M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Disons les choses clairement : il est temps de lever l’hypocrisie d’un régime d’interdiction assorti de dérogations pour les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. À ce titre, nous nous réjouissons que la commission ait su prendre cette direction, bien que le texte initial ne l’ait pas fait.
La nécessité de lever l’hypocrisie va au-delà de la simple modification d’ordre sémantique. Pour nous, il s’agit de libérer la recherche.
Les plus grandes autorités scientifiques considèrent cette modification comme l’une des plus importantes que doit contenir le projet de loi. Nous savons que nos scientifiques pourront encadrer ces recherches.
Alors, oui, la question de la recherche sur l’embryon soulève les controverses les plus profondes, le statut de l’embryon étant, bien sûr, la clef du débat. Il n’est pas question de dire que l’embryon est un simple « amas de cellules ».
L’embryon, selon Axel Kahn, est une « potentialité de personne humaine ». Autrement dit, il peut être une personne, mais, somme toute, il ne reste qu’une potentialité.
Il faut protéger les recherches embryonnaires contre toutes les dérives commerciales qui pourraient apparaître sans un encadrement de la recherche. À notre sens, le fait d’instaurer une autorisation encadrée, raisonnable, dans des mesures bien définies, est une grande avancée pour la recherche, et mettra fin au régime bancal actuel.
Je vais me répéter, mais je crois important de rappeler, particulièrement quand on la compare à celle de leurs collègues étrangers, l’opinion de la grande majorité des scientifiques, favorables à une telle évolution.
Lors de nos travaux en commission, nombre de ces scientifiques ont pointé le risque que courait notre pays, celui d’être totalement dépassé en matière de recherche. Reprenons ici l’avis de Philippe Menasché, directeur de recherche à l’INSERM, pour lequel ce dispositif « nuit gravement à l’image de notre pays et le rend moins attractif ». Il précise que cela « va faire prendre à notre pays un retard considérable qu’on ne rattrapera pas ».
Comme le dit si bien Jacques Domergue, chirurgien et par ailleurs député de l’Hérault : « Qu’adviendrait-il si, dans les dix à vingt prochaines années, on parvenait à démontrer que ces cellules permettent de traiter la plupart [des] maladies [génétiques] ? Que resterait-il de nos dogmes [?] »
Nos scientifiques en sont convaincus, les perspectives suscitées par les recherches sur les cellules souches embryonnaires sont très larges. Ainsi Marc Peschanski a-t-il cité en exemple le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge.
Le changement du régime juridique vers une autorisation encadrée permettra aux autorités éthiques de conserver un contrôle et aux chercheurs de bénéficier d’un environnement favorable, particulièrement pour les investissements importants que nécessite la recherche.
Nous sommes également conscients que les nouvelles perspectives offertes par la découverte des IPS, c'est-à-dire les cellules souches reprogrammées, pourraient apparaître comme la solution la plus acceptable d’un point de vue éthique. C’est la position défendue par Marie-Thérèse Hermange. Mais à l’évidence, cette technique n’est pas, à l’heure actuelle, suffisamment au point : il faut donc continuer d’autoriser les recherches.
Mes chers collègues, il est capital que la France ne reste pas sur le bord du chemin de la recherche scientifique. Aujourd’hui, il est clair que la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ne se fait pas dans notre pays. Nos meilleurs doctorants travaillent dans des laboratoires belges ou britanniques, et nous interrogent sur notre capacité à évoluer dans le sens de la recherche.
Oui, il est possible de faire des recherches sur l’embryon dans un cadre éthique. Oui, l’encadrement qui nous est proposé est éthique. L’interdiction de la création d’embryons à des fins de recherche est préservée. De même, le principe selon lequel seuls peuvent être utilisés les embryons surnuméraires conservés dans le cadre d’un projet parental qui a depuis été abandonné est, à notre avis, suffisant. Ces embryons, « voués à n’être rien », selon Axel Kahn, doivent, avec l’accord des donneurs, pouvoir être utilisés.
Pour notre groupe, l’encadrement prévu par le projet de loi est tout à fait suffisant pour autoriser, enfin, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines. Nous pourrons alors sortir de l’hypocrisie d’un régime d’« interdiction-dérogation », qui, outre son aspect rétrograde, a surtout fait perdre trop de temps à nos chercheurs, trop de temps à notre pays.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous serons favorables à l’article 23, qui prévoit la fin de cette situation, pour choisir la voie de l’autorisation encadrée de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Comme nous préférons une formulation claire, nous proposerons par ailleurs un amendement pour que cette autorisation encadrée soit plus explicite.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 8 avril 2011, à neuf heures trente et, éventuellement, à quatorze heures trente :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n° 304, 2010-2011).
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 388, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 389, 2010-2011).
Avis de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 381, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART