M. le président. Nous en avons terminé avec la présentation de ce rapport.
Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des comptes.
(M. le Premier président de la Cour des comptes est reconduit selon le cérémonial d’usage.)
8
Nomination d’un membres d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Ambroise Dupont membre de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
9
Dépôt d'un rapport
M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur la mise en application de la loi n° 2010–658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, établi en application de l’article 67 de la loi n° 2004–1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ainsi qu’à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et sera disponible au bureau de la distribution.
10
Réforme de l'hôpital
Discussion d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009–879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, présentée par M. Jean-Pierre Fourcade (proposition n° 65 rectifié, texte de la commission n° 295, rapport n° 294).
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que la proposition de loi de M. Jean Pierre Fourcade a été inscrite par la conférence des présidents dans le cadre de l’espace réservé au groupe UMP, c’est-à-dire dans une limite de quatre heures ; au surplus nous n’avons pas prévu de séance du soir encore moins une nuit.
Dans ces conditions, je me verrai dans l’obligation de terminer ou d’interrompre dans quatre heures, c’est-à-dire à vingt et une heures.
Si nous n’avons pas terminé ce texte, il appartiendra, soit à notre conférence des présidents, soit au Gouvernement, d’inscrire la suite de cette proposition de loi.
Par ailleurs, à la suite de ce point de l’ordre du jour, c’est-à-dire vers vingt et une heures, nous aurons l’examen de la demande du groupe socialiste d’envoi du projet de loi relatif à la bioéthique à une commission spéciale.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme vous le savez, j’ai été chargé d’animer le comité d’évaluation de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». À ce titre, depuis le mois de février de l’année dernière, j’ai procédé à de très nombreuses auditions et effectué quelques déplacements en métropole et outre-mer.
Avant d’entamer la rédaction du rapport que je dois présenter au Parlement en juillet prochain, deux ans après la publication de la loi, il m’a paru souhaitable de regrouper dans une modeste proposition de loi quelques modifications et compléments à la loi, qui, je l’indique dès le début de la discussion, n’apportent pas de bouleversements et ne remettent pas en cause l’équilibre général du texte.
M. Guy Fischer. C’est ce que l’on dit !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je tiens à préciser que j’effectue cette démarche à titre personnel, et non comme président du comité d’évaluation.
Pour vous présenter cette proposition de loi, j’organiserai mon propos autour de trois éléments : le contexte de l’application de la loi, l’historique de ma proposition de loi et, enfin, son contenu.
Premier élément : le contexte.
La mise en place des Agences régionales de santé, de la gouvernance des établissements hospitaliers et des outils de coopération concerne aussi bien le secteur public que les cliniques privées et les médecins libéraux. Tout cela – nous l’avons vu – se passe plutôt bien, en dépit des critiques de tous bords adressées à tel ou tel aspect du texte.
M. Guy Fischer. Oui, on serre la vis !
M. Jean-Pierre Fourcade. Certains considèrent que la loi brade l’hôpital public.
M. Guy Fischer. Elle le démantèle !
M. Jean-Pierre Fourcade. D’autres estiment qu’elle punit les médecins libéraux. Pour ma part, j’ai constaté sur le terrain que le système se mettait en place dans d’assez bonnes conditions.
Toutefois, certaines imperfections, certaines décisions du Conseil constitutionnel, certaines observations du Conseil d’État, certaines demandes émanant de syndicats de médecins…
M. Guy Fischer. … libéraux !
M. Jean-Pierre Fourcade. … libéraux ou hospitaliers m’ont convaincu de soumettre au Sénat, puis demain à l’Assemblée nationale, si vous l’estimez utile, quelques articles visant à supprimer, à réformer, à préciser ou à compléter la loi du 21 juillet 2009.
Cette proposition de loi vise à rendre la loi plus opérationnelle et si elle peut être mieux acceptée par l’ensemble des praticiens et des auxiliaires médicaux qui travaillent à son application, ce ne sera que mieux.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Deuxième élément : l’historique.
C’est à l’automne 2010 que j’ai pris contact avec le cabinet du ministre de la santé de l’époque, Mme Bachelot-Narquin, pour m’assurer que les quelques dispositions que j’avais l’intention de proposer pour mieux organiser les soins de premier recours, pour simplifier quelques articles trop complexes et pour mieux intégrer les structures médico-sociales dans le domaine de compétence des Agences régionales de santé, les ARS, étaient envisageables et satisfaisantes.
Après un travail en commun approfondi et avec l’accord de Mme Bachelot-Narquin, j’ai pris contact avec l’ordre des médecins, l’ordre des chirurgiens-dentistes, les syndicats professionnels, la conférence des présidents des commissions médicales d’établissement, certains directeurs généraux d’ARS et j’ai déposé la proposition de loi n° 65 qui comportait quatorze articles.
Puis deux événements sont venus me contraindre à corriger cette proposition de loi.
D’abord, certains articles ont été heureusement repris dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Je me réjouis que le législateur ait ainsi repris quelques-unes de mes propositions et les ait introduites dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Ensuite, il y a eu un remaniement du Gouvernement et M. Bertrand – que je salue – a remplacé Mme Bachelot-Narquin, Mme Berra est venue en tant que secrétaire d’État à la santé et j’ai entrepris de nouvelles discussions. J’ai reçu beaucoup de propositions supplémentaires et j’ai donc, après un nouveau tour de discussions, déposé la proposition de loi n° 65 rectifié, que la commission des affaires sociales vient d’examiner et d’adopter.
M. Guy Fischer. Oui, à marche forcée !
M. Jean-Pierre Fourcade. Troisième élément : le contenu de cette proposition de loi.
Je ne présenterai pas dans le détail chacun des articles car l’excellent rapporteur de la commission mon ami Alain Milon le fera tout à l’heure. Bien entendu, comme toujours, la commission des affaires sociales a modifié quelques articles, a supprimé certains articles et en a rajouté d’autres. Il m’appartient de rappeler quels étaient les objectifs de ma proposition de loi.
J’avais trois objectifs.
Le premier consistait à mieux organiser les soins de premier recours en créant des structures efficaces permettant un exercice en commun des professionnels de santé relevant de métiers différents. Afin que ces structures fonctionnent de manière harmonieuse sur le terrain, je vous propose de supprimer quelques dispositions difficilement applicables et mal vécues par les médecins libéraux et par les chirurgiens-dentistes. Il s’agit, dans ma proposition de loi initiale, des articles 1er à 6.
Le deuxième objectif était d’améliorer le domaine de compétences des directeurs généraux des ARS, de simplifier quelques dispositions jugées trop floues par le Conseil d’État et d’essayer de mettre un peu plus de liant, de fongibilité dans l’ensemble des crédits qui partent du sommet, monsieur le ministre, pour aller jusque dans les ARS, afin que ce système fonctionne. Il s’agit des articles 7 à 13, parmi lesquels la commission des affaires sociales a fait son marché, si je puis dire, puisqu’elle en a retenu certains et rejeté d’autres.
Le troisième objectif visait à simplifier les mécanismes prévus pour les structures médico-sociales.
En effet, l’intégration des établissements médico-sociaux dans le domaine de compétences des ARS est un élément très important dans la mesure où les directeurs généraux et leurs adjoints sont obligés de s’occuper de manière précise de l’ensemble de ces établissements qui, on peut le dire, monsieur le rapporteur, sont assez divers.
C’est pourquoi j’ai essayé, dans les articles 14 à 16, d’affranchir ces établissements de procédures trop complexes pour faciliter leur transformation et les sécuriser.
Sur l’ensemble des articles, la commission et M. le rapporteur ont fait un excellent travail et ont amélioré la rédaction de la proposition de loi.
Toutefois, permettez-moi d’exprimer deux regrets.
Le premier, c’est la suppression de la phrase que je proposais à l’article 7, qui donnait au directeur général de l’ARS le pouvoir de fermer ou de suspendre l’activité de centres de santé, donc sans avoir à en référer au ministère de la santé et à demander une autorisation ministérielle. Il s’agit non pas de décentralisation, mais de déconcentration. En la matière, je crois que l’on n’est pas allé assez loin.
Le second regret, c’est la suppression de l’article 9 de la proposition de loi. Or le Conseil d’État a observé que la rédaction actuelle des dispositions relatives aux fondations hospitalières n’était pas tout à fait claire et qu’il fallait, par conséquent, appliquer à ces structures le statut des fondations reconnues d’utilité publique. Comme cela ne m’a pas semblé suffisant, j’ai proposé un assouplissement ; M. le rapporteur nous donnera tout à l'heure les raisons pour lesquelles la commission n’a pas suivi mes propositions.
Reste que cette proposition de loi doit permettre une mise en place, sur le terrain, cohérente et harmonieuse de tous les outils qui sont mis à la disposition de l’ensemble du monde médical et sanitaire par la loi HPST. Elle m’a valu un courrier abondant, les propositions d’amendement émanant des Ordres, des syndicats, d’organisations diverses ainsi que des associations de défense des consommateurs.
Je me suis efforcé de limiter les propositions. En effet, l’élément réellement important, monsieur le ministre, c’est le rapport que le comité d’évaluation déposera au mois de juillet prochain et qui dressera un bilan des grandes questions que sont l’organisation hospitalière, la coopération entre les établissements et l’organisation des réseaux de soins à l’intérieur de nos régions. Mais, en guise de hors-d’œuvre, si je puis dire, la présente proposition de loi permet de gommer quelques aspérités. Aussi, j’espère, mes chers collègues, que vous voterez en sa faveur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Roselle Cros applaudit également.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous avez à cœur, cher Jean-Pierre Fourcade, de ne pas limiter aux travaux, pourtant absorbants, du comité de suivi de la réforme des établissements de santé que vous présidez, l’intérêt attentif que vous portez, comme nous tous, à la mise en œuvre de la loi HPST, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
La proposition de loi dont vous êtes l’auteur, et que nous examinons aujourd’hui, traite en effet principalement de deux autres priorités de la loi du 21 juillet 2009 : le regain de la médecine de proximité et la place à accorder au secteur médico-social.
Dans l’attente des nouvelles propositions que vous ferez à l’issue des travaux du comité de suivi, la commission des affaires sociales a été sensible à votre souci de préserver l’équilibre voulu par la loi HPST entre les différentes composantes de notre système de santé.
Vous avez exprimé, mon cher collègue, les regrets que vous inspirent certaines positions prises par la commission. Notre débat d’aujourd’hui permettra, j’en suis sûr, de les dissiper. Mais permettez-moi, à mon tour, de vous dire que la commission et son rapporteur éprouvent aussi quelques regrets à propos des conditions d’examen, dans des délais soudainement raccourcis, d’un texte dont les dispositions les plus importantes sont aussi celles dont nous avons été saisis le plus tardivement.
Avec ces derniers compléments, les dispositions portant sur l’organisation des soins ambulatoires et la médecine de proximité constituent clairement le cœur de la proposition de loi, et c’est donc ce sujet que j’aborderai en premier lieu.
Je n’insisterai pas sur les articles qui figuraient déjà dans le texte initial, tendant à supprimer des mesures peu applicables et mal ressenties par la profession médicale.
Ainsi, l’article 3 de la proposition de loi revenait sur la sanction financière encourue par les médecins qui auraient refusé de s’engager dans un contrat « santé solidarité » ou n’en auraient pas respecté les termes. La commission l’a adopté sans modification. Le contrat lui-même demeure ; il prendra la forme d’un contrat type conclu entre l’UNCAM, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, et au moins une organisation représentative des médecins. Cette solution ne présente que des avantages et pourrait faire de ce contrat un utile outil d’incitation.
Nous avons également adopté conforme l’article 4, qui supprimait l’obligation faite aux médecins de déclarer au conseil départemental de l’Ordre leurs absences programmées.
Nous avons volontiers rétabli les contrats de bonne pratique et les contrats de santé publique, un peu rapidement supprimés par l’ordonnance du 23 février 2010 dite « de coordination ». Ce sont, en effet, des instruments qui ont fait leurs preuves et dont la logique est complémentaire de celle des nouveaux contrats ayant pour objet d’améliorer la qualité et la coordination des soins mis en place par la loi HPST.
Enfin, nous nous félicitons, monsieur le ministre, d’avoir adopté un amendement du Gouvernement, devenu l’article 3 bis du texte de la commission, qui permettra d’harmoniser les conditions de rémunération des médecins libéraux participant à la permanence des soins dans les établissements de santé publics ou privés, tout au moins pour ce qui concerne l’indemnisation forfaitaire de la garde ou de l’astreinte.
Mais j’en viens à présent aux principales mesures relatives à la médecine de ville, qui, toutes, gravitent autour de la question très actuelle de l’exercice pluridisciplinaire de la médecine de proximité.
La SIA, ou société interprofessionnelle ambulatoire, que nous avons renommée SISA, société interprofessionnelle de soins ambulatoires – bien nous en a pris, car nous aurions sinon, comme nous l’a fait remarquer notre collègue Catherine Procaccia, emprunté son sigle au Salon international de l’agriculture ! (Sourires.) – a d’abord été conçue, si nous avons bien compris, pour résoudre le problème du versement et de la répartition des NMR, les nouveaux modes de rémunération, expérimentés, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Cette nouvelle forme de société offre un cadre juridique minimaliste et néanmoins complexe dans la mesure où il emprunte à la fois à la société civile de moyens, la SCM, et, pour les seules activités exercées en commun, qui seront dans un premier temps limitées, à la société civile professionnelle, la SCP. Elle semble traduire une certaine réticence à l’exercice sociétal, à laquelle il faudra être attentif, car il paraît difficile que l’exercice groupé puisse s’accommoder d’une organisation complètement informelle.
Espérons, en tout cas, que l’affectio societatis ne se limitera pas, dans les SISA, à la nécessité de disposer d’un outil de gestion des NMR.
Quoi qu’il en soit, la commission ne pouvait guère, en une semaine, aller très au-delà de simples aménagements du texte proposé.
Elle a ainsi souhaité réserver aux personnes physiques la possibilité de constituer une SISA, la participation de personnes morales étant susceptible de créer des difficultés tant juridiques que pratiques.
Elle a supprimé le caractère optionnel de la double nature de SCM et de SCP de la société, qui n’aurait pas été source de clarté, ainsi que des dispositions superfétatoires ou dont la singularité ne se justifiait pas, telle la procédure d’enregistrement à l’ARS des statuts des SISA et de leurs avenants.
Enfin, elle a jugé utile de ne pas fermer aux héritiers ou ayants droit d’un associé décédé la possibilité de devenir associés d’une SISA s’ils remplissent les conditions requises.
Mais nous nous sommes aussi beaucoup interrogés sur l’absence de relations entre ces nouvelles sociétés et les ordres professionnels, qui nous paraît inusitée et regrettable. Les ordres professionnels n’étaient en effet même pas mentionnés dans le texte initial. On nous a dit qu’il n’était pas possible, pour des raisons pratiques, d’inscrire les SISA aux tableaux de tous les ordres dont relèveraient leurs associés. Nous le regrettons et souhaitons que soient recherchés les moyens d’y remédier. En tout cas, nous avons voulu garantir dès à présent l’information des ordres sur l’existence et les statuts des SISA.
Pour l’instant, la SISA apparaît encore, il faut l’admettre, comme un outil juridique sans doute perfectible et certainement appelé à évoluer.
L’expérimentation de nouveaux modes de rémunération des personnels de santé, qui doit se poursuivre jusqu’à la fin de l’année 2012, se doublera donc de celle d’une nouvelle forme de société professionnelle, laquelle justifiera sans doute, elle aussi, une évaluation.
Permettez-moi en cet instant, monsieur le président, d’ouvrir une parenthèse pour faire part à M. le ministre de notre souhait d’être informés du déroulement de ces expérimentations et des modalités envisagées pour leur évaluation. Elles devaient faire l’objet d’un rapport annuel au Parlement. Certes, elles n’ont débuté qu’au début de l’année 2010, mais un rapport devait être élaboré à la fin de l’année dernière, et je regrette qu’il ne nous ait pas été communiqué.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Alain Milon, rapporteur. Mais je ferme la parenthèse.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit une nouvelle rédaction de la définition des maisons de santé, qui sera la troisième depuis leur création en 2008. Cette partie de l’article n’appelle pas de longs commentaires, d’autant qu’un nouvel amendement du Gouvernement remet en cause à la fois le texte de la commission et celui de la proposition de loi initiale. Mais je voudrais, en revanche, insister sur le problème du partage des informations sur la santé des patients, que pose aussi cet article.
J’ai été un peu surpris – et je n’ai pas été le seul ! – par l’idée selon laquelle l’exercice coordonné au sein d’une structure supposerait un élargissement de la communication des données personnelles et de santé des patients.
La commission n’a pas non plus compris pourquoi le partage des informations sur la santé des patients devrait obéir à des règles différentes selon que les soins de ville sont assurés par des praticiens et des auxiliaires médicaux exerçant individuellement ou par des professionnels regroupés dans une maison de santé.
Nous n’avons pas accepté, en tout cas, de considérer que le consentement au partage des informations médicales pouvait se présumer. À cet égard, je rappelle dans cet hémicycle, comme je l’ai fait en commission, ce que m’avait appris l’un de mes professeurs de médecine : « le secret médical appartient au malade ». J’ajoute que le droit au respect de la vie privée est constitutionnellement protégé.
C’est dans le même esprit que nous avons supprimé l’article 12, qui prévoyait, avec un peu de légèreté, que l’on se passe, jusqu’à l’entrée en vigueur de la proposition de loi dont nous commençons l’examen aujourd’hui, du consentement des patients à l’hébergement des données de santé collectées dans les établissements de soins, ce qui, je viens de le rappeler, serait contraire à une exigence de nature constitutionnelle.
Au moment où l’on espère enfin le démarrage du dossier médical personnel, et pour encourager l’adhésion à un outil qui sera très utile, il nous paraît important de préserver et de renforcer la relation de confiance entre patient et médecin, de ne pas troubler ce « colloque singulier » sans lequel, d’ailleurs, il n’est pas de bonne médecine.
J’en viens à présent au volet social et médico-social de la proposition de loi, qui rassemble, dans les trois derniers articles du texte, des mesures simples et de bon sens. Notre commission les a donc accueillies très favorablement.
L’article 14, tout d’abord, permettra de sécuriser le statut juridique des groupements de coopération sociale ou médico-sociale, les GCSMS, en supprimant une ambiguïté résultant des modifications apportées par la loi HPST et par l’ordonnance de coordination de février 2010, sur la transposition ou non, au secteur social et médico-social, de la distinction entre GCS de « moyens » et GCS « établissements ».
Afin de lever toute incertitude, cet article énonce clairement que le GCSMS n’a pas la qualité d’établissement social ou médico-social. En effet, il n’a pas vocation à devenir un établissement social ou médico-social titulaire d’une autorisation.
Notre commission avait émis de profondes réserves sur la pertinence des GCS « établissements » lors de l’examen de la loi HPST ; nous approuvons donc pleinement cette utile clarification.
L’article 15, ensuite, réécrit la section IV du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, relative au financement des actions de modernisation des établissements et services pour personnes âgées et personnes handicapées, et des actions de formation et de professionnalisation des personnels intervenant auprès de ces publics.
Il supprime la division en deux sous-sections – l’une consacrée aux personnes âgées, l’autre aux personnes handicapées – afin de mutualiser les financements attribués aux mêmes types d’actions. Il donne aussi à la CNSA la possibilité de déléguer, dans certains cas, aux ARS la gestion des crédits correspondants.
Il apporte donc des mesures de rationalisation et de simplification administrative très positives, et qui ont été d’ailleurs élaborées en accord avec la CNSA.
L’article 16, enfin, tend à clarifier la procédure applicable aux transformations d’établissements sociaux ou médico-sociaux. Une lecture combinée des dispositions législatives et réglementaires laisse en effet supposer que certaines transformations – celles qui ne modifient pas la catégorie de bénéficiaires de l’établissement ou du service – peuvent être mises en œuvre sans autorisation préalable. Une telle interprétation ne peut évidemment pas être soutenue, compte tenu des enjeux associés à la nouvelle procédure d’autorisation à laquelle sont attachées de nombreuses protections des personnes accueillies.
Les projets de transformation sans changement de la catégorie de bénéficiaires ne seront donc pas exemptés de la procédure d’autorisation. En revanche, dans un souci d’allégement des démarches administratives, ces projets seront dispensés de l’appel à projet. Cette solution nous a paru équilibrée.
Le temps nous étant compté, monsieur le président, je ne passerai pas en revue les mesures plus ponctuelles, et de nature diverse, que comporte la proposition de loi. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
Je voudrais tout de même dire un mot de l’article 9 qui concerne les fondations hospitalières et qui tient particulièrement à cœur à Jean-Pierre Fourcade.
La loi HPST a créé cette nouvelle catégorie de fondations, en s’inspirant des fondations universitaires, pour développer la recherche médicale et promouvoir le transfert de crédits privés vers la recherche publique au sein des établissements publics de santé.
Un décret en Conseil d’État devait fixer les règles générales de fonctionnement de ces fondations hospitalières. Mais le projet de décret soumis au Conseil d’État n’a pas recueilli son assentiment. En effet, il a relevé, à juste titre, que la loi HPST ne permet pas aux fondations hospitalières de s’affranchir de la quasi-totalité des règles applicables aux fondations reconnues d’utilité publique.
L’article 9 tend donc à leur permettre d’y déroger. Il prévoit, par exemple, que les fondateurs disposeront de la majorité au conseil d’administration de la fondation et que les directeurs généraux des ARS auront le pouvoir de contrôler les fonds affectés aux fondations par les établissements publics de santé – et seulement ceux-ci.
Cette nouvelle rédaction ne nous a pas paru satisfaisante. Elle n’apporte en effet, selon nous, aucune garantie ni en matière de prévention des risques ou de conflits d’intérêts, ni sur le plan du contrôle de l’utilisation des fonds publics hospitaliers.
C’est pourquoi la commission a supprimé cet article. Nous avons considéré qu’il n’y avait pas de réelle urgence et qu’il était plus sage d’approfondir la réflexion sur ce point, d’autant que nous pouvons parfaitement nous en tenir au texte actuel de la loi HPST et que d’autres dispositifs juridiques peuvent être utilisés, comme les fondations de coopération scientifique.
J’ajoute d’ailleurs que, pour bénéficier de financements accordés dans le cadre du grand emprunt, le statut requis est celui des fondations de coopération scientifique.
Je mentionnerai également deux articles qui ont été ajoutés par notre commission au texte initial de la proposition de loi.
Le premier, l’article 14 A, prévoit la suppression des groupements de coopération sanitaires « établissements », sur lesquels nous avions exprimé d’assez vives réserves lors de l’examen de la loi HPST et qui ne sont toujours pas convaincants.
Le second, l’article 9 bis, tend à faire avancer l’idée d’une publication des liens d’intérêts entre médecins et laboratoires, sur le modèle des Sunshine Acts américains.
Ce texte, très technique, nous offrait l’opportunité d’améliorer la loi HPST. Nous ne pouvions que la saisir. C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales demande au Sénat d’adopter la proposition de loi dans le texte de la commission, complété par les amendements auxquels elle a donné un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi HPST a profondément modernisé notre système de santé. Elle vise à mettre en place une offre de soins graduée, de qualité, accessible à tous, pour répondre à l’ensemble des besoins de santé de nos concitoyens. Vous le savez, cette loi a été élaborée à l’issue d’un long processus de concertation et d’échanges, les débats issus notamment de la commission Larcher, les échanges des états généraux de l’organisation des soins et les conclusions des rapports Ritter et Flajolet.
Ne nous voilons pas la face : certaines difficultés sont néanmoins apparues dans l’application de la loi et le Gouvernement s’était engagé à apporter les améliorations nécessaires. Cette proposition de loi résulte, en quelque sorte, d’une évaluation plus rapide mais nécessaire à laquelle vous avez décidé de procéder, monsieur Fourcade, et le Gouvernement vous soutient pleinement dans cette démarche.
En effet, elle corrige certaines dispositions qui se sont révélées d’application difficile et introduit des dispositions nouvelles qui sont apparues nécessaires. Le texte porte notamment des mesures issues de la concertation sur la médecine de proximité que nous avons menée, Nora Berra et moi-même, le 6 janvier dernier avec les syndicats de médecins libéraux et les étudiants et internes en médecine générale – vous étiez d’ailleurs présent, monsieur le sénateur.
Comme l’a montré le rapport Hubert remis au Président de la République, les médecins libéraux ont besoin de mesures concrètes, notamment afin de libérer du temps médical et de pouvoir mener à bien leur mission première : soigner.