Mme Éliane Assassi. Nous, et nous assumons !
M. Brice Hortefeux, ministre. S’agissant des conditions de contrôle de la vidéoprotection, l’équilibre trouvé avec l’Assemblée nationale me paraît, par ailleurs, adapté : d’un côté, la commission nationale de la vidéoprotection conseillera le Gouvernement ; de l’autre, la CNIL, associée aux commissions départementales, pourra proposer aux préfets des sanctions en cas de manquement aux règles fixées par les autorisations d’exploiter des caméras.
De plus, des logiciels de rapprochement judiciaire amélioreront la rapidité des enquêtes et feront progresser l’élucidation des crimes et délits, par exemple celle des vols en série.
Parallèlement, la lutte contre la pédopornographie sera renforcée.
Enfin, la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée sera facilitée, avec le recours à des outils modernes, à la hauteur des méthodes de certaines organisations criminelles, s’agissant notamment de la captation de données informatiques et des cyberpatrouilles.
Deuxième domaine : la sanction pénale est renforcée.
Les sanctions seront aggravées – j’y tiens particulièrement – en cas de cambriolage et de vol au préjudice d’une personne vulnérable, qu’il s’agisse de personnes âgées, de personnes handicapées ou de femmes enceintes, qui seraient dans une plus grande difficulté pour se défendre.
Les biens saisis appartenant aux trafiquants pourront être vendus ou affectés aux forces de sécurité. C’est un moyen, pour les services de police, de faire arme égale avec les délinquants. Par exemple, en saisissant leur véhicule surpuissant, ils pourront en traquer d’autres à motorisation égale.
Cela ne signifie pas que nous sommes totalement démunis. Certaines voitures de la gendarmerie sont des Subaru, puisque le marché avait été remporté par ce constructeur – très bizarrement, à l’époque, aucun constructeur européen ne s’était manifesté pour répondre à cet appel d’offres. Un certain nombre de trafiquants, qui pratiquent ce que l’on appelle le « go fast », bénéficient de ces bolides. Il serait souhaitable de pouvoir les saisir puis de les vendre ou bien de les réaffecter aux forces de sécurité.
De la même manière, la vente à la sauvette deviendra un délit spécifique et sera mieux réprimée.
Des mesures vigoureuses seront prises afin de renforcer la sécurité de nos concitoyens qui prennent les transports en commun. J’ajoute à cet égard que, comme me l’avait demandé le président de la SNCF, je suis très attaché à la possibilité donnée aux agents des compagnies de transport chargés de la sécurité de conduire eux-mêmes les délinquants devant un officier de police judiciaire.
Je soutiens donc totalement l’amendement présenté en ce sens par M. Jacques Gautier.
Troisième domaine : les moyens de la police administrative sont complétés pour renforcer la prévention et la dissuasion.
Incontestablement, nous avons pu rendre les stades aux familles. Nous connaissions très bien les dérives, assez localisées, pas simplement à Paris mais aussi en région parisienne. Les mesures contenues dans le projet de loi permettront de conforter et d’améliorer les résultats déjà obtenus.
Ce ne sont ni des formules ni des slogans ! Vous vous en souvenez certainement, le 28 février 2010, il y avait eu un mort au Parc des Princes, à la suite de combats. Nous avions pris, dès le lendemain, des mesures immédiates, en créant notamment une division anti-hooligans.
En réalité – je touche volontairement du bois –, nous avons résolu, pour l’essentiel, même s’il existe toujours malheureusement des contre-exemples, la question à l’intérieur des stades. Maintenant, il faut davantage sécuriser l’extérieur des stades, puisque ce phénomène a tendance à se déplacer.
Néanmoins, vous avez certainement vu dans des reportages, comme je l’ai vu dans certains journaux de vingt heures, des personnes déclarer pouvoir enfin revenir en famille profiter d’un spectacle sportif.
Nous avons aussi donné aux préfets la possibilité d’instituer sur un territoire donné, entre vingt-trois heures et six heures du matin, un couvre-feu des mineurs de moins de treize ans. Cette mesure est utile et nécessaire. C’est aussi un moyen de prévenir la délinquance des mineurs.
Comme je l’ai déjà précisé en première lecture, nous donnons aussi aux préfets la possibilité de confisquer immédiatement le véhicule des délinquants de la route, afin de mettre hors d’état de nuire un certain nombre d’irresponsables.
Quatrième domaine, enfin, la sécurité étant la mission de l’État mais aussi l’affaire de tous, nous proposons des mesures pour renforcer les partenariats au service de la sécurité : partenariat avec les élus locaux, d’abord, puisque les prérogatives des polices municipales sont renforcées, en complémentarité avec la police et la gendarmerie ; partenariat avec les acteurs de la sécurité privée, ensuite, puisqu’il faut naturellement accompagner le développement de ce secteur qui est en pleine évolution. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.
Nous sommes tous soucieux de l’emploi, et je rappelle que le syndicat national des entreprises de sécurité prévoit un recrutement de plus de 100 000 personnes sur les dix prochaines années, voire de 12 000 personnes par an.
En contrepartie, il faut être précis sur la réglementation, les autorisations, les délivrances d’agréments et la possibilité de leur retrait.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Oui !
M. Brice Hortefeux, ministre. Il faut aller un peu plus loin et la LOPPSI le permet, en proposant la création d’un Conseil national des activités privées de sécurité pour répondre à ces questions.
Ces dispositions ont déjà fait l’objet d’un débat de fond. Je pense que nous devons aller encore plus loin dans la lutte contre les violences aux personnes. C’est, à l’évidence, ce que nos compatriotes attendent de nous.
Nous avons souhaité proposer dans la LOPPSI, en parfaite harmonie avec la Chancellerie, quatre mesures nouvelles, spécifiques et ciblées.
La première mesure est le placement sous surveillance électronique, à leur sortie de prison, des multirécidivistes condamnés à au moins cinq ans d’emprisonnement – ce qui n’est pas rien ! Je remercie d’ailleurs la commission des lois d’avoir donné, depuis l’origine, son plein accord sur cette mesure.
La deuxième mesure concerne les peines planchers. J’ai bien compris la position de la commission des lois sur ce sujet. Un accord de principe a été trouvé entre les deux assemblées en première lecture, qui conforte la volonté du Gouvernement d’appliquer les peines planchers aux primo-délinquants et non plus aux seuls récidivistes. C’est une évolution majeure que le Président de la République avait évoquée et souhaitée dans son discours de Grenoble.
Toutefois, un débat technique demeure sur les modalités et la portée de cette évolution. Il est tout à fait opportun et utile que nous établissions une gradation de ces peines pour les violences aggravées. Je serai donc très attentif à vos propositions. J’ai d’ailleurs noté l’intérêt que présente l’amendement de M. Christian Demuynck.
J’en viens à la troisième mesure. Je me réjouis que le Sénat ait approuvé l’idée de permettre à la Cour d’assises d’assortir son verdict de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, s’agissant des crimes et délits commis à l’encontre des agents dépositaires de l’autorité publique, d’une période de sûreté de trente ans.
Cette mesure rejoint, là encore, les souhaits exprimés par le Président de la République à Grenoble. Certes, une nuance existe entre les deux assemblées. À la différence de l’Assemblée nationale et du Gouvernement, le Sénat a souhaité que cette mesure soit restreinte aux seuls de ces crimes qui ont été commis en bande organisée ou avec la circonstance aggravante de guet-apens ou de préméditation.
Selon le Gouvernement, que le crime ait été commis par un individu seul ou en bande organisée, la peine de sûreté devrait s’appliquer. La gravité des crimes en cause – le meurtre de policiers, de gendarmes, de préfets, de magistrats ou de pompiers – exige que l’on se montre particulièrement inflexible.
La quatrième mesure concerne la possibilité de faire comparaître un mineur plus rapidement devant le tribunal pour enfants. Le système actuel doit être amélioré. Aujourd’hui, en effet, dans un certain nombre de cas, cette prise en charge est presque totalement improductive parce que trop tardive
On le sait très bien, le délai important qui sépare trop souvent la commission de l’infraction du jugement contribue au sentiment d’impunité et réduit presque à néant les efforts de pédagogie et de prévention de la récidive qui doivent être au cœur de la prise en charge des mineurs.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Brice Hortefeux, ministre. C’est pourquoi, dans les affaires les plus simples et pour les mineurs déjà connus de la justice, le Gouvernement souhaite donner au procureur la capacité de saisir directement le tribunal, sans passer par le juge des enfants. Cette nouvelle procédure, préparée en étroite liaison avec la Chancellerie, s’appliquera uniquement lorsque le mineur est déjà connu de la justice et que tous les éléments concernant sa personnalité et son environnement familial sont déjà connus. Il s’agit également d’un facteur d’efficacité de notre politique de prévention.
J’ajouterai quelques mots, pour terminer, sur le permis à points.
Ne perdons pas de vue l’essentiel : notre objectif est de faire baisser le nombre de morts, comme le nombre de blessés sur les routes de notre pays. J’imagine que nous sommes tous d’accord.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Brice Hortefeux, ministre. Il y a près de quarante ans, nous déplorions près de 18 000 morts sur les routes par an. En 2000, nous en étions encore à environ 8 200 tués, selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière. En 2010, nous sommes passés sous la barre des 4 000, avec exactement 3 994 tués. C’est beaucoup moins qu’il y a dix ans, mais c’est encore beaucoup trop.
C’est vrai – je m’adresse davantage à la majorité –, le Gouvernement n’avait pas proposé d’évolution sur le permis à points. Les parlementaires du Sénat, comme ceux de l’Assemblée nationale, ont souhaité l’assouplir. Conformément au souhait du Sénat, le délai de récupération des petites infractions entraînant la perte d’un seul point serait réduit d’un an à six mois. Le délai de récupération de la totalité des points passerait à deux ans au lieu de trois actuellement.
Le Gouvernement souhaite clairement qu’en soient exclues les infractions les plus graves, qu’il s’agisse des conduites en état d’ivresse, des grands excès de vitesse ou des infractions dangereuses, comme ces cas, dont nous avons tous entendu parler, de personnes qui font demi-tour sur l’autoroute.
Pour ces infractions très dangereuses, les dispositifs de clémence ne sont pas appropriés. Je vous le dis : il est impératif de ne pas aller au-delà de cette évolution et, en tout état de cause, nous devrons en évaluer, le moment venu, les effets.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, la mission qui m’a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre est claire : assurer la sécurité de nos concitoyens, partout et pour tous.
Nous avons des exigences, nous fixons des objectifs, nous obtenons un certain nombre de résultats pour renforcer la sécurité dans le respect des libertés. Cependant, pour pérenniser, conforter et amplifier ces résultats, nous devons en permanence nous adapter. C’est ce que nous proposons à travers ce projet de loi.
La LOPPSI a déjà été débattue durant plus de soixante-douze heures à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il reste incontestablement quelques étapes à franchir. Pour y parvenir, je reste à votre écoute, en espérant aussi pouvoir compter sur votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous débutons aujourd’hui l’examen en deuxième lecture du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, ou LOPPSI 2, après son second examen par l’Assemblée nationale au cours du mois de décembre.
De nombreuses dispositions font, à ce stade, l’objet d’un accord entre nos deux assemblées.
Concernant l’encadrement des fichiers d’antécédents judiciaires et d’analyse sérielle, l’Assemblée nationale n’a pas apporté de modification de fond au dispositif adopté par le Sénat.
Il en va également ainsi de la plus grande partie des dispositions relatives à la vidéosurveillance, figurant à l’article 17.
Je vous rappelle qu’alors que le projet de loi déposé par le Gouvernement attribuait le contrôle des dispositifs aux commissions départementales et à la Commission nationale de la vidéoprotection, la CNV, le Sénat avait introduit la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, dans le dispositif, estimant que son expérience en matière de libertés publiques la qualifiait en la matière. Cette modification a été globalement approuvée par l’Assemblée nationale.
De même, une partie non négligeable du chapitre relatif à la sécurité quotidienne et à la prévention de la délinquance, introduit par l’Assemblée nationale, avait été approuvée par le Sénat, et n’a pas été modifiée de manière sensible par l’Assemblée nationale en seconde lecture. C’est le cas des dispositions relatives au couvre-feu de portée générale décidé par le préfet pour des mineurs de 13 ans ou encore de celles qui concernent le règlement intérieur destiné à encadrer les échanges d’informations au sein des groupes de travail des CLSPD, les conseils locaux de sécurité et de la prévention de la délinquance.
Le Sénat avait également adopté en termes identiques ou avec des modifications d’ordre rédactionnel la plupart des articles relatifs à la sécurité routière. L’Assemblée nationale n’a pas opéré de nouvelle modification substantielle, sauf pour un article. Il s’agit des dispositions relatives aux permis à points introduites par notre collègue Alain Fouché. Initialement, le délai de récupération de la totalité des points du permis était abaissé à un an au lieu de trois. La commission des lois de l’Assemblée nationale a décidé d’adopter une position intermédiaire en le portant à deux ans.
En séance publique, un nouvel amendement a été adopté qui vise à introduire une exception pour les délits routiers et les contraventions les plus graves : pour ces infractions, le délai restera fixé à trois ans. Par ailleurs, l’Assemblée nationale a accru les possibilités de faire des stages de récupération de points. Au total, ces dispositions ont paru équilibrées à la commission des lois, qui n’a pas souhaité les modifier une nouvelle fois.
Le Sénat avait par ailleurs globalement donné son accord aux dispositions introduites par la commission des lois de l’Assemblée nationale et relatives à la police municipale. Il avait ainsi approuvé l’attribution de la qualité d’APJ, c'est-à-dire d’agent de police judiciaire, aux directeurs de police municipale, la participation des policiers municipaux aux contrôles d’identité sous l’autorité d’un OPJ, c'est-à-dire d’un officier de police judiciaire, ou encore la simplification des règles d’agrément pour les agents de police municipale.
Le Sénat avait également étendu le champ d’application de la disposition prévoyant la participation des policiers municipaux aux dépistages d’alcoolémie. L’Assemblée nationale n’a apporté en seconde lecture que des amendements rédactionnels à ces articles.
Enfin, de nombreuses dispositions introduites par le Sénat sur l’initiative du Gouvernement ont été approuvées par l’Assemblée nationale. C’est le cas des mesures destinées à lutter contre les violences dans les stades ou dans les transports. Sur ce dernier point, néanmoins, la commission a supprimé une disposition introduite par l’Assemblée nationale en seconde lecture et qui déséquilibrait les règles relatives aux contrôles d’identité fixées par le code de procédure pénale.
Toutefois, l’Assemblée nationale a également profondément amendé certaines dispositions introduites par le Sénat ou refusé les modifications apportées par la Haute Assemblée aux dispositifs qu’elle avait introduits.
Ainsi, lors de l’examen du projet de loi par le Sénat en séance publique, le Gouvernement avait souhaité que le dispositif des peines planchers soit étendu aux primo-délinquants auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec la circonstance aggravante de violences.
Notre commission s’y était opposée, considérant notamment que ce dispositif présentait un risque de contrariété à la Constitution. À cette occasion, elle avait également réaffirmé son attachement à la cohérence de l’échelle des peines, ainsi qu’au pouvoir d’appréciation des juges. Pour ces raisons, nous avions émis un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Sensibles à ces arguments, nos collègues Gérard Longuet et Jacques Gautier avaient proposé de sous-amender l’amendement du Gouvernement afin de limiter son champ aux violences les plus graves. Le dispositif, ainsi sous-amendé, avait été adopté par le Sénat.
En seconde lecture, les députés sont largement revenus au dispositif initialement souhaité par le Gouvernement et l’ont même étendu à un certain nombre d’infractions supplémentaires, comme les violences sans circonstance aggravante.
En outre, s’agissant des conditions dans lesquelles les peines ainsi prononcées pourraient être aménagées, les députés ont adopté un amendement de leur commission des lois tendant à revenir au droit antérieur à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui a posé le principe de l’aménagement des peines égales ou inférieures à deux ans d’emprisonnement.
Dans la mesure où cet article présentait en l’état un risque d’inconstitutionnalité, qu’il faisait de l’emprisonnement des mineurs la règle dans de nombreux cas et qu’il remettait en cause certains principes essentiels de la loi pénitentiaire alors même que les décrets d’application de ce texte viennent tout juste d’être adoptés, votre commission des lois est revenue au texte voté par le Sénat en première lecture, lequel réserve le dispositif de peines planchers aux auteurs des violences les plus graves.
L’Assemblée nationale a également souhaité revenir aux dispositions proposées par le Gouvernement et relatives à la possibilité de poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants par la voie d’une convocation par OPJ. En première lecture, ces dispositions avaient été rejetées par notre commission et n’avaient été adoptées par le Sénat qu’après avoir été complétées par un sous-amendement, qui avait eu pour objet de restreindre leur champ d’application.
Compte tenu du retour opéré par l’Assemblée nationale aux propositions rejetées par la commission des lois, celle-ci est également revenue au texte voté par le Sénat.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’article 23 ter relatif à l’allongement de la peine de sûreté pour les auteurs de meurtre ou d’assassinat contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, les députés sont revenus à la rédaction proposée initialement par le Gouvernement. En effet, les dispositions introduites par celui-ci avaient été sous-amendées par MM. Jean Jacques Hyest, Gérard Longuet et Nicolas About, afin que, comme tel est le cas pour les meurtres ou assassinats concernant les mineurs de 15 ans, l’allongement de la peine de sûreté ne vise que les crimes accompagnés d’une circonstance aggravante. Il était ainsi précisé que le meurtre devait être commis en bande organisée ou avec guet-apens. L’Assemblée nationale ayant écarté toute référence à une circonstance aggravante, la commission des lois est revenue au texte élaboré par le Sénat en première lecture, en retenant la préméditation comme circonstance aggravante.
Enfin, d’autres désaccords entre nos deux assemblées portent sur les dispositions relatives à la sécurité quotidienne.
Les députés ont ainsi rétabli les dispositions qu’ils avaient introduites en première lecture concernant la possibilité pour le préfet de décider d’un couvre-feu à l’encontre d’un mineur déjà condamné, ou relatives à l’information du président du conseil général et du préfet par le procureur de la République sur les poursuites et les condamnations dont font l’objet les mineurs dans le département.
Dans la mesure où ces dispositions présentaient un risque d’inconstitutionnalité et semblaient en outre d’application très difficile, la commission des lois est revenue au texte du Sénat.
Par ailleurs, les députés ont introduit deux dispositions totalement nouvelles. La première étend l’imprescriptibilité aux crimes se traduisant par une disparition d’enfant. La seconde vise à singulariser la situation des étrangers reconnus coupables d’un crime, en contraignant les jurés des cours d’assises à se prononcer sur leur droit au séjour, dans le respect des limitations édictées par la loi du 26 novembre 2003.
Dans la mesure où elle considère qu’il est préférable de réserver le caractère exceptionnel de l’imprescriptibilité aux crimes contre l’humanité et où le droit positif permet d’ores et déjà de répondre largement aux préoccupations exprimées en la matière, la commission a supprimé la disposition qui étendait l’imprescriptibilité aux crimes se traduisant par une disparition d’enfant.
Voilà tracés, mes chers collègues, les grands axes des modifications adoptées par la commission des lois dans la perspective de la seconde lecture de ce projet de loi, que je vous demande d’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre de l’intérieur, je vous ai écouté avec intérêt citer des statistiques : je constate que de moins en moins de délits sont commis ; à ce rythme, vous chercherez bientôt des délinquants ! (Sourires.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, entre le titre d’un texte législatif et son contenu réel, le fossé devient de plus en plus évident. Les lois de simplification sont devenues des lois de complexification. Qu’en est-il des lois d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ?
Nombreux sont ceux qui le constatent, le projet de loi qui nous est soumis constitue un véritable fourre-tout où se retrouvent, pêle-mêle, des dispositions diverses correspondant pour beaucoup à des réponses médiatiques à des faits divers. C’est ainsi que, récemment, un quotidien a pu titrer : « Quand les faits divers dictent leur loi ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Certes, il serait absurde et dommageable pour la protection de la société de ne pas être très attentifs à ce qui se passe sur le terrain, dans nos rues, nos cités, nos campagnes, et de ne pas intégrer l’évolution de la délinquance consécutive aux bouleversements sociétaux.
Toutefois, mes chers collègues, la réponse législative à des faits médiatisés est tout aussi dangereuse et dommageable, car elle est créatrice d’une insécurité juridique…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Mézard. … à laquelle, ces dernières années, nous avons été pleinement confrontés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. Jacques Mézard. Elle est le plus souvent à l’opposé de la définition d’une véritable politique pénale, compréhensible par le citoyen et facilement applicable par les magistrats.
Nous le savons tous ici, les magistrats sont excédés par cette avalanche de lois dites « sécuritaires » qui polluent littéralement le difficile exercice de leur mission.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Mézard. La priorité du législateur, c’est d’abord, me semble-t-il, d’examiner si les lois existantes permettent, ou non, de répondre aux préoccupations du moment et aux évolutions sociétales.
Bien sûr, lorsqu’il s’agit de cybercriminalité, le socle du code d’instruction criminelle de 1808 ne saurait suffire, mais nombre de réformes et de textes accumulés ces dernières décennies furent inutiles, parfois redondants et largement inefficaces, si ce n’est à des fins de communication politique. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Là encore, chers collègues de la majorité, vous jouez, et avec quelles conséquences redoutables, aux apprentis sorciers.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Faudra-t-il souvent rappeler les propos du nouveau président d’honneur d’un parti situé à l’extrême de l’échiquier politique : « Les électeurs préféreront toujours l’original à la copie » ?
M. Roland Courteau. Bien dit !
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, comme je l’ai déjà dit lors de l’examen du texte en première lecture, je ne doute aucunement de vos sentiments républicains. Toutefois, je reste convaincu que les textes que vous nous proposez, dans leur essence, ne sont de nature ni à rassurer les Français ni à faciliter réellement le travail de ceux qui œuvrent à préserver leur sécurité.
Nous avons dénoncé les errements de la garde à vue. Nous avions raison ! Le garde des sceaux lui-même déclare aujourd'hui qu’il serait positif d’en réduire le nombre à 300 000, car on ne lutte pas contre l’insécurité en jouant sur le sentiment d’insécurité.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Mézard. De la même manière, ce n’est pas la réduction des effectifs de police et de gendarmerie qui constitue la bonne méthode ; la mise en cause de la police de proximité fut un mauvais procès, une erreur.
Ce n’est pas avec seize lois sécuritaires en huit ans que nous construirons un code de procédure pénale performant.
Nous sommes dans une discussion générale, il est donc justifié de mener un débat de fond, de même qu’il serait légitime de discuter de la manière dont est traitée la question de la délinquance financière, sous ses diverses formes, qui pèse de tout son poids dans le sentiment assez généralisé d’insécurité et d’injustice dont découlent certains comportements antisociaux.
En première lecture, puis au travers du travail de sa commission et de son rapporteur, le Sénat a fait entendre son souci de respecter les principes fondamentaux auxquels nous sommes tous attachés, et nous nous en réjouissons.
Le message de la majorité de l’Assemblée nationale est différent, et c’est son droit. Néanmoins, notre groupe dans sa plus grande partie ne saurait le cautionner. À l’Assemblée nationale, un orateur de la majorité évoquait d'ailleurs un « message de fermeté à l’égard d’une délinquance sans scrupule qui fait régner la terreur ». Nous aurons donc appris qu’il y avait deux formes de délinquance : avec et sans scrupule ! Il est vrai que la première constitue déjà un progrès. (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. C’est la morale de l’intention !
M. Jacques Mézard. Plus sérieusement, nous considérons qu’il y a erreur de diagnostic et erreur thérapeutique. Faire croire au laxisme des magistrats est fallacieux,…