M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1163, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances pour 2010, validée par le Conseil constitutionnel le 29 décembre 2009, a supprimé définitivement la taxe professionnelle pour toutes les entreprises, cette suppression étant effective depuis le 1er janvier 2010.
Quelques inquiétudes se font toutefois jour quant aux conséquences de la suppression de cette taxe, des collectivités craignant de ne pouvoir obtenir une juste compensation de cette perte de recettes pour leurs budgets futurs.
C’est le cas de plusieurs communes de mon département, la Vienne, qui figurent parmi les vingt-deux départements accueillant une centrale nucléaire. Le programme d’accueil a nécessité d’importants investissements de la part des treize communes d’accueil, mais, globalement, entre les communes d’accueil et les communes défavorisées, ce sont deux cent cinquante d’entre elles qui sont concernées par le Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.
Or le système de péréquation prévu pour les années à venir contient plusieurs points qui restent flous.
Pour les communes dites défavorisées, les sommes du système de garantie individuelle instauré par la loi de finances pour 2010 sont réparties, au titre de l’année 2011, par le président du conseil général. Mais quels seront, à l’avenir, les critères de cette répartition, sachant que, actuellement, le conseil général fixe le pourcentage des montants versés aux communes défavorisées dans une fourchette légale comprise entre 40 et 60 % ? À titre d’information, dans la Vienne, le taux maximal a été retenu.
À compter de 2012, le nouveau mécanisme de péréquation prévu dans la loi de finances pour 2011 assurera le versement des mêmes montants que ceux qui ont été alloués cette année aux communes défavorisées. Mais qu’en sera-t-il pour les années suivantes ?
Quant aux treize communes d’accueil de mon département, bénéficieront-elles globalement du même montant et quel sera le système de répartition ? Je rappelle qu’elles ont beaucoup investi et qu’elles assument des coûts de fonctionnement importants. Nombre d’entre elles – je citerai Chauvigny, Valdivienne, La Chapelle-Viviers ou Civaux – ont des projets. Que peut-on dire aux maires de ces communes, monsieur le secrétaire d’État, sachant que l’on n’arrive pas à obtenir de réponse de la part du ministère ?
De plus, est-il envisagé d’étendre le dispositif à l’intercommunalité ? Monsieur le secrétaire d’État, il y a aujourd’hui une grande inquiétude parmi les deux cent cinquante communes concernées, car les sommes versées au titre du nucléaire ont un impact sur la réalisation de leur budget.
Qu’en sera-t-il à l’avenir – je pose la question depuis des mois –, en particulier pour les communes d’accueil, qui ont déjà énormément investi, mais qui ont aussi de très grands projets ? Elles veulent savoir !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, à l’évidence, la question que vous venez de poser concerne de nombreuses communes.
La réponse que je vais vous apporter au nom de Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, en dépit de son caractère technique, permettra, je l’espère, de répondre aux préoccupations que vous avez exprimées à la fin de votre intervention : qu’en sera-t-il à l’avenir ?
Deux périodes doivent être distinguées.
Pour l’année 2011, l’article 46 de la loi de finances met en place une garantie de ressources des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP, sous la forme d’une dotation de compensation des reversements aux communes défavorisées égale à la somme des versements effectués aux communes défavorisées pour l’année 2009.
Cette dotation est répartie par les conseils généraux à partir de critères qu’ils définissent à cet effet entre les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les agglomérations nouvelles défavorisés par la faiblesse de leur potentiel fiscal ou l’importance de leurs charges.
Par ailleurs, les versements du FDPTP aux communes dites concernées et les reversements prioritaires sont garantis, pour leur montant de l’année 2009, de façon pérenne à chaque commune ou EPCI par le biais de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et du fonds national de garantie individuelle des ressources.
Ainsi, les montants que les communes recevaient jusqu’en 2009 du FDPTP sont garantis à compter de 2011, pour leur montant de l’année 2009 et sous réserve de la faculté du président du conseil général de moduler les versements aux communes défavorisées.
À compter de 2012, les FDPTP percevront chaque année une dotation budgétaire dont le montant sera égal à celui qui leur a été versé en 2011.
Par ailleurs, un nouveau mécanisme de péréquation sera mis en place à destination des communes et EPCI à fiscalité propre, l’objectif de péréquation à l’horizon 2015 étant fixé à 2 % des recettes fiscales des communes et EPCI de l’ensemble du territoire.
Les modalités de fonctionnement de ce fonds seront précisées sur la base d’un rapport gouvernemental qui sera transmis au Parlement avant le 1er septembre 2011 et qui répondra à vos interrogations.
Ainsi, pour les communes qui accueillent une centrale nucléaire, le montant des ressources correspondant aux reversements du FDPTP au titre des reversements prioritaires ou des communes concernées sera inclus dans la garantie individuelle de ressources et ne sera donc plus individuellement identifiable.
En revanche, les versements alloués au titre des communes défavorisées seront maintenus globalement à leur niveau, et leur répartition entre les communes appartiendra au conseil général.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le secrétaire d’État, je suis tout à fait satisfait pour les 230 ou 240 communes défavorisées.
Pour les communes d’accueil, j’ai noté qu’un rapport serait transmis au Parlement et qu’une décision serait prise avant le 1er septembre. Mais, en attendant, ces communes sont inquiètes et ne peuvent mettre en œuvre certains projets.
Dès lors, je souhaite que le Gouvernement tienne compte de ces situations, qui concernent de nombreuses communes, des communes très engagées et qui veulent encore aller plus loin. Vingt-deux départements, c’est tout de même beaucoup, cela représente un quart des départements français….
projet de licienciements au sein de l'entreprise aeg power solutions située à chambray-lès-tours
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 1154, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, AEG Power Solutions est un fournisseur mondial de systèmes, solutions et services d’alimentation en énergie haut de gamme. C’est un leader incontesté sur ce créneau.
Le comité stratégique des éco-industries avait pour but de mettre en œuvre un plan d’action pour ce type d’industrie. Vous nous direz peut-être, monsieur le secrétaire d’État, comment la nouvelle filière éco-industrie prendra en compte des situations comme celle que connaît l’entreprise AEG Power Solutions.
Vous avez reconnu dans notre région un pôle de compétitivité sciences et systèmes de l’énergie électrique, S2E2, qui devait avoir pour objectif de consolider et développer ces industries innovantes.
La France, avec ses salariés, est l’un des pays les plus productifs au monde. Malgré cela, elle a perdu 500 000 emplois industriels.
Ce n’est pas le coût du travail qui est en cause. Dans la seule industrie manufacturière, le coût du travail reste inférieur en France : 33,8 euros, contre 35 euros en Allemagne.
C’est l’économie financiarisée qui continue à faire ses dégâts. Installer son siège au Luxembourg, c’est ce qu’a choisi la holding du groupe AEG Power Solutions pour optimiser ses résultats financiers. Rien n’a vraiment changé depuis les annonces médiatiques sur la prétendue disparition de ces paradis fiscaux.
Les salariés d’AEG Power Solutions de Chambray-lès-Tours sont là pour le vérifier. Ils ont eu droit à une annonce plutôt cynique à la veille des fêtes de Noël : la suppression de 83 postes dans leur entreprise.
C’est inhumain !
Comment pourraient-ils admettre d’être renvoyés alors que, voilà peu, ils apprenaient que deux de leurs dirigeants partaient à la retraite avec près de 3 millions d’euros…
C’est foncièrement injuste !
Comment pourraient-ils supporter une telle mesure, alors que la société est en train de construire une entreprise du même type en Inde pour 200 salariés ?
C’est antiéconomique ! C’est contraire aux intérêts des salariés de notre pays et à notre développement économique !
Comment pourraient-ils se laisser abuser devant ce qui ressemble fort à une délocalisation ? Comment pourraient-ils croire ce que déclare le Président de la République lorsqu’il affirme : « Ce gouvernement fait de l’industrie sa priorité depuis trois ans et demi. » ?
L’objectif du groupe serait d’augmenter de 25 % son chiffre d’affaires et de multiplier par sept le résultat opérationnel. Faut-il obligatoirement, pour atteindre ces objectifs, sacrifier une grande partie du personnel du site de Chambray-lès-Tours ? La suppression de 37 % du personnel et de 40 % de la production sur ce site ne servirait ainsi qu’à financer les obligations, qui rapporteront 9,25 % à leurs porteurs, et à gaver les quelques actionnaires avides de résultats à deux chiffres.
Pourquoi le groupe embauche-t-il soixante-dix salariés dans son entreprise en Allemagne et en supprime-t-il autant ou plus sur le site tourangeau ? Les salariés viennent d’obtenir un premier résultat en conservant la Recherche et Développement sur le site de Chambray-lès-Tours et le maintien de dix ingénieurs et techniciens sur ce service. C’est un premier succès que l’on peut mettre à l’actif de l’esprit de responsabilité des élus du comité d’entreprise. Ce n’est que justice quand on sait que le crédit d’impôt recherche finance un cinquième de ces investissements, à hauteur de 455 000 euros en 2010 et 1,5 million d’euros sur cinq ans.
Plus d’innovation, c’est la stratégie annoncée par cette entreprise. Œuvrons pour que cette orientation puisse se faire en garantissant la production et l’emploi sur le site de Chambray-lès-Tours ! Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d’État, comme vous l’avez affirmé récemment, de tout mettre en œuvre pour permettre à l’industrie d’être réellement le moteur de notre économie et que l’entreprise AEG Power Solutions puisse continuer à jouer ce rôle dans notre région avec ses professionnels. Elle est dans un de ces domaines énergétiques porteur d’avenir qui a besoin de se développer.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame la sénatrice, la France n’a pas d’avenir sans une industrie forte, Éric Besson l’a rappelé, le Président de la République et le Gouvernement s’en soucient chaque jour dans l’action qu’ils mènent, tant en se battant pour les emplois dans notre industrie qu’en luttant contre les paradis fiscaux à l’échelon international. Je vous remercie de me donner l’occasion de rappeler que cela constitue un axe fort de la politique du Gouvernement, ce qui malheureusement n’a pas été le cas pendant de nombreuses années, et nous le payons cher aujourd'hui.
Comme vous l’avez évoqué, l’entreprise AEG Power solutions, qui appartient au fonds d’investissement Rippelwood, vient d’annoncer son intention de supprimer 83 emplois sur les 203 que compte son site de Chambray-lès-Tours.
Face aux pertes de l’activité « télécoms » de l’entreprise, qui évolue sur le marché très concurrentiel des équipements électriques, le groupe entend diversifier ses activités à Chambray-lès-Tours, dans le domaine des énergies solaires notamment.
Le développement d’activités dans les nouvelles technologies de l’énergie présente une réelle opportunité de rétablissement et de pérennité de l’activité. Le savoir-faire de l’entreprise dans les systèmes de conversion électrique correspond aux caractéristiques des systèmes photovoltaïques et aux besoins du marché solaire.
En soutenant ce choix stratégique d’une diversification sur les nouvelles technologies de l’énergie, l’État pourra accompagner le groupe et ainsi favoriser l’activité et l’emploi. C’est en particulier l’un des objectifs poursuivis dans le domaine du photovoltaïque, pour lequel la concertation en cours vise à faire émerger une véritable filière industrielle française.
Dans le domaine de l’éolien, l’appel d’offres qui sera lancé début mai 2011 pour 3 000 mégawatts de capacité offshore constitue aussi une opportunité de diversification et de développement pour des entreprises telles qu’AEG, avec, là encore, l’objectif de créer une filière d’excellence et de donner naissance à des champions nationaux.
Le crédit d’impôt recherche que vous avez cité – je vous remercie là aussi de rendre hommage à un axe politique fort du Gouvernement, qui, malgré la situation budgétaire, a décidé de soutenir l’innovation dans notre pays pour permettre à l’industrie de « s’en sortir » – constitue également un levier important de développement en France de l’activité de recherche et développement du groupe. Cette incitation publique, dont l’efficacité est désormais largement reconnue, pourrait, dans le domaine des énergies renouvelables, trouver un relais dès lors que l’entreprise participe à des projets collaboratifs visant la définition de produits différenciants, en s’appuyant sur le pôle de compétitivité sciences et systèmes de l’énergie électrique.
Sachez que nous restons mobilisés et que nous serons très attentifs à la situation de cette entreprise. De toute façon, si elle prend le virage des nouvelles technologies et est en cohérence avec les différents points évoqués précédemment, elle disposera des outils nécessaires pour installer une activité pérenne là où elle souffre d’une perte d’activité dans un secteur extrêmement concurrentiel.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. J’ai bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Cette entreprise figure, en effet, parmi celles qui sont capables de réaliser cette reconversion, vous le reconnaissez vous-même. Vous savez comme moi que les onduleurs constituent le maillon vital de la production d’électricité à partir du rayonnement solaire en particulier, afin d’opérer la transformation indispensable pour que l’on puisse ensuite l’utiliser dans nos réseaux.
Donc l’onduleur est un outil positif, il commence d’ailleurs à produire des effets dans des installations. Notre collègue Alain Fouché, auteur de la question précédente, pourrait, me semble-t-il, en témoigner pour la Vienne.
Certes, monsieur le secrétaire d’État, l’entreprise concernée a toutes les possibilités pour se développer en France, mais l’outil mis en place avec le crédit d’impôt recherche, qui lui a permis de développer cette nouvelle compétence dans son domaine, l’aide non pas à renforcer sa présence en France, mais à augmenter ses capacités en Allemagne ou en Inde.
Monsieur le secrétaire d’État, en tant que membre du Gouvernement, pouvez-vous peser de tout votre poids pour que cette entreprise, qui bénéficie de fonds publics pour sa recherche, fasse l’effort de renforcer sa présence en France afin qu’une vraie filière française puisse être constituée ? Voilà le sens de ma demande.
J’ai bien entendu votre proposition, et je me permettrai, si vous en êtes d’accord, de prendre contact avec votre cabinet pour un échange plus long sur cette question afin de voir comment progresser dans ce domaine. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
projets d'exploitation du gaz de schiste en france
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 1131, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’instar de ce qui se fait aux États-Unis, au Canada, en Inde ou en Australie, les projets de recherche et d’exploitation du gaz de schiste en France semblent se multiplier. En témoignent les trois permis accordés par arrêté du précédent ministre chargé de l’énergie, en date du 1er mars 2010. Cela concerne Montélimar, Villeneuve-de-Berg et, pour le département de l’Aveyron, Nant, au cœur du parc naturel régional des Grands Causses.
Des millions d’euros, dit-on, sont prêts à être investis en faveur de ce qu’il est convenu d’appeler un gaz « non conventionnel ». On le trouve en fracturant hydrologiquement des couches géologiques dans les veines des roches comportant des hydrocarbures et du charbon pour capter le méthane par une série de forages verticaux.
Comme ce fut le cas naguère avec le nucléaire, la concertation a été totalement absente dans cette prise de décision, l’État, une nouvelle fois, ayant décidé seul, sans consulter personne.
Cette décision a été prise quasiment « en catimini ». Les populations, les associations et les élus des territoires concernés n’ont eu connaissance de ces projets que par hasard.
Rien de précis ne leur fut communiqué par les pouvoirs publics quant à l’intérêt économique de ces opérations, aux risques qu’elles peuvent faire courir à l’environnement ou à la dépendance de Total face à son partenaire texan. Cette société américaine est seule capable, semble-t-il, de maîtriser aujourd’hui les techniques d’exploitation du gaz de schiste, avec des règles de sécurité qui ne sont pas les mêmes qu’en France.
Je ne suis pas a priori opposé à toute recherche sur les énergies permettant à la France de réduire sa dépendance énergétique. Mais je dois témoigner de l’inquiétude des populations, des responsables associatifs et des élus du territoire.
Ces élus, en particulier le maire de Nant, M. Bernard Saquet, sont totalement opposés comme moi à une telle exploitation sur leur territoire.
Trois questions se posent, selon moi, légitimement.
Premièrement, quel est l’état des informations encore contradictoires sur les réserves de ces gaz et hydrocarbures coincés dans les roches mères, exploitables et extractibles ?
Deuxièmement, comment va-t-on résoudre le problème environnemental causé par la très importante utilisation d’eau nécessaire à la fracturation desdites roches – 10 000 à 20 000 mètres cubes pour chaque puits ?
Troisièmement, quelles garanties aurons-nous, s’agissant de la sûreté des forages, que le gaz et les solvants chimiques ne remonteront pas dans les nappes phréatiques qui alimentent les réseaux d’eau potable ? Quel sera l’organisme indépendant qui assurera le contrôle ?
Au-delà de l’opacité qui entoure encore cette autorisation d’exploiter le gaz de schiste en Aveyron, il faut savoir qu’elle concerne le territoire du Larzac. Or celui-ci constitue non seulement une réserve naturelle de premier ordre, mais encore une très importante réserve d’eau potable. Cette décision prise par le Gouvernement est en totale contradiction avec nombre de plans, de schémas ou de chartes, élaborés de surcroît en partenariat avec l’État et les autres collectivités territoriales – région, département, commune.
Un énorme travail d’inventaire environnemental a été effectué depuis des années sur ce territoire, plus particulièrement dans les réserves en eau et leur fragilité dans les reliefs karstiques.
S’ajoutent à l’absurdité de cette décision la mise en danger de l’AOC roquefort, la mise en cause de tous les efforts accomplis dans le domaine du tourisme, ainsi que dans celui du patrimoine culturel et naturel entrepris par la région Midi-Pyrénées et le département de l’Aveyron.
Monsieur le secrétaire d'État, en sus des réponses aux trois questions précédentes, pourriez-vous dire également à la représentation nationale où en sont les projets d’exploitation du gaz de schiste en France et, plus particulièrement, dans le sud de l’Aveyron. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Que répond-il à la demande de moratoire formulée par de très nombreuses collectivités, toutes tendances politiques confondues, qui vont du département de l’Aveyron, de l’Hérault, de la région Midi-Pyrénées, à l’Ardèche, et je pourrais en citer bien d’autres encore ? Je vous remercie de bien vouloir m’éclairer sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, permettez-moi, tout d’abord, de vous dire que j’étais, il y a quelques jours, dans l’Aveyron. Or cette question n’a été évoquée ni par les uns ni par les autres ; je n’ai donc pas pu en discuter directement avec le préfet. Je vais vous livrer le plus fidèlement possible la réponse que vous a préparée Éric Besson, et j’espère que, à défaut de vous donner toute satisfaction, elle vous rassurera sur certains points.
Le Grenelle de l’environnement conduit le Gouvernement à mener une politique en faveur de systèmes énergétiques encore plus efficaces et propres qui préservent notre sécurité d’approvisionnement et la compétitivité de notre économie. Or les énergies décarbonées n’y suffiront pas à court et moyen terme. Notre système comprendra encore pour longtemps une part importante d’énergies fossiles, en particulier de gaz naturel, dont la consommation augmente, vous le savez, dans le secteur industriel, où il se substitue avantageusement au fioul et au charbon.
Ainsi que vous l’avez parfaitement expliqué, le gaz de schiste est contenu dans des roches sédimentaires argileuses profondes, compactes et imperméables. II y a une quinzaine d’années, on ignorait comment l’exploiter. Aujourd’hui, ces gaz sont produits en grande quantité aux États-Unis – vous avez fait référence à une grande entreprise américaine –, où ils représentent 12 % de la production locale de gaz, contre 1 % en 2000. En Europe, notamment en France, l’évaluation de ce type de ressource démarre à peine.
Vous avez dit que vous étiez favorable à la lutte pour l’indépendance de notre pays en matière énergétique et à la recherche de nouvelles richesses sur notre territoire, mais j’ai aussi cru comprendre que vous ne vouliez pas que ces projets soient mis en œuvre chez vous.
Par arrêtés du 1er mars 2010, le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a accordé trois permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures sur une surface totalisant 9 672 kilomètres carrés, dans les départements de l’Ardèche, de la Drôme, du Vaucluse, du Gard, de l’Hérault, de l’Aveyron et de la Lozère, et ce pour des durées de trois à cinq ans.
Cette démarche n’a rien d’exceptionnel dans la mesure où une quinzaine de permis de recherches d’hydrocarbures environ sont délivrés annuellement.
Conformément à la procédure légale, les arrêtés ont été délivrés après un processus administratif qui inclut une publication au Journal officiel ainsi qu’au Journal officiel de l’Union européenne, à des fins de mises en concurrence. Les recherches proposées visent à mesurer le potentiel de production de gaz de schistes dans ces zones. Sept forages d’exploration sont envisagés et, à cet effet, sont évidemment demandés une notice d’impact, un document indiquant les incidences des travaux sur la ressource en eau, ainsi qu’une étude de danger. Ces dossiers seront instruits et feront l’objet, le cas échéant, d’un arrêté préfectoral encadrant les travaux.
Pour l’exploitation proprement dite, je tiens à vous rassurer, l’industriel devra obtenir une concession, puis une ou plusieurs autorisations d’ouverture de travaux délivrées par le préfet. Les maires concernés seront consultés et des enquêtes publiques seront organisées.
Par ailleurs, l’instruction des dossiers se fera en vertu de la réglementation très précise prévue dans le code minier et dans le code de l’environnement, lequel exige notamment que soient maîtrisés les impacts environnementaux.
Pour la réalisation de ces différents projets seront évidemment organisées la consultation des élus et des populations ainsi que la concertation que vous appelez de vos vœux.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pu être présent à la réunion que vous avez organisée dans l’Aveyron et je m’en étais excusé. Je prends acte du fait que personne ne vous ait parlé de cette question, ce qui me surprend.
Vous avez décrit la procédure qui est actuellement mise en œuvre. Voilà qui est de nature, si je puis dire, à me « rassurer », mais il aurait été plus judicieux d’agir, au préalable, dans la transparence et d’expliquer les choses. Cela aurait probablement permis d’éviter toute l’agitation qui se développe, à juste titre, aujourd'hui sur ce territoire.
Cela étant, je ne puis vous laisser dire que je serais favorable à la recherche de nouvelles énergies, mais pas chez moi ! En tant que maire, doté d’une certaine expérience, j’ai, autant que d’autres, le souci de l’intérêt général.
En tout cas, ce qui m’inquiète ce sont les déclarations quelque peu contradictoires que l’on a entendues ici ou là, en provenance du ministère de l’écologie. Il y a quelques jours, j’ai appris que la question de la recherche du gaz de schiste avait été inscrite, à la demande de la France, à l’ordre du jour du Conseil européen de l’énergie de vendredi prochain. Est-ce pour faire en sorte que la France garde la main sur cette méthode ou est-ce pour botter en touche, comme on le fait souvent au niveau de l’Europe, et se la faire imposer au travers d’une réglementation qui nous échapperait ? Telle est ma préoccupation.
Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes allé sur le plateau de l’Aubrac, où un parc va être installé. Il existe d’ores et déjà un parc sur le plateau du Larzac, sur le territoire duquel les gouvernements précédents, auxquels certains de vos amis ont dû participer, ont engagé des recherches importantes sur la ressource en eau. Or on sait ce que cela représente pour le bassin méditerranéen. Eu égard à toutes les méthodes qui nous sont décrites, le choix du lieu me semble plus que curieux. C’est en ce sens que je vous ai posé ma question.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Fauconnier, j’avais bien eu votre message et vous êtes parfaitement excusé de votre absence. Ne le prenez pas mal, mais – c’est un réflexe assez classique – les gens sont d’accord pour conceptualiser, mais le sont moins pour la mise en œuvre.
J’entends bien vos arguments et, je vous le répète, chacun pourra exprimer ses réserves, voire son opposition, lorsque s’engagera la procédure.
Vous vous interrogez sur la réunion du Conseil européen de l’énergie. Je n’ai pas parlé de cette question avec Éric Besson, mais, comme je l’ai indiqué au début de mon propos, la recherche en la matière s’est beaucoup développée aux États-Unis, et ce dans l’intérêt de l’indépendance énergétique de ce pays. Il va donc de soi que la France et l’Europe aient également l’objectif de développer de telles recherches. Pour ce qui est de l’endroit pour les réaliser, laissons faire la concertation…