – voilà le pire ! – avec, comme d’habitude, un écart entre la réalité et la prévision. Je siège au sein de cette assemblée depuis un certain nombre d’années maintenant, et je n’ai jamais vu une loi de programmation militaire tenir parfaitement les prévisions d’origine !
Il y aura donc vraisemblablement des étalements de certains programmes, des réductions des capacités opérationnelles et un danger de ruptures capacitaires, voire des réductions d’effectifs. Or tout cela conduit à des conséquences politiques quant à la situation de la France dans l’organisation du monde et dans le rôle qu’elle entend jouer au sein de l’espace européen.
Monsieur le ministre d’État, voilà pourquoi le rendez-vous de 2012 – il est prévu – prend un sens particulier. Je vais me permettre quelques suggestions et questions. Je prends la précaution oratoire de dire que je n’adopte nullement une posture politicienne. J’ai dépassé l’âge de ce genre de fantaisies ! (Sourires.) Ce sont donc des questions que je pose en tant que responsable politique et qui visent uniquement, à l’évidence, les intérêts de la France.
Il me semble, modestement, que, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous devrions tout d’abord revoir le Livre blanc tel qu’il a été rédigé, nous interroger sur les conséquences réelles d’un retour en clair-obscur dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN – et je précise que j’y étais favorable, étant probablement un socialiste hérétique par rapport à cette question.
M. Jean-Louis Carrère. Non !