M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je n’irai pas dans le sens de notre collègue Masson parce que, cette nuit et cet après-midi, nous avons bien travaillé sur un sujet dont on parlait depuis fort longtemps sans arriver à le résoudre.
Si l’on n’avait pas supprimé la taxe professionnelle, peut-être ne parlerions-nous pas de la péréquation aujourd’hui, alors qu’elle est souhaitée par l’ensemble des collectivités. Nous sommes au Parlement, mais tous ceux qui interviennent sur ce sujet sont très concernés par le sort des collectivités et par la péréquation.
Comme l’a dit, il y a quelques instants, Philippe Adnot, avec beaucoup de justesse, nous pouvons traiter de ce problème interne aux collectivités sans toucher au budget de l’État, c’est ce que nous essayons de faire avec justice et équité.
J’ai été très heureux de voir apparaître le potentiel financier dans l’amendement de la commission. Depuis des années, on parle de potentiel fiscal. Or, quand on compare le potentiel fiscal et le potentiel financier des collectivités, on s’aperçoit que certaines collectivités qui avaient un faible potentiel fiscal se retrouvent avec des potentiels financiers très supérieurs à d’autres. C’est donc un élément intéressant à prendre en compte.
Certes, les deux premiers amendements identiques, présentés par MM. Miquel et de Montgolfier, sont de très bons amendements qui font avancer les choses. Certes l’amendement de Philippe Adnot, que j’ai aussi cosigné, alors qu’il n’est pas dans mes habitudes de signer tous ses amendements, est intéressant ; il fait avancer la réflexion. Si, hier, nous avons abouti de manière positive, c’est parce que l’on a fait entrer les stocks dans le dispositif en les mélangeant aux flux, ce que propose également Philippe Adnot.
Monsieur le ministre, vous nous dites que la chose n’est pas mûre. Peut-être ! En tout cas, nous sommes prêts pour intégrer le potentiel financier : d’ici à un ou deux ans, ce problème sera réglé et nous verrons bien si l’on peut avancer aussi sur les stocks. Il n’est pas possible d’ignorer définitivement l’existant des collectivités et de se voiler la face en permanence en considérant de mauvais indices.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’ai été quelque peu perplexe d’entendre M. le ministre affirmer que nous aurions une garantie de ressources avec la CVAE et que nous n’avions aucune inquiétude à avoir puisque nos ressources seraient assises sur des bases solides.
Pour ma part, je ne peux qu’exprimer mon inquiétude car nous n’avons aucune certitude concernant le montant de cotisation à la valeur ajoutée que nous allons percevoir l’année prochaine.
Cette inquiétude quant à l’instabilité de la recette est ressentie un peu partout, alors que la taxe professionnelle, qui était loin d’être dénigrée par les entreprises, nous avait habitués à une certaine stabilité. Du côté des entreprises, qui commencent à pressentir ce que va être leur impôt économique à venir, l’inquiétude est grande également.
Il a été question hier du problème des groupes et de leurs filiales, je n’y reviens pas.
Je voudrais attirer l’attention sur un autre aspect du problème qui me semble important et sur lequel je reviendrai tout à l’heure à propos de l’article 63. La péréquation ne se pense toujours qu’à partir des collectivités elles-mêmes, c’est-à-dire sur des sommes qui sont relativement modestes. Bien des collectivités à qui on se propose de prendre une partie de leurs recettes ont déjà du mal à faire face à leurs obligations. Il y a donc un véritable problème quant aux moyens.
On discute des potentiels à prendre en compte, en particulier du potentiel financier. Mais, là aussi, nous avons des difficultés à nous décider.
Le potentiel financier intègre la DGF. Celle-ci est certes un outil péréquateur, mais elle va diminuer cette année, comme elle a déjà diminué l’an dernier et comme elle diminuera normalement, conformément à votre prospective, les deux prochaines années.
Nous jouons vraiment aux apprentis sorciers dans notre façon de travailler car la richesse réelle des collectivités va être de plus en plus difficile à mesurer et la notion de péréquation de plus en plus difficile à établir.
Je trouve donc tout à fait prématuré, au stade où nous en sommes, alors que nous ne savons pas quelle va être véritablement la recette de valeur ajoutée, de définir des façons d’attribuer des ressources supplémentaires aux collectivités territoriales. En l’état actuel des choses, nous ne pouvons le faire dans de bonnes conditions. C’est pourquoi, pour notre part, nous nous abstiendrons sur ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je souhaite apporter mon soutien à notre collègue Philippe Adnot.
En effet, il est indispensable que nous arrêtions des grands principes en matière de péréquation et, parmi ces grands principes, figure celui selon lequel il ne peut y avoir de péréquation sérieuse sans prise en compte du stock.
Du reste, monsieur le ministre, il conviendrait que vous nous précisiez quelle est votre doctrine à cet égard, car vos propos ont manifestement été mal interprétés. Peut-être siégeons-nous trop haut dans l’hémicycle, mais il m’a semblé, comme à Philippe Adnot, que, selon vous, la réforme de la taxe professionnelle conduisait à garantir aux collectivités leur niveau de richesse et que, dès lors, on ne pouvait pas s’occuper du stock.
S’il en est ainsi, jamais au grand jamais nous n’arriverons à mettre en place un véritable mécanisme de péréquation !
J’ose donc espérer qu’il ne s’agissait que d’une mauvaise formulation de votre part et que vous nous direz que votre point de vue rejoint le nôtre. Sinon, lorsque nous aborderons l’article 63, je ne vois comment nous pourrons instaurer un système efficace de péréquation horizontale entre communes.
En tout cas, en attendant de vous entendre une seconde fois, je tiens à dire que l’amendement n° II-414 est de bon sens : pour aller vers une authentique péréquation, il faut absolument que nous nous attaquions au stock.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Je retire l’amendement n° II-450 au profit de l’amendement n° II-414, qui va plus loin que le nôtre.
M. le président. L'amendement n° II-450 est retiré.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Étant cosignataire de l’amendement défendu par Philippe Adnot et par parallélisme avec les dispositions que nous avons adoptées hier soir, je retire l’amendement n° II-533 rectifié.
M. le président. L'amendement n° II-533 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Comme l’a indiqué le président Arthuis, il importe d’en rester à la prise en compte du potentiel financier. Je sais bien que, pour ce qui est des régions, l’administration n’est pas encore en mesure de cerner ce potentiel financier,…
Mme Nicole Bricq. Et voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … mais il serait tout de même très paradoxal d’en rester au potentiel fiscal pour le niveau de collectivités qui dispose à l’heure actuelle de l’autonomie fiscale la plus faible.
M. Jean-Pierre Masseret. Elle a disparu !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le potentiel financier est donc beaucoup plus significatif encore pour les régions que pour les autres strates.
Je n’ignore pas qu’un travail doit encore être accompli par l’administration, mais j’ose espérer que l’intendance suivra !
Mme Nicole Bricq. Elle n’a jamais suivi !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Comme cela a été rappelé, la mesure qui va être adoptée entrera en application en 2013.
J’ai indiqué tout à l'heure que, aujourd’hui, le potentiel financier des régions n’était pas encore défini. Or, en général, avant d’inscrire un principe dans le marbre de la loi, on détermine l’ensemble des conditions qui doivent être remplies et des critères qui doivent être pris en compte. Cela étant, M. le rapporteur général a raison : d’ici à 2013, nous avons le temps d’accomplir cette tâche.
Je rappelle, pour ceux d’entre vous qui n’auraient pas assisté au débat d’hier soir, que nous avons commencé à envisager l’intérêt qu’il y aurait à permettre aux régions de disposer d’une plus grande marge de manœuvre dans le domaine budgétaire, d’un point de vue tant financier que fiscal.
Je suis par conséquent tout à fait prêt à m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° II-316.
Je veux maintenant apporter quelques précisions à propos de l’amendement de Philippe Adnot, en m’efforçant de clarifier la situation.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, nous avons été à l’origine de la mise en place, concernant les DMTO, d’une péréquation portant à la fois sur le flux et sur le stock : c’est bien le Gouvernement qui a formulé cette proposition.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Philippe Richert, ministre. Sous prétexte de faire un bon mot en séance, on ne peut pas dire des choses qui ne correspondent pas à la réalité !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. La commission a travaillé à son tour sur ce sujet. Le Gouvernement s’en est félicité hier soir et a évidemment émis un avis favorable sur l’amendement de la commission des finances mais aussi sur tous ceux permettaient d’aller encore plus loin. Je crois me souvenir qu’un très large consensus s’est fait sur ce point.
Maintenant, M. Adnot propose de procéder de la même manière à l’égard de la CVAE. Mais, à cet égard, la réflexion n’est pas aussi avancée. Prenons donc un peu de temps ! Je le rappelle une fois de plus, le dispositif n’entrera de toute façon en application qu’en 2013.
L’adoption des amendements identiques nos II-450 et II-533 rectifié aurait permis de marquer une première étape pour ce qui concerne le flux. Et j’ai bien dit que le Gouvernement garantissait un niveau de ressources au minimum égal à ce qu’il était auparavant, étant entendu que 1,1 milliard d’euros ont été répartis en plus de ce qui avait été garanti. Je le répète à l’intention de ceux qui continuent de douter du bien-fondé de la réforme de la taxe professionnelle ; je pense évidemment à M. Masson.
Autrement dit, il y a une garantie de stabilité – au minimum ! – et les deux amendements identiques permettaient en outre d’avancer sur le flux.
Je confirme à Philippe Adnot qu’il est aussi envisagé de travailler sur le stock. À un moment donné, nous devrons bien définir une vision globale de la péréquation que nous voulons mettre en place et non plus aborder la question dossier par dossier.
En l’occurrence, il fallait au moins prévoir une péréquation sur le flux dans le cadre d’une discussion et d’une évaluation globale. Il ne s’agit pas, en raison du manque de visibilité du système péréquateur proposé, d’inquiéter les départements ou les collectivités qui se situent au-dessus de la moyenne.
Procéder pas à pas me semble normal. Il est peut-être utile de se laisser un peu de temps pour ce qui concerne la prise en compte du stock.
Je regrette que les amendements identiques aient été retirés. Nous devons maintenant étudier de quelle façon la disposition proposée par M. Adnot pourra se traduire dans la réalité. Mais, je le répète, je préfère quant à moi avancer par étapes, plutôt que d’établir un schéma d’ensemble insuffisant et imprécis.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l’amendement n° II-316.
M. François Marc. S’agissant de l’amendement n° II-316, la question à se poser est toute simple : la mesure proposée par M. le rapporteur général améliore-t-elle les conditions de la péréquation ou réduit-elle les marges de péréquation ? Selon moi, la réponse est claire : si l’on s’appuie sur le potentiel financier et non plus sur le potentiel fiscal, on diminue l’effet correcteur du dispositif que l’on veut mettre en place à l’égard de la CVAE.
Au surplus, le montant considéré étant modeste – dans les premiers temps, 1 % ou 2 % de la recette de CVAE – l’ambition péréquatrice du dispositif doit être suffisamment forte. Si l’on s’appuie sur le potentiel fiscal, l’effort de redistribution sera supérieur.
Incontestablement, à nos yeux, cet amendement ne va pas dans la bonne direction. C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à le rejeter eu égard à notre souhait d’une péréquation améliorée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, j’apprécie votre démarche prudente. Ne disposant pas de simulations et travaillant un peu dans le vide, (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)…
Mme Nicole Bricq. Nous ne vous le faisons pas dire !
M. Marc Daunis. Alors, il ne fallait pas voter la réforme de la taxe professionnelle !
M. Jean-Pierre Fourcade. … il est très difficile d’être affirmatif.
Cela étant, je soutiens totalement l’amendement de la commission des finances. En effet, depuis quelque temps, on procède à des péréquations partielles. Ainsi, hier, a été votée une péréquation concernant les DMTO. Il existe également une péréquation en matière de DGF.
Madame Beaufils, j’en profite pour vous indiquer que le montant par habitant de DGF varie de 1 à 2,3 selon les collectivités.
Par ailleurs, certaines collectivités ayant des ressources particulières, rien ne justifie de ne pas les mettre dans le « panier ».
Je pense en tout cas que fonder la péréquation sur le potentiel financier est la seule méthode qui permette d’obtenir des résultats. Se limiter au potentiel fiscal, c’est assurément risquer de commettre des erreurs de péréquation.
Je travaille sur ces sujets depuis vingt-cinq ans. Or, jusqu’à présent, on n’est jamais arrivés à définir un système satisfaisant parce que seule une partie des ressources des collectivités a été prise en compte. Au contraire, le potentiel financier permet d’avoir une vue globale des ressources d’une collectivité. C’est pourquoi j’invite le Sénat à voter l’amendement de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci, mon cher collègue.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote sur l'amendement n° II-414.
M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, il ne s’agissait absolument pas pour moi de « faire un bon mot » ! Croyez bien que je ne cherche nullement à faire de l’esprit quand j’affirme qu’il faut asseoir la péréquation sur la richesse réelle plutôt que sur un flux parce que cette dernière option revient à ne pas faire subir de prélèvement au riche dont les ressources ne connaissent pas d’évolution et à en imposer un au pauvre qui enregistre une augmentation de ses ressources. Il n’y a pas là matière à bon mot ! (M. le ministre en convient.)
Puisque le dispositif ne doit s’appliquer qu’en 2013, nous avons le temps de le peaufiner et de le préciser en tant que de besoin.
En tout cas, je ne vois pas comment ici, au Sénat, dire que la solidarité doit se fonder sur le constat de la richesse réelle ne pourrait pas être unanimement approuvé. Lequel d’entre nous, mes chers collègues, va lever la main et prétendre que ce sont seulement les pauvres dont le sort s’améliore quelque peu qui doivent contribuer à l’effort ?
Monsieur le ministre, le vote que je sollicite ne sera pas dirigé contre vous ou contre le Gouvernement, mais il permettra d’indiquer dans quelle direction nous souhaitons qu’on aille pour organiser la solidarité.
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. L’amendement de notre ami Philippe Adnot ne peut pas être opposé aux deux amendements identiques Miquel et Montgolfier, qui ont été retirés. Simplement, il fixe un pourcentage particulier. Il définit certes le prélèvement, mais non la redistribution. Les amendements identiques auraient pu être retenus, car ils auraient aussi permis d’ouvrir le débat.
Quoi qu’il en soit, l’amendement n° II-414 étant le seul pouvant permettre d’obtenir un système satisfaisant, je le voterai.
Je me demande cependant s’il ne devrait pas être sous-amendé, car il est question des départements, mais les régions ne sont pas prises en compte. Par parallélisme des formes, il faudrait inclure la région dans le dispositif, faute de quoi celui-ci serait incomplet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Philippe Adnot me connaît suffisamment – nous avons eu souvent l’occasion de travailler ensemble – pour savoir qu’il ne s’agissait pas pour moi de porter un jugement de fond sur sa proposition. Si mes propos ont pu le choquer, je les retire bien volontiers.
En fait, je voulais surtout rappeler toute l’importance que le Gouvernement attache à la question de la péréquation et souligner qu’il a même été à l’origine de ce nouveau mouvement de péréquation. Pour autant, je ne crois pas indispensable d’inscrire aujourd’hui l’ensemble des avancées qui sont envisageables parce que nous ne sommes pas encore en mesure d’avoir une vision globale parfaitement claire en la matière.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne voudrais pas faire pression sur l’assemblée mais, si nous pouvions maintenant passer au vote sur cet amendement, ce serait une façon de dire que ce débat nous a permis de valider les grandes orientations.
Il s’agit de susciter une vraie péréquation, qui tende à réduire les écarts de potentiel financier entre les collectivités territoriales. C’est le message qui résulte de l’amendement de M. Adnot et de celui de la commission des finances.
Monsieur le ministre, il n’y a pas d’urgence absolue à établir un texte parfaitement conforme à ces objectifs. Nous aurons besoin, non pas de réaliser des simulations, mais de prendre appui sur la réalité des prélèvements et sur le résultat de la territorialisation de la valeur ajoutée. Cet éclairage nous permettra de finaliser ce dispositif. Nous aurons nécessairement d’autres rendez-vous puisque la première application n’interviendra pas avant 2013.
Je sais bien que c’est à l’aube que tout s’éclaire, mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire de l’attendre pour passer au vote. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 62, modifié.
(L'article 62 est adopté.)
Article additionnel après l'article 62
(précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° II-451, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le but de garantir aux collectivités territoriales les moyens financiers leur permettant d'assurer de façon équitable sur tout le territoire de la République un service public de proximité de bonne qualité, la loi définit les conditions d'un rapprochement progressif de leurs potentiels financiers.
Conformément au cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, la plus prochaine loi de finances met en place les dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales.
Cette loi définit pour les régions, départements et pour chaque strate démographique communale, respectivement, une fourchette de variation du potentiel financier par habitant en fonction de la moyenne de la catégorie ou de la strate de population.
Les mécanismes de péréquation mis en place doivent en tout état de cause conduire à ce qu'aucune commune n'ait, dans le délai fixé par la loi, un potentiel financier par habitant inférieur à 80 % du potentiel financier moyen de sa strate démographique. Pour les départements, ce taux serait de 90 % et pour les régions de 95 %.
II. - Le dispositif prévu au I donne lieu à la mise en place d'un mécanisme de lissage de ses effets sur une période de dix ans, afin de limiter ses conséquences financières pour les collectivités.
III. - Les dispositions du I et du II entrent en vigueur à une date fixée par décret après avis du Comité des finances locales, lequel délibère au vu des simulations des effets de la mesure, fournies par l'administration.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Depuis 2003, l’article 72-2 de la Constitution impose à la loi de prévoir « des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».
Si l’objectif est dorénavant affiché, il n’en reste pas moins que, faute d’une véritable ambition politique, les moyens financiers permettant de corriger les inégalités financières entre les collectivités demeurent peu importants.
La Cour des comptes a confirmé, dans son rapport remis en mai 2010, la persistance dans notre pays d’un système de finances locales particulièrement inégalitaire. Ce rapport souligne ainsi qu’en 2007 « le potentiel fiscal par habitant varie du simple au double entre les régions, du simple au quadruple entre les départements et de un à mille entre les communes ».
La loi de finances pour 2010, en supprimant la taxe professionnelle et en modifiant la répartition des impôts entre les niveaux de collectivités, a bouleversé l’équilibre financier des territoires, sans que l’on puisse encore en appréhender toutes les conséquences.
Les nombreuses clauses de revoyure introduites par la majorité l’année dernière, pour faire patienter les élus locaux, n’ont aucunement rempli leur rôle. L’abandon du rendez-vous prévu au mois de juin ou de juillet n’a fait que confirmer le caractère de leurre de cette promesse gouvernementale.
Il est plus que jamais urgent de remettre à plat l’ensemble des dispositifs de péréquation pour donner, enfin, une application concrète au principe constitutionnel.
Nous vous proposons, mes chers collègues, d’afficher une réelle ambition en matière de péréquation. L’autonomie fiscale et l’autonomie financière sont en forte régression, mais nous pouvons au moins assurer une forme d’autonomie de gestion, en veillant à ce que toutes les collectivités disposent, notamment grâce à la part de moyens de la République qui leur sont dévolus, des ressources nécessaires pour mettre en œuvre les compétences qui leur sont déléguées par l’État.
Il s’agit donc d’afficher une ambition pour la péréquation et d’adopter un système à l’allemande, prévoyant des taux resserrés entre les collectivités les plus riches et les moins bien loties, afin que l’on puisse progressivement tendre vers une situation plus égalitaire et plus équitable, conformément à l’une des recommandations de la Cour des comptes dans son rapport de mai 2010.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Au fil du temps, la commission considère de plus en plus que la réforme de la taxe professionnelle, qui nous a donné tant de peine, est une bonne réforme. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En effet, elle nous renvoie à notre contradiction fondamentale entre territorialisation et péréquation. Nous sommes tous les gestionnaires de territoires, que nous défendons ardemment, et, en même temps, dénonçant la territorialisation intégrale parce qu’elle menace l’équité et la justice, nous tenons à ce qu’il y ait une péréquation !
Nous tâchons donc de nous avancer sur un chemin étroit, entre des fosses et des dangers qui nous menacent de tous côtés.
M. Bruno Sido. Des abîmes !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il nous faut trouver l’impossible équilibre entre la vraie territorialisation et la péréquation.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ça s’appelle la justice !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh bien, ceux qui savent définir la justice sont des gens éminents, qui méritent le respect le plus total ! (Sourires.)
Quelle est la vraie justice ? Qui la délivre ? Où se situe-t-elle ? S’agissant en particulier de la justice entre les territoires que nous animons, les réponses à ces questions nous échappent très largement. Ayons la sagesse de ne pas excéder notre condition, comme le disait un excellent ancien collègue, qui a malheureusement quitté les travées du Sénat il n’y a pas longtemps.
L’amendement de François Marc est très intéressant dans sa démarche, mais il crée des repères arithmétiques pour l’équité : en deçà de tel taux, il n’y aurait pas d’équité ; au-delà, il y en aurait. Comme si c’était aussi simple !
Dans le budget d’une collectivité territoriale, il faut toujours regarder de près les ressources, les charges, les questions de structure, les compétences exercées, la qualité de la gestion et l’esprit d’économie, qui n’est pas le même chez les uns et chez les autres. (Exclamations.)
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout cela est d’une telle complexité que penser que l’on parviendra au monde meilleur de la péréquation uniquement avec des ratios, des fractions et de l’arithmétique relève sans doute d’une vision quelque peu idyllique !
La commission des finances ayant l’habitude de se confronter à des problèmes terre-à-terre, elle considère que cette vision est illusoire. C’est pourquoi elle est opposée à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.
La péréquation vise effectivement à réduire les inégalités entre les collectivités locales. Ces inégalités pourront être mesurées, notamment par le potentiel financier.
C’est l’objectif des mécanismes de péréquation qui sont progressivement mis en place dans la DGF et qui en représentent aujourd’hui plus de 16 %.
C’est également l’objectif des fonds de péréquation horizontale issus de la réforme de la taxe professionnelle, qui entrera en vigueur dès 2011, pour ce qui concerne le fonds de péréquation des DMTO ; nous en avons longuement parlé hier soir.
Monsieur Marc, je comprends votre souci d’assigner des objectifs chiffrés en amont, afin de s’assurer de l’ambition et de l’efficacité des mécanismes mis en place. En revanche, il ne me semble pas satisfaisant techniquement de fixer ex ante des objectifs de réduction des inégalités exprimées uniquement par rapport au potentiel financier.
D’une part, ce serait techniquement délicat à gérer. Par exemple, les potentiels financiers dépendent beaucoup de la dynamique des bases fiscales, qui ne peut être anticipée.
D’autre part, sur le fond, la proposition fait l’impasse sur les critères de charges. Or le potentiel financier ne suffit pas à mesurer les écarts entre les collectivités qui sont aussi corrélés aux charges.
Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.