Article 1er bis
I. – La même loi est ainsi modifiée :
1° Après l’article 6 bis, il est inséré un article 6 ter ainsi rédigé :
« Art. 6 ter. – Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l’une des parties intéressées à la conclusion de l’un des contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 222-7 du code du sport. » ;
2° L’article 10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le mandat donné à un avocat pour la conclusion de l’un des contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 222-7 du code du sport, il est précisé le montant de ses honoraires, qui ne peuvent excéder 10 % du montant de ce contrat. Lorsque, pour la conclusion d’un tel contrat, plusieurs avocats interviennent ou un avocat intervient avec le concours d’un agent sportif, le montant total de leur rémunération ne peut excéder 10 % du montant de ce contrat. L’avocat agissant en qualité de mandataire de l’une des parties intéressées à la conclusion d’un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client. » ;
3° L’article 66-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article ne fait pas obstacle à l’obligation pour un avocat de communiquer les contrats mentionnés à l’article L. 222-7 du code du sport et le contrat par lequel il est mandaté pour représenter l’une des parties intéressées à la conclusion de l’un de ces contrats aux fédérations sportives délégataires et, le cas échéant, aux ligues professionnelles qu’elles ont constituées, dans les conditions prévues à l’article L. 222-18 du même code. »
II. – Après l’article L. 222-19 du code du sport, il est inséré un article L. 222-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-19-1. – Lorsque la fédération délégataire compétente constate qu’un avocat, agissant en qualité de mandataire de l’une des parties intéressées à la conclusion d’un des contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 222-7, a méconnu les obligations relatives au contenu et à la communication de ces contrats ainsi que du mandat qu’il a reçu, elle en informe le bâtonnier du barreau auquel l’avocat est inscrit qui apprécie la nécessité d’engager des poursuites disciplinaires dans les conditions prévues par les textes qui régissent la profession d’avocat. »
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié sexies, présenté par MM. Martin, Legendre, Humbert, Gouteyron, Bordier, Lefèvre, Cambon, Revet, Milon, Courtois et Braye, Mme Dumas, MM. Cornu, Plancade, Pierre, Dubois, Poncelet, Dulait, Laurent, Doublet, Lecerf, J. Gautier, Cazalet, Houel et B. Fournier, Mme Descamps, MM. Dufaut et Carle, Mmes Bout, Malovry, Sittler, Lamure, Panis, Bruguière, B. Dupont et Mélot et MM. A. Dupont et J.P. Fournier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Je veux faire part de mon étonnement : alors que l’encre de la loi encadrant la profession d’agent sportif est à peine sèche, cet article 1er bis crée un régime complètement dérogatoire au droit commun pour les seuls avocats. Ainsi, ceux-ci ne devraient plus passer l’examen prévu par la loi et ne relèveraient pas non plus du pouvoir disciplinaire des fédérations.
L’amendement du Gouvernement qui tend à soumettre les avocats aux mêmes sanctions pénales que les agents sportifs ne fait d’ailleurs que confirmer que le régime proposé est totalement dérogatoire.
Or il existe un argument majeur en faveur de l’amendement de suppression que je défends ici au nom de mes trente-sept cosignataires. La Parlement a voulu réglementer la profession d’agent sportif parce que celle-ci comportait de nombreux risques d’opacité financière, que les détournements de fonds étaient légion et que nous ne parvenions pas à savoir jusqu’alors qui devait être rémunéré au moment des transferts de joueurs.
Rien ne justifie que l’on dispense les avocats de respecter le droit commun de cette profession, droit qui permet dorénavant d’assurer la transparence sur les transferts sportifs. C’est comme si l’on autorisait, par exemple, un médecin à exercer librement la profession de vétérinaire – ou l’inverse – ou un avocat à devenir notaire du seul fait de son statut.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Jean-François Humbert. Ce n’est pas parce qu’il s’agit du sport que l’on peut se passer de réglementation.
Les avocats pourront toujours représenter les sportifs dans de très nombreux secteurs de leur activité. Les avocats pourront aussi être agents et mandataires financiers dans les transferts : il leur suffira d’avoir une licence. Je ne doute pas un instant qu’ils en aient la compétence.
Au-delà de cet article, nous assistons une fois encore à la suppression progressive de tous les efforts que Jean-François Lamour a accomplis lorsqu’il était ministre des sports. Un à un, les textes qu’il a fait adopter sont mis en pièces, par petites entailles ou par gros morceaux et nous devons constater une remise en cause de toute l’action qu’il a pu conduire à la tête du ministère des sports, alors qu’il a été un grand ministre des sports.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. Monsieur Humbert, la commission n’a pas la même interprétation que vous.
La loi du 9 juin 2010 a été votée parce que la profession d’agent sportif était effectivement pratiquée par des gens parfois sans foi ni loi, qui n’avaient aucune déontologie et qui n’étaient soumis à aucune instance de discipline professionnelle. Il a donc été nécessaire d’intervenir pour réglementer et encadrer cette profession.
Convenez que la profession d’avocat a une déontologie particulièrement développée et ancienne. Elle dispose d’instances disciplinaires, soumises au contrôle de la cour d’appel.
Par conséquent, la situation est différente.
Le texte initial de la proposition de loi encadrant la profession d'agent sportif rendait incompatibles les activités d’avocat et d’agent sportif. Finalement, cette incompatibilité a été levée dans le texte définitif. Dès lors, il convenait de préciser les conditions dans lesquelles les avocats pourraient intervenir dans la conclusion des contrats relatifs à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement.
Le dispositif retenu permet à un avocat d’agir en tant que mandataire du sportif, de l’entraîneur ou du club, sans avoir à obtenir une licence d’agent sportif. En effet, on peut considérer que l’avocat possède des qualifications suffisantes pour exercer une telle activité, sans avoir à obtenir une licence, qui n’ajouterait rien.
En outre, cette licence soumettrait les avocats à l’autorité disciplinaire de la fédération sportive.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce serait incroyable !
M. Laurent Béteille, rapporteur. Ce ne serait ni convenable ni conforme aux règles de la profession, pour laquelle une autorité disciplinaire existe déjà.
Par ailleurs, l’article 1er bis apporte des garanties importantes, qui sont calquées sur les obligations que vous avez mises à la charge du mandataire sportif. Ainsi, l’avocat ne pourra être rémunéré que par son client, et dans la limite de 10 % du montant du contrat. L’avocat sera tenu – et cette disposition est dérogatoire par rapport à sa déontologie – de communiquer à la fédération sportive l’ensemble des contrats conclus dans le cadre de son activité de mandataire sportif, la fédération pouvant saisir le bâtonnier de tout manquement à ses obligations concernant la communication et le contenu des contrats.
Monsieur Humbert, ce dispositif paraît équilibré. Il est dans l’esprit du texte que vous nous avez proposé et que nous avons tous ensemble adopté. Il est renforcé par l'amendement du Gouvernement, qui vise à assujettir les avocats agissant en tant que mandataires sportifs aux sanctions pénales applicables aux agents sportifs, ce qui s’inscrit dans la logique de coordination des deux régimes d’activité.
En conséquence, parce ce que nous œuvrons dans le même sens, la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage votre volonté de moraliser le milieu sportif, qui a guidé vos travaux lors de l’examen de la proposition de loi encadrant la profession d’agent sportif.
La sécurité juridique des conventions ne pourra qu’être renforcée par l’intervention d’un avocat, qui est un spécialiste du conseil juridique et des contrats : nul ne peut nier qu’il s’agit là de son métier de base. Ce professionnel du droit intervient dans un cadre déontologique parfaitement connu, avec des principes d’indépendance et d’interdiction du conflit d’intérêts. Sa présence dans le domaine sportif est donc de nature à protéger les sportifs et les clubs.
L’exercice de cette activité par les avocats suppose qu’elle se fasse en qualité de mandataire et non comme agent sportif. En effet, le statut d’agent sportif, notamment l’obligation d’avoir une licence et d’être soumis à la discipline des fédérations sportives, est contraire aux princes essentiels de la profession d’avocat.
Le dispositif d’avocat mandataire de sportifs, amélioré par la commission des lois du Sénat, est parfaitement équilibré en ce qu’il conserve ces principes tout en garantissant la moralisation du sport par la soumission des avocats à la limitation de leur rémunération à 10 % du montant du contrat conclu avec le club et à l’obligation de transmission de tous les contrats aux fédérations sportives. Si la fédération détecte un abus, elle en informera le bâtonnier, qui diligentera des poursuites disciplinaires. Je présenterai dans quelques instants un amendement visant à compléter ce dispositif par des sanctions pénales.
Cet article offre donc un équilibre entre la volonté de moraliser le milieu sportif et les spécificités de la profession d’avocat.
Nous nous fixons le même but : offrir aux avocats la possibilité d’établir des contrats dans le domaine sportif. On peut imaginer que les avocats qui se lanceront dans ce métier très particulier ne seront pas très nombreux. Pour ma part, j’estime qu’il est bon qu’ils puissent le faire : ils apportent des garanties professionnelles et déontologiques. Avec le texte tel qu’il ressort des travaux de la commission du Sénat et l'amendement du Gouvernement tendant à introduire des sanctions pénales, nous allons aussi loin qu’il est possible dans le contrôle de cette activité.
Les fédérations seront parfaitement informées et pourront pleinement exercer leur rôle. On entend très souvent dire sur les travées du Sénat que le pouvoir normatif des fédérations est trop important. Ici, nous allons jusqu’à leur faire contrôler les honoraires des avocats et les contrats qu’ils vont établir.
Le texte, tel qu’il ressort des travaux de la commission, aboutit à un système équilibré, qui laisse aux sportifs la possibilité de choix entre l’avocat mandataire et l’agent sportif. Cette liberté me paraît souhaitable. Comme je suis sûr que vous partagez ce sentiment, je vous demande, monsieur Humbert, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Humbert, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jean-François Humbert. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt M. le ministre. Bien qu’il ait été un brillant avocat des avocats, je n’ai pas été convaincu par les arguments qu’il a développés. Alors que nous avons voté en juin dernier un texte qui est d’ores et déjà entré en vigueur, on nous demande de le vider de son contenu au détour de la discussion d’un autre texte qui concerne la profession d’avocat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est par coordination !
M. Jean-François Humbert. Je le redis, je pense qu’on aurait pu au moins laisser le système se mettre en place avant de le passer par pertes et profits !
Donc, madame la présidente, je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié sexies.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission et le Gouvernement ont souhaité le retrait de l’amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 129 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 168 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | .85 |
Pour l’adoption | 23 |
Contre | 145 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 10, présenté par MM. Lozach et Michel, Mme Klès, MM. Anziani, Sueur, Peyronnet et Yung, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
Les avocats peuvent,
insérer les mots :
sous réserve de l'obtention d'une licence délivrée par la fédération sportive compétente et
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Nous ne sommes pas défavorables à ce que les avocats puissent être agents sportifs. Nous pensons, comme M. le garde des sceaux, que cela moralisera cette dernière profession.
En revanche, nous considérons, nous, que les avocats doivent obtenir une licence des fédérations. Le fait qu’ils n’obtiennent pas de licence est d’ailleurs en contradiction avec la loi du 9 juin 2010 que notre collègue M. Humbert a évoquée tout à l’heure.
Ils pourront exercer la profession d’agent sportif. Ils contribueront à sa moralisation, mais ils doivent obtenir une licence de la fédération sportive compétente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. Les arguments que j’ai évoqués pour demander le rejet de l’amendement précédent restent valables.
L’avocat possède des qualifications suffisantes pour exercer cette activité sans avoir à obtenir cette licence. Si l’on veut vraiment avoir des garanties quant à l’exercice de cette activité, les avocats en apportent certainement beaucoup plus qu’un certain nombre de professionnels venus d’on on ne sait où, même s’ils sont titulaires d’une licence !
Par ailleurs, soumettre les avocats à l’autorité disciplinaire d’une fédération sportive – et c’est une conséquence de la détention de la licence – me paraît quand même un peu « fort de café » !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Michel, je partage entièrement les propos de M. le rapporteur. Je pense que la déontologie de l’avocat et les contrôles qui sont en place permettent de répondre aux questions que vous vous posez.
Je vous demande donc de retirer votre amendement.
M. Jean-Pierre Michel. Je le maintiens !
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« La méconnaissance par un avocat exerçant l'activité mentionnée au premier alinéa des obligations résultant pour lui des dispositions du dernier alinéa de l'article 10 et du dernier alinéa de l'article 66-5 de la présente loi ainsi que du deuxième alinéa de l'article L. 222-5 du code du sport est passible des peines prévues au premier alinéa de l'article L. 222-20 du même code. Le montant de l'amende peut être porté au-delà de 30 000 euros jusqu'au double des sommes indûment perçues en violation du dernier alinéa de l'article 10.
« Les infractions aux règles de rémunération mentionnées au premier alinéa de l'article L. 222-5 du code du sport sont punies d'une amende de 7 500 euros. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il s’agit de l’amendement que j’ai évoqué tout à l'heure.
Dans un souci d’égalité, il prévoit que les membres de la profession d’avocat qui méconnaîtraient leurs obligations relatives à l’exercice de l’activité de mandataire en matière sportive seront soumis aux mêmes sanctions pénales que celles qui sont applicables aux agents sportifs, en vertu du code du sport. Cela signifie qu’on met tout le monde – mandataires sportifs ou agents sportifs – sur un pied d’égalité du point de vue des sanctions pénales encourues en cas de manquement aux obligations de cette profession.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 37.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.
(L'article 1er bis est adopté.)
Mise au point au sujet d’un vote
M. François Zocchetto. Madame la présidente, lors du scrutin n° 129 portant sur l’amendement n° 16 rectifié sexies, à l’article 1er bis, M. Daniel Dubois, cosignataire de cet amendement, a été compté comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Je souhaite qu’il soit tenu compte de cette rectification.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
Il sera tenu compte de la rectification que vous demandez dans l’analyse politique du scrutin, publiée au Journal officiel.
Article 1er ter
I. – Le dernier alinéa de l’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée est ainsi modifié :
1° Après les mots : « collaboration libérale sont » sont insérés les mots : «, en l’absence de conciliation, » ;
2° Cet alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En ces matières, le bâtonnier peut, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, déléguer ses pouvoirs aux anciens bâtonniers ainsi qu’à tout membre ou ancien membre du conseil de l’ordre. »
II. – (Non modifié) L’article 21 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « qui, le cas échéant, procède à la désignation d’un expert pour l’évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d’avocats. En cette matière, le bâtonnier peut déléguer ses pouvoirs aux anciens bâtonniers ainsi qu’à tout membre ou ancien membre du conseil de l’ordre. » ;
2° Au début du dernier alinéa, sont insérés les mots : « Les conditions dans lesquelles le bâtonnier peut déléguer ses pouvoirs et ». – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 8 de la même loi est complété par les mots : «, exerçant en France, dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse. »
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 2 tend à favoriser une interprofessionnalité de nature capitalistique au sein des professions du droit. Après nous avoir longtemps parlé de « moralisation du capitalisme », voici que celui-ci, sous votre égide, s’immisce dans notre droit pour balayer d’un revers de main le socle de principes sur lequel il a été bâti.
Pour satisfaire aux exigences de la directive Services, cet article ouvre la porte des sociétés de participations financières de professions libérales et, par filiation, des sociétés d’exercice libéral à des capitaux extérieurs, étrangers à la culture, à la déontologie, aux statuts et aux pratiques des officiers publics que sont les notaires, lesquels, je le rappelle, sont exclus du champ d’application de la directive.
Le rapport fait une large place aux mérites de la concurrence, prétendument porteuse « d’exigence, de qualité et de réduction de coûts ». Or cette vision, qui a tendance à s’imposer dans l’espace communautaire, condamne d’avance notre conception, jusque-là hautement digne, de la justice. Et, au-delà même de l’institution, ce sont nos principes républicains qui sont remis en cause dans leur ensemble !
Cet article visant à favoriser la concurrence internationale en permettant aux avocats étrangers et, donc, aux grands groupes anglo-saxons d’imposer leur hégémonie en France au détriment des professionnels du droit français et des justiciables, nous en demandons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission n’est pas favorable à ce protectionnisme d’un autre âge en matière d’exercice de la profession d’avocat ! Elle considère qu’il est, au contraire, absolument nécessaire que les avocats français puissent s’inscrire dans des barreaux étrangers. Dès lors, au titre de la réciprocité, nous sommes bien obligés d’admettre que des avocats de la Communauté européenne ou de Suisse puissent venir s’installer dans notre pays et s’inscrire dans des barreaux français.
Je pense que se créent ainsi des réseaux qui permettent à notre droit d’être visible de l’extérieur. Il est de l’intérêt de la profession, comme de l’intérêt des justiciables, que cette disposition soit en vigueur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je soutiens naturellement les arguments de M. le rapporteur.
J’ajoute que l’article 2 du projet de loi ne vise pas à permettre à des avocats de l’Union européenne de s’inscrire à un barreau français pour exercer en France : cette possibilité est inscrite depuis plus de vingt ans dans des directives européennes. L’objet de l’article 2 est en réalité de permettre à un avocat n’exerçant pas en France mais dans l’un des États membres de l’Union européenne d’être associé à un cabinet d’avocat de droit français.
Pour l’avenir de notre droit, pour l’attractivité de notre système juridique, pour sa reconnaissance au niveau international, pour la place même de Paris en tant que première place arbitrale au monde, il est essentiel que des cabinets d’avocat puissent, s’ils le veulent, tisser des réseaux sur l’ensemble de l’Union européenne.
Compte tenu de ces arguments, j’espère, madame la sénatrice, que vous voudrez bien retirer votre amendement. Sinon, je serais très triste de devoir, au nom du Gouvernement, émettre un avis défavorable.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je le maintiens !