Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

MM. Jean-Pierre Godefroy, Bernard Saugey.

1. Procès-verbal

2. Désignation de sénateurs en mission

3. Dépôt d'un rapport

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

5. Candidature à une commission

6. Communication du Conseil constitutionnel

7. Mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger. – Adoption d'une proposition de loi (Texte de la commission)

Discussion générale : MM. Robert del Picchia, auteur de la proposition de loi ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.

MM. Richard Yung, Jean Louis Masson, Jean-Michel Baylet, Mme Christiane Kammermann.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Claudine Lepage, MM. Christian Cointat, le ministre.

Adoption de l'article.

Article 2. – Adoption

Vote sur l'ensemble

Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Christophe-André Frassa, Louis Duvernois, Christian Cointat.

Adoption de la proposition de loi.

8. Nomination d’un membre d'une commission

9. Alimentation en eau et assainissement. – Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)

Discussion générale : MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Michel Houel, rapporteur de la commission de l’économie.

M. François Fortassin, Mme Évelyne Didier, MM. Claude Biwer, Paul Raoult, Christian Cambon, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. le secrétaire d'État.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 5 de M. Paul Raoult. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 6 de M. Paul Raoult. – MM. Paul Raoult, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 3 de M. Paul Raoult. – MM. Paul Raoult, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendements identiques nos 2 de M. Paul Raoult, 11 de Mme Évelyne Didier et 16 de M. Yvon Collin. –M. Paul Raoult, Mme Évelyne Didier, MM. François Fortassin, le rapporteur, le secrétaire d'État, Claude Biwer. – Rejet des trois amendements.

Amendements identiques nos 4 de M. Paul Raoult et 17 de M. Yvon Collin. – MM. Roland Courteau, François Fortassin, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 2 

Amendement n° 12 de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier.

Amendement n° 8 de M. Paul Raoult. – M. Paul Raoult.

Amendement n° 9 de M. Paul Raoult. – M. Paul Raoult.

Amendement n° 10 de M. Paul Raoult. – M. Paul Raoult.

MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 12 et 8 à 10.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l’article 2

Amendement n° 7 de M. Paul Raoult. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Vote sur l'ensemble

M. Paul Raoult, Mme Évelyne Didier, MM. François Fortassin, Marc Laménie.

Adoption définitive de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance

10. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Claude Biwer, le président.

11. Patrimoine monumental de l'État. – Adoption d'une proposition de loi (Texte de la commission)

Discussion générale : M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, auteur de la proposition de loi ; Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture, auteur de la proposition de loi ; M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

MM. Jean-Pierre Plancade, Jack Ralite, Yves Dauge, Pierre Bordier.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

Mmes Catherine Morin-Desailly, Françoise Cartron, Claudine Lepage.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er A. – Adoption

Article additionnel après l'article 1er A

Amendement n° 1 de M. Jack Ralite. – M. Jack Ralite, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Yves Dauge. – Rejet par scrutin public.

Article 1er

Amendement n° 10 de Mme Françoise Cartron. – M. Yves Dauge, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Claude Bérit-Débat. – Rejet.

Amendement n° 11 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Françoise Cartron, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Amendement n° 2 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar.

Amendement n° 12 de Mme Françoise Cartron. – M. Claude Bérit-Débat.

Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des amendements nos 2 et 12.

Amendement n° 38 de la commission. – Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 3 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 13 de Mme Françoise Cartron. – Devenu sans objet.

Amendement n° 30 de Mme Françoise Laborde et sous-amendement n° 39 de la commission. – Mmes Françoise Laborde, le rapporteur, M. le ministre, Mme Claudine Lepage. – Adoption du sous-amendement n° 39 et de l’amendement n° 30 modifié.

Amendement n° 37 de la commission. – Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 34 rectifié du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Adoption.

Amendement n° 29 de Mme Catherine Morin-Desailly ; sous-amendements nos 40 de la commission et 43 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Catherine Morin-Desailly, le rapporteur, Françoise Cartron, M. le ministre. – Adoption des sous-amendements nos 40, 43 et de l’amendement n° 29 modifié.

Amendement n° 14 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Françoise Cartron, le rapporteur, MM. le ministre, le président de la commission. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 2. – Adoption

Article 2 bis

Amendement n° 41 de la commission. – Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3. – Adoption

Article 4

Amendement n° 5 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Amendement n° 15 de Mme Françoise Cartron. – M. Roland Courteau, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 5

Amendement n° 16 de Mme Françoise Cartron. – M. Claude Bérit-Débat.

Amendement n° 6 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar.

Mme le rapporteur, MM. le ministre, Yves Dauge. – Rejet des amendements nos 16 et 6.

Adoption de l’article.

Article 6

Amendement n° 7 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 8 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar, Mme le rapporteur, MM. le ministre, le président de la commission, Yves Dauge. – Rejet.

Amendement n° 17 rectifié de Mme Françoise Cartron. – M. Yves Dauge, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 7

Amendement n° 18 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Claudine Lepage, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Amendement n° 19 de Mme Françoise Cartron. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article.

Article 8

Amendement n° 31 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur, M. Jack Ralite. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 9

Amendement n° 20 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Françoise Cartron, le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 21 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Françoise Cartron, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Amendement n° 22 de Mme Françoise Cartron. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 10

Amendement n° 23 de Mme Françoise Cartron. – M. Claude Bérit-Débat, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Amendement n° 24 de Mme Françoise Cartron. – M. Roland Courteau.

Amendement n° 9 de M. Jack Ralite. – M. Jack Ralite.

Amendement n° 35 du Gouvernement. – M. le ministre.

Amendement n° 25 de Mme Françoise Cartron. – Mme Claudine Lepage.

Mme le rapporteur, MM. le ministre, Jack Ralite. – Rejet des amendements nos 24 et 9 ; adoption de l’amendement n° 35, l’amendement n° 25 devenant sans objet.

Amendement n° 26 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron.

Amendement n° 42 de la commission. – Mme le rapporteur.

M. le ministre. – Retrait de l’amendement no 26 ; adoption de l’amendement n° 42.

Adoption de l’article modifié.

Article 11. – Adoption.

Articles additionnels après l’article 11

Amendement n° 27 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Claudine Lepage, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Amendement n° 28 de Mme Françoise Cartron. – M. Yves Dauge, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.

Article 12 A. – Adoption

Articles additionnels après l'article 12 A

Amendement n° 36 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur, M. Claude Bérit-Débat. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 33 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 12

Amendement n° 32 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 13. – Adoption

Vote sur l'ensemble

MM. Yves Dauge, Jack Ralite, Jean-Pierre Plancade, le président de la commission.

M. le ministre.

Adoption de la proposition de loi.

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Désignation de sénateurs en mission

M. le président. Par courriers en date du 25 janvier 2011, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral :

- M. Éric Doligé, sénateur du Loiret, en mission temporaire auprès du Premier ministre ; cette mission portera sur les mesures de simplification pour les collectivités territoriales ;

- et M. Pierre Hérisson, sénateur de la Haute-Savoie, en mission temporaire auprès de M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ; cette mission portera sur la réglementation applicable aux gens du voyage.

Acte est donné de ces communications.

3

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, conformément à la résolution visant à promouvoir l’harmonisation des législations européennes applicables aux droits des femmes, adoptée par l’Assemblée nationale le 23 février 2010, le rapport sur « l’égalité entre les femmes et les hommes en France : un cadre juridique renforcé ».

Il a été transmis à la commission des affaires sociales ainsi qu’à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Acte est donné du dépôt de ce rapport. Il sera disponible au bureau de la distribution.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe de l’Union centriste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales, à la place laissée vacante par M. Nicolas About, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

6

Communication du conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 25 janvier 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-115 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger
Discussion générale (suite)

Mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger

Adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union pour un mouvement populaire, de la proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, présentée par M. Robert del Picchia (proposition n° 146 [2009-2010], texte de la commission n° 219, rapport n° 218).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Robert del Picchia, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger
Article 1er

M. Robert del Picchia, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est soumise est aussi simple qu’importante : simple, car elle est dictée par le bon sens ; importante, car si le Sénat veut bien l’adopter, elle permettra une organisation réaliste et, espérons-le, efficace des prochaines échéances démocratiques à l’étranger.

Je ne veux pas anticiper sur ce qui va vous être brillamment exposé par M. Hyest, rapporteur de cette proposition de loi. Néanmoins, je me félicite de ce qu’il ait aussi bien cerné, dans son excellent rapport, les enjeux de mon texte.

Le problème qui nous occupe aujourd’hui est le suivant : trop de tours de scrutin doivent se tenir en trop peu de temps, dans des conditions trop différentes.

En 2012, les Français de l’étranger voteront, comme leurs concitoyens de métropole, pour l’élection du Président de la République et, pour la première fois, pour celle de leurs députés. Mais, à l’étranger, un cinquième tour de scrutin devrait être organisé en juin de la même année pour le renouvellement de la moitié de l’Assemblée des Français de l’étranger, laquelle constitue le collège électoral des douze sénateurs des Français de l’étranger.

Mes chers collègues, il est impossible de mobiliser cinq fois en deux mois l’électorat français à l’étranger. Il ne s’agit pas seulement d’une question de délais trop courts. En effet, les modalités de participation au vote pour ces deux élections diffèrent en tout : délai entre les deux tours, nombre de procurations admissible, possibilité de voter à distance, par voie postale ou électronique, etc. Le seul point commun entre ces deux élections, c’est le corps électoral : ceux qui ont souhaité voter à l’étranger pour la présidentielle seront réputés vouloir voter également à l’étranger pour les législatives.

La situation, on le voit, est déjà compliquée. Elle s’aggrave encore avec nos élections locales. Pourrait-on imaginer que se tiennent des élections municipales en juin 2012 en métropole ? On ne peut pas organiser le renouvellement partiel de l’Assemblée des Français de l’étranger cette même année : non seulement les modalités de participation au vote sont encore différentes de celles des deux élections précédentes, mais le corps électoral est lui aussi différent.

Il faut également souligner le très important problème de la participation électorale à l’étranger pour faire pleinement comprendre que le corps électoral n’y est pas facile à mobiliser, a fortiori cinq fois en deux mois.

Nous proposons donc de décaler d’une année le scrutin local.

Pourquoi cette solution s’est-elle imposée ?

Tout d’abord, elle ne représentera pas une surcharge de travail pour l’administration consulaire, bien au contraire. C’est pourquoi la direction des Français à l’étranger du Quai d’Orsay a déjà exprimé son soutien à ce texte.

Une autre solution avait été proposée, consistant à coupler ces élections locales avec le premier tour des élections législatives.

Un premier argument avait été avancé pour appuyer cette proposition : la médiatisation de ces premières élections législatives destinées aux Français résidant à l’étranger profiterait aux élections à l’AFE, qui souffrent d’une abstention endémique.

En réalité, en 1994, lorsque les élections à l’AFE avaient été couplées avec les élections européennes, si la participation aux premières avait certes été meilleure, la participation aux secondes avait baissé de presque neuf points.

Second argument, il serait plus simple d’organiser les deux scrutins en même temps. Or cela est faux ! L’administration devrait alors assumer la même charge de travail, mais en disposant de deux fois moins de temps. Le jour du scrutin, il faudrait en effet mobiliser deux fois plus de personnel, dans deux fois plus de bureaux de vote. Ainsi, le nombre de ceux-ci dépasserait le millier. Par exemple, au lieu d’ouvrir vingt bureaux de vote à Montréal, comme en 2007, il faudrait en prévoir quarante, réquisitionner quatre-vingts fonctionnaires pour toute une journée dans cette seule ville et trouver autant d’assesseurs, ce qui est impossible. Il faudrait donc s’attendre à de très nombreux recours.

En outre, les votes à distance seraient sources de beaucoup d’erreurs, en raison de la simultanéité des scrutins : erreurs de bulletin ou d’enveloppe, oubli de voter pour l’un ou l’autre scrutin…

C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables au couplage d’élections aussi différentes. Il vaut mieux reporter l’élection des conseillers à l’AFE, pour plus de sérénité.

Cependant, une telle solution est-elle conforme à la Constitution ? Oui, et c’est le deuxième élément qui justifie mon initiative.

La prorogation des mandats est parfaitement constitutionnelle – le Sénat est bien placé pour le savoir – si elle permet de répondre de façon proportionnée à l’exigence de clarté des enjeux électoraux.

Que l’on me permette de rappeler les conditions imposées par les sages du Conseil constitutionnel : la prorogation du mandat doit être justifiée par des considérations d’intérêt général et cette modification doit avoir un caractère exceptionnel et transitoire.

Or certains de nos collègues ont pu proposer de reporter ces élections locales à 2014, afin qu’elles coïncident avec celles des nouveaux conseillers territoriaux. Il s’agirait d’un symbole intéressant pour les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, mais un report de deux ans, justifié par le renforcement du poids institutionnel de l’AFE, ne répond pas aux critères que j’ai évoqués.

La troisième raison qui fonde la solution que je vous propose est la conviction des élus des Français de l’étranger.

Quelle est-elle ? Après plusieurs mois de débat, les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger se sont prononcés, lors d’un vote en séance plénière, très majoritairement en faveur de cette solution.

Mes chers collègues, il est toujours suspect de rallonger un mandat ; nous en sommes tous conscients, et c’est pourquoi seule une loi peut le faire.

Je me félicite de ce qu’un réel débat sur ce texte se soit instauré au sein même de l’Assemblée des Français de l’étranger. Ses membres n’ont pas sauté sur l’occasion de reculer la fin de leur mandat ; en réalité, beaucoup ont été très difficiles à convaincre.

Mes chers collègues, l’actualité internationale nous donne une nouvelle fois la preuve, s’il en était besoin, que les Français de l’étranger vivent parfois dans des pays où les valeurs démocratiques ne sont pas défendues avec autant de vigueur que dans le nôtre. Je les crois donc particulièrement sensibles à la défense de l’intérêt général : les membres de l’AFE n’auraient pas été convaincus par une proposition de loi qui aurait discrédité leur mandat.

Or, aujourd’hui, c’est en prorogeant leur mandat d’une année qu’on défendra le mieux la démocratie, la sincérité des suffrages et la clarté des enjeux démocratiques.

Je conclurai en soulignant que je suis très reconnaissant au Sénat et au groupe UMP d’avoir bien voulu inscrire l’examen de cette proposition de loi à l’ordre du jour, pourtant très chargé, de notre assemblée. Je suis heureux que le Sénat prouve, une fois encore, qu’il est à l’écoute des Français établis hors de France et de leurs représentants. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer sur une proposition de loi présentée par M. Robert del Picchia, visant à proroger d’un an le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et à reporter les prochains renouvellements de celle-ci à juin 2013, pour la série B, et à juin 2016, pour la série A.

La commission a aussi examiné, parallèlement, la proposition de loi de notre excellent collègue Christian Cointat, qui préconisait quant à lui une autre solution.

L’objet du texte qui nous occupe aujourd’hui est simple : il s’agit d’éviter que le renouvellement des conseillers de la série B n’intervienne en 2012, année électorale particulièrement chargée, puisqu’elle sera celle non seulement de l’élection présidentielle, mais aussi des premières élections des députés des Français de l’étranger.

Avant d’aborder plus précisément les raisons qui ont poussé notre collègue à déposer cette proposition de loi, je voudrais faire quelques rappels sur l’Assemblée des Français de l’étranger.

Comme nous le savons tous, l’Assemblée des Français de l’étranger a une importance toute particulière pour la Haute Assemblée : c’est en effet à elle que nous devons douze de nos collègues, puisqu’elle constitue le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Mais l’Assemblée des Français de l’étranger est aussi, et surtout, une instance importante pour nos compatriotes expatriés, dont elle est chargée de représenter les intérêts. La volonté de prendre en compte les besoins des Français résidant à l’étranger a été au cœur de l’action des pouvoirs publics depuis plus de soixante ans : dès la ive République, la France a créé un Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE ; composé de personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement, celui-ci était chargé de rendre « des avis sur les questions et projets intéressant les Français domiciliés à l’étranger ou [sur] l’expansion française ».

Cette institution a été progressivement confortée au cours de la ve République : dès 1959, le CSFE devient le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France ; en 1982, les modalités de désignation de ses membres sont modernisées, avec la mise en place d’une élection au suffrage universel direct ; en 2004, le CSFE devient l’Assemblée des Français de l’étranger, et prend la forme qui est aujourd’hui la sienne.

Dotée d’une composition plus démocratique qu’auparavant, l’Assemblée des Français de l’étranger compte 179 membres. Parmi ceux-ci, 155 sont élus au suffrage universel direct par les Français expatriés, pour six ans et selon un double mode de scrutin qui rappelle celui des élections sénatoriales : représentation proportionnelle dans les circonscriptions qui élisent au moins trois conseillers, scrutin majoritaire dans les autres.

En bref, l’Assemblée des Français de l’étranger a su renforcer son efficacité et sa légitimité au fil du temps. Elle a réussi à se moderniser et à assumer avec brio la lourde mission qui lui incombe : la représentation des quelque 2,3 millions de Français qui vivent hors de nos frontières.

Ces rappels étant faits, j’en viens à l’objet du texte dont nous devons débattre cet après-midi.

Comme je l’ai déjà indiqué, 2012 devrait être une année électorale particulièrement chargée à l’étranger : entre avril et juin 2012, pas moins de trois élections devraient être organisées, à savoir le renouvellement partiel de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’élection présidentielle et l’élection des députés des Français de l’étranger. Cela implique la tenue de cinq tours de scrutin dans un laps de temps d’à peine neuf semaines.

Il est bien évident que cette concentration d’élections doit donner lieu à un aménagement du calendrier électoral, qui pourrait prendre plusieurs formes.

Certains de nos collègues – je pense notamment à Christian Cointat – ont suggéré que les élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger soient organisées en même temps que le premier tour des élections législatives. L’objet de cette proposition est avant tout de favoriser l’augmentation du taux de participation aux élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. À l’heure actuelle, ce taux est en effet malheureusement très bas, puisqu’il s’établit autour de 20 % depuis les années quatre-vingt-dix.

Après en avoir longuement discuté, la commission n’a cependant pas souhaité retenir cette solution, qui poserait de lourds problèmes matériels et logistiques aux administrations consulaires : les représentants du ministère des affaires étrangères que j’ai entendus m’ont indiqué que ce choix les obligerait à ouvrir simultanément près de 1 200 bureaux de vote à travers le monde et que, au vu des grandes différences existant entre ces deux élections en matière de règles de vote, une telle concomitance serait source de complexité et créerait un fort risque de contentieux.

Une autre solution, proposée par M. del Picchia, consisterait à proroger d’un an le mandat des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger des deux séries, ce qui entraînerait l’organisation du renouvellement de la série B en 2013 et de celui de la série A en 2016.

Cette solution est, tout d’abord, conforme à notre Constitution : les exemples de prorogation de la durée des mandats – la loi du 15 décembre 2005, qui a prorogé d’un an le mandat des conseillers municipaux, étant le plus récent d’entre eux – sont d’ailleurs nombreux sous la ve République et trouvent souvent leur justification dans la volonté d’éviter la tenue d’un trop grand nombre d’élections une même année. Le Sénat lui-même a voté la prolongation du mandat de certains de ses membres.

Ensuite, ce choix sera bénéfique pour l’Assemblée des Français de l’étranger, dans la mesure où il permettra de déconnecter les enjeux de l’élection de ses membres des enjeux nationaux portés par les élections législatives et présidentielle : il est en effet indispensable que les enjeux respectifs des différents scrutins ne soient pas brouillés par une éventuelle concomitance, ce qui non seulement nuirait à la visibilité de l’Assemblée des Français de l’étranger, mais contreviendrait aux impératifs d’intérêt général dégagés tant par le Conseil d’État que par le Conseil constitutionnel.

Enfin, cette solution garantira que les premières élections des députés des Français de l’étranger soient organisées dans de bonnes conditions : il ne me paraît pas souhaitable d’imposer aux services consulaires d’assumer une charge de travail supplémentaire en 2012, alors qu’ils seront déjà confrontés à une situation délicate et devront organiser, dans un délai bref, un nombre de scrutins jamais égalé à l’étranger.

Pour toutes ces raisons, la commission, à l’unanimité, invite le Sénat à adopter la proposition de loi de notre collègue Robert del Picchia sans modification. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la pédagogie étant l’art de la répétition, je serai amené à reprendre un certain nombre d’éléments déjà excellemment présentés tant par l’auteur de la proposition de loi que par M. le rapporteur, ce qui est plutôt bon signe…

L’Assemblée des Français de l’étranger est l’instance représentative de nos compatriotes établis hors de France. Ses 155 membres élus au suffrage universel direct sont renouvelés par moitié tous les trois ans : le dernier scrutin a eu lieu en juin 2009 et concernait les circonscriptions électorales d’Afrique et d’Amérique ; le prochain scrutin concernera les circonscriptions électorales d’Europe et d’Asie, et devrait se tenir en juin 2012.

En 2012, les Français établis à l’étranger seront également appelés à participer à l’élection présidentielle et, pour la première fois, à l’élection de députés dans onze circonscriptions législatives.

Ce calendrier électoral particulièrement dense en 2012 peut légitimement susciter des interrogations. Afin d’y répondre, M. del Picchia a déposé, le 8 décembre 2009, une proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. Comme il l’a dit tout à l’heure, cet excellent texte est simple et intelligible.

Concernant l’année électorale 2012 à l’étranger, les préoccupations sont nombreuses et portent essentiellement sur trois aspects principaux.

Tout d’abord, il faut savoir qu’un tel cumul d’élections imposerait une charge supplémentaire à nos postes diplomatiques et consulaires, qui, compte tenu des contraintes propres à l’organisation des scrutins électoraux à l’étranger, risquerait de perturber fortement le déroulement de l’ensemble des scrutins ou de tel ou tel d’entre eux.

Si les élections des conseillers à l’AFE étaient maintenues au mois de juin 2012, ce sont cinq tours de scrutin qui devraient être organisés dans un laps de temps très court, avec les difficultés liées aux contraintes spécifiques inhérentes à l’organisation des scrutins à l’étranger.

Ensuite, la sécurité juridique de chacun des scrutins programmés en 2012 pourrait être menacée du fait de la coexistence de régimes électoraux différents, s’agissant notamment des campagnes électorales et de leur financement.

Enfin, la diversité et la complexité des règles applicables, notamment en matière de modes de scrutin et de modalités de vote, risquent d’introduire une réelle confusion dans l’esprit de l’électeur. Il est donc important d’améliorer la lisibilité des scrutins afin de clarifier l’exercice du droit de vote.

Dans ces conditions, un report des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger favoriserait le déroulement régulier des autres scrutins et contribuerait à créer les conditions nécessaires au succès du premier rendez-vous des Français de l’étranger avec les élections législatives.

Aux termes de la proposition de loi, le scrutin pour le renouvellement de la série B des conseillers à l’AFE aurait lieu en 2013, et le scrutin prévu en 2015 pour les circonscriptions d’Afrique et d’Amérique serait reporté en 2016.

Le Gouvernement a naturellement souhaité recueillir l’avis de l’Assemblée des Français de l’étranger sur l’opportunité d’une telle mesure. Consultée en séance plénière, c’est à une très large majorité qu’elle s’est prononcée en faveur du report.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est tout à fait favorable à cette proposition de loi et au report de bon sens qu’elle prévoit. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Michel Baylet applaudit également.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons donc aujourd’hui du report à 2013 du renouvellement de la série B des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et du report concomitant à 2013 de celui de la série A, en raison de l’engorgement du calendrier électoral en 2012 : sinon, cinq tours de scrutin devraient être organisés en moins de deux mois ; même les mairies les plus solidement préparées auraient du mal à faire face !

Toutefois, cela met en évidence les limites de notre réseau consulaire, découlant des difficultés budgétaires que connaît le ministère des affaires étrangères, mis à la diète depuis de nombreuses années et désormais contraint par la révision générale des politiques publiques, la RGPP : ses effectifs et ses crédits fondent comme neige au soleil ! Le ministère des affaires étrangères et le réseau consulaire ne peuvent donc plus assumer leurs missions de service public.

Quoi qu’il en soit, était-ce bien au Parlement de proposer un tel report ? Le Gouvernement n’aurait-il pas dû s’en charger, assumant ainsi en quelque sorte la situation ? Je laisse cette question ouverte, mais j’ai un peu le sentiment que nous faisons le travail du Gouvernement…

M. Richard Yung. Certes, une telle proposition est plus présentable, fait moins mauvais effet si elle émane du Parlement : cela éloigne de Canossa !

Cela étant, je ne suis pas de ceux qui pratiquent la politique du pire. À mon sens, il ne serait guère souhaitable d’organiser cinq tours de scrutin dans un laps de temps aussi bref. Pour beaucoup de postes consulaires, mettre en place plusieurs bureaux de vote et organiser concomitamment des scrutins régis par des modalités différentes serait extrêmement difficile. De plus, nos consuls ne sont pas des spécialistes du droit électoral, ce qui est tout à fait compréhensible.

Certains ont proposé de reporter l’élection de deux ans, c’est-à-dire à 2014. Cela aurait été judicieux et une telle solution aurait bénéficié, me semble-t-il, d’un soutien important.

Cela aurait permis de faire coïncider l’élection des conseillers à l’AFE avec celle des nouveaux conseillers territoriaux, l’idée étant de transformer l’AFE en une sorte d’équivalent de nos assemblées locales, composé uniquement d’élus, élisant son président et, surtout, doté d’un budget et de responsabilités propres. Bref, il s’agirait de faire de l’AFE un conseil général des Français de l’étranger.

C’est un sujet dont nous avons longuement parlé, mais la réflexion n’a certainement pas été poussée assez loin. Malheureusement, l’idée n’est donc pas mûre. De surcroît, un report de deux ans du renouvellement des conseillers à l’AFE subirait sans doute les foudres du Conseil constitutionnel. Ce dernier considérera peut-être, d’ailleurs, qu’un report d’un an est déjà excessif, et qu’il convient plutôt d’organiser les élections à l’AFE en octobre ou en novembre 2012. Nous verrons bien quelle sera la position du Conseil constitutionnel.

Par conséquent, adopter cette solution aurait posé de très grandes difficultés, d’autant qu’il aurait même fallu modifier le mode de scrutin pour les élections des conseillers à l’AFE, afin de l’aligner sur celui qui concerne les conseillers territoriaux.

Pour toutes ces raisons, c’est une idée que nous devons mettre de côté, provisoirement en tout cas. Ce que nous voulons, c’est le succès de ces premières élections législatives pour les Français résidant à l’étranger. Il est essentiel que le taux de participation dépasse 50 %. (M. le ministre approuve.) S’il s’établit autour de 20 %, comme pour l’élection des conseillers à l’AFE, cela ne manquera pas de susciter des critiques : le fait que les onze sièges de député des Français de l’étranger aient été créés sans augmentation du nombre des membres de l’Assemblée nationale ne nous a pas valu que des amis, il faut le savoir ! Si, de surcroît, des incidents venaient entacher de doute la sincérité des opérations électorales, on pourrait nourrir les plus grandes craintes pour l’avenir.

L’Assemblée des Français de l’étranger a approuvé à la quasi-unanimité le report d’un an de son renouvellement. Pour notre part, nous voterons, dans le même esprit, la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. Robert del Picchia, auteur de la proposition de loi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai moi aussi cette proposition de loi, car il est sage de tenir compte de l’encombrement du calendrier électoral.

Je voudrais profiter de cette discussion pour revenir sur la question de la représentation des Français de l’étranger, qui devrait à mon sens être revue. En particulier, l’Assemblée des Français de l’étranger ne devrait pas comporter de personnalités nommées, dans la mesure où elle participe à l’élection des sénateurs : il n’est pas sain, me semble-t-il, que des législateurs puissent être en partie élus par des personnalités désignées par le Gouvernement.

Par ailleurs, il aurait été préférable que les députés des Français de l’étranger soient élus à la proportionnelle, comme cela se pratique dans la plupart des autres pays européens. Nos compatriotes résidant à l’étranger auraient ainsi pu être représentés en tant que tels. Retenir ce mode de scrutin aurait sans doute permis de garantir un taux de participation plus élevé que celui que l’on constate à l’occasion des élections à l’AFE.

Au bénéfice de ces remarques, la prorogation d’un an du mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger n’appelle pas d’opposition de ma part : je voterai ce texte. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. Christian Cointat. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révision constitutionnelle de 2008 a prévu que les Français établis hors de France seraient désormais représentés non seulement au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale. On ne peut que s’en réjouir. Près de 2,3 millions de nos compatriotes vivent aujourd’hui à l’extérieur des frontières nationales, et ce nombre ne fait que croître : il était donc important de renforcer leur représentation.

Cette représentation s’est d’ailleurs constamment améliorée depuis la création du Conseil supérieur des Français de l’étranger, en 1948. Avant de devenir, en 2004, l’Assemblée des Français de l’étranger, le CSFE a été progressivement conforté et ses compétences régulièrement enrichies. Initialement chargé de fournir des avis sur des questions et des projets intéressant les Français domiciliés à l’étranger, le CSFE a notamment acquis des prérogatives électorales en 1959. C’est en effet à cette date qu’il est devenu le collège électoral des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Je profite de cette occasion pour saluer le travail de nos collègues sénateurs représentant les Français de l’étranger, qui éclairent notre assemblée sur les problématiques internationales, répondent aux préoccupations des Français expatriés et à celles de nos concitoyens aux prises avec des difficultés d’ordre transnational. Je pense par exemple au débat que nous avons eu hier sur la situation des enfants franco-japonais privés de liens avec leur parent français,…

M. Robert del Picchia, auteur de la proposition de loi. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet. … suscité par notre excellent collègue Richard Yung, auteur d’une proposition de résolution adoptée à la quasi-unanimité.

La création de onze sièges de député représentant les Français de l’étranger a constitué une nouvelle étape dans le renforcement de la représentation de nos concitoyens expatriés, même si, ne l’oublions pas, le mandat de ces nouveaux parlementaires n’est, bien sûr, pas impératif. Comme nous tous, ils auront vocation à représenter l’ensemble de la nation.

À cet instant, je voudrais rappeler, monsieur le ministre, que les radicaux de gauche ne sont pas totalement satisfaits des choix qui ont été opérés en vue de l’élection de ces nouveaux députés.

Certes, nous avons approuvé la définition de la qualité d’électeur selon les listes consulaires, le mode de scrutin ou encore les délais prévus pour le dépôt des candidatures. En revanche, monsieur le ministre, s’agissant de la représentation, nous aurions souhaité un découpage plus respectueux de la densité démographique. Nous avons, en effet, constaté des écarts importants de population entre les circonscriptions. Nous avons en outre émis des réserves sur le manque de clarté en matière de choix du lieu de vote, l’unicité du plafond des dépenses de campagne et l’absence d’obligation de résidence pour les candidats, manque susceptible d’attirer des candidats trop hexagonaux pour représenter les Français de l’étranger, qui chercheraient à se « recaser » au détriment de candidats plus légitimes. Tout cela laisse songeur quant aux motivations véritables de certains découpages…

Quoi qu’il en soit, cette nouvelle représentation a pour conséquence l’organisation, en 2012, d’un scrutin qui se télescope avec deux autres. En effet, nos compatriotes résidant à l’étranger seront appelés à voter, dans un laps de temps réduit à quelques semaines, pour élire leurs députés, le Président de la République, mais aussi la série B des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.

Comme l’a souligné notre collègue auteur de la proposition de loi, cette concomitance risque de poser des problèmes matériels. Au regard des moyens dévolus à l’administration consulaire, celle-ci serait dans l’incapacité d’organiser dans des conditions satisfaisantes le déroulement de cinq tours de scrutin consécutifs.

Au-delà des problèmes logistiques, il est nécessaire de rappeler que l’abstention n’épargne pas – tant s’en faut – l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. Le taux de participation au scrutin est particulièrement faible, puisqu’il est de l’ordre de 20 % en moyenne, et ce depuis les années quatre-vingt-dix, alors que les autres élections mobilisent bien davantage nos compatriotes expatriés.

C’est en vue de répondre à ces difficultés que nous examinons aujourd’hui la proposition de loi déposée par Robert del Picchia. Ce texte vise à décaler d’un an les échéances électorales propres à l’Assemblée des Français de l’étranger en prorogeant d’une année le mandat de ses membres, pour les deux séries.

Sur le principe, et M. Hyest l’a très bien souligné, cette prolongation du mandat ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel. Sous la ve République, les précédents sont nombreux : la durée de mandats électifs a été augmentée à neuf reprises. La dernière loi relative à la prorogation d’un mandat électif, votée en 2005, a d’ailleurs concerné la moitié d’entre nous. Rien ne s’oppose donc aujourd’hui à ce que nous votions une nouvelle prorogation.

Sur le fond, le report du scrutin pour l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger permettra, d’une part, de limiter la charge de travail des autorités consulaires, et, d’autre part, d’assurer la clarté des enjeux des élections.

Une autre solution, proposée par notre collègue Christian Cointat et consistant à organiser simultanément les élections à l’AFE et le premier tour des élections législatives, nous semble moins pertinente au regard de ces deux considérations.

Enfin, s’agissant du problème de l’abstention, je crois malheureusement que ni l’une ni l’autre des options présentées ne permettront de l’amoindrir significativement. Il faudra sans doute, monsieur le ministre, ouvrir une réflexion sur ce sujet, pour trouver les moyens de rendre l’élection des conseillers des Français de l’étranger plus attractive. Je ne doute pas que cela fasse partie des préoccupations de nos collègues sénateurs représentant les Français de l’étranger.

Pour l’heure, compte tenu de toutes ces observations, les radicaux de gauche et le groupe du RDSE voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur diverses travées du groupe socialiste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, 2012 sera une année électorale très chargée pour les Français de l’étranger, puisque, outre l’élection présidentielle, doivent se tenir pour la première fois les élections législatives, à la portée politique et symbolique particulièrement importante, et les élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. C’est un cas de figure totalement inédit.

Comme nous l’a rappelé M. Jean-Jacques Hyest, dont je tiens à saluer le travail à cet instant, l’Assemblée des Français de l’étranger est renouvelable par moitié tous les trois ans, et le mandat des conseillers de la série B, élus en Europe, en Asie et au Levant, expirera en juin 2012.

L’organisation de cinq tours de scrutin à l’étranger en mai et en juin 2012 – les deux tours de l’élection présidentielle, les deux tours des élections législatives et le renouvellement de la moitié des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger – risque d’avoir un effet négatif sur la participation de l’électorat, qui ne dépasse déjà guère les 20 %, ce que les sénateurs représentant les Français de l’étranger et les conseillers élus de l’Assemblée des Français de l’étranger déplorent fortement.

Cette situation résulte autant de causes techniques –listes électorales parfois erronées et souvent insuffisamment réactualisées, ce qui n’est pas uniquement le fait de l’administration, complexité du vote par internet, éloignement et insuffisance du nombre des bureaux de vote – que de freins d’ordre politique, liés encore en partie à la trop faible notoriété de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Par ailleurs, comme l’a souligné notre collègue Robert del Picchia, l’organisation de cinq tours de scrutin est d’une grande complexité pour nos services consulaires.

En effet, à chaque organisation d’un scrutin à l’étranger, l’administration consulaire rencontre un grand nombre d’obstacles, tels que des difficultés d’acheminement du matériel électoral ou le manque de moyens humains et financiers.

On peut donc aujourd’hui légitimement s’inquiéter qu’aux difficultés habituelles s’ajoutent des contraintes temporelles lourdes, ainsi qu’une charge de travail insupportable pour le personnel en place, d’autant que, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, l’administration consulaire devrait installer des bureaux de vote séparés pour chaque élection, ce qui reviendrait à doubler le nombre de bureaux et le nombre de personnes nécessaires à la surveillance des élections.

De surcroît, les modalités des scrutins sont différentes, de même que les règles relatives aux campagnes électorales. Qu’il s’agisse de la sensibilisation des électeurs aux enjeux de ces scrutins ou de leur information sur les modalités pratiques de ceux-ci, complexes et spécifiques à chaque scrutin, les facteurs de confusion sont multiples, ce qui pourrait nuire à la visibilité et à la solennité de l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.

Les difficultés soulevées par notre collègue Robert del Picchia et examinées par la commission justifient donc que nous légiférions aujourd’hui sur ce sujet.

Par ailleurs, il est essentiel de souligner les risques juridiques que pourrait créer une situation inédite et délicate, susceptible d’entacher les résultats d’irrégularité.

Je tiens à rappeler que l’AFE a adopté à l’unanimité, en septembre 2010, le principe du report d’un an des élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. Le Conseil constitutionnel a déjà autorisé des aménagements de la durée du mandat des élus appartenant à une assemblée locale ou à l’une des assemblées du Parlement. Dans ce cas précis, nous voyons bien que des considérations d’intérêt général justifient une modification législative.

Vous avez souligné dans votre rapport, monsieur Hyest, que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État se montrent très réservés sur la tenue concomitante d’élections différentes, les électeurs ne pouvant pas identifier clairement l’enjeu de chaque scrutin.

Cependant, gardons bien à l’esprit, mes chers collègues, que de telles évolutions doivent conserver un caractère exceptionnel.

Dans cette optique, nous allons donc reporter de juin 2012 à juin 2013 le renouvellement des conseillers de la série B, qui avaient été élus en juin 2006. Afin de préserver le rythme triennal du renouvellement par moitié des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, le mandat des conseillers de la zone A sera aussi prorogé d’un an, jusqu’en juin 2016.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP soutient la proposition de loi présentée par notre collègue Robert del Picchia. Nos concitoyens vivant à l’étranger doivent pouvoir accomplir leur devoir électoral dans les meilleures conditions. Nous espérons fortement que la non-concomitance de l’élection des députés des Français de l’étranger et de celle des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger permettra une plus forte participation électorale de nos compatriotes de l’étranger, que nous appelons tous de nos vœux. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

Le renouvellement de la série B (Europe, Asie et Levant) des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger prévu en juin 2012 se déroulera en juin 2013.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l'article.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, mon intervention sera brève puisque cette proposition de loi est très consensuelle, dans la mesure où il est de notre intérêt à tous de faire en sorte que l’ensemble des scrutins devant se tenir à l’étranger dans les trois ans à venir se déroulent dans les meilleures conditions.

Le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger élus dans les zones Europe, Asie et Levant expire en juin 2012. Le renouvellement de ces membres de l’AFE coïncide donc avec deux autres échéances essentielles de la vie politique française, à savoir l’élection présidentielle et les élections législatives.

En l’état actuel des choses, pour accomplir leur devoir électoral, les Français établis hors de France devront se déplacer, parfois en effectuant des milliers de kilomètres, à cinq reprises entre mai et juin 2012 : pour les deux tours de l’élection présidentielle, pour les deux tours des élections législatives et, s’agissant des électeurs d’Europe et d’Asie, pour les élections à l’AFE.

Parallèlement, les autorités consulaires devront assurer correctement l’organisation de ces trois élections, ne serait-ce que faire en sorte que le matériel électoral soit acheminé à temps aux quatre coins du monde.

En 2012, soulignons-le, tant la participation que l’organisation des élections doivent être irréprochables, sachant que ce sera la première fois que les Français établis hors de France auront la possibilité, comme tous les citoyens français, d’élire des députés pour les représenter à l’Assemblée nationale. Nous n’avons donc pas le droit à l’erreur !

Or, nous sommes loin du compte, eu égard à la configuration même des circonscriptions électorales à l’étranger, pour la plupart proprement gigantesques, qui se conjugue à l’insuffisance notoire et outrancière des moyens financiers de notre réseau consulaire, ainsi qu’à un fort taux d’abstention électorale, récurrent à l’étranger.

À partir de ce constat, trois solutions sont envisageables.

Tout d’abord, on pourrait coupler les élections à l’AFE avec les élections législatives, comme le proposait notre collègue Christian Cointat.

Toutefois, outre que cela ne permettrait pas de résoudre le problème de l’organisation matérielle des multiples élections, il n’est pas certain qu’un tel couplage entraînerait une augmentation significative du taux de participation aux élections à l’AFE ni, surtout, qu’il assurerait une meilleure visibilité des conseillers des Français de l’étranger.

Une autre solution consisterait à faire coïncider les élections à l’AFE avec l’élection des conseillers territoriaux, qui aura lieu en mars 2014. C’est une excellente idée, tout à fait pertinente au regard de notre souhait de voir créer une collectivité d’outre-frontières.

Toutefois, outre que cette concomitance ne se reproduirait que rarement par la suite, les mandats étant de durées différentes, il y a fort peu de chances que le Conseil constitutionnel valide une prorogation de deux ans d’un mandat.

Dans ces conditions, la solution la plus satisfaisante est bien celle que nous propose notre collègue Robert del Picchia, à savoir la prorogation d’une année du mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.

La rédaction de l’article 1er de la proposition de loi, qui prévoit le renouvellement de la série B des conseillers à l’AFE non pas en juin 2012, mais en juin 2013, me convient donc parfaitement. (MM. Richard Yung et Robert del Picchia applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, sur l’article.

M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j’avais déposée, dont M. le rapporteur a bien voulu résumer les termes et qui ne va pas tout à fait dans le même sens que celle de M. del Picchia, avait essentiellement deux objectifs.

Tout d’abord, elle visait à éviter qu’un murmure grandissant, faisant un amalgame malheureux entre l’action menée pour obtenir la création de députés des Français établis hors de France et la prolongation du mandat des membres de l’AFE, n’enfle en une rumeur désagréable. Ce premier objectif a été atteint.

Ensuite, ma proposition de loi tendait à donner une plus grande audience à l’Assemblée des Français de l’étranger, grâce à la focalisation médiatique permise par un couplage des élections législatives et des élections à l’AFE. En effet, celle-ci n’est pas traitée comme elle devrait l’être.

Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir dire de ma part à Mme le ministre d’État que nous avons, nous Français, la chance inestimable de disposer, avec l’Assemblée des Français de l’étranger, d’un outil extraordinaire pour savoir ce qu’il se passe dans le monde.

Certes, vous avez raison de faire confiance à votre réseau diplomatique,…

M. Jean-Michel Baylet. Par les temps qui courent…

M. Christian Cointat. … dont la mission est de vous informer sur la position des gouvernements étrangers. Toutefois, il ne vous renseigne pas sur ce que pense le peuple : on l’a bien vu en Tunisie !

M. Christian Cointat. En revanche, les élus à l’AFE, qui partagent le destin de la population de leur pays d’accueil, connaissent le sentiment du peuple ! C’est par eux que nous pouvons obtenir des informations extrêmement utiles ! Aucun autre pays ne dispose d’une telle assemblée : elle mérite d’être davantage utilisée !

Monsieur le ministre, on m’oppose que ma proposition ne pouvait être retenue pour des raisons techniques. Soit, mais, en tout état de cause, j’attends que vous preniez l’engagement de faire le nécessaire pour accroître l’audience et la visibilité de l’AFE. Il importe que Mme le ministre d’État et vous-même consultiez davantage cette assemblée, pour savoir ce qui se passe véritablement dans le monde, au sein des populations. Alors, le second objectif de ma proposition de loi sera pleinement atteint.

Je sais bien qu’il est difficile d’organiser concomitamment deux élections différentes. Toutefois, cela s’est déjà fait à diverses reprises : en particulier, les élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger se sont déjà tenues en même temps que les élections au Parlement européen, alors que ces deux scrutins sont pourtant complètement différents, le vote par correspondance n’étant pas possible, par exemple, pour le second ! En revanche, les mêmes règles s’appliqueront pour l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et pour celle des députés !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Christian Cointat. Dans les deux cas, il sera possible de voter par correspondance, par courrier ou par voie électronique.

Mais peu importe, l’objectif était non pas de coupler à tout prix les deux élections, mais d’appeler l’attention sur la nécessité de donner à l’Assemblée des Français de l’étranger l’audience qu’elle mérite. Utilisons les atouts qu’elle offre à la France !

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, l’avis du Conseil d’État m’a fait mal au cœur. Je suis quelque peu choqué qu’une instance aussi respectable et aussi éminente semble considérer que les Français de l’étranger sont moins évolués que les citoyens des pays démocratiques où sont régulièrement organisées, le même jour, des élections locales, provinciales, fédérales, nationales…

Quoi qu’il en soit, je me rallierai à la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui, non sans émettre deux réserves de taille, qui ne concernent pas les élections à l’AFE elles-mêmes.

En premier lieu, on ne peut plus se permettre de modifier à tout bout de champ la durée des mandats ! C’est un véritable problème, car l’exception va progressivement devenir la règle. Si l’on continue sur cette voie, on rencontrera des difficultés, car la configuration de 2012 se reproduira à l’avenir.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Christian Cointat. Mais si ! Les mandats étant de durées différentes, il y aura tôt ou tard de nouveau des élections concomitantes ! Il faudrait donc avoir le courage de remettre à plat ces questions et d’essayer de trouver, d’ici à la prochaine concomitance d’élections, une solution offrant toutes les garanties. À mes yeux, la démocratie, ce n’est pas changer constamment les règles du jeu : la durée d’un mandat doit être intangible, sauf cas tout à fait exceptionnel !

En second lieu, je lance un appel au Gouvernement : il doit prendre ses responsabilités, au lieu de s’en remettre à une assemblée pour régler le problème ! S’il avait élaboré un projet de loi à cette fin, comme il aurait dû le faire, je m’y serais rallié immédiatement, sans aucune difficulté. Mes mots seront un peu durs, monsieur le ministre, mais il n’incombe pas au Parlement, sous la ve République, de trancher à la place du Gouvernement ! Il revenait au Gouvernement de demander une modification du mandat des conseillers à l’AFE. Monsieur le ministre, je vous le dis en toute amitié et en toute sincérité, j’aurais voté avec joie un tel projet de loi, car il est vrai qu’il est impossible d’organiser cinq tours de scrutin en l’espace de neuf semaines. Je regrette qu’il ait fallu en passer par une proposition de loi !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre. Je souhaite répondre brièvement aux questions posées fort opportunément par M. Cointat.

Tout d’abord, pourquoi le Sénat est-il amené à se prononcer aujourd’hui sur une proposition de loi plutôt que sur un projet de loi ? Tout simplement parce que cette proposition de loi a été déposée antérieurement à la réforme constitutionnelle de juillet 2008, dont l’un des objets principaux était d’établir un nouvel équilibre entre les prérogatives du Gouvernement et celles du Parlement.

Le Gouvernement a donc considéré qu’il eût été discourtois, à l’égard du Parlement, d’écarter en quelque sorte une initiative prise par un de ses membres pour imposer sa propre vision des choses. Je l’affirme, le fait que nous débattions cet après-midi d’une proposition de loi et non d’un projet de loi ne tient à aucun autre motif.

Par ailleurs, j’ai quelques raisons de connaître le corps électoral sénatorial. Qu’il s’agisse des grands électeurs de métropole ou, en l’espèce, des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, je sais pertinemment qu’il est constitué d’hommes et de femmes ayant une connaissance presque parfaite des sentiments et des mouvements de l’opinion.

Monsieur Cointat, je ferai naturellement part à Mme la ministre d’État de votre souhait que le Gouvernement consulte davantage l’Assemblée des Français de l’étranger. Je tiens à vous assurer que le Gouvernement connaît parfaitement la qualité des 155 membres de cette honorable assemblée. Il a bien évidemment tout avantage à consulter les représentants de nos compatriotes installés aux quatre coins du monde. On peut certes toujours envisager d’aller plus loin, mais je puis vous affirmer, monsieur Cointat, que le Gouvernement est d’ores et déjà extrêmement attentif aux avis exprimés par l’Assemblée des Français de l’étranger.

Enfin, je vous remercie d’avoir accepté de vous rallier à la proposition de loi déposée par M. del Picchia. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

(Non modifié)

Le renouvellement de la série A (Afrique, Amérique) des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger prévu en juin 2015 se déroulera en juin 2016. – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je souhaite expliquer pourquoi mon groupe s’abstiendra sur cette proposition de loi tendant à proroger d’une année le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.

Les intentions qui sous-tendent ce texte sont claires. En 2012, les Français de l’étranger participeront, sous le contrôle du ministère de l’intérieur, à l’élection présidentielle et au premier scrutin destiné à élire les onze députés qui les représenteront à l’Assemblée nationale. Ces élections seront concomitantes avec le renouvellement des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger pour les pays d’Europe, d’Asie et du Levant, scrutin organisé par les services consulaires. Ceux-ci risquant de se trouver dans l’incapacité d’assurer la tenue de cinq tours de scrutin en quelques semaines, la proposition de loi vise donc à reporter d’une année le renouvellement de la série B des conseillers à l’AFE. Par symétrie, le renouvellement de la série A, prévu en 2014, serait repoussé à 2015.

Cette situation appelle quelques observations de notre part.

Tout d’abord, l’incapacité des services consulaires à faire face aux échéances électorales de 2012 souligne les effets négatifs de l’application de la RGPP sur notre réseau diplomatique.

Mais surtout, l’adoption de cette proposition de loi ne serait pas sans effet sur le déroulement du scrutin sénatorial de 2014, puisque l’Assemblée des Français de l’étranger, appelée à désigner six de ses membres pour siéger au Sénat, n’aura pas été totalement renouvelée à cette date, comme cela aurait été le cas avec le calendrier actuel. Or il se trouve que la série qui n’aura pas été renouvelée est, comme par hasard, celle qui compte le plus d’élus proches de l’actuelle majorité parlementaire… A contrario, le collège électoral sénatorial se sera accru des onze députés représentant les Français de l’étranger élus en juin 2012.

Nous nous interrogeons donc sur les effets pervers de la RGPP sur le fonctionnement des services consulaires, sur l’opportunité d’un report qui tendra de fait à dénaturer les résultats des élections sénatoriales de 2014 et sur la composition de l’Assemblée des Français de l’étranger, dont certains membres sont des personnalités nommées par le Gouvernement.

Compte tenu de ces remarques, nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.

M. Christophe-André Frassa. Tout à l’heure, M. Masson s’est ému que des personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement pour siéger à l’AFE fassent ainsi partie du collège électoral sénatorial. Or, si nous sommes très nombreux, au sein de l’AFE et parmi les sénateurs représentant les Français de l’étranger, à souhaiter que, à terme, l’AFE ne compte plus de telles personnalités qualifiées et que ses membres élisent son président, qui est aujourd’hui, de droit, le ministre des affaires étrangères, je dois souligner que, pour autant, les personnalités qualifiées ne font en aucun cas partie du collège électoral sénatorial ; seuls les 155 membres de l’AFE élus au suffrage universel direct désignent les sénateurs représentant les Français établis à l’étranger.

Cela étant précisé, pour mettre un terme à un suspense intenable, j’annonce d’emblée que je voterai cette proposition de loi, malgré quelques petites réticences.

Premièrement, je demeure convaincu que le fait de disjoindre les élections législatives et le renouvellement de l’AFE n’entraînera pas une augmentation de la participation à ce dernier scrutin. Je suis prêt à en prendre le pari, monsieur le ministre, même si je souhaite très sincèrement le perdre !

Deuxièmement, le report des élections à l’AFE s’explique avant tout par la situation de l’administration consulaire, qui a perdu des moyens humains et matériels au fil des années. Ses agents, dont je salue l’admirable travail, doivent assumer des tâches de plus en plus lourdes alors même que leurs effectifs ne cessent de décroître. Il convient selon moi de mener une réflexion sur les moyens et les ambitions de l’administration consulaire, car celle-ci ne pourra pas faire de miracles dans les années à venir si les premiers ne sont pas à la hauteur des secondes, qu’il s’agisse des services rendus aux Français de l’étranger ou de l’organisation des diverses élections. (MM. Christian Cointat et Robert del Picchia applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois, pour explication de vote.

M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voulons tous que les Français établis hors de France soient traités sur un pied d’égalité avec leurs concitoyens de métropole et d’outre-mer.

Avec la création, en 2012, de onze députés représentant les Français de l’étranger, l’Assemblée des Français de l’étranger, collège électoral des douze sénateurs des Français établis hors de France, verra renforcée, du moins l’espérons-nous, sa mission politique. Notre collègue Christian Cointat vient précisément d’en faire la démonstration.

L’abstention endémique qui caractérise les élections à l’AFE milite en faveur de l’organisation d’un scrutin distinct, non couplé avec l’élection présidentielle et les élections législatives de 2012, pour lesquelles quatre tours de scrutin seront déjà nécessaires. La tenue au cours de la même période d’un cinquième tour de scrutin au suffrage universel direct dans les centres de vote ouverts à l’étranger, pour le renouvellement de la moitié des conseillers à l’AFE, ne manquerait pas d’engendrer confusion et lassitude parmi l’électorat. Cela aurait pour conséquence d’amoindrir encore un taux de participation déjà faible, puisqu’il n’atteint que 40 % pour l’élection présidentielle. En outre, notre collègue Christophe-André Frassa vient de souligner les difficultés, d’ordre administratif et financier, qu’une telle situation susciterait pour notre réseau consulaire.

Le report d’un an du renouvellement des conseillers à l’AFE, eu égard au contexte électoral dense et spécifique de l’année 2012, permettra d’éviter un amalgame, au sein de l’électorat, entre trois scrutins au suffrage universel direct différents. Ce report sera par ailleurs sans conséquence sur le renouvellement sénatorial de 2014.

Je souscris donc totalement à cette proposition de loi et voterai en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Je voudrais d’abord vous remercier, monsieur le ministre, de votre réponse élégante.

Par ailleurs, je tiens à souligner que, en matière de taux d’abstention, on ne peut pas comparer ce qui n’est pas tout à fait comparable. S’il est vrai que les Français de l’étranger s’abstiennent davantage que leurs compatriotes de métropole, il faut tenir compte du fait que beaucoup d’entre eux sont encore inscrits sur les listes électorales alors qu’ils ont déjà quitté le pays où ils étaient immatriculés. Il faut donc relativiser la situation. Le ministère des affaires étrangères fait d’énormes efforts pour mieux tenir à jour les listes électorales, mais il reste encore du chemin à parcourir.

J’ajoute qu’il sera important de mener une grande campagne de sensibilisation des électeurs au renouvellement de la série B des conseillers de l’AFE qui interviendra en 2013, puisque, après les très importantes échéances électorales de 2012, on risque d’assister à une forme de démobilisation.

Cela étant dit, comme l’a indiqué à juste titre M. le ministre, je me rallie à cette proposition de loi. (MM. Robert del Picchia et Christophe-André Frassa applaudissent.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le groupe CRC-SPG s’abstient.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger
 

8

Nomination d’un membre d'une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe de l’Union centriste a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Roselle Cros membre de la commission des affaires sociales, à la place laissée vacante par M. Nicolas About, dont le mandat de sénateur a cessé.

9

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement
Discussion générale (suite)

Alimentation en eau et assainissement

Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement (proposition de loi n° 147, texte de la commission n° 235, rapport n° 234).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi, déposée par M. Christian Cambon et adoptée ici même en première lecture le 11 février 2009, constitue une vraie avancée pour la mise en œuvre effective du droit à l’eau inscrit à l’article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques et à l’article L. 210-1 du code de l’environnement.

Le code de l’environnement précise notamment que, « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et [que] chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

Il n’est nul besoin de rappeler ici le caractère essentiel de l’accès à l’eau potable, en termes aussi bien de santé publique que de dignité des personnes. La qualité des débats sur ce texte, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, a montré combien le Parlement a su se saisir avec détermination de ce sujet.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est un premier pas vers l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, dans des conditions économiquement acceptables.

Les dispositions de ce texte devront permettre de sécuriser juridiquement l’attribution de subventions par les services publics d’eau et d’assainissement à des organismes départementaux chargés de l’aide sociale, alors même que celle-ci n’entre pas dans leurs attributions.

L’examen de la proposition de loi par l’Assemblée nationale est venu conforter les principes que vous aviez adoptés l’année dernière. Grâce aux dispositions de ce texte, les services d’eau et d’assainissement pourront désormais renforcer, de façon volontaire et dans une limite de 0,5 % du montant de la facture d’eau, le Fonds de solidarité pour le logement, le FSL. Ils pourront donc ainsi contribuer à l’aide aux ménages en situation d’impayés de facture d’eau, sans passer par le dispositif d’abandon de créances, très coûteux en termes de frais de gestion.

Le dispositif proposé, s’il est fondé sur le FSL et s’il conforte bien le rôle du département comme chef de file en matière d’aide sociale, ne néglige pas pour autant le rôle extrêmement important du maire.

Si la décision d’octroi d’aides du FSL ne peut reposer sur d’autres éléments que le niveau de patrimoine ou de ressources des personnes ou l’importance et la nature des difficultés qu’elles rencontrent, cette décision peut être utilement éclairée par le maire. La proposition de loi prévoit ainsi que le maire et le centre communal d’action sociale, le CCAS, soient informés dès la saisine du FSL et qu’ils puissent transmettre toutes les informations utiles, aussi bien sur les aides déjà fournies que sur les difficultés rencontrées par le demandeur.

Certains d’entre vous déploreront peut-être l’ambition relative de cette proposition de loi, qui ne comporte pas de volet préventif en complément du volet curatif que je viens d’évoquer.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je tiens toutefois à rappeler ici l’engagement fort du Gouvernement sur la mise en place d’un dispositif préventif. Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avons d’ailleurs tenu, lors des débats à l’Assemblée nationale, le 1er décembre dernier, à marquer notre volonté de présenter, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, les modifications législatives nécessaires à l’instauration d’un tel dispositif.

Le rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre d’un volet préventif prévu à l’article 2, ajouté par l’Assemblée nationale, devra nous permettre de répondre de la façon la plus précise et la plus efficace possible à la demande légitime d’une législation aussi bien préventive que curative en matière d’accès à l’eau.

Les travaux de préparation de ce rapport ont d’ores et déjà été confiés par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et Mme Roselyne Bachelot au Conseil général de l’environnement et du développement durable et à l’Inspection générale des affaires sociales.

Les travaux du Comité national de l’eau, le CNE, dont je tiens à souligner encore une fois la qualité et l’expertise, ont permis de poser les premiers jalons d’une aide préventive pour l’accès à l’eau. Ce travail des acteurs du monde de l’eau doit être complété par le regard des acteurs de la cohésion sociale, pour aboutir à un dispositif efficace, efficient et opérationnel.

Le travail du CNE va donc à présent être approfondi. Il faudra notamment s’appuyer sur les simulations techniques actuellement menées par les services des ministères chargés de l’écologie, de la santé et de la cohésion sociale, ainsi que par les services de la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, et de la Mutualité sociale agricole, la MSA. Rien ne serait pire que de mettre en place un dispositif novateur mais inefficace et complexe, avec des coûts de gestion importants, alors même que nous allons simplifier, par cette proposition de loi, le volet curatif.

En complément, le CNE s’est également saisi de la question de l’accès à l’eau pour les personnes qui en sont exclues, parce que sans domicile fixe ou contraintes à un habitat indigne. Ces travaux viendront alors compléter les mesures visant à garantir l’accès à l’eau pour tous nos concitoyens, qu’ils soient ou non raccordés à un réseau d’eau potable.

La France s’est engagée à affirmer haut et fort la nécessité d’instaurer un droit à l’eau et à l’assainissement. L’accès à l’eau sera d’ailleurs l’un des enjeux du sixième forum mondial de l’eau, qui aura lieu à Marseille en 2012. Nous avons la chance d’accueillir sur notre territoire cet événement mondial : nous nous devons donc d’être à la hauteur de nos engagements internationaux.

Cette proposition de loi, ainsi que toutes les réflexions actuellement en cours sur l’aide préventive et l’aide aux exclus, nous donneront l’occasion de montrer que, au-delà des engagements, il est possible de mettre réellement en œuvre un droit à l’accès à l’eau potable pour tous. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Houel, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement.

Ce texte, initialement intitulé « proposition de loi relative à la solidarité des communes dans les domaines de l’eau et de l’assainissement », a été déposé le 18 février 2009 par notre collègue Christian Cambon, que je salue. Il comportait initialement un article unique ; il en compte aujourd’hui deux.

Je reviendrai dans quelques instants sur le contexte dans lequel intervient l’examen de ce texte.

Si l’eau est globalement peu chère en France, par comparaison avec le reste de l’Europe – son coût est de 3,01 euros le mètre cube chez nous, contre 3,44 euros en moyenne en Europe –, la facture d’eau constitue tout de même une charge importante, et même de plus en plus importante, pour les plus démunis. Pour environ 200 000 foyers, elle représente plus de 3 % du revenu total du ménage. Or, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, et le Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, recommandent que la facture d’eau ne dépasse pas ce seuil. Cet objectif a d’ailleurs été repris dans la proposition de loi déposée par notre collègue Evelyne Didier et les membres du groupe CRC-SPG, visant à mettre en œuvre le droit à l’eau.

Je pense d’ailleurs, et je tiens à le souligner, qu’il existe un vrai consensus aujourd’hui sur nos travées, au-delà de nos appartenances politiques respectives, sur cette limite de 3 % du budget des ménages, qui s’inscrit dans la reconnaissance de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’homme, ainsi que l’avait indiqué le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme dans un document paru le 16 août 2007.

Le prix de l’eau a augmenté au cours des dernières années, principalement en raison de normes environnementales de plus en plus exigeantes en matière de qualité. En outre, la disparité des prix de l’eau amplifie ce déséquilibre social, la moyenne départementale oscillant, en effet, entre moins de 2,5 euros et plus de 4 euros le mètre cube.

Dans ce contexte, le droit à l’eau a été récemment reconnu et affirmé avec force dans une résolution du 28 juillet 2010 de l’Assemblée générale des Nations unies.

Par ailleurs, si le droit à l’eau n’a, en France, le rang de principe ou d’objectif à valeur constitutionnelle que de manière indirecte, c’est-à-dire par l’intermédiaire du droit au logement et du droit à la protection de la santé publique, l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, dite loi LEMA, adoptée en 2006, a consacré un droit d’accès à l’eau potable pour « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, […] dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

C’est en vue de donner une traduction juridique à ce nouveau droit à l’eau, notamment aux termes « dans des conditions économiquement acceptables par tous », que la proposition de loi de notre collègue visait à renforcer le dispositif d’aide actuellement en vigueur et à remédier aux lacunes qu’il connaît.

J’en viens maintenant au dispositif du texte.

La proposition de loi initiale tendait à renforcer le dispositif curatif actuellement en place en matière de solidarité dans le domaine de l’eau pour les foyers les plus modestes, dispositif qui permet de faciliter l’aide au paiement des factures pour les personnes en situation d’impayés, dans le cadre de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles.

Ce texte partait d’un constat largement partagé : les sommes allouées au volet « eau » du Fonds de solidarité pour le logement ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés, notamment pour ce qui concerne les personnes résidant en immeuble collectif d’habitation. Composée d’un article unique, la proposition de loi initiale prévoyait que les distributeurs d’eau versent une contribution, dans la limite de 1 % de leurs recettes, aux communes et aux centres communaux et intercommunaux d’action sociale, afin de leur permettre d’aider les personnes les plus démunies à régler leurs factures d’eau.

La philosophie de ce texte était donc claire : renforcer en aval le dispositif d’aide au paiement des factures d’eau des plus démunis. La proposition de loi rejoignait en cela la recommandation formulée par le Conseil d’État dans son rapport public de 2010, à savoir « que le droit à l’eau soit complètement mis en œuvre […] au profit des plus démunis ».

Au cours de la navette, ce texte, dont l’article unique a été complété à l’Assemblée nationale par un article supplémentaire, a été amélioré sur plusieurs points.

Tout d’abord, la proposition de loi initiale a été enrichie, en accord avec son auteur, par la commission de l’économie du Sénat : la contribution prévue a été transférée au FSL ; les immeubles collectifs d’habitation ont été inclus dans le périmètre des foyers aidés ; le taux de contribution proposé a été ramené à 0,5 %, ce qui nous semble raisonnable et largement suffisant, selon notre première estimation ; le dispositif a été étendu aux régies et aux délégataires ; enfin, une information du maire, qui rend un avis au gestionnaire du FSL, a été mise en place.

Ensuite, l’Assemblée nationale, après un examen au fond par sa commission des lois, a modifié puis adopté en séance publique, le 1er décembre 2010, le présent texte, désormais intitulé « proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement ». La mention des communes a été supprimée, dans la mesure où le dispositif prévu assurera davantage une solidarité des gestionnaires des services de distribution de l’eau, et donc des usagers, qu’une solidarité des communes.

Mes chers collègues, je me réjouis que le texte qui revient aujourd’hui devant nous ne remette pas en cause le cœur du dispositif de la proposition de loi, à savoir le principe d’une contribution volontaire des services d’eau et d’assainissement, plafonnée à 0,5 % des redevances hors taxes.

Le rôle central du maire, s’il a été conservé, a néanmoins été modifié, pour prendre la forme d’une notification des demandes d’aide par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d’action sociale, qui peuvent eux-mêmes, en retour, et avec copie au demandeur, lui communiquer le détail des aides déjà fournies et les informations susceptibles de l’éclairer sur les difficultés rencontrées par ce dernier.

La rédaction de l’article 1er a par ailleurs été simplifiée. Il a notamment été précisé que la contribution sera bien imputée sur les budgets des services publics d’eau et d’assainissement et que son inscription dans le code général des collectivités territoriales n’aura pas pour conséquence d’exclure toute autre forme de financement du FSL.

Enfin, l’Assemblée nationale a inséré dans la proposition de loi un article 2, aux termes duquel le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation du texte, un rapport sur les modalités et les conséquences de la mise en œuvre d’une allocation de solidarité pour l’eau.

Lors de nos débats en première lecture, nous avions déjà évoqué cette nécessité d’une action pragmatique à deux niveaux dans le domaine de l’accès à l’eau. Le premier niveau, d’ordre préventif, consiste à faciliter l’accès à l’eau pour les plus défavorisés, afin d’éviter que la facture d’eau représente plus de 3 % de leurs revenus. Le second niveau, d’ordre curatif, a trait à la solidarité et fait l’objet de notre proposition de loi.

Nous sommes tous d’accord aujourd’hui, me semble-t-il, pour que la présente proposition de loi soit complétée, dans des délais très brefs – j’insiste sur ce point –, par l’adoption d’un volet préventif. Le rapport du Conseil d’État que je citais tout à l’heure préconise ainsi « que le débat sur la tarification sociale et l’accès des plus pauvres et des sans-abri à l’eau soit traité sous toutes ses facettes avant le Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Marseille en 2012 ».

Le Comité national de l’eau, vous le savez, s’est emparé des questions relatives à la prévention, et plusieurs pistes ont été dégagées. Des propositions de loi ont été déposées sur le sujet. Je crois néanmoins que le délai de six mois laissé au Gouvernement pour nous remettre un rapport lui permettra de mettre à plat les différentes solutions envisageables, ainsi que de consulter les collectivités territoriales, les fédérations représentant les opérateurs de l’eau et les organismes sociaux.

Un grand nombre de points techniques doivent notamment être étudiés. Le Comité national de l’eau, par exemple, dans son avis de décembre 2009, a identifié les caisses d’allocations familiales comme possibles opérateurs. Cependant, ces dernières semblent réticentes à l’idée de se voir attribuer cette nouvelle mission.

Lors des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’est par ailleurs engagé, en contrepartie, à présenter, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, les modifications législatives nécessaires qui en découleront. Pouvez-vous ainsi, monsieur le secrétaire d’État, renouveler sur ce point l’engagement ferme du Gouvernement à traiter du volet préventif de l’accès à l’eau pour les plus démunis dans de brefs délais ?

Pour conclure, je dirai que nous avons aujourd’hui un texte qui renforcera de manière significative le dispositif curatif d’aide au règlement des impayés des factures d’eau des ménages les plus fragiles et qui replacera les communes au centre de ce système d’action sociale. Il est à mon sens nécessaire d’adopter cette proposition de loi en l’état, afin que le volet préventif, pour lequel le Gouvernement s’est engagé à faire des propositions législatives concrètes à la fin de l’année, puisse rapidement venir compléter le dispositif. Je crois que nous pourrons alors nous reposer sur un système complet d’aide aux foyers les plus démunis en matière d’accès à l’eau. Le volet préventif n’exclue pas le volet curatif, bien au contraire : les deux se renforcent mutuellement pour permettre une mise en application concrète du droit à l’eau consacré par la LEMA de 2006. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry, « l’eau n’est pas nécessaire à la vie, elle est la vie ». C’est sans doute la raison pour laquelle le droit à l’eau et à l’assainissement est de plus en plus considéré comme un droit de l’homme fondamental. L’Assemblée générale des Nations unies a même fini par adopter, le 28 juillet dernier, une résolution reconnaissant le droit à l’eau potable et à l’assainissement. La France œuvrait d’ailleurs depuis longtemps pour cette reconnaissance.

En effet, depuis 2006, le droit à l’eau pour tous est consacré par la législation française. Permettre aux plus démunis d’accéder à l’eau semble donc être devenu un élément essentiel de notre solidarité. Partager cette ressource constitue sans doute le plus beau symbole en la matière. Pourtant, pour huit millions de nos compatriotes vivant encore en dessous du seuil de pauvreté, ce droit fondamental semble en partie inaccessible.

Face à cette situation, nous ne pouvions rester sans réagir. C’est pourquoi nous pouvons nous réjouir que la proposition de loi que nous examinons cet après-midi en deuxième lecture permette enfin de prendre en compte l’extraordinaire situation de précarité dans laquelle se trouvent bon nombre de nos concitoyens. Nous devons d’ailleurs nous féliciter de ce que le Sénat, qui est le représentant des collectivités territoriales, soit à l’initiative de ce texte.

Le plus grand mérite de cette proposition de loi est de reconnaître que de trop nombreuses familles modestes ont des difficultés à régler leur facture d’eau dans notre pays, difficultés parfois aggravées par le rythme semestriel ou annuel de la facturation.

Selon les statistiques, la facture d’eau ne représente en moyenne que 1 % du budget total des ménages en France, mais peut quelquefois atteindre 3 % de celui-ci. Cette charge, qui peut apparaître relativement limitée au premier abord, reste très lourde pour nombre de foyers, d’autant que le prix de l’eau a considérablement augmenté depuis les années quatre-vingt. De plus, ce prix fluctue très fortement d’une région à l’autre ou d’une commune à l’autre. Il faudrait que, sur ce plan, l’État joue un rôle de régulateur.

En tant qu’élus locaux, nous avons tous reçu dans nos permanences des personnes démunies et désemparées, venant nous faire part de leurs difficultés à payer leurs factures d’eau.

La proposition de loi tend à améliorer le dispositif existant du volet « eau » du Fonds de solidarité pour le logement. Le financement de l’aide sera assuré par une contribution volontaire des opérateurs de services publics de fourniture d’eau potable et d’assainissement, plafonnée à 0,5 % du total hors taxes des redevances perçues. Ces contributions volontaires sont indispensables pour couvrir l’ensemble des besoins, y compris ceux actuellement satisfaits par les gestionnaires de l’eau qui acceptent de procéder à des abandons de créances dans le cadre d’une convention. Il faudra veiller à ce que les communes où la distribution d’eau est assurée par une régie soient également soumises à ce qu’elles considéreront peut-être comme une taxation, alors qu’il s’agit en fait d’un élément de solidarité supplémentaire. Ces contributions devront donc représenter des dizaines de millions d’euros. C’est la raison pour laquelle il nous semble que le plafond de 0,5 % du total hors taxes des redevances perçues n’est pas assez élevé, et doit être porté à 1 %. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Je déplore une nouvelle fois que le texte, tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale, ne comporte toujours pas de référence claire et précise à une tarification sociale de l’eau. Je constate que le manque d’ambition que nous avions dénoncé lors de la première lecture subsiste.

Depuis, le Conseil national de l’eau s’est prononcé lui aussi, le 6 juillet dernier, en faveur de la mise en œuvre d’un dispositif préventif fondé sur le versement d’une aide dépendant du poids de la facture d’eau dans le revenu du ménage.

De son côté, début décembre, l’Assemblée nationale s’est appuyée, pour mener sa réflexion, sur les travaux du Conseil national de l’eau. Les discussions ont permis de faire émerger une volonté consensuelle de mettre en place un système préventif. Une grande politique publique de l’eau, élaborée sur le plan national avant d’être déclinée dans les territoires, est très attendue.

Les députés ont accepté le principe que le Gouvernement étudie cette question de façon approfondie pendant les six prochains mois, avant de rendre un rapport au Parlement. Cela devrait permettre d’avancer sur un sujet devenu incontournable.

Néanmoins, nous estimons que l’entrée en vigueur du présent texte ne devrait pas être renvoyée à 2012, au prétexte qu’un volet curatif est indispensable, ce que nous ne contestons pas. J’espère que les amendements que nous avons déposés sur ce point retiendront l’attention du Sénat.

Au-delà de cette proposition de loi, beaucoup d’élus attendent de l’État qu’il soit un facilitateur et un arbitre. Il a en effet un rôle important à jouer en matière de fixation du prix de l’eau, laquelle ne se caractérise pas à l’heure actuelle par une grande logique, eu égard aux écarts considérables constatés sur le terrain.

En outre, l’État se doit de favoriser la disponibilité de cette ressource indispensable. Sinon, en période de sécheresse, la seule solution sera de mettre en place des restrictions, ce qu’il faut éviter à tout prix, quels que soient les obstacles.

Par ailleurs, le dispositif prévu comporte une lacune s’agissant des foyers non reliés à l’assainissement collectif, qui doivent faire face à des dépenses importantes en matière de contrôle et de mise aux normes. Or il s’agit souvent de logements anciens et vétustes, occupés par des familles aux revenus extrêmement modestes, pour ne pas dire démunies.

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je ne résiste pas à l’envie de fustiger une nouvelle fois l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, dont les cerbères galonnés et armés sillonnent les campagnes françaises avec pour seul objectif de faire passer les maires pour des délinquants ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tout en nuances, monsieur Fortassin ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la deuxième lecture dans notre assemblée de cette proposition de loi relative à la solidarité dans le domaine de l’eau intervient près d’une année après la première. Si nous ne contestons pas la durée du processus législatif en elle-même, nous regrettons que ce délai n’ait pas été mis à profit pour élaborer un dispositif global, composé à la fois d’un volet curatif et d’un volet préventif. Nous en avions le temps, mais, semble-t-il, pas la volonté…

Le droit à l’eau est pourtant un droit fondamental, défini comme tel par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la LEMA, dans son article 1er. Toutefois, celui-ci n’a toujours qu’une valeur déclaratoire, aucun dispositif ne permettant de lui donner une portée effective à ce jour, en dépit de tous nos efforts en ce sens.

Conformément aux préconisations de l’ONU et de l’OCDE, le budget consacré à l’eau ne devrait pas dépasser 3 % des ressources d’un ménage. Il faut rappeler que si la facture d’eau représente en moyenne 0,8 % des ressources d’un ménage, elle s’élève à 5 % du revenu pour un allocataire du RSA.

Dans ces conditions, le consensus qui semble se dégager s’agissant de la nécessité de renforcer le volet curatif du droit à l’eau et de créer un volet préventif permettant de garantir juridiquement ce dernier constitue un progrès.

Cependant, le texte qui nous est présenté aujourd’hui, s’il représente une petite avancée, n’est pas la concrétisation du droit à l’eau.

Intéressons-nous tout d’abord au volet préventif. Celui-ci n’a pas beaucoup évolué depuis la première lecture du texte au Sénat, et les remarques que nous avions faites à l’époque restent d’actualité. Nous estimons ainsi que l’article 1er de la présente proposition de loi ne fait que préciser les dispositions prévues à l’article 6-3 de la loi de 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, qui permet déjà aux services publics de l’eau d’abonder le FSL. Vous avez parlé de sécurisation juridique, monsieur le secrétaire d’État, dont acte ! Néanmoins, il ne s’agit là que d’une faculté, et le dispositif repris par ce texte n’est malheureusement pas plus contraignant. Il ne fait, en effet, que définir un plafond de contribution, qui a d’ailleurs été réduit en première lecture à 0,5 % du montant hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues ! Nous proposerons donc de relever ce taux maximal à 1 %.

Sur le fond, il y a fort à craindre que la générosité des délégataires ne soit pas plus au rendez-vous demain qu’aujourd’hui. Actuellement, la contribution de ceux-ci, apportée par le biais d’abandons de créances – nous savons d’ailleurs que le nouveau dispositif leur permettra finalement de faire des économies ! –, s’élève à 3 millions d’euros, sur un total de facturation avoisinant les 12 milliards d’euros. Il s’agit de sommes extrêmement importantes ! Avec l’adoption du présent texte, la contribution des délégataires pourrait atteindre 50 millions d’euros, ce qui reste, on en conviendra, raisonnable.

Cependant, cette contribution n’étant pas obligatoire, il appartiendra aux collectivités de l’imposer à leurs délégataires, ce qui ouvrira la voie à des différences notables selon les régions. Pour cette raison, nous pensons qu’instaurer une obligation législative aurait été plus simple et, surtout, aurait garanti une application non différenciée du dispositif sur l’ensemble du territoire.

De surcroît, le dispositif du texte ne permettra pas de remédier aux dysfonctionnements actuels du FSL. Aujourd’hui, en effet, il n’existe pas de volet « eau » dans tous les départements. De plus, seules peuvent être aidées à ce titre les personnes disposant d’un compteur individuel, ce qui exclut de fait les 43 % de la population vivant en habitat collectif.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. Ainsi, en 2009, environ 60 000 personnes seulement ont été aidées par ce biais, pour une somme globale de 8,5 millions d’euros, ce qui est très peu au regard de l’ensemble des dépenses d’eau. C’est pourquoi nous proposons que la loi rende obligatoire la création d’un volet « eau » au sein du FSL pour tous les départements.

Par ailleurs, nous prenons acte de l’insertion par l’Assemblée nationale d’un nouvel article 2, même si nous regrettons qu’il s’agisse simplement de prévoir la remise au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, d’un rapport du Gouvernement « sur les modalités et les conséquences de l’application d'une allocation de solidarité pour l'eau ».

Nous pensons, en effet, que les volets curatif et préventif devraient faire l’objet d’une articulation cohérente et complémentaire, afin de garantir effectivement le droit à l’eau. C’est d’ailleurs ce qu’a préconisé le Comité national de l’eau dans un avis de décembre 2009, renouvelé en juin dernier. Je précise également que c’est ce que nous avions suggéré dans notre proposition de loi de novembre 2009, aimablement évoquée par M. le rapporteur. Cette proposition de loi s’appuyait sur un travail très intéressant de l’Observatoire des usagers de l'assainissement d'Île-de-France, l’OBUSSAS, proposant la mise en place d’une « allocation eau », sur le modèle de l’aide personnalisée au logement, l’APL. Nous pensions qu’il était normal et intéressant de reprendre ainsi une préconisation issue de la société civile. Cependant, les amendements que nous avions déposés à cette fin ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

Sur le fond, si ce dispositif limité tend à pallier une inégalité manifeste, n’oublions pas que le problème principal reste celui de la maîtrise publique de la distribution de l’eau, d’une part, et d’un meilleur contrôle public de la formation des tarifs, d’autre part.

Mme Évelyne Didier. Nous trouvons inadmissible que l’eau soit d’abord, et avant tout, une source de profits énormes pour les multinationales du secteur !

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Ces profits sont réalisés par le biais d’une facturation de l’eau à un prix bien trop élevé aux usagers, alors même que ces derniers subissent une crise économique et sociale majeure les plongeant de plus en plus dans la précarité.

Ainsi, les profits des deux « géants » de l’eau ont atteint, pour l’année 2009, un niveau colossal ! Par exemple, ceux de Veolia s’élèvent à 5,5 milliards d’euros pour le seul marché français ! Imaginez ce que cela peut donner à l’échelle mondiale !

M. Roland Courteau. C’est scandaleux !

Mme Évelyne Didier. Nous proposons donc que les entreprises délégataires soient les principaux financeurs de cette « allocation eau ».

Avant de conclure, je souhaiterais indiquer que nous ne sommes pas, par principe, contre l’idée d’une tarification sociale de l’eau. En effet, celle-ci peut favoriser une consommation d’eau plus sobre, allant dans le sens d’une meilleure utilisation de la ressource.

Pour autant, nous préférons le modèle d’une allocation permettant de tenir compte de la recommandation de l’ONU et de l’OCDE selon laquelle la facture d’eau ne doit pas dépasser 3 % des ressources d’un ménage et de faire contribuer directement les entreprises, à hauteur de 1 % de leur chiffre d’affaires. Comment ne pas rappeler également la nécessaire implication de l’État au titre de la solidarité nationale, puisque celui-ci perçoit la TVA sur l’eau ?

En tout cas, nous déplorons aujourd’hui que la solidarité reste le seul fait des usagers. Les aides prévues sont simplement des aides à la solvabilité, que les entreprises ne se priveront pas de répercuter sur les consommateurs.

Pour cette raison, nous regrettons que le présent texte n’ait pas repris nos propositions pour garantir le droit à l’eau. Attendant avec impatience de connaître le nouveau dispositif qui, semble-t-il, devrait voir le jour au cours de l’année 2011, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la solidarité revêt une dimension toute particulière lorsqu’elle permet à des personnes en situation de précarité d’accéder à une denrée aussi vitale que l’eau potable. C’est la raison pour laquelle je souhaite saluer très chaleureusement l’initiative de notre collègue Christian Cambon, auteur de la présente proposition de loi.

Les maires que nous sommes ou que nous avons été connaissent les difficultés rencontrées par nombre de familles qui se retrouvent dans l’impossibilité de payer leurs factures d’eau potable.

L’eau est en effet une denrée de plus en plus chère pour un nombre croissant de nos concitoyens. Aujourd’hui, l’eau est d’ailleurs plus chère en ville, où les offres de services abondent, qu’à la campagne, où la gestion des réseaux est souvent suivie directement par les élus eux-mêmes. Ces derniers paient de leur personne pour que l’entretien et la gestion quotidienne soient assurés dans de bonnes conditions, ce qui explique les différences de prix que je viens d’évoquer. Cependant, je crains que nous ne nous dirigions vers un alignement des prix à l’échelon national, ce qui défavoriserait le monde rural, qui s’est humainement investi dans ce domaine.

Il est donc important que la loi puisse préciser, et surtout permettre d’atteindre, l’objectif fixé à l’article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatique, qui consacre un « droit d’accès à l’eau potable, dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

La proposition de loi clarifie en outre le recours au FSL, déjà mis en œuvre par de nombreux maires, au titre de leur action sociale de proximité. Il convenait de mieux encadrer cette pratique et de conforter le rôle du FSL, tout en maintenant le maire au centre du dispositif.

Je salue le travail de M. le rapporteur, qui a permis d’améliorer le dispositif lors de la première lecture, notamment en prévoyant l’éligibilité des foyers vivant en immeuble collectif d’habitation, qui ne sont pas titulaires d’un abonnement personnel.

Malgré la diminution de 1 % à 0,5 % du total hors taxes des redevances perçues du plafond des recettes permettant d’alimenter le FSL, il semble que le montant moyen attendu, de 50 millions d’euros environ, soit suffisant par rapport aux besoins.

Enfin, si le maire est au cœur du dispositif, il paraît essentiel que les opérateurs extérieurs à la commune, qu’ils soient publics ou privés, puissent, le cas échéant, apporter leur contribution.

S’agissant des apports au texte issus des travaux de l’Assemblée nationale, je partage tout à fait l’idée selon laquelle le volet curatif du présent dispositif pourrait être utilement complété par un volet préventif, à savoir une tarification sociale de l’eau. Cela permettrait de garantir que les dépenses d’eau ne dépassent pas 3 % du revenu. Je suis d’accord sur ce point avec Mme Didier. De tels dispositifs existent d’ailleurs déjà pour le gaz et l’électricité, et un volet préventif a le mérite de mieux responsabiliser l’usager, qui paie une somme, fût-elle symbolique, et n’est ainsi pas entièrement assisté.

En revanche, le délai de trois mois prévu pour présenter le rapport est particulièrement bref. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez vous engager sur son respect.

Au bénéfice de ces considérations, mes collègues du groupe de l’Union centriste et moi-même soutenons résolument cette initiative, qui nous permettra de mieux vivre demain. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui en deuxième lecture vise à mettre en place un système plus large d’aide au règlement des impayés d’eau dans notre pays. Le montant de cette aide pourra atteindre 0,5 % des recettes liées à la distribution d’eau.

Ce texte vient à point nommé, dans la mesure où le nombre d’impayés d’eau explose actuellement et où la pauvreté tend à s’aggraver dans notre pays.

M. Paul Raoult. Le pouvoir d’achat des plus démunis se dégrade, accentuant la précarité et la pauvreté. On le sait, plus de 1,6 million de ménages bénéficient aujourd'hui de la couverture maladie universelle, la CMU, et sont donc considérés comme pauvres, avec moins de 50 % du revenu disponible médian. De plus, 20 000 ménages défavorisés sont privés d’eau chaque année et 475 000 ménages sont potentiellement susceptibles de l’être.

Depuis plusieurs années, le prix de l’eau augmente à un rythme bien supérieur à celui de l’indice des prix ou à celui de la progression du revenu moyen des ménages. De fait, la part du revenu consacrée à l’eau s’accroît sensiblement et les foyers devant consacrer plus de 3 % – critère reconnu par l’Organisation des Nations unies – voire jusqu’à 10 % de leurs revenus pour payer leur facture d’eau sont toujours plus nombreux.

M. Roland Courteau. C’est anormal !

M. Paul Raoult. J’ajoute que, aujourd'hui, plus de la moitié de la facture d’eau est imputable à un service qui n’était pas rendu auparavant, à savoir le traitement des eaux usées. Ce mouvement, qui a démarré dans les années soixante-dix et qui s’est amplifié dans les années quatre-vingt, est loin d’être terminé. Les investissements dans le traitement des eaux usées restent colossaux. Dans ma région, par exemple, le projet de station d’épuration de Marquette, d’une capacité supérieure à 500 000 équivalents habitants, pèsera lourdement dans le budget de l’Agence de l’eau Artois-Picardie, et la communauté urbaine de Lille sera contrainte d’ajuster ses prix pour faire face à la dépense.

Depuis une dizaine d’années, la régie de mon syndicat intercommunal, qui gère 700 communes et 180 petites stations d’épuration, augmente régulièrement le prix de l’eau, et ce sera encore le cas l’an prochain, car il est absolument nécessaire de continuer à investir dans les stations d’épuration.

Le prix de l’eau augmente, et continuera d’augmenter, pour des raisons structurelles, même s’il est vrai que certains grands groupes privés réalisent parfois des profits exagérés. Et je n’évoque même pas les incidences des investissements nécessaires pour veiller à la qualité de l’eau, pour réaliser des interconnexions de nature à garantir la sécurité de l’approvisionnement et à constituer des réserves suffisantes pour faire face aux périodes de sécheresse.

Alors qu’ils doivent financer des investissements en progression constante, les élus sont par ailleurs confrontés à une pauvreté accrue, qui prend parfois des allures dramatiques. Certains ménages que nous rencontrons dans nos permanences ont complètement démissionné. Eu égard à la faiblesse de leurs revenus, ils savent qu’ils ne pourront jamais régler leur facture d’eau et, bien souvent, ils ne font plus aucun effort. Face à une telle situation, il est devenu nécessaire de légiférer.

Avec la baisse de la consommation d’eau par ménage, les distributeurs d’eau, qu’ils soient privés ou publics, voient leurs recettes diminuer. Ils ont donc tendance à faire pression sur les usagers pour obtenir le paiement des factures. Dans le même temps, les moyens de recouvrement du Trésor public s’affaiblissent ; l’État se désengage. Ainsi, bien que le nombre de factures impayées augmente, les recours des distributeurs diminuent, alors même qu’ils doivent investir, et les admissions en non-valeur s’accumulent jusqu’à former un volume financier considérable. Il nous faut donc réagir !

Face à cette situation, l’on nous présente des dispositions de nature curative : on essaie de réparer le mal en mobilisant les fonds de solidarité pour le logement, alimentés par une contribution volontaire des opérateurs de l’eau, mais parfois aussi en sollicitant les conseils généraux et les communes. Si le renforcement du rôle des FSL est judicieux, il reste néanmoins très insuffisant, car certains départements n’ont toujours pas créé de FSL, que ce soit par indifférence ou par manque de moyens, et ceux qui en ont créé un n’ont pas toujours un volet « eau ». De plus, d’un département à l’autre, on constate d’importantes disparités dans le montant des aides.

La présente proposition de loi, certes intéressante, demeure largement perfectible. Aujourd’hui, environ 50 000 ménages bénéficient d’une aide pour l’eau d’environ 130 euros par an, ce qui est très insuffisant. Selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, 100 000 ménages devraient être aidés, pour un montant largement supérieur.

Le système préventif qui nous est promis depuis longtemps doit absolument être mis en place. Il est devenu une nécessité pour les ménages qui touchent le revenu de solidarité active, par exemple, ou pour les personnes âgées qui perçoivent une faible pension de réversion. Certes, les centres communaux d’action sociale, les CCAS, interviennent ; mais hors des grandes agglomérations, dans les vastes espaces ruraux périurbains, leurs moyens financiers sont très faibles.

L’eau n’est pas une marchandise comme les autres, elle est un bien sacré : il faut donc trouver des solutions pérennes pour en faciliter l’accès.

Dans cet esprit, la mensualisation des factures devrait être privilégiée. Certains distributeurs n’établissent qu’une ou deux factures par an, ce qui ne permet pas l’étalement des paiements.

On peut également envisager de minorer le prix des vingt ou des cinquante premiers mètres cubes d’eau consommés. Cependant, la FNCCR considère que cette pratique, qui est en vigueur dans certaines villes et dans d’autres pays, n’est pas porteuse d’égalité sociale dans la mesure où des personnes seules ayant une faible consommation peuvent très bien disposer de revenus élevés.

On pourrait aussi, comme l’ont fait certaines communes, installer de bornes-fontaines où chacun peut se ravitailler librement, ce qui permet d’atténuer les difficultés liées aux coupures d’eau.

En fait, la seule solution est d’assurer un financement pérenne en faveur des plus démunis, sur le modèle de l’aide personnalisée au logement, l’APL. À cette fin, il convient de prendre en compte la composition des ménages et le niveau des ressources.

Si ce dispositif d’aide est mis en œuvre rapidement, ce que je souhaite, il faudra déterminer les modalités de sa gestion administrative. Peut-être faudra-t-il taper du poing sur la table, monsieur le secrétaire d’État, pour que les caisses d’allocations familiales, les CAF, et la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, collaborent avec les distributeurs d’eau, publics et privés, et avec les communes. Nous ne pourrons mettre en place ce service que si les CAF en sont pleinement parties prenantes. J’ai cru comprendre qu’il fallait s’attendre à des résistances… Or, une collaboration totale est indispensable pour que le système puisse fonctionner.

Il faut donc trouver une solution simple, juste, sensée. Certes, les distributeurs d’eau doivent tirer de leur activité un profit raisonnable qui leur permette d’assumer les investissements nécessaires, présents et à venir, mais il faut aussi faire en sorte que la facture des usagers soit juste et admissible, c’est-à-dire en relation avec leurs revenus.

Quoi qu’il en soit, dans les mois qui viennent, je souhaite qu’une solution soit trouvée pour que les 100 000 ménages les plus démunis aient réellement accès à l’eau dans des conditions dignes et que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est invitée à se prononcer à nouveau sur la proposition de loi que j’ai eu l’honneur de déposer le 18 février 2009.

Vous me permettrez, au début de ce bref propos, de vous faire part de mon émotion naturelle, celle d’un parlementaire qui, au cours de son premier mandat, réussit à faire inscrire dans le droit positif français une proposition de loi qui, je l’espère, sera utile à toutes les familles en difficulté. Je me réjouis par ailleurs que le Sénat, protecteur des collectivités territoriales, soit l’initiateur de ce nouveau dispositif de solidarité dans le domaine de l’eau.

Je tiens à remercier M. le président de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine, du soutien qu’il m’a apporté tout au long du parcours législatif de cette proposition de loi et à saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, Michel Houel. Sa longue expérience d’élu local en Île-de-France, dans un département voisin du mien, lui a permis d’accompagner mon travail avec l’efficacité que nous lui connaissons.

Je souhaite également souligner les apports réalisés par l’Assemblée nationale, grâce notamment au député André Flajolet, qui a permis de sauvegarder l’esprit de cette proposition de loi, notamment le rôle du maire au cœur du système que nous avions proposé.

La présente proposition de loi arrive au terme de son parcours. Je me félicite de son adoption conforme par la commission de l’économie la semaine dernière, car elle apporte une réponse concrète aux problèmes réels que sont les impayés de facture d’eau.

Comme cela a été souligné, l’eau est aujourd'hui devenue un produit coûteux pour nombre de Français. Il n’est plus rare de voir des familles en difficulté en raison de factures d’eau représentant une charge annuelle de 400 euros, 500 euros, voire plus. Or, comme vous le savez, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, recommande dorénavant que le montant annuel des factures d’eau payées par l’usager ne dépasse pas 3 % de ses revenus.

Face à ce risque nouveau pour les familles en situation de précarité, la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « loi LEMA », avait instauré un droit d’accès à l’eau dans des conditions économiquement acceptables par tous. Il s’agit d’un principe magnifique, mais aucune application concrète n’a véritablement été prévue pour le mettre en œuvre. Ma proposition de loi apporte une part, mais une part seulement, de la réponse à cette attente.

Ce texte permet en effet de créer une véritable solidarité entre les usagers, en donnant la possibilité aux opérateurs de l’eau de contribuer au financement des fonds départementaux de solidarité pour le logement, les FSL. Concrètement, cette action sociale se traduit par une contribution volontaire à hauteur de 0,5 % des recettes perçues au titre des redevances. Cela permettra d’aider nos concitoyens ayant des difficultés à payer leur facture d’eau, qu’ils résident en habitat individuel ou collectif, ce qui constitue une différence par rapport à la législation précédente.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Christian Cambon. Tous les maires et services sociaux de nos communes sont confrontés à ces problèmes. C’est pourquoi j’avais souhaité qu’un dispositif simple et pragmatique replace les élus locaux au centre de l’aide accordée aux familles.

C’est ainsi que le texte adopté dans notre hémicycle en première lecture prévoyait un système d’avis obligatoire du maire sur l’attribution des aides avec un triple rôle de saisine. Les députés ont, fort opportunément, proposé une rédaction simplifiée du dispositif d’information des collectivités locales.

En effet, l’attribution des aides du FSL ne peut légalement prendre en considération d’autres critères que la situation financière du demandeur. De plus, les délais de saisine risquant de ralentir inutilement les procédures, il est apparu préférable de revoir le rôle du maire dans la gestion des demandes présentées au FSL.

Désormais, toutes les demandes d’aide seront notifiées par le gestionnaire du fonds aux élus locaux et aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale.

Les maires, qui sont les mieux placés pour connaître la situation des familles en difficulté, pourront transmettre aux gestionnaires du FSL les aides déjà fournies, ainsi que toutes les informations – et elles sont nombreuses – en leur possession susceptibles d’éclairer le gestionnaire sur les problèmes rencontrés par le demandeur.

L’évolution relative au mécanisme d’information mutuelle entre le gestionnaire et le maire apportera in fine une approche de proximité, simple et efficace, donnant – je l’espère – une réponse adaptée aux problèmes de dizaines de milliers de familles et ce, en maintenant le FSL comme pivot de la distribution de cette aide.

Mes chers collègues, je suis bien conscient que cette proposition de loi ne résout pas l’ensemble des problèmes de l’accès à l’eau, cela a d’ailleurs été amplement rappelé. Pour autant, ce texte est, me semble-t-il, une avancée de plus qui fait de la France l’un des pays en pointe en matière d’accès social à l’eau potable.

Ces dispositions curatives sont faciles d’application ; elles peuvent être mises en œuvre rapidement et apporter une réponse adaptée aux augmentations du prix de l’eau que l’application des normes européennes en matière d’eau potable et, surtout, d’assainissement rend malheureusement inéluctables.

En ce qui concerne l’aspect préventif de l’aide, l’Assemblée nationale avait souhaité aller plus loin, dans la continuité d’une initiative présentée par les députés du groupe communiste et par l’Observatoire des usagers de l’assainissement, l’OBUSASS, avec lequel j’ai pour ma part l’habitude de travailler. Toutefois, en raison de l’application de l’article 40 de la Constitution, ces propositions n’ont pas été retenues.

Nos collègues députés ont donc souhaité que soit remis au Parlement un rapport présentant les différentes pistes permettant l’instauration d’un volet préventif, en complément du dispositif d’aide actuel en matière d’accès à l’eau. Je ne peux qu’approuver cette disposition dans la mesure où, sur toutes ces travées, nous nous accordons à reconnaître qu’il faut aller encore plus loin afin d’aider les familles en difficulté. L’accès à l’eau doit véritablement devenir un droit pour tous.

Je souhaite soulever un dernier point qui a été évoqué à plusieurs reprises au sein de la commission de l’économie et par les orateurs m’ayant précédé à cette tribune.

L’absence de FSL dans certaines zones du territoire est une réalité. Certes, soixante-treize départements ont signé des conventions FSL, 20 000 dossiers sont traités chaque année et dix-huit autres conventions sont en cours de signature. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, il sera essentiel de veiller à ce que tous les départements soient dotés d’un FSL dans un avenir proche, afin de pouvoir bénéficier du concours efficace du dispositif que j’ai l’honneur de soumettre à votre vote.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pendant de longues années, le droit social à l’eau n’a fait l’objet que de motions, de colloques ou de recommandations. Aujourd'hui, j’ai le sentiment que nous franchissons, avec modestie, un pas concret.

M. Jacques Blanc. Grâce à vous !

M. Christian Cambon. Aussi, je vous remercie par avance de votre confiance et je reste persuadé que ce texte sera très vite utilisé par nombre de nos collectivités comme une aide concrète et bénéfique à l’intention des familles de notre pays touchées par la crise. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier M. Christian Cambon de son heureuse initiative législative. Il a su « faire court et efficace », ce qui – il faut en convenir – est rare de nos jours, notamment en matière législative.

Avec seulement deux articles, la présente proposition de loi, qui deviendra un texte normatif à l’issue de notre vote, rend effectif le droit à l’eau potable pour tous, consacré en 2006 par la LEMA et, plus récemment, par une résolution du 28 juillet 2010 de l’assemblée générale des Nations unies.

M. Jacques Blanc. Très bien !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Le texte renforce le dispositif du fonds de solidarité pour le logement. Il permet aux services d’eau et d’assainissement d’aider les plus démunis à payer leur facture d’eau par l’intermédiaire des FSL. Le dispositif retenu par nos deux assemblées relève donc de la solidarité entre les usagers du service public, appelés indirectement à financer une contribution sur leur facture, afin de permettre aux fonds de solidarité pour le logement de mettre en œuvre une réelle solvabilisation des ménages en difficulté.

La proposition de loi introduit, dans le code général des collectivités territoriales, un article autorisant les opérateurs chargés des services publics d’eau potable et d’assainissement à verser volontairement à un fonds de solidarité pour le logement une subvention ne pouvant excéder 0,5 % du produit des redevances perçues hors taxes pour la fourniture d’eau potable et d’assainissement. Sachant que ce produit est évalué à environ 10 milliards d’euros, les contributions volontaires pourraient représenter 50 millions d’euros, somme qui permettrait de couvrir l’ensemble des besoins. Il s’agit bien, j’insiste sur ce point, d’un concours financier volontaire ; une contribution obligatoire relèverait du droit fiscal.

Je me félicite que les représentants des opérateurs de l’eau – la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau, la FPPE, et à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR – aient accepté la mise en place d’une telle contribution, tout en insistant sur le choix fait de la contractualisation plutôt que d’un prélèvement de nature fiscale.

Le dispositif curatif est donc particulièrement renforcé et l’Assemblée nationale n’a pas profondément modifié sur ce point le texte adopté par le Sénat, comme l’a souligné notre excellent rapporteur, Michel Houel.

Un autre aspect important de cette proposition de loi tient au rôle dévolu au maire, qui sera informé par la mise en place d’un système d’échange mutuel d’informations. La demande d’aide sera notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d’action sociale de la commune de résidence du demandeur. En retour, ces derniers pourront communiquer au gestionnaire du fonds, avec copie à l’intéressé, le détail des aides déjà fournies, ainsi que toute information en leur possession susceptible d’éclairer le gestionnaire du fonds sur les difficultés rencontrées par le demandeur. Il s’agit à mes yeux d’un bon système qui permet au maire de rester au centre du dispositif tout en respectant les lois en vigueur.

Par ailleurs, je suis tout à fait favorable à l’idée retenue par les députés de réfléchir à la mise en place prochaine d’un volet préventif s’ajoutant au volet curatif, qui est renforcé par ce texte. Nous disposerions alors d’un dispositif complet et cohérent de mise en œuvre effective du droit à l’eau potable pour tous.

Il faudra donc aller plus loin. Pour ce faire, il existe deux voies : la tarification sociale ou un système d’allocation différentielle. Les difficultés de mise en place sont nombreuses et complexes. Il ne faut pas les négliger. C’est pour cette raison que je soutiens la mesure adoptée par les députés, issue du travail du Comité national de l’eau, demandant au Gouvernement de présenter au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport précisant les dispositions envisagées pour mettre en place un volet préventif.

Cela n’a rien d’extravagant ni de dérogatoire. Tous les autres services publics, dans les domaines de la téléphonie, de la fourniture d’électricité, de gaz naturel ou de fioul domestique, proposent un mécanisme préventif d’aide afin de permettre aux personnes démunies un accès à ces services qualifiés par les différentes dispositions législatives de « produits de première nécessité ». Face à l’absence de dispositif équivalent pour l’eau, nous devons engager une réflexion afin de trouver des solutions efficaces. Il appartient au Gouvernement de choisir. Nous attendons vos engagements sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.

L’accès à l’eau potable est un droit fondamental. Notre pays est l’un des rares à l’avoir consacré dans une loi. La proposition de notre collègue Christian Cambon doit être située dans ce cadre, parce qu’elle contribue fortement à rendre ce droit effectif pour tous. Le volet préventif viendra ensuite ; nous en sommes persuadés.

Notre pays, qui milite pour la reconnaissance, sur le plan international, du droit à l’eau pour tous, accueillera à Marseille, au mois de mars 2012, le forum mondial de l’eau. C’est un rendez-vous à ne pas manquer. Il serait bien que la France dispose alors d’une législation complète en matière de droit d’accès à l’eau, maîtrisant, en amont, l’aspect préventif et, en aval, le côté curatif.

La France, je le rappelle, est d’ores et déjà très engagée à travers l’aide publique au développement depuis la loi « Oudin-Santini », dont le bilan est positif : des associations, des collectivités, des écoles, des collèges ou des lycées ont, selon leur engagement, ouvert des espaces de dignité, de santé publique et d’espérance à des populations très démunies.

Notre pays est exemplaire dans ce domaine, je tenais à le rappeler, et nous n’avons pas à rougir des actions qui ont été conduites. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi de notre collègue Christian Cambon relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement.

À Mayotte, le régime hydrographique, la croissance démographique et urbaine soutenue, le solde migratoire important, la grande précarité matérielle au sein des populations et la persistance de l’habitat insalubre créent des besoins sans cesse renouvelés en matière de logement, d’eau et d’assainissement, que cette proposition de loi, si elle était adoptée, permettrait largement de satisfaire. Toutefois, il faudra pour cela remplir au préalable les conditions législatives indispensables.

En vertu de la loi du 7 décembre 2010, Mayotte deviendra un département d’outre-mer régi par l’article 73 de la Constitution à compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante, probablement le 1er avril 2011.

À ce titre, les lois actuellement en vigueur en métropole et dans les départements d’outre-mer qui ne seront pas étendues par les lois de départementalisation le seront par voie d’ordonnances, dans les douze mois suivant la publication de la loi pour le code des communes, et dans les dix-huit mois pour les autres matières énumérées à l’article 30 de la loi ordinaire de décembre 2010 relative au département de Mayotte.

La présente proposition de loi entrera en vigueur le 1er janvier 2012, avec une application différée en outre-mer, notamment à Mayotte. Elle vise à autoriser les communes à financer un fonds de solidarité pour l’eau dont la gestion sera confiée aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale.

Or, à ce jour, ne sont applicables à Mayotte ni la loi du 31 mai 1990, créant notamment le fonds de solidarité pour le logement, ni le code de l’action sociale et des familles.

Afin d’étendre à Mayotte le bénéfice des dispositions de cette proposition de loi, il sera donc nécessaire, d’une part, que les ordonnances relatives au code des communes et au code de l’action sociale et des familles paraissent dans les délais prévus à l’article 30 de la loi ordinaire relative au département de Mayotte et que, d’autre part, en application de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement étende dans les mêmes conditions la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

Tel est le sens de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, tendant à prévoir que les dispositions relatives à la contribution volontaire des opérateurs de l’eau soient applicables à partir de la création d’un FSL à Mayotte.

En outre, le FSL pourrait intervenir de manière plus forte afin d’alléger les factures d’eau, d’assainissement, d’énergie ou encore de téléphone des personnes les plus démunies.

Nous ne pouvons donc que soutenir cette excellente proposition de loi de notre collègue Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m’efforcer d’apporter quelques éléments de réponses aux différents intervenants.

Le dispositif préventif est au cœur de la proposition de loi présentée par Christian Cambon. Je note un consensus sur toutes les travées de cette assemblée pour mettre en place rapidement la possibilité d’alimenter le FSL par une contribution sur les factures d’eau. Il s’agit d’une avancée majeure.

M. le rapporteur, MM. Claude Biwer, Christian Cambon et Mme Marie-Thérèse Bruguière ont évoqué le rôle central du maire. L’Assemblée nationale a allégé le dispositif en prévoyant l’information du maire par le gestionnaire du FSL, avec, en retour, la possibilité pour le maire d’adresser des avis. Comme l’a indiqué M. Christian Cambon, cette simplification est bienvenue.

Par ailleurs, les opérateurs de l’eau considèrent que le montant de la contribution, sur lequel nous reviendrons lors de la discussion des articles, semble conforme aux besoins. Les impayés représentent actuellement entre 0,1 % et 0,2 % des recettes. Le plafond proposé, de 0,5 %, est donc suffisant et il ne paraît pas nécessaire de le porter à 1 %.

MM. Michel Houel et Christian Cambon, Mmes Marie-Thérèse Bruguière et Évelyne Didier ont souhaité la mise en place rapide du dispositif préventif. Je vous ai rappelé tout à l’heure l’engagement du Gouvernement de faire adopter ce dispositif à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2012. Il ne s’agit donc pas, pour le Gouvernement, de rédiger un rapport qui sera aussitôt remisé dans un tiroir. Il s’agit, au contraire, de tirer les conséquences de ce rapport lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 : je l’ai indiqué à l’Assemblée nationale ; je le répète aujourd’hui devant le Sénat.

Monsieur Ibrahim Ramadani, comme vous l’avez rappelé, la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement n’est pas encore applicable à Mayotte. La loi 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte prévoit que des ordonnances prises dans le cadre de l’article 38 de la Constitution pourront rendre certaines lois applicables, sous réserve d’éventuelles adaptations justifiées par les spécificités locales. Il en est ainsi de la loi du 31 mai 1990. Le délai imparti par la loi pour publier les ordonnances expire le 8 juin 2012. L’Assemblée nationale a corrigé le texte initial de la présente proposition de loi pour permettre l’application sans délai du dispositif préventif lorsque les dispositions relatives au FSL s’appliqueront à Mayotte.

Madame Didier, monsieur Raoult, le délai de six mois accordé au Gouvernement pour remettre un rapport au Parlement n’est pas une tactique destinée à repousser la mise en place de ce dispositif aux calendes grecques. Notre objectif est simplement de nous donner du temps, de faire travailler ensemble les acteurs de l’eau et ceux de la cohésion sociale pour aboutir à un dispositif simple et efficient. Peut-être éviterons-nous ainsi la mise en place d’une usine à gaz compliquée et peu efficace.

Certes, le Gouvernement s’est donné six mois mais, je le répète, il s’est engagé devant l’Assemblée nationale, et j’ai confirmé cet engagement devant le Sénat, à tirer les enseignements du rapport dans le projet de loi de finances pour 2012. Il s’agit donc d’un rapport qui doit déboucher sur des dispositions législatives.

Par ailleurs, je tiens à préciser que le seuil de 3 % du revenu total des ménages, mentionné par M. le rapporteur et par Mme Évelyne Didier, est issu d’un rapport réalisé au Royaume-Uni, qui précise qu’au-delà de cette limite, des choix doivent être faits par les familles entre les différents postes de consommation de base. Cette valeur n’a pas de reconnaissance internationale, même si elle a été reprise dans un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.

MM. Christian Cambon et Paul Raoult ont évoqué l’absence de FSL dans certains départements. Je tiens à préciser que les FSL existent dans tous les départements, mais tous ne comportent pas un volet « eau ». Parmi les soixante et onze départements ayant répondu en 2008 à l’enquête effectuée par le ministère, une vingtaine de FSL indiquent ne pas avoir mis en place des aides aux impayés d’eau.

Après l’adoption de cette proposition de loi, les services du ministère veilleront à la création d’un volet « eau » au sein de tous les FSL. Avec la mise en place d’une contribution sur les factures d’eau, il sera plus facile aux préfets, dans le cadre de l’élaboration conjointe, avec le conseil général, du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, de rappeler, dans les règlements intérieurs des FSL, le caractère obligatoire des aides aux impayés d’eau.

Mme Évelyne Didier et M. François Fortassin ont évoqué la péréquation nationale en matière d’eau. Le prix de l’eau, il est important de le rappeler, est non pas le coût de la ressource en eau, puisque son usage appartient à tous, mais le coût pour accéder à la ressource et pour la traiter après usage. Les diversités territoriales expliquent donc les différences des prix pour l’utilisateur.

Eu égard à la complexité du paysage français, qui compte 16 000 services différents, il est bien difficile de mettre en place un système de péréquation. Un effort de regroupement doit donc être réalisé. La récente loi sur les collectivités territoriales nous permettra si ce n’est d’y parvenir, du moins de progresser.

Tels sont, monsieur le président, les éléments de réponse que je souhaitais apporter aux différents intervenants.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2224-12-3, il est inséré un article L. 2224-12-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2224-12-3-1. – Les services publics d’eau et d’assainissement peuvent attribuer une subvention au fonds de solidarité pour le logement afin de contribuer au financement des aides relatives au paiement des fournitures d’eau ou des charges collectives afférentes mentionnées à l’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

« Une convention passée avec le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement détermine les règles de calcul ainsi que les modalités d’attribution et de versement de cette subvention, dont le montant ne peut excéder 0,5 % des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues. » ;

2° Le I de l’article L. 2564-41 est complété par les mots : « , à l’exception de l’article L. 2224-12-3-1, qui est applicable à compter de la création à Mayotte du fonds de solidarité pour le logement prévu par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement » ;

3° À l’article L. 2571-2, avant la référence : « L. 2224-12-4 », est ajoutée la référence : « L. 2224-12-3-1, » ;

4° Au 2° de l’article L. 6213-7, après les références : « titres Ier, II », sont insérés les mots : «, à l’exception de l’article L. 2224-12-3-1, ».

bis. – Après le premier alinéa de l’article 6-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La demande d’aide est notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d’action sociale de la commune de résidence du demandeur. Ceux-ci peuvent communiquer au gestionnaire du fonds, avec copie à l’intéressé, le détail des aides déjà fournies ainsi que toute information en leur possession susceptible d’éclairer le gestionnaire du fonds sur les difficultés rencontrées par le demandeur. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2012.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Raoult, Raoul, Repentin, Rainaud, Patient, Navarro, Mirassou, Guillaume, Daunis, Courteau, Bourquin, Botrel et Teston, Mmes Khiari, Nicoux, Herviaux et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Après la première phrase de l'article L. 2224-12-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Le Conseil municipal ou l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales peut définir une catégorie d'usagers éprouvant des difficultés particulières au regard notamment de son patrimoine, de l'insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d'existence et bénéficiant en conséquence d'un tarif social de l'eau en application de l'article L. 210-1 du code de l'environnement. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture a été motivée par le décalage existant entre un droit d’accès à l’eau dans des conditions économiquement acceptables par tous, inscrit dans la loi sur l’eau, et une réalité quotidienne très différente pour certains foyers qui ne parviennent plus à payer leurs factures d’eau.

Elle a aussi été motivée, sans vouloir me substituer à M. Christian Cambon, par une volonté de donner aux maires les moyens de s’impliquer davantage dans le dispositif d’aide aux personnes en difficulté.

Or le résultat auquel nous aboutissons aujourd’hui est à mes yeux limité puisqu’il s’agit d’une contribution volontaire des services d’eau et d’assainissement au FSL, ce qui était déjà possible, et que le volet préventif sous forme d’allocation, que nous appelions de nos vœux, est remis à plus tard.

Je vous propose donc de profiter de l’article 1er de cette proposition de loi, qui vise à modifier le code général des collectivités territoriales, pour rendre possible un dispositif complémentaire permettant d’aider les ménages.

Il s’agit de laisser la possibilité aux maires ou à un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, de mettre en place une différenciation tarifaire fondée sur les catégories d’usagers, mais basée sur des motifs sociaux.

L’article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales précise que : « Toute fourniture d’eau potable, quel qu’en soit le bénéficiaire, fait l’objet d’une facturation au tarif applicable à la catégorie d’usagers correspondante. »

Or, jusqu’à présent, la première phrase de cet article a donné lieu à une interprétation restrictive. La notion de « catégorie d’usagers » ne peut faire référence qu’aux différents usages de l’eau : industriels, agricoles ou usage des particuliers. Mais dès lors que la LEMA, crée, dans son article 1er, un droit d’accès à l’eau dans des conditions économiquement acceptables par tous, nous devrions nous accorder à considérer que la mise en place d’une discrimination sociale dans le prix de l’eau en est une conséquence nécessaire. La notion de « catégorie d’usagers » doit pouvoir s’entendre comme une catégorie d’usagers domestiques aux revenus modestes, basée sur des critères à définir.

Le maire devrait pouvoir décider d’appliquer un tarif uniforme spécial à cette catégorie définie d’usagers. C’est, selon moi, un outil intéressant pour les communes qui souhaitent s’investir dans la mise en œuvre du droit à l’eau. Cela permettrait d’intervenir avant d’arriver à des situations d’impayés et d’endettement. C’est d’ailleurs, c’est la logique qui a été suivie dans d’autres domaines.

Ainsi, il existe une tarification sociale relative à l’énergie en France, depuis 2005 pour l’électricité, avec le tarif de première nécessité, et depuis 2008 pour le gaz, avec le tarif social. Cette tarification est ouverte aux personnes physiques bénéficiant de la couverture maladie universelle dont les ressources annuelles demeurent inférieures à un plafond qui dépend de la composition familiale du foyer.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas permettre la mise en place d’un tarif social de l’eau à l’échelle locale, puisque c’est à ce niveau que se gère cette ressource ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Houel, rapporteur. Cet amendement pose le principe d’un tarif social de l’eau pour certaines catégories d’usagers. Un amendement similaire a déjà été examiné et rejeté par notre commission en première lecture.

Je ne conteste pas l’objectif visé par les auteurs de cet amendement, mais celui-ci renvoie au dispositif préventif sur lequel, en vertu du nouvel article 2 de la présente proposition de loi, le Gouvernement doit remettre un rapport dans un délai de six mois. Ce rapport rendra compte « [des] modalités et [des] conséquences de l’application d’une allocation de solidarité pour l’eau attribuée sous condition de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d’eau potable et d’assainissement, afin de contribuer au paiement des charges liées aux consommations d’eau au titre de la résidence principale ».

Il convient donc d’attendre que le Gouvernement nous présente à la fin de l’année, comme il s’y est engagé, les nouvelles dispositions envisagées, afin de débattre de ce volet préventif en connaissance de cause.

Par ailleurs, je précise à nouveau que la loi sur l’eau et les milieux aquatiques a déjà prévu la faculté, pour les collectivités locales, de déployer une tarification progressive en faveur des usagers. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je compléterai l’intervention de M. le rapporteur par deux arguments.

En premier lieu, le dispositif proposé par les auteurs de cet amendement souffre d’une grande fragilité constitutionnelle. En effet, la possibilité de modulations tarifaires au nom de l’intérêt général est admise dans le cadre des services publics administratifs facultatifs qui sont directement gérés par les collectivités locales. C’est notamment le cas des cantines ou des crèches. En revanche, la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel exclut cette possibilité dans le cas des services publics gérés par des établissements publics industriels et commerciaux.

En second lieu, le dispositif proposé se révèle d’une extrême complexité, car les services d’eau et d’assainissement devraient avoir accès à des données confidentielles relatives à la situation sociale des ménages. C’est déjà le cas pour les FSL ou pour les organismes en charge de certaines aides. Est-il vraiment indispensable d’élargir cette possibilité ? Une telle extension s’accompagnerait, j’insiste sur ce point, de coûts supplémentaires de gestion extrêmement importants et exigerait des garanties de confidentialité tout aussi importantes.

Monsieur le sénateur, pour remédier à cette situation, nous devons, lors de la réflexion que nous conduirons dans les six mois à venir – c’est d’ailleurs pourquoi nous avons besoin de ce délai –, élaborer un dispositif de nature à répondre à votre souhait, qui est aussi le nôtre, d’instaurer un volet préventif. En revanche, la solution que vous préconisez dans votre amendement n’est probablement pas la plus judicieuse.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d’État, un dispositif similaire existe, je le rappelle, pour la tarification sociale de l’énergie. J’ai pris note des objections qui nous ont été opposées, mais eu égard à l’importance de l’objet de cet amendement, nous le maintenons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par MM. Raoult, Raoul, Repentin, Rainaud, Patient, Navarro, Mirassou, Guillaume, Daunis, Courteau, Bourquin, Botrel et Teston, Mmes Khiari, Nicoux, Herviaux et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° La première phrase du III de l’article L. 2224-12-4 est complétée par les mots : « soit sur la base du tarif applicable à la catégorie d’usagers correspondante » ;

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Ce deuxième amendement peut vous sembler redondant, …

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Puisque vous le dites…

M. Paul Raoult. … mais il me semble de nature à sécuriser plus encore la pratique d’un tarif social de l’eau, que l’on confond d’ailleurs souvent avec la tarification progressive qui, elle, est déjà possible.

Ainsi, l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales dispose : « À compter du 1er janvier 2010 et sous réserve du deuxième alinéa du I, le montant de la facture d’eau calculé en fonction du volume réellement consommé peut être établi soit sur la base d’un tarif uniforme au mètre cube, soit sur la base d’un tarif progressif. Cette facture fait apparaître le prix du litre d’eau. »

Cette tarification progressive a déjà été mise en place dans certaines collectivités et elle permet aux usagers de bénéficier d’un tarif abordable pour la première tranche de consommation d’eau, qui correspond aux besoins vitaux ou essentiels. Cette démarche est très intéressante, car elle permet d’alléger la facture des consommateurs de base, mais elle bénéficie en fait à tous les usagers.

L’objet de cet amendement, comme celui du précédent, relatif aux catégories d’usagers, est de sécuriser l’application d’un tarif uniforme spécial à une catégorie d’usagers à revenus modestes.

Je vous propose donc de préciser dans le code général des collectivités territoriales que le montant de la facture d’eau peut être « établi sur la base du tarif applicable à la catégorie d’usagers correspondante ».

Encore une fois, je le rappelle, la différenciation tarifaire introduite par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques dans le code général des collectivités territoriales et le droit d’accès à l’eau permettent, à mes yeux, de déroger au principe de l’égalité des usagers devant le service public, en créant et en définissant une catégorie de bénéficiaires éprouvant des difficultés particulières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Houel, rapporteur. Mon cher collègue, votre demande est déjà satisfaite par le droit en vigueur, et plus particulièrement par l’article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales qui prévoit que « toute fourniture d’eau potable, quel qu’en soit le bénéficiaire, fait l’objet d’une facturation tarifaire applicable à la catégorie d’usagers correspondante ».

En effet, si l’on peut fixer le prix de l’eau en fonction des exigences de l’usager au regard du service – par exemple, une forte consommation, ou encore des pics de consommation à une période donnée –, il n’est pas possible de le déterminer en fonction du revenu des usagers, selon une jurisprudence constante du Conseil d’État relative à l’égalité des usagers devant le service public.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

versement

insérer les mots :

au volet « eau » des fonds de solidarité pour le logement

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet amendement vise à préciser que le prélèvement effectué sur les services publics d’eau et d’assainissement, et qui doit permettre de contribuer au financement du FSL, est « fléché » sur le volet « eau ».

Comme son nom l’indique, le FSL, qui est géré et largement financé par le département, était, à sa création, centré sur l’aide au logement. C’est seulement en 2004 que les fonds d’aides aux impayés d’énergie, d’eau et de services téléphoniques ont été progressivement intégrés aux FSL. Aujourd’hui, ce volet « fluides » reste secondaire dans les aides versées par le FSL.

Je ne remets pas du tout en question la priorité qui peut être donnée aux aides au logement. Ce dernier est en effet, comme le montrent les enquêtes de l’INSEE, le principal poste de dépenses des ménages et son poids ne cesse d’augmenter du fait de l’envolée déraisonnable des prix de l’immobilier.

Je souhaite toutefois que le volet « eau » des FSL se développe et que les subventions des communes prélevées sur les montants des redevances d’eau et d’assainissement à hauteur de 0,5 % y soient exclusivement affectées.

En effet, selon un principe important en France, « l’eau doit payer l’eau ». Il s’agit d’un budget annexe pour les communes, fondé sur les redevances des usagers, et il ne serait pas cohérent que ces subventions financent d’autres aides. Les départements, avec un budget de plus en plus contraint, ne peuvent pas assumer seuls la charge des FSL. L’État, les communes, mais aussi les entreprises des secteurs concernés doivent abonder ces fonds.

Dans le cas présent, notre objectif est de déterminer les moyens permettant de rendre effectif le droit à l’eau. Il s’agit d’aider financièrement les plus démunis à accéder à ce bien essentiel, donc de leur permettre de régler leurs factures d’eau.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Houel, rapporteur. Monsieur le sénateur, les services de gestion de l’eau peuvent déjà, je le rappelle, abonder les volets « eau » des FSL, ce qui prive votre amendement d’une grande part de son intérêt.

En outre, cet amendement est trop restrictif, car le volet « eau » des FSL ne concerne que les ménages abonnés individuellement. Or, 43 % des logements sont occupés par des ménages abonnés collectivement et les charges d’eau sont incluses dans les charges générales de l’immeuble.

L’un des enjeux de cette proposition de loi est précisément d’ouvrir le droit au volet correctif à tous les habitants, y compris à ceux de l’habitat collectif. Il est donc nécessaire d’offrir la possibilité aux services de l’eau d’abonder le FSL, ce dernier pouvant contribuer au paiement des charges d’eau incluses dans les charges locatives des immeubles collectifs d’habitation.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mahéas, Mirassou, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 11 est présenté par Mmes Didier et Assassi, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 16 est présenté par MM. Collin et Fortassin.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Remplacer le pourcentage :

0,5 %

par le pourcentage :

1 %

La parole est à M. Paul Raoult, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Paul Raoult. Cet amendement vise à relever le plafond de la subvention que les services d’eau et d’assainissement peuvent verser aux fonds de solidarité pour le logement de 0,5 % à 1 % des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues.

Notre groupe considère que le dispositif proposé dans l’article 1er de cette proposition de loi est bien limité, puisque la subvention envisagée reste volontaire.

Nous en revenons donc à des possibilités de convention entre le département et d’autres collectivités territoriales, déjà ouvertes par la loi visant à la mise en œuvre du droit au logement, notamment le troisième alinéa de son article 6. Comme M. Cambon l’a expliqué en commission, le Syndicat des eaux d’Île-de-France, le SEDIF, finance déjà actuellement le FSL.

Or les sommes allouées au FSL, notamment par les communes, ne permettent pas de répondre aux besoins des familles et les départements assument quasiment seuls cette charge. Je souhaite donc rendre obligatoire l’attribution d’une subvention des services d’eau et d’assainissement au FSL, dont la situation évolue. Mon amendement n’a bien évidemment pas été jugé recevable, car il aggrave une charge publique. Cette application de l’article 40 de la Constitution, que nous commençons à connaître, limite fortement nos travaux !

Il faut cependant avoir présent à l’esprit que, si ce dispositif n’induit pas une aggravation des charges, c’est qu’il ne sert à rien, et que l’on s’en tient à l’existant ! Il n’est pas possible de transformer ce financement volontaire en financement obligatoire, mais il est au moins possible d’autoriser un plafond de financement plus élevé, fixé à 1 %, comme le prévoyait le texte initial de la proposition de loi présentée par M. Cambon.

Convenez, mes chers collègues, que si cette subvention n’est pas obligatoire, on peut au moins laisser les communes et les distributeurs verser jusqu’à 1 % de leurs recettes, s’ils le souhaitent. Il nous semble donc très important de prévoir une marge plus importante.

Des études qui ont été présentées lors des réunions de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies laissent à penser qu’un plafond fixé à 0,5 % sera insuffisant, dans la mesure où de nombreux ménages n’ont toujours pas présenté de demande d’aide, alors même qu’ils y auraient droit. Je peux vous assurer, fort de mon expérience d’élu, que le nombre de ces ménages est extrêmement élevé. Les statistiques dont nous disposons sont largement sous-évaluées !

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 11.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à revenir au taux de 1 % de prélèvement obligatoire sur les recettes des distributeurs d’eau, avancé dans la proposition de loi de Christian Cambon. Il est en effet regrettable que notre assemblée ait divisé ce taux par deux, empêchant ainsi de renforcer la participation des entreprises afin de compenser le désengagement de l’État en matière de financement des fonds de solidarité pour le logement, dont la gestion relève des départements depuis 2004, et d’assurer une péréquation nationale, totalement méconnue dans ce domaine.

Par ailleurs, il me semble que les chiffres avancés jusqu’à présent dans les débats divergent quelque peu selon les sources. Selon les estimations de l’Observatoire des usagers de l’assainissement en Île-de-France, l’OBUSASS, le financement de l’allocation de solidarité pour l’eau exigerait 16 millions d’euros rien qu’en Île-de-France, ce qui supposerait, si l’on extrapole à l’ensemble de la France – même si, j’en conviens, le procédé est quelque peu cavalier – un coût proche de 90 millions d’euros que le taux de 0,5 % ne permettra pas de collecter.

Il est vrai que seuls 8,5 millions d’euros ont été consacrés au volet « eau » du FSL en 2008, mais uniquement parce nombre de nos concitoyens n’ont pas accès à cette aide, à laquelle ils sont pourtant éligibles. En effet, ce sont les départements qui déterminent l’affectation des aides du FSL et près d’un quart d’entre eux n’a pas créé de volet « eau ». Par ailleurs, beaucoup de bénéficiaires éventuels n’ont même pas connaissance de l’existence d’une telle aide. Actuellement, on dénombre environ 60 000 bénéficiaires, alors que près de 500 000 de nos concitoyens sont potentiellement concernés !

Ainsi, comme l’affirme le rapport de notre collègue député Guy Geoffroy, « le caractère obligatoire de l’aide aux familles en difficulté dans le domaine de l’eau n’est donc que partiellement assuré par le dispositif en vigueur ». C’est d’ailleurs pour cette raison que nous examinons ce texte aujourd’hui : il s’agit bien d’instaurer un dispositif qui permettra in fine d’honorer les obligations de l’État envers les familles vulnérables.

C’est donc bien pour garantir l’efficacité de cette proposition de loi et pour marquer une exigence particulière au regard de la responsabilité des opérateurs que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement. À défaut, la portée du texte, au long cours, sera amoindrie et ne permettra pas le développement d’un véritable droit à l’eau.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l’amendement no 16.

M. François Fortassin. Cet amendement vise à revenir au texte initial de la proposition de loi de M. Christian Cambon, sur un point précis et fondamental.

La proposition de loi tendait à limiter la contribution des distributeurs d’eau à 1 % de leurs recettes, cette contribution étant versée aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale.

En première lecture, cette contribution a été transférée vers les fonds de solidarité pour le logement et, dans le même temps, sans que l’on comprenne trop pourquoi, son taux a été ramené de 1 % à 0,5 %.

L’objet affiché de la proposition de loi était de mettre en place un dispositif efficace. Pour garantir cette efficacité, il nous semble indispensable de revenir au taux de 1 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Houel, rapporteur. La commission a adopté en première lecture, sur mon initiative, une disposition visant à ramener le plafond de la contribution volontaire versée par les opérateurs de l’eau au FSL de 1 % à 0,5 % du produit des redevances perçues.

Le taux de 1 %, qui figurait dans la proposition de loi initiale, est en effet apparu élevé par rapport aux seuls abandons de créance pour les abonnés directs en situation d’impayés du fait de difficultés financières. Selon les estimations, ces abandons de créance représenteraient entre 0,1 % et 0,2 % du produit des redevances.

Le taux de 1 % correspond plutôt à l’ensemble des abandons de créance, intégrant les cessations d’activité, les règlements judiciaires, les départs sans adresse, … Or, il ne serait pas légitime qu’un prélèvement sur la facture des abonnés domestiques couvre les montants d’abandons de créance réalisés pour ces motifs.

Le plafond de 0,5 % des redevances, qui représente – ce n’est pas neutre – 50 millions d’euros, suffira largement pour financer le dispositif curatif. En outre, le maintien de ce plafond nous permettra de procéder ultérieurement à un autre prélèvement de 0,5 % pour financer un dispositif préventif, que souhaitent les fédérations représentant les opérateurs de l’eau. Les besoins actuels s’élevant à 30 millions d’euros, nous conservons, avec un plafond de 0,5 %, une marge d’action.

Pour ces raisons, je suis évidemment défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Permettez-moi d’ajouter un élément, pour compléter l’intervention de M. le rapporteur.

En définitive, la défense de ces trois amendements repose sur l’argument selon lequel, si le taux d’abandons de créance est aujourd’hui estimé à 0,1 % ou 0,2 % des redevances, le plafond de 0,5 % pourrait être rapidement atteint en cas d’accroissement des situations d’impayés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dès lors que nous fixons le plafond de la contribution à 0,5 % pour couvrir des besoins qui représentent 0,1 % ou 0,2 % des redevances, nous préservons une marge de progression des dépenses relativement importante.

J’ajoute, mais vous le savez aussi bien que moi, que la contribution de 0,5 % sera répercutée sur la facture de l’usager. Or, comme M. le rapporteur vient de le rappeler, nous envisageons la mise en place d’un dispositif préventif, qu’il faudra bien financer. Dans ces conditions, mieux vaut ne pas augmenter de façon inconsidérée les charges de nos concitoyens. Le taux retenu de 0,5 % correspond à une marge de progression des dépenses importante et il est suffisamment raisonnable pour être répercuté sur les factures.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.

M. Claude Biwer. J’ai écouté avec intérêt les divers arguments qui ont été avancés. M. le rapporteur considère que le dispositif est tenable avec un taux de 0,5 % alors que certains de nos collègues plaident pour un taux de 1 %, sans que l’on comprenne vraiment leurs motivations. Or, ne l’oublions pas, plus on laisse le champ libre, plus il y aura d’impayés.

Que se passera-t-il dans les petites communes rurales, dans les petits syndicats intercommunaux ? D’aucuns soutiennent que d’autres paieront, des entreprises par exemple. Ce ne sera pas toujours le cas, car nombre de petites collectivités n’ont pas sur leur territoire des entreprises susceptibles de payer.

Par ailleurs, nous le savons, le prix de l’eau inclut certaines taxes, notamment la taxe d’assainissement. Or, cette dernière est-elle prise en compte dans le coût des actions à caractère social ? Je n’ai pas obtenu de réponse sur ce point, que j’ai évoqué dans mon intervention liminaire.

Enfin, nos collectivités sont tenues de financer des mesures sociales qu’elles n’ont parfois pas décidées.

Dans le service des eaux de mon secteur, qui couvre trois communes pour mille habitants, l’on constate une progression d’au moins 40 % par an du nombre des impayés. Après un délai de deux ans, le percepteur, considérant que la situation n’est pas tenable – parce que les débiteurs sont partis ou parce que leurs difficultés se sont encore aggravées – nous demande l’admission de ces impayés en non-valeur. Bref, on ne sait plus trop bien où l’on va !

Je souhaite donc que l’on tienne compte des contraintes que nous imposent les règles de la comptabilité et que l’on additionne les admissions en non-valeur aux aides qu’accordent les collectivités. En fait, d’un côté, on demande aux collectivités de financer certaines dépenses et, d’un autre côté, on s’efforce de maintenir leur budget à bout de bras. Mais l’eau n’est pas un élément abstrait. C’est une ressource nécessaire à la vie, et une ressource qui a un coût. Tout le monde devrait être en mesure de payer ses factures, mais pour cela, encore faut-il avoir un emploi.

Mes chers collègues, je me demande si nous n’allons pas un peu trop loin. J’aimerai bien savoir, peut-être la commission pourra-t-elle à l’avenir répondre à cette question, quel taux il faudrait retenir si l’on tenait compte de toutes les données.

Quoi qu’il en soit, si une contribution de 0,1 % ou 0,2 % du produit des redevances suffit à financer les besoins actuels, je ne vois pas l’utilité de la relever.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas les amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. L’intervention de M. Claude Biwer est très intéressante. La difficulté tient au fait que nous voulons mettre en place un système de solidarité entre les consommateurs, ou entre les usagers. Est-ce, ou non, le meilleur système de solidarité ? La question n’est certes pas facile, mais il conviendrait toutefois de lui apporter une réponse définitive.

Pour ma part, je ne connais qu’un seul système de solidarité : la fiscalité sur le revenu. On nous dit qu’il est impossible d’y avoir recours dans le cas qui nous intéresse. J’en prends acte. Mais si l’on opte pour une solidarité entre consommateurs, il faut bien évidemment que les syndicats intercommunaux de gestion de l’eau interviennent sur un territoire suffisamment vaste. Comment organiser la solidarité à l’échelle de mille habitants vivant dans trois communes ? Cela n’a aucun sens ! Et comment organiser la solidarité alors que, M. le secrétaire d’État le rappelait tout à l’heure, on compte 16 000 intervenants dans le secteur de l’eau et de l’assainissement ? Il est bien évident que la pratique de la solidarité est plus aisée dans un syndicat qui, comme le mien, dessert 700 000 à 800 000 habitants. C’est une question d’échelle.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 11 et 16.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 17 est présenté par MM. Collin et Fortassin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Roland Courteau. Le Sénat a examiné cette proposition de loi en première lecture voilà près d’un an, le 11 février 2010 pour être précis. L’Assemblée nationale vient de se prononcer et nous sommes aujourd’hui saisis de ce texte en deuxième lecture. L’issue est donc très proche.

Ce temps d’examen n’est certes pas déraisonnable, surtout si on le compare au sort réservé à d’autres propositions de loi, examinées par le Sénat en première lecture, et qui ne sont jamais inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Nous aurions même pu nous en féliciter si nous avions réussi à aller jusqu’au bout de notre logique, au nom de laquelle nous avons, d’emblée, réclamé la mise en place d’un volet curatif et d’un volet préventif. Or, ce dernier est encore remis à plus tard, en dépit des engagements du Gouvernement.

Même pour l’entrée en application des dispositions de l’article 1er de la proposition de loi, les députés ont décidé un délai supplémentaire. Ainsi, l’alinéa 10 de cet article précise que celui-ci « entre en vigueur le 1er janvier 2012 ». Pourquoi ce report ? Nous ne pouvons l’accepter !

Nous souhaitons donc que cet alinéa soit supprimé afin que les dispositions permettant de faciliter les subventions des services d’eau et d’assainissement au FSL entrent en vigueur dès la promulgation de la loi.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° 17.

M. François Fortassin. Cet amendement tend à supprimer le report au 1er janvier 2012, décidé par l’Assemblée nationale, de l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 1er.

Le Sénat a examiné la présente proposition de loi en première lecture voilà près d’un an. Nous avons déjà perdu suffisamment de temps. De plus, nous n’avons pas la moindre idée du calendrier qui sera retenu pour la mise en place du volet préventif, que nous appelons tous de nos vœux.

Il nous paraît donc inconcevable de reporter encore l’entrée en vigueur de l’article 1er qui, bien qu’incomplet, est pourtant nécessaire et important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Houel, rapporteur. Ces deux amendements identiques ont pour objet de supprimer une disposition introduite par la commission des lois de l’Assemblée nationale, sur l’initiative de son rapporteur, M. Guy Geoffroy, visant à reporter au 1er janvier 2012 l’application de l’article 1er du texte.

La présente proposition de loi vise à renforcer efficacement le dispositif d’aide au règlement des impayés de facture d’eau pour les personnes les plus démunies. Il convient, pour garantir une meilleure efficacité et pour éviter des coûts de gestion supplémentaires, que le texte a justement pour objet de limiter, de prévoir un temps de mise en place des conventions et des modifications du système de facturation des opérateurs de l’eau.

Mes chers collègues, mieux vaut attendre un peu plus longtemps et ne pas se tromper ! La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 17.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

Mme Évelyne Didier. Le groupe CRC-SPG s’abstient !

M. Roland Courteau. Le groupe socialiste également !

M. François Fortassin. Et le groupe du RDSE aussi !

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement
Article additionnel après l’article 2

Article 2 

(Non modifié)

Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur les modalités et les conséquences de l’application d’une allocation de solidarité pour l’eau attribuée sous conditions de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d’eau potable et d’assainissement afin de contribuer au paiement des charges liées aux consommations d’eau au titre de la résidence principale.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par Mmes Didier et Assassi, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 28 février 2011 un rapport étudiant les conditions de mise en œuvre d'une allocation de solidarité pour l'eau plafonnant la charge d'eau des ménages à 3 % de leurs ressources, versée sous condition de ressources, financée par les entreprises et gérée démocratiquement au niveau régional par les usagers, les élus et des représentants de l'État et des services publics de l'eau et de l'assainissement.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement reprend l’essentiel du contenu d’un amendement déposé par nos collègues communistes de l’Assemblée nationale, à l’exception de la mention qui y était faite des caisses d’allocations familiales, les CAF.

Ces caisses ne semblent en effet pas prêtes à intégrer un tel volet, ce qui est fort regrettable puisqu’elles recueillent des informations précises en matière de ressources financières, que leur couverture du territoire serait bien supérieure à celle des fonds de solidarité pour le logement et que c’était a priori la préférence du Comité national de l’eau, le CNE.

Mais si les CAF envisagent de se voir attribuer une charge nouvelle avec si peu d’entrain, c’est peut-être tout simplement parce que leurs moyens en personnels sont réduits et qu’elles ne peuvent déjà que difficilement faire face à leurs tâches actuelles. Telle est selon moi la véritable raison de leurs réticences.

Quoi qu’il en soit, le principal grief fait à cet amendement à l’Assemblée nationale par Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a ainsi perdu toute raison d’être.

Il s’agit ici de déployer un mécanisme préventif complémentaire aux dispositions contenues dans cette proposition de loi, afin de mettre en œuvre de manière effective le droit à l’eau.

Le délai n’est certes pas de six mois, ni même de trois, mais, en réalité, le rapport renvoie explicitement aux travaux du Conseil national de l’eau, ainsi qu’au dispositif proposé par les parlementaires communistes en novembre 2009, au travers de la proposition de loi n° 109 pour le Sénat, que j’avais moi-même déposée avec l’ensemble du groupe CRC-SPG, et de la proposition de loi n° 2117 pour l’Assemblée nationale, propositions qui s’appuient sur les travaux de l’Observatoire des usagers de l’assainissement en Île-de-France.

En effet, l’idée la plus adaptée, à notre sens, serait celle d’une allocation visant à éviter que la charge d’eau des ménages ne dépasse 3 % de leurs ressources, conformément aux recommandations du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, et de l’OCDE. Un des grands avantages d’un tel système est que l’allocation peut être versée directement aux bailleurs sociaux, c’est-à-dire qu’il permet de contourner la difficulté liée aux logements collectifs ne disposant pas de compteurs individuels et qui ne sont donc pas éligibles au fonds de solidarité pour le logement.

Par ailleurs, il avait été opposé à ma collègue Marie-George Buffet, à l’Assemblée nationale, que la date du 28 février était trop proche. Eu égard aux explications que je viens de vous apporter, vous m’accorderez que la proximité de cette échéance ne doit pas aujourd’hui poser de difficulté et servir une nouvelle fois d’excuse.

Enfin, nous insistons sur la nécessaire participation des entreprises de l’eau qui bénéficient de rentes colossales. Il s’agit bien, dans notre esprit, avec une contribution de 1 %, d’organiser non seulement la solidarité sur l’ensemble d’un territoire mais aussi une forme de péréquation et la contribution de ces entreprises. Nous devrions, avec un peu d’imagination, être capable de mettre en œuvre de telles dispositions.

Ces rentes colossales, à elles seules, justifient une contribution des entreprises qui en bénéficient à la solidarité nationale. Les inégalités de ressources ne sont pas à rechercher uniquement parmi les usagers.

Ainsi, toutes les parties doivent être impliquées dans une gestion équilibrée, démocratique, donnant lieu à une évaluation permanente, aboutissant à la constitution de projets et de maîtrise du prix de l’eau. Le xxie siècle s’est largement ouvert sur la thématique de la gouvernance environnementale, et l’eau fait clairement partie de ces biens publics mondiaux, de ces biens communs de l’humanité, qui doivent relever de la délibération démocratique.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

trois mois

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Lors des débats au Sénat, le Gouvernement s’était engagé à introduire rapidement un dispositif préventif et avait désigné le Grenelle II comme le véhicule législatif le plus adapté.

Finalement, nous notons, près d’un an plus tard, que nous n’avons pas avancé et M. le secrétaire d’État demande un nouveau délai de six mois pour présenter un rapport sur une allocation de solidarité pour l’eau.

À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a déclaré qu’il envisageait de donner corps à cette allocation dans le projet de loi de finances pour 2012. Espérerons qu’elle entrera en vigueur avant la tenue du forum mondial de l’eau, qui se tiendra à Marseille, en mars 2012. C’est un honneur pour la France d’accueillir sur son sol ce forum mondial, et elle se doit à cette occasion d’être exemplaire.

Après les débats qui ont déjà eu lieu, au vu du consensus qui se dégage sur un plafond de 3 % des revenus consacrés au budget de l’eau et compte tenu des prises de position du Conseil national de l’eau et de l’Observatoire des usagers de l’assainissement en l’Île-de-France, notre groupe considère que trois mois seront largement suffisants pour définir les modalités et les conséquences de l’application d’une allocation de solidarité pour l’eau. Trois mois au lieu de six nous permettront aussi d’adopter les dispositions législatives au plus tôt.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

afin

rédiger ainsi la fin de cet article :

que les charges liées aux consommations d'eau au titre de la résidence principale ne représentent pas plus de 3 % du revenu du ménage

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Nous l’avons déjà dit, l’article 1er de la LEMA a consacré un droit d’accès à l’eau qui est loin d’être effectif. Pour les personnes les plus modestes et dans les régions où les tarifs de l’eau et de l’assainissement sont les plus élevés, cette charge devient difficilement supportable.

D’ailleurs, les coûts de production, de distribution et de traitement ne cessent d’augmenter du fait des pollutions des masses d’eau et des investissements lourds à réaliser. Ainsi, la facture d’eau moyenne s’élèverait à environ 21 euros par mois, ce qui représente 1,6 % du revenu médian, mais 5 % du RMI-RSA.

Avec la crise actuelle et le développement de la précarité, un nombre toujours plus élevé de ménages consacrent plus de 3 % de leurs revenus pour payer leurs factures d’eau et d’assainissement. Or, le plafond de 3 % fait l’objet d’un large consensus, car il correspond à des conditions économiquement acceptables, et il a fait l’objet d’une recommandation forte des Nations unies.

Notre groupe estime donc nécessaire de préciser, dans l’article 2, que « les charges liées aux consommations d’eau au titre de la résidence principale ne représentent pas plus de 3 % du revenu du ménage ».

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les différentes voies de financement de cette allocation de solidarité pour l'eau seront étudiées.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Le Gouvernement s’engage à présenter un rapport sur une allocation de solidarité dans les six mois suivant la promulgation de cette proposition de loi et à faire aboutir ce dispositif préventif dans le projet de loi de finances pour 2012.

On pourrait dès lors considérer qu’il ne s’agit désormais que d’une question de temps. Pourtant, ce n’est pas le cas puisque la question essentielle des voies de financement de cette nouvelle allocation de solidarité de type APL – aide personnalisée au logement – n’est pas résolue et peut soulever des difficultés.

Pour l’instant, contrairement au tarif de première nécessité pour l’électricité, qui est financé par les clients d’EDF et par les entreprises, dans le domaine de l’eau, seuls les citoyens-usagers seraient mis à contribution. C’est ce que propose André Flajolet dans sa proposition de loi, qui n’a pu être introduite par voie d’amendement, mais qui a abouti à cet article 2.

Or, le choix de financer la solidarité par un accroissement des charges pesant seulement sur les usagers n’est pas acceptable au vu des bénéfices réalisés par les entreprises privées dans le secteur de l’eau. Une solution mixte doit donc s’imposer. Toutes les voies de financement doivent être étudiées pour le volet préventif du dispositif d’aide à l’accès à l’eau. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Houel, rapporteur. L’amendement n° 12, dont je comprends la motivation, présente un certain nombre d’inconvénients.

Il vise tout d’abord à préciser les axes de travail sur le volet préventif que doit étudier le rapport prévu à l’article 2. Or, ce rapport a justement pour objet d’étudier les différentes pistes possibles de mise en œuvre de ce volet, sans en privilégier aucune a priori, afin de dégager les avantages et les inconvénients, et surtout la faisabilité de chacune d’entre elles.

Si je souscris à l’idée que la charge des ménages ne doit pas dépasser 3 % de leurs ressources – et je crois que tout le monde est d’accord sur ce point –, il n’est pas forcément utile de le préciser, dans la mesure où il s’agit tout simplement d’une norme de l’OCDE.

Par ailleurs, le délai fixé par cet amendement est illusoire et ne laisse que très peu de temps au Gouvernement pour étudier sérieusement la question de la mise en œuvre de ce volet préventif. La proposition de traduire concrètement ce volet par des dispositions législatives dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 paraît plus sérieuse et plus raisonnable. Il faut laisser au Gouvernement le temps de consulter les différents acteurs concernés.

Par ailleurs, le dispositif prévoit un financement uniquement par les entreprises privées ; or ces dernières ne constituent qu’un faible nombre des opérateurs de l’eau.

J’émets donc, à regret, un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 8 vise à revenir à la disposition initialement introduite par la commission des lois de l’Assemblée nationale qui prévoyait que le Gouvernement devait remettre un rapport au Parlement sur le volet préventif dans un délai de trois mois. Ce délai a été porté en séance publique à six mois, toujours sur l’initiative du rapporteur de la commission des lois.

Il s’agit de laisser au Gouvernement le temps de mener une large concertation avec les collectivités, les fédérations représentant les opérateurs de l’eau, les organismes sociaux, en prenant en compte le présent texte – lorsqu’il sera, comme je le souhaite, adopté –, qui renforce le volet curatif du dispositif d’aide au paiement des factures d’eau pour les plus démunis.

Cette légère extension ne remettra pas en cause l’objectif de disposer d’un ensemble législatif opérationnel et exemplaire garantissant l’accès à l’eau pour tous avant le sixième forum mondial de l’eau qui se tiendra à Marseille, en mars 2012.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 9 vise à préciser que le rapport devra étudier les modalités d’une allocation de solidarité pour l’eau, afin que les charges liées à la consommation d’eau ne dépassent pas 3 % du revenu du ménage. Il appelle deux observations.

En premier lieu, il y a, me semble-t-il, un relatif consensus sur cette limite de 3 %, qui est préconisée aussi bien par le PNUD que par l’OCDE ; la mentionner, mon cher collègue, n’apporterait rien.

En second lieu, le but n’est pas de borner ni d’encadrer de manière restrictive le rapport qui nous sera rendu. Toutes les pistes devront être explorées afin d’avoir une approche la plus documentée qui soit lorsque nous examinerons les dispositions législatives nécessaires à la mise en place d’un volet préventif.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, l’amendement n° 10 vise à préciser que le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement sur la mise en place d’une allocation de solidarité pour l’eau devra étudier les différentes voies de financement.

Si, sur le fond, je ne désapprouve pas cet amendement, je considère toutefois qu’il n’apporte rien qui ne soit déjà prévu.

Il va de soi, et l’article 2 le précise, que le rapport étudiera les modalités et les conséquences de l’application d’une telle allocation. Parmi les modalités figureront, bien entendu, les différentes voies de financement.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces quatre amendements.

Sur l’amendement n° 12, madame Didier, outre le fait que la date du 28 février 2011 semble bien proche, et donc quelque peu illusoire, en introduisant un niveau régional qui n’existe pas, vous complexifiez, me semble-t-il, le dispositif.

Par ailleurs, prévoir que l’allocation sera « gérée démocratiquement au niveau régional par les usagers, les élus et des représentants de l’État et des services publics de l’eau et de l’assainissement » ne me paraît pas d’une clarté absolue ni de nature à favoriser la mise en œuvre d’un dispositif opérationnel.

L’avis est donc défavorable, ne serait-ce d’ailleurs que pour cette raison de date.

Sur l’amendement n° 8, en raison, là encore, de la réduction du délai de six à trois mois, l’avis est défavorable. Le Gouvernement a besoin de temps pour mener les consultations nécessaires à l’élaboration d’un dispositif utile et efficient, d’autant que celui-ci sera rendu applicable dans le projet de loi de finances pour 2012. Par conséquent, un délai de six mois ou de trois mois ne changerait rien quant à l’applicabilité du dispositif en question.

Sur l’amendement n° 9, je rappelle d’abord que le seuil de 3 %, qui servira de référence lors de la rédaction du rapport, est mentionné dans un rapport de l’OCDE et n’a pas fait l’objet, comme je l’ai entendu dire à plusieurs reprises, d’une recommandation forte des Nations unies. Il n’a donné lieu à aucune déclaration unanime des pays membres de l’Organisation des Nations unies ni de son assemblée générale. Relativisons donc le propos et, même si, bien évidemment, ce taux de 3 % servira de référence, il ne me paraît pas nécessaire de lui donner une portée législative.

Enfin, l’amendement n° 10, comme le rapporteur l’a souligné, est satisfait par la rédaction actuelle de l’article n° 2.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l’article 2

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Raoult, Raoul, Repentin, Rainaud, Patient, Navarro, Mirassou, Guillaume, Daunis, Courteau, Bourquin, Botrel et Teston, Mmes Khiari, Nicoux, Herviaux et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette aide peut être versée soit de façon préventive lorsqu'il est établi que la personne ne peut accéder à l'eau potable pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables, soit de façon curative lorsque la personne se trouve dans l'impossibilité d'assumer ses obligations relatives au paiement des fournitures d'eau. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles dispose que « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. »

Toutefois, ce droit à une aide a généralement été restreint à sa visée curative, c’est-à-dire à l’intervention du FSL en cas d’impayé. Or, il peut tout à fait s’entendre comme un droit à une aide en amont. Nous en sommes désormais tous d’accord et une allocation de solidarité pourrait être créée l’année prochaine !

Nous estimons qu’il convient de préciser ce droit afin que son interprétation ne soit plus aussi restrictive. Tel est l’objet de l’amendement no 7.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roland Courteau. Le rapporteur va émettre un avis favorable ! (Sourires.)

M. Michel Houel, rapporteur. Je vais émettre un avis qui donnera raison à chacun d’entre nous. (Nouveaux sourires.)

L’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit que toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau.

La mise en œuvre de cet article est assurée par la loi du 31 mai 1990 et repose sur l’intervention des fonds de solidarité pour le logement et des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale.

Si je vous comprends bien, monsieur Courteau, vous souhaitez que cette aide soit aussi mise en œuvre de façon préventive. Or, c’est précisément l’objet de l’article 2 de la présente proposition de loi, que nous venons d’adopter. Dans ces conditions, je ne puis que vous inviter à retirer votre amendement, ce qui m’évitera d’émettre un avis défavorable en séance publique, comme cela a été le cas en commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article additionnel après l’article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Mes chers collègues, comme vous l’aurez sans doute compris, nous nous abstiendrons lors de vote de cette proposition de loi, mais notre abstention sera positive. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Roland Courteau. Vous n’avez pas fait d’efforts !

M. Paul Raoult. Cette proposition de loi marque certes une avancée, mais elle ne va pas assez loin. Face à la montée de la pauvreté, il est devenu nécessaire d’intervenir afin de permettre aux ménages de régler leur facture d’eau. Il suffit d’observer le nombre de personnes qui s’adressent aujourd’hui au Secours catholique ou aux Restos du cœur, pour constater que les choses ne vont pas bien.

Notre générosité, si elle s’appliquait à 100 000 ménages, représenterait exactement, pour chaque Français, un verre de onze centilitres d’eau par jour. Et cela suffirait pour permettre à ces ménages en difficulté de faire face au paiement de leurs factures d’eau.

Pour travailler de manière précise, il nous faut mieux connaître les performances du volet « eau » des FSL. Une enquête approfondie et une approche statistique plus fine nous permettraient d’améliorer le fonctionnement du dispositif.

Il faut aussi mieux informer nos concitoyens de leurs droits. Nombre d’entre eux ignorent l’existence des FSL. Ils ne savent pas qu’ils peuvent solliciter une aide pour payer leur facture d’eau. Il conviendra, monsieur le secrétaire d’État, de mieux assurer la circulation de l’information, mission qui incombe notamment aux conseils généraux.

Il faut stimuler les conseils généraux qui aujourd’hui n’apportent que peu d’aides, faute sans doute d’avoir bien compris l’importance de ces aides pour leurs administrés.

Par ailleurs, les voies de financement doivent impliquer tous les distributeurs. Aujourd’hui, certains se font encore tirer l’oreille. Sans doute conviendra-t-il d’envisager, avec la Fédération française des entreprises de l’eau et l’ensemble des régies, des contributions particulières pour les régies, notamment pour les plus importantes d’entre elles.

Enfin, il faut prévoir une augmentation éventuelle du volume total des aides pour l’eau.

Mes chers collègues, il est devenu urgent d’agir.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Paul Raoult. C’est une nécessité si nous ne voulons plus, demain, recevoir dans nos permanences des personnes qui sont dans l’incapacité de régler leur facture, désespérées à l’idée que l’on pourrait leur couper l’eau. Dans notre société, il est devenu inacceptable qu’une personne puisse être privée d’eau.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Nous voici parvenus au terme de la discussion d’une proposition de loi qui va probablement devenir la loi Cambon ! (M. Christian Cambon sourit.)

M. Paul Raoult. Vous allez accéder à l’éternité, mon cher collègue !

Mme Évelyne Didier. Je vous le souhaite, car il est rare qu’un parlementaire accroche son nom à une proposition de loi !

Nous nous abstiendrons lors du vote…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Abstention positive ?

Mme Évelyne Didier. Tout à fait, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)

M. Roland Courteau. Nous, nous avons fait des efforts !

Mme Évelyne Didier. Nous prenons acte du fait que la référence des 3 %, bien qu’elle ne soit pas gravée dans le marbre, soit reconnue dans un rapport et dans une véritable étude.

Nous prenons également acte de la volonté du Gouvernement de commander un rapport afin de déterminer les voies de la mise en œuvre d’un volet préventif. La date du 28 février était, je le concède, un peu provocatrice, monsieur le secrétaire d’État. Mais dans la mesure où nous savions que le Sénat émettrait un vote conforme à celui de l’Assemblée nationale, nous n’avons pas affiné tous les termes de nos amendements. J’espère que vous nous le pardonnerez.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Bien volontiers, madame Didier.

Mme Évelyne Didier. En tout état de cause, cette proposition de loi traite d’une question majeure. Nous avons déjà instauré un mécanisme d’aide préventif dans d’autres domaines, l’énergie notamment. Il faut désormais faire de même pour l’eau, d’autant – nous l’avons évoqué en commission – que les normes se multiplient, et sans doute y en aura-t-il demain sur la présence de traces d’aluminium ou de médicaments dans l’eau potable.

Il nous faut donc faire un effort pour que les plus modestes de nos concitoyens ne soient pas complètement écrasés par des factures qu’ils ne peuvent supporter, pour qu’ils aient accès au droit à l’eau, qui est un droit à la vie !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les membres de mon groupe et moi-même avions, dans un premier temps, envisagé d’adopter cette proposition de loi qui semblait aller dans le bon sens. Mais notre discussion m’inspire quelques regrets.

Le regret, d’abord, que tous les amendements aient été jetés aux orties. Aucun effort n’a été fait pour que ce texte de loi soit écrit à plusieurs mains.

M. Roland Courteau. Ils n’ont pas fait d’efforts !

M. Michel Houel, rapporteur. Mais si, voyons !

M. François Fortassin. Le regret, aussi, que cette proposition de loi souffre de l’absence d’orientations stratégiques. Il est bien de permettre aux ménages les plus démunis d’avoir accès à l’eau, mais s’agira-t-il d’une eau de bonne qualité ?

M. Roland Courteau. C’est une autre question !

M. François Fortassin. Pour avoir une eau de qualité à des prix compétitifs, il faut, chaque fois que c’est possible, privilégier les eaux d’origine gravitaire, faire des captages dans des sources épargnées par la pollution. Ce système, lourd en investissement, assure un bon approvisionnement en eau pendant au moins un demi-siècle.

Dans le sud-ouest de la France, le syndicat de la Barousse, du Comminges et de la Save alimente 80 000 habitants avec un réseau de 9 000 kilomètres. Au total, 98 % de l’eau acheminée est d’origine gravitaire et certains abonnés sont à plus de 130 kilomètres des lieux de captage.

Ce qui est possible pour un petit syndicat doit a fortiori l’être également pour des syndicats d’une plus grande taille. Je ne comprends pas que des villes importantes situées à proximité des montagnes continuent à puiser dans les rivières une eau qu’elles doivent dépolluer, mais sans pouvoir en faire une eau de qualité.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, notre groupe s’abstiendra, lui aussi, de façon positive.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, j’ai écouté avec une grande attention les divers arguments qui ont été avancés sur ce sujet sensible qui nous concerne tous, consommateurs ou gestionnaires de collectivités locales.

Je tiens à rendre hommage à l’auteur de la proposition de loi, M. Christian Cambon, au président, au rapporteur et aux membres de la commission de l’économie et, d’une manière générale, à toutes celles et ceux qui ont travaillé sur cette proposition de loi.

Ce texte a le mérite d’essayer de répondre aux attentes des élus et des différents fournisseurs d’eau potable.

À la suite de mon collègue Biwer, je tiens à souligner que, dans les petites collectivités qui ne sont pas regroupées dans un syndicat, le budget annexe de l’eau, bien précieux s’il en est, est très souvent limité à l’eau potable. L’assainissement y est souvent individuel et contrôlé par le service public de l’assainissement non collectif, le SPANC.

Les petites communes sont souvent confrontées à des difficultés de recouvrement. Les percepteurs font leur possible pour obtenir le paiement des factures non réglées, mais l’accumulation des impayés, même s’il ne s’agit que de petites sommes, finit par peser sur la trésorerie de ces communes.

J’ajoute que les systèmes informatisés de relance, je pense notamment à Hélios pour le Trésor public, ne sont pas sans soulever certaines difficultés. Les maires des petites communes, souvent seuls, entretiennent souvent un dialogue suivi avec leurs interlocuteurs de proximité, notamment les trésoriers, car ils savent pouvoir compter sur l’appui des services de l’État.

Le principe d’une contribution volontaire et encadrée des opérateurs de l’eau au FSL me paraît aller dans le bon sens.

De fait, cette proposition de loi a le mérite d’avancer des solutions et de soutenir les élus locaux, dont le combat permanent requiert une mobilisation collective. L’alimentation en eau potable et l’assainissement collectif sont des services publics dans lesquels les collectivités locales investissent régulièrement.

Mes collègues du groupe UMP et moi-même voterons naturellement cette proposition de loi, qui a au moins le mérite de faire avancer les choses. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est définitivement adoptée.)

M. le président. Nous pouvons féliciter M. Cambon, auteur de ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement
 

10

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, je souhaite effectuer une mise au point en ce qui concerne le scrutin n° 139, du 25 janvier 2011, relatif aux amendements identiques no 7 rectifié, présenté par M. Gilbert Barbier et Mme Sylvie Desmarescaux, et no 21 rectifié quinquies, présenté par Mme Marie-Thérèse Hermange et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l’article 1er de la proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir : je précise que notre collègue Pierre Jarlier souhaitait voter contre ces deux amendements identiques.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Biwer. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

11

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Discussion générale (suite)

Patrimoine monumental de l'État

Adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État, présentée par Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre (proposition de loi n° 68, texte de la commission n° 237, rapport n° 236).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi et président de la commission.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 1er A (nouveau)

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi et président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture a toujours eu le souci de la sauvegarde et de la mise en valeur de notre patrimoine national. En témoigne la création, par notre ancien collègue Philippe Richert, d’un groupe d’études permanent sur ce thème, puis d’une mission d’information, en 2005, dont le rapporteur était Philippe Nachbar. La dégradation des crédits en faveur du patrimoine nous inquiétait alors et nos recommandations pour un financement pérenne ont été entendues par les gouvernements successifs. Le Président de la République a réaffirmé sa volonté dans ce domaine.

Nous sommes très attachés à la défense du patrimoine sous toutes ses formes : architectural, culturel, archéologique, mais aussi linguistique ou gastronomique, comme le montre le rapport de Catherine Dumas sur les arts culinaires, avant leur inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.

Sauvegarder le patrimoine national, cela ne veut pas dire mettre tout le patrimoine national dans la main de l’État. Il faut rappeler avec force que les élus locaux peuvent aussi avoir la passion du patrimoine national et mener une action déterminée pour le sauvegarder et le mettre en valeur.

Je suis de ces maires qui se sont battus pour que leur ville reçoive le prestigieux label « Ville d’art et d’histoire ». Ce label n’est pas décerné facilement : les contraintes sont très précises et elles doivent être obligatoirement honorées par les communes. Il ne faudrait donc pas a priori prétendre qu’il y aurait, d’une part, une préoccupation légitime qui serait du domaine de l’État et, d’autre part, un intérêt local suspect, qui concernerait les collectivités, voire le patrimoine privé.

En effet, de très nombreux Français possèdent des bâtiments historiques, et ils les entretiennent. Heureusement, car je ne sais pas comment nos collectivités locales ou l’État pourraient assurer la protection de l’ensemble du patrimoine.

Comme nos collègues Yves Dauge et Yann Gaillard, j’ai appartenu à la commission présidée par René Rémond qui s’était penchée sur la question de la dévolution du patrimoine monumental de l’État. La méthode de travail retenue avait permis de trouver un juste équilibre entre ce qui devait rester la propriété de l’État et ce qui pouvait être transféré et valorisé par une dynamique locale. Les conclusions ont été partagées sur toutes les travées de cette assemblée.

L’an dernier, dans l’article 52 du projet de loi de finances, le Gouvernement avait prévu de modifier les conditions de transfert aux collectivités territoriales pour relancer la décentralisation du patrimoine monumental de l’État. Nous avions, au cours d’un débat long et constructif, souhaité encadrer ce dispositif, dans le droit fil des recommandations de la commission Rémond, qui reste pour nous l’exemple à suivre. Le Conseil constitutionnel avait finalement censuré cet article, non pas sur le fond, mais parce qu’il le considérait comme un cavalier qui n’avait pas sa place dans ce texte.

Nous avons approfondi la réflexion à travers la constitution d’un groupe de travail, présidé par Mme Férat, sur l’avenir du Centre des monuments nationaux – auquel nous sommes très attachés –, car nous souhaitions analyser son rôle dans la politique patrimoniale de l’État et ses perspectives d’avenir. Ce rapport d’information a débouché sur la proposition de loi dont nous sommes les auteurs et que Françoise Férat vous présentera dans quelques instants. Mme le rapporteur s’est d’ailleurs investie avec passion dans ce travail.

L’actualité nous conforte dans l’idée qu’il est urgent de légiférer. Le cas de l’hôtel de la Marine met en évidence depuis deux ans les risques inhérents à des projets de cession de monuments historiques qui seraient menés sans une réflexion préalable sur le rôle de l’État et sur la cohérence de sa politique patrimoniale et culturelle.

D’ailleurs, le Président de la République a récemment annoncé, lors des vœux au monde de la connaissance et de la culture, la mise en place d’une commission indépendante pour se prononcer sur l’utilisation de cet ancien garde-meuble de la Couronne, que j’ai eu l’occasion de visiter hier avec des membres de notre commission.

Nous pensons que réfléchir en amont pour permettre éventuellement ensuite des cessions est la bonne méthode et qu’il ne faut pas inverser, dans ce domaine, l’ordre du travail. C’est l’objet de la proposition de loi que nous vous proposons aujourd’hui. Ce texte de bonne foi tend à améliorer la situation, et doit prouver à tous les Français que, plus que jamais, nous avons le souci de l’avenir du patrimoine national.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi et rapporteur.

Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi, que j’ai déposée avec Jacques Legendre, reprend l’analyse du groupe de travail sur l’avenir du Centre des monuments nationaux qu’il évoquait à l’instant. Le texte que nous examinons ce soir traduit en effet les propositions et principes que nous avions formulés dans ce rapport d’information.

Il s’agit de réaffirmer l’importance de notre patrimoine monumental : son utilisation doit être respectueuse de son histoire, de son architecture et de son rôle au regard de la mission de service public culturel.

Comme le rappelait René Rémond, certains monuments historiques appartenant à l’État incarnent la mémoire de la nation ou constituent un élément du patrimoine européen ou universel. Ce sont donc des éléments constitutifs de notre identité, de notre histoire. Leur protection doit être un impératif pour que soit transmis aux générations futures ce patrimoine inaliénable garant de la mémoire collective.

L’enjeu réside aujourd’hui dans la définition d’outils et de principes qui permettront à l’État de mener une politique patrimoniale cohérente et exemplaire : elle doit être à la fois protectrice de cet héritage inaliénable, et capable d’encourager les compétences et le dynamisme des collectivités territoriales, comme des personnes privées, ou de s’appuyer sur eux. Pour atteindre un tel équilibre, il était impératif de définir une méthode d’analyse rigoureuse, souple et objective. Nous proposons donc une approche pragmatique qui repose sur la mise en œuvre d’un principe dit « de précaution ».

Je souhaite mettre l’accent sur trois propositions du texte qui vous est aujourd’hui soumis.

Il s’agit tout d’abord d’imposer une analyse objective et scientifique en amont de toute décision de cession d’un monument historique. La création d’une instance nationale intervenant de façon systématique garantit cette approche. Le Haut conseil du patrimoine, créé par l’article 1er, est très largement inspiré de la commission Rémond, à qui avait été confiée la mission d’identifier les monuments historiques relevant du ministère de la culture et devant rester la propriété de l’État. L’objectif était de dresser la liste des monuments transférables aux collectivités territoriales. La même mission est confiée au Haut conseil du patrimoine, qui a vocation à se prononcer sur l’ensemble du parc monumental de l’État. Cela inclut donc les monuments historiques classés ou inscrits gérés par France Domaine.

La présence de parlementaires – issus notamment des commissions de la culture du Parlement – et de personnalités qualifiées telles que des historiens ou philosophes, garantira une approche objective respectueuse des enjeux culturels. Le Haut conseil du patrimoine devra fonder son analyse en reprenant notamment les critères de la commission Rémond. Ces derniers permettaient d’identifier les monuments dont l’État devait conserver la propriété : l’appartenance à la mémoire de la nation, la notoriété internationale et le rayonnement, enfin l’engagement par l’État d’importants moyens financiers ou la prise en compte de critères spécifiques de conservation ou de gestion.

L’avis de ce Haut conseil s’imposera, soit parce que la loi le prévoit – pour les transferts aux collectivités, le déclassement du domaine public des monuments cédés gratuitement, soit parce que sa légitimité sera telle qu’il sera difficile pour l’État de décider de céder un monument que cette instance n’aura pas jugé transférable. La publicité de ses décisions, que nous vous proposerons par voie d’amendement, pourra renforcer cette garantie. Sa capacité d’auto-saisine lui permettra en outre d’insuffler une dynamique et de jouer un rôle de contrôle du recours, par l’État, aux baux emphytéotiques.

Je vous proposerai d’élargir les missions du Haut conseil du patrimoine, à travers plusieurs amendements que nous examinerons ultérieurement. Il vous sera notamment proposé de lui reconnaître le pouvoir de demander à l’État d’engager une procédure de classement ou d’inscription d’un immeuble au titre des monuments historiques.

Le deuxième élément fondateur du principe de précaution est la prise en compte de la notion d’utilisation culturelle d’un monument.

Pour concilier les objectifs de protection du patrimoine de l’État et d’ouverture aux dynamiques territoriales ou privées, il était nécessaire d’envisager un critère autre que celui de la propriété du monument. C’est l’objet de la notion d’« utilisation culturelle », dont la portée est définie par l’article 2 de la présente proposition de loi : des prescriptions du Haut conseil du patrimoine, concernant par exemple l’ouverture au public ou la diffusion d’informations historiques, s’imposeront à tout propriétaire, gestionnaire ou utilisateur d’un monument. Il sera désormais possible de protéger la dimension culturelle du patrimoine monumental, sans nécessairement la lier à la propriété de l’État.

Le troisième élément que je souhaitais mettre en évidence est le dispositif qui encadre la relance de la dévolution aux collectivités territoriales.

Il me semble utile de souligner les dispositions suivantes.

Tout d’abord, seuls les monuments jugés « transférables » par le Haut conseil du patrimoine peuvent être cédés aux collectivités. Leur dépeçage est impossible. Le transfert à titre gratuit implique un véritable projet culturel.

En outre, l’information est renforcée pour que les transferts se réalisent dans des conditions satisfaisantes dans la durée. Cette amélioration de l’information passe par la convention de transfert qui impose un certain nombre de précisions, notamment l’évaluation des travaux, ou le rappel des objets ou des personnels concernés par le transfert. Il s’agit aussi de l’information des commissions compétentes du Parlement tous les trois ans.

Si une nouvelle cession est envisagée après un transfert gratuit, le texte pose les conditions d’une revente respectueuse de la vocation culturelle du monument : non seulement le déclassement du domaine public doit être autorisé par le Haut conseil du patrimoine, mais l’État peut demander la restitution du monument. Le partage du bénéfice qui résulterait d’une revente intervenant dans les quinze ans qui suivent le transfert, entre l’État et la collectivité, permettra de rassurer ceux qui craignent les éventuelles stratégies spéculatives.

Enfin, la proposition de loi réaffirme le rôle prééminent du ministre de la culture dans la dévolution, tout en respectant celui du ministre en charge du domaine de l’État.

Ces dispositions législatives offrent des garanties qui sont devenues incontournables et urgentes pour la protection de notre patrimoine monumental.

D’autres dispositions méritent bien évidemment toute votre attention.

Je pense à l’article 3 qui définit enfin le principe de péréquation sur lequel est fondée la mission du Centre des monuments nationaux depuis sa création.

Je pense également à l’introduction, dans le code du patrimoine, de la notion de patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous devons cette avancée très importante à notre collègue Ambroise Dupont, qui avait souligné les carences législatives sur ce sujet, et formulé des propositions dans son dernier avis budgétaire.

Enfin, l’article 2 bis introduit par la commission améliore la protection du patrimoine, en prévoyant la possibilité de classer des ensembles mobiliers et de prononcer des servitudes de maintien in situ.

Nous vivons un moment important, un tournant dans l’histoire du patrimoine monumental de l’État et du rôle précieux que peuvent jouer les collectivités territoriales dans la mise en œuvre d’une politique nationale cohérente, respectueuse de notre histoire et de notre mémoire.

J’entends souvent les gens réagir vivement à l’actualité, qui évoque malheureusement la menace qui pèse sur un patrimoine sur le point d’être « bradé ». Leurs réactions montrent que nombre de ces monuments historiques sont des éléments fondateurs de notre identité, de notre histoire et de notre mémoire collective.

Nous avons la chance, avec cette proposition de loi, de proposer enfin les outils qui permettront de définir une approche à la fois sereine, parce que transparente et appliquée systématiquement en amont de toute décision importante, et légitime, parce que scientifique et objective.

J’ai la faiblesse de croire que l’adoption de ce texte constituera un signal fort pour les citoyens aujourd’hui inquiets pour leur patrimoine.

C’est aussi, je l’espère, l’occasion de donner à l’État et aux collectivités territoriales, les outils qui contribueront à garantir l’exemplarité de la France en matière de protection de son patrimoine. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de me présenter devant vous pour l’examen de cette proposition de loi de Mme Férat et de la commission de la culture.

Ce texte répond à point nommé à un débat de plus en plus présent et passionné chez nos concitoyens. Les discussions sur l’hôtel de la Marine, dont vous vous êtes fait l’écho dans vos propos, Mme le rapporteur, lui donne une forte actualité.

La présente proposition de loi est l’aboutissement d’une histoire déjà assez ancienne. Elle s’inscrit dans le prolongement de la loi du 13 août 2004, qui avait organisé un premier mouvement de transfert de monuments historiques de l’État, affectés au ministère de la culture, au profit de collectivités territoriales volontaires.

Cette mesure a entraîné la cession gratuite de 66 monuments appartenant à l’État, assortie d’une compensation des charges de personnels et de fonctionnement, et d’un programme de travaux d’investissement cumulés de près de 50 millions d’euros.

La commission d’évaluation des charges, dont certains d’entre vous sont membres – notamment M. Ambroise Dupont –, a examiné en novembre 2010 le bilan de la compensation, qui a donné globalement satisfaction. Le Gouvernement doit en outre présenter un bilan qualitatif à l’issue d’un délai de cinq ans après les transferts effectifs de propriété. Ces derniers ont commencé en 2006, et six d’entre eux sont encore en cours, pour des raisons diverses essentiellement liées à des difficultés de délimitation cadastrale. Ce bilan s’appuiera sur les rapports annuels que doivent remettre chaque année les collectivités bénéficiaires.

Le ministère de la culture a pour sa part entrepris un premier travail d’évaluation, nécessairement imparfait compte tenu du peu de recul dont nous disposons. Il en ressort néanmoins un bilan positif en ce qui concerne la croissance de la fréquentation pour un certain nombre de monuments : il en est ainsi du château de Chaumont, avec une augmentation de 37 %, du château de Tarascon avec une hausse de 34 %, du Haut-Koenigsbourg, qui était déjà très fréquenté, avec une hausse de 5 %, du cloître de Notre-Dame en Vaux à Châlons-en-Champagne, avec une augmentation record de 88%.

De telles hausses sont le fruit d’un effort significatif des collectivités concernées afin d’améliorer les conditions d’ouverture au public. Je salue leur engagement et leur réussite, qui sont de très bon augure pour l’avenir.

Mais d’autres monuments peinent à enregistrer de tels résultats. La mise en œuvre de leur projet culturel n’est parfois pas achevée. Sans préjuger de ce bilan sur la durée, il me paraît donc nécessaire, comme aux auteurs de cette proposition de loi, de faire mieux qu’en 2004. Je ne doute pas qu’ensemble nous y parviendrons, nous qui, entre État et collectivités, partageons une ambition commune pour l’ensemble de notre patrimoine.

La proposition de loi que vous présentez aujourd’hui est également le fruit de plusieurs tentatives récentes qui n’avaient pas abouti. Il leur manquait, en effet, l’indispensable travail de réflexion préalable que Mme Férat a mené pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication au cours du premier trimestre 2010 et dont j’ai pu prendre connaissance avec le plus vif intérêt.

Sur le plan méthodologique, ce rapport, unanimement salué, était une étape indispensable pour la conception d’un dispositif de transfert cohérent et fructueux. Ce dispositif s’inspire de la loi de 2004 ; il traite cependant d’un champ patrimonial beaucoup plus vaste, puisque c’est cette fois à l’ensemble du patrimoine de l’État que vous avez souhaité vous intéresser et c’est tout à fait louable. Il fallait donc remettre ainsi à plat l’ensemble des questions.

Ce travail préalable s’avérait également indispensable en ce qui concerne la place et le rôle de l’État en tant que gardien du patrimoine de la nation, ses relations avec les collectivités territoriales, leur partenariat indispensable pour la conservation de notre patrimoine en général, son utilisation intelligente au bénéfice de tous. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans la loi qui va organiser et encadrer le processus de transfert des monuments. À la différence de 2004, ce dispositif s’inscrit dans la durée, puisqu’il n’est pas soumis à des conditions de délai.

Je tiens donc à remercier la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, M. le président Legendre et Mme Férat, d’avoir imposé ce préalable à la préparation du texte de loi que nous examinons ce soir. Nous disposons ainsi du confort et de la profondeur de vue nécessaires pour en approuver l’équilibre général.

Je tiens à le dire une fois encore : pas plus qu’en 2004, il ne s’agit d’une braderie du patrimoine de l’État, nous ne vendons pas l’argenterie de famille. L’objectif est de faciliter, pour les collectivités territoriales qui le souhaitent, la réutilisation des monuments de l’État, dont ce n’était pas toujours la destination, pour créer ou développer des équipements culturels. Tous les monuments protégés de l’État sont potentiellement concernés, soit 1 750 monuments environ, d’une grande variété de formes, d’usages, de potentialités. Il s’agit non pas de se désengager, mais de favoriser la conservation et la mise en valeur partagées de notre patrimoine, avec l’objectif commun de le rendre accessible au plus grand nombre, de le mettre au service du développement culturel de notre territoire, afin d’initier, partout, toutes les générations à cette richesse dont notre pays peut être à juste titre très fier.

Ce qui est ici essentiel, c’est le maintien du principe contractuel et partenarial de 2004, entre la collectivité, qui fait une démarche volontaire de demande de cession, et l’État, qui propose aux collectivités les monuments dont il n’a plus l’usage ou qu’il souhaite transférer. Ce partenariat est au cœur de ce dispositif et je ne conçois pas qu’il puisse en être autrement.

L’un des points forts de cette proposition de loi, c’est la création d’un Haut conseil du patrimoine, permanent, associant élus, experts en architecture, historiens et historiens d’art, et représentants de l’administration, sur le même principe que la commission animée par le professeur Rémond en 2003 et 2004. Inspiré de la notion de « principe de précaution patrimoniale » défini dans le rapport d’information préalable à cette proposition de loi, le Haut conseil aura un rôle clé pour assurer la pertinence des transferts et des cessions onéreuses, afin d’éviter les polémiques incessantes sur fond de favoritisme supposé ou de désengagement de l’État.

C’est en effet au Haut conseil qu’il revient d’apprécier, pour chaque monument dont la cession est envisagée, sa place dans le patrimoine national et l’opportunité de le céder, soit à titre de transfert gratuit s’il est souhaitable qu’il fasse l’objet d’un projet culturel, soit à titre onéreux dans les autres cas. Il lui reviendra également d’évaluer, en liaison avec la Commission nationale des monuments historiques, les contraintes spécifiques à chaque monument dans son utilisation future, ainsi que la qualité du projet culturel présenté à l’appui d’une demande de transfert gratuit. Remettre ainsi la dimension culturelle au cœur de la procédure de transfert est une préoccupation à laquelle je ne peux qu’adhérer et c’est pourquoi j’approuve pleinement la création du Haut conseil du patrimoine telle que vous la proposez.

Il pourra s’avérer qu’aucune collectivité ne souhaitera reprendre pour un projet culturel un monument identifié par le Haut conseil comme transférable gratuitement à ce titre. Je tiens à dire que, dans ce cas, il ne me paraît pas inconcevable que sa cession à titre onéreux pour un usage non culturel, mais néanmoins respectueux du monument, puisse être réalisée. La réutilisation des monuments non valorisés est, en effet, une de mes priorités. Elle s’inscrit dans une démarche de développement durable à laquelle mon ministère est attaché. Elle permet aussi d’assurer la conservation d’un monument par la pérennité de son usage. Elle permet encore d’en permettre l’accès à des publics, qui sans cette réutilisation n’y auraient peut-être jamais pénétré. Créer une école, des logements étudiants, un service administratif d’accueil dans un monument historique, c’est aussi une manière louable de replacer notre patrimoine au cœur de la société et de le rendre ainsi à la fois accessible et utile aux missions de service public.

Je tiens à dire que les monuments cédés à titre onéreux pour des usages non culturels ne seront évidemment pas négligés pour autant par les services centraux et les services déconcentrés de mon ministère. Comme pour tous les monuments historiques, mes services auront pour tâche de veiller à la compatibilité des travaux à entreprendre avec la qualité du monument, son histoire, ses caractéristiques architecturales. Ils pourront également apporter, en cas de besoin, leur expertise dans le choix du projet de réutilisation. Le ministère de la culture et de la communication accorde depuis longtemps une grande importance à la recherche de réutilisations intelligentes des monuments ; les perspectives qu’ouvre cette proposition de loi pour les collectivités territoriales sont à cet égard très stimulantes.

J’approuve, par ailleurs, les orientations du texte relatives aux collections et au non-morcellement des ensembles immobiliers lors des opérations de transfert. J’approuve encore pleinement la disposition rendant possible un retour gratuit du monument à l’État en cas d’échec du projet culturel, qui pourra être prévue spécifiquement dans le cadre de la convention de transfert.

La commission a également complété le texte d’origine par deux dispositions concernant les objets présents dans les monuments, afin d’éviter leur dispersion et favoriser leur maintien in situ. C’est une heureuse initiative, dont je me réjouis évidemment.

Le Haut Conseil a enfin pour mission de donner un avis de conformité sur le déclassement du domaine public, afin de pouvoir opérer des cessions à titre onéreux, d’un monument acquis à titre gratuit par une collectivité territoriale en application de cette loi. Là encore, le rôle de garde-fou donné au Haut conseil ne peut qu’être approuvé et la publicité de ses avis, que je m’engage à prévoir dans le décret d’application, sera le meilleur garant de son autorité morale.

Je souhaite, en conclusion, faire remarquer que les années récentes ont à plusieurs reprises donné lieu à des dispositifs de transfert de monuments ou de biens de l’État à titre gratuit, pour des raisons conjoncturelles liées à des mesures de décentralisation – statut de la collectivité territoriale de Corse en 2002, loi de décentralisation de 2004 – ou pour compenser la réorganisation de la carte militaire. Mais la proposition de loi que nous examinons ce soir, et c’est là l’un de ses apports les plus fondamentaux, est la première qui en organise la possibilité raisonnée et organisée dans la durée, pour des motifs culturels et dans un souci de développement équilibré du territoire.

À cet égard, les statuts du Centre des monuments nationaux sont précisés, afin que l’on inscrive dans ses obligations la répartition équitable de ses moyens entre les monuments dont il a la charge. Cette obligation vient ainsi consacrer le principe de mutualisation des ressources : parmi les monuments relevant du Centre des monuments nationaux, ce sont les plus fréquentés, comme l’Arc de triomphe, le Mont-Saint-Michel, la citadelle de Carcassonne, les tours de Notre-Dame de Paris ou encore le Panthéon, qui financent les moins fréquentés.

Je tiens à remercier la commission, à l’instar d’ailleurs de la Cour des comptes dans son récent rapport, d’avoir ainsi souhaité renforcer la structure et le rôle du Centre des monuments nationaux, institution centenaire, exemplaire dans son action de valorisation et de diffusion du patrimoine. C’est là aussi un signe supplémentaire dans cette proposition de loi : le caractère transférable des monuments, ainsi réactivé, n’a rien à voir avec de la braderie. Il s’agit bien au contraire d’une réaffirmation, par la loi, du rôle de l’opérateur de l’État dans le domaine de son patrimoine. Cela atteste, s’il en était besoin, du fait que vous tenez à renforcer le patrimoine dans le rôle clef qu’il doit jouer pour le développement économique de nos territoires. Cette conviction, vous le savez, je la partage pleinement avec vous.

Il s’agit au fond d’optimiser la gestion du domaine public des monuments historiques, dont nous partageons la responsabilité avec les collectivités territoriales. Le Gouvernement approuve donc cette proposition de loi dans son équilibre général, son esprit et ses dispositions. Les amendements que nous avons déposés sont mineurs et vous seront présentés au fil de l’examen du texte.

Je tiens à saluer, pour finir, l’insertion, en tête de la proposition de loi, d’une disposition relative au patrimoine inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette disposition vise à affirmer l’obligation de tenir compte, dans les politiques d’urbanisme et d’aménagement, du patrimoine culturel en général et en particulier de la valeur universelle exceptionnelle des biens inscrits à l’UNESCO. Cette mesure, M. Ambroise Dupont l’avait suggérée en conclusion de son rapport sur le budget de la culture ; elle est maintenant prise en compte et j’en remercie Mme Férat. Cette initiative vient, en effet, pallier une lacune de notre législation, qui ne tire jusque-là aucune conséquence particulière du classement d’un bien au titre du patrimoine mondial, et qui renvoie pour sa protection aux dispositifs habituels en matière de protection du patrimoine et des sites.

Affirmer la nécessité de tenir compte de nos obligations et de nos engagements internationaux en la matière jusque dans les documents d’urbanisme, c’est aussi se mettre en cohérence avec la loi Grenelle II, dont les dispositions sont marquées d’un souci constant de lier patrimoine, développement durable et bien public. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je dois attirer votre attention sur le fait que nous devons impérativement clore nos travaux à minuit car la séance de demain matin doit ouvrir à neuf heures.

Par conséquent, afin que la proposition de loi puisse être adoptée aujourd’hui, j’appelle chacun d’entre vous à respecter le temps de parole qui lui est imparti.

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l’avenir du patrimoine monumental de l’État n’est, bien sûr, pas nouvelle. Elle se pose aujourd’hui avec d’autant plus de force que l’actualité donne à chacun à réfléchir de nouveau sur ce sujet.

La proposition de loi que nous examinons traite plus particulièrement du cas de la dévolution de ce patrimoine historique aux collectivités territoriales. Elle fait suite à un débat entamé depuis plusieurs années. Dès 2003, on a commencé à s’interroger sur l’opportunité de transférer la propriété de certains monuments historiques appartenant à l’État. À l’époque, ce processus suscitait déjà des inquiétudes.

Nous avons tous constaté cependant que les collectivités locales ont dans la plupart des cas une vision dynamique du patrimoine. Tout ce qu’elles ont entrepris, vous l’avez souligné à l’instant, monsieur le ministre, elles l’ont réussi ;…

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Plancade. … elles ont même, de ce point de vue, montré quelque peu l’exemple à l’État.

M. Roland Courteau. C’est vrai également !

M. Jean-Pierre Plancade. C’est la raison pour laquelle l’année dernière, à l’occasion des débats sur la loi de finances pour 2010, le sujet est revenu sur le devant de la scène. Le dispositif alors adopté n’était pas satisfaisant et a de toute façon été censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est alors saisie de la problématique et a rendu un excellent rapport d’information sous l’autorité de Mme Férat, adopté, je tiens à le rappeler, à l’unanimité. Puis, poursuivant la logique de ce rapport et le consensus qui s’est dégagé, mes éminents collègues Françoise Férat et Jacques Legendre ont déposé cette proposition de loi, qui, je l’espère, sera adoptée.

Ce texte prend une résonance, bien sûr, particulière dans la mesure où il intervient à un moment où l’État envisage de se séparer de l’hôtel de la Marine, ce qui a donné naissance à une polémique bien réelle. Et pourtant, l’arrivée de ce texte n’est évidemment pas liée à cette affaire, je tiens à le souligner. D’ailleurs, si les propositions formulées avaient déjà été adoptées, le problème de l’hôtel de la Marine ne se serait pas posé dans les mêmes termes, …

Mme Françoise Férat, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Pierre Plancade. … d’où la nécessité absolue de ce texte.

Je constate également que tous les membres de notre assemblée, toutes tendances politiques confondues, souscrivent globalement à l’idée directrice de ce texte.

En effet, tout le monde s’accorde à dire que ce n’est pas parce que certains monuments historiques ne servent que de bureaux qu’ils doivent être traités comme n’importe quelle propriété immobilière, ce qu’ils ne sont pas ! Il faut donc en réglementer strictement tout processus éventuel de dévolution. D’ailleurs, tout le monde sait bien ici qu’il s’agit avant tout pour l’État d’un problème de moyens.

En effet, la situation des finances publiques est telle que je comprends la légitime interrogation de l’État sur l’entretien de ce patrimoine, qui représente bien sûr un coût important. Mais je m’interroge sur le manque de prospective et sur la façon dont ces monuments ont été gérés au cours des vingt dernières années.

Depuis longtemps, nous constatons que les budgets de l’État sont de plus en plus contraints. Cette situation aurait dû mettre en éveil tous ceux qui ont la responsabilité de ces monuments et les inciter à trouver de nouvelles sources de financement pour bâtir, autour de ces bâtiments, un programme bien entendu culturel, mais s’appuyant sur un projet économique, voire à inventer un nouveau modèle économique pérenne. On peut penser, par exemple, à un partenariat public-privé. Recourir à un tel modèle aurait évité que nous ne nous retrouvions parfois placés devant une alternative dramatique, à savoir la vente ou la détérioration du bâtiment. Certes, je force quelque peu le trait, mais cela a pu se produire.

La crise n’a fait qu’amplifier ce phénomène. On ne doit pas pratiquer la politique de l’autruche : pour faire vivre ces bâtiments, il faut des moyens. Plus on attend, plus on attendra, plus cela coûtera cher, et moins l’État aura les moyens !

Il est donc urgent de trouver de nouvelles solutions pour permettre l’entretien, la sauvegarde, le développement et l’animation de l’activité culturelle autour du patrimoine monumental de l’État. Mais, bien sûr, cela ne peut pas et ne doit pas se faire n’importe comment ni à n’importe quel prix.

Tel est d’ailleurs le sens de cette proposition de loi, qui constitue une avancée formidable, notamment en ce qu’elle crée le Haut conseil du patrimoine.

Le patrimoine monumental de l’État pourra être transféré, mais de façon encadrée, et ce sous la surveillance de ce conseil. Cette nouvelle instance aura pour mission d’apprécier le caractère transférable des monuments historiques, inscrits ou classés, et de formuler, pour chacun d’eux, des prescriptions, notamment en matière d’ouverture au public et de diffusion de l’information relative au monument. L’intégrité des monuments sera ainsi protégée, et ce d’autant que le texte prévoit expressément l’interdiction du « dépeçage » des monuments historiques, jusques et y compris du mobilier attaché à tel ou tel type de bâtiment, ainsi que vous l’avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre.

Il était, en effet, nécessaire de bien encadrer les conditions dans lesquelles des monuments du Centre des monuments nationaux, le CMN, sont cédés à des collectivités territoriales ou à des particuliers pour faire en sorte, d’une part, que les collectivités en fassent, à leur tour, un usage culturel et, d’autre part, que ce transfert ne déséquilibre pas le CMN.

À cet égard, l’introduction, dans le code du patrimoine, de la notion de péréquation est un autre apport fondamental de ce texte. Raison d’être du Centre des monuments nationaux, 0 comme de la Réunion des musées nationaux, il est bon que ce principe figure dans la loi.

Le travail en commission a été très productif : les amendements adoptés enrichissent le texte et contribuent à rassurer les collectivités territoriales, grâce notamment à leur participation au Haut conseil du patrimoine.

De plus, je tenais à saluer l’introduction, dans ce texte, d’une référence au patrimoine mondial, classé par l’UNESCO. Les collectivités devront désormais être clairement averties des responsabilités qui leur incombent pour ces monuments.

Pour aller encore un peu plus loin dans la logique de protection de notre patrimoine monumental, j’ai déposé, avec ma collègue Françoise Laborde et les membres du groupe du RDSE, un amendement relatif au patrimoine monumental de l’État français situé à l’étranger, et je me félicite qu’il ait été adopté en commission.

En résumé, nous ne nous réjouissons pas bien sûr de la vente du patrimoine national. Nous regrettons d’ailleurs que, depuis vingt ans, on ait laissé faire les choses, alors que la situation financière était parfaitement prévisible. Nous regrettons aussi que nous n’ayons pas cherché un modèle économique pérenne permettant de faire vivre culturellement et économiquement ce patrimoine, et ce pour le plus grand bien de tous.

Toutefois, nous nous réjouissons évidemment de ce texte, qui est de nature à protéger notre patrimoine et à accélérer la réflexion sur la dynamisation ou la redynamisation des monuments nationaux. Il représente un tournant positif ; il montre le chemin et constitue un signal fort en direction de nos concitoyens et en faveur de la protection de notre patrimoine.

C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE, y compris les radicaux de gauche, ont décidé à l’unanimité d’apporter leur soutien à ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État ne semble pas, à première lecture, soulever un grand courroux. En effet, le travail accompli à partir du rapport d’information de Mme Françoise Férat intitulé « Au service d’une politique nationale du patrimoine : le rôle incontournable des monuments nationaux », déposé le 30 juin 2010, vise à assurer la sauvegarde du patrimoine monumental.

Cependant, elle ne saurait non plus susciter notre acquiescement tant elle ne permet pas, malgré ses intentions, d’enrayer la colère légitime provoquée par l’article 52 de la loi de finances pour 2010, qui relançait le transfert du patrimoine monumental de l’État vers les collectivités territoriales, sans restrictions et sans limite de temps, un article que la majorité du Sénat avait malheureusement adopté.

Si je suis satisfait que le Conseil constitutionnel ait censuré cet article, chacun sait qu’il l’a fait en raison de sa forme « cavalière » et non de son contenu.

L’État n’était pas content et voulut reprendre la main, comme en témoignent les six amendements qui nous ont été présentés ce matin et qui concernent les finances, dans la partie tant fonctionnement qu’investissement, les personnels, le Haut conseil du patrimoine, et, me semble-t-il, un cavalier, les DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, et les SDAP défunts, les services départementaux de l’architecture et du patrimoine.

Or il trouva sur son chemin le rapport de Mme Férat, qui, à l’évidence, ne considère pas que la question des monuments nationaux, du point de vue de la propriété, se résume au seul droit commun : j’achète ! Je vends ! J’achète ! Je vends librement, comme dans les affaires !

Pour ma part, l’art – et les monuments nationaux en font partie ! – n’est pas une marchandise comme les autres ; il a une spécificité incontournable. Le rapport de Mme Férat aborde cette spécificité en appliquant le principe de précaution : en principe, on peut vendre, mais la vente est encadrée. Ma position part de cette spécificité, mais dans un sens inverse : on ne peut pas vendre par principe, d’où la notion d’inaliénabilité à inscrire dans la loi, avec de possibles dérogations très encadrées.

La préparation de cette future petite loi, qui, les jours passant, se fait grande, est, au surplus, fortement marquée par son contexte d’élaboration, véritablement inquiétant. Une proposition de loi trouvant son origine dans une loi de finances, ce n’est pas le fruit du hasard ! C’est porteur de sens. C’est une réactivation du transfert de la propriété des monuments nationaux de l’État vers les collectivités territoriales, sans référence à leur autonomie, comme dans la loi de 2004 sur les premiers transferts.

Aujourd’hui, c’est sous le seul angle budgétaire – alléger les finances de l’État – que sont envisagés les transferts. Peu importe que les collectivités locales, qui ont tant et si bien fait pour les monuments, n’aient plus les moyens de faire face et risquent d’être mises dans l’obligation par le Gouvernement de sacrifier certains monuments nationaux. C’est potentiellement le feu vert à leur braderie ! Et c’est déqualifier ainsi une grande tradition, dont il n’est pas question de faire table rase !

Songez à ce qu’il faut appeler « l’inadmissible scandale de l’hôtel de la Marine », que des historiens, Jean-Noël Jeanneney, Jacques Le Goff, Pierre Nora, Alain Decaux, Mona Ozouf, Régis Debray, Michel Winock, Olivier de Rohan-Chabot, le président de l’association des Amis de l’hôtel de la Marine, ou encore Edouard Balladur ont condamné. Je suis avec eux, et plus encore depuis la visite, avec quelques sénateurs, aux engagements pluralistes, que nous avons pu faire, hier, place de la Concorde, à Paris.

Comme la vente possible des monuments historiques choque, a été inventée une vente que l’on peut qualifier de « masquée », au travers des baux emphytéotiques administratifs adoptés en juillet 2010 à cet effet, au détour de la loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. Ainsi sont méthodiquement mis en place tous les moyens de céder la responsabilité financière, mais aussi l’utilisation et l’affectation à des opérateurs privés peu soucieux de l’intérêt général.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jack Ralite. Grâce à ce subterfuge juridique, l’hôtel de la Marine, lieu chargé d’histoire, pourrait être transformé pendant une durée de 99 ans, en hôtels de luxe, restaurants, galeries d’art et autres magasins !

M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jack Ralite. À cet égard, quelques interviews de ceux qui le souhaitent ont été publiées dans la presse, dans son ensemble.

Même si la propriété demeure d’État, comme l’a indiqué le président Nicolas Sarkozy, avec le bail emphytéotique administratif, l’affectation et la gestion du monument ne relèvent plus de l’État ni des collectivités territoriales.

M. Jack Ralite. Alors que l’inaliénabilité des monuments nationaux ne figure pas dans le code du patrimoine, la loi a pour conséquence de consacrer légalement la possibilité d’aliénation, tout en ayant l’air de l’encadrer. Difficile, à ce propos, de ne pas se rappeler l’étymologie latine du verbe « aliéner », qui signifie « rendre autre » ou « rendre étranger ». René Char dirait : « C’est la supercherie qui relate la fatigue du siècle. »

Permettez-moi d’apporter deux éclairages justifiant ma distance au fur et à mesure de l’analyse de la proposition de loi.

Premièrement, la création d’un Haut conseil du patrimoine est une bonne chose : il établira, certes, la liste des monuments transférables, mais n’a pas le pouvoir de s’opposer à un quelconque transfert. Le ministre peut donc outrepasser son avis. Nous pensons que ce conseil devrait être saisi sur l’ensemble des questions et devrait donner un avis conforme.

Deuxièmement, le transfert vers les collectivités territoriales est gratuit lorsqu’un projet culturel est établi. Mais que doit-on entendre par obligations « culturelles » ? Certains peuvent malheureusement se satisfaire du minimum : ouverture au public lors des Journées du patrimoine...

Voilà deux réticences à l’adoption de cette proposition de loi, qui deviennent, au gré des jours, des convictions. Je le dis avec force, même si je suis satisfait de l’existence de l’article 3, encore perfectible, relatif au Centre des monuments nationaux.

En effet, avec cet article, on inscrit dans le code du patrimoine la notion de péréquation, de juste répartition des moyens de fonctionnement entre les monuments les plus connus, souvent dits « rentables », et les autres, non moins beaux et aux murs pareillement frottés d’histoire, mais plus éloignés de la convoitise touristique.

Avec cette loi, les monuments, comme bien d’autres secteurs, ne sont plus qu’une variable d’ajustement des contraintes budgétaires. L’État s’est engagé dans l’accroissement de la vente de son patrimoine via France Domaine, afin de contribuer à la réduction du déficit budgétaire.

M. Jack Ralite. Éric Woerth l’a confirmé au Figaro, le 4 janvier dernier, en justifiant la vente d’un terrain de la forêt domaniale de Compiègne : « Cette vente doit être replacée dans son contexte : celui de la politique immobilière de l’État, que j’ai complètement renouvelée avec l’accord du Président de la République et du Premier ministre lorsque j’étais ministre du budget. [... ] France Domaine est le bras armé de cette politique aux objectifs ambitieux [...]. La vente de la parcelle [...] s’inscrit pleinement dans ce cadre. »

Cette proposition de loi n’est, au fond, que l’affirmation d’une grave tendance à la dissolution, voire à la disparition des missions de service public de l’État dans le patrimoine national, au profit d’une gestion et/ou d’une possession privée. C’est une application du rapport Jouyet-Lévy, qui refait curieusement surface, après avoir cheminé clandestinement, et dont j’ai d’ailleurs retrouvé une mise en perspective juridique, économique et politique, « une recomposition des attributions gouvernementales », dans un article d’Olivier Henrard, tout nouveau conseiller culturel de Nicolas Sarkozy, publié dans le numéro d’octobre 2010 des Cahiers de la fonction publique et de l’administration.

Pour conclure, je citerai Jacques Rigaud, qui, dans les conclusions de son rapport sur l’inaliénabilité des collections publiques des musées, publié le 20 janvier 2008, et soutenu alors par Mme Albanel, qui l’avait missionné, affirmait : « Avant de parler de sa valorisation économique, songeons que ce bien commun est au cœur même de ce que l’on a longtemps appelé “le génie de la France”. En une époque où tout est chiffres, se vend, se paie et se mesure, n’oublions pas les folies, les rêves, les caprices et les extravagances à qui nous devons cette fabuleuse richesse matérielle et immatérielle. Il ne faudrait pas commettre l’erreur de réduire l’exigence d’une gestion modernisée de ce trésor à des pratiques ou à des recettes commerciales, si recommandables que puissent être certaines d’entre elles, dès lors qu’elles sont des moyens et non des fins. »

C’est pourquoi le groupe CRC-SPG ne votera pas cette proposition de loi. Personnellement, je ne le ferai pas en raison de mon attachement aux monuments historiques, attachement que je partage avec des centaines de milliers de Français et d’étrangers qui s’y pressent au gré des jours, mais aussi en tant que membre heureux du CMN que je fus. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord, de rendre hommage à M. le président de la commission de la culture et à Mme Françoise Férat pour leur engagement et le travail qu’ils accomplissent en faveur du patrimoine. Chacun connaît la passion avec laquelle Jacques Legendre s’investit dans cette mission, et je rappelle que la commission de la culture a adopté à l’unanimité le rapport d’information établi par Mme Férat.

Monsieur le ministre, nous sommes tous derrière vous, même certaines fois devant vous (Sourires), en tout cas toujours avec vous. Toutefois, nous nous sommes fortement inquiétés de la dérive observée depuis 2004 dans le dossier géré à l’origine, avec une certaine rigueur, par M. René Rémond, et auquel nous avons été un certain nombre à collaborer.

Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, il est légitime et opportun que l’État se tourne vers les collectivités locales, et réciproquement, pour assurer des responsabilités partagées et gérer un certain nombre de monuments. Dans ma région, c’est la propriété du château de Chaumont-sur-Loire qui a été transférée avec succès. Pour ma part, comme mes collègues, je suis partisan de transférer, lorsque c’est possible, la propriété du patrimoine monumental de l’État vers les collectivités. C’est clair et net.

Toutefois, je vous l’indique d’ores et déjà, nous avons déposé un amendement visant à prévoir que les collectivités ne pourront pas revendre ce patrimoine. Nous ne sommes cependant pas opposés à ce qu’elles puissent le rendre à l’État au cas où elles n’en voudraient plus. Mais nous nous méfions des situations intermédiaires impliquant une revente des biens.

Au demeurant, nous pensons que tout monument historique cédé à une collectivité doit faire l’objet d’un projet culturel.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Yves Dauge. Sinon, nous ne voyons pas l’intérêt d’un tel transfert de propriété. En vertu de ce principe, nous proposons d’exclure les ventes à titre onéreux, en ne retenant que les cessions gratuites associées à des projets culturels. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, notre position est conforme à ce que vous souhaitez.

Toutefois, nous prévoyons une limite, afin d’éviter les dérives que vous avez constatées comme nous, monsieur le ministre. Ces derniers temps, nous nous sommes aperçus que vous étiez revenu sur la scène, pour mettre de l’ordre. Disons-le franchement, certains services de l’État n’ont pas du tout la même approche que vous ! À l’origine, il s’agissait en effet d’un partenariat entre l’État et les collectivités locales. Or nous avons assisté à l’irruption d’un certain nombre d’opérateurs désireux de développer des projets qui n’ont rien de culturel, puisqu’ils sont essentiellement commerciaux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De vrais projets commerciaux !

M. Yves Dauge. Eu égard à la valeur de nos monuments – certains, plus particulièrement, sont des symboles historiques –, il est bien évident que nous ne pouvons pas les céder, y compris dans le cadre de baux emphytéotiques. L’État doit rester maître chez lui !

Bien entendu, il est possible de conclure des partenariats avec des entreprises privées, comme c’est le cas pour le musée du Louvre, qui a octroyé des concessions à des boutiques, des restaurants… Nous ne sommes pas intégristes, nous sommes raisonnables. Mais nous pensons que l’État doit rester maître chez lui dans un certain nombre de lieux inaliénables, comme il ressort des propos qu’a tenus Jack Ralite tout à l’heure et des travaux sur le patrimoine mobilier qui émanent de l’éminent haut fonctionnaire auquel vous pensez tous, Jacques Rigaud.

Si des dérives sont à déplorer, vous prétendez – j’espère que c’est vrai ! – qu’il n’y a eu aucun bradage. Vous en êtes convaincu, et je pense que le ministère de la culture n’a pas souhaité s’engager dans une telle voie. Toutefois, votre ministère – excusez-moi de le dire – occupe une place relativement faible dans le jeu politique. Je ne parle pas de vous personnellement, monsieur le ministre, qui portez un nom qui vous honore. Il n’empêche que le ministère de la culture est fragilisé, et je me réfère à cet égard aux paroles d’un ancien ministre du budget qui ont été citées tout à l’heure.

J’ose le dire, il existe une politique du pire, de bradage de notre patrimoine, qui n’a rien à voir avec un partenariat avec les collectivités locales. Je ne cherche pas à vous choquer, mais nous ne sommes pas là pour nous cacher derrière une vérité que tout le monde connaît ! Car l’opinion est extrêmement sensibilisée ! Le réseau des grandes associations de sauvegarde du patrimoine, que vous connaissez, appelé G8 Patrimoine, s’est mobilisé. Il nous abreuve de messages : « Halte au bradage ! » Dans un tel contexte, cette proposition de loi est la bienvenue.

Nous avons déposé des amendements tendant à « durcir » quelque peu le texte. Si vous les acceptiez, nous pourrions nous entendre, mais je n’ai pas l’impression que tel sera le cas ! (Sourires.) Cela ne nous empêchera pas de continuer à soutenir la volonté de l’État que vous incarnez, monsieur Frédéric Mitterrand. Je souhaite que vous réussissiez à l’imposer à ceux qui n’ont malheureusement pas la même vision des choses.

Je salue d’un mot notre collègue Ambroise Dupont, qui est à l’origine de l’excellente proposition visant à inscrire dans la loi la notion de patrimoine mondial. Une telle disposition se révélera utile, mais je ne préciserai pas dans quel cadre.

À la suite de la discussion très agréable que nous avons eue ce matin en commission, je peux dire que les positions des uns et des autres ont évolué, malgré deux ou trois points de blocage. Cela ne nous empêchera pas de nous tenir à vos côtés dans ce combat.

M. Jean-Pierre Plancade. Et vous n’allez pas voter cette proposition de loi ! C’est incroyable !

M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, inutile de vous dire que nous comptons beaucoup sur vous, dans cette affaire et dans bien d’autres. La commission de la culture vous soutient en effet bien souvent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier.

M. Pierre Bordier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, veuillez m’excuser par avance des inévitables redites que je serai amené à faire.

Notre patrimoine est une richesse qui doit être préservée, entretenue, restaurée et mise en valeur. Aussi faut-il veiller à ce qu’il en soit toujours ainsi lorsqu’il change de propriétaire, et notamment lorsqu’il est cédé par l’État à des collectivités locales.

Il est intéressant que les collectivités s’impliquent, car elles perçoivent alors tout l’intérêt d’un patrimoine bien mis en valeur pour le développement de leur territoire. La dévolution est également avantageuse pour l’État, lequel rencontre des difficultés pour assurer la conservation et la restauration de l’ensemble du patrimoine national. Encore faut-il l’encadrer, afin qu’elle soit véritablement respectueuse du patrimoine et de sa vocation culturelle.

La démarche avait été engagée en 2004. Le ministère de la culture avait alors confié à une mission présidée par René Rémond le soin d’établir, parmi les monuments détenus par l’État, ceux qui pourraient faire l’objet d’un transfert à des collectivités locales volontaires. Cette faculté était ouverte pour une période d’un an. Elle a conduit à la décentralisation d’une soixantaine de monuments.

Par la suite, dans un avis du 22 octobre 2008 sur les politiques de conservation du patrimoine monumental, le Conseil économique, social et environnemental a estimé qu’il y avait lieu d’engager une nouvelle réflexion sur ce sujet.

Celle-ci n’a cependant pas été menée. Aussi, lorsqu’est intervenu l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010 visant à relancer la dévolution, la commission de la culture s’est inquiétée de l’absence de bilan de la première vague de transferts. Finalement, l’article concerné fut considéré comme un cavalier budgétaire par le Conseil constitutionnel et censuré.

Cependant, l’idée d’une relance de la dévolution était toujours d’actualité. À la suite de cet épisode, notre commission a conclu à la nécessité d’encadrer le processus de dévolution de précaution, afin de garantir la cohérence de la politique patrimoniale nationale.

M. le président Jacques Legendre décida la création d’un groupe de travail, auquel j’ai participé avec le plus grand intérêt. Le rapport d’information qui s’est ensuivi a formulé plusieurs propositions, que nous retrouvons dans la présente proposition de loi. Je tiens à souligner qu’elles ont été adoptées à l’unanimité par les membres de notre commission.

Le texte que nous étudions aujourd’hui est une étape primordiale dans le mouvement de décentralisation de notre patrimoine monumental. Il introduit en effet plusieurs grands principes.

Tout d’abord, il vise à créer un Haut conseil du patrimoine, qui appréciera le caractère transférable des monuments historiques. Il les identifiera de façon systématique et rigoureuse, appréciant par exemple leur appartenance à la mémoire de la nation, leur notoriété internationale, l’engagement d’importants moyens financiers par l’État, ainsi que les hypothèses de conservation ou de gestion.

Ce « principe de précaution » permettra d’éviter des polémiques comme celle qui concerne l’hôtel de la Marine. Car, au-delà des questions soulevées par la décentralisation, c’est le risque de dépeçage lié à une conception exclusivement immobilière qui pèse sur le patrimoine monumental de l’État.

La proposition de loi garantit une analyse objective et scientifique en amont de toute décision de cession. Le Haut conseil se prononcera sur l’ensemble du parc monumental de l’État, y compris, donc, sur les monuments historiques classés ou inscrits, et gérés par France Domaine.

Le rapport de notre collègue Françoise Férat souligne en effet que le programme des opérations de cession piloté par France Domaine, en cours depuis 2009 et qui concerne 1 700 biens, n’a jamais identifié la catégorie des immeubles classés ou inscrits, qui sont dès lors intégrés dans le lot des ventes au même titre que les immeubles de bureaux.

Par ailleurs, s’appuyant sur un autre grand principe, le Haut conseil du patrimoine formulera des prescriptions garantissant une bonne utilisation du patrimoine. En imposant certaines obligations au nouveau propriétaire, notamment l’ouverture au public ou la diffusion d’informations historiques, cette instance apportera la garantie d’une utilisation culturelle du monument. Ces obligations s’imposeront à tout nouveau détenteur, qu’il soit public ou privé.

Enfin, le projet doit également être réaliste. La dévolution aux collectivités territoriales nécessitera donc une évaluation précise des coûts de prise en charge du monument, ce qui semble ne pas avoir été le cas lors de la première vague de transferts. Une information complète sera donnée, car le risque est grand, surtout dans un contexte budgétaire incertain, de voir des collectivités ne plus pouvoir entretenir leur patrimoine.

Selon moi, grâce à cette proposition de loi, la France deviendra exemplaire en matière de protection du patrimoine.

En conclusion, je me réjouis que ce texte nous rassemble, au-delà des clivages politiques, pour assurer la défense de nos monuments. Je me félicite également de ce que l’État ait à cœur de transmettre ce patrimoine dans les meilleures conditions, afin qu’il soit une richesse pour les générations futures. Le groupe UMP soutiendra bien évidemment cette démarche. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis bientôt vingt ans, la France est devenue la première destination touristique au monde. En 2007, nous avons même établi un record historique en accueillant 82 millions de touristes étrangers !

L’attrait de notre pays s’explique par le grand nombre et la variété de ses intérêts : la diversité des paysages, la qualité des structures d’accueil et, bien entendu, la richesse de notre patrimoine historique, culturel et artistique. Et pour cause ! Notre territoire n’abrite pas moins de 44 000 monuments historiques et 2 300 parcs et jardins protégés au titre des Monuments historiques.

J’ajouterai que, si notre patrimoine attire les étrangers, les Français aiment aussi le visiter. Le succès des Journées du patrimoine ne se dément pas. Chaque année, depuis vingt-sept ans, ce sont des millions de visiteurs qui souhaitent découvrir ou redécouvrir une partie de leur patrimoine. Cette opération est une façon pour nos concitoyens de s’immerger dans notre grande histoire commune, de se réapproprier une part de notre mémoire collective.

Cette histoire et cette mémoire collectives, on les doit à une politique patrimoniale qui, depuis le célèbre discours de l’abbé Grégoire sur le vandalisme en 1794, s’est progressivement mise en place, au cours des décennies et des siècles qui ont suivi, à travers la législation.

La question de fond, ces dernières années, est pourtant de savoir comment continuer à sauvegarder, et surtout entretenir, d’innombrables monuments nationaux quand l’État n’a plus les moyens d’assumer cette charge.

C’est ainsi que, depuis 2003, alors que plusieurs chantiers de restauration ont été interrompus, que des monuments ont été contraints à la fermeture pour des mesures de sécurité, que de nombreux châteaux ont été vendus à de riches étrangers, une série de réformes ont été engagées.

C’est dans ce contexte que la voie de la dévolution du patrimoine monumental de l’État a été ouverte en 2004, lors de la deuxième phase de décentralisation, à l’issue du travail de la commission présidée par M. René Rémond.

La loi relative aux libertés et responsabilités locales a permis aux collectivités territoriales de demander le transfert de propriété de monuments historiques et de sites archéologiques appartenant à l’État, en vue d’assurer leur conservation et leur valorisation intellectuelle. Mais, au final, ce sont seulement soixante-cinq monuments sur 176 transférables qui l’ont été : quarante-trois au bénéfice des communes, seize des départements et six des régions.

Il faut souligner qu’aucun bilan de cette première vague de transferts n’avait réellement été fait alors que nous découvrions, au détour du fameux article 52 du projet de loi de finances pour 2010, que le Gouvernement avait inscrit qu’un monument national pouvait être transféré par l’État à une collectivité territoriale, sans les gages et garanties nécessaires.

Les parlementaires se sont alors légitimement émus de ces dispositions qui ont été finalement retoquées par le Conseil constitutionnel.

Dès lors, il était de la responsabilité du Parlement de prendre le temps de la réflexion et de l’analyse, de garantir à travers un certain nombre de précautions la cohérence de notre politique patrimoniale nationale. C’est chose faite, grâce au texte que nous soumet Françoise Férat.

Je tiens à saluer à cet égard la réactivité du président de la commission de la culture, Jacques Legendre, et de notre collègue Françoise Férat pour avoir lancé cette réflexion permettant d’aboutir à un texte important et nécessaire.

Ce texte est soutenu par la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, qui parle de perspectives nouvelles et rigoureuses. Il est très important de le souligner.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Oui, c’est important !

Mme Catherine Morin-Desailly. Un certain nombre de principes fondent le texte dont nous débattons aujourd’hui.

Il offre trois niveaux de garanties à une possible dévolution du patrimoine monumental étatique.

Tout d’abord, il crée un Haut Conseil du patrimoine, dont je ne rappellerai pas la mission, mes collègues l’ayant fait avant moi.

Ensuite, en établissant des transferts encadrés par plusieurs conditions – l’avis favorable du Haut Conseil du patrimoine, le suivi de l’information et le transfert des personnels –, le texte pose les garanties d’un traitement du patrimoine dans son plus grand respect, de telle sorte qu’il ne puisse être bradé ou cédé sans aucun contrôle sur son devenir.

Enfin, en définissant une procédure à titre gratuit pour des transferts accompagnés d’un projet culturel, cette proposition de loi encourage l’ouverture et le renouveau des monuments. Certains bâtiments, parfois abandonnés, mal entretenus, trop peu visités, pourraient, grâce à ces projets, connaître un nouveau souffle.

Comme le soulignait à très juste titre M. Jean-Jacques Aillagon, « il y a, dans une politique du patrimoine, l’expression d’une politique de démocratisation de la culture et, tout simplement, une politique du partage civique. »

On le voit, l’ambition assumée de ce texte est d’encadrer la passation par trois grands principes : la précaution en intervenant tout au long de la procédure, le respect de l’esprit culturel et historique du lieu et la garantie que le patrimoine reste un lieu de vie accessible au public.

Je me réjouis que ce soit notre assemblée, de surcroît par l’intermédiaire d’une collègue centriste, qui porte cette avancée législative. Les propositions qui sont faites posent les principes d’une éthique dans la gestion de notre patrimoine national.

Je regrette, par exemple – mais, à l’avenir, cela ne se reproduira plus si nous votons cette proposition de loi –, qu’à Rouen, dans ma ville, le couvent des Gravelines, qui date du début du 17siècle et dont l’État, via la direction régionale des affaires culturelles, ou DRAC, de Haute-Normandie, s’est dessaisi, ait, immédiatement après sa vente, été démantelé pour qu’une partie du verger alentour soit revendue à un promoteur.

Le cas de l’hôtel de la Marine a été un révélateur, comme l’a dit Françoise Férat. Il est aujourd’hui une référence mais, on le voit à travers l’exemple que j’ai cité, il existe malheureusement bien d’autres cas.

L’objectif de ce texte est d’éviter le dépeçage des monuments historiques.

Je formule le souhait, à cette tribune, qu’il puisse d’ailleurs inspirer les collectivités locales qui pourraient être elles-mêmes tentées, à leur niveau, de vendre de manière hâtive et non inspirée leur patrimoine, en allongeant, comme elles le font parfois, la longue liste de lieux remarquables cédés au privé et définitivement non accessibles au public.

Avant de conclure, je voudrais insister sur deux points.

Premièrement, monsieur le ministre, j’insisterai sur le rôle essentiel que doit continuer à jouer le ministère de la culture en matière de protection du patrimoine et de veille, par le biais du classement.

Je m’appuie encore une fois sur mon expérience personnelle d’élue locale – certains de nos collègues, dont notre ami Yves Dauge, verront à quoi je fais référence –, pour souligner l’efficacité avec laquelle les services de l’architecture et du patrimoine étaient intervenus, il y a deux ans, lorsque je les ai saisis pour éviter la destruction d’un ensemble remarquable et identifié de l’architecte urbaniste Marcel Lods, que l’actuel maire de Rouen avait malheureusement fait voter. L’État peut et doit garantir une politique patrimoniale exemplaire.

Deuxièmement, il nous faut réaliser aujourd’hui que la mondialisation bouscule le monde du patrimoine. L’approche et la coopération internationales sont, de ce fait, rendues nécessaires en matière de protection des biens culturels, y compris en cas de catastrophes naturelles ou encore de conflits armés mais aussi de trafics illicites.

Cela m’amène à remercier notre collègue Amboise Dupont d’avoir proposé que soit insérée la notion de « patrimoine mondial » dans le code du patrimoine. Les documents d’urbanisme devront désormais tenir compte des exigences qui découlent de ce classement par l’UNESCO.

La massification du tourisme, l’envol du marché de l’art mondial, y compris le développement rapide des nouvelles technologies, ne sont pas non plus sans poser de question. Sur ces sujets, c’est aussi au niveau européen qu’il nous faut agir.

Seul un projet comme Europeana pourra prétendre rivaliser avec la gigantesque bibliothèque mondiale ambitionnée par Google en préemptant notre patrimoine littéraire.

Les centristes que nous sommes pensent que l’Europe, ce doit d’être aussi l’Europe de la culture et qu’il y a un patrimoine spécifique porteur de notre héritage à identifier et à protéger.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. C’est vrai !

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chargées d’un message spirituel du passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent, dans la vie présente, le témoignage vivant de leurs traditions.

Aussi, j’espère que notre vote, aujourd’hui, saura garantir le respect nécessaire à cet héritage. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été souligné par plusieurs intervenants, la proposition de loi qui nous est soumise s’inscrit à un moment particulier de notre actualité.

C’est ainsi que le projet de l’État d’un bail emphytéotique de quatre-vingt-dix-neuf ans sur l’actuel hôtel de la Marine illustre malheureusement les objectifs de profits à court terme qui ont guidé cette démarche et que nous ne pouvons approuver.

Je rappelle que, à la suite de l’adoption de la loi de finances pour 2010, le Conseil constitutionnel avait censuré sur la forme les mesures d’assouplissement concernant le transfert des biens patrimoniaux de l’État aux collectivités territoriales, reconnaissant qu’il s’agissait d’un cavalier budgétaire.

Nous constatons que la monture reste identique. Sur le fond, elle représente toujours à nos yeux le cheval de Troie d’une politique fondée sur le profit !

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Françoise Cartron. Ainsi, avec mes collègues du groupe socialiste, je reste attaché à deux grands principes : d’une part, que la préservation de notre passé collectif reste l’intérêt supérieur défendu par la loi ; d’autre part, que l’implication des collectivités territoriales dans le domaine du patrimoine, que nous défendons également, s’inscrive dans le cadre de la défense de cet héritage commun et non dans une simple démarche de spéculation financière.

En vertu de l’article 97 de la loi du 13 août 2004, les transferts de monuments aux collectivités « sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires. »

Au sens de l’article 5 de la présente proposition de loi, le principe de gratuité est remis en question. Il s’applique désormais aux seuls transferts justifiant d’un projet culturel. Si l’objet est déclaré non culturel alors sa cession à titre onéreux devient possible.

La boîte de Pandore est ainsi ouverte et le risque est grand de voir notre patrimoine monumental bradé. La recherche d’un profit immédiat, par la revente à une personne privée, serait susceptible, à l’avenir, de motiver à titre principal la demande d’acquisition.

Par ailleurs, qu’il s’agisse des consultations du nouveau Haut conseil du patrimoine pour déclassement des monuments inscrits en vue d’une revente ou de l’organisation de cette revente par les collectivités, elles ne sont prévues que pour les cessions à titre gratuit.

A contrario, nous constatons que les cessions à titre onéreux ne feront l’objet d’aucun contrôle. Une partie du patrimoine national classé ou inscrit pourrait alors se voir attribuer un usage sans aucun rapport avec sa vocation initiale et être mutilée pour les besoins de sa nouvelle destination.

Dans cette proposition de loi, il est précisé que le ministre chargé des monuments historiques accorde ou non le transfert du monument et, le cas échéant, désigne la collectivité bénéficiaire, après accord du ministre chargé du domaine de l’État. Je m’interroge : de quelles voies de recours les collectivités qui s’estimeraient lésées par le transfert d’un bien réalisé au profit d’une autre collectivité disposeront-elles ?

M. Roland Courteau. Bonne question !

Mme Françoise Cartron. De la même manière, en cette période de resserrement budgétaire, quelles sont les garanties apportées par l’État pour que les collectivités puissent poursuivre l’entretien des monuments et des sites acquis ? Notons que, à défaut d’un tel entretien, la seule possibilité serait le déclassement pour revente afin d’éviter un coût devenu insupportable pour les finances de la collectivité.

Les modalités de suivi de l’utilisation du monument, une fois celui-ci transféré, nous apparaissent également insuffisantes. Les délais impartis pour la communication des bilans de transferts par les collectivités à l’État sont fixés à trois ans. Cette période est trop longue et ne permettra pas une réaction rapide en cas d’éventuelles difficultés financières ou lorsque des carences manifestes apparaîtront dans la mise en valeur d’un monument, d’autant que l’assistance juridique de la part du ministre chargé du domaine de l’État est, elle, prévue pour une durée très courte, à savoir un an seulement.

Cette inquiétude est renforcée par le fait que le Haut conseil du patrimoine ne jouera pas un rôle assez fort. En effet, il ne devrait pas seulement s’exprimer sur les projets qu’il a décidé d’analyser ou qui lui seront soumis, comme cela est prévu dans le dispositif, mais il devrait également se prononcer sur tous les projets de transfert de monuments.

Prenons l’exemple de la citadelle de Blaye, achetée par la ville en 1954, classée monument historique et inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2008. Le maire souhaite aujourd’hui en vendre une partie à la découpe. Or la présente proposition de loi n’institue aucune protection de nature à éviter le démembrement de ce monument classé, puisque les destinataires de cette vente à la découpe ne seront pas des collectivités et que seuls les transferts au profit de celles-ci entrent dans le champ d’application du texte dont nous débattons.

Pour conclure, nous souhaitons rappeler fortement que la culture tout comme le patrimoine ne sont pas des produits de luxe. Ils représentent bien plus : un élément de notre conscience collective et la garantie de notre rayonnement international.

Comme l’a dit Catherine Morin-Desailly, l’engouement formidable des Français et des étrangers pour les Journées du patrimoine nous oblige, dans l’intérêt du pays, à proposer un dispositif responsable dont l’objectif unique est la préservation du patrimoine monumental de la France.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Françoise Cartron. À cet égard, celui-ci mérite la mise en place de garde-fous importants. C’est la raison pour laquelle seule l’adoption par le Sénat de certains de nos amendements nous permettra de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. « Un ensemble de ressources héritées du passé que des personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un reflet et une expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle évolution » ! C’est ainsi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la convention de Faro définit le patrimoine culturel.

À cet égard, les dernières tentatives du Gouvernement en matière de sauvegarde de notre patrimoine nous laissent songeurs et nous inquiètent.

En effet, tout porte à croire, ou plus justement, si vous me permettez l’expression, « à craindre », que la machine ne soit lancée. Depuis la loi du 13 août 2004, l’État peut déjà transférer aux collectivités territoriales la propriété de monuments classés ou inscrits. L’assouplissement des conditions de transfert, voulu par la loi de finances pour 2010, a fort heureusement été censuré par le Conseil constitutionnel, comme l’a déjà mentionné notre collègue Françoise Cartron.

Certes, la proposition de loi de nos collègues Férat et Legendre que nous examinons aujourd’hui, en contenant des dispositions qui tendent à définir un principe de précaution, prévoit des sauvegardes supplémentaires. Mais est-ce suffisant ?

En réalité, au-delà de ces considérations, que traduit vraiment le texte ? Tout simplement la possibilité pour l’État, assurément impécunieux et possiblement inconséquent, de brader le patrimoine national pour remplir ses caisses. La boîte de Pandore est bien ouverte !

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Claudine Lepage. Il importe de « sécuriser » davantage notre patrimoine monumental, en France comme à l’étranger.

En effet, beaucoup l’ignorent, le ministère des affaires étrangères et européennes gère quelque 1 500 biens situés hors de nos frontières dans 160 pays et évalués à 4,47 milliards d’euros.

Il n’existe pas de répertoire de ces biens de la France à l’étranger. D’ailleurs, la transparence très relative qui entoure leur gestion mériterait, me semble-t-il, un rapport circonstancié. Nous pouvons cependant remarquer que ces bâtiments sont de type très divers : ambassades et consulats, bien sûr, mais aussi centres culturels ou logements de fonction.

Leur valeur financière et leur charge symbolique sont également très variées. Sachez cependant que près d’une centaine de biens ont sans conteste une haute valeur patrimoniale. On estime ainsi que plus d’une trentaine d’entre eux seraient classés monuments historiques s’ils étaient situés sur le territoire français et qu’une soixantaine seraient inscrits à l’inventaire des monuments historiques. Je parle ici aussi bien d’ambassades historiques, comme le palais Buquoy à Prague, la Case de Gaulle à Brazzaville, que d’immeubles abritant des centres culturels français, comme le palais Lenzi à Florence, ou encore des lieux de culte, telle l’église Saint-Louis-des-Français à Lisbonne.

Certains parmi ces biens du domaine public de la France, tel le palais Thott à Copenhague, sont même classés monuments historiques au regard de la législation locale.

Or, depuis le 1er janvier 2010, aucun crédit d’investissement n’est plus inscrit dans le budget général. Le financement de la programmation immobilière du ministère des affaires étrangères et européennes ne doit donc plus être assuré que par les produits de cession de ses biens immobiliers.

Suivant cette logique, le Quai d’Orsay évoque la cession d’immeubles ordinaires ou de logements devenus inutiles. Mais il y a aussi des biens beaucoup plus prestigieux et de grande valeur et, de surcroit, particulièrement emblématiques du rayonnement de la France à l’étranger. Je ne citerai que le palais Lenzi à Florence, l’Hospice wallon à Amsterdam ou la Villa andalouse à Madrid, parmi la bonne dizaine de bâtiments nommés.

La situation serait certainement plus tenable si, comme le prévoit la réglementation, la totalité du produit des cessions réalisées à l’étranger revenait effectivement au ministère des affaires étrangères et européennes. Pour différentes raisons techniques et dilatoires, nous en sommes bien loin. Et je n’entrerai pas dans les détails de la mise en place des loyers budgétaires, qui ne sont pas sans poser problème, notamment en raison de l’impact de la mise en réserve qui réduit la dotation budgétaire.

Pour terminer, j’évoquerai la création d’une foncière des propriétés de l’État à l’étranger, validée par le Conseil de modernisation des politiques publiques, et qui fait de plus en plus figure d’Arlésienne. Pourtant, un tel établissement, par la professionnalisation qu’il induirait, permettrait une politique immobilière à l’étranger beaucoup plus efficace. Encore faudrait-il, c’est une évidence pour beaucoup sauf, semble-t-il, pour Bercy, qu’il dispose de la capacité d’emprunt.

En attendant, nécessité faisant loi, il y a fort à craindre que, à l’étranger comme sur le territoire français, l’aliénation potentiellement inconsidérée de notre patrimoine se poursuive. Comme nous ne pouvons l’accepter, nous avons déposé des amendements visant à encadrer la cession des biens immobiliers du domaine public à l’étranger, amendements que nous demanderons au Sénat d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.

Chapitre Ier

Utilisation du patrimoine monumental de l’État

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article additionnel après l'article 1er A

Article 1er A (nouveau)

Au livre VI du code du patrimoine, avant le chapitre Ier du titre Ier, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :

« Art. L. 610. - La conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel, dans ses qualifications historiques, archéologique, architecturale, urbaine et paysagère sont d'intérêt public.

« Les collectivités publiques intègrent le patrimoine culturel dans leurs politiques et leurs actions d'urbanisme et d'aménagement notamment au sein des projets d'aménagement et de développement durable établis en application des articles L. 122-1-1 et L. 123-1 du code de l'urbanisme, afin d'en assurer la protection et la transmission aux générations futures.

« Lorsqu'un élément de patrimoine ou une partie de territoire est reconnu en tant que patrimoine mondial de l'humanité en application de la convention du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'UNESCO en date du 16 novembre 1972, l'impératif de protection de sa valeur universelle exceptionnelle ainsi que le plan de gestion du bien et de sa zone tampon qui assurent cet objectif sont pris en compte dans les documents d'urbanisme de la ou les collectivités concernées. L'État peut également, à tout moment, recourir en tant que de besoin aux procédures exceptionnelles prévues par les articles L. 522-3 et L. 621-7 du présent code et par les articles L. 113-1, L. 121-9 et L. 122-5-1 du code de l'urbanisme.

« Lorsque la collectivité territoriale compétente engage l'élaboration ou la révision d'un Schéma de cohérence territoriale (SCOT) ou d'un Plan local d’urbanisme (PLU), le représentant de l'État porte à sa connaissance les mesures et les modalités à respecter pour assurer l'atteinte des objectifs visés aux premier et deuxième alinéas du présent article. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 1er

Article additionnel après l'article 1er A

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les monuments classés ou inscrits appartenant à l'État ou aux collectivités territoriales sont inaliénables. Ils ne peuvent faire l'objet ni d'une procédure de déclassement, ni d'un bail emphytéotique administratif au sens de l'article L. 2341-1. »

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Cet amendement vise à garantir l’inaliénabilité des monuments nationaux inscrits ou classés. Ce principe, s’il figure dans le code concernant les collections publiques des musées, ne vaut pas pour le patrimoine monumental de l’État. Là réside notre souci principal.

Nous avions déjà évoqué ce problème lors de l’examen de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010, qui permettait la vente sans condition de ces biens par les collectivités comme par l’État à des opérateurs privés ne poursuivant pas des missions d’intérêt général, lesquelles doivent présider à toute action patrimoniale sur les monuments inscrits et classés.

Notre crainte s’ancre dans le contexte de désengagement général et croissant de l’État, justifié par la réduction des déficits publics. Elle se confirme plus précisément quand le ministre du budget affirme, comme il l’a fait le 9 juin 2010, poursuivre des opérations de cessions de grande ampleur.

Il existe un risque que la procédure de déclassement des monuments historiques soit utilisée pour favoriser une exploitation commerciale privée, dans la lignée du rapport Jouyet-Lévy, qui parle davantage d’économie que de culture.

L’exemple du logis Saint-Pierre au Mont-Saint-Michel est significatif : classé monument historique en 1938, il n’était pas occupé directement par le Centre des monuments nationaux et faisait l’objet d’un bail commercial. France Domaine a alors demandé son déclassement au motif qu’il n’était pas affecté à l’usage direct du public ni à l’exercice d’un service public, permettant alors sa cession pure et simple.

La polémique autour de l’hôtel de la Marine montre la nécessité qu’un bien d’une telle importance devienne inaliénable. Les montages juridiques permettant un bail emphytéotique administratif ne résoudront pas la question. Car, consentant les droits réels du propriétaire à celui qui valorise et entretient le monument, il permet de faire tout usage de ce lieu pendant 99 ans.

Le maintien d’une responsabilité publique s’exerçant de l’entretien jusqu’à la valorisation du monument doit être réaffirmé avec vigueur, sans quoi c’est un délitement progressif du patrimoine de l’État et des collectivités qui va s’instaurer au profit du privé.

Nous refusons le principe de la vente que l’on tente de nous imposer comme un mode de gestion valable, même soumise à des obligations, et nous rejetons celui d’un bail emphytéotique qui aura tôt fait de permettre la transformation d’un lieu chargé d’histoire en hôtel de luxe, en centre commercial ou autre restaurant.

Sur cet amendement particulièrement significatif, je demande donc un scrutin public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Le classement au titre des monuments historiques ne doit pas entraîner un régime spécifique de domanialité publique, l’État devant pouvoir garder la possibilité de déclasser du domaine public un bien qui lui appartient.

Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. À l’occasion de l’examen de ce premier amendement, j’aimerais exposer la position générale du Gouvernement, ce qui permettra ensuite d’accélérer la discussion des amendements tendant à rendre impossible le déclassement du domaine public des biens protégés pour empêcher leur cession ou à renforcer les procédures préalables à la conclusion de baux emphytéotiques.

Je comprends le souci général des auteurs de ces amendements d’éviter que les politiques de rationalisation de la gestion domaniale de l’État ou des collectivités territoriales ne conduise çà et là à des décisions de cession inappropriées de monuments historiques, générant polémiques et incompréhensions.

Toutefois, le dispositif tel qu’il est prévu dans la proposition de loi adoptée par la commission de la culture me paraît à cet égard équilibré et suffisant pour remplir l’objectif que nous partageons d’assurer la conservation et la transmission aux générations futures d’un patrimoine monumental en bon état, intelligemment utilisé et mis en valeur pour un usage culturel ou non.

La proposition de loi donne au Haut conseil du patrimoine, je l’ai déjà dit dans mon propos précédent, un rôle clé pour que le sort de chaque monument soit apprécié, avant toute autre considération, selon sa valeur patrimoniale nationale. La première sélection se fait à partir de la question suivante : tel ou tel monument peut-il être sorti du patrimoine de l’État sans qu’il soit porté atteinte à sa place symbolique au sein de cet ensemble et sans que cela nuise à la cohérence patrimoniale du domaine de l’État ?

Si c’est le cas, si le Haut conseil estime que le monument en question peut sans inconvénient être soustrait au domaine de l’État, il est réputé « transférable », à titre gratuit s’il peut avoir une utilisation culturelle par la collectivité repreneuse, ou proposé pour un transfert onéreux dans le cas contraire. Pour éviter tout malentendu, la commission a amendé l’article 1er du texte afin de préciser qu’alors même que le Haut conseil ne s’en serait pas encore saisi de sa propre initiative, tout projet de cession d’un monument de l’État lui serait soumis pour procéder préalablement à cette évaluation.

En second lieu, le Haut conseil est une instance paritaire, composée de représentants de l’État, certes, mais aussi d’experts et de représentants des collectivités territoriales que sont les parlementaires et les autres élus. Il aura toute indépendance pour formuler ses avis, tout comme la commission Rémond en son temps.

Je m’engage en outre à ce que les avis du Haut conseil fassent l’objet d’une publicité. Cette disposition, qui n’est pas du niveau législatif, trouvera sa place dans le décret qui traitera des modalités de fonctionnement de cette instance nouvelle.

Enfin, je compte bien sur le fait que les demandes de déclassements de monuments historiques acquis gratuitement par les collectivités territoriales en application de cette loi et devant être soumises à un avis conforme du Haut conseil seront peu fréquentes. En effet, de telles demandes supposeraient que le monument a été transféré sur la foi d’un projet culturel mal évalué et s’avérant non viable, ou que la collectivité a radicalement changé de politique culturelle. Il faudrait, en ce cas, examiner les circonstances du déclassement, afin que la mise en œuvre de cette loi, fondée sur un principe généreux et partenarial, ne débouche pas sur de pures et simples opérations commerciales privant nos concitoyens d’un équipement culturel tandis qu’interviendrait la privatisation d’un monument historique.

La situation de l’État, lorsqu’il envisage de céder des monuments dont il n’a plus l’usage, n’est pas exactement la même.

Compte tenu de la saisine préalable, au cas par cas, du Haut conseil, en vue d’examiner la possibilité de soustraire ce monument du patrimoine national, en vue d’un transfert gratuit d’abord, puis, en second lieu, en vue d’une cession à titre onéreux, la décision de cession sera déjà très encadrée par les compétences du Haut conseil et la publicité de ses avis. Il m’apparaît donc inutile, dans ces conditions, de le saisir à nouveau pour l’acte administratif de déclassement. Cela risquerait en effet de l’encombrer inutilement sans apporter de nouveaux éléments sur la situation des monuments concernés.

Enfin, il me semble qu’il faut rester mesuré s’agissant des baux emphytéotiques. Le bail emphytéotique est une solution intéressante pour assurer la mise en valeur de certains espaces des monuments, ou leur réutilisation à un usage nouveau. Cette solution peut également être une véritable solution alternative à un projet de cession. Il faut, bien sûr l’encadrer, et le ministère de la culture est consulté au titre de ses missions générales sur la conservation des monuments historiques, sur l’état du monument, son histoire et ses éléments d’authenticité, afin de constituer le cahier des charges du bail. Un bail emphytéotique, même constitutif de droits réels, peut être dénoncé, notamment en cas de manquement aux prescriptions relatives à la conservation du monument, et je m’engage à y veiller.

II faut faire confiance aux dispositions et à la logique de la loi de 1913, dont nous allons bientôt fêter le centenaire. Celle-ci vise précisément à garantir que, quel que soit le propriétaire, le monument soit conservé et utilisé dans des conditions respectueuses de ses qualités architecturales, artistiques et historiques. Alourdir à l’excès les conditions de gestion des biens des monuments historiques risque de générer, de la part des propriétaires ou des gestionnaires de biens, une réticence aux mesures de protection. Cela n’est vraiment pas souhaitable.

Je ne suis donc pas favorable à ce que l’équilibre général de la proposition de loi, qui me paraît, je le répète, satisfaisant et respectueux des prérogatives de chacun, soit modifié sur ces points.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 1.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. Cet amendement pose un problème. En effet, si nous votions pour, tout s’arrêterait. Ce ne serait plus la peine de discuter. La loi serait vidée de sa substance, cher ami Ralite.

En fait, nous avons voulu défendre la même idée, mais en limitant notre proposition. Nous avons en effet déposé un amendement qui vise à affirmer que sont inaliénables de fait les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, les abbayes-mères, les palais nationaux et les monuments d’intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation. Pour cela nous demandons qu’ils ne puissent pas figurer sur la liste des bâtiments transférables.

Nous préférerions en rester à cette proposition d’inaliénabilité.

M. le président. Monsieur Ralite, maintenez-vous votre amendement ?

M. le président. Vous embarrassez par conséquent M. Dauge. (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement n° 1.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 140 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue des suffrages exprimés 112
Pour l’adoption 24
Contre 198

Le Sénat n’a pas adopté.

Article additionnel après l'article 1er A
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 2

Article 1er

Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code du patrimoine est complété par deux articles ainsi rédigés :

« Art. L. 611-2-1. – Il est créé un Haut conseil du patrimoine placé auprès du ministre chargé des monuments historiques qui établit la liste des monuments classés ou inscrits transférables au sens de l’article 4 de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État, notamment sur la base des critères retenus pour établir la liste annexée au décret n° 2005-836 du 20 juillet pris pour l’application de l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Il se prononce sur le caractère transférable des monuments qu’il a décidé d’analyser ou dont l’examen lui est soumis par le ministre chargé des monuments historiques, et avant toute cession par l’État de l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits. Les membres du Haut conseil du patrimoine sont informés de tout projet de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure ou égale à 30 ans qui concerne l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits.

« En outre, le Haut conseil du patrimoine :

« a) se prononce sur l’opportunité de transfert à titre gratuit aux collectivités territoriales de monuments historiques classés ou inscrits appartenant à l’État ;

« b) identifie, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux susceptibles d’avoir une utilisation culturelle et formule, pour chacun d’eux, des prescriptions dans le respect de celles de la Commission nationale des monuments historiques ;

« c) se prononce sur l’opportunité du déclassement du domaine public, en vue d’une revente, des monuments ayant fait l’objet d’un transfert à titre gratuit à une ou plusieurs collectivités territoriales. »

« Art. L. 611-2-2. – Le Haut conseil du patrimoine est constitué à parité de parlementaires, notamment de membres des commissions chargées de la culture du Parlement, de représentants des collectivités territoriales, de représentants des administrations concernées par la gestion du domaine de l’État et des monuments historiques ainsi que de personnalités qualifiées choisies par le ministre chargé des monuments historiques pour leurs connaissances en histoire, en architecture et en histoire de l’art. Un décret en Conseil d’État détermine la composition et les modalités de fonctionnement du Haut conseil du patrimoine. »

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

La liste établie par le Haut conseil du patrimoine ne comporte ni les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni les abbayes-mères, ni les palais nationaux, ni les monuments d'intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Comme je l’ai dit à l’instant, nous avons tenu à encadrer le rôle du Haut conseil en indiquant que la liste des monuments transférables ne pourrait comporter ni les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni les abbayes-mères, ni les palais nationaux, ni les monuments d’intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement empiète sur la mission du Haut conseil du patrimoine, chargé de définir les critères devant permettre de déterminer les monuments qui devraient rester propriété de l’État. En outre, le cas des cathédrales est déjà réglé par la loi.

Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Haut conseil sera composé, comme l’était la commission Rémond, de façon paritaire et indépendante. Le texte qui vous est proposé renvoie déjà aux critères qui ont permis d’établir la liste des monuments transférables au titre de la loi de 2004.

Indiquer ainsi par avance les catégories de monuments non transférables crée un a contrario que ne souhaitent pas, je pense, les auteurs de l’amendement, et qui peut gêner, ultérieurement, les travaux du Haut conseil.

Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Monsieur Dauge, l’amendement est-il maintenu ?

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je voudrais répondre à Mme le rapporteur et M. le ministre.

Je ne comprends pas en quoi le fait de retirer les monuments que l’on vient d’énumérer du champ des monuments transférables empiéterait sur les prérogatives du Haut conseil.

En réalité, une telle mesure répond à une préoccupation évoquée par Jack Ralite tout à l’heure. En effet, l’adoption de cet amendement permettrait de protéger certains bâtiments et monuments. Si une telle mesure avait été prise plus tôt, nous ne serions pas confrontés actuellement à certaines situations, telles que celle de l’hôtel de la Marine.

En conséquence, je souhaite que nos collègues votent pour cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, deuxième phrase

Supprimer les mots :

qu'il a décidé d'analyser ou dont l'examen lui est soumis par le ministre chargé des monuments historiques, et

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement tend à élargir la mission de contrôle du Haut conseil du patrimoine sur les projets de transfert de monuments.

Nous souhaitons que cette mission porte sur tout projet de cession de l’État et non sur les seuls projets dont l’État voudra bien le saisir ou dont il souhaitera lui-même se saisir.

Un tel élargissement de ses missions donnera au Haut conseil une vision globale des questions relevant de sa compétence, lui permettra de juger de façon plus objective de tous les cas et le placera en meilleure situation pour résister aux éventuelles pressions.

Un contrôle systématique sur tous les biens vendus par l’État semble d’autant plus opportun qu’en aval de la procédure de transfert seraient désormais possibles, malgré le caractère inaliénable du patrimoine national, des déclassements pour revente – y compris à une personne privée – par la collectivité bénéficiaire, sans aucun contrôle si le bien a été transféré à titre payant à la collectivité et avec le contrôle préalable, autrement dit l’avis conforme, du Haut conseil du patrimoine pour les déclassements de monuments historiques cédés gratuitement par l’État à une collectivité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, dont l’adoption limiterait l’analyse du Haut conseil du patrimoine aux monuments dont la vente est envisagée.

Doit-on attendre que l’État envisage de céder l’Arc de Triomphe ou le domaine national de Saint-Cloud pour que le Haut conseil puisse se prononcer sur leur cas ? C’est précisément l’objectif contraire qui est visé par le texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La précision que cet amendement vise à supprimer a pour objet de garantir l’indépendance du Haut conseil en instaurant un double mode de saisine pour l’examen des monuments : l’autosaisine ou la saisine par le ministre de la culture, sans parler de la saisine obligatoire en cas de projet de vente.

Elle vise également à lui permettre d’organiser ces travaux ponctuellement, selon les besoins liés aux restructurations administratives par exemple, ou de façon plus méthodique, au long cours, pour l’établissement de la liste qui résultera de l’examen de l’ensemble du patrimoine monumental et qui prendra sans doute plusieurs années.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

1° Remplacer les mots :

sont informés de

par les mots :

doivent également se prononcer sur

2° Supprimer les mots :

d'une durée supérieure ou égale à 30 ans

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. L’article 1er prévoit que le Haut conseil du patrimoine se prononce sur le caractère transférable des monuments avant toute cession par l’État de l’un de ces monuments. En revanche, concernant les baux emphytéotiques, le Haut conseil serait seulement « informé », et ce uniquement pour les baux de plus de trente ans.

Étant donné l’ampleur des droits qu’ouvre un bail emphytéotique, il n’est pas justifié de l’exclure du champ de contrôle du Haut conseil, qui doit être au service du patrimoine.

L’exemple de l’hôtel de la Marine, d’abord proposé à la vente pure et simple, puis à la conclusion d’un bail emphytéotique, montre que, en déplaçant le problème d’un point de vue juridique, on ne change en rien les fondements de ce scandale.

Le bail emphytéotique administratif ne remet en cause aucun des acteurs ni des projets proposés pour l’hôtel de la Marine ! Ce bail ne vient pas contrarier les perspectives de profits de grands groupes privés financiers, méprisant le caractère symbolique de ce lieu de mémoire national. Il ne permet pas de résoudre la question centrale : peut-on faire n’importe quel usage et affecter comme bon semble un monument inscrit ou classé ?

Parce qu’il est évident que la réponse est non, il faut soumettre tous ces baux au contrôle du Haut conseil du patrimoine. Il doit pouvoir s’y opposer, a fortiori si, comme l’a indiqué Mme Férat en commission, ils sont amenés à être nombreux.

Ils doivent donc être encadrés avec précision. À défaut, on créerait une alternative à l’aliénation qui, tout en ayant quasiment les mêmes effets, échapperait à la loi.

C’est tout le sens de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

Remplacer les mots :

sont informés

par les mots :

se prononcent

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de nous présenter M. Renar. Nous proposons, quant à nous, de remplacer les mots « sont informés » par les mots « se prononcent ».

L’exemple de l’hôtel de la Marine, qui est assez scandaleux, constitue la meilleure illustration de nos craintes. Un bail emphytéotique doit ainsi être conclu au profit d’opérateurs privés, d'ailleurs pilotés par l’ancien ministre de la culture, M. Donnedieu de Vabres.

Mme le rapporteur s’est elle-même émue de cette situation, puisque la commission a souhaité indiquer dans le texte que les membres du Haut conseil sont informés de tout projet de bail emphytéotique.

Nous pensons qu’une information a posteriori ne suffit pas. C’est pourquoi nous préférons que le Haut conseil se prononce sur tout projet, donc nécessairement a priori. Je ne reprendrai pas les arguments développés par M. Renar, mais j’y souscris pleinement.

La qualité et le nombre de ceux qui se sont émus de la situation – le dernier en date étant M. Balladur, ancien Premier ministre – témoignent pour nous : c’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Les amendements nos 2 et 12 visent à rendre systématique l’intervention du Haut conseil du patrimoine sur les projets de baux emphytéotiques. Or ceux-ci peuvent concerner des parties limitées d’un monument historique ou d’un domaine classé sans que cela ait d’impact sur le patrimoine de l’État.

Il ne serait pas opportun d’alourdir de façon excessive la charge de travail du Haut conseil. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à ces deux amendements.

L'amendement n° 38 que je vous présenterai dans quelques instants me semble constituer une alternative plus souple.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de Mme le rapporteur sur ces deux amendements : défavorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je constate que Mme le rapporteur et M. le ministre sont sur un rail, parallèle au nôtre, et que nous ne pourrons jamais nous rejoindre…

En effet, madame le rapporteur, vous ne répondez pas à la question de fond. Vous nous dites qu’il ne faut pas alourdir excessivement la charge de travail du Haut conseil et que des garanties sont prises. Mais quelles garanties peuvent donner le recueil d’un simple avis ou la communication d’une simple information ? Nous voulons aller beaucoup plus loin en demandant au Haut conseil de se prononcer sur les projets.

En réalité, en ne faisant pas écho à nos préoccupations – ce que je peux comprendre –, vous ne répondez pas aux souhaits des Français qui ne veulent pas voir se répéter des situations comme celle qui vient d’être évoquée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

; ils peuvent décider de rendre un avis lorsqu'un tiers au moins d'entre eux le demande

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement devrait être de nature à vous rassurer, mon cher collègue.

L'information du Haut conseil du patrimoine sur les projets de baux d'une durée supérieure à trente ans est systématique. Cet amendement prévoit qu'une minorité qualifiée de ses membres puisse demander l'autosaisine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui répond à la préoccupation exprimée par les auteurs des deux amendements précédents sans en présenter les inconvénients.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le Haut conseil du patrimoine est guidé dans ces décisions par le principe d'inaliénabilité des monuments inscrits ou classés. La cession et le bail emphytéotique ne sont consentis qu'à titre exceptionnel et ne peuvent en aucun cas constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental de l'État comme des collectivités territoriales.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Comme la mer sur les galets, nous défendons ici un amendement de repli.

Nous proposons l’inscription dans la loi du principe d’inaliénabilité des monuments inscrits ou classés, ainsi que l’exclusion de la procédure du bail emphytéotique administratif sur ces derniers.

À défaut, notre amendement prévoit que l’action du Haut conseil du patrimoine soit au moins guidée par ces mêmes principes.

Si la vente et le bail emphytéotiques sont permis, il faut a minima que le Haut conseil les encadre et les contrôle, tout en poursuivant l’impératif d’intérêt général. La cession et le bail doivent rester des modes de gestion dérogatoires du patrimoine national et la norme doit relever de la gestion de l’État ou, à défaut, des collectivités locales.

En aucun cas, le mode de gestion courant du patrimoine ne doit devenir celui de la délégation de service public, du partenariat public-privé, et encore moins de la cession pure et simple à des groupes privés.

Afin que cette loi ne permette pas les conditions de la dissolution de la responsabilité publique patrimoniale, nous proposons ainsi de rappeler les fondements qui motivent les décisions du Haut conseil. Il y va de l’avenir de nos monuments !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Il s’agit d’une formule qui, nous semble-t-il, n’a pas sa place dans la loi. Le principe d’inaliénabilité systématique des monuments historiques a par ailleurs été rejeté à l’amendement n° 1.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Mon exposé liminaire offrait des éléments de réponse suffisamment clairs : en l’occurrence, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« c) se prononce sur l'opportunité du déclassement du domaine public soit d'un monument historique appartenant à l'État en vue de sa vente soit d'un monument historique ayant fait l'objet d'un transfert à titre gratuit à une ou plusieurs collectivités territoriales en vue de sa revente. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Je défends ici un amendement de cohérence avec l’alinéa 2 de ce même article, qui dispose que le Haut conseil du patrimoine possède des compétences pour examiner et se prononcer sur la cession par l’État de l’un de ses monuments historiques.

Il est donc logique de reporter cette attribution à l’alinéa 6, qui ne mentionne pour l’instant le contrôle du Haut conseil qu’en cas de cession par les seules collectivités territoriales. Sans cela, l’activité de contrôle du Haut conseil sur les cessions opérées directement par l’État ne serait que secondaire pour lui, ce qui n’est pas souhaitable.

C’est l’acte de cession en lui-même qui recèle un danger, quelle que soit l’autorité à l’initiative de la vente, État ou collectivités. Il faut donc consacrer le rôle du Haut conseil dans ce domaine en adoptant cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Monsieur Renar, j’ai le plaisir de vous dire que la commission donne un avis favorable. Il nous semble légitime, en effet, que le Haut conseil du patrimoine se prononce sur le déclassement du domaine public de tout monument historique appartenant à l’État.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

M. Ivan Renar. Embrassons-nous, Folleville !

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) se prononce sur le déclassement du domaine public, en vue d'une vente à une personne privée ou publique, des monuments historiques classés ou inscrits appartenant à l'État. »

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 30, présenté par Mme Laborde et MM. Plancade, Collin, Alfonsi, Barbier, Chevènement, Detcheverry, Mézard, de Montesquiou et Milhau, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) veille à la protection des monuments d’intérêt historique appartenant à l’État situés en dehors du territoire français. »

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à introduire une référence explicite au patrimoine monumental de l’État français situé en dehors du territoire national.

La France est propriétaire d’au moins une centaine d’édifices à haute valeur patrimoniale à l’étranger. Une quarantaine serait classée « monument historique » et une soixantaine de ces monuments seraient inscrits à l’inventaire des monuments historiques s’ils étaient situés en France. II s’agit notamment d’ambassades historiques – tels le Palais Thott, à Copenhague, ou le Palais Buquoy, à Prague –, de consulats, de centres culturels, de lieux de culte, comme l’église Saint-Louis des Français de Lisbonne, mais aussi d’un patrimoine mobilier d’une exceptionnelle richesse.

Le ministère de la culture et le ministère des affaires étrangères entretiennent déjà une collaboration de longue date en vue d’assurer la préservation de ce patrimoine qui contribue à l’image de la France à l’étranger.

Mais certains monuments sont aujourd’hui menacés de vente. L’ambassade de France à Dublin a déjà été vendue. Cette tendance nous inquiète. Dans le cadre du texte que nous examinons, il nous a donc semblé utile d’introduire une référence expresse à ce patrimoine situé hors de nos frontières.

Le Haut conseil du patrimoine qui est créé par cette proposition de loi aura toute la légitimité nécessaire pour se prononcer sur ce patrimoine, au même titre que sur celui qui est situé sur notre territoire, s’agissant notamment de son avenir et de sa sauvegarde.

M. le président. Le sous-amendement n° 39, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3 de l'amendement n° 30

Compléter cet alinéa par les mots :

, qu'il aura identifiés et dont tout projet de vente sera préalablement soumis à son examen

La parole est à Mme le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n° 39 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 30.

Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 30, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement, qui se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. J’ai pu mesurer toute la complexité de la question ici abordée lorsque j’ai eu l’honneur de diriger la Villa Médicis et je dois avouer qu’il m’est difficile d’adhérer totalement aux réflexions qui viennent d’être formulées. C’est pourquoi je préfère m’en remettre, sur l’amendement comme sur le sous-amendement, à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Mme Claudine Lepage. Nous voterons l’amendement n° 30 et le sous-amendement n° 39, tout en faisant remarquer que le terme « veille » est un peu vague. Nous proposerons des formulations plus précises dans d’autres amendements que nous présenterons dans la suite de la discussion.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 39.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que ce sous-amendement et cet amendement ont été adoptés à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 37, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) peut demander à l'État d'engager une procédure de classement ou d'inscription au titre des monuments historiques en application des articles L. 621-1, L. 621-4 et L. 621-25 du code du patrimoine. Il peut également donner son avis en cas de désaccord avec l'autorité administrative qui autoriserait un déplacement des objets ou ensemble visés à l'article L. 622-1-2. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement définit une nouvelle compétence pour le Haut conseil du patrimoine, en vertu de laquelle il peut demander à l’État d’engager une mesure de classement ou d’inscription au titre des monuments historiques afin de protéger un immeuble. Compte tenu de l’étendue du parc monumental de l’État, il faut envisager l’hypothèse où un monument n’aurait pas été protégé alors que son intérêt patrimonial le justifierait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

concernées par

par les mots :

chargées de

et les mots :

et des monuments historiques

par les mots :

, des monuments historiques et des collectivités territoriales

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Cet amendement vise à ajouter, parmi les représentants des administrations au Haut conseil du patrimoine, un représentant du ministre chargé des collectivités territoriales.

En effet, la proposition de loi reprend la procédure de transfert de propriété des monuments historiques de l’État aux collectivités territoriales, telle qu’elle a été instituée par l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

Étant donné le rôle des collectivités territoriales dans le processus, il semble important que le ministère chargé des collectivités territoriales soit représenté au Haut conseil du patrimoine, à côté des représentants du ministère chargé des monuments historiques et de la gestion du domaine de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Alinéa 7, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ses avis sont motivés.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Il s’agit ici de garantir une méthode de travail qui permettra au Haut conseil du patrimoine de définir progressivement une jurisprudence : seront ainsi mis en évidence les critères qu’il aura choisi de retenir, en plus de ceux de la commission Rémond, pour se prononcer sur le caractère transférable d’un élément de patrimoine, sur les projets de cession à titre gratuit et sur l’utilisation culturelle, mais aussi, bien sûr, sur le déclassement du domaine public.

M. le président. Le sous-amendement n° 40, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3 de l'amendement n° 29

Compléter cet alinéa par les mots :

et rendus publics

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission approuve la proposition de Catherine Morin-Desailly et considère que les avis motivés du Haut conseil méritent de faire l’objet d’une publicité.

M. le président. Le sous-amendement n° 43, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3 de l'amendement n° 29

Compléter cet alinéa par les mots :

et publiés au Journal officiel

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Nous considérons, nous aussi, que les avis du Haut conseil doivent être publiés, mais nous proposons de préciser qu’ils le seront au Journal officiel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 43 ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission n’ayant pas eu le temps de l’étudier, je m’exprimerai à titre personnel. Il me semble que le principe de publicité peut relever de la loi, mais que les modalités relève du règlement ; j’ai donc tendance à préférer la rédaction proposée par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. L’avis est favorable sur l’amendement n° 29 et sur le sous-amendement n° 40.

M. le président. Et quel est votre avis sur le sous-amendement n° 43 ? Je rappelle que, à titre personnel, Mme le rapporteur est réservée… Éclairez-nous, monsieur le ministre !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La publication au Journal officiel des avis motivés du Haut conseil du patrimoine constitue la meilleure publicité que l’on puisse donner à ses décisions concernant le patrimoine monumental de l’État. L’avis est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 40.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 43.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après la première phrase, insérer deux phrases ainsi rédigées :

Le mandat des membres du Haut conseil du patrimoine est de trois ans. Il est renouvelable.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement vise à préciser quelle sera la durée du mandat des membres du Haut conseil du patrimoine.

Nous sommes très favorables à cette institution, mais nous demeurons un peu « dans le flou » concernant sa composition, le mode de nomination de ses membres ou ses modalités de fonctionnement, qui sont renvoyés, avons-nous compris, à des décrets.

Rien n’est dit, en particulier, sur la durée du mandat de ses membres. Nous nous sommes donc interrogés sur la durée la plus adéquate. Tout en considérant qu’un tel mandat ne saurait s’apparenter à une inamovibilité, nous ne souhaitons pas non plus priver le Haut conseil du patrimoine des compétences de ses membres les plus avertis.

Aussi, pour être compatible avec le renouvellement des instances parlementaires, nous avons prévu un mandat relativement court – trois ans –, mais proposons en outre que ce mandat puisse être renouvelé, afin de tenir compte de l’expérience acquise par les membres du Haut conseil. Ce mandat pourrait donc éventuellement durer six ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet avis est défavorable.

Outre le fait qu’une telle disposition relève davantage du décret en Conseil d’État que de la loi, la question de la durée des mandats mériterait une réflexion beaucoup plus approfondie. En tout cas, une durée de trois ans me paraît trop courte et j’inclinerais plutôt pour un mandat de cinq ou six ans.

Bien sûr, se pose aussi la question d’un éventuel renouvellement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Les membres du Haut conseil du patrimoine seront issus de l’administration – ils siégeront alors ès qualités –, du Parlement – ces parlementaires seront évidemment désignés par leurs pairs –, du monde universitaire et associatif, certains siégeant ès qualités et d’autres intuitu personae. Dans ces conditions, il est difficile de prévoir une durée de mandat unique.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Je crois utile d’insister, monsieur le ministre, sur le fait que le mandat des membres du Haut conseil du patrimoine doit être suffisamment long pour leur permettre de réfléchir à une doctrine. Il est bien évident que, si les mandats étaient renouvelés trop précipitamment, le Haut conseil ne serait pas en mesure de remplir toute sa tâche.

Comme Mme le rapporteur, je pense que ce mandat devrait être de cinq ou six ans.

M. le président. Madame Cartron, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Françoise Cartron. Non, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 14 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 2 bis (Nouveau)

Article 2

Lorsqu’un monument historique est identifié comme susceptible d’avoir une utilisation culturelle, le Haut conseil du patrimoine formule des prescriptions, notamment en matière de présentation au public et de diffusion de l’information relative au monument. Ces prescriptions s’imposent au propriétaire, à l’utilisateur ou au gestionnaire et à tout détenteur de droits réels sur le monument. Elles figurent dans les documents définissant les conditions d’utilisation, de gestion ou de transfert du monument, notamment dans le cadre des transferts décidés en application de la présente loi. – (Adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 3

Article 2 bis (nouveau)

I. - Après l’article L. 622-1 du code du patrimoine, sont insérés deux articles ainsi rédigés :

« Art. L. 622-1-1. - Un ensemble ou une collection d’objets mobiliers dont la conservation dans son intégrité présente un intérêt public en raison de sa qualité historique, artistique, scientifique ou technique et de sa cohérence peut être classé au titre des monuments historiques comme ensemble historique mobilier par décision de l’autorité administrative. Cet ensemble ne peut être divisé ou dispersé sans autorisation de cette autorité.

« Les effets du classement s’appliquent à chaque élément de l’ensemble historique mobilier classé et subsistent pour cet élément s’il est dissocié de l’ensemble. »

« Art. L. 622-1-2. - Lorsque des objets mobiliers classés ou un ensemble historique mobilier classé au titre des monuments historiques sont rattachés par des liens historiques ou artistiques à un immeuble classé au titre des monuments historiques et forment avec lui un ensemble cohérent de qualité dont la conservation dans son intégrité présente un intérêt public, ces objets mobiliers ou cet ensemble historique mobilier peuvent être grevés d’une servitude de maintien in situ par décision de l’autorité administrative. Leur déplacement est alors subordonné à une autorisation de cette autorité.

« Cette servitude peut être prononcée en même temps que la décision de classement, ou postérieurement à celle-ci. »

II. - Après l’article L. 622-4 du code du patrimoine, sont insérés deux articles ainsi rédigés :

« Art. L. 622-4-1.- Les ensembles d’objets mobiliers appartenant à un propriétaire autre que l’État peuvent être classés au titre des monuments historiques comme ensembles historiques mobiliers, avec le consentement du propriétaire, par décision de l’autorité administrative prise après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

« À défaut de consentement du propriétaire, le classement d'office est prononcé par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

« Le classement pourra donner lieu au paiement d'une indemnité représentative du préjudice résultant pour le propriétaire de l'application de la servitude de classement d'office. La demande d'indemnité devra être produite dans les six mois à dater de la notification du décret de classement. À défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le tribunal d'instance. »

« Art. L. 622-4-2. - La servitude de maintien in situ d’un objet mobilier classé ou d’un ensemble historique mobilier classé est prononcée, avec le consentement du propriétaire, par décision de l’autorité administrative prise après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

« Elle peut être levée, sur demande du propriétaire, dans les mêmes conditions. ».

III. - A l'article L. 624-1, après les mots : « aliénation d'un immeuble classé au titre des monuments historiques, », sont insérés les mots : « de l'article L. 622-1-1 relatif aux ensembles historiques mobiliers, de l'article L. 622-1-2 relatif à la servitude de maintien in situ, ».

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

En cas de désaccord avec celle-ci, le Haut conseil du patrimoine peut se saisir et rendre un avis.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement tend à renforcer la protection liée à la servitude de maintien in situ.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.

(L'article 2 bis est adopté.)

Chapitre II

Centre des monuments nationaux

Article 2 bis (Nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 4

Article 3

(Non modifié)

Après le deuxième alinéa de l’article L. 141-1 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de contribuer au développement culturel équilibré du territoire national par l’ouverture la plus large des monuments qui lui sont confiés, le Centre des monuments nationaux assure une juste répartition de ses moyens de fonctionnement entre ces monuments, dont la liste est établie par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

Chapitre III

Transferts de propriété des monuments historiques classés ou inscrits de l’État aux collectivités territoriales

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 5

Article 4

(Non modifié)

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent se porter candidats pour le transfert de propriété de monuments historiques classés ou inscrits en application du titre II du livre VI du code du patrimoine, figurant sur une liste établie par décret après évaluation de leur caractère transférable par le Haut conseil du patrimoine prévu à l’article 1er.

Le transfert des immeubles peut s’accompagner du transfert des biens meubles qu’ils renferment sans préjudice des dispositions particulières applicables auxdits biens.

Le transfert de propriété d’un monument historique ne peut concerner que l’intégralité de l’immeuble ou de l’ensemble domanial.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

, dans un délai de dix-huit mois suivant l'inscription des monuments sur ladite liste. Tous les dix ans à compter de l'inscription des monuments historiques sur la liste établie par décret après évaluation de leur caractère transférable par le Haut conseil du patrimoine et dans le respect du délai de dix-huit mois, les collectivités territoriales et leurs groupements pourront se porter de nouveau candidats pour le transfert des monuments historiques figurant sur la liste.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cet amendement reprend la proposition n° 7 du rapport de Mme Férat sur le rôle du CMN, le Centre des monuments nationaux. Il vise en effet à encadrer dans le temps les transferts de monuments de l’État vers les collectivités, comme cela était déjà prévu dans l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, qui a amorcé la première vague de transferts.

La raison en est simple : prévoir la possibilité de transferts permanents ne permet pas d’assurer une politique patrimoniale d’État viable. L’absence de visibilité à moyen ou long terme sur le périmètre du patrimoine appartenant à l’État crée une forte incertitude quant aux financements qui y seront consacrés, d’autant plus que les travaux d’entretien et de réhabilitation ne se conçoivent que dans la durée.

Afin que l’État dispose d’une visibilité et d’une capacité de projection suffisantes pour permettre les investissements financiers nécessaires, nous proposons que les collectivités disposent de dix-huit mois pour faire acte de candidature après l’inscription du monument sur la liste établie par le Haut conseil du patrimoine.

Passé ce délai, et si aucun transfert n’est acté, la possibilité de transfert sera rouverte dix ans après la date de l’inscription sur la liste, dans les mêmes conditions : un délai de dix-huit mois, éventuellement rouvert tous les dix ans.

J’ai bien conscience de mettre Mme Férat en contradiction avec elle-même puisque, je le rappelle, notre amendement ne fait que reprendre une proposition adoptée à l’unanimité par la commission de la culture au moment où elle avait présenté son rapport.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Monsieur Renar, il est vrai que cette proposition faisait partie du rapport adopté par la commission. Cependant, lorsque nous avons auditionné les représentants des collectivités territoriales, pour préparer l’examen de cette proposition de loi, nous nous sommes rendu compte que, si la notion de « vague de transferts » était très pertinente pour le CMN, elle l’était moins pour les collectivités.

C’est la raison pour laquelle la commission est, malgré tout, défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Les arguments fort judicieux qu’a développés Mme le rapporteur sont le fruit d’une véritable réflexion. Le Gouvernement fait donc sien l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2 

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque les objets mobiliers que renferme l'immeuble ont été classés conformément à l'article L. 622-1-1 du code du patrimoine, le transfert de l'immeuble s'accompagne du transfert de ces biens meubles.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. La commission a introduit un article 2 bis qui permet d’éviter les divisions et dispersions des ensembles ou collections dont l’unité formée avec le monument qui les abrite présente un caractère historique ou patrimonial exceptionnel. Il convient donc maintenant de rendre obligatoire le transfert de ces ensembles mobiliers avec les immeubles qui les abritent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Il est défavorable, monsieur le président, car la rédaction de cet amendement nous paraît dangereuse. Elle obligerait en effet l’État à transférer tous les objets avec le monument qui les abrite, alors même que leur intérêt patrimonial exigerait précisément que l’État en conserve la propriété.

L’adoption de l’amendement n° 41 devrait d’ailleurs rassurer les auteurs de cet amendement, à qui je rappelle en outre que nous avons introduit la notion de « servitude de maintien in situ » en commission la semaine dernière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Là encore, à la lumière des arguments extrêmement pertinents énoncés par Mme le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 6

Article 5

Les monuments historiques dont la demande de transfert est accompagnée d’un projet culturel sont cédés aux collectivités territoriales ou à leurs groupements à titre gratuit. Leur transfert ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires. La collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire a pour mission d’assurer la conservation du monument, d’en présenter les collections, d’en développer la fréquentation et d’en favoriser la connaissance.

Les autres monuments historiques sont cédés par l’État à titre onéreux dans les conditions applicables aux cessions du domaine de l’État.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 16, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le transfert des monuments historiques classés ou inscrits aux collectivités territoriales et à leurs groupements est effectué à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire. La demande de transfert est accompagnée d'un projet culturel. La collectivité territoriale ou le groupement bénéficiaire a pour mission d'assurer la conservation du monument, d'en présenter les collections, d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance.

La revente d'un monument historique classé ou inscrit acquis gratuitement par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités est interdite.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement a pour objet de préciser le cadre dans lequel s’opéreront les transferts de monuments classés ou inscrits au profit des collectivités ou de leurs groupements.

À notre sens, ils ne peuvent s’effectuer qu’à titre gratuit. D’ailleurs, la précédente vague de transferts, ceux qu’a permis la loi du 13 août 2004, n’a concerné que des transferts à titre gratuit.

Pourquoi opérer un tel revirement aujourd'hui ? Quelle collectivité aura intérêt à acquérir un patrimoine à titre onéreux si ce n’est à des fins de spéculation immobilière ? Quelle collectivité aura intérêt à s’endetter pour acquérir un monument à destination incertaine si ce n’est dans la perspective de le revendre à des acteurs privés, avec l’espoir d’en tirer un bénéfice financier ?

Est-ce en cautionnant de telles dispositions que l’État se portera garant de la préservation du caractère inaliénable et imprescriptible de ses monuments classés ou inscrits ?

Ce qui confirme malheureusement nos craintes, c’est la possibilité, ouverte implicitement par les articles 7 et 10 du présent texte, de revente sans aucun contrôle des monuments acquis à titre onéreux, et M. le ministre l’a bien précisé tout à l’heure.

Pour nous, avec l’actuelle rédaction de l’article 5, le risque est grand de voir un État à la fois peu soucieux de son patrimoine et soucieux, en revanche, de renflouer ses caisses faire le plus souvent possible déclarer par le Haut conseil du patrimoine, par le préfet de région et par les ministres compétents que le projet accompagnant telle demande de transfert est dépourvu de caractère culturel.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

sont cédés

insérer les mots :

aux collectivités territoriales ou à leurs groupements

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. L’alinéa 2 de l’article 5 fait référence à la cession par l’État à titre onéreux, en général, dans un chapitre pourtant consacré aux « transferts de propriété des monuments historiques classés ou inscrits de l’État aux collectivités territoriales ». Autrement dit, cet alinéa est sans rapport avec l’objet visé par ce chapitre.

Tel qu’il est rédigé, cet alinéa tend à présenter la vente des monuments par l’État comme une solution alternative au transfert aux collectivités, ce qu’elle ne doit pas être ! C’est pourquoi nous proposons de le modifier afin qu’il ne vise explicitement que les cessions aux collectivités territoriales. À défaut, on pourrait penser que tous les monuments non transférés aux collectivités au titre d’un « projet culturel » sont susceptibles d’être vendus à quiconque souhaite s’en rendre propriétaire, ce qui serait aussi absurde que dangereux.

De plus, la cession à titre onéreux à tout acteur non public apparaît ainsi comme une solution consacrée par la loi, alors que, fût-elle licite, elle doit demeurer exceptionnelle.

Cet alinéa pérennise la vente au privé là où il faudrait l’interdire ; il lui donne des bases juridiques fortes là où il faudrait la limiter. Il contribue ainsi à dissoudre la responsabilité publique en matière de patrimoine classé ou inscrit et justifie le désengagement financier de l’État ainsi que la politique de délégation au privé, qui n’a de « service public » que le nom !

Enfin, cet alinéa souligne l’ambivalence entre les monuments historiques avec un projet culturel, qui sont transférés gratuitement aux collectivités et accompagnés d’obligations, et les autres, vendus et utilisés librement sans aucune contrainte, à la guise du repreneur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 16.

Le premier alinéa du texte proposé par cet amendement est déjà satisfait par le texte de la commission.

Quant au deuxième alinéa, il ne me paraît pas acceptable. En effet, l’interdiction pure et simple de toute revente est à la fois excessive, probablement contraire au principe de libre administration des collectivités et, surtout, dans certains cas, en particulier lorsque la collectivité n’a plus les moyens d’entretenir le monument, contraire à l’objectif de protection du patrimoine.

Pour des raisons du même ordre, la commission est également défavorable à l’amendement n° 6. S’il est logique d’accorder la priorité aux collectivités locales, il ne faut pas écarter l’hypothèse selon laquelle des projets privés peuvent être de qualité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 16. Il me semble que cet amendement laisse planer une sorte de soupçon injustifié sur le Haut conseil.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 6, pour les raisons avancées par Mme le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.

M. Yves Dauge. J’ai déjà abordé ce sujet et il s’agit effectivement pour nous d’un point essentiel, qui est au cœur de notre profond désaccord avec la philosophie qui est ici à l’œuvre.

Tout à l’heure, Mme Cartron a évoqué le fort de Blaye, qu’on est en train de vendre par morceaux. Cela, nous ne pouvons l’accepter !

Je le répète, le seul transfert légitime est celui qui s’effectue en direction d’une collectivité locale ayant un projet culturel : je ne vois pas l’intérêt d’un transfert s’il n’y a pas de projet culturel ! Ou alors, cela signifie que les protagonistes ont des arrière-pensées, par exemple une revente à la découpe…

Nous resterons extrêmement fermes sur ce point et nous disons clairement que tout transfert vers une collectivité locale doit s’inscrire dans la perspective d’une politique publique de sauvegarde du patrimoine. Nous reconnaissons volontiers que les collectivités territoriales ont un beau rôle à jouer en la matière ; d’ailleurs, elles le jouent déjà très bien. Mais nous ne voulons pas qu’elles obtiennent un bien pour le revendre ensuite, même si elles remboursent l’État en cas de plus-value !

La décision qui sera prise sur notre amendement déterminera notre position lors du vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 7

Article 6

(Non modifié)

La demande de transfert des collectivités territoriales ou de leurs groupements concerne les monuments historiques classés ou inscrits implantés sur leur territoire et jugés transférables par le Haut conseil du patrimoine conformément à l’article 1er de la présente loi. Elle est adressée au ministre chargé des monuments historiques.

À l’appui de leur demande, les collectivités territoriales ou leurs groupements communiquent un dossier précisant les conditions dans lesquelles elles assureront la conservation et la mise en valeur de l’immeuble, leur capacité financière à assumer le transfert ainsi que le projet culturel associé.

Le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre chargé du domaine de l’État ainsi qu’au représentant de l’État dans la région qui l’instruit et notifie la demande aux autres collectivités territoriales dans le ressort desquelles se trouve l’immeuble. Le ministre chargé des monuments historiques recueille l’avis du Haut conseil du patrimoine. Celui-ci formule un avis au regard du projet présenté par la ou les collectivités territoriales candidates.

Après accord du ministre chargé du domaine de l’État, le ministre chargé des monuments historiques désigne la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire du transfert en fonction des projets présentés. Il peut décider de ne désigner aucun bénéficiaire au vu de l’importance du maintien du bien concerné dans le patrimoine de l’État, de l’intérêt des finances publiques, ou de l’insuffisance du projet présenté.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

dans lesquelles

par les mots :

et le mode de gestion dans lesquels

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Par cet amendement, nous souhaitons préciser que le dossier remis par les collectivités territoriales pour accompagner la demande de transfert doit faire mention du mode de gestion choisi.

Aux termes de la rédaction actuelle, les collectivités sont uniquement censées préciser les conditions dans lesquelles elles assureront la conservation et la mise en valeur du monument, ainsi que leurs capacités financières pour mener le projet à bien.

Or il est également important que le ministre et le Haut conseil puissent avoir connaissance de la manière dont ce projet sera mené à bien. S’agira-t-il d’un partenariat public-privé ? D’une délégation de service public ? C’est un élément majeur, car il influera sur les conditions de mise en œuvre du projet.

Il ne s’agit pas de considérer que le privé peut suppléer les collectivités ou l’État dans la réalisation de telles missions. L’objectif de sa participation au projet n’est plus l’intérêt général, mais la perspective d'un profit direct ou indirect à retirer de cette opération. Il nous paraît important d’en avoir connaissance avant de prendre la décision de transfert et de chercher plutôt à limiter ce genre de recours.

En réalité, si une telle solution allège les dépenses budgétaires, elle a un autre coût : elle altère la qualité même du service rendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Monsieur Renar, j’ai le grand plaisir de vous annoncer que la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

En effet, une telle précision permet de mieux encadrer les conditions du transfert.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Comment pourrait-on refuser à un sénateur aussi charmant et compétent que M. Renar une satisfaction qu’il mérite bien d’obtenir ? (Sourires.) Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cet avis est rendu public. Il doit notamment être communiqué aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

II. – Alinéa 4, première phrase

Rédiger ainsi le début de cette phrase :

Après accord du Haut conseil du patrimoine et

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cette proposition de loi crée le Haut conseil du patrimoine, qui est au cœur du processus de transfert comme de cession des monuments. Il crée une liste de monuments transférables aux collectivités et se prononce sur les cessions par les collectivités comme par l’État.

L’article 6 ne prévoit pourtant qu’une simple consultation pour avis de ce Haut conseil lors de la procédure de transfert. Ainsi, le Haut conseil, conçu comme spécialiste du patrimoine et référent en la matière, ne pourrait pas s’opposer à un transfert qu’il jugerait inopportun.

Le transfert du patrimoine mérite la plus grande prudence et le plus strict contrôle. Afin de s’assurer que ce transfert ne nuira ni aux collectivités ni au patrimoine monumental, l’accord du Haut conseil doit être exigé.

Le ministre de la culture ne peut pas passer outre ce refus, mais, inversement, il ne serait pas obligé d’accorder un transfert validé par le Haut conseil. C’est la procédure prévue à l’article 10, que nous examinerons dans quelques instants, lorsqu’une collectivité souhaite vendre le monument. Il nous paraît indispensable de l’étendre au transfert de l’État vers les collectivités, qui est la raison d’être du Haut conseil.

De plus, nous souhaitons que l’avis du Haut conseil du patrimoine soit rendu public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

En effet, la publicité des avis est déjà prévue. Le I de cet amendement est donc déjà satisfait.

En outre, il nous semble contradictoire et curieux de replacer le ministre de la culture au cœur du processus tout en lui retirant le pouvoir de décision au profit du Haut conseil du patrimoine. Car c’est bien le ministre qui, s’il souhaite s’écarter de l’avis du Haut conseil du patrimoine, prendra in fine la décision et en assumera la responsabilité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame le rapporteur, je vous remercie de rappeler une notion sur laquelle on n’a peut-être pas suffisamment insisté au cours de cet intéressant débat, et je m’inclus dans ce « on ». Il est donc bon de dire que, dans le domaine dont nous débattons ce soir, la décision revient in fine au ministre chargé de la culture et de la communication. C’est là un élément tellement essentiel qu’on ne se donne même plus la peine de le rappeler ! Mais après tout, les portes ouvertes sont faites pour être enfoncées !

Par conséquent, au risque de vous faire un peu de peine, monsieur Renar, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, étant entendu que, de toute manière, les avis du Haut conseil seront rendus publics.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Posons la question clairement : qui est légitime pour prendre une décision et en assumer la responsabilité ? S'agit-il des membres du Haut conseil, qui sont des représentants de l’administration – et donc parfois du ministère de la culture – et des personnalités qualifiées ? Ou bien s’agit-il du ministre, qui représente à un moment donné l’autorité de la République ?

À mon sens, on ne peut pas subordonner le ministre à une haute autorité, quelle que soit la qualité des membres qui la composent, quelle que soit la qualité de ses travaux. En revanche, il est fort utile que le ministre soit éclairé systématiquement par l’avis de cette haute autorité. Et s’il décide de passer outre, c’est un acte politique qui doit être rendu public. Au final, ce sont les citoyens qui jugeront. Dans une République, c’est le gouvernement qui est responsable !

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. Il faut le reconnaître, le dispositif prévu à l’alinéa 4 de l’article 6 correspond à ce qui se pratique déjà avec bien d’autres instances dans divers domaines, qu’il s’agisse des sites, des secteurs sauvegardés, des monuments historiques... Le mode de prise de décision est toujours celui qui vient d’être décrit par M. le président de la commission. On ne peut pas créer une exception pour le sujet dont nous débattons ce soir. À ma connaissance, aucune instance nationale de cette nature ne se substitue aux autorités politiques ; toutes donnent simplement un avis et je pense que nous devons en rester à cette logique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Les décisions de transfert d'un monument historique à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales sont publiées au Journal officiel.

Les décisions de transfert sont susceptibles de recours devant la juridiction administrative. Les recours peuvent être formés par toute collectivité ou groupement de collectivités ou toute association ayant intérêt à agir, dans un délai de deux mois suivant la publication au Journal officiel de la désignation de la collectivité ou du groupement bénéficiaire.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Il s’agit simplement d’ouvrir dans les deux mois qui suivent la décision de transfert une possibilité de recours à toute collectivité qui s’estimerait lésée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

Je rappelle que la publicité est déjà prévue à l’article 1er ; l’amendement est donc satisfait sur ce point.

Par ailleurs, la juridiction administrative est déjà compétente. Par conséquent, cette mention nous semble superfétatoire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Défavorable pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 8

Article 7

(Non modifié)

Une convention conclue entre l’État et la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités bénéficiaires d’une cession à titre gratuit définit les conditions du transfert de propriété de l’immeuble ainsi que, le cas échéant, des objets mobiliers qui y sont déposés et dont elle rappelle la liste. Elle transfère les droits et obligations attachés aux biens en cause et ceux résultants des contrats en cours. Elle comporte une évaluation de son état sanitaire, indique les conditions de conservation du monument, les travaux nécessaires notamment pour satisfaire les différentes obligations de mise aux normes, et fournit les informations complètes relatives à l’ensemble des personnels travaillant pour le monument.

Lorsque le monument transféré n’a pas d’usage culturel avant le transfert, la convention précise qui sont, parmi les personnels, ceux nécessaires à son fonctionnement futur et qui seront les seuls transférés.

Elle prévoit une évaluation chiffrée et un calendrier indicatif de l’aide de l’État pour un programme de travaux de restauration si l’état de conservation du monument le justifie.

La convention rappelle les obligations liées à l’utilisation culturelle du monument telles que définies à l’article 2. Elle présente également le projet culturel de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités sur la base duquel le transfert à titre gratuit a été décidé.

La convention indique qu’avant toute revente d’un monument acquis gratuitement, la collectivité bénéficiaire saisit le ministre chargé des monuments historiques et le ministre chargé du domaine de l’État qui peuvent, par décision conjointe, en demander la restitution à l’État à titre gratuit.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle fixe notamment les conditions d'ouverture au public et de présentation des objets que renferme le monument.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Pour le moment, il est seulement indiqué que la convention visée à l’article 7 devra présenter le projet culturel de la collectivité, et nous considérons qu’il s’agit d’un point positif. Néanmoins, il convient de spécifier que la convention précisera aussi les conditions d’ouverture au public et de présentation des collections du monument transféré.

Cette précision signifiera implicitement que le monument sera ouvert au public à des horaires adaptés et moyennant un prix d’entrée contrôlé, et que ses collections seront visibles par ceux qui souhaiteront visiter le monument.

Il serait fâcheux que certaines collectivités acquièrent des monuments remarquables, les restaurent et les valorisent, conformément à leur projet culturel, mais sans que le public puisse en profiter.

Il s’agit donc d’un amendement de précaution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. L’amendement est satisfait par le texte de la commission, qui prévoit de faire figurer toutes ces informations dans la convention de transfert.

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

La convention mentionne l'interdiction de revente d'un monument acquis gratuitement par la collectivité ou par le groupement bénéficiaire.

Madame Cartron, je crois pouvoir considérer que cet amendement n’a plus d’objet puisque c’est un amendement de coordination avec une disposition qui n’a pas été adoptée…

Mme Françoise Cartron. En effet, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 9

Article 8

(Non modifié)

Le transfert des personnels attachés au monument au moment de la candidature et nécessaires à son fonctionnement futur, ainsi que des charges d’investissement consacrées au monument pour son entretien et sa conservation s’opère dans les conditions prévues respectivement par le chapitre II du titre V et par l’article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée et des décrets pris pour son application.

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - À compter du transfert de propriété, qui vaut transfert de service, les personnels de l'État exerçant leurs fonctions dans le monument transféré et dont la convention mentionnée à l'article 7 fixe la liste sont transférés dans les conditions prévues par le titre V de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, sous réserve des dispositions prévues à l'alinéa suivant.

Sont transférés aux collectivités bénéficiaires les emplois pourvus au 31 décembre de l'année précédant l'année du transfert du monument, sous réserve que leur nombre global ne soit pas inférieur à celui constaté au 31 décembre de l'antépénultième année précédant ce transfert.

Les charges relatives au fonctionnement du monument transféré supportées par l'État font l'objet d'une compensation correspondant à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert du monument, diminuées du montant moyen sur la même période des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts, conformément à l'article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée.

II. - Les ressources précédemment consacrées par l'État au fonctionnement du monument historique transféré, calculées dans les conditions définies au I, sont intégrées dans la dotation générale de décentralisation des collectivités territoriales ou de leurs groupements désormais compétents.

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Cet amendement a pour objet de définir les modalités de compensation des charges de fonctionnement du monument transféré, dont les charges correspondant au transfert de personnels, selon des conditions identiques à celles mises en œuvre par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales au titre du transfert des monuments historiques aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, cet amendement vise à supprimer la compensation relative aux charges d'investissement, ces dernières étant susceptibles d'être subventionnées par l'État dans le cadre de programmes de travaux éventuels à définir dans la convention de transfert des monuments, à l'instar des programmes quinquennaux mis en œuvre lors de la première vague de transferts de monuments historiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Nous avons pris connaissance des six amendements déposés par le Gouvernement ce matin, en commission. Faute d’une étude approfondie, nous n’avons pas eu de débat. Néanmoins, nous nous sommes interrogés, notamment sur le problème du choix entre l’affectation de la taxe sur les paris en ligne, solution qui avait été évoquée, et la dotation générale de décentralisation, solution retenue.

J’ai été maire d’Aubervilliers pendant vingt ans : je puis vous assurer que je n’ai jamais vu de dotation générale de décentralisation ou autre qui ne soit tôt ou tard grignotée. Il y a donc là une totale absence de garantie pour les collectivités territoriales.

On pourra toujours me répondre que les deux dernières années sont prises en compte pour le transfert des personnels, ce qui est mieux qu’une seule année, car cela permet de sauver quelques emplois que la RGPP a détruits. Pour autant, la compensation relative aux charges d’investissement est annulée. Mais on n’en parle pas…

Il est vraiment regrettable que la commission n’ait pas eu le temps d’examiner plus tôt l’ensemble de ces amendements du Gouvernement, car ils soulèvent tout de même des questions qui ne sont pas négligeables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 31 est ainsi rédigé.

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 10

Article 9

(Non modifié)

Le ministère chargé des monuments historiques suit la mise en œuvre des conventions de transfert à titre gratuit pour ce qui concerne le projet culturel, le programme de restauration et toute question relative à l’application du code du patrimoine.

Le ministère chargé du domaine de l’État assure une mission de conseil technique auprès de la collectivité ou du groupement de collectivités bénéficiaire pendant l’année qui suit le transfert effectif sur les incidences juridiques du transfert.

Le Gouvernement transmet tous les trois ans un bilan et une évaluation de l’application de la présente loi aux commissions compétentes du Parlement.

En cas d’évolution significative du projet culturel, des ressources humaines, des travaux ou du budget relatifs au monument transféré à titre gratuit, les collectivités ou les groupements de collectivités bénéficiaires transmettent au représentant de l’État dans la région un rapport pour l’en informer. Elles adressent en outre un bilan complet de l’évolution des données tous les trois ans au ministre en charge des monuments historiques et aux commissions compétentes du Parlement.

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

l'année qui suit

par les mots :

les trois ans qui suivent

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement vise à renforcer une des dispositions de la proposition de loi.

Le texte qui nous est soumis prévoit l’assistance technique des collectivités bénéficiaires par les services du ministre chargé du domaine de l’État, et cette assistance est primordiale.

En se voyant transférer la propriété d’un monument historique, les collectivités territoriales se trouvent en face d’une responsabilité énorme : l’entretien des monuments demande des compétences spécifiques et doit se couler dans des cadres juridiques souvent contraignants. L’exercice de ce type de compétences ne s’improvise pas. C’est pourquoi l’assistance de l’État sera extrêmement précieuse.

Dès lors, il nous semble que le délai très court pour en bénéficier est irréaliste ; un an ne permettra sans doute pas au nouveau propriétaire de prendre la mesure des tâches à effectuer. Au bout d’un an, le projet de la collectivité risque d’en être encore dans sa phase de montée en puissance.

Voilà pourquoi nous souhaitons que le délai d’un an pour bénéficier de l’assistance de l’État soit porté à trois ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. C’est une proposition qui va dans le bon sens puisqu’elle allonge la période d’accompagnement des collectivités par les ministères concernés. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement ne partage pas tout à fait l’opinion de la commission. Il s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 21, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

deux

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. La fréquence triennale du rapport de bilan présenté par le Gouvernement au Parlement est insuffisante compte tenu des dangers et incertitudes entourant la mise en œuvre des opérations de transfert de monuments aux collectivités. Il convient de prévoir la remise d'un rapport tous les deux ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Le délai de trois ans est déjà très court. Un délai encore plus court inciterait le Gouvernement à ne pas remplir cette obligation d’information. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. À mon sens, un délai de deux ans serait strictement ingérable. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4, seconde phrase

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

deux

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Article 9
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 11

Article 10

(Non modifié)

I. – Après l’article L. 2141-3 du code général de la propriété des personnes publiques, il est inséré un article L. 2141-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2141-4. – Le déclassement du domaine public en vue de la revente des monuments historiques cédés gratuitement par l’État à une collectivité territoriale en application de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État ne peut intervenir qu’après avis conforme du Haut conseil du patrimoine en application de l’article L. 611-2-1 du code du patrimoine. Celui-ci se prononce au regard du projet de cession pour lequel le déclassement du domaine public est envisagé. »

II. – La sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du même code est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :

« Paragraphe 5 : Dispositions applicables aux monuments historiques transférés gratuitement aux collectivités territoriales et leurs groupements.

« Art. L. 3211-16-1. – En cas de revente à titre onéreux portant sur un monument transféré à titre gratuit dans les quinze années suivant cet acte de transfert, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire verse à l’État la somme correspondant à la différence entre le produit de la vente et les coûts d’investissement afférents aux biens cédés et supporté par la collectivité ou le groupement de collectivité depuis le transfert à titre gratuit. »

III. – L’acte de cession comporte un cahier des charges décrivant le projet pour lequel l’avis favorable du Haut conseil du patrimoine.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Nous avons déjà abordé ce sujet en défendant l’amendement n°16, à l’article 5. Mais nous persistons et nous signons !

L’article 10 encadre les projets de revente de monument classé ou inscrit acquis gratuitement par une collectivité ou par un groupement de collectivités.

Nous nous opposons à toute entorse au principe d’inaliénabilité des monuments historiques. En droit, seule l’affectation à une autre personne publique d’un bien inaliénable est possible.

Or cet article ouvre la possibilité de revente d’un monument inaliénable à n’importe qui, personne publique ou privée. Quelles que soient les garanties apportées à cette transaction par le dispositif de l’article – avis conforme du Haut conseil du patrimoine sur le projet de déclassement, rétrocession à l’État de la plus-value en cas de revente dans les quinze années suivant la vente, cahier des charges, etc. –, nous ne saurions cautionner la moindre dérogation à ce principe d’inaliénabilité.

Et le plus grave, dans le dispositif de cet article, c’est ce qui n’y figure pas, à savoir l’encadrement de la revente d’un monument acquis à titre onéreux.

Implicitement, il est donc autorisé, pour une collectivité, de revendre le monument qu’elle aura acquis à titre onéreux, sans aucune forme de contrôle préalable ni autorisation de déclassement de ce bien. Tout usage, toute transformation d’un monument acquis à titre onéreux seront ainsi possibles sans aucun contrôle.

Une large partie du patrimoine classé et inscrit se trouve donc menacée et pourra se voir attribuer un usage sans aucun rapport avec sa vocation patrimoniale initiale : un monument pourra être bradé, mutilé, transformé, démoli pour les besoins de sa nouvelle destination, servir même, pourquoi pas ? de parc d’attraction…

C’est pour préserver l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du patrimoine monumental de l’État, que nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement revient sur la cohérence d’ensemble du texte et supprime, ce qui nous inquiète beaucoup, les garde-fous prévus en cas de revente. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Défavorable, pour les raisons avancées par Mme le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le déclassement du domaine public en vue de la vente des monuments historiques ne peut intervenir qu'après avis conforme du Haut conseil du patrimoine.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Il convient de soumettre tout projet de déclassement pour vente d’un monument historique de l’État à l’avis conforme du Haut conseil du patrimoine. Il s’agit d’établir un parallélisme avec ce qui est prévu dans l’article sur la revente des monuments des collectivités.

L’État, en effet, se doit d’être vertueux et de donner l’exemple. Hélas ! on ne peut pas dire que, ces dernières années, il s’y soit particulièrement employé en matière de protection du patrimoine classé et du respect de son inaliénabilité.

Nous avons déjà évoqué les précédents de l’hôtel de Montesquiou, cédé à un promoteur russe, de l’Imprimerie nationale, quasiment offerte à un fonds d’armement américain, puis rachetée quatre fois plus cher par l’État moins de trois ans plus tard, de la cession pour près de cent ans, ce qui équivaut pratiquement à une vente, de l’hôtel de la Marine.

Trois hôtels, dont l’hôtel de Clermont, datés des XVIIIe et XIXe siècles, tous situés dans le VIIe arrondissement de Paris et abritant des services du Premier ministre sont également à vendre à l’horizon de 2013. Dans le même programme de vente, est également prévue celle du pavillon royal de chasse « La Muette », situé en forêt de Saint-Germain-en-Laye et construit par Gabriel, un architecte décidément traité avec peu d’égards ces derniers temps.

Ce patrimoine est classé et, à ce titre, inaliénable. Il serait donc plus qu’opportun qu’une procédure transparente de déclassement lui soit applicable.

Cet amendement tend à faire entrer dans ce cadre les projets de vente par l’État de notre patrimoine commun et tout autre projet ultérieur de même type. J’espère que le Sénat aura la sagesse de l’adopter.

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

1° Remplacer les mots :

Le déclassement

par les mots :

Tout déclassement

2° En conséquence, après les mots :

monuments historiques

insérer les mots :

appartenant à l’État ou

3° Supprimer les mots :

en vue de la revente

4° Après les mots :

loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État

insérer les mots :

ainsi que tout projet de bail emphytéotique administratif qui concerne un monument classé ou inscrit

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Cet amendement tend à articuler l’article 10 avec l’article 1er, qui énonce que le Haut conseil du patrimoine se prononce avant toute cession par l’État ou les collectivités territoriales d’un monument classé ou inscrit. Il s’agit là d’une disposition qui a été tout à l’heure adoptée à l’unanimité.

Or l’article 10 ne fait mention de l’intervention du Haut conseil que dans le cas des collectivités locales, ignorant la cession directe par l’État. Pourtant, si cette mission est inscrite dans l’article 1er, il faut bien la rendre effective. C’est pourquoi nous proposons d’étendre le champ d’application de cet article à la procédure de cession de tous les monuments, qu’ils appartiennent aux collectivités locales ou à l’État, de même qu’à tout projet de bail emphytéotique administratif. Ainsi, dans tous les cas, l’avis conforme du Haut conseil du patrimoine sera requis : les conséquences étant les mêmes pour le patrimoine, un contrôle identique doit s’appliquer.

M. le président. L’amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

collectivité territoriale

insérer les mots :

ou à un groupement de collectivités territoriales

II. - Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

II. - Après l’article L. 3211-14 du même code, il est inséré un article L. 3211-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3211-14-1. - En cas de revente à titre onéreux d’un monument transféré à titre gratuit en application de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État, réalisée dans les quinze années suivant l’acte de transfert, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales bénéficiaire verse à l’État la somme correspondant à la différence entre le produit de la vente et les coûts d’investissement afférents aux biens cédés et supportés par la collectivité ou le groupement de collectivités depuis le transfert à titre gratuit. »

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. L’article 4 de la proposition de loi prévoit que le transfert de monuments historiques s’exerce au profit des collectivités territoriales et de leurs groupements ; c’est pourquoi il convient de compléter l’article L. 2141-4 du code général de la propriété des personnes publiques, créé par cet article 10, en ajoutant que les groupements de collectivités territoriales sont aussi concernés en cas de déclassement.

Par ailleurs, la revente d’un monument historique transféré par l’État n’étant qu’une modalité particulière d’une cession à titre onéreux d’un bien d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales, il convient de créer un article L. 3211-14-1 au sein du paragraphe 3 de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du code général de la propriété des personnes publiques, plutôt que le mode de codification prévu par la proposition de loi.

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer les mots :

dans les quinze années suivant cet acte de transfert

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre opposition de principe à tout déclassement pour revente d’un monument classé ou inscrit, et à ce titre inaliénable.

L’article 10 de la proposition de loi prévoit qu’une collectivité locale revendant à titre onéreux un monument préalablement cédé gratuitement par l’État devra rétrocéder à celui-ci la plus-value réalisée, hors coûts d’investissement.

Il ne semble pas opportun d’inciter les collectivités locales à appréhender la gestion des monuments comme une activité spéculative et cette disposition constitue un garde-fou pour contrer cette tentation. Compte tenu de notre opposition à toute logique mercantile entourant le patrimoine monumental national, nous sommes favorables à cette mesure de rétrocession des plus-values réalisées. Néanmoins, nous aurions souhaité qu’elle soit appliquée sans limitation dans le temps et souhaitons donc supprimer le délai de quinze ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 24. En effet, si l’avis du Haut conseil du patrimoine est important avant tout déclassement du domaine public, cet avis ne doit pas lier l’État : celui-ci, nous l’avons dit tout à l’heure, devrait prendre ses responsabilités s’il décidait d’aliéner un monument malgré l’avis défavorable du Haut conseil.

La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 9, pour toutes les raisons évoquées précédemment : l’avis du Haut Conseil ne doit pas lier l’État pour le déclassement du domaine public et la revente doit être autorisée.

L’amendement n° 35 reçoit un avis favorable.

Enfin, l’avis de la commission sur l’amendement n° 25 est défavorable, car le partage des bénéfices entre l’État et la collectivité sera un exercice très délicat et il paraît illusoire d’envisager une traçabilité précise des investissements de chaque partie au-delà de quinze ans.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 24, 9 et 25 pour les raisons avancées par Mme le rapporteur. En outre, je pense que l’exposé liminaire que je me suis permis de faire contenait un certain nombre d’éléments qui justifient cet avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l’amendement n° 35.

M. Jack Ralite. M. le ministre – avec ironie, j’imagine ! – a énuméré une série de chiffres qui m’a fait un peu peur, car je ne la comprends pas bien.

Si je relis bien tous les amendements du Gouvernement, je vois que les services départementaux de l’architecture et du patrimoine, les SDAP, sont supprimés au profit des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. Je me demande si tel était bien l’objet de cette proposition de loi. Puisque ce texte fera vraisemblablement l’objet d’une navette, je réserve mon point de vue jusqu’à ce qu’il nous revienne de l’Assemblée nationale, ce qui nous permettra de l’examiner plus en détail. Je redoute toujours les modifications introduites ex abrupto ! Notre groupe s’abstiendra donc sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

Mme Claudine Lepage. Le groupe socialiste s’abstient également.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 25 n’a plus d’objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 26, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

est requis

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement tend à réparer un oubli dans le texte de la proposition de loi puisqu’une forme verbale manque dans l’alinéa 6.

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

a été accordé

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 26.

Mme Françoise Férat, rapporteur. S’agissant de réparer l’oubli que vient de signaler Mme Cartron, la commission propose de compléter cet alinéa par la forme verbale « a été accordé », qui nous semble plus appropriée que celle proposée dans l’amendement n° 26, dont elle demande le retrait.

Mme Françoise Cartron. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 26 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 42 ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.

(L’article 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Articles additionnels après l’article 11

Article 11

(Non modifié)

Les transferts de propriété des monuments historiques de l’État à titre gratuit, opérés sur le fondement d’autres dispositions, notamment l’article L. 4424-7 du code général des collectivités territoriales, l’article97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et l’article 67 de la loi de finances pour 2009 demeurent régis par ces dispositions et par les textes réglementaires pris pour leur application ainsi que, le cas échéant, les conventions particulières conclues avec l’État pour le transfert de chaque monument. – (Adopté.)

Article 11
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 12 A (nouveau)

Articles additionnels après l’article 11

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute vente d’un monument historique appartenant à l’État situé sur le territoire national ou d’un bien immobilier du domaine public de l’État français situé hors du territoire français à une personne privée ou à une personne publique est soumise à l’avis du Haut conseil du patrimoine. Il se prononce sur l’opportunité du déclassement et sur le bien fondé de la vente en appréciant les conditions de vente et d’utilisation prévue de l’immeuble cédé ainsi que les éventuels travaux prévus.

Après avis du Haut conseil du patrimoine, le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre chargé du domaine de l’État qui l’instruit.

Après accord du ministre chargé du domaine de l’État, le ministre chargé des monuments historiques désigne la personne bénéficiaire.

L’acte de cession sur lequel figurent le prix de la cession ainsi que les éventuels indemnités, droits, taxes, salaires ou honoraires perçus et la destination envisagée de l’immeuble ainsi que les travaux prévus, est publié au Journal officiel.

La décision de vente est susceptible de recours devant la juridiction administrative. Le recours peut être formé par toute personne publique ou privée ayant intérêt à agir, dans un délai de deux mois suivant la publication au Journal officiel de l’acte de cession.

II. - En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :

Chapitre ...

Vente des monuments historiques et des immeubles du domaine public de l’État à des personnes privées ou publiques

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Nous avons adopté, lors de l’examen de l’article 1er, un amendement n° 30, présenté par nos collègues du groupe RDSE, qui octroie un droit de regard au Haut conseil du patrimoine sur les ventes des biens du domaine public de l’État français présentant une grande valeur patrimoniale et situés hors de notre territoire. Il s’agit d’une mission de « veille », qui est importante pour la préservation de ce patrimoine, mais qui reste d’ordre très général, je l’ai dit tout à l'heure, et n’est pas de nature à assurer une protection efficace du patrimoine français à l’étranger, en particulier au moment où l’État a de plus en plus tendance à le brader.

L’amendement que je vais défendre ne se trouve donc absolument pas « satisfait » par l’adoption de cet amendement n° 30.

Je rappelle le cadre particulier applicable aux biens de grande valeur patrimoniale appartenant à l’État français, mais situés en sol étranger : il s’agit de biens relevant du domaine public de l’État français, mais qui ne peuvent être ni classés ni inscrits à l’inventaire des monuments historiques, quelle que soit leur valeur, car ils sont situés hors du territoire national. En France, ils le seraient vraisemblablement, compte tenu de leur valeur ; dans certains États, certains d’entre eux bénéficient d’une protection équivalant au classement, tel le palais Thott, à Copenhague.

Ce patrimoine est malheureusement en train d’être bradé par l’État français, les produits des cessions constituant l’essentiel du financement du patrimoine à l’étranger depuis la mise en œuvre du contrat de modernisation du ministère des affaires étrangères.

Il est ainsi envisagé de vendre les biens suivants : la résidence de l’ambassadeur de France à Buenos Aires, pour 8 millions d’euros ; la villa de fonction du consul général de France à Sydney, pour 3,7 millions d’euros ; le consulat général à Anvers, pour 3 millions d’euros ; la villa de fonction du consul général de France à Hong Kong, pour plus de 40 millions d’euros ; la Villa andalouse, à Madrid, résidence du « numéro 2 » de l’ambassade, pour 14,5 millions d’euros ; l’immeuble des services culturels à New York, pour 23 millions d’euros ; l’Hospice wallon à Amsterdam, pour 4 millions d’euros ; le palais Lenzi, siège de l’Institut français à Florence, dont le cas a déjà été évoqué et qui constitue une source d’inquiétude particulière, pour 12 millions d’euros.

Certes, tous ces biens ne correspondent pas à des monuments historiques au sens de la législation française, mais plusieurs d’entre eux ont indiscutablement une haute valeur artistique et historique, comme l’hôtel particulier abritant le consulat général à Anvers ou, surtout, le palais Lenzi, joyau de la Renaissance florentine.

Nous souhaitons donc, puisque les ventes de tels trésors par l’État apparaissent inévitables, les encadrer au mieux et proposons une procédure calquée sur celle qui est prévue par la proposition de loi pour les cessions de l’État aux collectivités territoriales.

J’ajoute que le champ de notre amendement est plus large que celui des simples ventes d’éléments de patrimoine situés à l’étranger ; il concerne aussi les ventes par l’État de ses monuments historiques situés en France, que ce soit au profit de personnes privées ou de personnes publiques autres que les collectivités territoriales, qui voient les transferts réalisés à leur profit traités par la proposition de loi dont nous débattons.

Cet amendement constitue, en quelque sorte, une position de repli par rapport à notre absolu refus de tout déclassement de bien déclaré inaliénable, mais nous préférons faire preuve de pragmatisme, compte tenu de la dilapidation par l’État du patrimoine public monumental, aussi bien sur le territoire national qu’à l’étranger. Compte tenu de cette position de sagesse de notre part, nous espérons que le Sénat adoptera cette même attitude et votera notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Le premier aliéna de cet amendement est satisfait par les amendements adoptés précédemment et par le texte de la commission lui-même. Il appartiendra par ailleurs à l’État de s’organiser pour déterminer la personne compétente pour se prononcer sur les cessions envisagées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je remercie Mme Lepage de nous avoir fait rêver avec la perspective de profiter de notre situation pour aller dormir, un jour, dans une villa évaluée à plus de 40 millions d’euros, située à Hong Kong, et qui appartiendrait à l’État français… (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 28, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout projet de bail emphytéotique d’une durée supérieure ou égale à trente ans sur un monument historique ou un bien immobilier du domaine public de l’État au profit d’une personne privée ou d’une personne publique est soumis à l’avis préalable du Haut conseil du patrimoine. Il se prononce sur l’opportunité de l’octroi du bail en appréciant les conditions d’exercice et la durée du bail et l’utilisation prévue de l’immeuble pendant la durée du bail ainsi que les éventuels travaux prévus.

Après avis du Haut conseil du patrimoine, le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre chargé du domaine de l’État qui l’instruit.

Après accord du ministre chargé du domaine de l’État, le ministre chargé des monuments historiques désigne la personne bénéficiaire du bail emphytéotique.

L’acte d’octroi de bail sur lequel figurent les conditions auxquelles il a été accordé et la destination envisagée de l’immeuble ainsi que les travaux prévus, est publié au Journal officiel.

La décision d’octroi de bail emphytéotique d’une durée supérieure ou égale à trente ans est susceptible de recours devant la juridiction administrative. Le recours peut être formé par toute personne publique ou privée ayant intérêt à agir, dans un délai de deux mois suivant la publication au Journal officiel de l’acte d’octroi de bail.

II. - En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre...

Octroi d’un bail emphytéotique d’une durée supérieure ou égale à trente ans sur un monument historique ou sur un immeuble du domaine public de l’État à une personne privée ou à une personne publique

La parole est à M. Yves Dauge, que je me permets d’appeler à la concision dans la mesure où cet amendement a un objet proche du précédent et où, je le rappelle, nous devons avoir achevé nos travaux avant minuit.

M. Yves Dauge. L’amendement n° 28 tend en effet à instituer une saisine du Haut conseil du patrimoine pour qu’il donne son avis sur la conclusion des baux d’une durée supérieure à trente ans et portant sur un monument historique ou un bien immobilier du domaine public de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Pour les raisons que j’ai précédemment évoquées et compte tenu des dispositions relatives aux baux emphytéotiques, cet amendement ne paraît pas justifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Chapitre IV

Dispositions diverses

Articles additionnels après l’article 11
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Articles additionnels après l'article 12 A

Article 12 A (nouveau)

Au troisième alinéa du III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, le mot : « rénovation » est remplacé par le mot : « restauration » et les mots : « par le représentant de l’État dans le département » sont remplacés par les mots : « par le représentant de l’État dans la région lorsque l’importance ou la complexité des travaux et l’insuffisance des ressources de la collectivité territoriale la justifient ». – (Adopté.)

Article 12 A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 12

Articles additionnels après l'article 12 A

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 12 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du patrimoine est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 612-1, les mots : « le cas prévu à l'article L. 642-3 » sont remplacés par les mots : « les cas prévus aux articles L. 622-10 et L. 642-3 » ;

2° À l'article L. 622-10 et à l'article L. 730-1, la référence : « L. 612-2 » est remplacée par la référence : « L. 612-1 » ;

3° L'article L. 612-2 est abrogé.

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La commission départementale des objets mobiliers, mentionnée aux articles L. 612-2 et L. 622-10 du code du patrimoine, a été instituée auprès de chaque préfet de département en 1971. Elle est chargée d'émettre un avis sur les propositions de protection d'objets mobiliers au titre des monuments historiques, sur les projets de cession, de modification, de réparation et de restauration d'objets mobiliers inscrits. Elle a enfin – c’est ce qui lui donne un caractère législatif, en raison des contraintes éventuellement imposées aux propriétaires – pour mission de déterminer les conditions nécessaires au retour de l'objet dans son emplacement primitif lorsque celui-ci a dû être déplacé d’office pour le sauver d’une situation de péril.

Par ailleurs, la commission régionale du patrimoine et des sites, placée auprès du préfet de région, examine pour avis les propositions de protection d'immeubles au titre des monuments historiques, de création de périmètres de protection adaptés ou modifiés autour de ces monuments et, enfin, de création de zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

Pour des raisons de simplification et de cohérence administrative et scientifique, je vous propose de transférer à la commission régionale du patrimoine et des sites les compétences auparavant dévolues à la commission départementale des objets mobiliers, qui serait dès lors supprimée.

Cette mesure, qui s’inscrit dans la logique du récent regroupement des niveaux régionaux et départementaux des services déconcentrés du ministère de la culture, garantira dans le même temps une meilleure cohérence de la politique de protection du patrimoine mobilier entre les différents départements d'une même région.

Un nouveau décret viendra préciser l’organisation de la nouvelle commission régionale du patrimoine et des sites, qui inclura donc les compétences nouvelles en termes de protection des objets mobiliers.

Les conservateurs des antiquités et objets d'art, actuellement chargés de l'animation des commissions départementales, demeureront au centre du dispositif de la nouvelle commission régionale du patrimoine et des sites en matière d'objets mobiliers.

M. le président. Madame le rapporteur, la commission a-t-elle été séduite par cette proposition ? (Sourires.)

Mme Françoise Férat, rapporteur. Absolument, monsieur le président, et elle a émis un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Pour tout dire, monsieur le président, moi, je n’ai pas du tout été séduit, car la commission qui se trouvera supprimée si cet amendement est adopté, joue un rôle important à l’échelle du département. Pour avoir moi-même été confronté aux problématiques dont il est question, en qualité de maire d’une commune, je peux garantir que cette commission apporte de vraies compétences au niveau départemental, tout en garantissant une réelle proximité.

En la faisant disparaître et en l’intégrant dans une structure régionale, on éloignera les élus locaux des services de l’État, au lieu de les en rapprocher. C’est tout le contraire d’une démarche décentralisatrice !

On constate donc une fois encore que, sous prétexte de RGPP, on fait disparaître des services offerts aux collectivités locales, aux élus locaux à l’échelle départementale, exigeant d’eux qu’ils s’adressent désormais à une commission régionale.

J’entends bien que les personnels de ces commissions départementales seront intégrés à la nouvelle commission régionale, mais il sera plus difficile de bénéficier de leurs services compte tenu de l’élargissement de leur champ d’action et de leur éloignement.

Il me paraît vraiment navrant qu’on puisse se réjouir d’une telle proposition !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 12 A.

L'amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 12 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du patrimoine est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 621-1, le mot : « comme » est remplacé par les mots : « au titre des » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 621-29-2 et au premier alinéa de l'article L. 622-25, après les mots : « remise en dotation », sont insérés les mots : « ou de la mise à disposition » ;

3° Au premier alinéa de l'article L. 621-31, les mots : « classé au titre des monuments historiques ou inscrit » sont remplacés par les mots : « classé ou inscrit au titre des monuments historiques » ;

4° À l'article L. 624-1, les mots : « sur l'inventaire supplémentaire » sont remplacés par les mots : « au titre des monuments historiques », la référence : « L. 622-21 » est remplacée par la référence : « L. 622-22 », et les mots : « à l'inventaire supplémentaire à la liste des objets mobiliers classés » sont supprimés ;

5° Au 1° de l'article L. 624-3, les mots : « parmi les » sont remplacés par les mots : « au titre des ».

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le présent amendement a pour objet de rectifier certaines erreurs contenues dans le code du patrimoine, tenant principalement à des oublis de transcription, dans certains articles, des changements de terminologie intervenus entre la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et l’établissement du code.

Il s'agit également de prendre en compte le remplacement progressif du régime de remise en dotation d'immeubles aux établissements publics, au profit du régime de conventions d'utilisation passées avec France Domaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 12 A.

Articles additionnels après l'article 12 A
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 13

Article 12

(Non modifié)

I. – La perte des recettes résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus à l’article 302 bis ZI du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'entrée en vigueur du transfert des monuments historiques en application de la présente loi est subordonnée à l'inscription en loi de finances des compensations prévues à l'article 8.

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Cet amendement a pour objet, d'une part, de supprimer la référence à la dotation globale de fonctionnement comme vecteur de compensation du transfert, ce dernier ayant vocation à être compensé via la dotation générale de décentralisation, et, d'autre part, d’assurer la concomitance entre le transfert des monuments historiques et les compensations correspondantes inscrites en loi de finances.

Par ailleurs, il n'est pas souhaitable de créer une taxe additionnelle aux prélèvements sur les jeux en ligne. La remise en cause du calibrage des prélèvements sur les jeux en ligne, tel qu'il résulte de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, porterait en effet atteinte à l'économie du dispositif et pourrait avoir pour conséquence de favoriser les sites illégaux. Une clause de revoyure est prévue par cette loi à la fin de 2011 et permettra de faire le bilan de la nouvelle fiscalité. Celle-ci ne doit donc pas être bouleversée avant que ce premier bilan soit effectué.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 12 est ainsi rédigé.

Article 12
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 13

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État fixe en tant que de besoin les conditions d’application de la présente loi. – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 13
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. Comme je l’ai déjà indiqué, il y avait dans cette proposition de loi deux ou trois points qui étaient essentiels à nos yeux et sur lesquels nous attendions que le débat nous permette d’avancer. Or cela n’a pas été le cas.

Ainsi, sur l’inaliénabilité des monuments appartenant à l’État ou aux collectivités, sans aller jusqu’à approuver la solution que Jack Ralite préconisait à travers son amendement n° 1, nous avons proposé, avec notre amendement n° 10, de rendre inaliénables un certain nombre de monuments portant la mémoire de la Nation. Nous n’avons malheureusement pas été suivis.

Mes chers collègues, il faut bien comprendre que, si cette disposition avait été adoptée, nous aurions réglé le problème de l’hôtel de la Marine : celui-ci ne pouvait être vendu ni même faire l’objet d’un bail de trente ans, comme cela semble être envisagé !

Vient d’ailleurs d’être rejetée une disposition offrant au Haut conseil du patrimoine la possibilité de se prononcer sur les baux de plus de trente ans. Avouez tout de même que nous nous exposons ainsi à de vives critiques de la part du monde associatif et à l’incompréhension de l’opinion publique. Il y a là une véritable erreur politique !

Nous étions en outre très fermement attachés à l’idée d’un partenariat entre l’État et les collectivités autour de projets culturels. Selon nous, en l’absence de projet culturel, il ne saurait y avoir de transfert : c’est une condition absolue ! Et une fois l’accord trouvé sur un transfert autour d’un projet culturel, il est hors de question que la collectivité puisse décider de vendre le patrimoine, dans le cadre de ce qui ne serait au fond qu’une démarche spéculative. Cela, c’est inadmissible ! Si la collectivité ne souhaite pas poursuive le projet culturel, qu’elle rende le patrimoine à l’État !

Voilà des points vraiment essentiels sur lesquels nous aurions dû progresser. Parce que cela n’a pas été le cas, parce que les portes que nous espérions voir s’ouvrir sont restées fermées, nous ne voterons pas ce texte, et je le regrette vivement.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Pour nous aussi, mes chers collègues, c’est le problème du caractère inaliénable des biens qui est décisif dans notre détermination à voter contre cette proposition de loi. Il justifie notamment notre demande de recourir à un scrutin public sur notre amendement n° 1.

Il y a là, effectivement, une pierre d’achoppement qui marquera ce dossier dans un mauvais sens, qui abîmera même les quelques avancées contenues dans la proposition de loi, avancées que l’on ne peut pas nier. Je pense notamment à la création du Haut conseil du patrimoine – une façon un peu nouvelle, en tout cas pertinente et valorisante, de parler du Centre des monuments nationaux –, aux modifications apportées à l’article 1er ou encore aux dispositions de l’article 10 qui impliquent autant l’État que les collectivités locales.

En définitive, le texte sur lequel nous allons maintenant nous prononcer reste un peu « à mi-côte », et c’est dramatique, compte tenu de la gravité du contexte.

Par exemple, Mme Lepage a tout à l’heure dressé une liste, dont M. le ministre a dit qu’elle le faisait rêver. C’était également mon cas, car il s’agissait effectivement d’une belle promenade, d’une invitation au voyage ! Mais Mme Lepage proposait justement de remettre en cause la vente de tous ces bâtiments prestigieux. Eh bien, la majorité, elle, a dit non ! En d’autres termes, France Domaine devient un État dans l’État. On vend ! On vend ! On vend !

On ne peut pas tolérer cette démarche quand il s’agit de notre histoire. Et ce n’est pas une question d’idolâtrie à l’égard du passé ! Comme le disait Louis Aragon, il faut « se souvenir de l’avenir ». Car il n’y a pas d’avenir quand on oublie !

Le vote qui a eu lieu sur l’amendement défendu par Mme Claudine Lepage est donc significatif. Je rappelle d’ailleurs à certains de nos collègues que, lors de l’examen de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010, ils s’étaient allègrement prononcés pour qu’aucune condition ne soit posée.

J’évoque ici le travail parlementaire et l’action gouvernementale. Mais je voudrais tout de même aborder le dossier de l’hôtel de la Marine sous un aspect particulier, dont je n’ai pas parlé jusqu’à présent, par manque de temps et souci de ne pas allonger les débats.

Même si je n’ai pu m’y rendre cette année, pour des raisons de santé, je fréquente assidûment la conférence internationale sur la culture qui se déroule tous les ans en Avignon. J’y étais donc l’année dernière. Dans une belle salle, qui ressemble à la Chambre des Communes, il y avait une tribune et, sur cette tribune, parmi d’autres participants, se trouvait M. Alexandre Allard, l’acheteur qui voudrait s’emparer de l’hôtel de la Marine et qui – la conférence de presse de M. Sarkozy l’a prouvé – est en bonne voie d’obtenir un bail emphytéotique.

J’étais assis sur un des côtés et j’écoutais. Je tiens à vous rapporter les propos de M. Allard, mes chers collègues, car il faut prendre toute la mesure du danger. Voici à peu près ce qu’il disait : « Toutes ces questions de financement me paraissent complexes. Moi, j’ai une idée toute simple. Il existe des subventions ? Remettons tout à plat, en tenant compte du fait que la finalité d’une subvention est de faire du profit. Si l’on en fait, cela ira. Si l’on n’en fait pas, on supprimera… » Je suis certain que M. le ministre, qui avait d’ailleurs prononcé de très beaux discours à l’occasion de cette conférence, s’en souvient.

Je suis immédiatement intervenu pour dire à quel point de tels propos me laissaient pantois !

Dans la salle, il y avait aussi le président de Gaumont, M. Nicolas Seydoux. Celui-ci a pris la parole avec l’autorité que lui donne son expérience de professionnel du cinéma, et il s’agit d’un milieu où l’on sait ce que c’est qu’une subvention : c’est même grâce à cela que le cinéma français perdure sous la forme que la Libération a su lui donner ! Eh bien sa réplique a été d’une grande véhémence.

Je ne veux pas insister davantage, mais permettez-moi simplement, monsieur le président, d’évoquer encore un petit souvenir.

M. le président. L’heure tourne, mon cher collègue, et d’autres orateurs doivent encore intervenir. Je vous serais donc reconnaissant de l’évoquer brièvement.

M. Jack Ralite. Ce sera très rapide, monsieur le président.

J’étais à Nanterre la semaine dernière pour assister à la soutenance d’une thèse consacrée à « la politique culturelle du parti communiste français entre 1956 et 1981 : une exception au centralisme démocratique ». C’était passionnant. Aujourd’hui, on est dans l’intronisation du centralisme sarkoziste !

Je m’arrêterai là, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déjà indiqué dans la discussion générale que nous soutiendrions ce projet de loi et ce n’est évidemment pas au moment de passer au vote que nous allons changer d’avis.

Je tiens d’abord à dire que j’ai beaucoup apprécié la qualité de toutes les interventions, chaque orateur, quelle que soit sa sensibilité politique, témoignant du même souci de protéger notre patrimoine national. Le fil conducteur est le même et, que ce soit en commission ou aujourd'hui en séance, j’ai perçu, en chaque intervenant, une profonde sincérité.

Je me tourne vers mes amis socialistes et communistes pour leur dire que je regrette qu’ils votent contre ce texte, qui constitue malgré tout une avancée, certes imparfaite, et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous n’avons voté contre aucun de leurs amendements : nous nous sommes généralement abstenus et nous avons parfois voté pour.

Nous tenons en effet à ce que ce texte vive parce que nous avons besoin des avancées fortes qu’il contient.

Il y a, bien sûr, la création du Haut conseil du patrimoine, qui en est l’élément majeur. Il y a l’introduction de la notion de péréquation. Il y a la reconnaissance dans notre droit des sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Voilà autant d’éléments nouveaux qui sont indiscutablement positifs.

Mme Françoise Férat, rapporteur. C’est bien de le dire !

M. Jean-Pierre Plancade. À l’évidence, ce texte ne va pas assez loin, mais son existence est le signe d’une dynamique dans laquelle nous voulons nous inscrire. C’est la raison pour laquelle nous le voterons sans états d’âme. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une chose apparaît très clairement ce soir : nous aimons tous le patrimoine et il est au cœur de l’identité française. Nous ressentons profondément l’importance du patrimoine pour notre culture, et s’il y a débat entre nous, c’est sur la meilleure façon de le protéger.

Je voudrais remercier l’ensemble des intervenants. Nous avons bien remarqué que personne n’avait cherché à emmener la discussion jusqu’au seuil fatidique de minuit, ce qui va permettre que ce texte puisse être adopté dès aujourd'hui. Cela signifie que nous avons tous compris ou implicitement admis qu’il comportait des progrès significatifs. On peut débattre sur tel ou tel point qui n’est pas dans le texte, mais celui-ci est porteur d’indéniables avancées.

Notre première volonté, pour que soit protégé ce patrimoine, pour que le débat sur la dévolution du patrimoine se fasse dans la clarté et que les Français en soient pleinement informés, c’est que ce texte puisse être adopté maintenant au Sénat, qu’il le soit le plus rapidement possible à l’Assemblée nationale, que la navette se poursuive, de manière que les nouvelles dispositions s’appliquent promptement, car elles constituent un progrès important par rapport à la situation actuelle.

Peut-être faudra-t-il encore débattre. On peut considérer que certains patrimoines doivent être inaliénables ; cela veut dire aussi que reste parfois dans nos têtes l’idée selon laquelle l’État est seul capable de protéger un certain patrimoine. D’autres peuvent penser que l’important est de protéger le monument, qu’il soit entre les mains de l’État, entre celles des collectivités, voire entre des mains privées, l’essentiel étant que des garde-fous et des règles précises aient été posés.

C’est un débat légitime. Je constate simplement que, ce soir, nous sommes écoutés et, par là même, en mesure de voter un texte qui est un progrès.

C’est pourquoi, à la suite des travaux du groupe de travail dont nous avons pris l’initiative, après le rapport d’information de Mme Férat, dont la proposition de loi reprend les préconisations, je souhaite que l’Assemblée nationale se saisisse rapidement de ce texte et que le Haut conseil puisse commencer le plus vite possible son travail.

Monsieur le ministre, nous n’avons sûrement pas réglé tous les problèmes, mais nous avons avancé de manière très nette, et c’est bien cela qui nous réunit tous ce soir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le président, je veux rendre hommage au Sénat dans son ensemble pour la qualité des échanges qui ont eu lieu, dans la clarté et l’esprit de dialogue. C’était tout à fait frappant et je souscris totalement aux propos du président Legendre sur le fait que l’on ne peut qu’y voir l’attachement de tous les membres de cette assemblée à la notion de patrimoine, attachement qui est aussi celui de l’opinion publique.

Je voudrais également saluer Mme le rapporteur pour le remarquable travail qui a été accompli, que j’ai pu consulter longuement durant les dernières semaines grâce à la brochure qui a été publiée à ce sujet.

Je rappellerai simplement qu’assimiler les monuments historiques à des biens nécessairement inaliénables est contraire à l’esprit de la loi de 1913. Actuellement – c’est un chiffre qu’il est intéressant de rappeler –, l’État ne possède que 4 % des biens protégés ! Il y a donc, comme le président Legendre l’a souligné, de très nombreux monuments qui ne sont pas entre les mains de l’État, dont il est fait divers usages, et qui ne sont pas pour autant en péril, il s’en faut !

Nombre de lieux, que l’on peut parfois visiter, sont tenus par des mains privées, qui en sont les meilleurs gardiens. En effet, ces personnes gèrent, souvent avec des ressources très modestes, des lieux qu’elles aiment, qu’elles parviennent à ouvrir au public, à valoriser.

J’insiste sur ce chiffre : 4 % seulement des biens protégés sont sous la tutelle directe de l’État.

Il me semble bien sûr légitime que l’État conserve les monuments emblématiques de l’histoire de la Nation et de ses talents artistiques, mais le Haut conseil sera là pour y veiller, et le dernier mot appartiendra au ministre. Évidemment, je ne serai pas ministre de la culture et de la communication toute ma vie… Enfin, sait-on jamais ! (Sourires.) En tout cas, soyez assurés que, tant que j’exercerai ces fonctions, je m’opposerai à toute aliénation du bien public hors de toute morale.

À cet égard, les controverses autour de l’hôtel de la Marine brouillent un peu le débat que nous avons eu ce soir. C’est pourquoi, et j’en reviens à la conclusion du président Legendre, il est extrêmement positif que ce débat ait pu se tenir dans des conditions telles qu’il va pouvoir se conclure avant minuit. Cela montre bien qu’il doit être poursuivi rapidement devant l’Assemblée nationale et devant l’opinion publique. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
 

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 27 janvier 2011 :

De neuf heures à treize heures :

1. Proposition de loi visant à actualiser l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs (n° 1, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 220, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 221, 2010-2011).

2. Proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions (n° 179, 2010 2011).

Rapport de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 238, 2010-2011).

À quinze heures et le soir :

3. Proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail (n° 106, 2010-2011).

Rapport de Mme Anne-Marie Payet, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 232, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 233, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART