Article 21 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Articles additionnels après l'article 21 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 21

Mme la présidente. L'amendement n° 149 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code est ainsi rédigé :

« La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans le respect de l'article 47 du code civil. »

II. - L'article 47 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 47. - Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi. »

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous souhaitons modifier l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, afin de le rendre conforme à l’article 47 du code civil, que nous proposons de rétablir dans la rédaction qui était la sienne avant l’adoption de la loi du 26 novembre 2003.

Nous entendons ainsi mettre fin à la suspicion permanente qui pèse sur l’authenticité des actes de l’état civil des étrangers, rédigés dans les formes usitées dans leur pays d’origine.

La loi du 26 novembre 2003 avait en effet introduit dans le code une « présomption de fraude », pratiquant un amalgame entre mariage mixte et mariage de complaisance, pis encore entre étrangers et fraude.

Il faut en finir avec le climat de suspicion généralisée qui caractérise la politique migratoire gouvernementale. Il s’agit simplement de considérer que les actes de l’état civil établis à l’étranger font foi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement porte sur la valeur probante des actes de l’état civil établis à l’étranger.

Je rappelle les dispositions actuelles de l’article 47 du code civil : « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

Cette rédaction est issue de la loi du 26 novembre 2003, qui visait à instaurer une procédure de contrôle afin de mieux lutter contre les faux documents d’état civil. Ainsi, ce texte a mis un terme à la présomption de régularité formelle de l’acte de l’état civil établi à l’étranger qui prévalait jusqu’alors et a ouvert la possibilité d’en contester l’authenticité.

Les auteurs de l’amendement proposent de revenir aux dispositions antérieures à la loi du 26 novembre 2003. La commission estime que cela n’est absolument pas souhaitable, dans la mesure où le rapport d’information du Sénat, établi en juin 2005, sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire fait état d’une forte augmentation du nombre d’actes de l’état civil établis à l’étranger irréguliers ou falsifiés. L’objectif premier de leurs détenteurs est de contourner la législation de l’entrée et du séjour en France et d’obtenir un titre d’identité français.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il paraît donc essentiel de maintenir une base légale permettant à l’administration et à l’autorité judiciaire de mener, lorsque cela semble nécessaire, les investigations utiles pour apprécier la régularité d’un acte de l’état civil lorsqu’un doute subsiste sur son authenticité.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Cet amendement a pour objet de récrire l’article 47 du code civil conformément à la rédaction qui était la sienne avant l’adoption de la loi du 26 novembre 2003. Il s’agit de prévoir qu’un acte d’état civil étranger fait foi, sauf preuve contraire.

Cette présomption de régularité n’est pas irréfragable.

En outre, le fait de remplacer, au premier alinéa de l’article L. 111-6 du CESEDA, les mots : « dans les conditions définies par » par les mots : « dans le respect de » ne changerait évidemment rien à l’état du droit actuel, tel qu’interprété par les décisions du Conseil d’État, qui fait porter la charge de la preuve du caractère irrégulier d’un acte d’état civil sur l’autorité consulaire.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 149 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 21 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Discussion générale

7

Nomination d'un membre d'une mission commune d'information

Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète commercialisée sous le nom de « Mediator », et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Marie-Christine Blandin membre de la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète commercialisée sous le nom de « Mediator », et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin, à la place laissée vacante par M. Jean Desessard, démissionnaire.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures pour les questions cribles thématiques sur l’aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

8

Questions cribles thématiques

aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de M. Frédéric Taddéï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Mme Françoise Laborde. Ma question portera sur les projets de réussite éducative, les PRE.

Je rappelle que les PRE sont la déclinaison concrète et opérationnelle à l’échelon local du programme de réussite éducative issu de la loi de janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Ils s’adressent aux enfants et aux adolescents qui présentent des signes de fragilité ou ne bénéficient pas d’un environnement social, familial et culturel favorable à leur développement.

Ce programme, trop méconnu, me semble constituer un élément fondamental de la lutte contre les inégalités sociales dans le système scolaire. Il témoigne d’une nouvelle approche dans la prise en compte des jeunes élèves les plus en difficulté et vient compléter les autres dispositifs éducatifs.

Les PRE favorisent l’épanouissement de l’enfant, sa socialisation, son autonomisation et participent ainsi à sa réussite scolaire.

De nombreuses collectivités territoriales se sont engagées dans ce processus, car elles ont indéniablement un rôle essentiel à jouer dans la mise en place d’une véritable politique locale d’éducation.

Il faut se réjouir que, depuis cinq ans, de nombreux projets se soient développés, aient fait leurs preuves et aient obtenu la reconnaissance des acteurs de la vie éducative : les conseils généraux, le ministère de l’éducation nationale, les collectivités locales, les écoles, les parents.

Cependant, alors même que les effets de la crise se font de plus en plus sentir sur une population qui se paupérise littéralement, il semble que, depuis plusieurs mois, les moyens alloués à ces projets se réduisent comme peau de chagrin. Certains PRE ont vu leur financement diminuer de plus de 35 % en 2010, et la baisse atteindra peut-être 20 % en 2011.

À ce rythme, que restera-t-il de cette dynamique si positive ? Aborder les problématiques des enfants et de leurs parents de manière individuelle a prouvé son efficacité dans la lutte contre les inégalités sociales et l’échec scolaire. C’est pourquoi je vous demande de renforcer ce dispositif en lui donnant les moyens de l’ambition qui le sous-tend. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager sur le devenir et la pérennisation des projets de réussite éducative ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame le sénateur, vous avez raison de rappeler l’importance des programmes de réussite éducative, qui visent à prendre en charge des enfants ou des adolescents de manière globale, c'est-à-dire, au-delà du seul volet éducatif, en termes d’ouverture culturelle ou sportive, de santé, d’accompagnement social ou d’aide à la parentalité. Tel est l’intérêt majeur de ce dispositif.

Depuis ma prise de fonctions, j’ai veillé à ce que ce programme s’articule bien avec d’autres dispositifs dont l’éducation nationale a directement la charge – les PRE étant placés sous la responsabilité de l’ACSÉ, l’Agence nationale pour la cohésion nationale et l’égalité des chances, dans le cadre de la politique de la ville –, notamment l’accompagnement éducatif, que nous avons instauré au collège en 2008 et qui vise à accueillir, après seize heures, des jeunes jusqu’alors laissés livrés à eux-mêmes. Les moyens alloués à l’accompagnement éducatif s’élèvent à 283 millions d’euros et sont consacrés à hauteur de 62 % à l’aide aux devoirs, de 22 % à l’initiation aux arts et à la culture, de 11 % au sport et de 5 % à l’enseignement des langues vivantes.

Nous avons défini clairement le rôle de chacun : l’éducation nationale transmet les savoirs et assure l’accompagnement personnalisé des parcours scolaires, dimension très importante de la politique de personnalisation que nous menons ; la politique de la ville, au travers des PRE, complète l’action de l’école hors temps scolaire, notamment en orientant les jeunes en difficulté vers les dispositifs existants ; enfin, les collectivités territoriales doivent mettre à disposition les ressources locales existantes de nature à faciliter le bon déroulement de l’ensemble des actions.

Mon collègue Maurice Leroy, ministre de la ville, a récemment rappelé que les programmes de réussite éducative méritent d’être étoffés. Nous voulons donc fixer de nouvelles priorités dans les domaines de la santé, de la lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaire, de l’accompagnement individuel, de la prise en charge des élèves temporairement exclus de l’école ou du soutien à la parentalité, pour améliorer les relations entre les parents et l’école.

C’est là tout l’enjeu de la renégociation des contrats urbains de cohésion sociale, dans laquelle l’éducation nationale prendra toute sa part. J’y veillerai particulièrement.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, ma question était un peu plus basique : je pensais moins à la culture, au sport et à l’accompagnement aux devoirs qu’à la santé et au quotidien des enfants et de leurs parents. Cela peut aller de l’achat de lunettes à l’aide aux enfants qui dorment dans une voiture ou vivent dans un logement de dix mètres carrés ou moins… (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) C’est à cela que doivent servir les PRE.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Legendre. La dernière enquête PISA –programme international pour le suivi des acquis des élèves – pilotée par l’OCDE évalue et compare les connaissances des élèves de 15 ans dans trois domaines : la lecture, les mathématiques et la culture scientifique.

Cette enquête montre le poids de l’origine sociale dans les inégalités scolaires en France, alors que notre pays était dans la moyenne en 2000 selon ce critère. En dix ans, il y a eu chez nous un creusement des inégalités scolaires d’origine sociale.

Je citerai deux exemples frappants à cet égard : en France, un lycéen issu d’un milieu défavorisé a deux fois moins de chances d’accéder à l’enseignement supérieur que s’il avait grandi en Espagne ou en Irlande ; dans notre pays, un lycéen a 4,3 fois plus de risques d’être en échec à 15 ans s’il est issu d’un milieu social défavorisé, alors que ce facteur est en moyenne de 3 au sein de l’OCDE.

Un autre enseignement fort de cette enquête est que l’efficacité ne se mesure pas seulement au travers de la dépense publique. L’étude montre que certains pays de l’OCDE qui dépensent moins que la France sont mieux classés qu’elle, par exemple la Pologne, Singapour ou la Corée du Sud. L’enjeu est donc de dépenser mieux, de redéployer les moyens en fonction des priorités et des besoins.

Nous avons déjà beaucoup avancé dans cette voie, comme en témoignent deux types de mesures : la mise en place de programmes du primaire recentrés sur les fondamentaux que sont la lecture et l’écriture ; l’instauration d’un véritable dispositif d’accompagnement éducatif comprenant l’aide personnalisée, l’accompagnement personnalisé, le tutorat, l’internat d’excellence.

Ces mesures, que nous soutenons, mettent en lumière l’objectif visé par le Gouvernement ces dernières années : limiter le plus possible le nombre d’élèves en difficulté. Mais cela ne saurait suffire et notre système éducatif doit encore évoluer.

Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement envisage, notamment en matière d’autonomie de décision des établissements scolaires, pour renforcer notre efficacité dans le domaine de l’éducation ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur Legendre, les résultats de l’enquête PISA sont très intéressants, car ils nous permettent de comparer notre système éducatif à ceux de soixante-quatre autres pays. Ils montrent que la France se situe à la fin du premier tiers du classement. Nous sommes dans la moyenne des pays de l’OCDE s’agissant des acquis, aussi bien en lecture qu’en mathématiques.

Surtout, cette enquête nous renseigne sur deux faiblesses de notre système éducatif.

D’abord, la France reste le pays du grand écart : le nombre d’élèves qui accèdent à l’excellence est trop réduit, alors que le nombre d’élèves en grande difficulté a plutôt tendance à augmenter.

Ensuite, notre système éducatif, plus que ceux des autres grands pays développés, a du mal à lutter contre les déterminismes sociaux.

Dès lors, que faire ?

La politique que nous menons va dans la bonne direction, non parce que c’est la nôtre, mais parce que c’est celle qui a été mise en place par tous les pays obtenant de meilleurs résultats que nous dans les enquêtes PISA.

Cette politique est fondée sur la personnalisation de l’enseignement. Si l’on veut, après le défi de la massification et de la quantité auquel notre système éducatif a su répondre entre 1970 et 1990, relever le défi de la qualité, en faisant en sorte qu’il y ait une solution pour chacun à la sortie de l’école, nous devons, tout au long de la scolarité, organiser des temps de différenciation, c'est-à-dire faire davantage pour les élèves ayant plus de difficultés, être capables d’accompagner individuellement les élèves, notamment avec les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs, l’aide personnalisée dès le primaire pour détecter les difficultés de lecture avant qu’il ne soit trop tard ou l’action que nous menons en faveur des enfants handicapés, ceux-ci étant accueillis en beaucoup plus grand nombre aujourd'hui qu’il y a cinq ans.

En outre, comme vous l’avez indiqué, nous devons faire davantage confiance aux acteurs locaux, déléguer, transférer des compétences aux établissements scolaires, aux chefs d’établissement, aux professeurs.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous prie de conclure.

M. Luc Chatel, ministre. L’autonomie et la personnalisation se renforcent progressivement dans notre système éducatif : tel est l’esprit de la politique que nous menons.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour la réplique.

M. Jacques Legendre. J’avais mis l’accent sur les élèves décrocheurs, car ce problème nous préoccupe. La commission s’est rendue récemment au Canada et a vu ce qui se faisait en Ontario : il vaut mieux rattraper les élèves menacés de décrochage quand ils sont encore à l’école plutôt que de mettre en place des systèmes de rattrapage, plus coûteux et moins efficaces. Priorité à l’école ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour le groupe socialiste.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, les conclusions de l’étude PISA de 2009 sont alarmantes et révélatrices de l’échec des politiques éducatives de la France.

Selon cette étude, la proportion des élèves les moins performants en compréhension de l’écrit est passée de 15 % à 20 %. Loin d’avoir tiré les leçons du classement moyen de 2003, le Gouvernement a laissé se dégrader la qualité de notre enseignement. Les quelques mesures annoncées, d’ailleurs limitées à quelques expérimentations, n’y ont rien changé.

Les conclusions de l’enquête PISA jettent un éclairage peu flatteur sur le système éducatif français. En prenant en compte divers indicateurs, comme la profession des parents, leur formation, le nombre de livres à la maison ou encore la langue parlée, ce rapport démontre qu’en France, plus que dans n’importe quel autre pays de l’OCDE, il est beaucoup plus difficile pour les jeunes issus de milieux défavorisés de réussir à l’école, les jeunes de la première génération immigrée étant particulièrement vulnérables.

Autrement dit, en France, l’origine sociale et familiale est un facteur déterminant pour réussir à l’école : nous sommes le champion des inégalités en matière d’éducation, et c’est inacceptable !

Dans le même temps, le groupe des meilleurs élèves en lecture est passé, lui, de 8,5 % à 9,6 % de l’effectif total. Alors que cette progression devrait nous réjouir, ces chiffres constituent une autre source d’inquiétude, car ils montrent que les écarts se creusent entre les élèves au sein de notre système éducatif. Celui-ci est, à l’heure actuelle, conçu pour les élites. Les mesures les plus récentes, la suppression de la carte scolaire ou la création de lycées d’excellence, par exemple, sont censées permettre l’émergence et l’élargissement de ces élites. Certes, l’intention est bonne, mais encore faudrait-il que, dans le même temps, la grande masse des élèves ne soit pas abandonnée à son sort !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Yannick Bodin. Pourtant, l’un des enseignements fondamentaux de l’enquête PISA est qu’œuvrer au développement de l’excellence…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Yannick Bodin. … n’est nullement contradictoire avec faire progresser le niveau de compétence des élèves peu performants.

Au vu de ces constats, quelles mesures allez-vous prendre, monsieur le ministre, pour inverser la tendance à l’aggravation des inégalités dans les écoles de notre pays et éviter que la prochaine enquête PISA, en 2012, ne fasse apparaître un nouveau recul de la France dans le classement international ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, puisque vous n’avez pas adopté un ton polémique (Sourires), je vous répondrai sur le même registre…

Vous avez fait référence à l’action du Gouvernement en matière de politique éducative. À cet égard, je formulerai une simple remarque : les élèves qui ont été évalués en 2009 au titre de l’enquête PISA étaient alors âgés de 15 ans, ce qui signifie qu’ils sont entrés dans le système éducatif en 1997. Il s’agit donc des enfants des réformes qui ont été menées à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !

M. Luc Chatel, ministre. Ne voyez aucune malice dans cette remarque !

M. Roland Courteau. Et là, votre propos n’est pas polémique ?

M. Luc Chatel, ministre. Il convient simplement de bien appréhender les effets et les résultats des politiques éducatives.

M. Guy Fischer. C’est de la provocation !

M. Luc Chatel, ministre. Je note comme vous les carences de notre système éducatif. Nous cherchons à y remédier, par exemple en mettant en place des internats d’excellence, afin de permettre à des élèves issus de milieux défavorisés de réussir. On sait très bien que ce ne sera pas le cas s’ils ne sont pas davantage accompagnés sur les plans éducatif et culturel. Actuellement, 4 000 élèves bénéficient de ce nouveau dispositif. En matière d’égalité des chances, c’est un vrai progrès !

Par ailleurs, vous opposez l’élite et les élèves en grande difficulté.

Pour ma part, monsieur le sénateur, j’estime que nous devons relever le niveau de l’ensemble de nos élèves. Notre pays a besoin d’une élite. Or j’observe que, en Finlande, 15 % environ des élèves d’une classe d’âge font partie de l’élite, contre moins de 10 % en France. Nous avons besoin de jeunes très qualifiés, qui tendent vers l’excellence. L’école de la République doit aussi être capable d’emmener les élèves méritants le plus loin possible.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce n’est pas une question de mérite !

M. Luc Chatel, ministre. Dans le même temps, nous devons également faire en sorte que moins d’élèves quittent le système éducatif sans qualification, en renforçant l’accompagnement personnalisé. Tel est l’objectif de la politique de personnalisation tout au long de la scolarité que nous menons, pour inverser une tendance structurelle, dont l’origine remonte à plusieurs années.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour la réplique.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, j’ai cru un instant que vous alliez reprocher à Charlemagne de n’avoir pas pensé plus tôt à inventer l’école ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Faisons le rêve que les internats d’excellence constituent effectivement une solution pour les élèves en grande difficulté, y compris sur le plan social. Pour autant, êtes-vous aujourd'hui en mesure de nous assurer qu’il y aura une place en internat d’excellence pour chacun d’eux ?

M. Luc Chatel, ministre. Cela concerne les élèves méritants à potentiel !

M. Yannick Bodin. Ce n’est pas en créant une dizaine d’établissements que vous réglerez le problème ! Il en faut quelques centaines ! Or, compte tenu des contraintes budgétaires que vous nous exposez régulièrement, pourrez-vous assurer une place à chaque élève concerné ?

Pour l’heure, la création de ces internats d’excellence n’est qu’une mesure d’affichage ! Des centaines de milliers d’élèves attendent à leurs portes, et ce n’est pas tolérable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est l’arbre qui cache la forêt !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour le groupe CRC-SPG.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le dispositif CLAIR – collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite – et sur le démantèlement de l’éducation prioritaire que sa mise en œuvre induit de fait.

Permettez-moi tout d’abord de citer les propos que vous avez tenus à Marseille le 25 juin 2010 : « Le dispositif CLAIR, s’il réussit, si l’expérimentation fonctionne, a pour objectif d’être étendu et de remplacer les dispositifs d’éducation prioritaire qui existent aujourd’hui. »

Puis, au Sénat, le 26 octobre dernier, vous vous êtes exprimé en ces termes : « Ce programme, qui, je le répète, est une expérimentation, n’a pas a priori vocation à se substituer à toute l’éducation prioritaire. Nous en dresserons le bilan, nous l’évaluerons et nous réfléchirons à la façon de coordonner les différents dispositifs. »

Depuis, votre ministère a annoncé l’extension, en septembre, du dispositif CLAIR, qui absorberait ainsi la quasi-totalité des réseaux ambition réussite, les RAR. Sur quels bilans et quelles évaluations vous fondez-vous pour prendre une telle décision après seulement quatre mois d’expérimentation ? En quoi le programme CLAIR est-il plus probant que les dispositifs existants, dont la nature est très différente, CLAIR étant un programme de lutte contre la violence scolaire ? C’est une différence de taille avec l’éducation prioritaire, qui est, avant tout, un dispositif de lutte contre les inégalités sociales et territoriales en matière éducative. Avec le programme CLAIR, plus de notion de zones ni de réseau, c’est la logique d’établissement qui l’emporte. Ce n’est pas étonnant dans la mesure où vous prônez l’autonomie des établissements !

Selon vous, le programme CLAIR se caractériserait par sa dimension innovante. Mais l’innovation pédagogique a toujours été le maître mot de l’éducation prioritaire. Dans ce domaine, la circulaire du 7 juillet 2010 relative à la mise en place du dispositif CLAIR ne prévoit d’ailleurs rien de nouveau. Non, la véritable innovation apportée par celui-ci réside dans l’amorce – prudente, il est vrai, le sujet étant sensible – de la généralisation des postes à profil pour, à terme, imposer la libéralisation du recrutement des enseignants.

Alors que les acteurs de l’éducation prioritaire s’accordent pour en réclamer la relance, vous l’atomisez ! Monsieur le ministre, que deviendront les réseaux ambition réussite et les milliers d’élèves qu’ils accueillent ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)