M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 1142, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur le projet de fabrication par le groupe PSA d’une nouvelle génération de boîte de vitesses à double embrayage, une évolution technique majeure qui s’inscrit dans une politique de développement durable.
Pour réaliser cette nouvelle production, deux sites sont en concurrence, celui de Metz, en Moselle, et un autre, dans le nord de la France. J’ai reçu à ce sujet, avec d’autres collègues parlementaires, les organisations syndicales du site messin, qui nous ont fait part de leur vive inquiétude.
En effet, le personnel s’interroge sur l’absence de fabrication de nouveaux produits et sur la part importante de la production à destination de pays où le groupe installe progressivement des unités de production locales, tels que la Chine, l’Argentine ou encore l’Iran.
Obtenir la fabrication de la nouvelle boîte de vitesses représenterait une réelle chance de pérenniser l’activité sur le site messin et d’y maintenir les emplois.
Ce site offre un savoir-faire et une expérience reconnus quant à la qualité et à la compétitivité de ses produits. Il réalise depuis 1989 l’usinage, le traitement thermique et le montage de boîtes de vitesses qui ont été destinées à la GS, puis aux 2 CV, aux Ami 8, aux LN, etc. II a acquis une grande renommée pour sa production actuelle, à savoir la boîte de vitesses MA, dont le 40 millionième exemplaire sortira le mois prochain des chaînes de fabrication.
De plus, le site présente de réels atouts en termes de situation géographique. D’une part, il est situé à proximité immédiate de la N431, avec des connexions directes vers les autoroutes A4, A31 et A314. D’autre part, il présente certains avantages en termes de surface adaptée : il occupe aujourd’hui, après n’avoir cessé de s’étendre, un terrain de 41 hectares, dont 14 hectares sont couverts par un bâtiment d’un seul tenant ; aucun investissement immobilier supplémentaire n’est donc nécessaire pour assurer cette nouvelle production.
Monsieur le secrétaire d'État, l’enjeu est essentiel pour le site de Metz, qui a vu ses effectifs chuter de près de 400 salariés entre 2004 et 2010 puisqu’ils sont passés de 2 382 à 1 990.
Cette nouvelle génération de boîte de vitesses viendrait à point nommé, car la boîte MA a déjà trente ans.
L’enjeu est également essentiel pour toute la région lorraine, qui a payé un lourd tribut à la crise économique et aux restructurations militaires. Avec quinze unités militaires fermées d’ici à 2012, dont neuf unités pour le seul département de la Moselle, nous avons subi une véritable saignée. L’agglomération messine, à elle seule, perdra 5 000 postes, soit 10 % des postes supprimés dans tout le pays.
Monsieur le secrétaire d'État, de quels moyens le Gouvernement dispose-t-il pour faire valoir les avantages du site messin auprès de la direction de PSA ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, je tiens tout d’abord à souligner combien, à l’heure des délocalisations, le groupe PSA reste fortement engagé en France. Le groupe réalise en effet 45 % de sa production dans notre pays alors même que le marché français ne représente que 23 % de ses ventes. Dans le domaine de haut niveau technologique des moteurs et des boîtes de vitesses, le groupe assure même 85 % de sa production dans notre pays.
Par ailleurs, je rappelle que la Lorraine détient une place majeure au sein du dispositif industriel de PSA. Ainsi, l’usine de Trémery est la première usine du monde pour les moteurs diesel de haute technologie et celle de Borny produit 1,5 million de boîtes de vitesses par an. Au cours des trois dernières années, PSA a réalisé plus de 300 millions d’euros d’investissements sur ces deux sites.
Aujourd’hui, le groupe doit décider de la localisation de la fabrication de ses nouvelles boîtes de vitesses. Il a indiqué que cette fabrication se ferait en France, ce dont je me réjouis. Le choix entre le site de Metz et un autre site dans le nord de la France…
M. Jean-Marc Todeschini. Valenciennes !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … vous concerne évidemment tout particulièrement. Ce serait pour vous, élu lorrain, une formidable nouvelle si le choix se portait sur Metz. Mais le fait que cette production se fasse de toute façon dans notre pays est, me semble-t-il, un motif de satisfaction pour chacun de nous.
Si l’État s’est battu, vous pouvez m’en croire, pour que cette production reste en France, il ne lui revient pas de choisir lui-même le site de production. Cette décision appartient vraiment au groupe PSA, qui la prendra dans le cadre des procédures normales et l’arrêtera dans le courant du printemps 2011.
Soyez assuré que l’État reste, pour sa part, particulièrement vigilant sur les deux points essentiels que sont la préservation de la compétitivité de notre économie, qui est une condition absolue pour le maintien de nos emplois – à ce titre, j’y insiste, la production de cette boîte de vitesses en France est une excellente chose –, et la situation de l’économie et de l’emploi en Lorraine, une région qui, vous avez eu raison de le rappeler, a beaucoup souffert et en faveur de laquelle des actions prioritaires sont menées par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse, mais elle ne m’a pas appris grand-chose !
M. Roland Courteau. Cela arrive souvent !
M. Jean-Marc Todeschini. Je n’ai jamais eu l’intention de mettre en cause la liberté du groupe PSA, mais le Gouvernement ne peut pas prétendre qu’il n’a pas les moyens d’agir auprès d’une telle entreprise. Des incitations sont possibles dès lors que la volonté politique existe.
Or, si l’on ne fait rien pour l’industrie automobile lorraine, celle-ci périclitera très rapidement, ce qui aura des conséquences extrêmement dommageables en termes d’emplois.
En Lorraine, l’automobile a remplacé la sidérurgie, et l’on ne peut que s’en réjouir, mais, de ce fait, nous sommes toujours dans un système de mono-industrie, ce qui peut être source de graves problèmes.
Pas plus tard qu’hier, ma collègue Gisèle Printz, d’autres parlementaires et moi-même avons interpellé Mme Christine Lagarde au sujet d’une autre entreprise implantée en Lorraine, SAFE Automotive, un équipementier automobile qui forge des pièces de haute qualité. Les produits destinés au groupe Renault-Nissan représentent 45 % de son chiffre d’affaires. Or il est actuellement question d’une reprise, qui va, une fois de plus, « casser » l’emploi et le statut des salariés, alors même que de l’argent public est engagé…
Par conséquent, le ministre chargé de l’industrie doit aider la Lorraine à franchir ce passage difficile en intervenant auprès du groupe PSA en faveur du site de Borny. Vous avez évoqué le site de Trémery, monsieur le secrétaire d'État ; celui-ci a effectivement fait l’objet d’investissements importants. Mais le site de Borny risque de disparaître à brève échéance s’il n’obtient pas la fabrication de cette nouvelle boîte de vitesses.
obtention d'une zone de contrôle pour l'aéroport dole-tavaux
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la question n° 1146, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le secrétaire d'État, l’aéroport de Dole-Tavaux, dans le Jura, est un ancien aéroport militaire reconverti, voilà une cinquantaine d’années, à l’aviation civile. Il offre des installations complètes, régulièrement entretenues par la CCI – chambre de commerce et d’industrie – du Jura, avec le concours des collectivités territoriales, qu’il s’agisse des villes, du département ou de la région.
Il y a deux ans, devant le refus de la région de Franche-Comté de prendre en charge cet aéroport, le département du Jura s’en est porté acquéreur, jouant ainsi une carte importante en matière de désenclavement de son territoire, au moment où la desserte TGV se voit menacée. Il en a confié la gestion, à compter du 1er janvier 2010 et pour une durée de dix ans à un groupement associant Keolis et la CCI du Jura. L’objectif est de développer l’activité de ce site remarquable en créant une liaison régulière vers un hub européen, notamment, ce qui nécessite des investissements importants de la part du département.
Un tel scénario s’appuie sur les qualités intrinsèques de cet aéroport : piste homologuée catégorie 1, dégagements, contrôleurs aériens de la direction générale de l’aviation civile et niveau de protection 7, validé par le service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs. Le développement envisagé suppose l’obtention d’un espace aérien propre, condition exigée par les compagnies aériennes pour mettre en place des vols réguliers.
Cet espace aérien propre, qu’on appelle CTR, permettra de sécuriser le site. En effet, la circulation aérienne est actuellement totalement libre au-dessus de Dole-Tavaux, ce qui engage la responsabilité du gestionnaire et aucune compagnie ne veut s’engager à utiliser ce site d’une manière durable.
La mise en place d’un CTR doit être décidée conjointement par l’aviation civile et la circulation aérienne militaire. Les procédures nécessaires ont été engagées et il semble que ce CTR ait reçu un avis favorable de ces deux organismes. Cependant, aucun accord n’a pas été obtenu concernant la gestion de cet espace. La circulation aérienne militaire souhaiterait conserver le contrôle au-dessus de Dole-Tavaux, eu égard à la gestion du trafic aérien militaire de la base aérienne de Dijon, toute proche.
Monsieur le secrétaire d'État, il serait souhaitable qu’une décision soit prise rapidement, car des lignes régulières ont été mises en place, d’une part, vers Nice et, d’autre part, vers le hub de Munich. Bien entendu, le gestionnaire est dans l’attente de cette décision.
Pourriez-vous m’indiquer si l’accord sur la création du CTR est confirmé et si une décision concernant la gestion peut intervenir prochainement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Barbier, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants, qui ne pouvait malheureusement être présent au Sénat ce matin et qui m’a prié de vous faire part de sa réponse.
Le projet de création d’un espace aérien contrôlé pour l’aéroport de Dole-Tavaux est instruit par un groupe de travail du comité régional de gestion de l’espace aérien Nord-Est, regroupant l’ensemble des acteurs qui utilisent cet espace aérien. Les réunions organisées jusqu’à ce jour ont eu pour objet d’évaluer la nature de cet espace aérien, ainsi que son impact sur les espaces voisins, dont celui de la base aérienne de Dijon.
Il apparaît ainsi que la concrétisation de ce projet, selon les modalités initialement envisagées, aurait pour effet de perturber l’activité de l’aviation de loisir, mais aussi des aéronefs militaires en provenance ou à destination de Dijon et ses environs, compte tenu de la concentration du trafic qu’elle engendrerait et de ses implications en termes de sécurité aérienne et de nuisances sonores.
À la demande du ministre d’État, les services du ministère de la défense et des anciens combattants recherchent donc, en étroite concertation avec ceux de l’aviation civile, une solution susceptible de concilier les intérêts et les activités des différents usagers de l’espace aérien et garantissant les meilleures conditions de sécurité.
Je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que M. Alain Juppé sera très attentif à la création de cet espace aérien, dans la mesure où il est compatible avec les missions opérationnelles aériennes et terrestres des armées, car il est conscient qu’il s’agit d’un élément essentiel du développement économique de la région de Dole. Il s’attachera donc à obtenir un compromis acceptable par tous.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui n’est tout de même pas très rassurante, car il semblait que la création de cet espace aérien était pratiquement acquise et que le problème actuel était simplement lié à sa gestion.
Votre réponse semble remettre en cause la décision définitive concernant la création de cet espace, ce qui, bien entendu, aurait une incidence sur l’exploitation de l’aéroport de Dole-Tavaux. Ce serait fort dommageable, d’autant que des investissements importants sont prévus et que les premières liaisons sont déjà en place depuis quelques mois.
Je souhaite que cette affaire soit suivie avec une attention particulière, l’avenir même de cet aéroport et le désenclavement de notre département étant en jeu.
Le développement de l’aéroport de Dole-Tavaux ne concurrencerait aucunement l’aéroport civil de Dijon, même si celui-ci, du fait de sa proximité, a pu entretenir une certaine rivalité avec son voisin.
suppression de la participation des riverains d'alsace-moselle aux dépenses d'équipements publics
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la question n° 1167, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Gisèle Printz. Ma question concerne l’abrogation, à compter du 1er janvier 2015, du troisième alinéa de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme relatif à la participation des riverains d’Alsace-Moselle, qui permettait aux communes de répercuter sur les riverains les frais de premier établissement des voies.
Cette abrogation, au même titre que la suppression d’autres taxes locales d’urbanisme de droit général, a été décidée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2010. Elle privera les communes des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle d’une ressource traditionnelle importante dont elles maîtrisaient parfaitement l’utilisation. De leur point de vue, il ne s’agit pas d’une simplification administrative puisqu’elles seront obligées de revoir les modalités de financement des voiries communales nouvelles.
La méthode utilisée est également contestable dans la mesure où cette abrogation intervient sans que ni les associations des maires des communes d’Alsace-Moselle, ni l’Institut du droit local alsacien-mosellan, dont la mission est reconnue d’utilité publique, ni la Commission d’harmonisation du droit privé, dont les compétences sont notoires, aient été consultés. Par ailleurs, aucune proposition n’ayant été formulée en ce sens, nous ne disposions pas, lors de l’examen de cette mesure par la Haute Assemblée, d’une information adéquate sur son objet et ses effets.
Enfin, cette opération, qui remet en cause sans aucune concertation un aspect important du droit local, constitue un précédent inquiétant. Ce droit, je le rappelle, est un ensemble de règles héritées du droit allemand, applicables dans différents domaines, dont le droit communal. Les élus et les citoyens des trois départements concernés sont profondément attachés à ce particularisme juridiquement consacré. Certaines règles du droit français s’inspirent d’ailleurs du droit local.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite donc savoir si, à l’avenir, pour ce qui concerne la modification d’une disposition de droit local, le Gouvernement entend consulter, avant de légiférer, les instances compétentes et reconnues comme telles.
Par ailleurs, des compensations sont-elles prévues pour le financement des voiries communales nouvelles ? Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement entend-il revenir sur cette abrogation ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame Printz, M. le ministre du budget, François Baroin, m’a demandé de vous transmettre la réponse suivante.
Vous attirez son attention sur la suppression de la participation des riverains d’Alsace-Moselle aux dépenses d’équipements publics, qui priverait les communes des trois départements concernés d’une ressource traditionnelle importante dont elles maîtrisaient parfaitement l’utilisation.
Cette disposition, prévue à l’article 28 de la loi de finances rectificative pour 2010, s’inscrit dans la réforme de la fiscalité de l’urbanisme, qui prévoit de remplacer l’ensemble du régime des participations – parmi lesquelles figure celle des riverains d’Alsace-Moselle – par une nouvelle taxe d’aménagement unique, conformément à la politique de simplification qui est menée.
Cette réforme concerne également les participations pour voirie et réseaux, raccordement à l’égout et non-réalisation d’aires de stationnement et le programme d’aménagement d’ensemble.
Elle prévoit ainsi le remplacement progressif d’un dispositif complexe et peu lisible, comprenant actuellement huit taxes et neuf participations, par un dispositif plus simple qui devra permettre, selon les simulations effectuées, d’assurer aux collectivités territoriales un rendement au moins équivalent.
Les associations nationales représentant les collectivités territoriales, et notamment l’Association des maires de France, ont été largement consultées sur cette réforme.
Le projet a également été présenté à plusieurs communes, dont celle de Thionville, pour en tester la faisabilité et recueillir leurs avis.
La loi prévoit une période de transition : les communes pourront soit mettre en place la taxe d’aménagement au taux majoré dès le 1er mars 2012, en remplacement de l’ancien dispositif, soit conserver les participations, le taux de la taxe étant alors plafonné à 5 %.
Cette période, qui se poursuivra jusqu’en 2015, doit permettre de comparer le fonctionnement des deux dispositifs et d’effectuer les adaptations qui s’avéreraient nécessaires pour obtenir un rendement équivalent. Elle permettra également de s’assurer qu’aucune collectivité territoriale ne perd de recettes par rapport à la situation existante. La modulation du taux de la taxe d’aménagement permettra de compenser la suppression de la participation des riverains d’Alsace-Moselle.
Vous indiquez en outre, madame Printz, que l’Institut du droit local alsacien-mosellan n’a pas été consulté. La période de transition, qui s’étendra du 1er mars 2012 au 1er janvier 2015, permettra de consulter cette instance, afin de valider le bien-fondé du dispositif proposé dans le cadre de la réforme de la fiscalité de l’aménagement ou d’en corriger les effets si cela s’avérait nécessaire.
Comme vous pouvez le constater, le ministre du budget n’est absolument pas opposé à une adaptation du nouveau dispositif. Pour autant, il ne renoncera en aucun cas à simplifier un système dont la complexité était admise par tous.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. On me dit que, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, monsieur le secrétaire d’État, cette mesure, si elle est appliquée, compliquera la vie des communes d’Alsace-Moselle en les obligeant à modifier leur organisation en matière de perception de taxes, alors même que le système sur lequel elles s’appuient fonctionne très bien.
Le fait que l’Institut du droit local alsacien-mosellan soit mis devant le fait accompli me paraît particulièrement gênant. Vous dites qu’il sera consulté, mais la décision est déjà prise et on ne compte pas revenir dessus ! Est-ce le début de la disparition du droit local ? C’est la question que nous nous posons !
degré de préparation de la france à un tremblement de terre
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 997, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
M. Roland Courteau. La France est-elle préparée à un tremblement de terre ? Telle était la question posée lors de l’audition publique que j’avais organisée dans le cadre de l’OPECST, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en juillet dernier.
Certes, en France métropolitaine, le risque sismique est modéré. Les conséquences d’un séisme seraient néanmoins non négligeables en raison de la concentration de la population dans certaines zones à risque. Ainsi, un séisme comme le séisme provençal de 1909 ferait aujourd'hui des centaines de victimes et des dommages économiques de plusieurs centaines de millions à quelques milliards d’euros.
Pour ce qui concerne l’outre-mer, le risque sismique est très fort aux Antilles, avec des séismes de magnitude de 7 à 8 sur l’échelle de Richter. En outre, la vulnérabilité des constructions aggrave le risque : un séisme semblable à celui qui a touché Fort-de-France en 1839 pourrait faire aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers de victimes.
Par ailleurs, en Méditerranée comme aux Antilles, le risque de tsunami est réel.
Sur ce point précis, les préconisations que j’avais formulées dans le rapport n° 117 (2007-2008) de l’OPECST ont bien été reprises par les pouvoirs publics puisqu’un centre d’alerte sera mis en place dans environ un an en Méditerranée. Mais rien n’est prévu pour les Antilles…
Cela dit, je n’ignore pas qu’un programme interministériel de prévention du risque sismique sur cinq ans, comprenant plus de quatre-vingts actions, a été adopté en 2005. Toutefois, l’audition publique a démontré que les premières évaluations du bilan de ce plan étaient plutôt mitigées.
Ainsi, en matière de réduction de la vulnérabilité des constructions neuves, une nouvelle réglementation, Eurocode 8, a été adoptée à l’échelon européen. Son introduction en droit français passe par un décret définissant, sur le plan national, les zones de sismicité pour l’application des règles parasismiques, zonage qui a été établi par les scientifiques voilà six ans. Alors, où en est-on s’agissant de ce décret ?
Il faut aussi noter que l’application de la réglementation est difficile à faire respecter. Les contrôles sont insuffisants pour garantir la conformité des constructions aux normes parasismiques.
En ce qui concerne le bâti existant, la situation est inquiétante. Dans certaines zones sensibles, des bâtiments indispensables à la gestion de crise, tels que les préfectures, les casernes de pompiers et les hôpitaux, seraient les premiers à s’effondrer en cas de séisme comparable à certains séismes historiques, sans compter que l’effondrement de nombre d’habitations rendrait certaines parties de villes inaccessibles aux secours !
L’audition publique que j’ai organisée avec l’OPECST a cependant permis de relever que la sécurité civile était, heureusement, bien préparée à la gestion d’un tremblement de terre.
Malgré tout, certaines insuffisances semblent persister. Ainsi manquerions-nous de vecteurs de projection – avions et véhicules terrestres, notamment – pour acheminer les secours.
La saturation médicale et le manque d’hébergements constituent également un maillon faible dans le dispositif de secours.
De même, l’examen des politiques de prévention et de gestion de crise fait apparaître la nécessité d’améliorer la gouvernance dans leur mise en œuvre.
Enfin, en cas de catastrophe, l’adoption de bons réflexes permet souvent de sauver des vies et de limiter les dégâts matériels. Il est donc indispensable de renforcer l’autoprotection des citoyens en développant l’éducation et la formation de ces derniers à tous les âges de la vie.
En résumé, il semble avoir été démontré, lors de l’audition publique, que la France n’était pas bien préparée à un tremblement de terre. Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre face à ce constat ?
Dernière question : où en est le projet de mise en place d’un réseau sismique, composé de quinze stations, dénommé ISARD – information sismique automatique régionale de dommages – et destiné à produire dans les minutes qui suivent un séisme une note informatique transfrontalière, avec simulation des dommages au parc immobilier ? Sont concernées les Pyrénées-Orientales, l’Aude, la Catalogne et l’Andorre ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur Courteau, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de M. Brice Hortefeux, qui, retenu, m’a chargée de vous apporter la réponse qu’il comptait vous faire.
Face au risque que vous venez d’évoquer, le Gouvernement a décidé d’agir par un programme national de prévention du risque sismique sur cinq ans.
Notre stratégie est simple : favoriser une prise de conscience des citoyens, des constructeurs et des pouvoirs publics, mais aussi mettre en œuvre avec fermeté les dispositions déjà adoptées et poursuivre l’amélioration des savoir-faire.
Au sein des différents chantiers de ce « plan séisme », le ministère de l’intérieur a été sollicité, notamment, pour la réalisation, chaque année, d’un scénario départemental de crise sismique. Ces exercices, appelés « Richter », permettent, outre l’entraînement des services gestionnaires de la crise – préfectures, services déconcentrés, etc. – une forte sensibilisation des acteurs, notamment des collectivités locales.
Concrètement, les Bouches-du-Rhône, en particulier la zone pilote comprenant vingt-cinq communes ayant été touchées par le séisme historique de Lambesc, en 1909, ont été choisies pour la réalisation, en février 2007, du premier exercice sismique, dénommé Richter 13.
Il y a eu, depuis, trois autres exercices de ce type : Richter Antilles, en novembre 2008, dans les deux départements d’outre-mer, exercice qui s’est déroulé sur trente-six heures ; Richter 65, en avril 2009, qui a mobilisé la chaîne de solidarité de la sécurité civile des communes des Hautes-Pyrénées ; Richter 68, en février 2010, dans le Haut-Rhin et le Territoire de Belfort.
Deux autres exercices sont en cours de préparation : Richter 38, qui se déroulera prochainement dans la zone de Grenoble, et Richter 2011, qui devrait être organisé conjointement avec l’Andorre, l’Espagne et le Portugal à la fin de l’année 2011, avec l’appui de la Commission européenne.
Vous interrogez également le ministre de l’intérieur sur l’acheminement des moyens de secours.
Il convient de distinguer la situation sur le territoire hexagonal, qui ne soulève pas de difficultés, et la situation particulière des collectivités d’outre-mer, où une projection rapide de moyens, tant humains que matériels, ainsi que la gestion de crise sont plus difficiles du fait de l’éloignement de la métropole.
Pour ces collectivités, et afin de garantir à nos concitoyens ultramarins l’égalité au regard de l’assistance aux populations, est prévue une adaptation des moyens de la gendarmerie et de la sécurité civile, avec leur redéploiement et, le cas échéant, leur renforcement en vue d’assurer la continuité du service public.
La mise en place d’un pôle « sécurité civile » permanent aux Antilles est, par ailleurs, actuellement à l’étude.
Enfin, vous évoquez, monsieur le sénateur, la sensibilisation et la formation, qui sont en effet la première des mesures de sécurité.
La direction de la sécurité civile consacre, avec ses différents partenaires, dont l’éducation nationale, une part importante de son activité à l’information des populations, plus particulièrement des élèves, par exemple avec l’élaboration de la brochure Éduquer à la responsabilité face aux risques, la série de revues Risques et Savoirs, dont le quatrième numéro est consacré aux risques liés à la terre, un CD-ROM intitulé J’apprends à me protéger, etc.
Elle travaille en outre à généraliser la mise en place des plans particuliers de mise en sûreté dans les établissements scolaires ou encore à sensibiliser la population sur la nécessité de disposer, à son domicile, d’un plan familial de mise en sûreté. À cet effet, elle proposera au cours de l’année 2011 un document accessible à tous les citoyens par téléchargement sur Internet, et je forme le vœu qu’il soit accessible aussi à nos compatriotes handicapés.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, tout est mis en œuvre, à travers la prévention, l’éducation et la préparation à la gestion de crise, pour garantir à nos concitoyens une chaîne de sécurité efficace, qui permette de faire face à un événement aussi dramatique qu’un épisode sismique dans notre pays.