Article additionnel après l'article 72
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 74

Article 73

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article L. 624-1 du même code est ainsi rédigé :

« Tout étranger qui se sera soustrait ou qui aura tenté de se soustraire à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français ou qui, expulsé ou ayant fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire, d’une interdiction de retour sur le territoire français ou d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l’article L. 533-1, aura pénétré de nouveau sans autorisation en France, sera puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement. »

Mme la présidente. L'amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, d’une interdiction de retour sur le territoire français

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Par cet amendement de coordination, nous entendons manifester de nouveau notre opposition aux modalités d’interdiction de séjour.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 83 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 73.

(L'article 73 est adopté.)

Article 73 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 74 bis

Article 74

(Supprimé)

Article 74
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article additionnel après l'article 74 bis

Article 74 bis 

L’article L. 731-2 du même code est ainsi modifié :

1° Au second alinéa, après les mots : « l’informe », sont insérés les mots : « dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l’aide juridictionnelle ne peut pas être demandé dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen, lorsque le requérant a, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par l’office ainsi que par la Cour nationale du droit d’asile, assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 84 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 229 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 458 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° 84 rectifié.

M. François Fortassin. Cet article tend à interdire à un demandeur d’asile de solliciter l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de l’OFPRA rejetant sa demande de réexamen, lorsque le requérant a déjà bénéficié de cette aide devant le même office ou la CNDA.

Ainsi, une nouvelle fois, comme à l’article 34 du projet de loi, est instituée une restriction du droit au recours effectif garanti à la fois par nos principes de valeur constitutionnelle et par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette restriction est d’autant plus inacceptable que la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres vise non pas les réexamens, mais les recours devant d’autres juridictions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 229.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, je défendrai en même temps l'amendement n° 230.

Deux ans à peine après la généralisation de l’aide juridictionnelle à la CNDA, est instituée une restriction de ce droit sans que cela soit d’une véritable efficacité pour la juridiction. Selon les auteurs de l’amendement à l’origine de cet article, cette restriction serait justifiée par le fait que les demandes d’aide juridictionnelle présentées après enrôlement seraient à l’origine de 20 % des renvois.

La demande d’aide juridictionnelle à l’audience n’est pas la cause principale des renvois : c’est le nombre trop important d’affaires inscrites au rôle qui conduit les formations de jugement à renvoyer les affaires pour audience tardive, ce qui est tout à fait différent. D’autres renvois sont justifiés par l’absence de l’avocat qui en avait pourtant dûment averti la Cour, ou par l’absence d’une partie ou d’une totalité d’un dossier.

Par ailleurs, les avocats désignés par le bureau d’aide juridictionnelle le sont, de façon récurrente, très tardivement et sont dans l’obligation de solliciter le report de l’affaire soit parce qu’ils n’ont pu rencontrer leur client avant l’audience, soit parce qu’ils n’ont pas été en mesure de produire avant le délai de clôture les pièces du dossier. Ce qui est en cause, c’est davantage l’organisation de la Cour qu’une prétendue manœuvre dilatoire du demandeur.

Aussi prévoir l’exclusion des demandeurs de l’ensemble de recours est-il contraire au droit positif français et non conforme avec la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005.

En effet, la jurisprudence du Conseil d’État a encadré la procédure de réexamen et fixé des critères précis pour la recevabilité d’une demande de réexamen. Elle reconnaît que le demandeur d’asile qui soumet des faits nouveaux a le droit de voir sa demande réexaminée et qu’il doit bénéficier d’une admission au séjour et des conditions matérielles d’accueil. Le priver d’un conseil au titre de l’aide juridictionnelle serait une atteinte au droit au recours effectif.

D’autre part, le 4° de l’article 32 de la même directive indique clairement que « si des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE, l’examen de la demande est poursuivi conformément aux dispositions du chapitre II. ».

Priver les demandeurs d’asile dont la demande est recevable d’un réexamen de l’aide juridictionnelle est donc injustifiable. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 74 bis dans l’amendement n° 229 et l’extension de l’aide juridique à tous les demandeurs d’asile dans l'amendement n° 230.

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 458.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mon propos ira dans le même sens que celui de mes collègues. Depuis le 1er décembre 2008, l’aide juridictionnelle peut être octroyée à tous les requérants qui remplissent les conditions exigées, comme le plafond de ressources, quelle que soit la régularité de leur entrée sur le territoire national.

La suppression de l’exigence d’entrée régulière sur le territoire français pour demander l’aide juridictionnelle date de la dernière loi sur l’immigration votée en 2006, et déjà vous nous demandez de légiférer en sens inverse !

L’article 74 bis, avant que la commission des lois du Sénat n’y apporte quelques sages, quoique insuffisantes, modifications, interdisait qu’un migrant puisse bénéficier de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande de réexamen de sa demande d’asile.

On le comprend bien, cet article laissait entendre que toute nouvelle demande de protection était par nature abusive. Pourtant, après le rejet définitif d’une première demande d’asile, seule la présentation d’éléments nouveaux permet le réexamen d’une demande. Cette mesure était donc une atteinte grave au droit d’asile.

Les modifications apportées par la commission des lois ne sont pas de nature à garantir le fait que les demandeurs d’asile puissent bénéficier d’un recours effectif devant la juridiction en étant défendus.

En effet, avec le nouveau dispositif adopté par la commission, l’aide juridictionnelle ne pourrait pas être accordée devant la CNDA dans le cas d’une demande de réexamen dès lors que le requérant a, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par 1’OFPRA ainsi que par la Cour, assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.

Selon le rapporteur, le fait de refuser à certains demandeurs d’asile la possibilité de demander l’aide juridictionnelle serait justifié par l’article 15 de la directive 2005/85/CE relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

Il semble que l’on peut faire dire tout et son contraire au droit communautaire. Je ne veux pas entrer dans une querelle d’interprétation de la directive, je laisse cela à la Cour de justice de l’Union européenne, qui, vous ne manquerez pas de l’avoir remarqué, rend depuis quelques années des arrêts qui vont tous dans le sens d’une amélioration du niveau de protection des migrants, et en particulier des demandeurs d’asile, tandis que la sensibilité aux intérêts nationaux paraît plus circonstancielle.

Je souligne simplement que cette directive fixe des normes « minimales » concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. Selon le principe de l’harmonisation minimale, largement utilisé dans le cadre de la construction européenne, les États sont libres d’adopter ou de conserver des normes plus protectrices.

C’est pourquoi nous proposons de conserver dans notre droit national la possibilité pour tous les demandeurs d’asile de demander l’aide juridictionnelle, d’autant que la loi de finances pour 2011 est déjà venue rogner ce droit en limitant à un mois le délai pour demander cette aide.

Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l’article 74 bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois est défavorable aux trois amendements identiques.

L’article 74 bis a été introduit dans le projet de loi par les députés. Il vise à encadrer et rationaliser l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la CNDA. Nos collègues ont souhaité exclure du bénéfice de l’aide juridictionnelle les requérants sollicitant le réexamen de leur demande d’asile, car ils ont considéré que la plupart de ces demandes avaient un caractère dilatoire.

La commission des lois du Sénat a atténué ces dispositions en réservant l’hypothèse d’un demandeur d’asile qui n’aurait pas été entendu en première demande par un officier de protection ou par la CNDA. Il me semble que, ainsi définies, ces conditions permettent de définir un équilibre entre la nécessaire rationalisation de l’accès à l’aide juridictionnelle devant la CNDA et les garanties essentielles apportées aux demandeurs d’asile.

Au demeurant, ces dispositions paraissent conformes à l’article 15 de la directive du 1er décembre 2005.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Il est important de rappeler que le projet de loi prévoit de supprimer l’aide juridictionnelle non pas pour l’examen de la demande d’asile, mais pour les recours présentés sur les décisions de l’OFPRA rejetant le réexamen d’une demande d’asile.

La commission des lois a d’ailleurs amendé cette disposition en prévoyant deux conditions : le requérant doit avoir été entendu par l’OFPRA et avoir comparu la première fois devant la Cour nationale du droit d’asile assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.

Le Gouvernement et la commission des lois partagent donc l’objectif de restreindre l’accès à l’aide juridictionnelle lors des procédures de réexamen, dans le respect du droit communautaire, c’est-à-dire de la directive Procédure du 1er décembre 2005. Cette réforme poursuit un double objectif : améliorer le fonctionnement de la Cour et réduire son délai de traitement – près de quinze mois –, que tous s’accordent à considérer comme excessif ; et prévenir les recours abusifs.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 84 rectifié, 229 et 458.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 230, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Sont soumis au bénéfice de l'aide juridictionnelle tous les demandeurs d'asile, tant devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qu'en cas de recours devant la Cour nationale du droit d'asile. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’aide juridictionnelle n’est possible que devant une juridiction. Or l’OFPRA est un établissement public administratif. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 230.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 74 bis.

(L'article 74 bis est adopté.)

Article 74 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 75

Article additionnel après l'article 74 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 243 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 472 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 74 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est supprimé.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 243 rectifié.

Mme Éliane Assassi. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 472 rectifié.

Mme Bariza Khiari. Le présent amendement vise à supprimer l’examen des demandes d’asile selon la procédure dite « prioritaire ».

Cette procédure accélérée est utilisée pour les demandeurs d’asile provenant de « pays d’origine sûrs », pour les personnes considérées comme représentant une menace pour l’ordre public et pour celles dont la demande est jugée frauduleuse, abusive ou seulement destinée à empêcher la mise en œuvre d’une mesure d’éloignement. Elle est également utilisée lorsque des demandeurs d’asile déboutés saisissent l’OFPRA afin de faire réexaminer leur demande sur le fondement d’informations nouvelles. Par ailleurs, les demandeurs d’asile placés en rétention et en instance d’éloignement sont aussi soumis à la procédure prioritaire.

En 2009, plus de 22 % des demandes d’asile ont été examinées selon la procédure dite « prioritaire ».

La limitation des droits découlant de cette procédure est dénoncée par toutes les associations de défense des droits de l’homme, qui affirment que ce système est « injuste et dangereux ».

L’ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Álvaro Gil-Robles, souligne dans son rapport sur le respect effectif des droits de l’homme en France que « la procédure prioritaire est loin d’offrir les mêmes garanties que la demande d’asile de droit commun. En définitive, elle ne laisse qu’une chance infime aux demandeurs ».

L’existence de cette procédure prouve que la France n’est pas, contrairement à ce que le Gouvernement laisse croire, le pays le plus généreux en matière d’asile. Afin que la France puisse réellement mériter ce statut exemplaire, il apparaît nécessaire et urgent de supprimer la procédure dite « prioritaire ».

Telles sont les raisons pour lesquelles, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à supprimer le dispositif de procédure prioritaire, qui permet à l’OFPRA de traiter assez rapidement un certain nombre de dossiers spécifiques.

À l’heure actuelle, je le rappelle, le délai moyen d’examen d’une demande en procédure normale est de dix-neuf à vingt mois environ, en incluant le recours devant la CNDA. Il est donc indispensable de conserver une procédure accélérée.

J’ajoute que le principe même de la procédure prioritaire a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 et qu’il est conforme à nos engagements communautaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 243 rectifié et 472 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 74 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 75 bis A (Texte non modifié par la commission)

Article 75

Le 4° de l’article L. 741-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Constitue une demande d’asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit sans motif légitime de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 85 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Detcheverry, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 233 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 461 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l’amendement n° 85 rectifié.

M. François Fortassin. En ajoutant un nouveau cas justifiant l’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire, cet article restreint encore la possibilité pour le demandeur d’asile d’obtenir une autorisation provisoire de séjour.

Selon le droit en vigueur, il revient à l’administration de démontrer que la dissimulation constitue une fraude délibérée. Or cet article inverse en quelque sorte la charge de la preuve, puisque, par exemple, la fraude pour dissimulation d’informations concernant l’identité devient la norme, à charge pour le demandeur d’asile d’apporter la justification que cette dissimulation répond à des motivations légitimes.

Songez aux personnes persécutées dans leur pays, qui, pour des raisons de sécurité, sont obligées de dissimuler leur véritable identité ! En outre, les délais particuliers de procédure ainsi que la complexité de cette dernière alourdiront les obligations du demandeur d’asile, au risque d’affaiblir sa demande.

J’ajoute que la procédure prioritaire est en elle-même une réelle restriction des droits des demandeurs d’asile qu’il conviendra de réaménager dans un sens plus respectueux du principe du contradictoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 233.

Mme Mireille Schurch. Madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 236 rectifié.

Cette disposition résulte d’une décision du Conseil d’État, qui a qualifié de frauduleuse la demande d’une personne dont les empreintes dactyloscopiques n’ont pu être relevées dans le cadre du système EURODAC, en application du règlement Dublin II.

Cette réforme intervient surtout dans un contexte où la gestion expéditive des demandes d’asile ne cesse d’augmenter. Désormais, plus de la moitié des demandes examinées selon la procédure prioritaire sont des premières demandes d’asile.

Dans ce contexte d’absence de contrôle réel et efficace du recours à la procédure prioritaire et compte tenu de l’intérêt qu’elle représente pour le Gouvernement d’un point de vue budgétaire, les craintes de dérives sont bien réelles.

L’application de la procédure prioritaire prive en effet le demandeur d’une instruction effective de sa requête, sans possibilité de recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile, tout en le contraignant, lorsqu’il n’est pas mis en rétention administrative, à vivre dans des conditions de grande précarité avec des droits sociaux et économiques fortement minorés.

La nouvelle précision comporte, d’une part, un élément matériel, à savoir la fourniture de fausses indications, la dissimulation d’informations concernant l’identité, la nationalité, les modalités d’entrée sur le territoire, et, d’autre part, un élément intentionnel, à savoir la volonté d’induire en erreur les autorités.

Dans cette nouvelle hypothèse de refus d’admission au séjour, le préfet devra donc démontrer qu’il a en sa possession des indications et des informations permettant d’établir que les déclarations de l’intéressé sont erronées ou avaient été dissimulées et que la personne avait réellement l’intention d’induire en erreur l’administration.

Avec la mise en œuvre de ce nouveau mécanisme, le demandeur sera exposé, dès ses premières démarches, à un service public préfectoral guidé par une logique de contrôle, alors qu’il a en général fui des persécutions ou a pu subir des actes de tortures ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants d’agents étatiques sans être protégé en raison de la défaillance des autorités du pays d’où il vient.

Or, dans une situation d’extrême vulnérabilité, psychologiquement fragilisé, le demandeur a souvent perdu toute confiance dans ce qui, à ses yeux, ressemble à l’autorité. Il peut, dans un premier temps, ne pas vouloir ou ne pas pouvoir révéler des informations au stade de son admission au séjour, alors que ses craintes de persécution en cas de retour sont fondées.

Par ailleurs, du fait d’un usage de la procédure prioritaire par les services préfectoraux, non réglementé en pratique mais régulièrement dénoncé par les associations, il est à craindre que l’invocation de cette nouvelle disposition ne devienne trop systématique, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour d’autres motifs légaux de refus d’autorisation de séjour provisoire.

Ainsi, par exemple, une personne pourrait-elle être soumise à la procédure prioritaire sur ce fondement lorsqu’elle se déclarera sous son identité réelle aux services d’une préfecture, mais que le fichage EURODAC révélera une identité différente, et donc fausse, fournie précédemment dans un autre État membre.

Il est à craindre que, dans le doute, les services préfectoraux préfèrent appliquer ce motif de refus d’admission au séjour et arguent de l’impossibilité de déterminer l’identité réelle de la personne.

C’est la raison pour laquelle nous demandons non seulement la suppression de cet article, mais aussi la suppression de la présomption de recours abusif prévue par le 4° de l’article L. 741-4.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 461.

M. Jean-Pierre Sueur. La France est très profondément attachée au respect du droit d’asile. Accueillir les personnes persécutées, martyrisées dans leur pays, quel que soit celui-ci, fait partie de l’identité de notre pays.

Tout le monde l’aura compris, M. Fortassin et Mme Schurch ont d’ailleurs été extrêmement précis sur ce point, l’article 75 vise indirectement à élargir l’application de la procédure prioritaire. Or cette procédure accélérée prive les candidats à l’asile de tout titre provisoire de séjour et autorise l’administration à les expulser avant même l’examen par la Cour nationale du droit d’asile de la décision de rejet de la demande d’asile.

Je sais, monsieur le rapporteur, que la procédure prioritaire a été validée par le Conseil constitutionnel. Il n’empêche qu’il s’agit d’une procédure expéditive, qui se traduit par l’absence de recours suspensif pour les personnes invoquant des risques de persécution en cas de renvoi dans leur pays.

Pour nous, cette mesure n’est pas satisfaisante. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel devra prochainement dire si l’absence de recours suspensif devant la CNDA est conforme à l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Hier, la Cour de cassation a en effet décidé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas sur ce sujet !

M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur a proposé d’exclure du dispositif prévu à l’article 75 les personnes qui dissimulent les éléments sur leur identité ou les modalités de leur entrée en France pour des motifs légitimes. Mais, vous le savez bien, des étrangers peuvent faire l’objet de menaces de la part de passeurs et peuvent ne pas dire la vérité précisément à cause de ces menaces. Voilà pourquoi nous demandons que les règles générales du droit s’appliquent et qu’un recours suspensif puisse être possible.

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il serait sage de supprimer cet article. Les procédures expéditives ne présentent en effet pas les garanties nécessaires par rapport à un principe aussi important que celui du droit d’asile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Stricto sensu, l’article 75 du projet de loi n’étend pas le champ des hypothèses justifiant l’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire, mais il précise la notion de « demande d’asile reposant sur une fraude délibérée », notion qui figure déjà à l’article L. 741-4 du CESEDA.

Son objet est de prévenir les pratiques de certains demandeurs d’asile tendant à altérer leurs empreintes digitales afin d’empêcher leur identification par le dispositif EURODAC ou à taire sciemment certains éléments de leur parcours tels que des séjours antérieurs dans d’autres États membres de l’Union européenne. De telles pratiques sont déjà sanctionnées par le juge administratif. L’article 75 du projet de loi permettra d’unifier la pratique des préfectures en la matière.

La commission des lois a toutefois souhaité réserver l’hypothèse où l’altération des empreintes ou le silence sur certains éléments du parcours relèverait d’un « motif légitime », par exemple lorsque la sécurité du demandeur d’asile est menacée. Sur ce point, il me semble que le projet de loi est parvenu à un bon équilibre.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.