Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
Mme Anne-Marie Payet,
M. Daniel Raoul.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Dépôt du rapport annuel du Médiateur de la République
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, le rapport annuel établi pour 2010.
Ce rapport, qui a été présenté aux membres de la commission des lois lors d’une audition tenue le 30 mars 2011, est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
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Urbanisme commercial
Suite de la discussion d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’urbanisme commercial (proposition n° 558 [2009-2010], texte de la commission n° 181, rapport n° 180).
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’association des termes « urbanisme » et « commercial » depuis presque un demi-siècle a catalysé les problèmes et souvent les conflits. Ces derniers découlent tant de l’extension des territoires urbains que des profondes mutations du commerce et de ses différentes formes de distribution, mutations qui sont toujours en cours et qui s’accélèrent même avec Internet et le e-commerce.
Pas d’hypocrisie ! Les enjeux financiers sont considérables et expliquent largement la situation actuelle déplorable. La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite LME, en a été l’illustration malgré les quelques effets qu’elle a pu avoir sur les prix. Monsieur le secrétaire d’État, la bonne méthode sera aussi de recourir – il me semble d’ailleurs que vous y pensez – à des dispositifs fiscaux, en particulier avec la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM.
Durant ces décennies, nous avons constaté que notre législation, loin d’anticiper ces mouvements, a le plus souvent répondu avec retard, généralement en fonction des pesanteurs sociologiques et de la variation du poids à l’égard des pouvoirs publics tant des corporatismes que des grands groupes de distribution. Dans cette équation, les intérêts des producteurs et des consommateurs ont souvent été malmenés.
L’agitation développée au début des années soixante-dix, notamment par le CIDUNATI, la Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale des travailleurs indépendants, et son leader Gérard Nicoud, n’a pas été étrangère à la loi Royer du 27 décembre 1973, dont le but affiché était de protéger le petit commerce en limitant la croissance des grandes surfaces, en instituant une procédure d’autorisation préalable auprès des commissions spécialisées locales puis nationales en complément du permis de construire. Le remède a-t-il été pis que le mal ? On peut le penser.
Il est inutile de revenir sur les affaires qui éclaboussèrent nombre de partis politiques : le corporatisme a toujours été nocif ; j’ai d’ailleurs beaucoup de sympathie pour la loi Le Chapelier du 14 juin 1791.
La gestion directe des permis de construire par les élus locaux sous contrôle du juge administratif était certainement moins sulfureuse.
Quant à en arriver à intégrer dans ces commissions, directement ou indirectement, souvent par le canal des chambres consulaires, les concurrents des demandeurs d’autorisation, quelle singulière idée ! Le lobbying a trouvé là un secteur d’activité remarquable !
Le résultat, après plusieurs décennies, justifie une profonde remise en cause : les centres-villes ont souvent beaucoup souffert et les nouvelles zones d’activité ont fréquemment été réalisées sans cohérence urbanistique ni vision d’aménagement du territoire.
Des territoires, en particulier dans les agglomérations moyennes, sont confrontés à des grandes surfaces en situation de monopole qui utilisent les procédures de recours contre les décisions tant des CDAC, ou commissions départementales d’aménagement commercial, anciennement dénommées CDEC, ou commissions départementales d’équipement commercial, que de la commission nationale pour bloquer en réalité toute concurrence pendant de longues années, au détriment de l’intérêt du consommateur et, souvent, des politiques d’aménagement du territoire définies par les collectivités locales.
Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, un seul groupe national représente à lui seul, du fait d’une politique de recours systématique, pratiquement 30 % de l’ensemble des recours ; je ne citerai pas son nom, vous le connaissez comme moi.
Nous sommes face à des problématiques diverses, en partie contradictoires, qu’il faut faire évoluer si possible de manière complémentaire avec pour fil rouge l’aménagement du territoire.
Tout d’abord, il convient de fixer des règles compatibles avec la jurisprudence et les directives européennes sur la liberté d’établissement et la libre concurrence, et donc l’abandon des critères économiques. Il convient aussi, par le refus des situations de monopole, de défendre le consommateur s’agissant tant des prix que de la qualité.
Par ailleurs, l’urbanisme commercial doit permettre un développement équilibré intégrant à la fois la revitalisation du centre-ville et la reconversion progressive de certaines zones d’activité périphériques, les nouvelles zones périphériques devant être intégrées dans une perspective d’aménagement des territoires et de développement durable au cœur des extensions urbaines en devenir.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu hier vos propos sur Châlons-en-Champagne et Reims. Nous sommes nombreux, dans les agglomérations moyennes, à avoir le même problème.
Les objectifs que je viens de rappeler sont, il faut le reconnaître, en partie divergents ; aussi faut-il essayer de parvenir à un équilibre raisonnable. Il ne suffit pas de dire que la grande distribution – et demain le commerce sur Internet –fragilise le centre-ville. Ce qui manque à nos centres-villes, c’est du foncier utilisable ainsi que la capacité juridique et financière à regrouper des mètres carrés de surface commerciale et à faciliter l’intermodalité des transports.
Les collectivités savent depuis longtemps utiliser les OPAH, ou opérations programmées d’amélioration de d’habitat ; elles manquent aujourd’hui incontestablement d’un dispositif juridique fort et des outils d’accompagnement financier pour le foncier commercial, malgré le progrès découlant du droit de préemption sur les fonds de commerce. Faciliter davantage les procédures d’expropriation en centre-ville nous paraît indispensable. À situation de crise, nouveaux outils d’intervention publics !
Par rapport à de tels objectifs, la proposition de loi pose correctement, à notre avis, un certain nombre de problématiques, même si nous ne partageons pas toutes les préconisations techniques de ses auteurs.
Le premier point positif tient à l’évolution vers une autorisation administrative unique – le permis de construire – qui permettra une simplification et une accélération de la procédure d’autorisation ; pour nous, c’est fondamental.
Le fait de mettre au cœur des dispositifs le SCOT, le schéma de cohérence territoriale, incluant un document d’aménagement commercial, recueille également notre plein assentiment. Nous approuvons en outre la possibilité pour l’intercommunalité, en l’absence de SCOT et de plan local d’urbanisme intercommunal, d’élaborer un document d’aménagement commercial ou DAC s’imposant au plan local d’urbanisme des communes : l’intercommunalité est évidemment l’échelon pertinent de l’aménagement du territoire.
De la même manière, nous soutenons la création de commissions régionales d’aménagement commercial, ou CRAC, pendant la période transitoire avec une majorité d’élus. Nous souhaitons toutefois que les recours contre leurs décisions relèvent du Conseil d’État, afin d’éviter des années de procédure dilatoire.
Il est pour nous important de redonner aux élus locaux, avec les garanties du contrôle de légalité et du tribunal administratif, le pouvoir d’aménager le territoire de leurs collectivités et d’en contrôler le développement ; ils sont élus pour cela ! Restera au préfet le devoir de veiller à ce que les SCOT des intercommunalités aient une certaine cohérence.
Nous avons compris l’objectif du rapporteur dans sa rédaction du IV de l’article 1er – c’est l’alinéa 11 – relatif à l’identification possible, et donc non obligatoire, dans le DAC de la destination des équipements commerciaux, mais nous sommes réservés sur la mise en application de cette disposition, même avec la possibilité d’évolution du DAC : se posent en effet les problèmes de revente et d’harmonisation avec le statut des baux commerciaux. Nous préférerions la rédaction de notre amendement de repli n° 94 rectifié bis, qui vise à permettre au DAC d’ « exclure certaines activités commerciales dans des zones ou secteurs délimités ».
En conclusion, nous pourrions approuver l’esprit général du texte. Nous considérons cependant qu’il faut aller plus loin pour élaborer des outils permettant à nos collectivités de lutter contre les monopoles sur les territoires, pour éviter aux agglomérations moyennes de voir leur zone de chalandise siphonnée par les métropoles et, surtout, pour créer de nouveaux instruments juridiques et financiers permettant la réelle restructuration de nos centres-villes. (Applaudissements au banc des commissions. –MM. Martial Bourquin et Gérard Cornu applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen de ce texte est l’occasion pour nous d’évoquer à nouveau la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite LME. Une fois encore, j’affirmerai que c’est une grande loi qui a eu toute sa place dans nos débats.
Et si l’on doit reconnaître la difficulté d’application de certaines dispositions de la LME, notamment celles qui sont relatives à l’urbanisme commercial, le Sénat peut se féliciter de son apport à ce texte, en particulier concernant les seuils d’autorisation d’installation des commerces. Nos débats avaient cependant eu lieu en attendant le projet de loi qui avait été promis dans un délai de six mois... Le délai d’attente réel montre combien il est difficile de traduire dans une loi le principe suivant : c’est l’urbanisme qui doit définir la place du commerce, et non le commerce qui doit dicter sa loi à l’urbanisme.
Avec le texte qui nous est proposé, nous pouvons travailler à la fois sur les centres-villes, dont nous voulons qu’ils restent les cœurs du commerce, et sur les entrées de villes, qui sont devenues des zones disgracieuses où l’expression esthétique est pour le moins désolante.
Notre collègue Ambroise Dupont fut le premier à s’être véritablement penché sur ce problème en 1994, en remettant, à la demande des ministres de l’environnement et de l’équipement, des transports et du tourisme, un rapport très intéressant mais déjà alarmant dans lequel il constatait que les entrées de ville étaient transformées en véritables couloirs de chalandise en concurrence directe avec le centre-ville.
Il dénonçait un laisser-faire dominant, des surfaces commerciales et des bâtiments industriels sans aucune prescription urbanistique ou architecturale, des zones faussement créatrices d’emplois, une dévitalisation des centres-villes, un excès d’affichage publicitaire et une dégradation des paysages.
Il est donc temps de rebâtir, sur de nouvelles bases, notre politique de régulation des implantations commerciales ; nous en avons tous pris conscience.
Comme rapporteur du groupe de travail constitué par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et ayant été chargée de faire le point dix-huit mois après l’application de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, j’avais fait un premier bilan, que j’avais voulu réaliste et objectif, de l’application de la réforme de l’urbanisme commercial, qui nous intéresse aujourd’hui.
Ma première observation portait sur le rôle des CDAC, les commissions départementales d’aménagement commercial, dont les missions ne me paraissaient pas claires, et sur les critères de décision, qui, de même, ne me paraissaient pas suffisamment définis, ce qui pouvait laisser perdurer un certain laxisme.
J’avais donc fait part de mes interrogations.
En outre, avant la publication du décret sur les nouvelles dispositions que nous avions adoptées, une période transitoire avait été aménagée avec des règles applicables aux extensions de magasins et d’ensembles commerciaux, mais l’interprétation plus que contestable de ces règles a occasionné une période de flottement dont les opérateurs ont abondamment profité, au mépris de l’objectif de la LME.
Ma deuxième observation portait sur l’absence d’outil statistique permettant d’évaluer l’impact de la libéralisation des implantations commerciales. On ne sait pas comment évolue la carte commerciale, ce qui donne lieu à des rumeurs alarmistes quant à une multiplication des installations d’équipements dont il est impossible de vérifier la réalité.
Enfin – et c’était ma troisième observation –, l’intégration de l’urbanisme commercial à l’urbanisme restait inachevée, puisque la réforme de l’urbanisme commercial par la LME était, je le rappelle, transitoire.
J’avais formulé, en conséquence, deux recommandations : d’une part, mettre en place un outil d’observation des équipements commerciaux permettant d’établir un bilan objectif de la LME ; d’autre part, élaborer un texte sur l’urbanisme commercial, c’est-à-dire non pas un texte sur le commerce, mais bien un texte sur l’urbanisme.
À ce sujet, je me référais aux éléments extrêmement intéressants contenus dans les travaux de notre regretté collègue député Jean-Paul Charié ou dans la contribution du Club des SCOT, dont j’avais retenu trois suggestions très simples : préciser et renforcer le pouvoir d’encadrement de l’activité commerciale par le SCOT, le schéma de cohérence territorial, et le PLU, le plan local d’urbanisme ; donner aux élus locaux la capacité de contrôler les changements d’activité commerciale ; faire du permis de construire le seul instrument d’autorisation de construction de nouveaux commerces.
Les permis de construire seraient délivrés, bien sûr, après contrôle de leur conformité aux règles d’urbanisme des PLU, eux-mêmes conformes aux SCOT, lesquels intègrent les DAC, les documents d’aménagement commercial.
Je me réjouis donc de l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux de la proposition de loi de MM. Michel Piron et Patrick Ollier sur l’urbanisme commercial puisque ce texte tend à répondre aux différentes observations que j’avais formulées au nom du groupe de travail.
Ainsi, la proposition de loi, dans sa logique d’intégration de l’urbanisme commercial au reste de l’urbanisme, prévoit la disparition des CDAC. À l’avenir, les implantations commerciales seront autorisées par une décision de conformité du permis de construire avec le DAC.
Les nouvelles dispositions prévoient que le DAC sera le document maître en matière d’urbanisme commercial. C’est clairement dire que, désormais, le code de l’urbanisme prendra le pas sur le code de commerce.
Le SCOT pourra déterminer des zones de centre-ville où seul le PLU réglementera l’urbanisme commercial.
En dehors des centres-villes, le texte prévoit que le SCOT délimitera des zones où les implantations commerciales de plus de 1 000 mètres carrés devront faire l’objet d’une autorisation.
Plus précisément, ce sera le document d’aménagement commercial des SCOT qui déterminera les localisations préférentielles des commerces, en répondant aux exigences d’aménagement du territoire en matière de revitalisation des centres-villes, de diversité commerciale, de maintien du commerce de proximité, de desserte en transports.
À ce sujet, j’avais déposé, comme l’avaient d’ailleurs aussi fait nombre de nos collègues appartenant à différents groupes, un amendement à l’article 1er pour bien préciser que le DAC localise et non pas délimite dans les SCOT les zones d’implantations commerciales, le soin de délimiter celles-ci étant ainsi laissé au PLU, puisque le SCOT, en raison de sa nature stratégique et de son horizon à vingt ans, n’est pas l’outil adapté pour effectuer des délimitations.
Cette demande a été intégrée, et je tiens à exprimer ici ma satisfaction à notre excellent et déterminé rapporteur, Dominique Braye. Sur son initiative, la commission de l’économie a ainsi complété et amélioré, de manière tout à fait opportune, le texte de la proposition de loi.
Mes collègues du groupe de l’UMP et moi-même voterons donc cette proposition de loi complétée par la commission, texte qui, d’une part, tend à intégrer l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme pour que soit enfin prise en compte la notion d’aménagement du territoire et, d’autre part, vise à moraliser les règles d’installations ou d’extensions des surfaces commerciales face au développement désordonné des grandes surfaces depuis de trop nombreuses années ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.–Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après plusieurs reports, nous sommes amenés à examiner la proposition de loi visant à réformer l’urbanisme commercial.
Je souhaite, en préambule à cette intervention, dire notre adhésion à l’effort porté par cette proposition de loi pour intégrer l’urbanisme commercial dans l’urbanisme de droit commun en organisant la disparition à terme du phénomène de double autorisation pour les implantations de surface commerciale.
Il s’agit d’une orientation que nous pouvons partager, car elle permet notamment de renforcer la cohérence entre développement des territoires et intervention des élus locaux.
Nous constatons avec satisfaction que nous sommes maintenant nombreux, au sein de notre assemblée, à reconnaître l’échec de la LME : à l’époque de la discussion de cette dernière, les sénateurs de mon groupe n’avaient eu de cesse de dénoncer les dangers et les écueils du projet de loi.
En matière d’urbanisme commercial, la LME a ainsi relevé de 300 à 1 000 mètres carrés le seuil au-delà duquel une autorisation spécifique est obligatoire pour tout agrandissement ou création de surface commerciale.
Le Gouvernement posait comme postulat que, grâce à la limitation des contraintes administratives, nous assisterions à une multiplication du nombre de centres commerciaux qui stimulerait par-là même la concurrence, ce qui ne manquerait pas de renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs.
Deux ans plus tard, force est de constater que le pouvoir d’achat de nos concitoyens est en berne et que les conséquences de la LME en matière d’urbanisme ont été désastreuses !
La LME a ainsi accéléré la désaffection des centres-villes et, à l’inverse, favorisé la création de 4 millions de mètres carrés en zone périphérique.
Nous regrettons que le présent texte ne prévoie pas un rabaissement des seuils de saisine, rabaissement que nous proposerons donc par voie d’amendement.
Par ailleurs, la LME a eu des effets absolument contestables du fait de la suppression des critères de « test économique » au sein des CDAC, et donc de la possibilité d’apprécier l’opportunité des constructions.
Cette suppression s’est faite au nom des traités européens et de la liberté d’installation ; nous trouvons là un nouvel exemple de l’absurdité du dogme de la concurrence libre et non faussée comme seul outil de régulation et d’aménagement des territoires.
Il me semble que les collectivités, si elles investissent en faveur des aménagements commerciaux, le font pour que les citoyens consommateurs trouvent une offre diversifiée de services au sein de ces zones, et que l’argent qu’elles investissent devrait donc leur donner un droit de regard sur le développement de celles-ci.
Ainsi, la notion de régulation par une étude de marché était importante et permettait notamment d’empêcher des installations projetées en dépit du bon sens. Nous déplorons le maintien, dans la présente proposition de loi, de la suppression de cette notion, même si nous reconnaissons l’effort fait par M. le rapporteur pour contourner la difficulté, notamment en intégrant la notion de typologie des commerces.
Il nous semble cependant que ce constat relatif à l’aberration des règles économiques européennes devrait nous amener à nous interroger à nouveau sur la pertinence du socle libéral qui est aujourd’hui le leur. Il est dommage qu’il n’en soit pas question aujourd’hui.
Nous déplorons également que le Gouvernement revienne par voie d’amendement sur les améliorations apportées par M. le rapporteur à ce texte.
Plus largement, nous avons quelques doutes sur la visée du présent texte et sur sa capacité à répondre aux défis posés, notamment en termes de régulation des implantations commerciales et de revitalisation des centres-villes.
Le développement croissant de zones commerciales en périphérie recouvre nombre de problèmes qui ne sont pas traités ici, comme celui du prix du foncier, celui de la vente par les agriculteurs de terres agricoles, ou encore celui de l’accessibilité et donc du développement des transports collectifs, qui présuppose que les collectivités aient les moyens d’investir en ce sens.
On le voit, la question est complexe et il n’est pas certain que cette proposition de loi sera un outil efficace.
Ce texte a pour clef de voûte le rôle prépondérant donné aux SCOT et au document d’aménagement commercial dont l’autorité est renforcée par rapport aux documents inférieurs.
Premièrement, remarquons que SCOT et DAC existent déjà. Il ne s’agit donc pas là d’une innovation majeure.
L’article 1er reprend ainsi pour partie, notamment pour ce qui est des critères à retenir pour l’élaboration du DAC, l’article L. 122-1-9 du code de l’urbanisme tel qu’il a été adopté dans le cadre de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ».
La seule nouveauté réside dans l’ajout au sein du DAC de règles de localisations particulières basées sur la typologie des commerces. Nous restons pourtant dubitatifs, et, comme le faisait le rapporteur, nous nous interrogeons : ce seul ajout permettra-t-il d’éviter que le remède proposé dans le présent texte ne soit pis que le mal ?
Par ailleurs, nous éprouvons en partie les réticences de la Fédération nationale des SCOT à l’égard de la faculté donnée aux structures porteuses de SCOT de programmer dans leur document une sorte de PLU supracommunal concernant les implantations commerciales : comme la fédération, nous estimons qu’il s’agit d’une perversion du rôle et des missions de ces structures de coopération intercommunale.
Ainsi, il est préconisé que les SCOT délimitent les secteurs où pourront s’implanter des installations commerciales de plus de 1 000 mètres carrés. Nous pensons pour notre part qu’une telle définition parcellaire relève non pas du SCOT mais toujours d’un PLU, qu’il soit communal ou intercommunal, conformément aux règles de compétences relatives aux droits des sols.
Rappelons une nouvelle fois que les investissements réalisés pour la création de telles surfaces sont financés par les communes et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale.
N’oublions pas l’essentiel : le SCOT est un outil de cohérence territoriale et non un outil prescriptif. Ainsi, les documents le composant sont fondamentalement des outils prospectifs de planification, fixant notamment les politiques en matière de transport, d’habitat, d’économie, d’environnement et de commerce par des objectifs et des orientations. Le rôle du SCOT est donc bien d’indiquer une direction et non de formuler des prescriptions très localisées s’imposant aux communes.
À cela s’ajoute la difficulté d’élaborer un tel document, notamment au sein des SCOT qui recouvrent plus de soixante-dix communes.
En effet, donner une telle compétence au SCOT dénature la règle de compatibilité qui prévalait jusqu’alors pour indiquer les relations entre celui-ci et les documents d’urbanisme de rang inférieur. Au regard de la précision qui sera celle du DAC, les PLU devront être non plus simplement compatibles mais bien conformes aux délimitations opérées au sein du DAC.
À ce titre, le mécanisme d’opposabilité directe préconisé dans la proposition de loi entre le permis de construire et le DAC illustre parfaitement ce détournement du principe de compatibilité vers un strict principe de conformité.
Pourtant, s’il appartient ensuite aux documents inférieurs de ne pas remettre en cause les objectifs définis par les SCOT et de concourir à la mise en œuvre de ces derniers en déclinant localement leur orientation, l’adoption d’une telle mesure nous semble trop contraignante. Pour cette raison, nous proposerons de remplacer le terme « délimitation » par celui de « localisation », qui correspond mieux au rôle des SCOT.
Ainsi, pour respecter cette hiérarchie au sein des documents locaux d’urbanisme, nous estimons que la présence d’un DAC au sein d’un SCOT n’empêche pas les établissements publics de coopération intercommunale d’avoir leurs propres documents d’aménagement commercial, plus précis.
Il appartient pour finir aux PLU communaux ou intercommunaux de réaliser cet exercice de localisation précise des parcelles.
Sur le fond, la volonté de renforcer la portée prescriptive des documents d’urbanisme intercommunaux, et donc d’encadrer plus strictement les documents communaux, coïncide parfaitement avec la démarche actuelle qui tend à faire du PLU intercommunal le PLU de droit commun, cela avec le succès que l’on connaît. Notre rapporteur ne renonce jamais… (Sourires.)
Nous ressentons en outre la volonté, conforme à l’esprit de la réforme des collectivités territoriales, de faire des établissements intercommunaux non des outils de coopération mais des instruments de pression pour que s’exercent en leur sein des rapports de force fondamentalement défavorables aux communes.
Pour notre part, nous voulons réaffirmer notre attachement au principe de libre administration des collectivités territoriales, ainsi qu’à la commune, collectivité de proximité par excellence.
À ce titre, si nous appelons à une meilleure cohérence territoriale, reconnaissant que la décentralisation de la compétence de l’urbanisme a abouti parfois à des catastrophes dans les villes, nous estimons que limiter la capacité du SCOT à la formulation d’orientations dans les zones périphériques et laisser les centres-villes à la seule responsabilité des maires n’est pas de nature à favoriser cette cohérence.
Concernant les commissions départementales et la commission nationale d’aménagement commercial, nous n’adhérons pas à votre volonté, chers collègues de la majorité, de les supprimer en les remplaçant par des instances régionales.
Nous nous y opposons pour plusieurs raisons.
Premièrement, en termes d’aménagement commercial, nous estimons que le périmètre des départements est le plus pertinent. En effet, les projets d’implantations commerciales sont rarement d’envergure régionale.
Deuxièmement, nous estimons qu’il s’agit là d’une nouvelle façon d’exprimer votre volonté de supprimer à tout prix les échelons de proximité – départements et communes – au profit des EPCI et des régions. Tout cela s’inscrit très précisément dans l’idée d’une régionalisation européenne, que nous contestons, parce que de telles réformes aboutissent à éloigner les lieux de décision des citoyens.
Par ailleurs, le rôle de la CRAC est pensé ici de manière extrêmement limitative, puisque celle-ci ne sera amenée à se prononcer qu’en l’absence de documents locaux d’urbanisme comprenant un DAC. Au regard de l’impératif d’achèvement de la carte intercommunale des SCOT à l’horizon 2017, nous savons que le rôle de la CRAC a plus ou moins vocation à disparaître.
De plus, nous estimons qu’un effort aurait pu être réalisé pour codifier dès maintenant les dispositions de cette proposition de loi, sans recourir, plus tard, à une loi d’habilitation du Gouvernement. En effet, nous craignons que, lors de l’écriture du texte de l’ordonnance, des libertés ne soient prises par rapport au texte adopté par notre assemblée.
Ce texte doit être amélioré. Nous avons proposé des amendements, dont j’espère qu’ils pourront être pris en compte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)