M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En première lecture, le Sénat avait effectivement adopté une telle modification, malgré l’avis de la commission. Dans la mesure où elle n’avait pas été suivie en première lecture, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 125 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 99 du rapport annexé, première phrase
Remplacer les mots :
au moins équivalente
par le mot :
égale
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit encore pour moi de persévérer et je pense qu’il n’y a rien là de diabolique ! (Sourires.) En effet, cet amendement, qui a le même objet que l’amendement précédent, avait lui aussi été adopté par le Sénat en première lecture.
En matière de lutte contre la délinquance, nous considérons que l’État ne saurait en aucun cas s’affranchir de l’impératif consistant à garantir l’égalité de tous les citoyens. Or l’affirmation d’une simple équivalence s’apparente à une obligation de moyens qui, selon nous, n’est pas acceptable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Là encore, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 126 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 112 du rapport annexé
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'État pourra alors coordonner avec les collectivités territoriales, lorsque celles-ci subissent les conséquences des redéploiements d'effectifs, des politiques de reconversion immobilière.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise une situation que tous les élus locaux connaissent bien et dont ils déplorent le plus souvent les effets dans leur territoire. Lors de la discussion générale, notre collègue Marc Laménie a tout particulièrement insisté sur l’importance de la présence humaine assurée par la gendarmerie. Or la suppression d’effectifs de gendarmerie en milieu rural a aujourd’hui d’importantes répercussions dans les collectivités territoriales, alors même que celles-ci ont souvent été mises à contribution pour la mise en œuvre de programmes immobiliers accompagnant la création des brigades communautaires.
La réorganisation du maillage territorial rend aujourd’hui totalement inutiles certains des programmes qui ont été lancés, mais les investissements consentis ne seront remboursés que dans vingt ans ou trente ans. Le budget de petites collectivités se retrouve donc grevé par des investissements importants qu’elles n’ont eu d’autres choix que de financer pour une utilisation aujourd’hui réduite à néant.
Cet amendement vise donc à préciser que l’État pourra mettre en œuvre une politique de coordination avec les collectivités territoriales concernées lorsque des redéploiements d’effectifs pourraient conduire à la fermeture de casernes dont la construction ou la rénovation fut assurée sous leur maîtrise d’ouvrage, ce qui est assez fréquent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que l’État pourra coordonner avec les collectivités territoriales des politiques de reconversion immobilière. Le problème se pose pour la commune qui construit une caserne de gendarmerie alors que celle-ci est supprimée. Il est évident que, une fois que le bâtiment est désaffecté, la commune peut aussi donner à bail les logements qui avaient été prévus pour les gendarmes. Il n’en demeure pas moins que cela reste une charge pour l’État. Aussi la commission s’en remet-elle à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Mézard, il faut être raisonnable : après tout ce vous avez dit sur ce texte, vous n’allez tout de même pas remporter une troisième victoire ! (Sourires.)
Les réorganisations territoriales s’accompagnent d’une large concertation. Je demande systématiquement aux préfets de consulter les maires et les parlementaires. J’ai d’ailleurs moi-même procédé à de telles consultations ce matin même. Très concrètement, je ne crois pas utile de faire figurer cette disposition dans le rapport annexé.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l’article 1er et du rapport annexé, modifié.
(L'article 1er et le rapport annexé sont adoptés.)
Article 1er bis
À partir de 2011 et tous les deux ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un état des lieux, circonscription par circonscription pour la police nationale, brigade par brigade pour la gendarmerie nationale, de la répartition territoriale actuelle des effectifs chargés des missions de sécurité publique, en tenant compte de leur statut et de l’ancienneté.
Il présente les préconisations du Gouvernement pour résorber la fracture territoriale existante, redéployer les forces prioritairement vers les territoires les plus exposés à la délinquance, mettre fin à l’utilisation des personnels actifs dans des tâches administratives. – (Adopté.)
Chapitre II
Lutte contre la cybercriminalité
Article 2
Après l’article 226-4 du code pénal, il est inséré un article 226-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 226-4-1. – Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. »
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 2 crée un nouveau délit d’usurpation d’identité commise sur Internet.
Nous prenons acte des modifications adoptées en commission qui suppriment la notion trop vague d’« atteinte aux intérêts d’une personne » et qui reviennent sur l’aggravation des peines encourues en cas d’usurpation d’identité. On repasse ainsi de deux ans d’emprisonnement et 20 000 euros d’amende à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Cette observation générale ne change cependant rien au jugement d’ensemble que nous portons sur l’article 2. C’est pourquoi, comme en première lecture, nous déposons un amendement de suppression de cet article.
Nous ne sous-estimons pas pour autant la réalité et les conséquences néfastes et traumatisantes des cas d’usurpation.
On considère en effet que, en France, plus de 200 000 personnes sont chaque année victimes d’une usurpation d’identité. Par ailleurs, on évaluait à 400 000 en 2009, en France, le nombre d’usurpations d’identité sur Internet. Nous devons nous montrer d’autant plus vigilants qu’il existe des liens parfois étroits entre l’usurpation d’identité et le crime organisé ou le terrorisme.
Toutefois, qu’apporte une telle disposition, si ce n’est pour ajouter la référence à Internet et montrer que les pouvoirs publics agissent, quand le droit en vigueur apporte déjà des réponses suffisantes ?
Les pratiques d’usurpation d’identité sont d’ores et déjà susceptibles d’être réprimées sur le fondement du délit d’escroquerie, du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, de la diffamation.
Je constate enfin que la commission des lois du Sénat a nommé un rapporteur sur la proposition de loi relative à la protection de l’identité de MM. Lecerf et Houel. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur le fond, mais cette proposition de loi, qui vise à équiper les cartes nationales d’identité d’une puce électronique sécurisée, présente au moins l’avantage d’agir en amont afin de lutter efficacement contre une pratique qui ne cesse de se développer.
Le droit positif couvre l’ensemble des usurpations d’identité susceptibles de porter préjudice à la personne. Qu’elles soient commises par le biais d’Internet ne change rien. Le présent article est dont superfétatoire et apparaît davantage comme une mesure d’affichage. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous invitons à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'article 2 crée un délit punissant les usurpations d’identité commises dans le but de porter atteinte à la tranquillité ou à l’honneur d’une personne. Aujourd'hui, de tels faits ne sont réprimés que lorsque la personne dont l’identité a été usurpée a, de ce fait, encouru des poursuites pénales.
Cet article comble donc bien un vide juridique, comme nous l’avions souligné en première lecture. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Tous trois sont présentés par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche
L'amendement n° 77 est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 226-4-1. - Le fait d'usurper sur un réseau de communication électronique l'identité d'une personne physique ou morale ou une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de lui nuire intentionnellement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
L'amendement n° 75 est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier
L'amendement n° 76 est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter ces trois amendements.
Mme Éliane Assassi. Avec ces trois amendements, nous voulons préciser et circonscrire le champ d’application du délit d’usurpation d’identité sur un réseau de communications électroniques.
Dans la rédaction actuelle de l’article, cette infraction concerne toute atteinte à la tranquillité, à l’honneur et à la considération d’une personne.
A priori, il s’agit là d’un triple objectif parfaitement légitime. Toutefois, la rédaction retenue ici est assez vague et susceptible de permettre une interprétation extensive, voire abusive, qui pourrait être attentatoire aux libertés.
Le champ de l’infraction demeure extrêmement vaste puisque celle-ci est caractérisée dès la moindre atteinte à la tranquillité d’une supposée victime. Outre qu’un tel délit peut d’ores et déjà être sanctionné par le droit existant, le terme « considération » ne se trouve dans aucun texte juridique. La possibilité laissée à un magistrat de définir le terme « considération » serait contraire aux exigences constitutionnelles de clarté et d’intelligibilité de la loi.
Au-delà du fait que cette formulation n’épuise pas la compétence législative, il faut croire que les craintes que reflète cet article sont ailleurs.
Faut-il rappeler que, dans notre pays, le délit d’outrage est devenu ces dernières années un délit « en vogue », si j’ose m’exprimer ainsi ? En effet, de 17 700 faits enregistrés en 1996, nous avons aujourd’hui passé la barre des 32 000. Et cette inflation, supérieure à 40 %, pose des questions cruciales de société dans le contexte actuel du « tout-répressif ».
À l’heure où le Président de la République use pour la première fois du délit d’outrage au chef de l’État pour le simple port d’un masque à son effigie ou pour la répétition d’une phrase qu’il a lui-même prononcée, on peut légitimement s’inquiéter des conséquences de cet article.
Les députés de l’UMP ont répondu à leurs collègues sénateurs que cet article ne devait pas donner lieu à un débat, car il fallait « faire confiance aux juges ». Vu que nous nous leur faisons confiance et pas vous, chers collègues, nous estimons que nos craintes peuvent être fondées. Tel est le sens de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 77, je rappellerai que, en première lecture, le Sénat a validé l’extension du champ de ce délit à l’ensemble des hypothèses de la vie courante dans lesquelles l’identité d’une personne peut être usurpée à des fins malveillantes.
En outre, la rédaction issue des travaux de notre assemblée, qui a introduit explicitement la notion d’usurpation, permet de caractériser suffisamment l’intention délictueuse de l’auteur de l’infraction.
Sur ce point, il me semble que le texte adopté par la commission est parvenu à un bon équilibre. J’émets donc un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 75, les inquiétudes des auteurs de l’amendement n’ont pas lieu d’être dès lors que la commission des lois a, en première lecture, expressément introduit le terme « usurpation » dans la rédaction du dispositif. Le but est bien de sanctionner les usurpations d’identité ou données personnelles portant atteinte à la tranquillité ou à la considération d’une personne.
Je rappelle, par ailleurs, que la loi pénale s’interprète strictement. L’avis de la commission est donc défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 76. Les termes d’atteinte à l’honneur ou à la considération sont directement inspirés de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, laquelle vise notamment le délit de diffamation. Il existe une abondante jurisprudence sur ces termes, auxquels les tribunaux correctionnels sont habitués. Là encore, l’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis
(Suppression maintenue)
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Article 4
(Non modifié)
I. – L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa du 7 du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du code pénal le justifient, l’autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai.
« Un décret fixe les modalités d’application de l’alinéa précédent, notamment celles selon lesquelles sont compensés, s’il y a lieu, les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des opérateurs. » ;
2° Au dernier alinéa du même 7 et au premier alinéa du 1 du VI, les mots : « quatrième et cinquième » sont remplacés par les mots : « quatrième, cinquième et septième ».
II. – (Non modifié)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par Mme Klès.
L'amendement n° 78 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Virginie Klès, pour défendre l’amendement n° 7.
Mme Virginie Klès. J’ai déjà évoqué, lors de la discussion générale, ma demande de suppression de l’article 4.
Depuis la première lecture, j’ai reçu de nombreux témoignages, notamment d’associations de victimes et d’associations de lutte contre la pédophilie, évoquant le courage et la « subtilité » – je crois comprendre que ce terme fait référence à mon souci de pédagogie – de mes positions. Sur un sujet aussi sensible, courage et pédagogie me semblent relever du devoir politique.
Nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle pour dire qu’il faut lutter le plus efficacement possible contre la pédophilie et contre la pédopornographie. Pour autant, vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, en matière de cybercriminalité, y compris pour ce qui concerne la lutte antiterroriste, tous les moyens de lutte ont déjà pris en compte l’évolution technologique mise en œuvre par ces réseaux de communication qui se développent d’une façon en quelque sorte parallèle à Internet : ils ne sont reliés à ce dernier que de façon très fugace, par le biais de spams, de trojans ou autres passerelles très éphémères qui infestent aujourd’hui quasiment 25 % de nos ordinateurs privés, à l’insu de leurs propriétaires.
On sait aujourd’hui que le blocage des sites Internet pédopornographiques n’est d’aucune efficacité. Autant vouloir bloquer des avions en plein vol en dressant des barrages routiers !
Il n’est jamais honteux de reconnaître qu’on a eu une idée trop tard. Sans doute le blocage des sites pédopornographiques était-il une bonne idée voilà dix ans ; la technologie alors utilisée était différente. Aujourd’hui, la configuration n’est plus du tout la même. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous nous avez dit que la lutte contre la délinquance devait s’adapter à l’évolution de la délinquance. Eh bien, faisons-le !
Les moyens prévus pour bloquer les sites pédopornographiques, affectons-les ailleurs ! Investissons-les dans une lutte réelle, menée en coopération avec les pays qui nous entourent, en particulier la Russie, où beaucoup de ces sites sont hébergés, afin que les contenus soient retirés, et non pas simplement bloqués et filtrés. Mettons en œuvre des méthodes de recherche pour faire évoluer encore nos technologies et gagner en efficacité.
Déployons aussi des dispositifs réellement efficaces pour lutter contre l’économie souterraine. En effet, aujourd’hui, 40 % des bénéfices de la pédopornographie retournent au système financier et à certaines banques, ne serait-ce que par le biais des cartes prépayées anonymes. Il y a assurément là beaucoup à faire.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 78.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La lutte contre la pédopornographie est absolument nécessaire, nous sommes tous d’accord sur ce point.
Le problème, c’est l’efficacité, comme l’a très bien dit Mme Klès, qui avait déjà avancé de nombreux arguments en première lecture. Malheureusement, il n’en a été apparemment tenu aucun compte.
Les fournisseurs d’accès sont aujourd’hui dépassés par les possibilités de contournement, qui permettent au trafic d’images pédopornographiques de prospérer en marge des réseaux que vous visez.
Inefficace au regard de l’objectif que vous lui fixez, la méthode que vous employez pour lutter contre la pédopornographie peut, en revanche, avoir des effets autres : par exemple, le filtrage va cibler les serveurs ou hébergeurs et non les pages incriminées, faisant courir un risque de surblocage et d’erreurs en grand nombre.
Le cas de Wikipédia en Australie devrait tout de même conduire le législateur français à s’interroger sur les risques encourus. Le célèbre site d’encyclopédie en ligne y a en effet été bloqué en application du principe, repris par la LOPPSI, de filtrage des contenus pédopornographiques. Ce pays étend désormais le filtrage à beaucoup d’autres contenus que la seule pédophilie. Nous y voyons une source supplémentaire d’inquiétudes, car il s’agit, en réalité, d’un contrôle des internautes.
L’Allemagne, qui s’était également dotée de ce même dispositif, y a renoncé en raison du nombre d’erreurs commises dans le jugement des caractères pédopornographiques des sites « blacklistés » : sur 8000 sites filtrés, seulement 100 recelaient des contenus pédopornographiques, soit 98,75% d’erreurs.
Nous pourrions prendre en compte l’expérience de ces pays pour réfléchir à d’autres formes de contrôle de la pédopornographie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces deux amendements ont déjà été rejetés par le Sénat en première lecture.
L’Assemblée nationale et le Sénat s’étant accordés sur le principe qui sous-tend cet article, la commission maintient son avis défavorable. Le dispositif proposé portera ses effets dans le cadre d’une coopération internationale déjà engagée à l’échelle européenne. Plusieurs pays – Danemark, Royaume-Uni, Suède et Pays-Bas – ont, en effet, adopté le principe d’un blocage d’accès aux sites de pédophilie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je voudrais apporter mon soutien à ces deux amendements. Bien sûr, il n’est pas facile de défendre la suppression de l’article 4 et, au prix d’une certaine mauvaise foi, on peut à bon compte ironiser sur une telle position. Il reste que ces amendements ouvrent une réflexion de fond.
Tout le monde est contre la pédopornographie. Tout le monde considère qu’il faut mener un combat sans merci contre ces sites. Cette conviction commune doit être affirmée avec beaucoup de force.
Pour autant, cela ne nous dispense pas d’une réflexion pour savoir si nous n’allons pas vendre de l’illusion. Car n’est-ce pas vendre de l’illusion que de dresser des lignes Maginot qui, aussitôt édifiées, vont être contournées ? Les techniques ne vont-elles pas plus vite que les interdictions ?
Initialement, je n’étais pas nécessairement favorable à ces amendements, mais j’ai été sensible à un argument qui vient d’être avancé : qu’un site aussi important que Wikipédia fasse, dans un pays, l’objet d’un surblocage donne tout de même à réfléchir ! Et qu’on ne vienne pas nous dire que, aujourd’hui, ce n’est pas possible ! Le surblocage de Wikipédia en Australie s’est fait au nom de la lutte contre la pédopornographie, alors que ce site n’a évidemment rien à voir avec de telles images.
Le Gouvernement nous propose une solution, et je voudrais l’en féliciter. Mais encore lui faut-il reconnaître qu’elle n’a qu’une efficacité très limitée et qu’elle ouvre des risques de surblocage.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 78.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 79, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs présentant un caractère pornographique le justifient, l'autorité administrative saisit l'autorité judiciaire qui peut prescrire la notification aux personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent I des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l'accès sans délai.
II. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorité administrative expose dans sa saisine les raisons pour lesquelles les mesures visant à empêcher l'accès au service incriminé sont nécessaires. L'autorité judiciaire se prononce sur le caractère illicite du contenu incriminé et contrôle la proportionnalité de la mesure ordonnée.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Conformément aux termes de l’article 66 de la Constitution, qui pose le principe du respect de la sûreté personnelle et qui délègue cette tâche, par essence pénale, au juge judiciaire, nous considérons qu’il revient à ce juge, gardien des libertés, de se prononcer sur des mesures susceptibles de porter atteinte à la liberté de communication, quelle que soit la gravité de l’infraction supposée.
Pour mémoire, il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel a estimé, s’agissant de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, la loi HADOPI, qu’une connexion ne pouvait être coupée sans décision du juge et qu’une autorité administrative ne pouvait pas prendre une telle décision.
En novembre dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a de nouveau estimé que le parquet français ne satisfaisait pas à « l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif ».
Dans le droit fil de cette jurisprudence, le 15 novembre dernier, la Cour de cassation a également considéré que « le ministère public français ne présentait pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par la Convention européenne des droits de l’homme ».
À l’heure où ces juridictions s’accordent pour remettre en cause la toute-puissance du parquet, il n’est guère possible de la soutenir. C’est pourquoi, conformément à l’article 66 de la Constitution, toute mesure de blocage doit être prescrite par le juge judiciaire, comme nous le proposons.
Par ailleurs, le texte instaure la création d’une liste noire de sites qui se verront privés d’un accès au réseau Internet, liste définie par l’autorité administrative. Mais nous ne disposons que de peu d’éléments pour savoir comment les autorités compétentes pourront actionner la procédure, ces questions ayant été renvoyées à un décret ; il est d’ailleurs particulièrement étonnant que la publicité de cette liste ne soit pas prévue. Selon nous, cette procédure doit être définie par la loi.