Sommaire
Présidence de M. Bernard Frimat
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux, M. Marc Massion.
2. Mise au point au sujet d’un vote
Mme Isabelle Debré, M. le président.
4. Bioéthique. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
M. Bernard Cazeau.
Amendement n° 21 de M. Bernard Cazeau. – MM. Bernard Cazeau, Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé. – Rejet.
Amendement n° 64 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Gilbert Barbier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Bernard Cazeau. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 22 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Jean-Pierre Michel, Guy Fischer, Bernard Cazeau. – Rejet.
Amendement n° 105 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes Raymonde Le Texier, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. le rapporteur.
Amendement n° 151 de Mme Roselle Cros. – M. le président, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. – Réserve.
Article additionnel avant l’article 14 (réservé)
Amendement n° 113 rectifié quinquies de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mme la secrétaire d'État, M. Jean-Pierre Michel, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes la présidente de la commission, Isabelle Debré, Monique Cerisier-ben Guiga. – Réserve.
Suspension et reprise de la séance
Mmes Marie-Thérèse Hermange, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Bernard Cazeau, Charles Revet, Guy Fischer, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean-Louis Lorrain
Amendements identiques nos 48 rectifié de M. Gilbert Barbier, 74 rectifié ter de M. Jean-Pierre Godefroy et 116 rectifié de M. Antoine Lefèvre. – MM. Gilbert Barbier, Jean-Pierre Godefroy, Mme Isabelle Debré, MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme la secrétaire d'État, M. Richard Yung, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. Charles Gautier, Christian Cointat, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique de Legge, Jean Desessard, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Marie-Hélène Des Esgaulx. – Adoption par scrutin public des trois amendements supprimant l'article.
Amendement n° 152 de Mme Roselle Cros. – Devenu sans objet.
Mmes la présidente de la commission, la secrétaire d'État.
Amendements identiques nos 49 rectifié de M. Gilbert Barbier, 81 rectifié ter de M. Jean-Pierre Godefroy et 117 rectifié de M. Antoine Lefèvre. – MM. le rapporteur, le président, Jean-Pierre Godefroy, Yvon Collin, Mme Isabelle Debré, M. Guy Fischer. – Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Amendement n° 153 de Mme Roselle Cros. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 50 rectifié de M. Gilbert Barbier, 82 rectifié ter de M. Jean-Pierre Godefroy et 118 rectifié de M. Antoine Lefèvre. – Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Amendement n° 154 de Mme Roselle Cros. – Devenu sans objet.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Muguette Dini. – Devenu sans objet.
Amendement n° 164 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 51 rectifié de M. Gilbert Barbier, 83 rectifié ter de M. Jean-Pierre Godefroy et 119 rectifié de M. Antoine Lefèvre. – Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Amendement n° 155 de Mme Roselle Cros. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 52 rectifié de M. Gilbert Barbier, 84 rectifié ter de M. Jean-Pierre Godefroy et 120 rectifié de M. Antoine Lefèvre. – Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Article additionnel avant l'article 14 (précédemment réservé)
Amendement n° 113 rectifié quinquies de M. Charles Revet (suite). – M. le rapporteur, Mmes la secrétaire d'État, Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Christian Cointat, François Zocchetto. – Rejet par scrutin public.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Isabelle Debré, M. le président.
Articles 18 bis et 18 ter. – Adoption
Intitulé du titre V (précédemment réservé)
Amendement n° 151 de Mme Roselle Cros. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
5. Questions d'actualité au Gouvernement
journée de la maladie de parkinson
MM. Jean-Jacques Jégou, Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
MM. Jean-Pierre Bel, François Fillon, Premier ministre.
Mme Odette Terrade, M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
Mme Catherine Dumas, M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
sécurité des centrales nucléaires
M. Jean-Marie Bockel, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
MM. Martial Bourquin, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
MM. Laurent Béteille, Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.
M. Jacques Blanc, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
installations nucléaires en France
M. Alain Houpert, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Claude Bérit-Débat, Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
6. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
7. Communication du Conseil constitutionnel
8. Bioéthique. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Amendement n° 23 de Mme Raymonde Le Texier. – MM. Bernard Cazeau, Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé ; Guy Fischer. – Rejet.
Adoption de l'article.
9. Souhaits de bienvenue à une délégation afghane
10. Bioéthique. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Amendement n° 165 de la commission. – MM. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 19 C
Amendement n° 40 rectifié quater de Mme Marie-Thérèse Hermange. – Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 112 rectifié de M. Charles Revet. – Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. le rapporteur, le ministre, Richard Yung. – Rejet.
Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Bernard Cazeau.
Amendement n° 24 de M. Jean-Jacques Mirassou. – M. Bernard Cazeau.
Amendement n° 39 rectifié bis de Mme Marie-Thérèse Hermange. – Mme Marie-Thérèse Hermange.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Thérèse Hermange. – Retrait de l’amendement no 24 ; rejet de l’amendement no 39 rectifié bis.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 19
Amendement n° 166 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
M. Richard Yung.
Amendement n° 158 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Yvon Collin.
Amendement n° 159 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Yvon Collin.
Amendement n° 25 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 6 rectifié ter de M. Dominique de Legge. – M. Dominique de Legge.
Amendements nos 140 rectifié et 141 rectifié de Mme Anne-Marie Payet. – Mme Anne-Marie Payet.
Amendements identiques nos 7 rectifié ter de M. Dominique de Legge et 26 de M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 122 rectifié de M. Bruno Retailleau. – M. Bruno Retailleau.
MM. le rapporteur, François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois ; le ministre, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Raymonde Le Texier, Nicole Borvo Cohen-Seat, Roselle Cros, M. Jean-Pierre Michel, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Alain Milon. – Rejet des amendements nos 158 rectifié et 159 rectifié ; adoption de l’amendement no 25 rectifié, les amendements nos 6 rectifié ter, 140 rectifié, 7 rectifié ter, 26, 141 rectifié et 122 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 47 rectifié de M. Gilbert Barbier et 73 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – M. Yvon Collin, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre, le rapporteur pour avis, Bernard Cazeau, Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Michel, Bruno Retailleau, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Richard Yung. – Rejet des deux amendements.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 106 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 33 rectifié bis de M. Alain Vasselle. – Mme Marie-Thérèse Hermange.
Amendement n° 41 rectifié quater de Mme Marie-Thérèse Hermange. – Mme Marie-Thérèse Hermange.
Amendement n° 142 rectifié de Mme Anne-Marie Payet. – Mme Anne-Marie Payet.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 33 rectifié bis, 41 rectifié quater et 142 rectifié.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 174 rectifié bis de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; MM. Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, Christian Cointat, Mme Raymonde Le Texier, M. Bernard Cazeau, Mme Marie-Thérèse Hermange. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 27 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 123 rectifié de M. Bruno Retailleau. – M. Bruno Retailleau.
Amendement n° 42 rectifié ter de Mme Marie-Thérèse Hermange. – Mme Marie-Thérèse Hermange.
Amendement n° 34 rectifié bis de M. Alain Vasselle. – Mme Marie-Thérèse Hermange.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Thérèse Hermange. – Rejet des amendements nos 27, 123 rectifié, 42 rectifié ter et 34 rectifié bis.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 22
Amendement n° 114 rectifié de Mme Brigitte Bout. – Mme Brigitte Bout, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Guy Fischer, Mme Raymonde Le Texier, M. Jean-Pierre Godefroy. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de Mme Colette Giudicelli. – Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 28 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre, Guy Fischer. – Rejet.
Amendement n° 43 rectifié ter de Mme Marie-Thérèse Hermange. – Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait.
M. le ministre.
Adoption de l'article.
11. Communication du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
12. Bioéthique. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Articles additionnels après l’article 22 quater
Amendements identiques nos 2 rectifié quater de M. Alain Milon et 75 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Alain Milon, Jean-Pierre Godefroy, Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mmes Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; Alima Boumediene-Thiery, MM. Bruno Retailleau, Richard Yung, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. François-Noël Buffet, Dominique de Legge, Mme Raymonde Le Texier, M. Christian Cointat, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Bernard Cazeau, Mme Catherine Tasca. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendement n° 132 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 4 rectifié ter de M. Alain Milon et 131 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Devenus sans objet.
Amendement n° 5 rectifié ter de M. Alain Milon. – Devenu sans objet.
Amendement n° 133 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Devenu sans objet.
Amendement n° 46 rectifié bis de Mme Muguette Dini. – Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé ; Jean-Louis Lorrain, Jean-Pierre Godefroy. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 134 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 29 de M. Bernard Cazeau. – M. Bernard Cazeau.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Guy Fischer, Christian Cointat, François-Noël Buffet, Mme la présidente de la commission, M. Jean-Pierre Godefroy. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 134 ; rejet de l’amendement no 29.
M. le rapporteur, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. Bruno Retailleau, Bernard Cazeau, Mme Anne-Marie Payet, M. Guy Fischer.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, je souhaite faire une rectification au sujet d’un vote.
Lors du scrutin public n° 181 sur les amendements identiques nos 1 rectifié quater, 126 rectifié bis et 135 rectifié déposés à l’article 9 du projet de loi relatif à la bioéthique, M. Jean-Pierre Raffarin a été déclaré comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Dépôt d'un document
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 99 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le bilan 2007-2010 de l’expérimentation de la décentralisation des crédits consacrés à l’entretien et à la restauration des monuments historiques.
Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Acte est donné du dépôt de ce document. Il sera disponible au bureau de la distribution.
4
Bioéthique
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (projet n° 304, texte de la commission n° 389, rapports nos 388 et 381).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 13.
Titre IV
INTERRUPTION DE GROSSESSE PRATIQUÉE POUR MOTIF MÉDICAL
Article 13
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « trois personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, » sont remplacés par les mots : « quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Les deux médecins précités » sont remplacés par les mots : « Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et celui spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte ».
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. L’article 13 prévoit de renforcer la composition de l’équipe pluridisciplinaire chargée de délivrer les attestations autorisant une interruption médicale de grossesse lorsque celle-ci met en péril la santé de la mère.
L’amendement n° 21 vise à intégrer un psychiatre dans cette équipe. En effet, l’accompagnement mental des femmes demandant une interruption médicale de grossesse pour des raisons de santé est souvent négligé, selon un rapport de la DREES, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé, publié en 2009.
Depuis la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, l’entretien psychologique préalable à une interruption volontaire de grossesse n’est plus obligatoire pour les femmes majeures. Cependant, 48 % des établissements du secteur public continuent de le leur proposer systématiquement.
Les professionnels effectuant ces entretiens sont le plus souvent des conseillers conjugaux et des psychologues. Plus d’un établissement sur trois déclare que les entretiens sont menés par de tels professionnels. En revanche, les médecins ne sont que 2 % à y participer. Il s’agit alors pour l’essentiel de gynécologues-obstétriciens. Or je ne suis pas sûr que les médecins qualifiés en gynécologie-obstétrique, en échographie du fœtus, en pédiatrie ou en génétique médicale soient les plus aptes, s’agissant de cas difficiles bien sûr, à comprendre les problématiques psychologiques et à les expliquer aux personnes fragilisées.
La généralisation de la présence de psychiatres au sein des équipes de prise en charge me paraît donc nécessaire. La présence de ces professionnels doit être encouragée. Le suivi des conséquences éventuelles pour les patientes d’un avortement, qui affecte aussi bien le physique que le mental, ne peut s’envisager sans ou contre les psychiatres.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Cazeau, Mme Le Texier, MM. Godefroy et Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
quatre personnes
par les mots :
cinq personnes
2° Compléter cet alinéa par les mots :
un psychiatre,
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à porter de quatre à cinq le nombre de membres de l’équipe pluridisciplinaire chargée de délivrer l’attestation autorisant une interruption médicale de grossesse en cas de problème de santé de la mère, et ce afin d’y adjoindre un psychiatre.
Parmi les quatre membres de l’équipe figure déjà un psychologue. Y ajouter systématiquement un psychiatre ne serait pas opportun, d’autant que, si la mère a un problème médical d’ordre psychiatrique, le médecin spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte sera, dans la plupart des cas, un psychiatre.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Le Gouvernement émet le même avis que M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 64 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
un praticien spécialiste
par les mots :
un médecin qualifié dans le traitement
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
celui spécialiste
par les mots :
le médecin qualifié dans le traitement
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de faire un peu de sémantique.
L’article 13 prévoit que l’équipe pluridisciplinaire comprendra un « praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte ».
Il serait à mon avis plus intéressant de prévoir, à la place d’un « praticien spécialiste », un « médecin qualifié dans le traitement de l’affection dont la femme est atteinte ». En effet, la notion de « spécialité » en médecine est très précise et n’est pas couverte par la rédaction actuelle du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement ; elle souhaite cependant connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Si un médecin est spécialiste d’une affection quelconque, il est forcément qualifié pour assurer à la femme le soin dont elle a besoin.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Je note que, par le biais de la sémantique, l’amendement de Gibert Barbier rejoint le mien. C’est subtil, mais c’est le cas.
Dès lors, permettez-moi de relever que, alors que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement de M. Barbier, elle a émis un avis défavorable sur le mien. Toutefois, rassurez-vous, je ne vais pas en faire toute une histoire ! (Sourires.)
M. Alain Milon, rapporteur. Vous me rassurez ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 13 bis
Le troisième alinéa de l’article L. 2213-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse. »
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, interrogeons-nous sur le sens de cette phrase figurant à l’article 13 : « Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse. »
Cette disposition n’a aucun effet contraignant, le délai de réflexion n’étant que « proposé ». Il s’agit là, selon nous, d’un manque de respect vis-à-vis d’une femme bouleversée à l’annonce d’une nouvelle particulièrement grave. Pensez-vous que cette femme va prendre une décision le jour même, voire le lendemain ? Le choix qu’elle devra faire, en concertation, dans la majorité des cas, avec l’autre membre de son couple, sera réfléchi. Surtout, il sera effectué dans la douleur.
Le législateur n’a pas à prévoir de tels mécanismes. Ces réflexions doivent relever de la sphère privée, car elles sont profondément intimes. Se voir offrir un délai de réflexion à un moment d’une exceptionnelle gravité nous semble totalement inapproprié.
Outre le fait que ce délai de réflexion n’a pas de caractère contraignant et que son existence est fortement critiquable, la formulation même de l’article est équivoque, ce qui est contraire aux exigences de clarté et d’intelligibilité de la loi. En effet, le texte prévoit « un délai de réflexion d’au moins une semaine ». Cela signifie-t-il que ce délai pourra être plus long ? Quel est l’intérêt de proposer un délai plus long sachant que ce temps de réflexion n’est pas obligatoire ?
Mes chers collègues, nous vous proposons par conséquent de supprimer cet article, qui ne nous semble ni approprié ni clair.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Le délai mis en place dans le texte a paru nécessaire à la commission. D’ailleurs, dans les faits, il est bien souvent supérieur à une semaine. En outre, les cas d’urgence sont prévus dans l’article.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Le délai de réflexion est non pas imposé, mais proposé. Un tel délai me paraît raisonnable dans la mesure où une décision prise à chaud et sous le coup de l’émotion peut ne pas correspondre au choix qui aurait été fait à l’issue d’un temps de réflexion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, je pensais naïvement que la révision des lois relatives à la bioéthique était destinée à adapter la législation aux nouvelles techniques médicales et aux nouvelles attentes de la société. Or, je constate que l’on profite de ce projet de loi relatif à la bioéthique pour manifester encore son opposition à la légalisation de l’avortement, votée voilà de nombreuses années.
Cet article est absolument scandaleux ! Il fait peser sur la femme susceptible d’avorter – et ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’une telle décision est envisagée – une pression supplémentaire. « Encore un moment, monsieur le bourreau », puisque cette femme va tuer un être vivant ! Telle est là la signification de cet article, qui est absolument ignoble. En toute sincérité, je m’étonne que M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État ne s’opposent pas à ce texte !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 22.
M. Jean-Pierre Godefroy. Si je suis tout à fait d’accord avec les propos tenus par Mme la secrétaire d’État, je considère cependant inutile de faire figurer dans la loi une telle disposition.
Le délai de réflexion existe naturellement, et il ne revêt aucune obligation légale. Il va de soi ; or, la loi n’est pas faite pour écrire quelque chose qui va de soi. À partir du moment où la personne va devoir prendre une décision, pourquoi écrire dans la loi qu’il s’agit d’ « un délai de réflexion d’au moins une semaine » ? Il s’agit tout simplement du délai minimal que la personne concernée voudra bien s’accorder, et il convient de lui laisser un libre choix à cet égard.
À ce propos, je souhaite revenir sur le débat d’hier soir, mon inquiétude étant alors sous-jacente à ce qui nous est dit ici. Il a été indiqué hier soir – et vous vous souvenez que j’avais fait diverses observations à cet égard – que, pendant le délai de réflexion, le médecin – et je conteste toujours que ce soit le médecin qui ait à le faire – devra fournir une liste d’associations. On voit bien que ce délai minimum doit pouvoir servir de temps d’intervention aux associations, lesquelles risquent d’influer sur la décision de la personne concernée. Le délai que nous créons aujourd’hui n’a donc à mon sens pas lieu d’être.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il est d’usage que le délai de réflexion soit proposé à la femme. Il paraît en effet normal, lorsque l’on est amené à prendre une décision d’une telle importance, de pouvoir réfléchir avant qu’il ne soit trop tard. J’insiste sur le fait que le délai de réflexion est proposé et non pas imposé. Dans le cas où la femme prend sa décision avant la fin du délai de réflexion, sa volonté est respectée. Cette disposition de l’article 13 bis ne lui est en rien opposable. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. La loi ne dit pas ça !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous sommes au cœur d’une discussion que nous avons déjà abordée hier soir.
Il nous semble absolument nécessaire que la femme conserve une totale liberté dans ce domaine. Or, nous considérons comme une pression supplémentaire le délai de réflexion, semble-t-il imposé,…
M. Gilbert Barbier. Il est proposé !
M. Guy Fischer. Peut-être, mais nous voyons bien dans cette discussion qu’il y aura en fait une tentative pour entraver la liberté de la femme !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Cet article est à la fois inutile et dangereux.
Il est inutile parce que, très souvent – et les praticiens le savent –, les femmes veulent, avant de prendre leur décision, pouvoir en parler avec la personne avec qui elles vivent, que ce soit leur mari ou leur concubin.
Il est par ailleurs dangereux si la femme est à la limite du délai légal – cela arrive très souvent chez les jeunes – et qu’elle a impérativement, à deux ou trois jours près, l’obligation de décider. (M. le rapporteur proteste.)
Monsieur le rapporteur, le texte de la commission stipule : « Hors urgence médicale » ! Compte tenu du fait qu’il peut s’agir non pas d’une urgence médicale, mais d’une urgence de date, cette précision relative au délai de réflexion me semble inutile.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Je souhaite simplement rappeler au docteur Bernard Cazeau que, s’il existe une date limite concernant l’IVG, tel n’est pas le cas pour l’IMG.
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La femme enceinte dispose, dès l’annonce du risque mentionné à l’alinéa précédent, de la possibilité de renoncer par écrit au délai d’une semaine qui lui est proposé. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 13 bis résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale tendant, « après l’annonce d’un risque avéré d’affection particulièrement grave affectant le fœtus, [à] donner à la femme enceinte un délai de réflexion de deux semaines afin qu’elle puisse », selon l’expression du député Paul Jeanneteau, « faire un choix éclairé ».
M. Guy Fischer. Cet article, mes chers collègues, a déjà une histoire. L’amendement qui lui a servi de support a en effet été modifié à l’Assemblée nationale, puisque ce délai était initialement obligatoire, comme s’il fallait imposer aux femmes enceintes un moment particulier pour réfléchir aux suites qu’elles entendaient donner à leur grossesse.
Vous ne manquerez pas de nous rétorquer que, d’une part, le texte a là encore été modifié par notre commission et que, d’autre part, les délais de réflexion ne sont pas rares dans le domaine médical, particulièrement lorsque les choix sont irréversibles. Soit !
Mais la commission des affaires sociales, pour reprendre les termes employés dans le rapport de M. Alain Milon, a « apporté un peu de souplesse en prévoyant que le délai de réflexion proposé à la femme pour décider ou non d’interrompre sa grossesse soit d’au moins une semaine. »
Notre amendement entend apporter davantage de souplesse encore en permettant aux femmes qui le souhaiteraient de renoncer à ce délai de réflexion. Il ne faut en effet pas perdre de vue que le parcours du diagnostic prénatal tel que visé à l’article 9 de ce projet de loi est composé de plusieurs étapes : les femmes, les couples découvrent tout d’abord le risque d’anomalie ou de maladie ; cette dernière se précise ensuite, et, en cas de risque avéré, de nouveaux examens de biologie médicale à visée diagnostique peuvent être proposés, pour déboucher au final sur une consultation médicale avec un membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.
Durant ces différentes étapes, les femmes enceintes ont tout loisir de s’interroger, avec leur partenaire, sur le sort qu’elles entendent réserver à leur grossesse. Pour certaines d’entre elles, le délai prévu par cet article 13 bis peut être le bienvenu. Pour d’autres, ce délai est inutile, voire inopportun. Voilà pourquoi cet article n’a à notre avis pas lieu d’être.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Le texte dispose clairement que le médecin propose – et non impose – un délai d’au moins une semaine à la femme enceinte. Dans ces conditions, cette dernière peut y renoncer quand elle veut. Elle n’a pas besoin pour cela de faire un écrit, ce qui serait une obligation supplémentaire entraînant des difficultés encore plus grandes. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il n’y a aucune raison pour que la femme enceinte renonce par écrit à un délai qui ne lui est pas imposé et qui, par conséquent, n’est pas obligatoire. Comme M. le rapporteur, j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais pourquoi le médecin proposerait-il un délai ? Il suffit qu’il dise à la patiente qu’elle a tout le temps pour réfléchir et pour prendre sa décision. Il n’y a pas d’intérêt évident à écrire dans la loi que le médecin propose un délai. Si le médecin propose ce dernier en expliquant que ce délai entre dans le cadre de la loi, il interfère dans le libre-arbitre de la personne. Il suffit simplement de dire que la femme enceinte dispose de tout son temps pour prendre la décision de poursuivre ou non la grossesse tout en instaurant, en revanche, un délai médical.
Je ne comprends vraiment pas quel intérêt il y aurait à instaurer un délai, sauf à occulter les raisons profondes de cette décision, et c’est ce que j’ai tenté d’expliquer auparavant.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Je ne sais guère pourquoi nous nous empoignons au sujet de cet article qui, de mon point de vue, n’a pas lieu d’être. Il m’est arrivé il n’y a pas si longtemps, lorsque tous les sénateurs médecins étaient vent debout contre l’idée d’une distribution des contraceptifs par les sages-femmes, de critiquer les médecins. Toutefois, pour avoir fréquenté de près, de par mon activité professionnelle, le milieu médical, je sais que si les femmes sont confrontées à un praticien qui ne les incite pas à prendre le temps de la réflexion, elles doivent en premier lieu changer de médecin !
Voilà pourquoi cet article ne me paraît pas utile. Il est bien évident qu’un médecin, lorsqu’il va expliquer à une femme enceinte ce qui lui arrive, va inciter cette dernière à prendre du temps pour réfléchir, pour parler avec d’autres personnes, pour consulter un généticien, avant de revenir le voir. Je ne souscris pas intégralement aux propos de mon collègue M. Jean-Pierre Michel. Je ne vois toutefois pas pourquoi il est nécessaire d’inscrire ce délai dans la loi, sauf à considérer inconsciemment que, quelquefois, ces femmes sont un peu demeurées et qu’il faut fixer un cadre !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage l’avis de nos collègues qui viennent de s’exprimer. La formulation de cet article pose un problème, ce qui montre bien, si vous me permettez l’expression, il y a quelque chose de « louche ». (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
L’article 13 bis dispose que « la femme enceinte se voit proposer un délai de réflexion ». À qui s’adresse donc l’injonction ? Au médecin, dont on sous-entend qu’il serait susceptible de ne pas le faire ? Vous prétendez que la femme demeure libre d’accepter ou non le délai. Il s’agit donc en fait d’une obligation cachée, la rédaction signifiant en fait que « la femme enceinte doit observer un délai de réflexion ».
Soit cette formule ambiguë est parfaitement inutile – la loi a en effet pour finalité non pas de délivrer de petites indications mais d’énoncer des règles –, soit elle vise à asséner un coup de semonce aux médecins afin qu’ils imposent le délai de réflexion, ce qu’ils ne font pas forcément en pratique ; dans ce dernier cas, il faudrait plutôt écrire que « la femme doit se voir proposer ». Ne faisons donc pas preuve d’hypocrisie, et supprimons cet article !
M. Guy Fischer. Voilà !
M. le président. Je mets aux voix l'article 13 bis.
(L'article 13 bis est adopté.)
Titre V
ANONYMAT DU DON DE GAMÈTES
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de vous faire part de quelques éléments chiffrés.
On compte environ 50 000 enfants nés d’une insémination avec donneur depuis le début de cette pratique, en 1976. En moyenne, chaque année, 1 200 enfants naissent selon cette méthode, et on compte 750 donneurs, avec une part un peu plus importante d’hommes que de femmes.
La commission des affaires sociales a rétabli l’intitulé du titre V, supprimé par l’Assemblée nationale, dans une rédaction qui n’est pas exactement celle du projet initial du Gouvernement. Elle a fait le choix de passer, en matière de don de gamètes, à un système de responsabilité éthique qui, je le souligne, n’entraîne en aucun cas un régime de responsabilité juridique.
Notre texte permet à l’enfant devenu majeur d’obtenir à sa demande la levée de l’anonymat du ou des donneurs de gamètes sans que ceux-ci puissent s’y opposer.
Selon nous, une telle solution est la plus claire et la plus responsable.
L’égalité sera totale entre ceux qui pourront obtenir la levée de l’anonymat et les autres. La levée de l’anonymat sera un droit pour les enfants nés du don ; les donneurs comme les parents en auront été informés dès l’origine. En effet, ce système ne fonctionnera que si tous les donneurs sont informés au moment du don de la possibilité pour les enfants qui en naîtront de demander à connaître leur identité.
Il s’agit donc de mettre en place une information systématique pour les futurs donneurs. La commission propose que cette information entre en vigueur à partir du 1er janvier 2013 et que la levée de l’anonymat prenne effet lorsque les enfants nés à partir du 1er janvier 2014 atteindront leur majorité, à condition qu’ils le souhaitent, c'est-à-dire en 2032.
Ce système est plus simple et, me semble-t-il, plus sain que celui que le Gouvernement envisageait initialement.
En effet, l’obligation d’obtenir le consentement du donneur dix-huit ans ou plus après son don imposait de le retrouver, au prix de procédures lourdes et contraignantes, pour que la commission chargée d’instruire la demande de levée d’anonymat puisse accéder à l’ensemble des données publiques permettant de retrouver le donneur. En pratique, cela aurait abouti, si le donneur était d'accord pour la levée de l’anonymat, à l’organisation d’une rencontre, ce qui ne me semble pas nécessairement souhaitable.
Mieux vaut que la levée de l’anonymat soit prévue dès l’origine et que la recherche du donneur n’incombe pas à l’État. Je pense que la possibilité de levée de l’anonymat et la communication du nom du donneur et des caractéristiques qu’il aura indiquées lors du don, par exemple son âge ou sa profession, suffiront dans la majorité des cas.
Certes, un tel système change le rapport au don. Certains craignent que la levée de l’anonymat ne fasse diminuer le nombre de dons, au moment où des couples vont déjà chercher des gamètes à l’étranger, par exemple en Espagne. Mais le cas du Royaume-Uni est éloquent. La levée de l’anonymat y a été rendue obligatoire, et le nombre de donneurs n’a pas chuté ; c’est leur profil qui a changé : il s’agit de personnes plus âgées, plus responsables, assumant pleinement le don qu’elles effectuent.
En effet – et c’est là le fond de l’affaire –, compte tenu de l’évolution du droit et des mœurs, on ne peut plus prétendre que le gamète est un simple produit thérapeutique destiné à pallier la stérilité d’un couple. L’accès aux origines est reconnu par les conventions internationales et il ne constitue pas une volonté de « biologiser » la filiation.
Pour les cas auxquels je pense, qui resteront minoritaires, l’essentiel est plutôt le fait de savoir que l’on est non pas un produit de la science, mais bien issu de personnes humaines.
Les parents resteront libres de décider s’ils disent ou non la vérité à leurs enfants.
De ce point de vue, le travail des centres d’études et de conservation des œufs et du sperme, les CECOS, a beaucoup évolué. Ils accompagnent les familles pour les aider à assumer la vérité de la technique de conception.
Contrairement à ce que l’on a pu entendre, la levée de l’anonymat en Suède ne s’est pas traduite par une augmentation du secret. Les parents suédois disent davantage à leurs enfants la vérité sur leurs origines que les Français, comme le montre l’étude publiée par les chercheurs suédois le 5 janvier dernier.
Ainsi, avec le système proposé, les donneurs donneront en toute connaissance de cause, et les enfants devenus majeurs auront le droit de savoir.
Enfin, les centres qui pratiquent l’insémination avec tiers donneur craignent que la levée de l’anonymat n’entraîne une mise en cause future de la responsabilité, car ce sont eux qui choisissent d’apparier donneurs et couples receveurs.
À mes yeux, il y a effectivement un problème dans la détermination des critères de choix du donneur par les médecins. Le sujet est trop sensible pour être laissé à l’initiative de chaque équipe. Il faut désormais un référentiel clair, afin d’éviter tout arbitraire et toute irruption du « donneur à la carte », comme aux États-Unis. C’est l’objet de l’article 18 ter adopté par la commission. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Jean-Pierre Michel applaudissent.)
Intitulé du titre V (réservé)
M. le président. Nous allons examiner l’amendement n° 151, qui tend à une nouvelle rédaction de la division titre V.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je demande la réserve de cet amendement jusqu’à la fin de la discussion des articles du titre V, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. L'amendement n° 113 rectifié ter, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux, est ainsi libellé :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout citoyen majeur qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d’obtenir réponses à ses interrogations.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement va, me semble-t-il, dans le sens de ce que M. le rapporteur vient d’indiquer.
M. Alain Milon, rapporteur. Pas exactement ! (Sourires au banc des commissions.)
M. Charles Revet. Certes, je suis conscient que le présent projet de loi, dans ses différents articles, a une portée beaucoup plus large que l’aspect sur lequel je veux intervenir.
Mais nous connaissons tous des personnes nées sous X et abandonnées à la naissance qui souhaitent connaître leurs origines ; à l’avenir, compte tenu des progrès de la science, le phénomène pourrait encore s’accentuer.
Deux raisons au moins justifient à mes yeux que ces personnes puissent avoir accès à leurs origines.
Premièrement, d’un point de vue médical, il est plus facile de traiter une personne dont on connaît les éventuels antécédents familiaux.
Deuxièmement, pour sa construction psychologique, l’enfant doit pouvoir connaître ses origines. Dans mon canton, j’ai reçu deux personnes abandonnées à la naissance qui voulaient à tout prix connaître l’identité de leurs parents. Cela ne signifie pas qu’elles aient ensuite porté un jugement sur la décision prise par ces derniers ; au contraire, elles ont essayé de la comprendre. Mais une telle démarche était nécessaire à leur construction.
À cet égard, j’ai le sentiment que le présent projet de loi ne prend pas suffisamment en compte l’enfant à naître, alors que cela devrait être la priorité. L’enfant a besoin pour se construire – et ce sera déterminant tout au long de sa vie – de connaître sa situation d’origine.
Certes, la science, à condition de faire preuve de prudence, permet des avancées, notamment en matière de soins ; notre collègue Marie-Thérèse Hermange a par exemple évoqué le sang de cordon.
Mais il est, me semble-t-il, de notre responsabilité et de celle des parents, quel que soit le mode de conception de l’enfant, de permettre à celui-ci d’accéder à ses origines.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Mon cher collègue, la rédaction de cet amendement a semblé beaucoup trop large à la commission, car une telle disposition remettrait profondément en cause l’accès aux données personnelles concernant les donneurs et le droit applicable aux archives.
Nous avons opté pour une ouverture à la fois large, complète, totale et encadrée qui permette le plus de transparence possible, mais seulement pour l’avenir, sans remettre en cause les contrats passés. De notre point de vue, il ne serait pas équilibré d’aller au-delà.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Je crois que M. le rapporteur pour avis souhaite également indiquer la position de la commission des lois sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission des lois ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission des lois n’a pas été saisie de l’amendement de notre collègue Charles Revet, mais je souhaite apporter deux précisions.
D’une part, le droit en vigueur permet d’ores et déjà l’accès de l’intéressé, sous certaines conditions, à des informations sur ses origines. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) C’est notamment le cas pour les enfants nés d’un accouchement sous X ou pour les enfants dont la filiation n’a pas été établie à l’égard de l’un des parents.
D’autre part, prévoir une obligation à caractère général d’accès aux origines sans en préciser les modalités, les exceptions éventuelles et les débiteurs serait, selon nous, une réelle source d’insécurité juridique.
Aussi, j’émets à titre personnel un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La question de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes est une question délicate.
Dans sa rédaction initiale, le projet du Gouvernement comportait un dispositif combinant l’accès à des données non identifiantes et la possibilité d’un accès à l’identité du donneur. Il s’agissait d’assurer l’équilibre entre les intérêts de toutes les parties, en l’occurrence l’enfant issu d’un don de gamètes, le donneur de gamètes et les parents.
Cette disposition autorisait l’enfant à accéder à sa majorité à l’identité du donneur de gamète à l’origine de sa conception sous réserve du consentement de ce dernier. À son appui étaient invoqués le souci d’offrir une réponse aux personnes que l’impossibilité d’accéder à une partie de leur histoire expose à une souffrance durable – en effet, il y a des difficultés d’ordre psychologique, des recherches menées par un certain nombre de sociologues ou de psychologues soulignant les conséquences néfastes à long terme d’une conception radicale du principe de l’anonymat –, la reconnaissance d’un droit à l’accès à ses origines par la Cour européenne des droits de l’homme et le fait que plusieurs pays européens aient adapté leur législation en ce sens.
Toutefois, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a supprimé ces dispositions, pour trois raisons essentielles.
D’abord, de telles mesures accordaient un poids excessif au biologique par rapport à l’éducatif et à l’affectif.
Ensuite, elles risquaient d’inciter les couples à garder le secret du mode de conception à l’inverse de l’objectif recherché.
Enfin, elles étaient susceptibles de provoquer une chute des dons de gamètes. À cet égard, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur le don d’ovocytes a souligné que la levée de l’anonymat risquait d’accentuer la pénurie actuelle d’ovocytes.
L’Assemblée nationale n’a pas rétabli ces dispositions. La commission des affaires sociales du Sénat a réintroduit un dispositif combinant l’accès à des données non identifiantes pour les enfants majeurs issus d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et la possibilité d’un accès à l’identité du donneur pour les enfants majeurs issus d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur nés après le 1er janvier 2014.
Ce dispositif, différent de celui qui figurait dans le projet de loi initial, ne prévoit pas le consentement du donneur de gamètes et ne s’applique qu’aux enfants nés après le 1er janvier 2014.
Le Gouvernement a reconnu le poids des arguments avancés par la commission spéciale de l’Assemblée nationale et a estimé que les inconvénients de la levée de l’anonymat l’emportaient. Aucun dispositif de levée d’anonymat ne se révèle complètement satisfaisant.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est plutôt favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Nous sommes encore dans la discussion générale, semble-t-il, puisque Mme la secrétaire d'État, loin de donner son avis sur l’amendement de M. Revet, a parlé d’autre chose…
Je tiens à remercier M. le rapporteur de son propos initial. J’ai bien compris que la commission des affaires sociales faisait un pas en avant – certes trop limité à mon avis – par rapport au vote de nos collègues députés.
Je voterai l’amendement n° 113 rectifié ter de mon collègue Charles Revet, l’objet de ce texte ne se limitant pas au don de gamètes dans le cadre de la procréation médicalement assistée ; il englobe en effet tous les hommes et toutes les femmes qui, pour une raison ou pour une autre, ne connaissent pas leurs origines et souhaitent lever le voile sur elles. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, depuis plus de trente ans que je suis parlementaire, j’ai eu l’occasion de recevoir un nombre important de personnes adoptées, nées sous X – pour l’instant, je n’ai pas encore eu affaire à des personnes issues d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur… – qui n’ont de cesse de vouloir connaître leurs origines !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est normal !
M. Jean-Pierre Michel. Elles veulent savoir d’où elles viennent, non pas pour aller perturber celui qui leur a donné la vie, mais tout simplement pour savoir. L’homme doit en effet savoir.
Hier, dans le débat, il a été question du droit de ne pas savoir. Je me suis exprimé contre un tel propos, qui me semble absolument inouï : l’homme a le droit de savoir, de tout savoir, même si cela doit gêner.
Le grand argument contre cet amendement est que son adoption pourrait éventuellement faire chuter le nombre de dons de gamètes. Pour ma part, cela ne me gênerait absolument pas !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Moi non plus !
M. Jean-Pierre Michel. Pourquoi s’angoisser à ce sujet ?
S’il y avait beaucoup moins de naissances par procréation médicalement assistée avec tiers donneur, je serais le premier à dire mille fois bravo ! D’autres solutions existent pour les personnes qui désirent avoir un enfant : je pense ainsi à l’adoption. Certes, les conditions de l’adoption, notamment internationale, doivent être simplifiées. Dans le monde, des millions d’enfants – nous l’avons encore vu dernièrement à la télévision – à Haïti ou ailleurs sont sans famille, sans parents, isolés. Les familles qui souhaitent les adopter ne manquent pas, mais les procédures mettent des années à aboutir et coûtent cher. Pourquoi ne pas faciliter la solution de l’adoption ?
L’amendement de Charles Revet va d’abord dans le sens de l’homme. Pour une fois, ce n’est pas la science qui est mise en avant.
Quoi qu’il en soit, je remercie M. le rapporteur. Je pense qu’il parviendra à faire accepter par le Sénat les amendements de la commission, qui témoignent évidemment de beaucoup plus d’esprit d’ouverture que le texte de l’Assemblée nationale. J’espère que le Gouvernement les acceptera.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je suis tout à fait d’accord avec M. le rapporteur : cet amendement est trop large.
J’en ai cosigné le texte par amitié, cher Charles Revet, mais surtout parce qu’il me semblait important que nous ayons un tel débat : il s’agit donc pour moi plutôt d’un amendement d’appel. Charles Revet souhaitera peut-être le maintenir, c’est sa responsabilité.
Cet amendement est très intéressant. M. le rapporteur de la commission des lois a affirmé tout à l’heure que les conditions actuelles d’accès aux origines étaient bonnes. Je ne suis pas d’accord. Selon moi, rien ne va, et il nous faudra nous intéresser davantage à cette question ! Nous recevons de nombreuses personnes dans les permanences des mairies. Il ressort de leurs témoignages que les conditions d’accès aux origines ne sont pas correctes. C’est donc pour pouvoir le dire haut et fort dans cet hémicycle que j’ai cosigné l’amendement de M. Revet.
Madame la secrétaire d'État, vous avez dû faire un lapsus lorsque vous avez émis un avis favorable sur cet amendement. Si j’ai bien compris vos arguments, vous ne pouvez qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 113 rectifié ter.
Pour ma part, si Charles Revet devait maintenir son amendement, je m’abstiendrais de le voter. (M. Charles Revet s’exclame. –Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.) Il ne m’en voudra certainement pas dans la mesure où mon intention initiale en cosignant ce texte était d’ouvrir le débat sur un sujet dont il est rarement question dans cet hémicycle.
Je me suis rendue au siège du Conseil national d’accès aux origines personnelles, le CNAOP, avec une personne qui souhaitait connaître ses origines. J’ai suivi pas à pas sa démarche. Cette personne a d’ailleurs été très bien reçue par les conseils généraux et les DDASS.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien, oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cependant, au niveau national, la structure ne fonctionne pas et les réponses font défaut.
Je suis fière de pouvoir dénoncer aujourd'hui, devant vous, cet état de fait grâce à l’amendement de Charles Revet. Vous connaissez ma position sur le sujet. J’ai été claire dans la discussion générale, et j’y reviendrai encore tout à l’heure. Mais je pose dès à présent la question : comment imposer à un être humain le secret sur ses origines ?
Vous parlez tous d’enfants, mais excusez-moi de vous rappeler que ces enfants deviendront un jour des adultes, comme vous, comme moi ! Leur imposer un tel secret sur leurs origines constitue, selon moi, une violation pure et simple de leurs libertés. Au nom de quoi en serait-il ainsi ? Il n’y a pas de sous-hommes ni de sous-femmes ! Accepter une telle violation des droits sur ces enfants est extrêmement choquant.
Je le redis : j’ai cosigné l’amendement n° 113 rectifié ter pour engager cette discussion dans l’hémicycle. Je remercie donc Charles Revet de son initiative, même si je reconnais, comme l’a souligné à juste titre M. le rapporteur, que le champ d’application de la disposition serait un peu trop large. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP. – Mmes Raymonde Le Texier, Monique Cerisier-ben Guiga et M. Jean-Pierre Michel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je tiens à préciser que les éléments de réponse que j’ai fournis concernaient l’amendement de M. Barbier, et non l’amendement n° 113 rectifié ter de M. Revet, auquel le Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Je comprends parfaitement la passion que met Mme Des Esgaulx dans ses propos.
Madame la sénatrice, je n’ai jamais affirmé que tout allait bien et que le système était idéal. J’ai simplement dit que, dans certaines situations, des procédures existaient et fonctionnaient correctement. Je tenais simplement à apporter cette précision.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Certes, il n’y a pas de système idéal.
Je relis le texte de l’amendement de notre collègue Charles Revet : « Tout citoyen majeur qui ne dispose pas d’informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d’obtenir réponses à ses interrogations. »
Je le dis clairement : l’adoption d’un tel amendement aurait des conséquences incalculables, tant sur le droit des archives que sur celui d’accès aux données personnelles des donneurs. Il vaudrait donc mieux retirer cet amendement et adopter le texte proposé par la commission.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. J’ai bien entendu toutes les interventions, notamment celle de M. le rapporteur.
Madame le secrétaire d'État, je regrette que l’on tienne si peu compte de l’enfant en général, mais surtout en particulier dans le cas présent. C’est en effet l’adulte que cet enfant deviendra qui aura à supporter toutes les conséquences des décisions prises par le législateur. Je déplore honnêtement que nous ne soyons pas partis de l’enfant, et que ce dernier n’ait pas été mis au centre de nos réflexions et de nos décisions. Pourtant, c’est lui qui compte puisque c’est lui qui aura en tant qu’adulte, demain, à supporter le poids de nos choix.
Monsieur le rapporteur, j’ai bien pris note de vos remarques. Pour en tenir compte, je rectifie mon amendement afin de le rédiger ainsi : « Tout citoyen majeur né après l’application des dispositions de la présente loi qui ne dispose pas d’informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d’obtenir réponses à ses interrogations. » De la sorte, le texte prévoit la possibilité pour chacun, qu’il s’agisse d’un enfant né sous X ou d’un don de gamètes, d’obtenir une réponse sur ses origines tout en satisfaisant au besoin d’information des donneurs.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 113 rectifié quater, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux, ainsi libellé :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout citoyen majeur né après l'application des dispositions de la présente loi qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d'obtenir réponses à ses interrogations.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur cet amendement 113 rectifié quater.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis d’accord avec la rédaction proposée par M. Revet, à la réserve près qu’il ne prévoit pas de procédures. Or il faut des procédures.
La question posée est juste : tout être humain a le droit de connaître ses origines. Qu’on le veuille ou non, cette problématique correspond à une évolution de la société. Si nous ne voulons pas de nouveau tomber dans l’hypocrisie, il nous faut l’accepter.
Il fut un temps où les secrets de famille étaient bien gardés et où les parents adoptifs veillaient à ne pas dire aux enfants d’où ils venaient, y compris, d’ailleurs, en cas de gestation « intrafamiliale » pour autrui – on y recourait dans certains milieux.
Il fut un temps où l’enfant n’avait pas de droits. Mais, peu à peu, les choses ont évolué. Une conception différente et progressiste de l’enfant, non comme objet des familles, mais comme être en devenir, s’est imposée, et les enfants se sont vu accorder des droits qui ont été reconnus au niveau international.
Le fait de connaître ses origines fait partie des droits de l’enfant. Cela signifie que les secrets de famille n’ont plus lieu d’être, d’autant que ceux-ci viennent un jour ou l’autre frapper à la porte.
M. Guy Fischer. Ils explosent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait, et lorsque cela arrive, les dégâts sont importants.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aujourd'hui, la plupart des parents adoptifs sont convaincus, je crois, de la nécessité pour leur enfant de savoir qu’il a été adopté. Il doit en être de même pour les couples qui recourent à des techniques d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.
Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx et Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Faire un enfant avec les gamètes d’une autre personne, ce n’est pas la même chose que faire un enfant avec ses propres gamètes. Il est temps de l’admettre !
Encore une fois, c’est le secret de famille qui fait que l’on se cache derrière son petit doigt pour taire à l’enfant un acte, comme l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, qui n’est pas mineur. Ce n’est quand même pas mineur d’avoir un enfant grâce aux gamètes de quelqu’un d’autre !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le recours à de telles techniques ne me pose aucun problème, mais il n’empêche qu’on ne peut dissimuler à un enfant qu’il est né grâce à un don de gamètes, pas plus qu’on ne peut le laisser ignorer qu’il a été adopté !
Cela se pratiquait beaucoup, il n’y a pas si longtemps ! Il conviendrait donc que nous nous interrogions sur les raisons de cette évolution.
Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il y aurait vraiment une contradiction totale à reconnaître des droits à l’enfant et à lui refuser l’accès à ses origines, même si la procédure reste compliquée à mettre en place.
Ne l’oublions pas, ces enfants, ou ces adultes, se répartissent en deux catégories : ceux qui ne veulent pas savoir et ceux qui veulent savoir. Pour ces derniers, c’est une quête qui naît d’un désir irrépressible.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons donc le devoir de faire en sorte qu’ils puissent obtenir une réponse.
Puisque tous ne veulent pas savoir, nous n’avons donc pas à créer une obligation. En revanche, je ne vois pas de quel droit nous interdirions l’accès à leurs origines à ceux qui veulent savoir.
Se pose enfin le problème de la procédure à respecter. De ce point de vue, les amendements qui vont nous être présentés méritent d’être examinés avec soin.
Or, vous le savez, mes chers collègues, dans le cas de l’adoption, cette procédure existe déjà : les enfants adoptés peuvent connaître leurs origines ; en revanche, ils ne peuvent établir un rapport avec leur génitrice – puisque c’est de cela qu’il s’agit la plupart du temps – qu’avec son consentement et il n’est pas possible d’imposer à celle-ci une rencontre.
Je le répète, sur le fond, j’approuve votre amendement, monsieur Revet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Avec l’examen de l’amendement n° 113 rectifié quater, il me semble que nous anticipons le débat sur l’article 14.
À titre personnel, j’indique que je ne voterai pas cet amendement.
Notre collègue Revet a évoqué avec beaucoup d’éloquence l’abandon d’enfant, l’accouchement sous X, l’adoption. Je ne nie pas la réalité et la gravité de ces problèmes, mais leur traitement n’entre pas dans le cadre d’une loi relative à la bioéthique. De plus, je doute qu’ils puissent être résolus par un amendement adopté au cours de la discussion de ce projet de loi.
Par ailleurs, je souhaite répondre très amicalement à mon collègue Jean-Pierre Michel, qui s’est félicité de la perspective d’une baisse des dons de gamètes, car l’adoption mériterait, selon lui, d’être encouragée. Or il ne s’agit pas de la même chose : l’adoption permet d’élever un enfant, le don de gamètes donne à la femme la possibilité de porter un enfant. On ne peut donc pas opposer ces deux notions.
Je suis personnellement très favorable à l’adoption et j’estime qu’elle devrait être facilitée en France, mais je ne peux pas souscrire à l’argument selon lequel le développement de l’adoption devrait permettre la disparition progressive du don de gamètes, et donc la possibilité, pour les femmes, de porter un enfant.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Revet, l’examen de votre amendement nous oblige en effet à anticiper le débat sur l’article 14. Ainsi, ce qui aura été dit n’aura plus à l’être. (Sourires.)
Je crois qu’une grande confusion s’est établie lorsque l’on a considéré que le don de gamètes équivalait à un don d’organes. Le premier permet de donner la vie ; le second, qui doit notamment être gratuit et anonyme, permet de sauver une vie. Ils ne doivent donc pas être confondus.
Par ailleurs, les donneurs de gamètes savent ce qu’ils font, du moins en principe. Il me semble même que les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains, les CECOS, s’assurent de leur santé mentale. Les couples qui décident d’avoir recours à ce don savent, eux aussi, ce qu’ils font et ils sont informés des difficultés qui peuvent survenir dans leur vie de famille et dans la vie de leur futur enfant. Le seul qui n’ait rien à dire, c’est l’enfant à naître : il subit !
M. Charles Revet. Voilà !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Pour l’enfant, une fois né, la situation est difficile. En effet, même s’il se sent bien dans sa famille, il peut ressentir le besoin de savoir d’où il vient.
Mon cher collègue, vous comparez l’accouchement sous X ou l’abandon d’enfant à l’anonymat du don de gamètes. Or ces situations diffèrent profondément. Dans certains cas, vous le savez, il est strictement impossible de lever l’anonymat des parents biologiques de l’enfant adopté, pour la simple raison que l’on ne connaît pas la mère. Même en France, des femmes accouchent sous X et refusent absolument de donner leur identité. Certes, il est maintenant possible d’accéder à certains éléments identificatoires, comme la couleur des cheveux, la taille, la situation sociale – on sait parfois que la mère était étudiante ou serveuse dans un café –, mais quand on ne connaît pas le nom, il est impossible d’aller plus loin.
À l’inverse, quelqu’un connaît parfaitement le nom du donneur de gamètes. Dans ces conditions, chaque fois qu’un enfant voudra connaître le nom de son père, ou plutôt de son géniteur, il le pourra, même si ce géniteur a fait ce don de façon anonyme. Personnellement, je suis favorable à la levée de l’anonymat, parce que le donneur devra donner son accord pour que le don puisse intervenir.
Si votre amendement était adopté en l’état, il en résulterait une « rupture de contrat » à l’égard des donneurs de gamètes qu’il est impossible d’accepter dans la mesure où quelqu’un connaît parfaitement leur identité.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Ce sujet est extrêmement délicat et nous en avons longuement débattu au sein de la commission des affaires sociales.
Vous avez raison, monsieur Revet, l’enfant n’a pas demandé à naître d’une façon plutôt qu’une autre. Je suis donc favorable à ce que cet enfant puisse obtenir des informations sur ses origines, mais à condition que celles-ci soient non identifiantes. Pour moi, le père est celui qui élève l’enfant et non celui qui a donné ses gamètes. (Exclamations sur plusieurs travées.)
Mes chers collègues, tous les avis sont respectables dans cet hémicycle, d’autant que ces questions touchent à des convictions très personnelles. Je m’abstiens de critiquer vos prises de position, alors permettez-moi d’exprimer sincèrement mon opinion. Je dis d’ailleurs ce que je pense avec calme et sérénité.
J’estime qu’un enfant n’a qu’un père et qu’il est extrêmement dangereux d’autoriser l’accès à des données nominatives sans même que le présent projet de loi impose de recueillir le consentement du donneur. À ce propos, j’ai apprécié que Mme la présidente de la commission se reprenne et emploie le terme « géniteur » au lieu de celui de « père ». En effet, pour moi, un géniteur n’est pas un père. Un enfant n’a qu’un père et qu’une mère.
Je reconnais que nous risquons de nous heurter à une difficulté réelle en cas de problème médical. Dans ces circonstances, l’enfant devra pouvoir accéder à des données non identifiantes afin de vérifier si ce problème est héréditaire.
En disant cela, je sais que j’anticipe sur le débat qui aura lieu dans le cadre de l’article 14, mais, puisque nous sommes partis dans une quasi-discussion générale et que je n’avais pas pris la parole lors de la véritable discussion générale afin de laisser s’exprimer certains de mes collègues, je profite de cette explication de vote pour faire connaître ma position.
En l’état actuel du texte, je suis opposée à la levée totale de l’anonymat. J’estime en effet que l’enfant n’a qu’un père et qu’une mère. En revanche, une levée partielle en cas de problème médical pourrait être envisagée. J’écarte cependant cette possibilité dans l’immédiat, car nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour rédiger des sous-amendements visant à encadrer un tel dispositif. Nous aurons peut-être cette faculté en deuxième lecture, madame la secrétaire d’État.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que M. Revet a rectifié son amendement, avec l’accord de la commission, afin de lui apporter une plus grande précision juridique.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 113 rectifié quinquies, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux, et qui est ainsi libellé :
Avant l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout citoyen majeur né après la date de publication de la présente loi qui ne dispose pas d’informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tout document lui permettant d’obtenir réponse à ses interrogations.
Je vous indique dès à présent que j'ai été saisi par le Gouvernement d'une demande de scrutin public sur cet amendement. Il se peut donc que les responsables désignés par les groupes politiques aient à se livrer à quelques maniements de plaquettes – j’utilise le terme à dessein ! –, ce qui risque de prendre un certain temps.
M. Alain Milon, rapporteur. C’est hier que nous avons parlé des plaquettes ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l’amendement n° 113 rectifié quinquies.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J’approuve pleinement la démarche philosophique engagée par M. Revet. Elle devrait d’ailleurs irriguer toute la législation française relative au droit à la connaissance de ses origines.
Reste que cet amendement recouvre un champ d’application beaucoup trop large. Il n’encadre pas non plus suffisamment les modes d’accès à l’identité des parents biologiques.
Par ailleurs, la présente discussion nous conduit à prendre position sur la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes avant même l’examen de l’article 14, ce qui me pose problème.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Tout a été dit contre l’amendement de M. Revet. J’interviens cependant pour indiquer que quelques erreurs se sont glissées dans les propos de certains de nos collègues.
Tout d’abord, le texte du projet de loi, tel qu’il a été adopté par la commission des affaires sociales, précise bien que le donneur, au moment du don, doit donner son accord. Dans le cas contraire, il ne pourra pas devenir donneur. L’anonymat sera donc levé de fait.
Ensuite, je tiens à ajouter que l’adoption de cet amendement, qui tend à insérer un article additionnel au sein du titre V relatif au don de gamètes, aboutirait à lever l’anonymat du donneur dans tous les cas où l’enfant est privé d’information sur ses origines, ce qui nous obligerait à développer une réflexion beaucoup plus approfondie sur de nombreux sujets dépourvus de tout lien avec le projet de loi.
Voilà pourquoi la commission maintient son avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Comme l’ont fait remarquer certains intervenants, nous avons entamé un débat qui aurait dû commencer avec l’article 14.
Mettre aux voix maintenant l’amendement n° 113 rectifié quinquies reviendrait donc à nous prononcer en partie sur cet article. C’est pourquoi je demande que le vote soit réservé jusqu’après l’article 14. Je pense que M. Revet sera d’accord... (M. Charles Revet acquiesce.)
M. le président. Aux termes du règlement, c’est au Gouvernement qu’il appartient de se prononcer, madame la présidente de la commission.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement y est favorable, à moins que M. Revet ne retire son amendement.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 113 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Oui, monsieur le président.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.
M. le président. Le Sénat va accéder à votre demande, monsieur Cazeau.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 14
Le second alinéa de l’article L. 1211-5 du code de la santé publique est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès, en cas de nécessité thérapeutique, aux informations permettant l’identification de ceux-ci.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès, s’il le demande, de l’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à des données non identifiantes relatives à tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie.
« En outre, à sa demande, l’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et né après le 1er janvier 2014 accède à l’identité de tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Comme Mme la présidente de la commission l’a fait observer, nous avons largement entamé le débat sur cet article.
Je voudrais rappeler un point d’histoire, déjà mentionné par M. le rapporteur.
L’insémination avec tiers donneur a été mise en place en 1976 par les médecins, et ce sans aucun cadre législatif. De là, on a créé des associations, à savoir les CECOS.
En 1994, le législateur a été obligé de créer un artifice juridique pour encadrer cet artifice médical. Il a donc décidé, par analogie avec la pratique du don en France, que le don de gamètes serait anonyme et gratuit.
Or, Mme la présidente de la commission l’a souligné et nous l’avons dit hier en abordant la question de la journée de réflexion que le Gouvernement veut instituer, il existe une différence entre un don de rein, par exemple, qui est destiné à « réparer la vie » et un don de gamètes, qui est destiné à « donner la vie ».
Aujourd’hui, les premiers enfants conçus grâce à cette technique ont une trentaine d’années. Certains d’entre eux se présentent aux CECOS afin de connaître leurs origines, mais on leur répond qu’on ne peut pas leur délivrer cette information. Un directeur de CECOS que nous avons auditionné nous a même dit : « Je suis dans la toute-puissance » – ce sont ses termes –, « puisque je possède le secret ».
Ces personnes n’acceptent pas que quelqu’un détienne le secret et qu’elles n’en aient pas connaissance.
Moi qui connais mon père et ma mère, ceux qui m’ont élevée, moi qui connais aussi mon origine biologique, je trouve qu’il y aurait quelque impudence à accepter un principe de négation, même partielle, de cette origine. Il y a donc quelque chose d’inabouti dans la traduction que la société a faite de ce qui fut, à l’origine, un artifice médical. Il y a là comme une mutilation, un mensonge.
Comme M. le rapporteur l’a souligné, 700 à 1 000 enfants naissent chaque année par insémination avec tiers donneur. Or on semble aujourd’hui résumer l’ensemble du débat sur la fécondation in vitro à la problématique de l’anonymat, alors que cette question ne concerne que l’une des techniques de l’assistance médicale à la procréation.
Mes chers collègues, j’ai longtemps hésité. À un moment, j’ai même pensé « botter en touche ». Mais je crois finalement qu’il est nécessaire que cette privation, cruellement ressentie dans un certain nombre de cas, perde son caractère définitif. C’est pourquoi j’ai opté pour la levée de l’anonymat, conformément d’ailleurs à ce que prévoit la Convention internationale des droits de l’enfant.
À ce titre, l’amendement de notre collègue Charles Revet peut être perçu comme très général. En fait, c’est une autre façon de réécrire l’un des articles de cette convention. Je vous remercie donc, madame la présidente de la commission, d’avoir fait en sorte que le vote vienne clore le débat sur l’article 14, qui porte sur les modalités de la levée de l’anonymat. Je considère que la commission des affaires sociales a bien travaillé. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP. – M. Jean-Pierre Michel et Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l’article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le groupe socialiste a laissé la liberté de vote à ses membres sur le sujet qui nous occupe. Je défendrai donc, au nom de la minorité d’entre nous, l’article 14 dans le texte de la commission.
C’est aux dizaines de milliers de donneurs de vie bénévoles, gommés par l'anonymat, c'est aux 50 000 Arthur, Justine, Paul et Carole, nés grâce à ces dons, c’est aux parents qui ont accompli le parcours du combattant de l'assistance médicale à la procréation que je dédie mon plaidoyer pour la levée de l'anonymat des « donateurs » de gamètes.
La réflexion menée par le groupe de travail de Terra Nova sur l’accès à la parenté, animé par Geneviève Delaisi de Parseval et Valérie Depadt-Sebag et auquel j'ai pu participer, m'a renforcée dans la conviction que nul ne doit être privé d'informations qui le concernent au premier chef, dans la mesure où celles-ci existent. « De quel droit – écrit Arthur Kermalvezen, auteur du livre Né de spermatozoïde inconnu ... – les médecins sont-ils les seuls à détenir des informations qui nous importent pour notre devenir, à nous, enfants issus de leurs expériences ? ».
La loi fait de l'origine des enfants nés par assistance médicale à la procréation le monopole des médecins. Or le droit des malades à accéder à leur dossier est reconnu par la loi de mars 2002 ; l'article 10 de la Convention d'Oviedo va dans le même sens.
Dites-moi, que répondra Arthur, né de spermatozoïde inconnu, lorsque le médecin lui demandera s'il y a des antécédents cardiaques dans sa famille paternelle ? Que répondra Caroline quand on lui demandera s’il y a eu un nombre important de cancers du sein dans sa famille maternelle ? Ils ne pourront rien répondre.
La confusion établie entre le don du sang et le don de gamètes est à l'origine de cette règle de l'anonymat établie à l'aube de l'assistance médicale à la procréation par le CECOS. À l’époque, on n’avait pas perçu que les gamètes étaient des « dons de parenté » et non des cellules comme les autres.
Il est temps de mettre fin au déni sur lequel est fondée la loi française relative à la bioéthique. D'ailleurs, la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval signale, avec une certaine malice, le fait que, dans cette loi, est permis « ce qui imite au plus près la nature, et ce qui peut rester secret d'autre part ». Autrement dit, cette loi reste marquée par la morale du « ni vu ni connu », qui assure traditionnellement la paix des familles.
Rendons justice aux enfants. Rendons aussi leur dignité à ceux qu'Irène Théry nomme des « donneurs d'engendrement ».
Derrière l'application du principe de l'anonymat du don à l’assistance médicale à la procréation par tiers donneur se cache en réalité la crainte de voir vaciller une histoire basée sur le secret du mode de conception, qui serait le garant du bien-être des parents et le socle de l'élaboration de la famille. On s’imagine que ce secret favorisera la construction de la famille. Le donneur est pensé comme possible rival : c'est la peur du « rival génétique ». Le don est effacé dans l'histoire de l'enfant par crainte d'une fragilisation des parents dans leur rôle de parent. L’anonymat du donneur, c’est la prééminence donnée au droit des parents sur le droit des enfants.
L'engagement parental prime évidemment sur le lien biologique, mais celui-ci existe sans pour autant mettre en péril la filiation. En effet, fondée ou non sur l'hérédité, la filiation est essentiellement juridique et sociale.
Je suis persuadée qu'en refusant aux enfants nés du don de gamètes le secret de leur conception, on induit un effet inverse de celui escompté. On pense affirmer la supériorité du lien social sur le lien génétique, mais, en négligeant totalement ce dernier, on lui donne une place centrale, on le mythifie et on laisse s'élaborer « une fiction de procréation conjugale ».
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le secret fonctionne comme une réponse à la peur ou à la culpabilité plus ou moins consciente des parents. À voir les dégâts provoqués de génération en génération par les secrets de famille bien cachés dans les placards verrouillés, je crois que, dans l'intérêt de l’enfant et de la famille, toute parole sur l’origine est préférable au silence.
Les enfants nés de l’assistance médicale à la procréation ne sont pas à la recherche d'autres parents. Certains d'entre eux veulent seulement pouvoir mettre un visage sur un fantôme et cesser de voir en tout passant, en tout professeur, celui qui pourrait avoir été à l'origine biologique de leur existence.
La satisfaction de cette volonté des jeunes nés de procréation médicalement assistée avec donneur rejoint la volonté de reconnaître la dignité du donneur ou de la donneuse, qui n'est ni un « étalon » ni une « poule pondeuse », mais un être responsable grâce à qui les médecins vont pouvoir offrir un soin palliatif à un couple stérile. Le donneur et la donneuse doivent pouvoir être reconnus comme des donateurs à qui, le jour venu, un jeune adulte et ses parents pourront dire « Merci ! ».
Voilà pourquoi je voterai l'article 14, tel qu’il a été rédigé par la commission.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.
M. Bernard Cazeau. Au regard des évolutions de la société, cet article est certainement l’un des plus importants du projet de loi.
J’indique d’emblée que je vais exprimer une position très personnelle.
La filiation n’a pas un fondement exclusivement biologique ; elle n’est pas non plus un lien exclusivement affectif et éducatif, contrairement à ce que pense Mme Debré. Elle est un peu les deux à la fois.
Mme Bernadette Dupont. Eh oui !
M. Bernard Cazeau. Nous parlons de l’enfant et des parents, mais il y a aussi le donneur. Si nous voulons le respecter, ne l’oublions pas !
De plus en plus de gens veulent connaître leurs origines. Ce sont sans doute les enfants nés sous X qui ont initié cette démarche. D’ailleurs les parents l’admettent. Rien n’est pire en effet pour un enfant – ne parlons pas d’un adolescent ou d’un adulte – que d’ignorer ses origines alors qu’une partie de la famille est au courant.
En cet instant, la solution qui me paraît la meilleure est celle du Gouvernement, du moins la position qu’avait adoptée Mme Bachelot – je ne connais pas celle de M. Bertrand –,...
Mme Isabelle Debré. C’est la même !
M. Bernard Cazeau. ... car elle ouvre de nombreuses possibilités : elle permet de disposer de données identifiantes, ce qui peut satisfaire ceux qui ne veulent pas connaître le donneur en personne ; elle permet également à ceux qui souhaiteraient véritablement connaître le donneur d’obtenir son identité, avec l’accord préalable de celui-ci.
Nous allons être pris en étau entre ceux qui sont entièrement pour et ceux qui s’opposent fermement à la levée de l’anonymat. S’il s’agit de voter pour l’une de ces deux positions antagonistes, j’indique dès maintenant que je m’abstiendrai. En revanche, s’il s’agit de se prononcer sur la position du Gouvernement, ce sera autre chose.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l’article.
M. Charles Revet. Le projet de loi traite pour l'essentiel de tout ce qui touche à la génétique, à la recherche sur l'embryon, aux cellules souches embryonnaires et à l'assistance médicale à la procréation. N'étant moi-même ni biologiste ni scientifique, j'ai laissé mes collègues plus compétents que moi intervenir dans ces domaines très spécifiques.
La recherche a permis des avancées très importantes dans de nombreux domaines ayant trait à la vie humaine. Il nous faut bien entendu favoriser le travail des scientifiques visant à soigner, à guérir ou à soulager les personnes confrontées à des problèmes de santé. Il en est de même pour tout ce qui touche à la conception de la vie. Si nous pouvons comprendre que des hommes souhaitent toujours avancer dès lors qu'ils pensent faire progresser la science, il nous appartient de déterminer les limites au-delà desquelles on ne peut aller, dans le respect de la vie et de la dignité de tout être humain.
Dans le même esprit, nous pouvons comprendre la détresse des couples qui souhaitent avoir des enfants, mais qui sont confrontés à l'infertilité. Il est légitime et compréhensible qu'ils espèrent de la science qu'elle puisse les aider à résoudre leurs difficultés à transmettre la vie. Là encore, si tout doit être fait pour aider les couples qui sont dans la souffrance, cette démarche doit s'inscrire dans le respect de la vie et de la dignité de tout être humain, et donc de l'enfant. Nous ne devons jamais oublier que c'est à l'enfant à naître que nous devons d'abord penser, car c'est lui qui portera toute sa vie les décisions que nous prendrons.
Je comprends bien que l'objet de ce projet de loi n'est pas l'enfant et les droits de l'enfant. Reste que lorsque l'on traite de diagnostic génétique, de dons de sperme, d'ovocytes, de gamètes, d'embryons, sauf à penser que l'on peut instrumentaliser la vie humaine, c’est bien d'un enfant potentiellement à naître qu’il s’agit. Le texte de loi a sans doute une portée beaucoup plus large que ce qui a trait à la procréation, mais je regrette, je le répète, que, en préambule du texte, nous n’ayons pas fait référence au droit de l'enfant.
Nous connaissons probablement tous ici des femmes et des hommes qui ignorent leur origine, qu’il s’agisse d'enfants nés sous X, d'enfants abandonnés par leurs parents génétiques pour des raisons diverses. Presque systématiquement, les jeunes ou adultes confrontés à ces situations n'ont de cesse de retrouver leurs parents biologiques. Qui pourrait s'en offusquer ? Mais qu'en sera-t-il avec les nouvelles méthodes de procréation qui se développent ou qui existeront demain avec les progrès de la science ? Il me semble légitime qu'un enfant devenu majeur puisse avoir accès, s'il le souhaite, à tout document lui permettant de connaître ses origines familiales.
L'enfant, pour se construire, a besoin d'avoir connaissance de ses origines. Même si, né dans un milieu familial, il pourra dans sa petite enfance penser qu'il est issu, comme les autres enfants, du papa et de la maman avec lesquels il vit, tôt ou tard il apprendra, peut-être de ceux-ci ou par allusion, les difficultés auxquelles ses parents ont été confrontés pour le concevoir, et il aura alors des interrogations.
Avons-nous le droit de décider de lui donner le droit de naître grâce à des manipulations génétiques sans lui donner, par la même loi, le droit de savoir qui sont ses vrais parents ?
M. Jean-Pierre Michel. Très bien !
M. Charles Revet. J’ajoute que la connaissance de ses origines génétiques peut lui être indispensable pour permettre à la médecine de déterminer les causes d’une maladie à laquelle il peut être confronté et en faciliter le traitement.
En évoquant ici le droit de l’enfant, je n’entends pas étendre celui-ci à l’ensemble des droits auxquels, durant toute sa vie, il peut espérer prétendre. Probablement, madame la secrétaire d'État, y a-t-il des domaines sur lesquels nous devrons revenir. Je pense, par exemple, à la procédure d’adoption, dont chacun ici connaît la lourdeur, et qui, si elle était simplifiée et facilitée, permettrait de répondre à l’attente de nombreux couples et donnerait à des enfants, en attente de placement, un milieu familial qui contribuerait à leur épanouissement.
Je ne souhaite évoquer ici que ce qui est directement lié au texte sur lequel nous travaillons aujourd’hui.
Le développement de la science permet d’espérer les meilleures choses et peut faire craindre les pires. Si la majorité des chercheurs ont conscience des enjeux qui résultent de leurs travaux, d’autres, pour des raisons moins nobles, peuvent faire de leurs découvertes une utilisation qui peut conduire aux pires situations. C’est à nous, par nos décisions, de déterminer jusqu’à quel point il est raisonnable d’accepter les manipulations génétiques, en ayant à l’esprit en permanence qu’il s’agit de la vie humaine et que, à partir de là, tout ne peut pas être autorisé.
Mme Bernadette Dupont. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. L’article 14 ainsi que tous ceux qui concernent la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes suscitent bien des débats, y compris au sein même des groupes, et le nôtre n’échappe pas à cette réalité.
Si, majoritairement, les membres du groupe CRC-SPG voteront en faveur de cet article, nous considérons que sa rédaction actuelle est moins satisfaisante que celle qui était initialement proposée. En effet, le fait d’être donneur revient à considérer que, informé de la législation, celui-ci accepte que l’enfant issu de son don puisse, un jour, demander à prendre connaissance de certaines informations non identifiantes ou identifiantes. La rédaction initiale prévoyait, quant à elle, que les donneurs pouvaient, sur la base du volontariat, autoriser la levée de l’anonymat.
En dehors de cet aspect rédactionnel, nous souscrivons à l’essentiel de cet article : la levée de l’anonymat. Il me semble toutefois qu’il faut aborder cette question en deux temps : la question du don, puis celle de la démarche qui consiste à savoir qui est son géniteur.
Celles et ceux qui sont opposés à la levée de l’anonymat affirment qu’une telle mesure aurait pour effet de réduire de manière considérable le nombre de donneurs. Nous n’en sommes pas convaincus, et les exemples européens prouvent que non. Au Royaume-Uni, où a été adoptée une disposition similaire à celle dont nous discutons, six ans après l’adoption de la loi, la HFEA, the human fertilisation and embryology Authority, prouve clairement, chiffres à l’appui, que les dons n’ont pas chuté en Grande-Bretagne, comme ils n’ont pas chuté en Suède. On a certes constaté une légère décroissance dans un premier temps, mais ensuite les chiffres ont remonté.
Peut-être subira-t-on une légère baisse, mais tout porte à croire que l’application de cette disposition, pour peu qu’elle soit expliquée, n’emportera aucune conséquence.
Se pose ensuite pour nous la question de la démarche elle-même. Pour certains, cette démarche de recherche est similaire à celle que peuvent engager des enfants adoptés. Pour d’autres, au contraire, le fait de ne pas avoir été porté, de ne pas être issu d’un « abandon » est une chose radicalement différente que d’être né grâce à un don de gamètes.
Au final, il nous est profondément difficile de statuer sur l’une ou l’autre de ces impressions, sans doute parce que nous ne sommes nous-mêmes pas issus d’un tel don, ou que nous l’ignorons, comme dans 60 % des cas. Il est d’autant plus complexe de légiférer sur cette question qu’elle relève de l’intime.
Il n’a donc pas semblé opportun à notre groupe, afin de ne pas priver celles et ceux qui voudraient engager de telles démarches, de rejeter cet article. Il y a d’ailleurs fort à parier que le nombre d’enfants initiant cette démarche soit infime, car la plupart d’entre eux, et c’est tant mieux, nourrissent avant tout un lien de parenté fondé sur l’éducation plus que sur la biologie.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Guy Fischer. Mais dès lors que le donneur, par son geste altruiste, autorise la levée de l’anonymat, la loi doit permettre à cette minorité de personnes de satisfaire un appétit de reconstruction de leur propre histoire. Notons d’ailleurs qu’en Suède, où la législation le permet depuis vingt-cinq ans, un seul enfant a engagé une telle démarche.
Pour toutes ces raisons, et malgré les réserves émises par certains membres de notre groupe concernant la rédaction de l’article 14, et il importe de tenir compte des réflexions de chacun, nous voterons en faveur de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l'article.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je souhaite évoquer brièvement deux points.
Oui, il y a des secrets de famille ! Ils sont d’ailleurs lourds à porter et donc plus ou moins bien assumés. Reste que la responsabilité de s’engager dans la voie du secret appartient aux familles elles-mêmes.
Là, c’est différent : si nous ne levions pas l’anonymat, c’est la société qui déciderait de créer un secret de famille. Voilà qui serait incroyable ! Que le législateur prenne une aussi grande responsabilité que d’embarquer les familles dans cette galère, j’ai du mal à l’admettre.
Par ailleurs, je m’interroge sur le don lui-même ? Pourquoi vouloir absolument que les dons ne diminuent pas ? Pourquoi affirmer qu’il s’agit d’une nécessité, d’une obligation ? Ce faisant, on consacre, là encore, de petits égoïsmes.
Avoir un enfant à tout prix, moi, je dis non !
Avoir un enfant, oui, mais en assumant cette situation, c’est-à-dire avec une prise de conscience en amont et une responsabilité des dons, car j’insiste de nouveau sur le fait qu’il s’agit de transmettre une hérédité.
Ces enfants – et je rebondis sur ce qu’a dit M. Fischer il y a quelques instants –, la plupart du temps, sont à la recherche non pas d’une famille – ils en ont une –, mais de leur histoire. Comment peut-on les en priver ?
Tels sont les quelques éléments que je livre à votre réflexion et sur lesquels je reviendrai en explication de vote.
Mme Brigitte Bout. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, sur l'article.
M. Jean-Louis Lorrain. Permettez-moi à mon tour de vous livrer quelques éléments de réflexion.
Nous entrons, les uns et les autres, beaucoup trop souvent et trop rapidement dans le registre émotionnel. Les médecins, dont je suis, savent qu’il faut de la distanciation. D’ailleurs, à ce sujet, rassurez-vous, le médecin tout-puissant est en voie de complète disparition. Tous ceux qui travaillent dans ce domaine sont engagés au service de l’autre. Je pense notamment à ces médecins anonymes pour lesquels on charge un peu facilement la barque.
Je ne reviendrai pas sur la désorganisation du don, la perturbation du couple, la place trop grande donnée à la génétique. Je rappellerai simplement que la fécondation est une fonction biologique. Cet élément peut aussi aider à la réflexion.
On parle de l’approche sociale. Beaucoup de comportements doivent en effet être modifiés, ajustés, notamment dans le mode d’annonce de la fécondation, dans l’accompagnement, avec des informations que je souhaiterais non identifiantes. D’ailleurs, les secrets, que nombre d’entre nous ont évoqués, sont multiples et divers. Même s’ils sont douloureux, ils sont aussi quasi constitutifs des familles et pas seulement sur le plan de la filiation.
En termes de raisonnement, ce débat – on peut le déplorer, mais cela a aussi son originalité – est très français. Même si j’apprécie les travaux qui peuvent être menés dans les think tanks par certains sociologues, le prêt-à-penser n’est pas ma tasse de thé.
J’en viens aux acteurs.
Il y a les personnes en souffrance sur leur origine dont la demande est tout à fait justifiée. On peut déplorer l’hypermédiatisation de certaines affaires, mais elle est quelquefois utile pour se faire entendre. Il faut reconnaître que ces demandeurs, comme la forme de leurs demandes, peuvent être divers, multiples, qu’ils doivent être écoutés, entendus.
Si l’on veut avancer, ne pas demeurer dans le statu quo et l’immobilisme, il est important, surtout pour l’avenir, que l’on parvienne à définir un statut du donneur. On nous dit, bien sûr, qu’il n’y a pas d’affiliation, mais lever l’anonymat pose fondamentalement le problème de l’identité du donneur ; cela entraîne une modification du don, même si la notion de geste gratuit, généreux persiste.
Cela veut dire aussi introduire de nouveaux partenaires, qui sont plus ou moins prêts. Dans le couple, il y a l’homme, pour qui la stérilité n’est pas toujours facile à assumer. Mais il y a aussi les enfants du donneur : y a-t-on pensé ? C'est pourquoi la levée totale de l’anonymat me semble dangereuse, en tout cas pour l’instant. Peut-être que les réflexions de la génération à venir permettront d’engager une évolution vers un partenariat accepté, réfléchi et non pas imposé comme une intrusion venant bouleverser la vie des familles.
Dans ce débat, il est peu question du don d’ovocytes alors que l’on parle beaucoup de gamètes, sous-entendu mâles. Ne voyez dans ce propos aucune démagogie, mais cela est peut-être révélateur de la place de la femme dans la société. Il serait pourtant intéressant de réfléchir sur la levée de l’anonymat pour les dons d’ovocytes et les conséquences que cela entraînerait pour les donneuses.
Ce débat s’inscrit aussi dans un cadre juridique. Le droit à la connaissance a été reconnu à l’enfant, mais le droit pose aussi des limites et des règles. À cet égard, j’aimerais que la part importante des juristes s’affirme.
Les droits de l’enfant, auxquels je suis favorable, peuvent être en opposition avec les droits de la parentalité, ce qui risque d’entraîner des conflits juridiques. Dans cet ensemble, n’oublions pas non plus les droits des couples d’accueil. Le droit de l’un ne va pas sans celui de l’autre.
Ce qui justifie mon vote, c’est l’intérêt et le bien de l’être humain, auquel chacun de nous ici est attaché, mais cet intérêt doit prévaloir dans sa globalité, et non pas seulement en fonction du donneur ou du cas particulier.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 74 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 116 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Bruguière, Sittler et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 48 rectifié.
M. Gilbert Barbier. La longueur de notre débat permet aux positions des uns et des autres de se préciser. Celle de M. Revet, même si je ne voterai pas son amendement en raison de l’étendue de son champ d’application, montre bien que nous poursuivons tous un même objectif : l’intérêt de l’enfant. De ce point de vue, qu’apporterait la levée de l’anonymat du don ? Plusieurs d’entre nous ont déjà évoqué un certain nombre de conséquences.
Tout d’abord, cette mesure risquerait de faire baisser le nombre de donneurs, ce qui poserait problème. Je veux bien que l’on cite les exemples de la Grande-Bretagne ou de la Suède, mais je ne suis pas persuadé que l’on puisse en tirer des conséquences pour la France : l’absence de baisse des dons dans ces pays ne signifie pas qu’il en ira de même dans le nôtre.
Ensuite, nous savons que cette situation concerne environ cinq cents cas par an. Actuellement, deux tiers des parents cachent à leur enfant que sa conception s’est faite par un tiers donneur. Dans les deux cents cas restants, les parents informent leur enfant de la réalité de sa conception : pour la moitié d’entre eux, cela ne soulève pas de difficulté à l’âge adulte. Nous légiférons donc pour quelques dizaines de cas.
Mme Isabelle Debré. Exactement !
M. Alain Milon, rapporteur. Une centaine !
M. Gilbert Barbier. Certains voudraient sophistiquer le système en prévoyant une identification partielle, une connaissance non identifiante, qui n’est pas facile à mettre en place.
Dans un projet de loi relatif à la bioéthique, nous devrions, me semble-t-il, être soit pour soit contre l’anonymat du don de gamètes. Les situations intermédiaires me paraissent extrêmement difficiles : je pense notamment à la proposition de Mme Cros de distinguer deux types de donneurs, les uns qui accepteront de dévoiler leur identité et les autres qui voudront maintenir l’anonymat. Cette distinction mettra l’enfant dans une situation tout à fait intolérable. Soit on lui répondra qu’il ne peut avoir accès à l’identité de son donneur, car ce dernier a souhaité l’anonymat total, soit il se verra communiquer l’information.
Lors de la discussion générale, j’ai longuement évoqué les problèmes compliqués qui pouvaient découler de la levée de l’anonymat : les conséquences pour la famille du donneur apprenant l’existence d’un autre enfant, les risques de conflits et de traumatismes psychologiques, et, Jean-Louis Lorrain vient de l’évoquer, la possibilité de voir diminuer le nombre de donneurs et, surtout, de donneuses.
C'est la raison pour laquelle mon amendement de suppression me paraît empreint d’une certaine sagesse.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 74 rectifié ter.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement reflète uniquement la position de ses signataires.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je suis opposé à la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, car elle me semble à la fois discutable sur le plan éthique et contre-productive sur le plan pratique.
Comme un certain nombre de mes collègues, je refuse de m’en remettre à la « vérité des gènes » et à la dictature des origines et du déterminisme génétique. Les gamètes ne sont porteurs que d’un capital génétique, pas d’une histoire familiale. Les expériences conduites en génétique, notamment avec le clonage animal, montrent bien à quel point la part du génétique dans l’évolution physiologique n’est que relative.
À cet égard, la levée de l’anonymat alimente une dangereuse confusion entre parentalité et origine biologique et remet en cause la primauté symbolique du caractère social et affectif de la filiation. J’en suis persuadé, ce n’est pas la biologie qui détermine les origines ; l’identité est narrative, pas biologique. Je crains fort que la levée de l’anonymat ne fasse que brouiller la lisibilité de la filiation.
Il ne faut non plus oublier qu’aucun enfant conçu « naturellement » n’est jamais assuré de connaître la vérité exacte de sa conception : son père est-il le véritable père biologique ? A-t-il été un enfant désiré ? Il existe une part d’irréductible du mystère des origines qu’il nous faut accepter, en considérant que ces origines, avant d’être l’histoire des enfants, sont celles des parents.
À cet égard, je crains que la levée de l’anonymat ne fasse que fragiliser la position des parents receveurs, qui seront plus enclins à garder le secret sur les conditions de conception de leur enfant. Alors même que, avec le système actuel, moins d’un quart des enfants sont informés de leur mode de conception, il est à craindre que, avec la levée de l’anonymat, les parents n’informeront plus leur enfant de son mode de conception. Distinguer deux catégories de donneurs ne risque pas d’arranger les choses, comme l’a souligné Gilbert Barbier.
On l’a constaté en Suède, premier pays à avoir levé l’anonymat en 1984, non seulement les parents n’informent plus leur enfant de son mode de conception, mais, pis, se détournent des centres d’AMP du pays pour se tourner vers des banques de sperme leur garantissant l’anonymat du donneur. En levant l’anonymat, la France risque de pousser les couples confrontés à la stérilité à partir à l’étranger, en favorisant ce qu’on appelle le « tourisme procréatif ». Le principe de l’anonymat est certes imparfait, mais il nous préserve d’un certain nombre de dérives et de conduites « inéthiques » que l’on peut observer en dehors de l’Hexagone avec, par exemple, la sélection de donneurs spécifiques par les parents.
Plus que le droit à connaître ses origines, c’est avant tout le droit à connaître la vérité sur son mode de conception qui devrait prévaloir.
Je crois également que la levée de l’anonymat fragiliserait la position du donneur, qui n’est pas un parent et qui n’a donc pas sa place dans la famille. Il faut rendre aux donneurs la place qui est la leur : des personnes sensibles aux difficultés rencontrées par d’autres couples et qui ont choisi de les aider en faisant un don, désinvesti de tout projet parental. Le don de spermatozoïdes ou d’ovocytes n’est pas un don d’enfant.
Il ne faut pas négliger non plus le risque sérieux de voir diminuer non seulement le nombre de dons, mais également le nombre des couples souhaitant bénéficier d’une AMP avec tiers donneur. Ces risques sont réels et vérifiés en pratique dans plusieurs pays d’Europe. Selon un sondage effectué pas l’Agence de la biomédecine, 50 % des donneurs de sperme ne donneraient pas si l’anonymat n’était pas garanti, tandis que, selon une enquête réalisée par la Fédération nationale des CECOS, 25 % des couples renonceraient à une procréation par don de sperme.
Se poser des questions sur ses origines est parfaitement normal, que l’on soit conçu par don ou naturellement. Je ne sous-estime pas la souffrance exprimée par certains de ces enfants du don, mais j’éprouve de sérieux doutes devant le « remède » et le bénéfice psychologique pour un enfant ainsi conçu de connaître ses origines, voire de se laisser offrir cette possibilité, car cela introduit pour lui une décision difficile à prendre et à assumer. Il pourrait au contraire s’en trouver déstabilisé et en souffrir bien plus que du fait de la méconnaissance de son donneur.
Voilà pourquoi je propose la suppression de l’article 14. (MM. Charles Gautier et Richard Yung applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour présenter l'amendement n° 116 rectifié.
Mme Isabelle Debré. J’ai donné tout à l’heure mon opinion sur la levée totale de l’anonymat du donneur. Je dois dire que nos débats, qui portent sur des questions relevant de convictions très personnelles, sont passionnants.
Monsieur Cazeau, lorsque j’ai dit que, pour moi, l’enfant ne peut avoir qu’un père, cela ne signifie pas qu’il ne peut pas avoir aussi un géniteur. Si j’estime qu’il n’est pas souhaitable que l’enfant connaisse l’identité du donneur, en revanche, il serait peut-être intéressant qu’il puisse accéder à des données non identifiantes, dans certains cas précis.
Aujourd'hui, je défends, au nom de M. Lefèvre et de plusieurs de nos collègues, cet amendement de suppression, mais je souhaiterais que, dans le cadre de la navette, la possibilité que je viens d’évoquer puisse être étudiée, en essayant de minimiser les risques.
Enfin, je tiens à dire que, au sein du groupe de l’UMP, comme dans les autres groupes politiques, nous ne sommes pas tous du même avis sur cette question ; c’est aussi ce qui fait la richesse de nos débats.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je me contenterai de rappeler que les positions qui viennent d’être défendues sont contraires au texte de la commission. J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. La commission des lois est favorable à la suppression du dispositif visant à prévoir la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes. En revanche, je l’indique dès à présent, elle est défavorable à l'amendement n° 152.
Le droit à la connaissance des origines est souvent évoqué, mais je tiens à souligner l’ambiguïté de ce droit. En effet, les traités internationaux parlent plutôt du « droit de connaître ses parents » ou de la nécessité pour les autorités de « conserver les informations qu’elles détiennent sur les origines de l’enfant, notamment celles relatives à l’identité de sa mère et de son père ». C’est moins une origine biologique qu’une origine « filiative » qui est visée, c’est-à-dire l’inscription dans une histoire familiale et non génétique.
Par ailleurs, le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, recommande de « respecter l’anonymat des donneurs et receveurs, quels que soient les changements à apporter à la règle de droit. La rupture de l’anonymat comporte probablement plus d’éléments perturbants que la rupture du secret ; ici encore, les gamètes ne sont pas des parents ». Lors de son audition, M. Patrick Gaudray, membre du CCNE, a évoqué le risque « de biologiser la famille », un argument qui me semble pertinent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. J’ai déjà évoqué tout à l’heure la position du Gouvernement, qui est favorable à ces trois amendements de suppression. Il a entendu les arguments de la commission spéciale, notamment le risque, en cas de levée de l’anonymat, que les couples soient incités à conserver le secret de la conception.
Je comprends qu’un enfant désire connaître ses origines et accéder à l’identité du donneur. Cette attente est très légitime, et je suis plutôt favorable à ce que la vérité soit dite à l’enfant sur sa conception. Mais si la levée de l’anonymat doit inciter les couples à taire le mode de conception de l’enfant, alors il est préférable d’y renoncer.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Ma position a évolué sur cette question. Au début, je faisais le parallèle avec le cas d’un enfant adopté. En matière d’adoption, vous le savez mes chers collègues, le droit a évolué. Celle-ci a longtemps été soumise au secret, avant que nous nous rendions compte que ce n’était pas une bonne chose. Depuis plusieurs années, on recommande vivement aux parents de dire la vérité à leurs enfants, ces derniers pouvant entreprendre, à partir de l’âge de dix-huit ans, les démarches nécessaires auprès de la DDASS.
Je me demandais donc si la démarche du don de gamètes n’était pas, au fond, assimilable à celle de l’adoption. Après avoir entendu les différents arguments, je dois dire que j’ai changé d’avis : c'est la raison pour laquelle j’ai cosigné l’amendement qui a été présenté par Jean-Pierre Godefroy.
Veillons à ne pas survaloriser l’importance des origines biologiques. Tout comme je ne crois pas que la nationalité soit transmise par le sang, je ne pense pas que l’essence de l’être soit génétique, notre personnalité profonde étant bien davantage constituée par notre histoire familiale, notamment les traditions orales. Si nous encouragions ainsi les personnes à rechercher leurs origines biologiques, nous les conduirions finalement sur une mauvaise voie, qui n’est pas celle de leur véritable origine.
Mme Debré envisageait, pour sa part, un système intermédiaire, qui permettrait à l’enfant d’accéder à des données non identifiantes de son géniteur. Nous devons réfléchir très sérieusement à cette proposition. Je me demande toutefois si elle ne risque pas de faire plus de mal que de bien. Il s’agirait ainsi de communiquer à l’enfant certaines informations, sur la région d’origine ou la formation professionnelle du donneur de gamètes, voire des données plus discutables encore, qui porteraient sur la nationalité ou l’origine ethnique de ce dernier, sans que l’enfant puisse connaître précisément l’identité de son père biologique. Cela me paraît un peu dangereux.
Mme Isabelle Debré. C’est pour cela que nous devons réfléchir à cette question au cours de la navette !
M. Richard Yung. Enfin, je pense à la situation du donneur qui, vingt ans après son don, alors qu’il a créé sa propre famille, verrait quelqu’un se présenter à sa porte et lui dire : « Bonjour papa, c’est moi » ! (Sourires sur certaines travées. – Protestations sur d’autres.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne change rien à la filiation !
M. Richard Yung. Quelle sera la réaction du donneur ? Est-ce qu’il dira : « J’ai été ravi de vous rencontrer, au revoir… » ? (Nouveaux sourires.) Est-ce qu’il estimera, au contraire, qu’il a une responsabilité vis-à-vis de cette personne ?
Et que fera-t-il si cette dernière rencontre des problèmes graves, qu’elle est sans emploi, qu’elle a des problèmes médicaux ? Le donneur pourra-t-il lui tourner le dos sous prétexte qu’il ne l’a pas connue pendant les dix-huit premières années de sa vie ?
Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiens l’amendement de suppression présenté par Jean-Pierre Godefroy.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je ne voterai pas ces amendements de suppression.
Je voudrais tout d’abord faire observer à notre collègue François-Noël Buffet que les conclusions du Comité consultatif national d’éthique ne se réduisent pas, selon moi, à l’aspect qu’il a évoqué. Ses membres ont réfléchi pendant une quinzaine de séances avant d’élaborer un texte qui me semble relativement équilibré.
Je voudrais ensuite mettre l’accent sur nos propres contradictions. La procréation médicalement assistée est indéniablement fondée sur des critères biologiques, et nous avons nous-mêmes voté un certain nombre d’articles qui vont dans ce sens.
Je précise d’ailleurs que la sélection est opérée par le directeur du CECOS lui-même, qui va décider d’apparier le donneur au receveur en fonction d’un certain nombre de critères, notamment raciaux.
Au nom de quoi faudrait-il subitement effacer ces données ? Cela me semble contraire à l’intérêt de l’enfant, dont la filiation est autant biologique que sociale, environnementale ou affective.
On essaie de construire un édifice reposant sur trois pieds alors qu’un enfant est le fruit de l’union de deux personnes.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. Je fais partie de la liste des signataires de l’amendement n° 74 rectifié ter.
En France, aux termes du code civil et du code de la santé publique, le don de gamètes est anonyme, au même titre que le don de tout élément ou produit du corps humain. Les dérogations à ce principe ne se justifient que pour des nécessités thérapeutiques.
Ainsi, les enfants nés grâce à un don de sperme ou d’ovocytes ignorent leurs origines génétiques.
Dans certains pays européens comme les Pays-Bas, la Suède ou la Suisse, les enfants nés grâce à l’assistance médicale à la procréation ont la possibilité de connaître l’identité du donneur. L’argument avancé pour justifier cela est l’intérêt prioritaire de l’enfant à connaître ses origines génétiques afin qu’il puisse reconstituer un bout manquant de son histoire.
Pour ma part, je pense que cet intérêt doit être relativisé, car cet enfant risque de fonder de faux espoirs quant à ce tiers donneur. Par ailleurs, il ne faudrait pas qu’il oublie que ses origines sont surtout à rechercher dans sa propre histoire. Le donneur lui a donné ses gamètes, mais pas son histoire.
C’est le père et la mère, et non cette tierce personne, qui ont eu envie d’avoir un enfant, lequel se construit par rapport à ses parents, à l’amour et à l’éducation qu’ils lui ont donnés, et non par rapport à ses gènes.
Ce sont ses premiers pas, ses premières émotions, ses premières expressions, ses premières erreurs, ses premières amours qui constituent son histoire, pas les spermatozoïdes dont il est issu.
Les raisons médicales, en revanche, me semblent recevables. C’est pourquoi je souhaiterais, pour ma part, que l’on puisse dissocier ces deux éléments, par exemple en constituant un dossier de traçabilité génétique qui permette de répondre aux problèmes médicaux qui pourraient se poser.
En revanche, lever l’anonymat d’un don de gamètes ne ferait qu’ajouter de la confusion à une situation qui est déjà difficilement vécue par certains enfants.
Les temps sont marqués par une obligation absolue de transparence. Halte à ce faux modernisme ! Halte à ce terrorisme de la transparence ! Les conséquences d’une levée systématique de certains secrets, y compris dans ce domaine, sont potentiellement plus graves que les avantages qu’on peut en attendre.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Charles Gautier. Par ailleurs, cette levée du secret n’encouragera pas les donneurs potentiels de gamètes, déjà trop peu nombreux. Ils ne considèrent pas ces enfants comme les leurs et auront peur, comme l’a remarquablement dit Richard Yung, de les voir leur demander des comptes des années après.
L’anonymat est, avec la gratuité, l’un des principes essentiels de la bioéthique, et je pense qu’il serait extrêmement dangereux de céder sur cette position.
Afin de ne pas rendre plus complexe une situation qui l’est déjà, l’anonymat des donneurs de gamètes ne doit pas, à mon sens, être levé. C’est pourquoi j’ai cosigné cet amendement. (MM. Christian Cointat, Jean-Pierre Godefroy et Richard Yung applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Ce débat passionnant, car passionné, est d’autant plus intéressant qu’il dépasse très largement les clivages politiques. Il touche véritablement à l’essence même de notre conception de la vie.
Je voterai ces amendements de suppression, sans toutefois m’en satisfaire pleinement.
Je me retrouve dans les propos de notre collègue Charles Gautier, comme dans ceux d’Isabelle Debré : c’est un problème d’histoire, et non d’identité. Il faut faire la différence entre les deux.
Je trouve naturel qu’un enfant conçu à la suite d’un don de gamètes veuille connaître son histoire. Mais cela ne veut pas forcément dire qu’il ait besoin de connaître l’identité de son géniteur. S’il a besoin de connaître les antécédents médicaux de celui-ci, ainsi que d’autres informations, il n’a pas besoin de savoir qu’il s’appelle M. Dupont ou M. Martin.
Ces informations ne lui apporteraient rien, sauf à risquer, comme l’a très justement souligné Richard Yung, de le voir s’immiscer dans la vie d’une famille déjà constituée. (Protestations sur diverses travées.)
Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est pas ainsi que cela se passe !
M. Christian Cointat. Il est donc préférable de garder l’anonymat.
En revanche, la navette pourrait être l’occasion, non pas de lever l’anonymat du donneur, mais de lever l’anonymat du profil médical, social ou autre de ce dernier afin que l’enfant puisse reconstituer son histoire, et non pas son état civil, ce qui n’est absolument pas la même chose.
Nous devons être conscients des dangers d’une trop grande transparence. Qui nous dit que, demain, ce ne sera pas le donneur qui souhaitera savoir ce qu’est devenu l’enfant qui a pu naître de son don ?
Mme Raymonde Le Texier. En effet !
M. Christian Cointat. Et que ce ne sera pas lui qui débarquera dans une famille en s’exclamant : « C’est moi le papa ! ».
Il me semble, dès lors, préférable de ne pas lever l’anonymat, mais de poursuivre la réflexion afin que l’on puisse véritablement communiquer à l’enfant qui le souhaite le profil médical, social, et personnel complet de son géniteur, à l’exclusion de son état civil.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Le groupe socialiste est largement favorable au maintien de l’anonymat, mais, à titre personnel, et après une longue réflexion, j’ai soutenu la levée de l’anonymat sur les dons de gamètes, et je voudrais m’en expliquer en quelques mots.
Bien sûr, comme chacun d’entre nous, je suis attachée aux deux principes qui fondent notre législation en matière de bioéthique, à savoir la non-marchandisation du corps et l’anonymat des dons.
Je fais également pleinement la distinction entre origine biologique et filiation. La transmission d’un patrimoine génétique ne vaut en rien certificat de parent.
Enfin, j’entends aussi certaines des leçons tirées des pays qui ont déjà levé l’anonymat, telle la baisse du nombre des dons pendant une période transitoire ou encore, par exemple, la relance du secret dans les familles qui y ont eu recours.
Néanmoins, pourquoi défendre la levée de l’anonymat ?
Il ne s’agit pas d’une obsession de la transparence, ni uniquement de celle de la primauté du droit de l’enfant. En réalité, il s’agit bel et bien du droit des individus à disposer de leur histoire, quelle qu’elle soit, car personne ne peut décider pour autrui de ce qui constitue ou non son histoire.
Si je fais la distinction dans la mosaïque des situations particulières où la quête des origines est à vif entre l’adoption, l’accouchement sous X ou la procréation avec un tiers, mon expérience professionnelle comme ma réflexion m’amènent à penser que ces dernières ont, malgré tout, quelque chose en commun : le besoin de connaître d’où l’on vient, de qui l’on vient.
Bien sûr, ce besoin est intrinsèquement subjectif. Il prend des formes et des intensités très différentes. Mais, exprimé ou retenu, il a un impact sur chaque individu.
Dès lors qu’il est clair pour tous – donneur, parents, enfant – que le don ne fait pas le parent, ni même un début de commencement de parent, pourquoi, dès lors, empêcher l’accès à l’identité du donneur ?
Quel non-dit, quelle pensée informulée, quelle crainte, à la vérité, vient encore justifier l’anonymat ? Quel est ce péril si terrifiant qui transforme le don, par nature humaniste et louable, en une chose à taire, à dissimuler, à masquer ?
Que les défenseurs de l’anonymat se rassurent : en levant l’anonymat sur les dons de gamètes, nous n’ouvrirons pas la boîte de Pandore, parce qu’il n’y en a pas.
Les donneurs ne risquent pas de voir sonner à leur porte, dix-huit ans après avoir fait un don, une colonie de jeunes gens en quête d’un père, car ce n’est pas de cela qu’il s’agit ! La plupart de ces jeunes gens veulent tout simplement avoir accès à cette pièce du puzzle, à cette infime part d’eux-mêmes, sans doute secondaire, mais lancinante.
À cet égard, j’évoquerai le cas d’une jeune femme née à la suite d’un don. À chaque fois qu’elle croisait, dans la rue, un homme à la quarantaine passée, blond aux yeux bleus, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si c’était celui qui lui avait transmis sa blondeur et ses yeux bleus.
M. Jean Desessard. Oh !
Mme Raymonde Le Texier. Cette pensée n’était en rien une épée Damoclès au-dessus d’elle ; il ne s’agissait que d’un questionnement récurrent.
Qu’on le regrette ou non, nous sommes aujourd’hui obligés de reconnaître que l’individu est un tout, un tout composé d’une part d’affectif, de social et de biologique.
Concernant les questions de la parentalité et de la filiation, la société évolue plus vite et plus en profondeur que nous ne lui en donnons crédit. La levée de l’anonymat sur les dons de gamètes, loin d’être une révolution qui fera s’effondrer le modèle familial, sera, en réalité, une aide à l’apaisement de ces situations, précisément en les banalisant, en les normalisant.
Voilà pourquoi je ne voterai pas les trois amendements de suppression, dont l’un est soutenu par la majorité du groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Comme nombre d’entre vous, j’ai beaucoup douté. J’ai entendu les arguments avancés de part et d’autre, notamment ceux de notre collègue Richard Yung, et je dois dire qu’ils m’ont tous véritablement ébranlé.
Quand on doute, il faut revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire aux conventions internationales, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant.
On ne peut rappeler la Convention d’Oviedo et affirmer, dans le même temps, que l’accès aux origines est un droit non pas absolu, mais à géométrie variable, en fonction de données extérieures à l’enfant. Ce n’est pas le choix de l’enfant. Soit l’enfant a le droit absolu de connaître ses origines, soit il ne l’a pas. Mais, en aucun cas, il ne saurait être question d’ouvrir un droit à géométrie variable.
J’ai bien entendu tout ce qui a été dit sur le secret de famille. En général, un secret est fait pour protéger. Mais, dans cette affaire, qui veut-on protéger ? L’enfant ? La famille ? Ou, au fond, le géniteur ?
Mme Raymonde Le Texier. Les parents !
M. Dominique de Legge. Pour ma part, je ne suis pas du tout convaincu que l’enfant soit ici au cœur des préoccupations.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr que non !
M. Dominique de Legge. Je crains que ce ne soit autre chose !
Je partage le point de vue, développé par certains de nos collègues, selon lequel la parentalité comporte incontestablement deux dimensions : une dimension biologique et une dimension sociale. Toutefois, on ne saurait poser le problème en termes d’accès à la traçabilité.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est horrible !
M. Dominique de Legge. J’ai été gêné d’entendre de tels propos. Cela revient à considérer que l’enfant n’est, en quelque sorte, je suis désolé de le dire, qu’un bien de consommation.
Or, quelle que soit notre appartenance politique, nous sommes un certain nombre ici à penser que le gamète n’est pas un bien de consommation courant. Le don de gamètes n’est pas un don comme les autres.
Pour ma part, je suis très clairement pour la levée de l’anonymat. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mon explication de vote sera brève.
Les sénatrices et sénateur Verts ayant cosigné l’amendement n° 74 rectifié ter, dont l’objet est de maintenir l’anonymat du don de gamètes tel qu’il existe aujourd'hui, je fais miens les arguments avancés par mes collègues Jean-Pierre Godefroy, Richard Yung et Charles Gautier. C’est pourquoi nous voterons ces trois amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis frappée de constater l’absence, dans notre débat, de référence aux études réalisées par les psychologues, les psychanalystes et les anthropologues français et étrangers, alors que ceux-ci ont réalisé des enquêtes, ainsi que des suivis de familles et d’enfants, depuis maintenant trente ans.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La position défendue par notre commission rejoint les conclusions auxquelles ils sont généralement parvenus. Cela explique le fait que onze pays occidentaux aient levé l’anonymat des donneurs de gamètes.
En outre, je note également que l’on a, en France, beaucoup trop tendance – et pas seulement sur ce sujet ! – à aborder ces questions abstraitement sur la base d’oppositions idéologiques : le génétique contre le social, par exemple. Mais le débat d’aujourd'hui ne se pose pas du tout en ces termes.
Dans le cadre de la procréation naturelle, le développement social et la personnalité de l’enfant se construisent sur l’héritage génétique.
Ainsi, la famille Bach a un don pour la musique, un don qui a été cultivé sur plusieurs générations. Pour prendre un exemple plus récent, Jean-Marie Périer a le talent musical d’un père qu’il ne connaît pas. Or, dès qu’il découvre que son père est Henri Salvador, il cesse définitivement le piano sur lequel il jouait des pièces de jazz, au motif que le père qu’il aime est François Périer et qu’il ne veut pas entendre parler de son père biologique.
Tous les cas de figure sont possibles. Ainsi, Éric Fottorino, qui découvre tardivement son père génétique, car il lui avait été interdit d’être son père social en raison de son judaïsme, a l’émotion de découvrir que celui-ci a les jambes aussi grêles que les siennes.
Il n’existe donc pas d’opposition entre le génétique et le social : l’un se construit sur l’autre quand les circonstances le permettent.
Pour l’enfant né d’une assistance médicale à la procréation, la primauté de l’affection et de l’éducation familiale efface le plus souvent la recherche de l’origine génétique.
Toutefois, les cliniciens connaissent bien, au quotidien, les difficultés rencontrées par les adolescents issus d’une assistance médicale à la procréation, qui peinent à se structurer, surtout les garçons, car ils n’ont aucun modèle familial masculin qui leur ressemble. Ainsi, ils ont toutes les peines du monde à faire coïncider leur tempérament, ce qui est de l’ordre du génétique, avec ce qui a forgé leur histoire familiale et leur éducation. Pourquoi nier ces réalités ?
Pour ma part, j’estime que la rédaction proposée par la commission répond à ces besoins, des besoins souvent minoritaires, parce que, je le répète, l’éducatif et l’affectif dominent très nettement le biologique. Toutefois, ne négligeons pas le besoin de certaines personnes nées de l’AMP de connaître leur origine biologique. En effet, ce sont, bien évidemment, non pas des parents qu’elles recherchent, mais tout simplement des réponses aux questions existentielles qu’elles se posent.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je voterai bien évidemment contre ces trois amendements identiques, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, je tiens à rappeler que la connaissance des origines ne doit pas effrayer. En tout cas, elle n’entraîne pas une filiation juridique, comme certains veulent le faire croire. En réalité, arrêtons de fantasmer sur ce point, car cette question ne pose pas de problème juridique.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ensuite, imposer à un être humain un secret sur ses origines est, à mes yeux, une violation pure et simple de ses libertés. Je suis d’ailleurs assez étonnée de la position de certains collègues, car je pensais que le Sénat – et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité siéger dans cette enceinte ! – était vraiment très attaché au respect des libertés, individuelles notamment.
Enfin, il importe de responsabiliser les dons, notamment les dons de gamètes dans la mesure où il s’agit d’un acte d’hérédité.
De mon point de vue, le don doit être, en la matière, assumé. On ne peut nier le fait que les personnes nées de dons de gamètes sont multiples, plurielles. Respectons l’héritage de leur histoire et, surtout, ne les privons pas de cette possibilité de connaître leur origine.
D’ailleurs, faisons attention aux mots qui sont employés. Je le dis très clairement, je n’ai pas beaucoup aimé que l’on utilise le terme de « traçabilité ».
Je tiens à féliciter la commission des affaires sociales d’avoir pris une position courageuse. À cet égard, je dois dire que j’ai souvent ressenti, au cours du débat, une différence d’appréciation entre les femmes et les hommes, ce qui m’interpelle.
M. Alain Milon, rapporteur. C’est évident !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Tout à fait !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Or, vous le savez tous, les uns et les autres, je ne suis pas une féministe.
Le nombre de femmes étant très inférieur dans cette enceinte,…
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Aujourd’hui, nous sommes nombreuses !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … je suis sans illusion sur l’issue du vote. Mais je tiens à renouveler mes félicitations à l’endroit de la commission, qui a su transcender un certain nombre de positions. D’ailleurs, ce débat a permis de mettre au jour des contradictions, qui m’embarrassent, par rapport à ce qui a été voté précédemment.
Mme Marie-Thérèse Hermange. En effet !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. J’espère que la navette parlementaire permettra d’améliorer les choses, car certains, par leurs propos, ont soulevé des questions dont ils ne mesurent pas l’importance,...
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. La gravité !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … même si le vote a eu lieu par scrutin public. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous nous sommes exprimés très clairement sur cet article 14.
La majorité de notre groupe votera contre les trois amendements identiques de suppression de l’article 14, mais mes collègues Éliane Assassi et Brigitte Gonthier-Maurin voteront pour.
C’est donc la majorité de notre groupe qui est favorable à la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Je ferai une observation de forme.
Selon Mme Marie-Thérèse Hermange, je n’ai cité que partiellement la position du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
Je connais trop la perversité de la technique qui consiste à extraire un élément de discours ou d’intervention pour le replacer dans un contexte totalement différent afin d’en tirer les avantages que cela peut apporter. Cette façon de faire est perverse et abominable, et je tiens à affirmer que je ne l’ai pas utilisée.
Le propos que j’ai tenu était fondé sur l’avis n° 90 Accès aux origines, anonymat et secret de la filiation du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, et plus précisément sur le paragraphe qui figure à la page 24 et qui porte sur le sujet que nous évoquons.
J’ajoute que ce point de vue fait partie des recommandations figurant à la fin de cet avis et a été soutenu par M. Patrick Gaudray lors de l’audition que j’ai organisée. J’ai tout lieu de penser que, par éthique à l’égard du Comité dont il est membre, ce dernier a tenu à respecter cette position.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Au début de la matinée, j’ai expliqué les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales avait adopté son texte. Permettez-moi de revenir sur quelques points.
Tout d’abord, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et moi-même sommes satisfaits. Nous souhaitions un débat le plus ouvert possible et de haute tenue. Ce fut le cas, et je vous en remercie.
Tout à l’heure, Marie-Thérèse Hermange a évoqué l’historique, qui est important dans cette affaire. Le don de gamètes a débuté en 1976, sans encadrement législatif. L’exemple suivi alors a été celui qui prévalait pour le don du sang, à savoir l’anonymat et la gratuité, ce que le législateur a maintenu en 1994 pour les gamètes comme pour le reste.
En 1976, la société française n’était pas celle d’aujourd’hui. Si l’anonymat a été mis en place, c’était pour respecter le secret familial, qui, à l’époque – ce n’est plus le cas maintenant, heureusement ! –, était la honte de la stérilité.
Aujourd’hui, je le dis clairement, il n’y a plus aucune raison d’avoir honte de quoi que ce soit, en particulier de la stérilité. La société ayant évolué, il me semble possible d’admettre la levée de l’anonymat.
Certains d’entre vous ont pensé qu’on allait favoriser le secret de famille et décourager les parents de dire à l’enfant la réalité de sa conception. Mais, si l’on en juge par les dernières études qui ont été menées en Suède, il n’y a pas de variation notable dans le maintien du secret dans la famille ; les chiffres sont sensiblement restés les mêmes. Par conséquent, le secret n’est pas plus en danger qu’avant.
J’en viens à une remarque que nous nous étions faite, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et moi-même, et qui a été reprise par quelques-uns de nos collègues.
Il est vrai que les hommes s’identifient systématiquement aux donneurs. Mais, messieurs, vous n’êtes pas les seuls ! Les enfants qui iront frapper à la porte de leur donneur pourront tout aussi bien dire : « Bonjour maman ! ». Laissez-leur au moins cette chance ! (Sourires.)
Des termes employés m’ont fortement déplu : ce sont ceux de « terrorisme de la transparence ». Il y aurait, par la même occasion, un « terrorisme de la génétique ». Ce qui prévaut dans cette affaire, ce n’est nullement un terrorisme de la transparence ; c’est plutôt la volonté de la vérité. Ce n’est pas la même chose et on ne peut nier qu’elle est nécessaire à l’équilibre de tous les acteurs.
Quant à la génétique, elle ne forme pas totalement la personnalité.
M. Charles Revet. Elle y participe quand même aussi !
M. Alain Milon, rapporteur. Bougrement, même !
M. Charles Revet. Ah oui !
M. Alain Milon, rapporteur. Mais l’environnement joue pour beaucoup aussi. Par conséquent, je ne suis pas d’accord non plus avec les termes de « terrorisme génétique ».
M. Gilbert Barbier a conclu son intéressante intervention en disant que nous allions modifier la levée de l’anonymat pour une centaine de gamins, c’est-à-dire, pour lui, un petit nombre de personnes. Mais je vous signale qu’au cours du débat nous aborderons la question de l’autorisation de transfert d’embryons post mortem, laquelle ne vise qu’un cas par an !
Quoi qu’il en soit, tous les cas sont intéressants et méritent d’être débattus au sein de cet hémicycle !
Je reviens également sur le propos de notre collègue Dominique de Legge. Effectivement, il est important de respecter les conventions que la France a signées. En l’occurrence, il s’agit de la Convention relative aux droits de l’enfant. Je suis complètement d’accord. Sinon, pourquoi les avoir signées ?
Enfin, j’en viens à l’intervention de M. Cointat. Selon lui, voter la suppression de l’article permettrait de réfléchir sur le sujet à l’occasion de la navette. Non, car on en reviendrait alors au texte de l’Assemblée nationale et, le vote étant alors conforme, l’article ne ferait pas l’objet de la navette !
M. Christian Cointat. Très juste ! Dommage ...
M. Alain Milon, rapporteur. Remarquez, la séance s’achèverait plus vite et M. le président serait content ! (Sourires.)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas pressés !
M. Alain Milon, rapporteur. Par conséquent, si la suppression était votée, l’article ne serait pas réexaminé au cours de la navette.
M. le président. Je vous rassure, la séance sera suspendue à treize heures ! (Nouveaux sourires.)
Par la qualité de nos débats de ce matin, nous avons assuré la tenue d’un débat de qualité demain…
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Avant que vous ne vous prononciez sur les amendements identiques, je tiens à saluer la richesse du débat qui a eu lieu.
La position de chacun est tout à fait respectable et honorable. Une chose est sûre, il n’existe aucun dispositif idéal, aucune vérité en la matière, car ce n’est pas une science exacte. C’est bien pourquoi le sujet est si délicat à traiter.
Personnellement, j’ai beaucoup apprécié la qualité des échanges et je vous remercie de la hauteur de vues qui a été la vôtre.
Je terminerai en rappelant la position du Gouvernement. Il est favorable au maintien de l’anonymat des donneurs de gamètes et donc favorable aux amendements identiques présentés par Gilbert Barbier, Jean-Pierre Godefroy et Isabelle Debré.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié, 74 rectifié ter et 116 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du Gouvernement et, l'autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 182 :
Nombre de votants | 278 |
Nombre de suffrages exprimés | 272 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 137 |
Pour l’adoption | 199 |
Contre | 73 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 14 est supprimé.
L'amendement n° 152, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En outre, à sa demande et sous réserve du consentement exprès du ou des intéressés, l’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur accède à l’identité de tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
Demande de réserve
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 113 rectifié quinquies avait réservé jusqu’à cet instant. Cependant, afin de tenir compte du vote qui vient d’intervenir, monsieur le président, il convient d’en différer de nouveau l’examen. Aussi, je demande la réserve de cet amendement jusqu’après l’examen de l’article 18.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La réserve est de droit.
Article 15
I. – Le chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 1244–2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2013, le donneur est informé, avant le recueil du consentement prévu au premier alinéa, de la possibilité, pour tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur, de demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives au donneur, et à son identité, dans les conditions prévues aux articles L. 2143–1 et suivants. » ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 1244–7, les mots : « du principe d’anonymat et du principe de gratuité » sont remplacés par les mots : « du principe de gratuité et du principe d’anonymat, ainsi que, conformément au dernier alinéa de l’article L. 1244–2, de la possibilité, pour tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur, d’accéder à certaines informations à sa majorité ».
II. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° À l’article L. 2141–5, il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2013, préalablement au consentement prévu aux deux alinéas précédents, les membres du couple, ou son membre survivant, sont informés de la possibilité, pour tout enfant né de l’accueil d’un embryon, de demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives aux personnes dont les gamètes ont permis sa conception, et à leur identité, dans les conditions prévues aux articles L. 2143–1 et suivants. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2141–6 est complétée par les mots : « et des conditions dans lesquelles celui-ci peut demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives aux personnes dont les gamètes ont permis sa conception, et à leur identité » ;
3° Le septième alinéa de l’article L. 2141–10 est complété par les mots : « et, le cas échéant, à la possibilité pour tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur d’accéder à certaines informations à sa majorité ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour faire le point sur les amendements de suppression, qui sont coordonnés à ceux qui viennent d’être adoptés.
M. Alain Milon, rapporteur. Le sort de l’article 14 détermine celui des articles 15, 16, 17 et 18.
La commission émettra bien évidemment un avis défavorable sur tous les amendements de suppression de ces articles. Mais j’ai bien l’impression que cela ne sert plus à grand-chose !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas la peine de perdre notre temps !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n’aurait aucun sens !
M. le président. Notre débat s’est déroulé jusqu’à présent dans la plus grande sérénité. En tant que président de séance, je ne peux m’opposer à la présentation d’amendements, mais je me dois de vous interroger, mes chers collègues, sur le déroulement de nos débats.
Dans la mesure où le Sénat s’est exprimé par scrutin public et qu’il existe une coordination de fait entre les articles 14, 15, 16, 17 et 18, considérez-vous que le vote que vous venez d’émettre et qui a pour conséquence de supprimer l’article14 emporte, dans sa logique, la suppression des articles 15, 16, 17 et 18 ?
Vous n’êtes pas obligés de me faire grief de cette procédure improvisée ! (Sourires.) Si certains d’entre vous sont opposés à cette proposition, nous en reviendrons à l’examen de l’ensemble des amendements.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, considérant que les amendements que j’avais déposés sur les articles 15, 16, 17 et 18 étaient défendus, je n’avais pas l’intention de m’exprimer de nouveau. Par conséquent, je souscris à la proposition que vous venez de formuler.
M. le président. Est-ce également votre position, monsieur Collin ?
M. Yvon Collin. Absolument, monsieur le président.
M. le président. Madame Debré, vous ralliez-vous à cette proposition ?
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Estimant l’article 14 capital, notre groupe n’avait pas déposé d’amendements sur les articles 15, 16, 17 et 18.
Mme Brigitte Bout. Quel visionnaire ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Toutefois, nous partageons votre analyse, monsieur le président, et souscrivons à l’idée selon laquelle il n’y a pas lieu de discuter de ces articles.
M. le président. Nous allons donc procéder ainsi.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 81 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 117 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Bruguière, Sittler et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 rectifié, 81 rectifié ter et 117 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 15 est supprimé.
L'amendement n° 153, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le donneur est informé, avant le recueil du consentement prévu au premier alinéa, de la possibilité, pour tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur, de demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives au donneur et, sous réserve du consentement exprès de celui-ci, à son identité, dans les conditions prévues aux articles L. 2143-1 et suivants. »
II.- Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Préalablement au consentement prévu aux deux alinéas précédents, les membres du couple, ou son membre survivant, sont informés de la possibilité, pour tout enfant né de l’accueil d’un embryon, de demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives aux personnes dont les gamètes ont permis sa conception et, sous réserve du consentement exprès de celles-ci, à leur identité, dans les conditions prévues aux articles L. 2143-1 et suivants. »
III.- Alinéa 8
Remplacer les mots :
, et à leur identité
par les mots :
et, sous réserve du consentement exprès de celles-ci, à leur identité
Cet amendement n’a plus d’objet.
Article 16
Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du même code est complété par un chapitre III intitulé : « Accès à des données non identifiantes et à l’identité du donneur de gamètes » et comprenant les articles L. 2143–1 à L. 2143–10 ainsi rédigés :
« Art. L. 2143–1. – Pour l’application du présent chapitre, les notions de tiers donneur, de donneur ou de donneuse de gamètes s’entendent de toute personne, autre que les parents de l’enfant, dont les gamètes ont permis la conception de celui-ci dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation.
« Art. L. 2143–2. – Tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur peut, à sa majorité, accéder à des données non identifiantes relatives au donneur.
« Tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur et né après le 1er janvier 2014 peut également, à sa majorité, accéder, s’il le demande, à l’identité du donneur.
« Art. L. 2143–3. – Au moment du don de gamètes, le médecin recueille l’identité du donneur ainsi que, sauf lorsqu’il apparaît de façon manifeste qu’elles permettraient son identification, des informations dont la liste est fixée par arrêté. Ces informations portent sur :
« 1° L’âge du donneur ;
« 2° Son état de santé ;
« 3° Ses caractéristiques physiques ;
« 4° Sa situation familiale et sa catégorie socioprofessionnelle ;
« 5° Sa nationalité ;
« 6° Les motivations de son don.
« Le donneur a la faculté de s’opposer au recueil des informations mentionnées aux 4°, 5° et 6°.
« Art. L. 2143–4. – Les données mentionnées à l’article L. 2143–3 sont conservées par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142–1 dans des conditions garantissant strictement leur confidentialité.
« Art. L. 2143–5. – L’enfant qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au donneur recueillies au moment du don de gamètes ou à l’identité du donneur s’adresse à la commission mentionnée à l’article L. 2143–6.
« En cas de demande d’accès aux données non identifiantes, la commission fait droit à cette demande après avoir vérifié que les données communiquées respectent le principe d’anonymat mentionné à l’article L. 1211–5.
« En cas de demande d’accès à l’identité du donneur, la commission y fait droit.
« Art. L. 2143–6. – Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur de gamètes est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est composée, sans qu’aucune catégorie puisse représenter plus du tiers de ses membres :
« 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire et d’un membre de la juridiction administrative ;
« 2° De représentants des ministères concernés ;
« 3° De personnalités qualifiées dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ainsi que dans le domaine des sciences humaines et sociales ;
« 4° De représentants d’associations familiales.
« Art. L. 2143–7. – I. – La commission mentionnée à l’article L. 2143–6 se prononce :
« 1° Sur les demandes d’accès à des données non identifiantes ;
« 2° Sur les demandes d’accès à l’identité du donneur de gamètes ;
« 3° À la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données.
« II. – Sont assurés sous l’autorité de la commission :
« 1° Les demandes de communication des données mentionnées à l’article L. 2143–3 auprès des structures mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 2142–1 ;
« 2° La communication des données mentionnées au 1° aux demandeurs ;
« 3° L’accompagnement des demandeurs.
« Art. L. 2143–8. – Les organismes et établissements conservant des données mentionnées à l’article L. 2143–3 sont tenus de les communiquer à la commission sur sa demande.
« Art. L. 2143–9. – Lorsque, pour l’exercice de sa mission, la commission demande la consultation de documents d’archives publiques, les délais prévus à l’article L. 213–2 du code du patrimoine ne lui sont pas opposables.
« Art. L. 2143–10. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, et notamment :
« 1° La durée de la conservation des données mentionnées à l’article L. 2143–3 ;
« 2° Les obligations auxquelles sont tenus les organismes et établissements conservant de telles données lorsqu’ils cessent leur activité ;
« 3° La composition de la commission prévue à l’article L. 2143-6.
« Les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles sont traitées les données mentionnées à l’article L. 2143–3 sont prises après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 50 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 82 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 118 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Sittler, Bruguière et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 rectifié, 82 rectifié ter et 118 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 est supprimé.
L'amendement n° 154, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il peut également, à sa majorité, accéder à l’identité du donneur, sous réserve du consentement exprès de celui-ci.
II. - Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
si ce dernier, après avoir été informé de la demande, consent expressément et par écrit à cet accès
III. - Après l'alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 1° bis La mise en œuvre des moyens nécessaires pour retrouver les donneurs de gamètes afin de solliciter leur consentement et le recueil de ce consentement ;
IV. - Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2143–8–1. – Sous réserve des dispositions de l’article 6 de la loi n° 51–711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, les administrations ou services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de réunir et de communiquer à la commission sur sa demande les renseignements dont ils disposent permettant de déterminer l’adresse du donneur de gamètes.
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Dini, Létard et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 29
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° La tenue d'un registre répertoriant les donneurs de gamètes ayant effectué un don avant le 1er janvier 2013, qui acceptent la levée de l'anonymat, au cas où un enfant issu du don et devenu majeur le demande.
« Dans des conditions définies par voie réglementaire, la commission reçoit et examine les demandes de levée d'anonymat des enfants nés avant le 1er janvier 2014. Si le donneur a consenti à la levée de l'anonymat, elle fait droit à la demande et en informe le donneur. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 164, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 32
Après les mots :
Conseil d'État
insérer les mots :
pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
II. - Alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n’a plus d’objet.
Article 17
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 16–8 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de l’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, à sa demande, à des données non identifiantes relatives à tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique.
« Il ne peut être dérogé à ce principe d’anonymat qu’à la suite d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, au bénéfice et à la demande de l’enfant majeur, né après le 1er janvier 2014, qui en est issu dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 311–19, après les mots : « à l’encontre du donneur », sont insérés les mots : « à raison du don ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 51 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 83 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 119 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Sittler, Bruguière et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 rectifié, 83 rectifié ter et 119 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé.
L'amendement n° 155, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
, né après le 1er janvier 2014, qui en est issu
par les mots :
qui en est issu, et sous réserve du consentement exprès du ou des tiers dont les gamètes ont permis la conception de l’enfant,
Cet amendement n’a plus d’objet.
Article 18
I. – À l’article 511–10 du code pénal, les mots : « Le fait de divulguer une information » sont remplacés par les mots : « Sauf dans les cas où la loi le prévoit, le fait de divulguer une information ».
II. – À l’article L. 1273–3 du code de la santé publique, les mots : « Le fait de divulguer une information » sont remplacés par les mots : « Sauf dans les cas où la loi le prévoit, le fait de divulguer une information ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 52 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 84 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 120 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Sittler, Bruguière et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 rectifié, 84 rectifié ter et 120 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 est supprimé.
Article additionnel avant l'article 14 (précédemment réservé)
M. le président. Mes chers collègues, nous en revenons à l’amendement n° 113 rectifié quinquies, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux, et qui avait été précédemment réservé. Pour la clarté du débat, j’en rappelle les termes :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout citoyen majeur né après la date de publication de la présente loi qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tout document lui permettant d'obtenir réponse à ses interrogations.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Si les articles 14, 15, 16, 17 et 18 n’avaient pas été supprimés, la commission aurait émis un avis défavorable sur l’amendement n° 113 rectifié quinquies. Tel n’étant pas le cas, j’y suis désormais, pour ma part, extrêmement favorable ! (Sourires.)
M. Charles Revet. Merci, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, par cohérence avec ses positions précédentes.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que j’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du Gouvernement sur l’amendement n° 113 rectifié quinquies.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bien que j’aie eu l’intention, dans un premier temps, de m’abstenir, je voterai cet amendement.
Je le ferai sans illusion, compte tenu des manœuvres qui sont à l’œuvre, notamment par le recours au scrutin public. Il s’agira, comme Alain Milon, d’un vote de réaction contre une telle situation, la portée de cet amendement étant, à mon sens, beaucoup trop large. Je le voterai toutefois avec plaisir, car ce sera pour moi l’occasion de faire entendre de nouveau ma position sur ces questions.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour ma part, je m’interroge sur la logique de cet amendement, qu’il convient sans doute de relire.
M. Alain Milon, rapporteur. Il est très bien rédigé !
M. Jean-Pierre Godefroy. Certes ! Mais il soulève tout de même un problème.
Sa rédaction est en effet la suivante : « Tout citoyen majeur né après la date de publication de la présente loi qui ne dispose pas d’informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tout document lui permettant d’obtenir réponse à ses interrogations. »
Une telle disposition me paraît en totale contradiction avec les votes qui viennent d’intervenir !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est fait référence à la date de publication du présent texte, lequel ne prévoit plus la levée de l’anonymat. Comment une telle mesure pourrait-elle s’articuler avec les autres dispositions adoptées ?
M. Alain Milon, rapporteur. Peu importe ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est votre avis, ce n’est pas le mien !
Par ailleurs, je souhaite répondre rapidement à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx (Brouhaha sur les travées de l’UMP.), qui ne m’écoute pas, mais ce n’est pas grave parce qu’elle a sans doute besoin de convaincre son propre groupe. (Le brouhaha s’amplifie sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, l’expression de vos opinions personnelles ne doit pas transformer cet hémicycle en salle de meeting ! (Sourires.) M. Godefroy a seul la parole.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame Des Esgaulx, vous évoquiez tout à l’heure, à propos des votes, des « manœuvres ». Or, dans un régime démocratique, il faut accepter les modes de scrutin. Par ailleurs, s’il y a quelqu’un, dans cet hémicycle, qui a toujours contesté le scrutin public, c’est bien moi ! Malheureusement, il n’a pas été abrogé par la majorité de notre assemblée.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Vous avez raison !
M. Jean-Pierre Godefroy. Par conséquent, nous accuser de « manœuvre » à la suite d’un scrutin qui vous est défavorable…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela ne vous était pas particulièrement destiné, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez adressé votre critique à chacun d’entre nous ! Quoi qu’il en soit, je vous remercie de cette rectification.
Conformément à la logique des votes qui viennent d’intervenir, même si je considère que M. Revet soulève des problèmes autres que ceux auxquels ce projet de loi nous invite à réfléchir – je pense notamment à l’accouchement sous X et à l’adoption –, je voterai contre l’amendement n° 113 rectifié quinquies.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement. Premièrement, nous n’en avons pas discuté entre nous ; deuxièmement, il est totalement inopérant, car il s’inscrit dans une logique différente de celle qui a été adoptée par la majorité.
Toutefois, à titre personnel, conformément à ce que j’ai dit tout à l’heure, je le voterai, dans le cadre d’un débat particulièrement serein et parfaitement légitime, ces questions étant très complexes.
Pour ma part, je ne me sens pas toujours, sur de tels sujets, assurée, droite dans mes bottes, contrairement à certains, dont les positions semblent en béton et qui s’appuient sur des valeurs que je ne partage absolument pas, comme le secret, la supériorité de la génétique ou l’assimilation des gamètes aux autres organes.
Mes chers collègues, restons modestes dans nos propos et nos prises de positions !
À mes yeux, la question posée par notre collègue est tout à fait importante, parce qu’elle se place du point de vue non pas des adultes, mais du futur adulte.
On pourra toujours dire ce que l’on veut, mais la décision d’avoir un enfant, c'est-à-dire de faire naître ou d’adopter, est celle des deux parents. Elle ne concerne absolument pas le futur adulte qui, un jour, posera des questions sur ses origines.
Nous avons le devoir d’adopter son point de vue, même si ce n’est pas facile, car nous ne savons pas quel sera son désir : certains, en effet, ne veulent absolument rien connaître de leurs origines, alors que d’autres souhaitent apprendre la vérité. Telle est la réalité, et je ne crois pas que vous puissiez me démontrer le contraire !
Ces deux possibilités doivent donc être prises en considération. Si la personne ne veut pas se pencher sur son passé, il n’y a pas de problème ! Mais au nom de quoi peut-on interdire à quelqu’un d’apprendre son histoire ?
Personnellement, je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Indépendamment de la question de fond sous-tendue dans cet amendement, c'est-à-dire l’accès ou non aux informations relatives aux origines familiales, je ne voterai pas celui-ci, et ce pour deux raisons.
Premièrement, quoique d’une manière indirecte, il remet explicitement en cause la suppression de l’article 14 du projet de loi, que nous venons de décider. Aussi, je ne veux pas m’associer à une approche que je considère comme incohérente de la part de notre assemblée.
Deuxièmement, les auteurs de cet amendement établissent de fait une différenciation entre ceux qui seront nés postérieurement à la publication de la présente loi et ceux qui seront nés antérieurement. Cela signifie qu’il faudra distinguer entre deux catégories de citoyens : ceux qui auront le droit d’accéder à des informations relatives à leurs origines familiales et ceux qui ne disposeront pas de ce droit. J’estime que ce n’est absolument pas convenable.
M. le rapporteur a raison, si on vote conforme – ce que nous avons fait pour l’article 14 –, on ne pourra pas régler au cours de la navette le problème que j’ai évoqué tout à l’heure. Il faudra donc revenir sur ce sujet dans l’avenir. Je tiens tout de même à préciser que les origines ne se réduisent pas à l’état civil : ce n’est pas parce qu’on a accès à ses origines qu’on est nécessairement informé de l’état civil du géniteur.
À défaut de pouvoir régler, au cours de la navette, cette question qui peut se révéler douloureuse dans certaines circonstances, je souhaite que nous réfléchissions à une nécessaire solution d’ensemble.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Même si j’ai eu l’occasion de prendre position par mon vote, je ne suis pas entré, tout à l’heure, dans le vif du débat. Il n’en demeure pas moins que je ne comprends pas du tout les raisons pour lesquelles est examiné cet amendement alors même que, peut-être au regret de certains, nous avons supprimé l’article 14. Naïvement, je pensais que cet amendement était devenu sans objet.
Cependant, puisque nous devons nous prononcer sur celui-ci, je tiens à dire que je suis totalement défavorable à son adoption, pour des raisons de fond, bien sûr, mais pas uniquement.
J’espère que notre collègue Charles Revet ne m’en voudra pas, mais je me permets de lui dire que la rédaction de son amendement me paraît, sur le plan juridique, très incertaine.
M. Charles Revet. C’est fort possible, car je ne suis pas juriste.
M. François Zocchetto. D’abord, que faut-il entendre par « origines familiales » ? Vise-t-on les origines génétiques, l’origine du père, celle de la mère, celle du grand-père, celle des aïeux jusqu’à la cinquième génération ?
M. Charles Revet. La navette permettra d’améliorer la rédaction !
M. François Zocchetto. Je vois bien quelle est l’intention de notre collègue, mais j’attire l’attention du Sénat sur le caractère totalement flou et indéfinissable de la notion d’origines familiales.
Ensuite, il est question de « tout document ». Sont-ce des documents écrits, des fichiers informatiques ? On ne le sait pas !
Enfin, la formulation « répondre à des interrogations » est, elle aussi, très imprécise.
En conclusion, il serait extrêmement hasardeux de voter cet amendement à la rédaction fort peu « législative », d’autant que, je le répète, il aurait dû, selon moi, devenir sans objet.
M. le président. Mon cher collègue, si cet amendement n’est pas devenu sans objet à la suite de la suppression de l’article 14, la raison en est tout simplement que son champ est plus large que celui de l’article 14. De fait, les périmètres de l’un et de l’autre étant différents, je ne peux, en tant que président de séance, préjuger la position qu’adoptera le Sénat. Le règlement de notre assemblée m’impose donc de mettre en discussion puis aux voix cet amendement.
Nous verrons bien si la position du Sénat différera de celle qu’il a adoptée tout à l’heure.
Sur le fond, les propos que je viens de tenir ne remettent nullement en cause la cohérence de votre intervention, mon cher collègue. C’est un autre sujet.
Je mets aux voix l'amendement n° 113 rectifié quinquies.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 183 :
Nombre de votants | 258 |
Nombre de suffrages exprimés | 230 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 116 |
Pour l’adoption | 42 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote.
Lors du scrutin public n° 182 sur les amendements tendant à supprimer l’article 14, Mme Procaccia a été déclarée comme ayant voté contre, alors qu’elle souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Article 18 bis
L’article L. 1244–6 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Conformément à la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, toute personne, autorité publique, service ou organisme, et notamment les centres d’études et de conservation des œufs et du sperme, qui recueille et conserve des données à caractère personnel relatives aux donneurs de gamètes ou d’embryons, aux couples receveurs ou aux personnes issues des techniques d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, est soumis au contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Celle-ci a compétence pour contrôler les conditions dans lesquelles est effectué le recueil des données à caractère personnel à l’occasion des procréations médicalement assistées. La mise en place de tout traitement automatisé concernant ces données est soumise au respect des modalités de déclarations et d’autorisations préalables selon le type de données conservées, conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée. La commission a notamment compétence pour réaliser des contrôles sur place afin de s’assurer de la bonne conservation de ces données, quel qu’en soit le support.
« En cas de non respect de ces dispositions, elle peut mettre en œuvre les mesures prévues aux articles 45 à 52 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 précitée. » – (Adopté.)
Article 18 ter (nouveau)
Un arrêté du ministre en charge de la santé, pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, définit les règles de bonnes pratiques applicables à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. – (Adopté.)
Intitulé du titre V (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 151, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :
ACCÈS À DES DONNÉES NON IDENTIFIANTES ET À L’IDENTITÉ DU DONNEUR DE GAMÈTES
Compte tenu du débat, cet amendement a été retiré par Mme Cros.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
journée de la maladie de parkinson
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, lundi prochain aura lieu la Journée mondiale Parkinson. En France, cette maladie touche 150 000 personnes, et près de 14 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, notamment chez nombre d’adultes âgés de moins de 60 ans. C’est la deuxième maladie neurodégénérative par le nombre de personnes touchées. Or les malades de Parkinson n’ont jamais bénéficié d’une prise en compte globale de leur maladie. Eux et leurs proches se sentent oubliés, et ils l’ont exprimé avec force lors des états généraux qui se sont déroulés en 2010. Depuis, la mobilisation ne faiblit pas.
La maladie de Parkinson est en effet la grande oubliée des plans de santé publique mis en œuvre au cours des dix dernières années. C’est pourquoi un appel à signatures a été lancé auprès de personnalités politiques et médicales, en faveur d’un plan national Parkinson. Des centaines de signatures ont déjà été recueillies, notamment celles de près de 200 parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, qui soutiennent la demande d’un plan national.
L’absence de ce plan aboutit objectivement à des inégalités de traitement entre les diverses maladies neurodégénératives, mais aussi à des inégalités territoriales de traitement entre les malades de Parkinson. (M. René-Pierre Signé s’exclame.) De plus, ces malades ont le sentiment que leur souffrance n’est reconnue ni par les pouvoirs publics ni, plus largement, par l’opinion publique.
L’attente des malades et de leurs familles s’explique par la gravité de cette maladie, qui est mal connue, qui est fortement invalidante, médicalement et socialement, et qui touche de plus en plus de personnes jeunes et en activité. Face à cette situation, beaucoup pourrait être fait, sans pour autant mobiliser les moyens considérables affectés à d’autres maladies. Faute d’information suffisante, les traitements existants entraînent parfois des effets secondaires, qui sont à l’origine de plaintes judiciaires et de scandales médiatiques, comme cela a été récemment le cas.
Non seulement la qualité de vie des malades pourrait être largement améliorée, mais on contribuerait ainsi à réduire et à retarder le risque de dépendance. Au moment où celle-ci fait l’objet d’un grand débat national, et est inscrite au premier rang des priorités gouvernementales, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour soutenir efficacement les malades de Parkinson et leurs familles ? Le Gouvernement compte-t-il engager un plan national Parkinson pour que les malades bénéficient de la dynamique et des moyens inhérents à ce type de plan ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, on estime qu’il existe aujourd’hui entre 120 000 et 150 000 victimes de la maladie de Parkinson.
Ces malades et leurs familles nous demandent de les aider davantage. Leur message est très clair : vous l’avez reçu individuellement dans vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, et, comme l’a rappelé M. Jégou, nous l’avons aussi reçu collectivement.
Les malades et leurs familles ont le sentiment qu’il est des maladies dont on parle beaucoup et auxquelles on consacre de nombreux moyens, alors que ce n’est pas le cas pour la maladie de Parkinson.
Leur demande est totalement légitime. Toutefois, nombre de choses ont été faites. Par exemple, en 2009 et 2010, lorsque Roselyne Bachelot-Narquin était ministre de la santé, des états généraux se sont tenus sur le sujet et ont abouti à la rédaction d’un Livre blanc contenant vingt préconisations majeures, qu’un comité interministériel est chargé de mettre en pratique, sous l’égide du Directeur général de la santé.
Cependant, même si nous avons demandé à la Haute Autorité de santé de travailler sur cette question, le fait est qu’il nous faut structurer l’ensemble de la prise en charge.
Des décisions ont été prises. Ainsi, j’ai signé, le 21 janvier dernier, un décret permettant une prise en charge plus précoce au sein du parcours de soins. Désormais, celle-ci interviendra avant la prescription du deuxième traitement, qui était auparavant le point de départ de la prise en charge. Mais les associations nous demandent davantage encore.
Marie-Anne Montchamp ouvrira, lundi prochain, un colloque sur le sujet. Pour ma part, je rencontrerai la semaine prochaine, dans le cadre d’un service de soins, l’ensemble des associations concernées, afin d’étudier avec elles les moyens d’avancer ensemble.
Il est vrai que des efforts ont été entrepris, mais si nous voulons mettre fin aux disparités qui existent sur le territoire national, nous devons vraiment structurer la prise en charge. Faut-il le faire en mettant en place un plan d’ensemble, ou en réaffirmant des priorités ? Je ne veux pas en décider seul. Je prendrai cette décision avec l’ensemble des acteurs de ce dossier.
Alors même que l’on parle beaucoup de la prise en charge d’autres maladies, les victimes de la maladie de Parkinson ne veulent pas être oubliées. J’ai bien reçu leur message. Je tiens à m’en porter garant. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
politique du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, je pense vraiment qu’il serait grave pour nous tous et, je le dis solennellement, qu’il serait grave pour la France de ne pas prendre la mesure de ce qui s’est passé lors des derniers scrutins électoraux. Plus de 55 % des Français ne sont pas allés voter et les autres, près de deux personnes sur dix, ont déposé dans l’urne un bulletin Front national.
Le message envoyé par nos concitoyens est un message fort, déterminé, même s’il exprime le désarroi, le découragement, le sentiment que rien jamais ne change, que ceux qui gouvernent ne les entendent pas. Désarroi, découragement, mais aussi, pour beaucoup d’entre eux, désespoir...
Nous avons tous, dans ce contexte, l’impérieuse obligation de comprendre ce que ce vote exprime et d’y répondre.
Pour nous, pour la gauche, même si ces élections ont constitué une victoire au sens électoral du terme, il nous faut aller plus loin. Il nous faut proposer des solutions concrètes, des réponses adaptées aux attentes des Français sur l’emploi, le logement, l’éducation, la santé et les services publics dont ils ont tant besoin. Nous nous y sommes employés ; le projet pour le changement présenté par le parti socialiste est aujourd’hui dans le débat public et correspond à cette attente.
Mais vous, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement, votre majorité, vous qui êtes au pouvoir depuis dix ans, quels enseignements en tirez-vous ?
La priorité pour nos concitoyens aujourd’hui, ce n’est pas la mise en place de jurys populaires dans les tribunaux correctionnels. C’est le pouvoir d’achat, la vie chère, l’emploi...
Leurs préoccupations, ce ne sont pas des débats ambigus et dangereux sur la place de l’islam dans notre société. (M. René-Pierre Signé opine.) Elles concernent l’avenir de leurs enfants, la possibilité qu’ils auront d’apprendre, de trouver un travail et de vivre dignement.
Monsieur le Premier ministre, les représentants des grandes religions de notre pays, des voix au sein de votre majorité, et vous-même, m’a-t-il semblé, ont exprimé leur refus et leur gêne. Mais alors, quand allez-vous faire en sorte que l’on cesse d’agiter les peurs et les fantasmes, dans le seul but de récupérer l’électorat le plus extrême de la droite française ? Comment comptez-vous agir pour faire vivre dans notre pays l’idéal républicain ? Quand allez-vous faire comprendre au Président de la République que son rôle n’est pas de diviser, de stigmatiser, mais bien de rassembler les Français tout simplement pour faire avancer la France ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la meilleure façon de lutter contre les extrémistes, de droite ou de gauche, qui n’ont jamais apporté que du malheur et des souffrances à notre pays au cours de son histoire,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De quoi parle-t-il ?
M. François Fillon, Premier ministre. ... c’est de mener un débat politique serein, qui s’appuie sur les réalités. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Guy Fischer. Amalgame !
M. Jean-Louis Carrère. C’est la politique du torero !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons connu une crise économique et sociale extrêmement grave, durant laquelle nous nous honorons d’avoir mis en œuvre une politique qui nous a permis de faire deux fois mieux que les autres pays européens. (M. René-Pierre Signé s’exclame.)
La reprise de l’activité économique en France, en 2010, a été franche : une croissance de 1,5 %, 110 000 créations d’emplois, au lieu des 80 000 prévus dans la loi de finances que vous avez votée.
M. René-Pierre Signé. Des emplois partiels !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons également réussi à réduire le déficit à 7 % en 2010, alors que celui prévu dans la loi de finances était de 8 %. Quant à la perspective d’une croissance de 2 % en 2011, elle se confirme de jour en jour.
Mme Nicole Bricq. Formidable…
M. François Fillon, Premier ministre. Elle se confirme à travers les premiers chiffres de l’emploi pour le début de l’année 2011,...
M. René-Pierre Signé. Emplois partiels !
M. François Fillon, Premier ministre. ... à travers les investissements des entreprises, qui ont repris fortement, et à travers la consommation qui, après avoir fléchi un moment en 2010, se tient solidement au début de cette année.
Aujourd’hui, toute l’énergie du Gouvernement doit être concentrée sur le soutien à la reprise économique.
Le soutien à la reprise économique, c’est d’abord la défense de la compétitivité de l’économie française. C’est pour cette raison que nous avons supprimé la taxe professionnelle (Applaudissements sur les travées de l’UMP),...
Mme Nicole Bricq. On en est là !
M. Guy Fischer. Parlons-en !
M. François Fillon, Premier ministre. ... une taxe que le parti socialiste, dans son programme, prévoit de rétablir, ce qui n’est pas la meilleure façon d’envoyer un signal positif à l’économie française ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous devons poursuivre les efforts entrepris en matière de soutien à la recherche et à l’innovation.
M. Guy Fischer. Surtout pour le privé !
M. François Fillon, Premier ministre. Avec le crédit d’impôt recherche, avec la politique de soutien à la recherche publique et aux universités que nous menons,...
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. René-Pierre Signé. Pas de résultat !
M. Jean-Louis Carrère. Cela fait deux minutes trente ! (M. Jean-Louis Carrère montre un des afficheurs de chronomètre.)
M. François Fillon, Premier ministre. ... avec les investissements d’avenir, la France sera, en 2011, le pays européen qui aura le plus investi dans la recherche et développement.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. David Assouline. Sans résultat !
M. François Fillon, Premier ministre. J’ai remis, il y a quelques jours, les premiers crédits pour les laboratoires d’excellence à une centaine d’équipes de chercheurs français.
M. David Assouline. Ils travaillent pour Total ?
M. François Fillon, Premier ministre. Ces chercheurs m’ont tous confirmé que notre politique de soutien à la recherche et à l’innovation était suivie avec attention en Europe. (M. David Assouline s’exclame.)
Dans ce contexte, il importe d’accélérer sur la question de l’emploi des jeunes. Vous proposez, dans votre projet, de créer 300 000 emplois jeunes dans le secteur public. Avec Xavier Bertrand, nous voulons créer 800 000 emplois de jeunes en alternance.
M. Laurent Béteille. Très bien !
M. David Assouline. Vous êtes là depuis dix ans ! Qu’avez-vous fait ?
M. François Fillon, Premier ministre. Afin d’y parvenir, nous avons décidé que les entreprises qui choisiraient d’embaucher des jeunes en alternance ne paieraient aucune charge pendant un an. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Joseph Kergueris applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, je voudrais évoquer le climat social. Vous étiez dans votre rôle en menant avec beaucoup de vigueur, voilà quelques mois, la bataille contre la réforme des retraites.
M. David Assouline. Heureusement, d’ailleurs !
M. René-Pierre Signé. On y reviendra !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans votre programme, vous annoncez, même si c’est de façon assez discrète, le rétablissement de la retraite à 60 ans. Or il ne vous a sans doute pas échappé que les partenaires sociaux ont signé, il y a quelques jours, un accord pour la réforme de l’AGIRC-ARRCO qui entérine les 62 ans et 67 ans. Cet accord a été signé par trois syndicats sur cinq, et notamment par la CFDT.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ils n’avaient pas le choix !
M. Guy Fischer. Seulement trois syndicats ! Ils n’ont pas tous signé !
M. François Fillon, Premier ministre. Voilà la réalité ! Le corps social, les partenaires sociaux ont aujourd’hui admis que la réforme des retraites votée par le Parlement était inéluctable et qu’elle devait être mise en œuvre. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. Mieux : les partenaires sociaux, cette-fois-ci avec quatre syndicats sur cinq, ont voté l’accord sur l’UNEDIC et la négociation sur l’emploi des jeunes est engagée de façon très positive. Voilà une différence avec le pays que vous décrivez tous les jours !
M. David Assouline. C’est faux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez aux électeurs !
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. François Fillon, Premier ministre. Le pays réel, lui, aujourd’hui, voit des organisations syndicales signer avec le patronat des accords structurants pour l’économie française.
M. David Assouline. Il n’est pas normal de parler aussi longtemps !
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, bien entendu, la situation reste difficile. Bien entendu, la fragilité de certaines économies européennes demeure très importante.
M. David Assouline. Dix minutes !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous voyons dans quelle situation se trouvent le Portugal, la Grèce et l’Irlande. (MM. René-Pierre Signé et David Assouline s’exclament.) Mais quelle leçon en tirons-nous ? Qu’il faut être rigoureux s’agissant de la dépense publique ! La situation dans laquelle se trouvent ces pays, c’est le résultat d’une gestion qui n’a pas été suffisamment rigoureuse en matière de dépenses publiques. (M. David Assouline s’exclame de nouveau.)
Dans ce contexte, le programme du parti socialiste, qui a le mérite d’exister et qui nous permettra désormais de discuter non plus uniquement en écoutant vos critiques mais en donnant notre avis sur vos propositions,…
M. David Assouline. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. … est sidérant ! Il nous ramène en 1997. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Or, depuis cette date, que s’est-il passé ? Nous avons subi une crise économique et financière majeure, une attaque massive sur l’euro,…
M. David Assouline. C’est un meeting du Premier ministre ?
M. François Fillon, Premier ministre. … nous avons assisté à l’émergence de la Chine comme deuxième puissance économique mondiale,…
M. René-Pierre Signé. Arrêtez !
M. Jean-Louis Carrère. Ça suffit !
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Il ne fallait pas l’interroger !
M. François Fillon, Premier ministre. … et vous nous proposez de revenir aux solutions d’avant 1997 ?
M. René-Pierre Signé. Temps de parole !
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, réveillez-vous ! (Applaudissements nourris sur les travées de l’UMP. – MM. Yves Pozzo di Borgo et Bruno Retailleau applaudissent également. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Les tarifs du gaz ont crû de 20 % depuis un an, soit 240 euros en moyenne par foyer. L’augmentation est donc de 60 % depuis l’ouverture du capital de Gaz de France, décidée par la droite en 2004. Les tarifs de l’électricité ont quant à eux augmenté de 6,4 % depuis un an.
Le Gouvernement vient d’accepter une hausse de 5,2 % des tarifs du gaz et annonce une hausse de 2,9 % de l’électricité au 1er juillet.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux ! Injuste !
Mme Odette Terrade. Selon vous, l’augmentation du prix de l’électricité serait due aux énergies renouvelables et aux tarifs sociaux. En réalité, c’est la loi qui brade la production nucléaire d’EDF, votée par votre majorité, qui va coûter cher aux usagers !
Selon les projections de la Commission de régulation de l’énergie, il faudrait relever les tarifs bleus de 11,4 % dès maintenant, puis de 3,5 % par an jusqu’en 2025 !
Monsieur le Premier ministre, vous imputez la hausse du prix du gaz aux « tendances lourdes d’augmentation des cours de l’énergie »,…
M. Guy Fischer. C’est faux !
Mme Odette Terrade. … mais ces tendances sont le résultat des politiques libérales, qui ont pour seul but la satisfaction de l’actionnariat !
En 2002, les tarifs du gaz ont été modifiés pour suivre l’évolution des produits pétroliers. Depuis 2004, l’État a accepté que GDF revendique une marge supplémentaire de commercialisation, dépense créée de toutes pièces pour gonfler ses tarifs. Il fallait alors rendre GDF privatisable ; aujourd’hui, il faut engranger les profits pour les actionnaires !
M. Guy Fischer. C’est pour Mestrallet !
Mme Odette Terrade. Pour 2010, GDF-Suez a réalisé 4,6 milliards d’euros de bénéfices.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Odette Terrade. Les actionnaires en reçoivent 70 % : voilà la cause principale de l’augmentation des prix !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme Odette Terrade. Avec l’hiver précoce et froid, l’entreprise a engrangé 600 millions d’euros supplémentaires. (Mme Annie David opine.) La restitution de cette somme aux consommateurs aurait permis une baisse de tarif de 8 % !
Vous annoncez le gel des tarifs du gaz jusqu’à la fin de l’année 2011.
M. Guy Fischer. Démagogie !
Mme Odette Terrade. Mais c’est une baisse que le pays réclame !
La mission de GDF-Suez et d’EDF est d’assurer un service public. Le secteur énergétique doit donc revenir sous maîtrise publique !
M. Besson a évoqué une taxation des entreprises pétrolières. À quelle hauteur leurs profits exorbitants seront-ils mis à contribution ?
Enfin, êtes-vous prêt à entendre nos concitoyens, à revoir à la baisse les tarifs du gaz, à abroger la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’énergie, dite « loi NOME », et à cesser d’enrichir les actionnaires au détriment des besoins des foyers ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Madame Terrade, vous avez parlé d’une augmentation de 60 % du prix du gaz depuis la privatisation. Ce chiffre est juste : il correspond à l’augmentation du prix du pétrole en un an, madame.
Mme Odette Terrade. Oui, mais c’est tout de même exagéré !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Voilà un an, le pétrole que nous achetons valait 75 dollars le baril ; nous le payons ce mois-ci 120 dollars le baril. Nos importations d’énergies ont augmenté sur un mois de 250 millions d’euros, et le mois précédent de 600 millions d’euros. Voilà la réalité !
M. Jean-Louis Carrère. Et le produit des taxes ?
M. Jacques Mahéas. Et la TIPP flottante ?
M. René-Pierre Signé. Vous gagnez de l’argent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand les prix au baril ont diminué, vous n’avez pas abaissé les prix au détail !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Alors, comme le dit le Premier ministre, réveillez-vous ! Nous sommes dans un monde où la pression des pays émergents, l’augmentation des tarifs, l’instabilité du monde arabe, chez les producteurs de pétrole, la crise nucléaire de Fukushima entraînent une augmentation considérable des prix de l’énergie. Telle est la réalité ! Face à cette réalité, le gouvernement de François Fillon a pris toute une série de mesures sur le coût de l’énergie, qui représente, pour les ménages français, 8 % de leurs revenus.
M. Guy Fischer. On n’a rien vu !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Concernant le gaz, suspension de l’application de la formule tarifaire actuelle et renégociation du contrat de service public avec GDF-Suez.
M. Guy Fischer. On n’a rien vu !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Sur l’électricité, limitation de la hausse des tarifs à 2,9 % d’ici à l’été 2012. Pour le prix des carburants, revalorisation de 4,6 % du forfait kilométrique, ce qui concernera les 5 millions de nos concitoyens qui en ont le plus besoin et, dans ces conditions, le tarif social de l’essence n’a naturellement aucun sens. Enfin, pour les ménages en situation précaire, le Gouvernement a prévu quatre dispositions : tarif social pour l’électricité, qui existe déjà et que nous allons revaloriser de dix points, ce qui permettra une économie de 90 euros par ménage ; tarif social pour le gaz, mis en place par ce gouvernement, revalorisé de 20 %, ce qui représente une économie de 142 euros ; revalorisation du remplacement des chaudières ; …
M. René-Pierre Signé. Quelle générosité !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … enfin, un budget de 1,35 milliard d'euros pour équiper 300 000 foyers précaires avec des installations d’isolation thermique.
Telles sont les mesures proposées par le Gouvernement. Elles sont concrètes, sérieuses, face à une situation qui ne l’est pas moins, madame. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
prix de l'énergie
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Dumas. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.
Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur le pouvoir d’achat des Français. Pourquoi ? Tout simplement parce que la valorisation de leur pouvoir d’achat a toujours été et reste une préoccupation prioritaire du Président de la République (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…
M. Guy Fischer. Mensonges !
M. Jean-Louis Carrère. Fouquet’s !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas à un meeting politique !
M. René-Pierre Signé. On voit les résultats !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Gardez cela pour vos électeurs !
Mme Catherine Dumas. … et le Premier ministre l’a rappelé lui-même dans cet hémicycle voilà quelques instants.
Face à cette flambée des prix de l’énergie, vous avez annoncé dans un communiqué des mesures pour « limiter l’impact du prix de l’énergie sur le pouvoir d’achat ».
Il a notamment été fait part de l’annulation de la hausse du prix du gaz initialement attendue au 1er juillet. Par ailleurs, les ministères reverront la formule tarifaire appliquée au prix du gaz.
Le Gouvernement envisage en outre de revoir le contrat de service public qui lie GDF-Suez à l’État afin de le rendre « plus favorable au consommateur final lorsque les prix du marché sont durablement inférieurs au prix des contrats à long terme ».
M. David Assouline. La question !
Mme Catherine Dumas. Enfin, une autre mesure attendue prévoit que les compagnies pétrolières soient désormais mises à contribution pour financer la facture pétrolière.
M. David Assouline. Cette proposition est dans notre programme !
M. Jean-Claude Gaudin. Et alors ?
Mme Catherine Dumas. Par ailleurs, dans la lignée de la revalorisation du pouvoir d’achat, mais dans un autre domaine, le Gouvernement a annoncé cette semaine la mise en place, dans les grandes surfaces, d’un panier « référence » comprenant une sélection de produits alimentaires de qualité à prix attractifs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la réponse du Gouvernement, ça !
M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !
Mme Catherine Dumas. Cette mesure intéresse les Français !
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous décliner l’ensemble des mesures envisagées pour protéger le pouvoir d’achat des Français,…
M. Jean-Louis Carrère. Pour protéger la gastronomie française !
Mme Catherine Dumas. … nous indiquer dans quels délais et comment elles seront appliquées, ainsi que l’impact que nous pouvons en attendre dans un futur proche ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme Dumas a déjà donné la réponse, c’est bon !
M. René-Pierre Signé. Elle a fait la question et la réponse !
M. David Assouline. Vous devez être déstabilisé, monsieur le secrétaire d’État !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Madame Dumas, ainsi que je l’indiquais voilà quelques instants, l’énergie représente 8 % du budget des ménages et c’est sur ce poste précis, le plus menacé par les augmentations constatées à l’échelle mondiale, que le Gouvernement travaille.
Concernant le gaz, l’application de la formule tarifaire actuelle aurait abouti à une hausse de 7,5 % du coût de l’énergie pour les ménages français au mois de juillet, ce qui équivaut, pour un Français se chauffant au gaz, à une augmentation moyenne de 80 euros de sa facture.
Ce n’était pas acceptable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de suspendre l’application de cette formule et de renégocier le contrat de service public de GDF-Suez. Alors que l’économie est en phase de redémarrage, le Premier ministre a pris cette décision qui freine l’augmentation du coût de l’énergie pour ne pas handicaper les consommateurs français.
M. Jean-Louis Carrère. Au 1er juillet, il fera chaud !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’été, la consommation d’énergie pour se chauffer baisse !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Nous venons de revaloriser le rabais social du gaz de 20 %.
Concernant le carburant, nous demanderons en effet aux entreprises du secteur pétrolier de contribuer à la protection du pouvoir d’achat et de faire porter l’effort sur les Français qui en ont le plus besoin. C’est dans ce cadre que nous prendrons une mesure très novatrice visant à revaloriser le forfait kilométrique de 4,6 %, ce qui concernera 5 millions de nos concitoyens. Dès la semaine prochaine, les acteurs de la filière pétrolière seront réunis au cours d’une table ronde pour décider les modalités de cette contribution.
Enfin, pour l’électricité, nous avons décidé de limiter l’augmentation des tarifs à 2,9 % d’ici à 2012.
M. Jean-Louis Carrère. Pourquoi d’ici à 2012 ? Que se passe-t-il en 2012 ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Cette évolution couvrira la hausse – inévitable ! – des coûts d’acheminement de l’électricité, soit 1,7 % de l’augmentation, et des charges de service public, c’est-à-dire 1,2 %.
Ces mesures sont indispensables pour préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens et sont à mille lieues des généralités que j’ai pu lire dans le programme socialiste, (Ah ! sur les travées du groupe socialiste) dans lequel il est précisé que la France doit « sortir de la double dépendance au nucléaire et au pétrole ».
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, plutôt que des quolibets, j’attends des réponses sérieuses à ces questions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Roselle Cros et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. Jean-Marie Bockel. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
La catastrophe nucléaire du Japon nous interpelle tous, et aujourd’hui le temps est venu de tirer les conséquences de cette tragédie pour notre pays.
Cette exigence à la fois de bilan et d’information de nos concitoyens est d’autant plus impérieuse que la France, vous le savez, possède un des parcs nucléaires parmi les plus denses au monde : 58 unités de production d’électricité réparties sur 19 sites permettant de produire près de 80 % de la production totale d’électricité. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Ce retour d’expérience du Japon impose de nouvelles exigences en matière de sûreté de nos infrastructures et d’information de nos concitoyens.
Dans un cadre de dispositifs de sécurité déjà renforcé, les autorités en charge de ce dossier ont-elles travaillé sur des scenarii de cumul de risques, comme un risque terroriste couplé aux risques naturels ?
Certes, les centrales nucléaires françaises sont conçues pour résister à des contraintes sévères. Aujourd’hui, le besoin existe de s’assurer de leur résistance dans des situations encore bien plus dégradées, afin d’y apporter des modifications si nécessaire. C’est d’ailleurs – je le reconnais – ce qu’a fait le Gouvernement au lendemain de la catastrophe japonaise en mettant en place des dispositifs de surveillance renforcée, ainsi que des tests de résistance approfondis sur l’ensemble du territoire.
M. Jean-Louis Carrère. Tout va bien, alors ! Pas de question !
M. Jean-Marie Bockel. C’est aussi un des premiers objectifs du groupe d’étude sur la sécurité nucléaire – auquel plusieurs d’entre nous appartiennent – sous l’autorité de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le département dont je suis l’élu, le Haut-Rhin, possède une des plus anciennes centrales nucléaires sur le site de Fessenheim. Mise en service dès 1977, celle-ci comporte deux réacteurs installés dans une zone sismique située à proximité d’un important bassin démographique, de surcroît transfrontalier.
Depuis plus de trente ans, elle fait l’objet d’une étroite surveillance et de contrôles réguliers, je peux en témoigner.
M. Jean-Louis Carrère. L’UMP parle à l’UMP !
M. Jean-Marie Bockel. Cependant, la question se pose aujourd'hui de savoir si cela est suffisant.
Par-delà le travail qui est engagé – beaucoup d’entre nous ont assisté à l’audition de M. Lacoste, président de l’Autorité de sûreté nucléaire –, nos concitoyens et nous-mêmes nous posons de vraies questions. D’ailleurs, pour la qualité, la rationalité et la sérénité du débat que nous tiendrons nécessairement sur le devenir du nucléaire en France et sur les enjeux énergétiques à venir, il importe, madame la ministre, que nos concitoyens aient une information afin de mieux comprendre l’action des pouvoirs publics. Comment comptez-vous les éclairer davantage au regard de la tragédie japonaise ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées l’UMP. – M. Joseph Kergueris applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Bockel, le déplacement du Président de la République au Japon la semaine dernière a été le moment d’exprimer un message de compassion, de solidarité, d’admiration aussi pour leur dignité, aux Japonais dans la tragédie qu’ils traversent.
Cette tragédie nous amène aussi, forcément, à nous interroger sur la sûreté de nos centrales nucléaires et à nous demander si ce qui s’est passé au Japon pourrait se produire en France. Je voudrais dire très clairement trois choses à ce propos.
D’abord, nous n’attendons pas la survenue d’accidents pour nous préoccuper de la sûreté de nos centrales nucléaires.
Chaque centrale est dimensionnée et construite pour faire face à divers risques, notamment naturels.
Ainsi, la centrale de Fessenheim, que vous citez, a été conçue pour résister à un séisme de 6,7 sur l’échelle de Richter, soit un séisme de magnitude cinq fois supérieure à celle du plus grand séisme connu dans la région, celui de Bâle en 1356, évalué à 6,2 sur l’échelle de Richter, qui a été pris pour référence.
Ensuite, le niveau de sûreté pris en considération à l’origine pour la conception des réacteurs peut être perpétuellement amélioré. En ce sens, chaque accident est l’occasion d’un retour d’expérience.
C’est pourquoi le Premier ministre a demandé un audit de sûreté, centrale par centrale, de l’ensemble de notre parc nucléaire ; cet audit, dont l’Autorité de sûreté nucléaire prépare actuellement le cadre de référence et qui sera prêt d’ici à une quinzaine de jours, sera le moment de tirer toutes les conclusions, tous les enseignements de la catastrophe de Fukushima, y compris, par exemple, en cas de cumul d’accidents, nouvelle configuration qui aurait pu apparaître.
Enfin, la centrale de Fessenheim, qui est en effet la plus ancienne centrale en service aujourd'hui en France puisqu’elle fonctionne depuis 1977, bénéficie en ce moment d’une visite décennale pour déterminer si sa durée de vie sera prolongée.
La décision devait être rendue en avril, mais il serait paradoxal qu’une telle décision soit arrêtée alors que l’on prépare un audit portant sur l’ensemble des centrales et que Fessenheim, la plus ancienne, doit logiquement prétendre à être la première auditée.
Aussi, je vous le précise sous la responsabilité du Premier ministre, aucune décision de cette nature ne sera prise avant l’audit.
Pour le reste, le Président de la République l’a dit, toute centrale qui ne passerait pas les tests de résistance sera fermée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Yves Pozzo di Borgo et Joseph Kergueris applaudissent également.)
pouvoir d'achat
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
« Je veux parler à la France qui se lève tôt, à la France qui n’arrive pas à joindre les deux bouts. » Vous vous souvenez peut-être de ces propos du Président de la République, alors candidat, qui étaient censés guider votre action à la tête du Gouvernement, monsieur le Premier ministre.
Quatre ans après, un constat s’impose : vous n’avez toujours pas réussi à joindre cette France qui se lève tôt, travaille dur… ou veut travailler. En revanche, la communication n’a jamais été aussi parfaite avec les actionnaires des grands groupes et les bénéficiaires du bouclier fiscal.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. À vous entendre tout à l’heure, monsieur le Premier ministre, j’étais consterné. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Face à plus de quatre millions de demandeurs d’emploi, à huit millions de pauvres, à quinze millions de personnes vivant légèrement au-dessus du seuil de la pauvreté,…
M. Guy Fischer. Voilà la réalité !
M. Martial Bourquin. … comment pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, afficher une telle autosatisfaction ?
Vos réponses à l’instant sur la politique énergétique le montraient, ce sont des mesures cosmétiques que vous prenez ! Alors que les Français prennent de plein fouet les augmentations du gaz et de l’électricité, que proposez-vous comme solutions alternatives ?
Vous autorisez des explorations en vue d’une exploitation du gaz de schiste qui soulèvent des tollés. Vous mettez en place la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi NOME, qui va se traduire par une augmentation catastrophique des prix. (M. Jackie Pierre s’exclame.)
Il faut une véritable politique énergétique, qui accompagne une politique industrielle ; la vôtre n’est pas cohérente.
Vous avez affiché une même autosatisfaction concernant la hausse des prix des denrées alimentaires : la farine, le blé, le pain, le café…
Vous nous aviez dit dans cette enceinte que la loi de modernisation de l’économie ferait baisser les prix. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Avec la LME, on a appauvri les agriculteurs et, plus largement, les Français !
M. Jean-Pierre Godefroy. Effectivement !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Martial Bourquin. La France qui travaille subit aujourd'hui les réductions de service public, dans les écoles, dans les quartiers, dans la ruralité. La RGPP est en train d’engendrer des dégâts considérables dans nos territoires…
M. Josselin de Rohan. La question !
M. Martial Bourquin. C’est cela la question, et savez-vous comment Joseph Stiglitz appelle cela ? Le Triomphe de la cupidité !
À quand, monsieur le Premier ministre, une politique de croissance, une politique de justice sociale ? Elle fait cruellement défaut à la France, et vous en portez la responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. Jean-Louis Carrère. Un autre torero !
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, nous n’allons pas jouer à « c’est celui qui dit qui est », mais, en vous écoutant, je me demandais qui vraiment devait être consterné.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Ça commence bien...
M. François Baroin, ministre. Il est consternant de constater que, non seulement, comme l’a dit le Premier ministre, vous ne vous réveillez pas, mais vous ne voulez pas ouvrir les yeux sur l’évolution du monde et celle de la France, sur la crise mondiale… (M. David Assouline s’exclame.) Vous faites comme s’il n’y avait jamais eu ni crise mondiale, ni crise financière,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Partout, les actionnaires s’en mettent plein les poches !
M. Guy Fischer. Les profits explosent !
M. François Baroin, ministre. … ni crise sociale. Vous faites comme si notre pays n’avait pas su, avec la détermination et l’impulsion du Président de la République, avec le courage et l’obstination du Premier ministre et du Gouvernement, amortir cette crise en confortant notre modèle social et notre protection sociale.
Les faits sont têtus, et ils parlent d’eux-mêmes (M. René-Pierre Signé s’exclame.) : nous avons traversé la crise…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les actionnaires sont sortis de la crise, pas les gens !
M. Jacques Mahéas. Pinocchio !
M. François Baroin, ministre. … mieux que les autres pays ; nos amortisseurs sociaux ont fonctionné.
M. Jean-Louis Carrère. Votre nez tourne !
M. François Baroin, ministre. Nous sommes sortis de la crise plus rapidement que les autres et la trajectoire que nous prenons est la bonne, comme sont bons les chiffres accumulés en matière de réduction plus rapide de nos déficits, élément de protection, élément de souveraineté, élément qui garantit tant une certaine idée de notre modèle social que la politique à terme de création de richesses et donc de création d’emplois.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soyez modeste !
M. François Baroin, ministre. Tous ces chiffres, vous les niez : vous êtes aveugles, vous êtes atteints de cécité… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La construction de ce qui n’est pas un projet mais une addition de vieilles recettes…
M. David Assouline. On va en discuter !
M. François Baroin, ministre. … dont on ne sait pas vraiment qui va les porter n’est qu’une confirmation supplémentaire du fait que vous vous inscrivez définitivement dans le passé.
M. Guy Fischer. Vous, vous êtes inscrit dans la réaction !
M. François Baroin, ministre. Vous êtes inscrits dans le passé. Ouvrez les yeux ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Évidemment, ce développement du monde a une conséquence directe : une augmentation des matières premières qui, naturellement, a un impact sur l’économie, sur les entreprises et sur les particuliers.
M. David Assouline. Révisez vos arguments !
M. François Baroin, ministre. Toute la politique du Gouvernement vise à amortir le mieux possible, notamment pour les publics les plus fragiles, cette augmentation du prix des matières premières.
M. Jean-Louis Carrère. C’est loupé !
M. Guy Fischer. La pauvreté explose !
M. François Baroin, ministre. C’est le sens des mesures que le Premier ministre a proposées la semaine dernière.
Concernant le gaz, il n’y aura pas d’augmentation cette année.
Pour ce qui est de l’électricité, il n’y aura pas d’augmentation supérieure à 2,9 %, ce qui est un effort considérable de la part des pouvoirs publics (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)…
M. Guy Fischer. Heureusement !
M. François Baroin, ministre. … et un message adressé aux plus démunis.
Quant au pétrole, le Premier ministre m’a demandé en tant que ministre du budget d’augmenter, pour les impôts payés en 2011 sur les revenus de 2010, de 4,6 % les frais kilométriques. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) C’est, là encore, un geste à l’égard de la France qui se lève tôt, qui travaille et qui subit les effets de cette évolution.
M. Guy Fischer. Un petit geste !
M. François Baroin, ministre. Vous le voyez, la ligne du Gouvernement est donc toujours la même : tenir notre route, réduire les déficits, protéger notre modèle social, conforter la croissance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.
Monsieur le ministre, la situation en Côte d’Ivoire est chaque jour plus préoccupante, et l’issue de cette crise, qui dure depuis plusieurs mois, reste difficile à prévoir.
Lundi soir, les forces armées françaises sont intervenues en soutien de la mission ONUCI, conformément à la résolution 1975 du Conseil de sécurité des Nations unies…
M. Jean-Louis Carrère. Hum !
M. Laurent Béteille. … et à la demande du Secrétaire général,…
M. Jean-Louis Carrère. Hum !
M. Laurent Béteille. … dans le but de protéger les populations sur place,…
M. Jean-Louis Carrère. Hum !
M. Laurent Béteille. … parmi lesquelles les ressortissants français, au nombre de 12 000, désormais regroupés sur des points sécurisés par les forces françaises. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Je tiens d’ailleurs, monsieur le ministre, à rendre hommage à notre ambassadeur sur place ainsi qu’au professionnalisme de nos soldats, qui cette nuit ont procédé à l’exfiltration des personnels diplomatiques japonais. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Yves Pozzo di Borgo et Bruno Retailleau applaudissent également.)
Il s’agit aujourd’hui d’éviter que le pays ne bascule dans la guerre civile et qu’intervienne une éventuelle partition du pays entre le nord et le sud.
Si Laurent Gbagbo – qui se maintient au pouvoir depuis dix ans et refuse de reconnaître le verdict des urnes, favorable à Alassane Ouattara – est reclus dans son bunker, sa milice ne l’est pas.
M. Gbagbo, assisté des avocats chevronnés que sont MM. Dumas et Vergès, bafoue l’autorité de l’ONU et, surtout, conduit son pays à une catastrophe humanitaire autant qu’économique.
Il est indispensable que ce pays retrouve le chemin du respect de la démocratie et qu’Alassane Ouattara confirme son engagement de former un gouvernement d’union nationale.
Les négociations en vue de la reddition de Laurent Gbagbo semblent vaines face à l’entêtement de celui-ci.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le bilan de la situation aujourd’hui, notamment celui de l’action de nos soldats sur place, et nous dire quelles sont les dernières options qui restent à la communauté internationale pour aider la Côte d’Ivoire à éviter la guerre civile ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Votre exposé, monsieur Béteille, est parfaitement exact et restitue la réalité telle que l’on peut la mesurer à cet instant.
La force Licorne est présente en Côte d’Ivoire, comme le sont tous les éléments de l’armée française présents dans ce pays, sur le fondement d’accords bilatéraux anciens qui ont été renouvelés. Il s’agit non pas d’une présence d’opportunité, ad hoc ou de circonstance, mais d’une présence qui découle d’accords gouvernementaux et seule l’instabilité politique, qui perdure depuis dix ans, vous l’avez dit, dans ce pays, n’a pas permis de les renouveler.
C’était une force modeste en effectifs – moins de 1 000 – dont l’objectif était de garantir la sécurité de nos compatriotes sur l’agglomération d’Abidjan.
Au terme de l’élection présidentielle et de la reconnaissance par la communauté internationale, en particulier par les États africains proches, de résultats donnant la majorité à Alassane Ouattara, la force Licorne, dans le cadre des résolutions de l’ONU, notamment de la résolution 1975, a été mise à la disposition, en tant que de besoin et, le cas échéant, à la demande expresse du secrétaire général, pour des opérations de soutien à l’ONUCI. Vous l’avez dit, tel a été le cas.
La situation est extraordinairement difficile sur l’agglomération d’Abidjan, qui comporte aujourd'hui encore plus de 4 millions d’habitants, où des troupes débandées du pouvoir précédent font courir aux populations des risques majeurs et où sévissent aussi des bandes de pillards qui saisissent les opportunités que crée l’absence totale d’État de droit pour en tirer un bénéfice personnel.
Dès lundi soir, nous avons demandé, proposé, offert à l’ensemble de la communauté française d’Abidjan un repli sur le camp de Port Boué. Nos compatriotes sont nombreux à avoir fait ce choix. D’autres, pour des raisons que l’on peut comprendre, sont restés chez eux.
À cet instant, la situation militaire est la suivante : les troupes de l’ONUCI ont encadré dans un quadrilatère limité les derniers défenseurs de l’ancien président Gbagbo. Ces troupes contrôlent les deux ponts principaux qui assurent la liaison entre le nord et le sud d’Abidjan.
L’essentiel de la communauté française est au sud et protégé. Nous nous efforçons de répondre à chaque demande d’exfiltration – car les télécommunications fonctionnent –, mais c’est de plus en plus complexe, en particulier s’agissant des deux hôtels d’un groupe français bien connu qui servent de points d’appui pour ceux qui, au nord, n’ont pas répondu en temps voulu à l’appel à se replier du gouvernement français.
Nous sommes obligés de suivre en temps réel la situation et je ne puis donc malheureusement pas vous rassurer autrement qu’en soulignant que le fait qu’en passant désormais à 1 700 hommes la force Licorne est capable de résister ou de proposer d’intervenir, sous réserve naturellement de ne pas aggraver un conflit ivoiro-ivoirien.
Le réalisme m’interdit, monsieur le sénateur, de vous répondre autre chose à propos de cette situation qui est donc d’une extrême tension et qui peut évoluer d’heure en heure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
gaz de schiste
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Madame le ministre, je veux tout d’abord vous féliciter de la manière dont vous avez su témoigner de la solidarité française à l’égard du peuple japonais et de nos compatriotes et de votre courage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Jean Arthuis et Joseph Kergueris applaudissent également.)
J’en viens à ma question. Vous connaissez – je le sais – l’inquiétude, l’angoisse, l’émotion même, suscitées par l’attribution de permis de recherche d’huile et de gaz de schiste dans le sud-est de la France et le Bassin parisien.
Plusieurs de mes collègues – dont Michel Houel – et moi-même avons déposé une proposition de loi…
Mme Nicole Bricq. Vous pouvez !
M. Jacques Blanc. … identique à celle qu’ont déposée à l’Assemblée nationale Christian Jacob et plusieurs députés. Elle vise à interdire toute exploration ou exploitation des mines concernées par des forages verticaux comme horizontaux suivis de fracturation hydraulique de la roche.
M. René-Pierre Signé. C’est un technicien !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas le Gouvernement qui décide ?
M. Jacques Blanc. Ces techniques sont désastreuses pour l’environnement.
Madame le ministre, nous n’ignorons pas les enjeux énergétiques, mais nous voulons imposer de nouvelles technologies cohérentes avec nos ambitions écologiques. Nous demandons que le Gouvernement s’engage à prolonger le moratoire qu’il a très justement décidé jusqu’au vote du texte que je viens d’évoquer, de manière à éviter toute initiative entre-temps.
Mme Nicole Bricq. Cela va être dur ! Ce n’est pas un moratoire !
M. Jacques Blanc. Par ailleurs, vous défendez – je vous en remercie – la demande de classement au patrimoine mondial de l’UNESCO des Causses et des Cévennes. (Murmures sur plusieurs travées.)
Au moment où des experts étudient ce dossier, il est indispensable qu’ils aient la certitude de l’engagement du Gouvernement à garantir la protection de ces paysages, témoins de l’agro-pastoralisme, désormais reconnu comme une valeur universelle.
M. le président. Votre question, mon cher collègue.
M. Jacques Blanc. Il est donc urgent d’affirmer qu’aucune exploration de gaz de schiste n’aura lieu dans ces territoires, comme l’a demandé, à l’unanimité de ses membres, l’Association des maires, adjoints et élus de Lozère. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. Quelle est la question ?
Mme Nicole Bricq. Ne pensez pas uniquement aux Causses et aux Cévennes !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de vos mots chaleureux.
Vous êtes très mobilisé sur la question de l’huile et du gaz de schiste. Trois permis d’exploration délivrés en 2010 suscitent de légitimes interrogations et de très vives inquiétudes, notamment dans le département de la Lozère, dont vous êtes l’élu.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas un socialiste qui les a signés !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Ces appréhensions ont été relayées par les parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, en particulier par vous, sans doute, en votre qualité d’ancien président du parc national des Cévennes,…
M. Jean-Louis Carrère. Ce ne sont pas les socialistes qui ont décidé !
Mme Nicole Bricq. Où est Borloo ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. … mais surtout en tant que porteur du projet d’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO des Grands Causses et des Cévennes, projet soutenu par l’ensemble du Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Borloo ! Borloo !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Oui, l’exploitation des gaz de schiste aux Etats-Unis, comme l’ont notamment montré les images d’un film largement véhiculé sur Internet, est extrêmement inquiétante. Cette pratique est dévastatrice pour les paysages, préoccupante pour les nappes phréatiques. L’inquiétude est palpable.
Aussi Éric Besson et moi-même avons-nous décidé de lancer une mission d’inspection sur ce sujet, notamment sur les enjeux environnementaux, et dans l’attente, comme l’a confirmé le Premier ministre, de suspendre tout projet impliquant une technologie de fracturation hydraulique en France.
Aujourd’hui, aucun projet de forage avec fracturation hydraulique n’est possible dans notre pays jusqu’à ce que toutes les décisions aient pu être prises, que toutes les conclusions aient pu être tirées de la mission d’inspection lancée.
Quelles sont les prochaines étapes ? Cette mission devrait remettre un rapport intermédiaire d’ici à la mi-avril. Sans attendre, nous avons entrepris une réflexion sur la réforme du code minier. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Ce code, qui est ancien, n’intègre pas toutes les préoccupations exprimées dans la Charte constitutionnelle de l’environnement. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Ainsi, il ne prévoit pas une consultation élargie du public à l’étape des permis d’exploration. D’ores et déjà, nous proposerons, à l’occasion du dépôt du projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier, les premières modifications qui permettront la consultation du public dès l’étape du permis d’exploration. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Jean-Louis Carrère. Elle a du succès !
M. Alain Houpert. Je voudrais évoquer dans cet hémicycle le pays du Soleil-Levant, confronté à l’une des plus graves crises humaines de son histoire. Un séisme puis un tsunami dévastateur et meurtrier ont effacé plusieurs dizaines de milliers de vies. La dignité du peuple japonais, qui ne baisse jamais la tête, impose notre respect.
Je veux saluer l’action du Président de la République, qui est allé au Japon – vous étiez à ses côtés, madame la ministre – exprimer la compassion du peuple français à l’égard du peuple japonais et l’assurer de notre soutien pour qu’il se relève.
M. René-Pierre Signé. C’est peu efficace !
M. Alain Houpert. Ce séisme, suivi d’un tsunami, a provoqué un accident nucléaire sans précédent dans la centrale de Fukushima. Cet accident ne manque pas de faire revivre en nous le terrible souvenir de Tchernobyl, et de susciter un certain nombre d’interrogations qui sont légitimes et compréhensibles.
M. René-Pierre Signé. La question !
M. Alain Houpert. Le doute s’est installé quant à la sécurité des installations nucléaires, sur le territoire national notamment. Mais faut-il pour autant remettre en cause le choix du nucléaire comme source d’énergie ?
M. René-Pierre Signé. Voilà ! On en arrive là !
M. Jean-Louis Carrère. Beau débat !
M. Alain Houpert. Ne l’oublions pas, ce choix stratégique a été fait par le général de Gaulle et le président Pompidou pour assurer à notre pays une énergie maîtrisée et bon marché. C’est ce choix qui a permis à la France et à l’Europe d’avoir une indépendance énergétique. C’est ce choix qui a aussi permis d’entrer dans la modernité. Enfin, c’est ce choix qui a permis le développement de technologies d’avenir, comme le TGV.
M. René-Pierre Signé. Et alors ?
M. Alain Houpert. Dans ce contexte, les propositions les plus démagogiques sont formulées, faisant du nucléaire le bouc émissaire, notamment mardi dernier par le parti socialiste, lors de la présentation de son programme pour 2012.
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. Jean-Pierre Sueur. Le parti socialiste vous obsède ! Son programme est la star de l’après-midi !
M. Alain Houpert. Madame la ministre, le choix du nucléaire est-il toujours d’actualité pour garantir l’indépendance énergétique de la France et l’approvisionnement énergétique des Français au meilleur coût ? Le cas échéant, quelles conséquences le gouvernement de la France a-t-il tirées de l’accident de Fukushima ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, la catastrophe de Fukushima ne laisse pas indifférent et résonne fortement en France, qui a fait preuve de compassion, d’admiration devant la dignité du peuple japonais dans cette épreuve terrible. Nos concitoyens s’interrogent et nous interrogent. Je répondrai clairement à vos questions.
Non, le Gouvernement ne recommande pas et ne prévoit pas la sortie du nucléaire. Les quelques chiffres grossiers que je vais vous citer parlent d’eux-mêmes.
S’il fallait remplacer toutes les centrales nucléaires par des centrales à gaz, 30 milliards d’euros d’investissement seraient nécessaires. Les émissions de CO2 du secteur de la production d’électricité seraient multipliées par huit. La facture énergétique subirait une hausse de 40 % en raison de l’augmentation des importations.
S’il fallait remplacer toutes les centrales nucléaires par des énergies renouvelables, certes les émissions de CO2 seraient moindres, mais le coût de l’opération serait considérable. En effet, aujourd’hui les énergies renouvelables sont encore malheureusement nettement plus chères. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
En revanche, oui, le Gouvernement multiplie les efforts en faveur du développement des énergies renouvelables et d’une plus grande efficacité énergétique. La meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas.
S’agissant des énergies renouvelables, l’objectif du Gouvernement est, à l’horizon 2020, d’atteindre 23 % dans la consommation d’énergie nationale, alors que, actuellement, celles-ci, qui sont constituées essentiellement par l’énergie hydraulique, représentent 10 %.
Du point de vue de l’efficacité énergétique, au terme de la réforme du prêt à taux zéro, l’État prête plus aux acheteurs d’un logement d’une meilleure qualité énergétique. Il consent également un prêt, grâce à l’éco-prêt à taux zéro, aux personnes qui veulent rénover énergétiquement leur logement. Il lutte aussi contre la précarité énergétique : 1,25 milliard d’euros de subventions sont destinés à nos concitoyens les plus modestes qui ne peuvent pas avancer l’argent pour réaliser les travaux dans leur habitation, alors que leur facture énergétique est importante.
La production nucléaire est un choix fondateur, qui engage sur la durée et ne peut reposer que sur deux piliers : la sûreté maximale et la transparence totale. S’agissant de la transparence, ces derniers temps, le Gouvernement a fait la démonstration qu’il avait su tirer les conséquences de la communication désastreuse des institutions à l’occasion de l’accident de Tchernobyl.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Dans le domaine de la sûreté, des initiatives nationales, dont j’ai parlé tout à l’heure, et une initiative internationale ont été lancées. Le Président de la République a demandé l’organisation d’un G20 sur la sûreté nucléaire afin que soient adoptées des règles internationales communes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Roselle Cros et M. Jean-Marie Bockel applaudissent également.)
conditions d'enseignement
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, qui est malheureusement absent.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement n’en est visiblement plus à une contradiction près pour imposer une politique qui sombre maintenant dans le ridicule.
Ainsi, vous avez suspendu les allocations familiales aux parents d’enfants absents, mais vous n’arrivez plus à assurer la présence d’un professeur devant chaque élève.
Mieux encore, alors que vous supprimez des postes, vous demandez à Pôle emploi de recruter des professeurs remplaçants.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils recrutent des enseignants à Pôle emploi et ils vont bientôt les y renvoyer !
M. Claude Bérit-Débat. Les personnels, les parents et les élus ont beau manifester partout, en Dordogne comme ailleurs, rien n’y fait : vous refusez obstinément de voir que notre système éducatif se dégrade et ne joue plus son rôle d’ascenseur social.
M. Guy Fischer. C’est vrai.
M. Claude Bérit-Débat. Cette détérioration affecte tous les niveaux et toutes les catégories de personnels : les professeurs, bien sûr, mais aussi les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les EVS, les emplois de vie scolaire, les personnels administratifs et même ceux des CDDP, les centres départementaux de documentation pédagogique.
La chute de la France dans le classement PISA n’est donc ni une surprise ni une fatalité. Elle est la conséquence de choix contestables et inadaptés, comme la suppression des IUFM ou votre politique d’autonomie et de regroupement des établissements, madame la secrétaire d'État.
Votre ambition se résume encore et toujours à un seul objectif : réduire le nombre de professeurs et instaurer des quotas de fermeture de classes pour faire des économies.
L’éducation nationale mérite mieux. Nous devons et pouvons lutter contre les inégalités et l’échec scolaire en rebâtissant l’école de la réussite.
Cette politique passe par une véritable rupture. Des solutions existent. En voici quelques-unes.
Tout d'abord, nous devons conclure un nouveau pacte éducatif entre les enseignants et la nation. Ensuite, nous proposons de relancer la scolarité dès l’âge de deux ans, d’organiser la semaine de cinq jours éducatifs et de repenser le collège,…
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Claude Bérit-Débat. … en lui accordant ses moyens en fonction des caractéristiques sociales des élèves.
Enfin, nous souhaitons promouvoir l’autonomie pédagogique des équipes enseignantes, qui doivent avoir le « pouvoir d’agir ».
M. Jean-Louis Carrère. C’est bien pour l’UMP, cela !
M. Claude Bérit-Débat. Ma question est donc simple, madame la secrétaire d’État : Quand abandonnerez-vous votre approche comptable pour adopter une véritable politique éducative, c’est-à-dire qui soit centrée sur l’avenir de nos enfants ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Jamais, hélas !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, j’ai bien écouté vos propos. Vous avez raison : l’éducation fait tout à fait partie de notre pacte républicain. Vous le savez, l’éducation est la priorité du Gouvernement et elle le restera. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
M. Jacques Mahéas. Cela n’en a pas l’air !
M. René-Pierre Signé. Qu’est-ce que ce serait sinon !
M. Jean-Louis Carrère. Il y a beaucoup de priorités !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Plus de 60 milliards d'euros sont consacrés au budget de l’éducation nationale et plus de 1 milliard d'euros à l’éducation prioritaire.
Je le rappelle, dans le budget que vous avez voté, mesdames, messieurs les sénateurs, 24 milliards d'euros sont consacrés à l’enseignement supérieur.
Un sénateur de l’UMP. Très bien !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. La France investit plus de 6 % de son PIB dans l’éducation,…
M. Paul Raoult. Ce n’est pas assez !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. … car le Gouvernement croit que c’est grâce à l’école que l’on pourra faire fonctionner l’ascenseur social.
Je vous rappelle que ce taux de 6 % du PIB se situe au-dessus de la moyenne européenne en la matière.
M. René-Pierre Signé. Et alors ? Comparaison n’est pas raison !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous évoquez les 16 000 postes supprimés au travers de départs en retraite non compensés, mais vous ne citez pas les 17 000 enseignants qui seront recrutés cette année en France.
M. Claude Bérit-Débat. Mais il y a 16 000 postes nets en moins !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Je rappelle que l’éducation nationale est le premier employeur de France.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas nouveau !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Je citerai un dernier élément chiffré : depuis 1990, notre pays a perdu un demi-million d’élèves. Pourtant, il compte plus d’enseignants que dans les années quatre-vingt-dix. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C’est faux !
M. René-Pierre Signé. À l’école primaire, il y a plus d’élèves que dans les années quatre-vingt-dix.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Je rappelle que nous avons 35 000 professeurs en plus pour un demi-million d’élèves en moins.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Guy Fischer. Allez le dire aux parents d’élèves ! Allez dans les quartiers populaires !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rendez-vous sur le terrain pour voir ce qui s’y passe.
M. Paul Raoult. C’est un scandale ! Il y a les collèges des riches et ceux des pauvres.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. … autrement dit des ouvertures et des fermetures de classes, puisque vous m’avez interrogée sur ce point, celles-ci ont lieu chaque année dans un climat de discussion et elles sont appréciées au cas par cas (Marques de dénégation et d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.).
M. René-Pierre Signé. Trouvez d’autres arguments !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. C’est pourtant vrai, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
En outre, cette année, elles ont été placées sous la responsabilité de ces grands serviteurs de l’État que sont les recteurs et il a été tenu compte de la situation de départ, ainsi que des prévisions démographiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. René-Pierre Signé. Vous êtes embarrassée.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous évoquez les conditions d’enseignement, mais je vous rappelle que c’est ce gouvernement qui a créé les internats d’excellence et les cordées de la réussite !
M. Paul Raoult. Rétablissez la carte scolaire !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Vous avez raison sur un point : des réformes sont nécessaires, et nous les menons !
En effet, il n’est pas acceptable, dans un pays comme la France, que les personnes les plus défavorisées se voient pénalisées par le système scolaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place les internats d’excellence et le système CLAIR – collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite.
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Bien entendu, le travail de fond qui est mené a pour objectif d’améliorer le système éducatif, car, dans notre pays, chaque enfant doit avoir la possibilité de réussir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. C’est raté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est lamentable !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
Mme la présidente. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur les orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration en 2010, en application de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et sera disponible au bureau de la distribution.
7
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 7 avril 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-135 QPC et 2011-136 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
8
Bioéthique
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 19 A.
Titre VI
ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION
Article 19 A
I. – L’article L. 1244-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le début de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigé : « Le consentement des donneurs et, s’ils font partie d’un couple,… (le reste sans changement). » ;
2° (Supprimé)
II. – Après l’article L. 1244–4 du même code, il est rétabli un article L. 1244–5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1244–5. – La donneuse bénéficie d’une autorisation d’absence de son employeur pour se rendre aux examens et se soumettre aux interventions nécessaires à la stimulation ovarienne et au prélèvement ovocytaire. Lorsque la donneuse est salariée, l’autorisation est accordée dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 1225-16 du code du travail. »
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par Mme Le Texier, MM. Godefroy, Cazeau et Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il est majeur, le donneur peut ne pas avoir procréé. Il se voit alors proposer le recueil et la conservation d'une partie de ses gamètes ou de ses tissus germinaux en vue d'une éventuelle réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, dans les conditions prévues au titre IV du livre Ier de la deuxième partie. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement du donneur. »
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement vise à rétablir une disposition introduite par l’Assemblée nationale autorisant le don d’ovocytes par des femmes n’ayant pas encore procréé et donnant la possibilité, à l’occasion du don, de l’autoconservation de leurs gamètes.
La commission des affaires sociales du Sénat, sur l’initiative de son rapporteur, M. Milon, a supprimé ces possibilités au motif que ces mesures combinées, dont le bénéfice en matière de nombre et de qualité des dons est incertain, sont de nature à remettre en cause les finalités purement altruistes du don de gamètes.
Nous ne pouvons qu’être sensibles à l’argument philosophique et éthique du caractère altruiste du don ; c’était d’ailleurs l’objet de notre intervention sur l’article 7, concernant le don dédié et sa conservation.
Néanmoins, on ne peut nier que la pénurie préoccupante de dons d’ovocytes en France encourage certaines pratiques peu éthiques, qui induisent des risques de rémunération occulte des donneuses.
On ne peut nier non plus que le don d’ovocytes n’est pas anodin et qu’il induit un risque, même s’il est minime, d’infertilité pour la donneuse.
On doit considérer également que l’obligation faite aux donneuses d’avoir déjà procréé est une spécificité française.
Par ailleurs, si la preuve n’est peut-être pas irréfutable, il existe de fortes présomptions pour que des ovocytes prélevés chez une femme « plus jeune » soient de meilleure qualité, de la même manière que, corollairement, plus on avance en âge, plus il est difficile d’avoir des enfants.
Une mission de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, réfléchit au moyen d’améliorer le don d’ovocytes en France.
La disposition que nous vous proposons de rétablir n’est peut-être pas la meilleure, mais, en l’état actuel des choses et après avoir pesé les différents arguments, elle nous semble être une réponse s’inscrivant dans la sphère de l’éthique.
Nous considérons, en outre, que la possibilité d’autoconservation ne peut pas être véritablement considérée comme une brèche dans le principe du don altruiste, car, dans ce cas de figure, cela est organisé dans le seul cas où la femme serait en quelque sorte « victime de son don ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. M. Cazeau a expliqué les raisons pour lesquelles la commission a supprimé cette possibilité.
Que le donneur qui peut ne pas avoir procréé donne ses gamètes, soit, mais qu’il les donne pour une éventuelle réalisation ultérieure, comme le prévoit cet amendement, nous paraît gênant.
Par exemple, dans le cas des ovocytes, une telle disposition permettrait à une femme n’ayant pas eu d’enfants de donner ses gamètes, puis d’achever ses études et d’engager une carrière professionnelle, avant de reprendre ses gamètes pour avoir des enfants.
Considérant que cet amendement autorise la convenance, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nos collègues du groupe socialiste proposent, à travers cet amendement, de réintroduire une disposition supprimée par la commission des affaires sociales, afin de rétablir la possibilité pour une personne n’ayant pas encore procréé de donner ses gamètes.
Cette interdiction, qui avait vocation à protéger les donneurs, est censée permettre de s’assurer qu’ayant déjà au moins un enfant, leur don ne les priverait pas de la possibilité de « s’établir », selon l’expression juridique en vigueur, c’est-à-dire de construire une famille.
Aujourd’hui, cette protection nous apparaît comme étant une limitation trop importante. Il est bien évident que le don de gamète issu d’un donneur masculin n’a aucune conséquence quant à la capacité physique de celui-ci à procréer lui-même dans le but de constituer une famille.
Bien que le don soit plus complexe pour les femmes, notamment en raison des traitements précédant les prélèvements ou des anesthésies générales qui peuvent être pratiquées, il semblerait que les risques soient très limités et n’entraînent que très rarement, dans des cas très graves, l’infertilité de la donneuse.
Par ailleurs, cette disposition rend impossible le don d’ovocytes de femmes qui, bien que ne voulant pas elles-mêmes constituer une famille, veulent tout de même participer à cet élan de solidarité que constitue le don d’ovocyte.
Cela est d’autant plus regrettable que, suivant un rapport remis par l’IGAS en 2010, les besoins non satisfaits sont grands.
Selon l’Agence de la biomédecine, plus de 1 600 couples étaient en attente en 2008. L’IGAS, de son côté, fait état d’une « demande réelle » qui pourrait concerner quelque 6 000 couples.
Enfin, le rapport de l’IGAS aborde de manière précise les nombreuses dérives encadrant ce don. Or, s’il y a dérive, c’est qu’il y a marché. Et s’il y a marché, c’est que notre législation, parce qu’elle est trop restrictive, entraîne des insuffisances.
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cet amendement.
9
Souhaits de bienvenue à une délégation afghane
Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation des deux chambres du Parlement afghan. (M. le ministre, Mme la secrétaire d'État chargée de la santé ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Cette délégation est conduite par M. Humayoun Azizi, ministre chargé des relations avec le Parlement. Elle compte dans ses rangs M. Rahmani, président de la commission de l’économie nationale de la Chambre des représentants et M. Erfaani, président de la commission des finances de la Chambre des Anciens, ainsi qu’une quinzaine de députés et de sénateurs membres des commissions des finances.
Elle est accompagnée par M. Mohammad Sharif Sharifi, directeur du bureau d’Audit et de contrôle de l’Afghanistan, équivalent de notre Cour des comptes. Avec l’aide de l'École nationale d'administration, cette importante délégation vient étudier en France la procédure et le contrôle budgétaires auprès de nos assemblées.
Chacun ici se rappelle que ce sont les administrateurs de l’Assemblée nationale et du Sénat français qui, en 2005, ont, dans le cadre d’un programme des Nations unies, aidé, avec succès, les services du Parlement afghan à reprendre leur activité, après plus de vingt ans de silence.
Aujourd’hui, notre coopération technique est très étroite avec les deux chambres afghanes, avec le soutien de notre ministère des affaires étrangères. C’est le signe – il convient de le souligner – que la France ne se borne pas à une présence militaire dans ce beau pays.
Permettez-moi de souhaiter à cette délégation une cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
10
Bioéthique
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre VI, à l’article 19 B.
Titre VI (suite)
ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION
Article 19 B
I. – Au 11° de l’article L. 1418-1 du même code, les références : « , L. 2131–4–2 et L. 2142–1–1 » sont remplacées par la référence : « et L. 2131–4–2 ».
II. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Au premier alinéa de l’article L. 2131–4–2, les mots : « au diagnostic prénatal et » sont supprimés ;
3° Le second alinéa de l’article L. 2131–4–2 est supprimé.
III. – Le chapitre II du titre IV du même livre Ier est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa de l’article L. 2142–1, après le mot : « doivent », sont insérés les mots : « faire appel à des praticiens en mesure de prouver leur compétence et » ;
2° L’article L. 2142–1–1 est abrogé ;
2° bis La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2142-3-1 est supprimée ;
3° Le 3° de l’article L. 2142–4 est abrogé. – (Adopté.)
Article 19 C (nouveau)
La technique de congélation ultra-rapide des ovocytes est autorisée.
Mme la présidente. L'amendement n° 165, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cette autorisation peut-être retirée dans les conditions fixées par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 2141-1 du code de la santé publique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. L’autorisation d’une technique de conservation des gamètes par la loi soulève plusieurs difficultés, notamment celle de son retrait.
Si la congélation ultrarapide devait poser des problèmes, il faudrait pouvoir y mettre fin sans recourir à la loi. À cette fin, cet amendement prévoit que le retrait de l’autorisation pourra se faire dans les conditions de droit commun.
Cette technique figure dans la loi, sur l’initiative de l'Assemblée nationale et à la demande de médecins qui sont convaincus de son intérêt, mais qui se sont vu interdire toute étude sur le sujet pour des raisons difficiles à saisir.
À mes yeux, il s’agit d’une technique supplémentaire d’assistance médicale à la procréation qui peut améliorer les pratiques, mais qui demande à être évaluée. Elle ne se mettra en place que progressivement et, au moins dans un premier temps, s’ajoutera aux autres techniques, sans s’y substituer. Elle a donc un intérêt, mais qui est encore potentiel et limité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19 C, modifié.
(L'article 19 C est adopté.)
Articles additionnels après l'article 19 C
Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mme Giudicelli, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Cointat, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et P. Dominati et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
Après l'article 19 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre II du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le chapitre IV du titre IV est abrogé ;
2° Après le titre IV, il est inséré un titre IV bis ainsi rédigé :
« Titre IV bis
« Gamètes
« Chapitre I
« Prélèvement, collecte et conservation de gamètes
« Art. L. 1246-1. - Le prélèvement de gamètes sur une personne ne peut être opéré que dans l'intérêt thérapeutique direct de son couple afin de procéder à une assistance médicale à la procréation définie à l'article L. 2141-1.
« Art. L. 1246-2. - La femme prélevée, préalablement informée par le médecin des risques qu'elle encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement, doit donner son consentement par écrit au prélèvement ainsi qu'à l'éventuelle conservation de ses ovocytes qui n'auraient pas été utilisés pour l'assistance médicale à la procréation. Le consentement est révocable sans forme et à tout moment.
« Art. L. 1246-3. - Aucun prélèvement ou collecte de gamètes ne peut avoir lieu sur une personne mineure ou sur une personne majeure faisant l'objet d'une mesure de protection légale.
« Chapitre II
« Don de gamètes
« Art. L. 1246-4. - Par dérogation à l'article L. 1246-1, un don anonyme et gratuit peut être effectué par un donneur ou une donneuse majeure ayant déjà procréé, en vue d'une assistance médicale à la procréation.
« Son consentement et, s'il fait partie d'un couple, celui de l'autre membre du couple sont recueillis par écrit et peuvent être révoqués à tout moment jusqu'à l'utilisation des gamètes. Il en est de même du consentement des deux membres du couple receveur.
« Art. L. 1246-5. - L'insémination artificielle par sperme frais provenant d'un don et le mélange de spermes sont interdits.
« Art. L. 1246-6. - Le recours aux gamètes d'un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de dix enfants.
« Art. L. 1246-7. - Les organismes et établissements autorisés dans les conditions prévues à l'article L. 2142-1 fournissent aux autorités sanitaires les informations utiles relatives aux donneurs. Un suivi des donneurs est effectué pour pouvoir informer le médecin de l'enfant issu du don le cas échéant, dans un but de prévention notamment. Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de don.
« Art. L. 1246-8. - Le bénéfice d'un don de gamètes ne peut en aucune manière être subordonné à la désignation par le couple receveur d'une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d'un couple tiers anonyme.
« La donneuse d'ovocytes doit être particulièrement informée des conditions de la stimulation ovarienne et du prélèvement ovocytaire, des risques et des contraintes liés à cette technique, lors des entretiens avec l'équipe médicale pluridisciplinaire. Elle est informée des conditions légales du don, notamment du principe d'anonymat et du principe de gratuité.
« Art. L. 1246-9. – Les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Conséquence du débat que nous avons eu ce matin sur l’anonymat du don de gamètes, cet amendement tend à insérer un nouveau titre au sein du code de la santé publique qui consacre la particularité des gamètes.
En effet, les gamètes ne sont pas assimilables aux autres cellules du corps en ce qu'ils peuvent transmettre la vie et constituent la moitié du patrimoine génétique de la personne qui en sera issue. Étant de nature différente des autres cellules, produits et tissus du corps humain, il est donc normal qu'ils soient soumis à un encadrement différent et ne relèvent plus du titre IV du code de la santé publique « Tissus, cellules, produits du corps humain et leurs dérivés ».
Cela va dans le sens de l’article 16-4, alinéa 3, du code civil, qui confère aux gamètes une valeur particulière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission considère que consacrer un chapitre spécifique aux gamètes est suffisant et qu’il n’est pas nécessaire de créer un titre nouveau.
De plus, la rédaction proposée ajoute des dispositions nouvelles, notamment l’interdiction du principe du prélèvement en dehors de l’intérêt thérapeutique direct du couple, ce qui pose un problème de compatibilité avec l'article L. 2141-11 du code de la santé publique.
L'amendement tend également à supprimer la mention du remboursement des frais engagés par la donneuse, qui figure à l'article L. 1244-7 du même code.
Tout cela empêche l’adoption de cet amendement en l’état. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Mettre en place un principe d’interdiction, même assorti de dérogations, n’est pas de la meilleure logique. Par ailleurs, cela peut accentuer la pénurie de gamètes.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, et j’en suis désolé, il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Hermange, l'amendement n° 40 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Même si les gamètes font l’objet d’un chapitre dédié au sein du code de la santé publique, ce chapitre est lui-même inséré dans un titre qui consacre les gamètes comme étant de même nature que les autres « tissus, cellules et produits du corps humain » susceptibles de don.
Pour ce qui est du remboursement, j’en conviens, il est nécessaire. Ceux d’entre vous qui se sont rendus dans les laboratoires pour voir comment se passaient les prélèvements d’ovocytes savent que cela nécessite du temps. Il n’en reste pas moins que le principe d’un système monnayable pour l’extraction des ovocytes me pose problème.
C'est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 112 rectifié, présenté par M. Revet, Mmes Hermange et B. Dupont, M. Bécot, Mme Bruguière, MM. Bailly et Beaumont, Mme Rozier et MM. P. Dominati et Lardeux, est ainsi libellé :
Après l'article 19 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute disposition législative ou réglementaire ayant trait à la recherche scientifique dans les domaines de santé humaine ou d'aide à la procréation doit en priorité prendre en compte l'intérêt de l'enfant.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement se justifie par son texte même.
Il est vrai que, s’il était adopté, cet article additionnel serait de faible portée normative, mais, comme il n’est nulle part fait mention de l’intérêt de l’enfant dans le projet de loi, je pense qu’il serait utile de rappeler ici l’objectif de l’aide à la procréation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
La portée normative de cette disposition est contestable. Certes, tout le monde peut y adhérer sur le fond, mais l’adoption de cet amendement n’empêcherait nullement le législateur d’adopter d’autres dispositions, même contraires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je voterai contre cet amendement. On marche sur la tête ! Que l’on veuille donner des raisons et des finalités à la recherche scientifique dépasse l’entendement. La recherche scientifique englobe l’ensemble des connaissances, qu’il s’agisse des adultes, du monde végétal, du monde animal. Il va de soi que l’intérêt de l’enfant fait partie des objectifs, mais c’en est un parmi d’autres.
Fixer des règles et des objectifs à la recherche scientifique serait, pour le législateur, s’engager dans une bien mauvaise direction.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 19
L’article L. 2141-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« L’assistance médicale à la procréation s’entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des embryons, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle. La liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine. Un décret en Conseil d’État précise les modalités et les critères d’inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du code civil, l’efficacité, la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l’enfant à naître. L’Agence de la biomédecine remet au ministre chargé de la santé, dans les trois mois après la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique, un rapport précisant la liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation ainsi que les modalités et les critères d’inscription des procédés sur cette liste.
« Toute technique visant à améliorer l’efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent article fait l’objet, avant sa mise en œuvre, d’une autorisation délivrée par le directeur général de l’Agence de la biomédecine après avis motivé de son conseil d’orientation.
« Lorsque le conseil d’orientation considère que la modification proposée est susceptible de constituer un nouveau procédé, sa mise en œuvre est subordonnée à son inscription sur la liste mentionnée au même premier alinéa.
« La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L’Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Le mot : « recommandations » est remplacé par le mot : « règles » ;
b) Sont ajoutés les mots : « fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Alors que nous poursuivons l’examen du titre VI relatif à l’assistance médicale à la procréation, je souhaite rappeler que, si le projet de loi a dû être découpé en titres, tous les questionnements éthiques qu’il suscite sont liés, et toutes les pratiques que nous autorisons ont des incidences les unes sur les autres.
Il en est ainsi de l’aide médicale à la procréation et de la recherche sur l’embryon.
Les questions que nous nous posons aujourd’hui tiennent, bien sûr, au stock d’embryons surnuméraires congelés accumulés par notre pratique de l’assistance médicale à la procréation.
Je présenterai donc des amendements visant à faire en sorte que le nombre des embryons constitués corresponde au nombre d’embryons implantés, puisque la congélation des embryons n’apporte plus rien à l’assistance médicale à la procréation. En effet, l’objectif de limitation du nombre d’embryons conservés inscrit par les députés dans le projet de loi ne sera effectif que si l’on précise le nombre d’embryons autorisé par tentative d’AMP.
Il s’agit ici d’amendements de cohérence, puisque tout le monde s’accorde à dire – un certain nombre des personnes qui nous écoutent dans les tribunes partagent ce point de vue – que la vitrification ovocytaire permettra de ne plus avoir d’embryons surnuméraires.
Il est opportun de rappeler qu’en 1994 – relisez les débats - c’est l’impossibilité de conserver les ovocytes qui avait servi d’argument pour autoriser la conservation des embryons.
Prenons-en acte et inscrivons donc dans la loi que le nombre d’embryons à implanter directement est fixé à l’avance, puisque, en parallèle, on nous propose aujourd'hui la vitrification ovocytaire.
Aujourd’hui, on dénombre en France 150 000 embryons congelés. Selon l’Agence de la biomédecine, en 2008, seuls 66 % des 150 000 embryons faisaient encore l’objet d’un « projet parental ».
Pour les embryons dits « surnuméraires », sur lesquels ne reposent pas de projet parental, la loi prévoit qu’au bout d’un certain temps ils soient détruits, donnés à la recherche ou bien confiés à d’autres couples, des options qui posent de multiples problèmes éthiques.
La science masque aux parents les enjeux de la congélation et les dilemmes cornéliens qu’elle pose en se présentant seulement comme la réponse concrète à leur douloureux problème de stérilité. On les met donc devant des choix impossibles à cause de la congélation des embryons qui n’est aujourd’hui plus utile ! Finalement, ce sont les parents qui deviennent les censeurs ou les promoteurs de la recherche.
En effet, aujourd’hui, nous autorisons la vitrification ovocytaire, qui permettra de constituer un embryon « frais » à chaque tentative d’assistance médicale à la procréation plutôt que d’avoir à décongeler des embryons déjà constitués des mois, voire des années avant.
J’ai déjà cité au cours de ce débat l’exemple de cette femme de quarante-deux ans qui avait un embryon congelé depuis vingt ans, qui se l’est fait implanter et qui a donné l’enfant à adopter…
D’ailleurs, un certain nombre de parents qui désirent un autre enfant préféreraient recréer des embryons plutôt que d’utiliser leur « stock » en CECOS, les centres d’études et de conservation du sperme, les jugeant « passés de date » ou s’interrogeant sur leur âge réel par rapport au frère ou à la sœur né de la même « production ». Ainsi, seuls 2 000 bébés par an naissent après une décongélation.
De plus, cela va de pair avec de meilleurs résultats de l’assistance médicale à la procréation, car l’on obtient plus de grossesses en transfert d’embryon « frais » qu’avant.
La congélation des embryons n’est dès lors plus utile pour les couples qui ont recours à l’assistance médicale à la procréation !
En outre, autoriser la vitrification ovocytaire n’a de sens que si cette technique s’accompagne d’un encadrement éthique, sans quoi elle ne servira qu’à transformer progressivement la fonction médicale de l’assistance médicale à la procréation en technique de convenance.
Les ovocytes conservés ne seront-ils pas une tentation pour demander une assistance médicale à la procréation à tout âge ou pour constituer des embryons anonymes ? S’il s’agit de maternités de convenance, seront-elles remboursées par la sécurité sociale ?
Pour autant, afin de prendre en compte la réalité des pratiques médicales et de laisser le temps aux laboratoires de s’approprier la technique de la vitrification ovocytaire, la limitation que nous prévoyons entrera en vigueur un an après la promulgation de la loi.
Mes chers collègues, nous avons donc aujourd’hui la responsabilité de revenir à une pratique d’assistance médicale à la procréation qui réduise notre stock d’embryons, un stock qui pose problème à tous. J’espère que nous prendrons la mesure de cette responsabilité.
Je présenterai en conséquence des amendements au regard de cette nouvelle technique, qui induit une réduction des embryons surnuméraires.
Mme Bernadette Dupont. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Cet article précise les conditions dans lesquelles de nouvelles techniques d’assistance médicale à la procréation seraient susceptibles d’être autorisées.
Depuis la naissance de Louise Brown en 1978, plus de 4 millions d'enfants dans le monde sont nés grâce à la fécondation in vitro. Les techniques d’assistance médicale à la procréation n’ont cessé d’évoluer depuis, comme le montre d’ailleurs la première naissance française issue d’ovocytes congelés obtenue par le professeur René Frydman en novembre 2000.
Le législateur a peiné à répondre à cette évolution médicale, sans doute en raison de considérations morales. En effet, hormis des problèmes d’origine médicale, la cause la plus fréquente d’infertilité est l’âge. Les femmes veulent ainsi des enfants de plus en plus tard sans toujours réaliser que leur fertilité chute rapidement après trente-cinq ans.
Or l’assistance médicale à la procréation n’est pas une baguette magique. Ses taux de succès diminuent aussi avec l’âge. On peut remarquer que le taux de succès des fécondations in vitro, qui est en moyenne de 25 % par tentative, tombe à 18 % à trente-huit ans et à 6 % à quarante-deux ans.
À cet égard, l’autorisation de nouvelles techniques de procréation permettra à nos concitoyennes d’avoir des enfants dans les meilleures conditions possibles, mais aussi dans les conditions qu’elles désirent.
Ce progrès risque cependant d’être obéré par les capacités limitées des centres de diagnostic préimplantatoire, liées à l’insuffisance de moyens en équipement et en personnel.
Avec cet article, cependant, nous avançons dans la bonne direction. Il apparaît simplement nécessaire de le modifier sur un point, d’ordre juridique, en introduisant un cadre un peu plus souple permettant les innovations médicales en procréation médicale assistée dans de meilleurs délais.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24, présenté par MM. Mirassou et Cazeau, Mme Le Texier, MM. Godefroy et Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Desessard, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L’assistance médicale à la procréation fait appel aux pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation de gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, en l’absence de M. Mirassou, qui est l’inspirateur de ce dispositif, je préfère considérer que l’amendement est défendu, car j’ai entre les mains plusieurs versions qui se contredisent !
Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié bis, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mme Giudicelli, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia et Bailly et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
conception in vitro
supprimer les mots :
la conservation des embryons,
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement est le premier d’une série d’amendements de cohérence par rapport à la position que j’ai défendue tout à l’heure.
En effet, la vitrification ovocytaire doit avoir pour contrepartie la cessation de la conservation des embryons, qui est source de problèmes. La conservation des embryons ne peut être inscrite comme une technique d’assistance médicale à la procréation dès lors que l’on dispose de la vitrification ovocytaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 24, présenté par M. Cazeau en remplacement de M. Mirassou. Il y a en effet une contradiction manifeste entre l’objet de l’amendement et l’amendement lui-même. (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. Je m’en suis aperçu !
M. Xavier Bertrand, ministre. Est-ce à dire, monsieur le rapporteur, que vous auriez pu être favorable à l’amendement ?
M. Alain Milon, rapporteur. Non, monsieur le ministre, nous y sommes en tout état de cause défavorables, et plus encore en raison de cette contradiction majeure que M. Cazeau a d’ailleurs lui-même relevée.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 39 rectifié bis, défendu par Mme Hermange, puisqu’il vise l’interdiction immédiate de la conservation des embryons dans le cadre d’un projet parental. S’il était adopté, il mettrait fin à tous les projets élaborés par un couple sur plusieurs années, ce que nous ne pouvons accepter.
Il faut le souligner encore une fois, la vitrification ovocytaire offre la perspective de congeler des ovocytes plutôt que des embryons, mais une telle évolution, si elle a lieu, ne peut être que progressive.
En tout cas, selon nous, il n’appartient pas au législateur de définir les meilleures pratiques en matière d’assistance médicale à la procréation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis favorable à l’amendement de M. Cazeau parce qu’il vise à rétablir la version initiale du Gouvernement. Cela dit, M. le rapporteur a parfaitement raison de souligner la contradiction totale qui existe entre l’objet et l’amendement lui-même. M. Cazeau en a d’ailleurs convenu.
Par ailleurs, j’émets un avis défavorable sur l’amendement de Mme Hermange. Je reste en effet persuadé que son adoption conduirait à opérer un véritable recul.
Mme la présidente. Monsieur Cazeau, l’amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Bernard Cazeau. Non, madame la présidente, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 24 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l’amendement n° 39 rectifié bis.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je n’ai, pour ma part, aucune raison de retirer mon amendement. Tous les scientifiques le disent depuis une dizaine d’années, la vitrification va permettre de réduire le nombre d’embryons conservés. Mon amendement n’est rien d’autre qu’un amendement de cohérence par rapport à cette nouvelle technique qui est ici envisagée.
De plus, contrairement à ce que prétend M. le rapporteur, la mesure que je préconise ne sera pas d’application trop rapide puisque, dans un amendement qui viendra ensuite en discussion, je propose un délai d’un an pour assurer la transition.
Si l’on est vraiment sûr qu’il s’agit d’une technique éprouvée, on en prend acte et on l’inscrit dans la loi : c’est ce que vous nous proposez. J’ouvre une parenthèse pour signaler qu’il y a aussi des articles scientifiques dans lesquels sont évoqués un certain nombre de problèmes. Mais quand on veut les occulter, on y arrive toujours…
On nous dit que la vitrification ovocytaire va limiter le nombre d’embryons. J’en prends acte. Je comprends très bien qu’il faille un délai aux laboratoires pour s’adapter : je propose de le fixer à un an, mais j’accepterais qu’il soit porté à deux ou trois ans, si vous préférez.
Pour autant, il va arriver un moment où, dans nos congélateurs, ce seront non pas 150 000 embryons surnuméraires qui seront conservés, mais 300 000. Or il s’agit aussi, à l’image de la dette financière dont nous parlons souvent, d’une autre dette que nous laissons à nos enfants.
M. Guy Fischer. Oh là là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comparaison n’est pas raison !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Hermange, l’article 22 du projet de loi prévoit déjà de limiter le nombre d’ovocytes fécondés. Pour cette raison, je pense que l’adoption de votre amendement non seulement n’apporterait rien de plus, mais à mon sens opérerait aussi un recul.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19.
(L’article 19 est adopté.)
Article additionnel après l’article 19
Mme la présidente. L’amendement n° 166, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2141-11 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue par l’article L. 2141-1, selon les conditions déterminées par cet article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Article 20
L’article L. 2141-2 du même code est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. » ;
2° Au dernier alinéa :
a) À la première phrase, les mots : «, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans et consentant » sont remplacés par les mots : « et consentir » ;
b) Après la première phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils doivent être mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité ».
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Cet article 20 a pour objet, d’une part, d’affirmer la finalité médicale de l’assistance médicale à la procréation, et, d’autre part, d’ouvrir l’accès à l’AMP aux personnes liées par un pacte civil de solidarité, et ce sans condition de délai.
Notre groupe a déposé deux amendements sur cet article.
L’un vise à supprimer tout critère relatif au mode d’union des couples ayant recours à l’aide médicale à la procréation : c’est l’amendement n° 25 rectifié.
L’autre tend à ouvrir l’aide médicale à la procréation à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels : c’est l’amendement n° 26, sur lequel je m’attarderai un peu.
À notre sens, l’AMP doit être ouverte à l'ensemble des couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, à partir du moment où ils ont un projet familial.
Il est important, à ce stade, de rappeler que l’orientation sexuelle des futurs parents fait partie de leur vie privée et qu’elle ne nous regarde pas. La Cour européenne des droits de l’homme l’a explicité, le 22 janvier 2008, dans l’arrêt E.B. contre France, tout comme, plus récemment, le tribunal administratif de Besançon : aucune discrimination ne peut et ne doit être faite sur le fondement de l’orientation sexuelle, puisque cet élément est une composante de la vie privée.
De plus, la société ne doit plus avoir peur de l’homoparentalité. La famille, aujourd’hui, ce n’est plus uniquement une mère et un père mariés et des enfants.
Plus de la moitié des enfants naissent hors mariage, et il existe de nombreux schémas familiaux différents : la famille monoparentale – un foyer sur cinq –, la famille recomposée et la famille homoparentale. Chacun d’entre nous, quoi qu’il en pense, doit prendre acte de cette évolution.
L’homoparentalité est désormais un fait que l’on ne peut ignorer : de plus en plus d’enfants dans le monde ont été, sont et seront élevés par deux parents de même sexe, sans être ni plus malheureux ni moins heureux que les enfants des autres couples.
Des études ont montré qu’être élevé dans une famille homoparentale ne constitue pas un facteur de risque pour les enfants, et d’autres ont prouvé que les enfants qui grandissent dans des familles homoparentales ne se différencient pas des enfants de couples hétérosexuels. Les enfants sont tout à fait capables, comme l’ont démontré les psychiatres et les psychanalystes, de construire leur altérité dans un couple de même sexe.
Enfin, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples homosexuels, que nous souhaitons, n’est aucunement un moyen de satisfaire un désir d’enfant. L’AMP doit répondre à un projet familial, à la volonté de fonder une famille.
Un couple qui, souhaitant fonder une famille, se heurte à une infertilité biologique ou sociale doit pouvoir bénéficier des progrès de la science.
Comme vous le savez, plusieurs pays ont déjà adapté leur législation en ce sens. De nombreux couples de même sexe souhaitant fonder une famille partent alors s’établir à l’étranger : en Belgique, au Danemark, aux Pays-Bas, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suède, ou encore, plus récemment, en Espagne.
Les schémas familiaux ont changé ; la société évolue. À mon sens, ce projet de loi relatif à la bioéthique devrait avoir pour objectif de faire coïncider de telles évolutions avec les progrès des techniques dans la recherche et la science.
Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Collin et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 2141-2 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « composé d’un homme et d’une femme, de deux femmes ou d’une femme célibataire en âge de procréer » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « l'infertilité », sont insérés les mots : «, excepté dans le cas du couple de femmes ou de la femme célibataire, » ;
3° La première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :
« L'homme et la femme ou les deux femmes formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en concubinage et consentant préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination. »
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Dans le droit fil de l’argumentation développée par notre collègue Richard Yung, nous proposons, par cet amendement, d’ouvrir l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires en âge de procréer, que l’infertilité soit médicale ou qu’elle soit « sociale ».
Cette possibilité existe déjà chez certains de nos voisins : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique, la Grèce ou l’Espagne. Bon nombre de couples homosexuels ou de femmes célibataires partent d’ailleurs à l’étranger pour bénéficier de ces techniques.
La société évolue et les familles d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que celles du début du siècle dernier. Aussi, la révision des lois de bioéthique devrait être l’occasion de repenser les conditions d’accès à l’AMP.
L’assistance médicale à la procréation doit permettre l’exercice du droit à un projet parental par toutes les femmes, stériles ou non, qu’elles soient en couple avec un homme ou une femme ou qu’elles soient célibataires.
L’infertilité médicale des femmes ne doit plus être le seul critère permettant d’accéder à l’AMP.
Mme la présidente. L'amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Collin et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
…° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou d’une femme célibataire en âge de procréer » ;
…° Au deuxième alinéa, après les mots : « l’infertilité », sont insérés les mots : « d’un couple ou d’une femme célibataire ».
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Actuellement, toute femme célibataire âgée de plus de vingt-huit ans peut demander un agrément en vue de l’adoption d’un enfant auprès du conseil général dont elle dépend. Une femme seule peut donc adopter. En revanche, l’accès à l’assistance médicale à la procréation lui est refusé.
Pourquoi traiter différemment cette femme, qui peut adopter seule, mais qui ne peut recourir à l’AMP ? Il y a là, me semble-t-il, une incohérence juridique.
L’objet de notre amendement est donc de permettre aux femmes célibataires médicalement infertiles d’avoir accès à l’AMP.
Sur ce point précis, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans son rapport intitulé L’évaluation de l’application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, publié en 2008, s’était interrogé sur la rigidité du cadre d’accès à l’AMP et avait recommandé de l’ouvrir aux femmes célibataires médicalement infertiles.
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans et consentant » sont remplacés par les mots : « Les personnes formant le couple doivent être vivantes, en âge de procréer et consentir ».
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. La législation française mise en place en 1994 encadre très strictement l’assistance médicale à la procréation, destinée, selon les termes de la loi, à répondre à la demande parentale d’un couple infertile pour des raisons pathologiques ou à éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. En outre, l’assistance médicale à la procréation est réservée aux couples hétérosexuels stables, en vie et en âge de procréer.
Notre législation se fonde sur un modèle familial dominant, ignorant aujourd’hui assez largement les évolutions à l’œuvre dans la société française. Elle ne laisse aucune place à d’autres modes de parentalité, alors qu’aujourd’hui cette dernière se conjugue désormais au pluriel.
Familles monoparentales, coparentalité, ménages sans famille, réseaux familiaux : l’institution familiale a désormais plusieurs visages et les trajectoires de vie prennent des formes de plus en plus variées, en alternant séquences de vie en couple et séquences de célibat, sans pour autant renoncer à un autre trait de la modernité familiale, à savoir l’attention portée à l’enfant avec l’amour parental comme pierre angulaire.
Nous avons majoritairement admis, depuis quarante ans, qu’il puisse y avoir un découplage entre sexualité et procréation. Il nous faut désormais admettre qu’il puisse y avoir découplage entre sexualité et procréation par l’entremise de la médecine ou d’un tiers consentant, entre conjugalité et filiation, entre parentalité et famille.
Nous considérons qu’il est aujourd'hui de la responsabilité du législateur de prendre en compte ces évolutions majeures et qu’il n’est plus possible de maintenir une législation aussi ostensiblement sourde aux évolutions de la société.
C'est pourquoi nous pensons que l’AMP doit s’ouvrir à d’autres formes de parentalité auxquelles les pratiques sociales actuelles ont d’ores et déjà donné une réalité tangible et ainsi être accessible à tous les couples, quelles que soient les causes de leur infertilité, médicale ou sociale.
Les seules questions à prendre en considération sont celles de la consistance du projet parental et de l’intérêt de l’enfant. Il est, en effet, légitime et nécessaire de se poser la question des éventuelles conséquences psychologiques, affectives et sociales pour un enfant de naître dans des conditions particulières ou de grandir dans une famille dont la configuration serait éloignée des normes sociales majoritaires.
L’expérience désormais acquise, comme la littérature abondante et les recherches réalisées, par exemple, aux États-Unis et en Europe du Nord, montrent assez clairement qu’il n’y a pas d’impact majeur de l’homoparentalité sur le bien-être et le devenir psychologique des enfants. Nous devons donc lever les préjugés et les craintes formulées à l’égard de l’homoparentalité et témoigner du fait que les familles homoparentales sont à la fois des familles hors normes et des familles ordinaires.
Quant à ceux qui doutent de la consistance du projet parental hors des couples « traditionnels », c’est, d’une manière générale, bien mal connaître le parcours du combattant de l’AMP comme de l’adoption. Toutes les situations d’aide à la procréation, de gestation pour autrui ou d’adoption ont en commun un solide projet parental, bien souvent plus abouti que celui des couples classiques dans lesquels l’heureux événement n’est pas toujours un événement attendu.
Avoir un enfant est pour beaucoup de ces couples infertiles un parcours difficile, une somme de souffrances physiques et psychologiques, parfois très grandes. La durée moyenne d’une démarche d’AMP est aujourd’hui de trois ans, un délai durant lequel les parents d’intention ont largement le temps de prendre la mesure de leur choix et des responsabilités qu’il implique.
S’il n’existe pas de droit à l’enfant, il existe cependant la liberté d’en avoir et nous considérons donc qu’il devrait exister un droit à la parentalité. C'est la raison pour laquelle nous vous présentons cet amendement.
Madame la présidente, comme j’ai dépassé un peu mon temps de parole, cet argumentaire vaudra aussi pour l’amendement n° 26.
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Hyest, Cazalet, Couderc, Doligé, Vial, Darniche, Revet et B. Fournier, Mmes G. Gautier, Henneron et Hermange et MM. Bailly et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Un projet implique la nécessité de s’inscrire dans la durée et le texte en discussion prévoit d’apprécier cette durée, fixée à deux ans de vie commune, en mettant sur le même plan le mariage et le PACS.
D’un strict point de vue juridique, il ne me paraît pas possible d’assimiler le PACS au mariage. Dans le premier cas, il s’agit d’un contrat civil qui organise une simple relation patrimoniale n’ouvrant ni droits à la filiation ni droits à héritage ; dans le second, il s’agit d’une institution qui ouvre des droits et génère une filiation. Par ailleurs, la manière dont peut se terminer un mariage ou un PACS n’est pas de même nature.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, au travers de cet amendement, introduire l’idée selon laquelle il y a, d’un côté, le mariage, qui est un signe de stabilité et, de l’autre, une durée de vie commune de deux ans, qui est un autre signe de stabilité.
Cet amendement me donne l’occasion de poser au Gouvernement une question plus générale : les droits du PACS tendent à se rapprocher de plus en plus de ceux du mariage. Il arrivera un moment où se posera la question de savoir si l’une des deux institutions n’est pas superflue. Si tous les droits du pacsé sont identiques à ceux de la personne mariée, il faudra en tirer les conclusions.
Mme la présidente. L'amendement n° 140 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 141 rectifié.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 141 rectifié qui, présenté par Mme Payet, M. Détraigne et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ils sont mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Anne-Marie Payet. Ces amendements visent à rétablir le texte de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique tel que prévu dans la loi du 6 août 2004.
Dans l’intérêt de l’enfant, un projet parental nécessite de la stabilité. Le mariage, institution fondée sur l’engagement entre un homme et une femme, est également un acte fondateur de filiation. Il paraît donc le plus à même d’apporter cette stabilité. À défaut de mariage, l’existence d’une vie commune stable d’au moins deux ans est raisonnable, ce délai présentant en outre l’intérêt de s’assurer de l’infécondité du couple.
Mme la présidente. Les amendements nos 7 rectifié ter et 26 sont identiques.
L'amendement n° 7 rectifié ter est présenté par MM. de Legge, Hyest, Cazalet, Couderc, Doligé, Vial, Darniche, Revet et B. Fournier, Mmes G. Gautier, Henneron et Hermange et MM. Bailly et Retailleau.
L'amendement n° 26 est présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié ter.
M. Dominique de Legge. Cet amendement est défendu. Dans la logique du précédent, il est de simple coordination.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 26.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 122 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mmes Rozier, Hermange et B. Dupont et MM. du Luart, Vial, Bailly, Darniche, B. Fournier et Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
Ils doivent être mariés
Remplacer la fin de l'alinéa par les mots :
ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement s’inscrit dans la logique de l’amendement présenté par Dominique de Legge.
Je voudrais ajouter qu’il y a effectivement deux contrats très différents qui n’emportent pas du tout les mêmes conséquences en matière de droit de la famille : le mariage et le PACS. Le mariage a des conséquences en termes de filiation, le PACS n’en a pas, mais ce dernier a des conséquences en termes patrimoniaux et peut être rompu de façon unilatérale. Ce n’est donc pas exactement la même chose.
La commission des affaires sociales souhaite placer ces deux éléments sur le même plan. De surcroît, pour les concubins, elle a supprimé le délai de vie commune de deux ans.
Le Conseil constitutionnel a toujours affirmé, et encore dans une jurisprudence récente, puisqu’elle date d’octobre dernier, que le mariage bénéficiait d’un traitement spécifique en matière de filiation, d’un « ADN juridique », en quelque sorte. Il n’y a là aucun jugement de valeur, c’est un point de vue juridique.
Par ailleurs, j’observe aussi que la commission des affaires sociales, à l’occasion d’une proposition de loi relative à l’adoption, l’an dernier encore, avait indiqué que l’exigence de sécurité pour l’enfant justifie de réserver aux couples mariés la possibilité d’adopter conjointement.
Le même besoin de sécurité doit s’appliquer, me semble-t-il, à l’enfant issu d’une AMP. La condition de deux ans de vie commune pour les couples non mariés, pacsés ou concubins, ne me paraît pas constituer un obstacle insurmontable et permet de vérifier que la relation est stable.
On a longuement évoqué ce matin l’intérêt de l’enfant : je pense qu’il vaut bien ce délai de deux ans pour vérifier le caractère stable de la relation.
Par ailleurs, je suis favorable à la levée de l’anonymat pour le don de gamètes.
Quant à la question de l’homoparentalité, nous y reviendrons ultérieurement, elle est liée à la gestation pour autrui, notamment lorsqu’il s’agit d’un couple homosexuel qui souhaite bénéficier d’une AMP.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 158 rectifié. Elle ne souhaite pas ouvrir l’accès à l’AMP aux couples non hétérosexuels.
Pour les mêmes raisons, elle est défavorable à l’amendement n° 159 rectifié.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 25 rectifié, qui vise à ouvrir l’AMP aux couples homosexuels.
La commission émet aussi un avis défavorable sur les amendements nos 6 rectifié ter et 140 rectifié, car ils sont contraires à l’amendement de la commission des lois, adopté par la commission des affaires sociales.
Il en est de même pour les amendements identiques nos°7 rectifié ter et 26. Je souligne, au passage, le paradoxe qui veut que les amendements de MM. Godefroy et de Legge soient identiques, mais pour des raisons inverses. J’attire l’attention de leurs auteurs sur les effets, peut-être contraires à leurs intentions, que pourrait avoir l’adoption de cette disposition.
Enfin, la commission est défavorable aux amendements nos 141 rectifié et 122 rectifié, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission des lois est défavorable à l’amendement n° 158 rectifié. Elle rappelle que, sur la question de l’homoparentalité, le Conseil d’État a considéré, dans son avis sur la révision des lois de bioéthique, qu’il « serait peu compréhensible qu’une évolution sociale de cette importance soit initiée dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation, qui relève d’une logique spécifique », outre l’intérêt qu’il y a pour l’enfant d’être accueilli dans une famille composée d’un père et d’une mère.
La commission des lois est également défavorable à l’amendement n° 159 rectifié. On ne peut pas comparer l’AMP et l’adoption. Dans le premier cas, l’enfant n’est pas conçu et il revient à la société de s’assurer qu’il sera accueilli dans les meilleures conditions possibles. Dans le second cas, il s’agit de prendre en charge un enfant déjà né en lui donnant la chance d’être accueilli par un couple ou par un adulte qui deviendra son père ou sa mère.
La commission des lois est défavorable à l’amendement n° 25 rectifié, qui a le même objet que l’amendement n° 158 rectifié.
J’en arrive à l’amendement n° 6 rectifié ter, en précisant que mon commentaire vaudra pour les amendements nos 140 rectifié, 7 rectifié ter, 26, 141 rectifié et 122 rectifié. Ils portent tous sur le même sujet et visent à revenir sur l’état actuel du droit, qui impose que le couple candidat à l’AMP soit marié ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune de deux ans.
Il est effectivement important, dans l’intérêt de l’enfant, de maintenir une exigence de stabilité du couple. Toutefois, cette stabilité peut s’apprécier de différentes manières. Il peut s’agir, bien sûr, de l’engagement d’un couple à travers le mariage. Aux termes du projet de loi, le Gouvernement a proposé que cet engagement puisse aussi se manifester par la conclusion d’un PACS. Si ce dernier contrat à vocation patrimoniale n’est pas comparable dans tous ses effets au mariage, il constitue tout de même, par rapport au simple concubinage, un engagement supérieur, les intéressés organisant les conditions de leur vie commune.
À ce titre, le PACS constitue un élément de preuve suffisant pour marquer la stabilité ou l’engagement des intéressés.
Cette stabilité peut aussi s’apprécier au regard de la durée et de la continuité de la vie commune.
S’appuyer pour la définir sur des critères de concubinage notoire, inscrits à l’article 515-8 du code civil, plutôt que sur une durée de vie commune de deux ans, concilie à la fois l’exigence de stabilité absolument nécessaire et une certaine souplesse, qui permet de s’adapter à des situations particulières.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 158 rectifié, 159 rectifié et 25 rectifié. Si j’ai regroupé ces amendements, c’est parce que, selon la logique qui prévaut, c’est le constat d’une infertilité médicalement constatée qui reste la condition d’accès à l’AMP. Or ces trois amendements visent, d’une certaine façon, à modifier la frontière entre ce qui relève, d’une part, du domaine médical et, d’autre part, du domaine sociétal.
Le Gouvernement n’est pas prêt à suivre les auteurs des amendements sur cette voie. J’entends bien l’argumentation, j’entends bien la logique, mais ce n’est pas la nôtre.
Madame Payet, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 140 rectifié. Nous avons souhaité supprimer toute référence à une demande parentale, parce que l’AMP est bien une réponse médicale à un problème médical.
Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 6 rectifié ter, 141 rectifié et 122 rectifié, car ils visent à rétablir la proposition initiale du Gouvernement.
En revanche, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 7 rectifié ter et 26.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je soutiens évidemment ces amendements, en particulier l’amendement n° 25 rectifié, que j’ai cosigné, car il va dans le sens de l’évolution des réalités sociales et sociétales.
L’aide médicale à la procréation devrait permettre à des personnes à l’origine d’un projet parental d’être aidées, que le couple soit ou non composé de personnes de sexe différent.
L’infertilité médicale ne devrait pas, en effet, être la seule donnée prise en compte dans l’accès à l’aide médicale à la procréation et ces techniques devraient également être accessibles aux couples souffrant d’infertilité « sociale ».
En effet, chaque année de nombreux couples de femmes se rendent en Belgique, aux Pays-Bas ou en Espagne, où elles ont recours à des techniques d’insémination inaccessibles en France aux couples composés de personnes de même sexe.
La méthode est à ce point devenue populaire que, en Belgique, les cliniques de fertilité ont dû mettre en place différents dispositifs réservés aux couples de femmes françaises. Le corps médical belge exerçant dans ces cliniques en appelle fréquemment au législateur français afin qu’il intervienne dans ce domaine !
S’il était adopté, cet amendement permettrait d’éviter à ces couples de se rendre en Belgique ou aux Pays-Bas pour concevoir ce que l’on appelle des « bébés Thalys », expression malheureuse née des insuffisances du droit français, lequel ne permet pas à ces femmes d’avoir recours en France à l’aide médicale à la procréation.
Cet amendement vise en fait à combler le décalage qui existe aujourd'hui entre le droit français et la réalité. En outre, il va dans le sens souhaité par Mme Valérie Pécresse, qui, dans un rapport d’information sur la famille et les droits des enfants publié le 22 janvier 2006, considère qu’il faut de plus en plus prendre en compte les nouvelles formes de familles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Mon explication de vote portera en particulier sur l’amendement n° 26, qui tend à supprimer notamment l’alinéa 6 de l’article 20.
La précédente loi relative à la bioéthique prévoyait qu’un couple, s’il n’était ni marié ni pacsé, devait justifier de deux ans de vie commune avant d’entamer une procédure de procréation médicale assistée. Aujourd’hui, il lui est demandé « d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité ».
Cette formulation ne devrait pas simplifier la vie des couples entreprenant le parcours du combattant que constitue la procréation médicalement assistée.
Le plus souvent, il est demandé aux couples vivant en union libre de fournir un certificat de vie commune afin de satisfaire à l’obligation posée par la loi.
Le problème est que, depuis la parution, en 2000, du décret de simplification administrative, les mairies ne sont plus obligées de délivrer ce type de certificat. Une déclaration sur l’honneur, contresignée par deux témoins, est suffisante pour entamer une démarche de procréation médicale assistée. Si le centre de PMA se montre exigeant, il faut alors faire authentifier les signatures, et non le contenu du document, en mairie.
Cela représente beaucoup de dérangement pour un papier dont la valeur juridique est nulle !
Alors, que révèle une telle exigence ? A-t-on peur de ces couples qui n’ont besoin d’aucune formalité pour se constituer et même pour durer, ce que la société accepte sans trop de problème ? Certains représentants de la Nation mèneraient-ils un combat d’arrière-garde pour discréditer ce mode d’union ?
Certains de nos collègues continuent de préférer au PACS le mariage pour autoriser l’accès à la PMA, mais je rappelle que – n’y voyez aucune provocation de ma part, j’ai le même conjoint depuis cinquante et un ans ! (Sourires), en région parisienne, un mariage sur deux se termine, plus ou moins rapidement, par un divorce. En province, c’est le cas de deux mariages sur trois. Peut-être faudrait-il donc revoir un peu nos critères !
La loi n’a pas vocation à sonder les reins et les cœurs. Hors mariage ou PACS, un couple n’en est pas moins légitime. Il ne devrait donc pas avoir à supporter de telles tracasseries, inutilement inquisitrices et maladroitement moralisatrices.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon intervention portera sur les amendements nos 158 rectifié, 159 rectifié et 25 rectifié.
Je voterai ces amendements, même si, il faut en être conscient, ils ne suffiront pas à régler la question de l’homoparentalité. Je rappelle que, à l’heure actuelle, l’adoption par des couples homosexuels n’est pas possible.
J’ai personnellement déposé, avec plusieurs membres du groupe CRC-SPG, une proposition de loi visant à autoriser l’adoption par un couple homosexuel, même si je doute fort qu’il y ait au Sénat une majorité pour la voter.
Une réflexion sur l’homoparentalité me semble nécessaire. Certains d’entre nous l’ont déjà entamé, en prenant en compte les expériences menées de longue date. Le dépôt de ces amendements est donc logique, mais je tiens à attirer l’attention sur le fait qu’il ne peut y avoir deux poids deux mesures. Il faut une certaine logique. Je suis donc favorable à l’adoption pour les couples composés de personnes du même sexe.
L’article 20 prévoit que, à défaut d’être marié ou pacsé, un couple doit apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité.
Pour ma part, je trouve qu’instaurer un délai n’est pas particulièrement productif. Un couple peut en effet se séparer peu après avoir dépassé le délai de deux ans. Par ailleurs, il peut être difficile d’apporter la preuve que l’on est un couple stable. Enfin, je trouve qu’une telle procédure est un peu inquisitrice.
Cela étant dit, je suis favorable à une certaine harmonisation avec la procédure d’adoption. Dans ce cas également, un couple doit apporter la preuve qu’il est stable.
À ceux qui refusent aux couples pacsés l’accès à la PMA ou à d’autres dispositifs, – en fait, ils refusent le PACS, il faut être clair ! –, je précise que, en cas de séparation, que le couple soit marié, pacsé ou qu’il vive en union libre, la garde des enfants se règle de la même façon. Dire le contraire est hypocrite. En outre, le mariage n’est pas une garantie de non-séparation. Il ne faut donc pas particulièrement s’inquiéter, comme le faisait M. Retailleau, du sort des enfants parce que les parents ne se sont pas passés à la mairie ou à l’église !
Mme la présidente. La parole est à Mme Roselle Cros, pour explication de vote.
Mme Roselle Cros. Je voterai l’amendement n° 122 rectifié, car il me paraît être un amendement d’équilibre. C’est celui qui garantit le mieux l’accueil dans un milieu stable, au sein d’un couple ayant eu un certain temps pour se construire – même si, je le sais, deux ans, c’est peu –, car la petite enfance a besoin d’une certaine stabilité. Par ailleurs, le dispositif proposé tient compte des évolutions et des demandes de la société, le PACS étant, il est vrai, devenu la solution pour de nombreux couples.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je ne suis pas membre de la commission des affaires sociales et j’ai donc une connaissance du texte peut-être moins approfondie que d’autres.
Monsieur le rapporteur, l’alinéa 6 de l’article 20 ouvre la PMA aux couples « mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité ». Vous visez donc également les concubins.
Les amendements de M. Godefroy et de M. Collin sont très sympathiques, mais je rappelle tout de même que l’article 515-5 du code civil prévoit que, dans le PACS, l’on ne peut faire de distinction entre les couples, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels. Dès l’instant qu’ils sont pacsés, tous les couples ont les mêmes droits. À cet égard, je vous renvoie aux travaux préparatoires de la loi relative au pacte civil de solidarité. Il ne faut donc pas faire de distinction.
D’ailleurs, lorsque nous avons récemment examiné ici la proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité que j’ai déposée, Mme Des Esgaulx, dont je regrette l’absence cet après-midi,…
Mme Marie-Thérèse Hermange. Elle avait des obligations !
M. Jean-Pierre Michel. … l’avait bien compris : autoriser l’adoption par les couples pacsés, c’était la permettre aux couples pacsés hétérosexuels, qui sont les plus nombreux aujourd’hui, mais également aux couples pacsés homosexuels.
D’un point de vue légal, il est donc faux de prétendre que les couples pacsés homosexuels ne pourraient pas avoir accès à la PMA.
Je le répète : il ne peut y avoir aucune discrimination entre les couples pacsés, quel que soit le sexe des membres du couple, comme le prévoit l’article 515-5 du code civil et comme le montrent les travaux préparatoires de la loi relative au PACS, auxquels je vous renvoie.
Je n’étais malheureusement pas présent lors des travaux de la commission des lois, mais je m’étonne que l’on ait pu naviguer à vue sur ce terrain.
Pour moi, le texte du rapporteur est clair : peuvent avoir accès à la PMA les couples mariés, tous les couples pacsés, quel que soit le sexe des membres du couple, ainsi que les couples vivant en union libre ou en concubinage et en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur Michel, l’article 20 prévoit en effet que peuvent accéder à la PMA les couples « mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité. » Mais ses dispositions complètent en fait l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, qui prévoit, lui, que la PMA concerne « l’homme et la femme formant le couple » - « l’homme et la femme », monsieur Michel, là est le problème.
Mais je m’exprimerai à titre personnel au moment du vote.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Il est précisé dans ce même article que la finalité de l’AMP est thérapeutique. Dès lors, il n’est possible d’y avoir recours qu’en cas d’infertilité. Or tel n’est pas le cas dans la situation que vous évoquez, monsieur Michel.
Certes, on peut modifier la finalité de l’AMP et décider qu’elle est possible pour convenance personnelle. Dès lors, tout est ouvert. Le problème est que, aujourd'hui, la finalité de l’AMP est thérapeutique.
M. Dominique de Legge. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel. Nous saisirons donc très prochainement le Conseil constitutionnel de cette contradiction entre le code de la santé publique et le code civil, au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité ! (Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote sur l’amendement n° 25 rectifié.
M. Alain Milon. Après avoir rappelé que la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié, j’indique que, en raison de mes convictions personnelles, je voterai cet amendement, car le dispositif qu’il vise à introduire semble être le plus complet, le plus exact et le plus conforme à la réalité de la société française.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 6 rectifié ter et 140 rectifié, les amendements identiques nos 7 rectifié ter et 26, ainsi que les amendements nos 141 rectifié et 122 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 20 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L’article 20 bis a été supprimé par la commission.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 47 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 73 est présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, M. Yung, Mmes M. André, Boumediene-Thiery et Bourzai, MM. Mazuir, Andreoni, Berthou, Cazeau, Frécon, Frimat, Madec, Marc et Signé, Mme Laurent-Perrigot et M. Courteau.
L'amendement n° 115 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - La seconde phrase du dernier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique est remplacée par trois alinéas ainsi rédigés :
« Font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l'assistance médicale à la procréation.
« Fait obstacle à l'insémination le décès d'un des membres du couple.
« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l'homme dès lors que celui-ci a donné par écrit son consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation dans l'éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu'il s'engage dans le processus ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l'Agence de la biomédecine. La naissance d'un ou de plusieurs enfants à la suite d'un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert. La femme doit bénéficier dans ce cadre d'un accompagnement personnalisé. Elle peut à tout moment renoncer au transfert. Son mariage ou son remariage fait obstacle à la réalisation de ce transfert d'embryons. »
II. - L'article L. 2141-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Une information adaptée est remise à l'intéressé, au titulaire de l'autorité parentale ou au tuteur sur les conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation, en particulier sur le fait que le décès d'un des membres du couple fait obstacle à l'insémination. »
III. - Le titre VII du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° La section 3 du chapitre Ier est ainsi modifiée :
a) À la première phrase du troisième alinéa de l'article 311-20, après le mot : « décès, », sont insérés les mots : « hormis dans le cas mentionné à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, » ;
b) Il est ajouté un article 311-20-1 ainsi rédigé :
« Art. 311-20-1. - Le consentement écrit donné par un homme à la poursuite éventuelle par sa concubine, postérieurement au décès de celui-ci, de leur projet parental vaut reconnaissance de l'enfant né du transfert des embryons du couple si ceux-ci ont été conçus et transférés dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation réalisée dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique.
« Le consentement ainsi donné interdit toute action en contestation de filiation ou en réclamation d'état, à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été révoqué. » ;
2° Après l'article 314, il est inséré un article 314-1 ainsi rédigé :
« Art. 314-1. - Si l'enfant est inscrit sans l'indication du nom du mari et n'a pas de possession d'état à l'égard de ce dernier, la présomption de paternité n'est toutefois pas écartée lorsqu'il est établi que le décès du mari est intervenu postérieurement à un processus d'assistance médicale à la procréation ayant donné lieu à la conception d'embryons pendant la durée du mariage, que l'intéressé a donné par écrit son consentement à une gestation intervenant après son décès et que la mère a bénéficié postérieurement à celui-ci d'un transfert des embryons dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique. »
IV. - Le titre Ier du livre III du même code est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est complété par des articles 724-2 à 724-5 ainsi rédigés :
« Art. 724-2. - Par dérogation à l'article 725, l'enfant né à la suite d'un transfert d'embryons réalisé après le décès du père dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique est appelé à la succession du défunt qui a donné par écrit de son vivant son consentement à la mise en œuvre d'un tel processus d'assistance médicale à la procréation.
« Art. 724-3. - Le président du tribunal de grande instance peut, à la requête de tout intéressé, compte tenu de la consistance du patrimoine et de la nature des actes à accomplir, confier à un administrateur la gestion de la succession du défunt lorsque celui-ci a donné le consentement mentionné à l'article 724-2 et qu'il subsiste des embryons conçus de son vivant dans le cadre d'un projet parental.
« L'administrateur exerce sa mission pendant les dix-huit mois qui font suite au décès. Il est mis fin à tout moment à la mission de l'administrateur dans les cas suivants :
« - lorsque la femme renonce à la poursuite du processus d'assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique ;
« - dès lors qu'est constatée une naissance résultant du transfert d'embryons mentionné à l'article 724-2 du présent code ou une grossesse résultant de la dernière tentative possible d'un tel transfert ;
« - ou lorsqu'est constaté l'échec de la dernière tentative possible de transfert d'embryons dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique.
« Art. 724-4. - L'administrateur est tenu de faire inventaire dans les formes prescrites pour l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net.
« Art. 724-5. - L'administrateur accomplit tous les actes de conservation et d'administration de la succession et exerce les pouvoirs de représentation prévus au premier alinéa de l'article 1873-6. Toutefois, aucun acte de disposition ne pourra intervenir durant sa mission, à l'exception de ceux qui sont effectués pour les besoins d'une exploitation normale des biens indivis ou pour la conservation de choses sujettes à dépérissement et de ceux qui sont autorisés par le juge des tutelles, aux prix et stipulations qu'il détermine.
« L'administrateur exerce ses pouvoirs alors même qu'existe un mineur ou un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection légale parmi les héritiers ou successeurs. Les décisions qui excèdent les pouvoirs de l'administrateur donnent lieu à l'application des règles de protection prévues en faveur du mineur ou du majeur protégé. » ;
2° L'article 815 est ainsi modifié :
a) À la fin, les mots : « ou convention » sont remplacés par les mots : «, convention ou par l'effet de la loi » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L'indivision est maintenue de plein droit lorsque le défunt a donné par écrit son consentement à la poursuite du processus d'assistance médicale à la procréation après son décès, prévu à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, et lorsqu'il subsiste des embryons dont la conception avait été décidée par le couple dans le cadre d'un projet parental. Ce sursis prend fin dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 724-3 du présent code. »
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié.
M. Yvon Collin. Cet amendement prévoit tout simplement de rétablir l’article 20 bis tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale et qui autorisait le transfert post mortem d’embryons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l’amendement n° 73.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les signataires de l’amendement et moi-même souhaitons en effet rétablir l’article 20 ter, qui permet le transfert d’embryons après la mort du père. Ceux qui sont hostiles à un tel transfert n’ont d’autre argument – mais est-ce bien un argument ? - que l’enfant orphelin dont ils brandissent le spectre.
L’obstacle majeur à une pratique qui serait au demeurant rarissime et exceptionnelle viendrait donc de l’idée que l’on ferait ainsi naître volontairement un enfant orphelin.
Avant d’aborder le cœur de notre amendement, je voudrais tout de même procéder à quelques rappels.
Mes chers collègues, depuis que l’espèce humaine existe, il est toujours né beaucoup d’enfants orphelins de mère, et il en naît toujours beaucoup là où la mortalité en couches continue de faire des ravages chez les femmes. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je constate que, depuis des millénaires, la perspective de voir un enfant naître orphelin de mère n’a jamais empêché les sociétés de croître et les humains de procréer.
Mais, dans le tréfonds de notre mémoire d’espèce, être orphelin de mère serait peut-être moins grave qu’être orphelin de père…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les orphelins de guerre ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En tout cas, nos sociétés ne barguignent pas quand il s’agit de transformer des fils et des filles en orphelins de père. Bien des enfants nés au début du siècle dernier en France et en Allemagne auraient préféré garder leur père, mais la société, qui a envoyé dans l’enfer des tranchés ou des camps des millions de pères de famille, n’a guère eu de scrupules à les en priver.
Face à ces réalités historiques, mais aussi sociologiques, sachant au surplus qu’avoir père et mère n’est pas la garantie d’une enfance heureuse, comme en témoignent les romans de Jules Vallès, de Jules Renard ou même de Stendhal, ne faisons pas du fait d’être orphelin d’un de ses deux parents un obstacle absolu à cette pratique du transfert d’embryons et sachons examiner le problème sans tomber dans le mélodrame.
Quelle est la situation qui se présente à nous ? Celle d'un couple que la nature a privé des capacités de donner naissance à un enfant et qui a reporté ses espoirs vers le palliatif de l'assistance médicale à la procréation.
Ce couple n'était déjà plus tout jeune. Il a fallu le temps de reconnaître l'infertilité, de tenter de la soigner, d'hésiter entre l’assistance médicale à la procréation et l'adoption, sans parfois avoir trouvé d'enfant adoptable malgré des années de recherche. La fécondation in vitro a permis d'obtenir des embryons. Le projet parental a pris forme. Des tentatives d'implantation ont été effectuées. Et voilà qu'une maladie atteint le père, et le pronostic vital est engagé. En accord avec son épouse ou sa compagne, le père souhaite poursuivre les tentatives d'implantation après sa mort ; il donne son consentement par écrit.
L’amendement que nous proposons tend précisément à permettre le transfert d’embryons post mortem et à l’encadrer dans des limites temporelles, en préservant la liberté de chacun et en réglant les questions relatives tant à la filiation de l’enfant qu’à la succession du père.
Mme la présidente. L’amendement n° 115 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 47 rectifié et 73 ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les deux amendements identiques, puisqu’elle a supprimé le transfert post mortem introduit par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Sur les deux amendements identiques, la commission des lois a également émis un avis défavorable. Permettez-moi d’apporter quelques détails sur nos motivations.
Quatre arguments sont généralement invoqués pour défendre la levée de l’interdiction : d’abord la nécessité de poursuivre le projet parental ; ensuite, le fait que les embryons concrétisent le projet parental en lui permettant de survivre au décès de l’un des membres du couple. Le transfert post mortem serait ainsi la seule solution pour lui permettre d’aboutir.
Cet argument devrait alors également conduire à autoriser, par dérogation, la gestation par autrui, lorsque la femme est décédée, pour permettre la naissance de l’enfant qu’elle souhaitait avoir avec son compagnon.
En outre, le fait que le couple puisse à tout moment interrompre l’assistance médicale à la procréation en se séparant ou en révoquant son consentement, même après la création de ces embryons, montre bien que la survie du projet parental dépend avant tout de la survie du couple lui-même, ce couple qui doit accueillir l’enfant dans une famille constituée.
Le troisième argument avancé tient à l’absence de différence entre le décès survenant avant l’implantation et le décès survenant au cours de la grossesse. Or il y a bien entre ces deux situations une différence majeure. Dans un cas, l’enfant est conçu avant le décès et devient orphelin en raison d’un accident de la vie ; dans l’autre, on décide volontairement de le faire naître orphelin en mobilisant les moyens médicaux nécessaires.
Enfin, le dernier et principal argument avancé est celui de la détresse de la femme, soumise à un choix impossible sur la destinée des embryons du couple : accepter qu’ils soient détruits, qu’ils servent à la recherche scientifique, ou qu’ils soient donnés à un autre couple. Un tel argument, compassionnel, est éminemment respectable. Cependant, il ne saurait guider exclusivement le législateur lorsqu’il a pour conséquence une remise en cause majeure de principes et de garanties essentielles.
La commission des lois a jugé nécessaire de maintenir l’interdiction du transfert post mortem d’embryons, en rappelant que l’intérêt de l’enfant devait prévaloir. Or il est de son intérêt de ne pas naître orphelin. Si la vie et ses accidents font parfois peser sur des enfants le fardeau du deuil d’un père qu’ils n’ont pas connu, il n’est pas souhaitable que la société mobilise les technologies médicales pour placer en connaissance de cause l’enfant dans une telle situation.
Le but légitime de l’assistance médicale à la procréation est de donner naissance à l’enfant dans une famille constituée d’un père et d’une mère qui pourront l’élever. Le décès de l’un des deux avant l’achèvement du processus de procréation médicalement assistée annihile le projet parental parce que l’un des parents n’est plus, et que tous les soins et l’amour du second n’y suppléeront pas.
Il est d’ailleurs paradoxal qu’au moment où l’on rappelle que le père est celui qui est présent auprès de l’enfant et l’élève, on consacre la figure d’un père défunt lié à son enfant par un lien biologique et par le projet parental conçu avec la mère.
L’intérêt de l’enfant est aussi d’échapper au poids du deuil et d’avoir une enfance comme les autres enfants. Or l’histoire originelle des enfants nés d’un transfert post mortem d’embryons serait impossible, puisqu’un mort ne peut procréer. La simple comparaison, dans le livret de famille, des dates de décès du père et de naissance de l’enfant, qui pourront être distantes de plus de deux ans, manifestera la réalité de cet engagement impossible.
En outre, le risque que l’enfant soit désiré comme un remède au deuil n’est pas nul.
Le transfert d’embryons post mortem constitue par ailleurs une transgression majeure de la finalité de l’assistance médicale à la procréation, dont le but ne peut être que de remédier à une infertilité pathologique médicalement constatée et non de pallier le décès de l’un des membres du couple, même s’il s’était engagé pour un protocole à ce premier titre.
Le dispositif dérogatoire proposé pour autoriser le transfert est, de l’avis de toutes les personnes compétentes entendues, particulièrement complexe et juridiquement très incertain.
À titre d’exemple, le mariage ou le remariage de la femme interdit le transfert d’embryons, mais pas le fait de se mettre en ménage avec un autre homme. Doit-on prendre le risque d’une déstabilisation aussi importante de principes de notre droit et de règles incontestées par ailleurs, pour un nombre si faible de cas, à peine un par an ?
Enfin, cette autorisation est susceptible d’ouvrir la voie à des procréations envisagées dans un contexte de mort prévisible ou imminente, ce qui n’est évidemment pas souhaitable. Elle poserait aussi la question de l’insémination posthume.
C’est pour l’ensemble de ces raisons, d’ordre à la fois pratique, éthique et juridique, que la commission des lois a considéré qu’il n’était pas souhaitable de remettre en cause l’interdiction du transfert posthume d’embryons.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Faut-il autoriser une veuve à se faire implanter les embryons qui ont été congelés du vivant de son mari, décédé assez brutalement ? La question a été posée à l’occasion de l'affaire Maria Pirès, en 1990.
Après bien des débats en commission, il a été décidé de renoncer à ce que l'on appelle le « transfert post mortem ». Sur ce sujet, qui ne concerne d’ailleurs que des cas rarissimes, il faut savoir écouter les arguments avancés par les uns et les autres, et prendre en compte l'intérêt de l'enfant, mis en avant à l’instant par le rapporteur pour avis, M. François-Noël Buffet.
En effet, l'état actuel de la législation est cruel : lorsqu'un couple est engagé dans un projet parental avec un embryon constitué mais que l'homme meurt brutalement, la femme n'a d'autre alternative que la destruction de l'embryon ou la remise à un tiers.
C'est le rôle du Parlement d'offrir à l'équipe médicale et à cette femme la possibilité d'une autre solution. Lorsque la volonté parentale est affirmée et que le projet parental existe, je ne crois pas que le droit ou la morale doivent venir s'interposer. Il faut simplement que nous laissions le choix à la femme et, pour cette raison, je suis favorable à cette autorisation.
Par ailleurs, je m'oppose totalement à la définition très spécieuse de l'intérêt de l'enfant qu’a développée M. le rapporteur pour avis pour justifier l’interdiction ; mais ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga a dit ce qu’il fallait dire de ce droit de ne pas naître orphelin.
D'une part, un enfant peut bien naître et grandir si sa mère l'aime au point d'assumer seule son éducation. Le nombre important de couples monoparentaux aujourd’hui en témoigne. Cette mère peut être plus attentionnée que celle qui a accouché d'un enfant né de père inconnu ou qui a été abandonnée par le père au tout début de sa grossesse, et je ne parle pas de ces enfants que se disputent des parents divorcés…
Tenons-nous à l'écart des fantasmes sur le présumé lien entre la famille nucléaire et la bonne santé mentale de l'enfant.
D'autre part, nous savons tous que rien n'empêche une femme célibataire de concevoir ou d'adopter seule un enfant - je sais que certains le regrettent. Dès lors, pourquoi le refuser à une veuve ? Pour ma part, je crois que toute personne ayant un projet de vie parentale affirmé et solide doit pouvoir bénéficier d'un droit à l'enfant.
La société est mûre pour une telle mesure, et ce depuis longtemps, les sondages réalisés depuis l’affaire Maria Pirès le confirment régulièrement.
Je conclurai en rappelant que, lors de son audition par la commission, le généticien Axel Kahn a qualifié la loi interdisant une telle pratique de « moralement problématique ». À mes yeux, la morale, c’est le fait de tenir compte de la valeur de l’autre.
Certes, il faut laisser à la veuve le temps de faire son travail de deuil. Mais, si elle persiste dans sa décision, on ne peut pas se prévaloir d’arguments moraux pour l’en empêcher.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Comme le lui avait suggéré la commission des lois, la commission des affaires sociales a décidé de supprimer l’article 20 bis, qui résultait de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement tendant à autoriser le transfert d’embryons post mortem. Nous saluons cette décision.
Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’avais expliqué de quelle manière nous entendions examiner l’ensemble de ce projet de loi, c'est-à-dire en analysant à la fois ce qui est scientifiquement faisable et ce qui est philosophiquement souhaitable. C’est ce double crible que je veux utiliser ici.
D’un point de vue scientifique, il est effectivement possible de transférer des embryons après la mort du géniteur, mais le fait qu’une telle possibilité existe ne la rend pas pour autant souhaitable. Certes, l’embryon a été conçu dans le cadre d’un projet parental, mais la notion même de « projet parental » implique par définition qu’il y ait deux parents. Or, en cas de décès de l’un des parents, si l’on peut admettre que l’intention initiale persiste, le projet parental se trouve de fait automatiquement anéanti, à moins de considérer qu’il soit réduit au simple enfantement.
Selon nous, le projet parental s’inscrit dans le long terme, deux personnes décidant d’avoir un enfant, mais en voyant bien au-delà du simple accouchement.
Par ailleurs, une telle démarche nous semble faire peser sur l’enfant à naître la charge d’une mission particulière : être la preuve du lien d’amour qui unissait la femme au défunt. Pour nous, il n’appartient pas à la loi de répondre à cette envie légitime, tout comme il n’appartient pas à la République d’autoriser la conception d’enfants orphelins avant même qu’ils aient atteint le stade de fœtus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À mon sens, au travers du présent projet de loi, le législateur adopte une fois de plus des dispositions qui ne respectent pas le libre arbitre auquel a droit un citoyen adulte dans des domaines intimes.
Fixer des normes éthiques est une chose, décider à la place des individus ce qui est bien ou mal pour eux en est une autre !
Nul ne peut dire ce qui est bien ou mal pour l’enfant à naître. À mes yeux, le désir d’une femme qui a aimé un homme, qui a voulu lui donner un enfant et qui veut toujours un enfant de lui, même après son décès, est respectable.
Par conséquent, même si la décision que le Sénat va prendre concerne seulement un nombre extrêmement réduit de femmes, je pense qu’elle est très cruelle et je suis certaine que la société dans son ensemble ne la comprendra pas.
M. Richard Yung. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas l’avis de ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga.
J’ai déjà exprimé ma position en commission ; ce n’est pas la peine d’y revenir longuement. Je me range tout à fait aux arguments de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois et aux conclusions de notre collègue Guy Fischer.
Je ne voterai donc pas les deux amendements identiques tendant à rétablir l’article 20 bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. À l’instar de mon collègue Jean-Pierre Godefroy, je ne voterai pas ces deux amendements identiques – je l’ai indiqué lors de la discussion générale –, car je ne souhaite pas que l’on mette au monde des « enfants du deuil » !
Au demeurant, le texte même de l’article qu’il est proposé de rétablir dans le projet de loi comporte une terrible incohérence.
Il est en effet indiqué que l’on peut faire l’implantation « au maximum dix-huit mois après le décès » – un délai est donc fixé – et que le mariage ou le remariage « fait obstacle à la réalisation de ce transfert d’embryons ». Mais que se passe-t-il si la femme se marie ou se remarie après le transfert ? On ne peut pas lui interdire de se marier ; le droit au mariage est un droit imprescriptible, et le Conseil constitutionnel l’a rappelé à plusieurs reprises. Dès lors, si elle se marie après le transfert – c’est son droit –, qui sera le père de l’enfant ? Ce sera son mari : pater is est !
C’est à cela que nous risquons d’aboutir. En clair, pour tenter de résoudre un ou deux cas de détresse, ce qui est une intention louable, nous allons créer un système qui n’est vraiment pas tenable juridiquement ! (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Pour ma part, je ne voterai pas non plus les amendements identiques tendant à rétablir l’article 20 bis.
Je remercie M. le rapporteur pour avis d’avoir exposé de manière extrêmement précise les avantages et les inconvénients de chacune des deux options, pour conclure avec force que le transfert post mortem n’était pas souhaitable.
Je voudrais simplement formuler deux remarques.
D’une part, je pense que l’argument de la liberté individuelle ne justifie pas tout. Le rôle du législateur n’est pas de se faire en quelque sorte le greffier des désirs des uns et des autres. Nous devons fonder nos décisions non pas sur la prise en compte d’aspirations individuelles, mais sur notre conception de ce qu’est le bien commun.
D’autre part, il faut également cesser de convoquer dans nos débats « la société » chaque fois qu’un groupe, voire un groupuscule, exprime une revendication ! Comment peut-on assimiler les desiderata de quelques-uns aux vœux de la société tout entière ?
Aussi, même s’il est scientifiquement possible de réaliser des transferts d’embryon post mortem, il ne me paraît pas souhaitable de faire naître des « bébés du souvenir ».
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous sommes une nouvelle fois confrontés à un débat qui transcende les clivages partisans, ce qui est bien normal, compte tenu de la nature du sujet.
Je souhaite toutefois apporter une précision. Mesdames, messieurs les sénateurs, être orphelin à la naissance, ce n’est pas la même chose qu’être orphelin dès la conception ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)
Le père peut décéder entre la conception et la naissance du bébé ; cela fait partie des drames de la vie. Mais c’est tout de même très différent de la situation dans laquelle le géniteur serait mort avant même la conception !
Essayons de nous placer du point de vue de l’enfant et d’imaginer quel regard il pourrait porter sur une telle situation ; je pense que cela créerait chez lui un questionnement profond. Songeons à cet aspect du problème.
Je ne suis donc pas favorable à la possibilité du transfert d’embryons post mortem. C’est d’ailleurs la position que j’ai toujours défendue.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Même si, comme nous le souhaitons, la Haute Assemblée suit l’avis défavorable de la commission sur les deux amendements identiques tendant à ouvrir la possibilité d’un transfert post mortem, de nouveaux problèmes risquent de surgir. En effet, quid des embryons ?
La veuve se voyant interdit l’implant, quel sera le rôle du médecin ? Devra-t-il indiquer à la veuve qu’elle n’a pas droit à l’implant, mais que la loi l’autorise à donner l’embryon à quelqu’un d’autre ? Devra-t-il rechercher dans ce dernier cas le consentement de la veuve ? Devra-t-il au contraire l’inciter à opter pour la destruction de l’embryon ou pour le don à la recherche scientifique ?
Le problème se posera de toute manière. M. le rapporteur pour avis, que j’ai interrogé, a engagé une réflexion sur le sujet.
Mais on ne peut pas demander au médecin, après avoir interdit à une veuve de porter son propre enfant, de lui proposer que l’embryon soit implanté dans le corps d’une autre femme. C’est une évidence !
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je souhaitais soulever très précisément ce problème.
Mes chers collègues, parmi l’ensemble des votes que j’ai eu à émettre en commission, celui-là a été l’un des plus difficiles. En effet, nous ne laissons à la femme le choix qu’entre la destruction ou le don de l’embryon, choix cornélien s’il en est. Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, nous devrions au moins supprimer le don d’embryons dans les techniques d’assistance médicalisée à la procréation.
En l’occurrence, nous voyons bien que ces techniques permettent de tout faire, dans un sens comme dans l’autre, selon le regard que l’on porte sur le projet parental ou le statut de l’embryon.
Personnellement, je suis opposée à la gestation pour autrui. Or, si une telle possibilité de transfert posthume était ouverte aux veuves, je ne vois pas pourquoi elle ne le serait pas ensuite aux veufs, via le recours aux mères porteuses.
Aussi, par cohérence, je voterai contre la possibilité du transfert d’embryons post mortem, tout en sachant fort bien qu’un tel choix implique la destruction d’embryons, ce que j’ai personnellement du mal à accepter.
Quoi qu’il en soit, ma position sera la même que celle de Jean-Pierre Michel et d’un certain nombre de ses collègues, et je voterai contre les amendements identiques tendant à rétablir l’article 20 bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Comme, je crois, nombre d’entre nous, j’ai longuement hésité avant de me prononcer sur le sujet.
Je soutiens la possibilité d’une implantation d’embryons post mortem au nom d’un projet familial clairement exprimé.
Mais je voudrais revenir sur la question que M. le ministre a soulevée. Quel regard l’enfant né d’une telle implantation portera-t-il sur cette décision une fois qu’il aura grandi ?
Peut-on imaginer qu’il reproche un jour à sa mère, et aux mânes de son père, de l’avoir fait naître ? J’ai beaucoup de mal à y croire. On lui aura fait cadeau de la vie, et la vie est tout de même le bien le plus précieux.
Dans la mesure où je n’imagine pas l’enfant, sauf cas extrême et rarissime, avoir une telle réaction, je voterai la possibilité de transfert d’embryons post mortem.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 rectifié et 73.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 20 bis demeure supprimé.
Article 20 ter (nouveau)
Le deuxième alinéa de l’article L. 2141-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « embryons », sont insérés les mots : « ou d’ovocytes » ;
2° À la dernière phrase, après le mot : « embryons », sont insérés les mots : « ou de leurs ovocytes ».
Mme la présidente. L'amendement n° 106, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet article 20 ter nous semble aussi superfétatoire que difficile à mettre en œuvre.
Il est peut-être souhaitable qu’un couple désireux de s’inscrire dans une démarche d’assistance médicale à la procréation soit informé sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés mais ne faisant plus l’objet d’un projet parental, à savoir la destruction ou bien le don à la recherche scientifique. Pour autant, cela appelle de notre part deux remarques.
D’une part, l’information sur le devenir doit se limiter à ces options générales et ne doit en aucun cas signifier le détail de l’affectation précise à une recherche scientifique déterminée, ce qui serait alors impossible à mettre en œuvre : comment savoir à l’avance quel embryon serait affecté à quelle recherche ?
D’autre part, mentionner précisément le devenir des ovocytes congelés est complètement inutile et aboutit à opérer un amalgame entre ovocytes, gamètes et embryons, alors que ces derniers ont un statut totalement différent.
Ce glissement est dangereux et conduit à des protections excessives au regard du statut des ovocytes et des embryons.
Nous ne demandons qu’à être rassurés par la commission et par le Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Vasselle, Mme Hermange, M. Gilles, Mmes Desmarescaux et Rozier et M. Lardeux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l’article L. 2141-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Compte tenu de l'état des techniques médicales, les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que soient conservés leurs gamètes dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Une information détaillée est remise aux membres du couple sur les possibilités de devenir de leurs gamètes qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Puisque nous venons d’autoriser la technique de congélation ultra-rapide des ovocytes, il est nécessaire de prévoir, dans cet article, un consentement par écrit du couple sur la possibilité de conserver leurs ovocytes dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental, au même titre que pour la conservation des embryons avant le vote de la présente loi.
Il est également nécessaire d’informer le couple ayant recours à la congélation ultra-rapide des ovocytes sur les possibilités de devenir de leurs ovocytes conservés qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental.
Nous demandons que le même consentement soit prévu pour la conservation des ovocytes que pour la conservation des embryons aujourd’hui.
Mme la présidente. L'amendement n° 41 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et P. Dominati et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai d'un an après la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique et donc l'autorisation de la vitrification ovocytaire, la cryoconservation des embryons est interdite et le nombre d'embryons fécondés par tentative d'assistance médicale à la procréation est limité au nombre d'embryons directement implantés soit un ou deux. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. La limitation du nombre d'embryons conservés inscrit par les députés dans le projet de loi ne sera effective que si l’on précise le nombre d'embryons autorisés par tentative.
Il s’agit d’interdire effectivement les embryons surnuméraires.
Afin de tenir compte de la réalité des pratiques médicales et de laisser aux laboratoires le temps de s’approprier cette technique de la vitrification ovocytaire, la limitation ici prévue ne serait mise en œuvre que dans un délai d’un an après la promulgation de la loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme Payet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… - Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Six mois après la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique, la cryoconservation des embryons est interdite. Seuls trois embryons au plus peuvent être conçus à la demande du couple et doivent être réimplantés immédiatement. »
… - Le troisième alinéa du même article est supprimé.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à limiter à trois le nombre d’embryons conçus à la demande du couple.
Le stock important d’embryons congelés vivants place les parents devant d’impossibles choix et attise les convoitises des chercheurs.
Dans ces conditions, il paraît souhaitable, ainsi que le prévoit la législation allemande, de poser comme principe que tous les embryons ont droit à la vie et qu’ils ne peuvent être ni éliminés ni utilisés comme matériau de recherche.
Les méthodes d’assistance médicale à la procréation doivent alors respecter ce principe. Le fait de ne pouvoir concevoir par fécondation in vitro qu’un maximum de trois embryons et de devoir les réimplanter immédiatement permet de respecter la santé de la mère et d’éviter la congélation d’embryons surnuméraires.
C’était le vœu exprimé par certains membres du Comité consultatif national d’éthique.
Dans le même sens, une étude menée par des chercheurs de l’université d’Aberdeen prouve que les femmes auxquelles les médecins transfèrent un seul embryon lors d’une fécondation in vitro ont cinq fois plus de chances de donner naissance à un bébé en bonne santé que celles qui reçoivent deux embryons. Par ailleurs, 87 % des femmes sont plus susceptibles d’éviter une naissance prématurée après un transfert mono-embryonnaire par rapport à un transfert de deux embryons à la fois.
Selon le bilan des activités de procréation et génétique humaines en France pour la seule année 2007, 278 505 embryons ont été conçus pour donner naissance à 14 487 enfants, nés par fécondation in vitro, ce qui représente 19 embryons pour une naissance.
Par ailleurs, sur les 149 191 embryons conservés congelés, 34 % sont sans projet parental.
Les parents sont placés devant des choix difficiles sur le devenir de leurs embryons. « Ce stock d’embryons a rapidement suscité une interrogation profonde sur leur statut ontologique et juridique », souligne Jean-René Binet.
La congélation des embryons peut poser problème aux couples dans la mesure « où elle a d’une certaine manière pour effet de suspendre le temps, entre la conception et la venue au monde éventuelle », est-il précisé dans un rapport parlementaire. C’est pourquoi certains psychologues pensent qu’il faudrait limiter le plus possible la congélation d’embryons. Une étude montre que la moitié des femmes interrogées éprouvent un sentiment d’abandon d’enfant lorsque les embryons congelés ne sont pas implantés.
Des pays comme l’Allemagne n’ont pas autorisé la production d’embryons surnuméraires et ont fait le choix de ne pas congeler les embryons.
La France manque de données épidémiologiques sur l’infertilité et sur le recours à l’assistance médicale à la procréation.
Selon l’Agence de la biomédecine, un couple sur sept consulte et un couple sur dix poursuit des traitements pour remédier à son infertilité.
Une étude conduite en 2008 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, montre que la densité des spermatozoïdes aurait diminué de moitié en un demi-siècle chez les Occidentaux.
Si l’assistance médicale à la procréation donne de l’espoir à des couples, le parcours est néanmoins contraignant. Certains témoignent de la lourdeur de ces techniques, qui laissent près de la moitié de ceux qui y ont recours sans enfant et retardent bien souvent les demandes d’adoption.
Ces techniques soulèvent de nouvelles questions sur leurs conséquences pour la santé et pour le développement des enfants ainsi conçus.
Des programmes de recherche ont été mis en place par l’INSERM dès 2008 : 25 % des cas de grande prématurité sont liés à l’assistance médicale à la procréation et la prévalence des handicaps est supérieure chez les enfants nés de ces modes de procréation par rapport à la conception naturelle. Des psychologues font aussi état de risques par rapport à la psychologie des enfants.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 33 rectifié bis aurait pour conséquence de supprimer le consentement des couples à la conservation de leurs embryons. Les effets juridiques de cet amendement sont incertains. Sur le fond, il tend à supprimer la possibilité de conserver ces embryons, ce qui n’est pas conforme à l’état de la science.
La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 41 rectifié quater vise à mettre fin à la conservation de tous les embryons un an après la promulgation de la loi.
La commission émet un avis défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 142 rectifié présenté par Mme Payet. L’évolution des pratiques d’assistance médicale à la procréation doit relever des connaissances médicales. Il n’appartient pas à la loi de trancher unilatéralement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
Je suis persuadé que l’amendement n° 41 rectifié quater aboutirait, au final, à la suppression de toute conservation d’embryons dans le cadre de la fécondation in vitro. Je ne veux pas l’accepter, et je l’assume.
En ce qui concerne l’amendement n° 142 rectifié, j’y suis défavorable, madame Payet, car avec l’article 22 du projet de loi nous prévoyons déjà de limiter le nombre d’ovocytes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20 ter.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’article 20 ter.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Au nom de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, je sollicite une courte suspension de séance, pour réunir la commission, madame la présidente.
Mme la présidente. Le Sénat va accéder à votre demande, monsieur le rapporteur.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 21.
Article 21
L’article L. 2141-4 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est insérée la mention : « I. – » ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :
« II. – S’ils n’ont plus de projet parental ou en cas de décès de l’un d’entre eux, les deux membres d’un couple, ou le membre survivant, peuvent consentir à ce que :
« 1° Leurs embryons soient accueillis par un autre couple dans les conditions fixées aux articles L. 2141-5 et L. 2141-6 ;
« 2° Leurs embryons fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5 ou, dans les conditions fixées par cet article et l’article L. 1125-1, à ce que les cellules dérivées à partir de ceux-ci entrent dans une préparation de thérapie cellulaire à des fins exclusivement thérapeutiques ;
« 3° Il soit mis fin à la conservation de leurs embryons.
« Dans tous les cas, le consentement ou la demande est exprimé par écrit et fait l’objet d’une confirmation par écrit après un délai de réflexion de trois mois. » ;
3° Au début des troisième et dernier alinéas, sont insérées respectivement les mentions : « III. – » et « IV. – ».
Mme la présidente. L’amendement n° 174, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas de décès de l’un des membres du couple, le membre survivant ne peut être consulté avant l’expiration d’un délai d’un an à compter du décès.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement a pour objet de laisser à la mère un délai de réflexion d’un an pour décider du sort de l’embryon après le décès de son conjoint. Dans la mesure où le transfert d’embryon post mortem reste interdit, il convient de donner à la femme le temps de mûrir une telle décision si son conjoint est décédé peu avant la consultation prévue, afin de ne pas lui créer un traumatisme supplémentaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis assez réservé. Je comprends bien la philosophie qui inspire les auteurs de cet amendement, mais la rédaction retenue peut laisser à penser que le conjoint survivant devra nécessairement attendre un an avant de pouvoir exprimer son choix. Un délai de réflexion est certes nécessaire, mais pourquoi figer ainsi les choses ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Il fallait fixer un délai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le comprends, mais il serait préférable, à mon sens, de prévoir par exemple que le délai sera d’un an au maximum.
En l’état actuel de la rédaction, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Nous voulions inscrire une telle disposition dans le projet de loi. On peut certes estimer, monsieur le ministre, que sa rédaction n’est pas parfaite, mais son adoption permettra du moins de revenir sur cette question au cours de la navette.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Il ne faudrait pas, en réduisant le délai de réflexion laissé au membre du couple survivant, redonner l’initiative au médecin : nous entendons que seule la personne concernée puisse prendre l’initiative d’écourter ce délai.
Dans cet esprit, nous pourrions à la rigueur rectifier l’amendement afin de retenir la rédaction suivante : « En cas de décès de l’un des membres du couple, le membre survivant ne peut être consulté avant l’expiration d’un délai d’un an à compter du décès, sauf initiative contraire de sa part. »
Mme Raymonde Le Texier. Voilà, c’est parfait !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons abordé cette question lors de la suspension de séance. Nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, sur le fait que ce délai ne saurait être imprescriptible : la personne concernée doit pouvoir à tout moment faire connaître sa décision. Il serait donc souhaitable d’établir une rédaction précisant que le délai d’un an courra à compter du décès du conjoint, mais que le membre du couple survivant pourra à tout moment arrêter sa décision sur le sort de l’embryon.
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 174 rectifié, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas de décès de l’un des membres du couple, le membre survivant ne peut être consulté avant l’expiration d’un délai d’un an à compter du décès sauf initiative contraire de sa part.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 174 rectifié ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous nous rallions à cette nouvelle rédaction. Selon nous, la liberté de la femme doit primer. Nous voterons donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Les absents ont toujours tort ! Je n’ai pas pu être présent en séance lors du vote sur le transfert post mortem des embryons. Je m’attendais au résultat, mais je suis néanmoins effondré, et je tenais à le dire !
Ce vote négatif est épouvantable, car le transfert post mortem d’un embryon est un authentique acte d’amour ! (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.) Que l’on puisse le nier me rend véritablement malade ! On va détruire les embryons, qui sont des êtres vivants, alors qu’ils auraient pu bénéficier de cet acte d’amour qu’est le transfert post mortem !
Je ne voterai pas cet amendement, parce que je ne saurais me résoudre à la destruction des embryons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Je m’interroge sur cette nouvelle rédaction : l’expression « sauf initiative contraire » ne pourrait-elle donner à penser que la personne concernée pourra refuser de faire connaître sa décision à l’échéance du délai d’un an et demander un délai supplémentaire ? Ne serait-il pas plus clair de préciser que la consultation de cette personne ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai d’un an à compter du décès, « sauf initiative antérieure » de sa part ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Il vaudrait mieux dire : « sauf initiative anticipée ».
Mme Raymonde Le Texier. Effectivement, cela me paraît plus correct !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Je constate que la discussion de ce projet de loi est émaillée de paradoxes…
Tout à l’heure, certains d’entre nous – je n’étais pas du nombre ! – se sont accordés pour refuser à la femme la liberté d’opter pour le transfert post mortem d’embryon. Maintenant, que va-t-on faire de cet embryon ? Lorsque l’on prend une décision, il faut réfléchir à ses conséquences, mes chers collègues ! Il n’en a pas toujours été ainsi depuis le début de ce débat…
Certes, ce projet de loi fera l’objet d’une navette et une commission mixte paritaire pourra éventuellement réparer les dégâts. En tout état de cause, étant pour ma part partisan de la liberté, à l’instar de bien des penseurs et des chercheurs, je m’abstiendrai sur cet amendement, qui me paraît d’ailleurs embrouillé et peu clair.
Mme la présidente. Permettez-moi, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, d’émettre une suggestion : l’objectif étant de laisser au membre survivant du couple un délai maximal d’un an pour prendre sa décision sur le sort de l’embryon conservé, pourquoi ne pas l’écrire très directement ? L’amendement pourrait ainsi être rédigé en ces termes : « En cas de décès de l’un des membres du couple, le membre survivant dispose d’un délai maximum d’un an avant de prendre sa décision. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit de faire en sorte que le membre survivant du couple ne puisse pas être contacté par l’équipe médicale avant l’expiration d’un délai d’un an à compter du décès, tout en lui laissant la possibilité de faire connaître sa décision avant cette échéance s’il le souhaite. L’équipe médicale ne doit pas avoir l’initiative.
En commission, nous avons envisagé le cas extrême du décès d’un membre d’un couple engagé dans un projet de conception in vitro survenant dans les quinze jours précédant la consultation annuelle : comment demander au membre survivant de prendre une décision aussi peu de temps après un tel traumatisme ? Il convient de garantir à cette personne un temps de réflexion suffisant, sachant qu’elle pourra toujours l’écourter si telle est sa volonté : c’est au médecin que s’imposera le délai d’un an.
Notre assemblée s’étant prononcée contre l’implantation d’embryon post mortem, les médecins ne pourront proposer, au bout d’un an, que l’implantation de l’embryon sur une autre femme, sa destruction ou son utilisation à des fins de recherche. Il s’agit là d’options assez traumatisantes pour la personne concernée, c’est pourquoi nous souhaitions lui donner du temps pour mûrir sa décision.
En conclusion, nous proposons donc de rédiger l’amendement comme suit : « En cas de décès de l’un des membres du couple, le membre survivant ne peut être consulté avant l’expiration d’un an à compter du décès sauf initiative anticipée de sa part. »
Mme Raymonde Le Texier. Cela me paraît clair !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 174 rectifié bis, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas de décès de l’un des membres du couple, le membre survivant ne peut être consulté avant l’expiration d’un délai d’un an à compter du décès sauf initiative anticipée de sa part.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Ne faudrait-il pas aller au bout de la démarche, en précisant que le choix sera entre le don de l’embryon et sa destruction ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est inutile, puisque nous ne changeons pas la règle actuelle !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Soit ! En tout cas, la question se pose exactement dans les mêmes termes pour les 156 000 embryons surnuméraires, qui sont abandonnés sans que l’on s’en émeuve outre mesure ! Demain, parce que c’est plus facile, on continuera de produire des embryons surnuméraires plutôt que de recourir à la vitrification ovocytaire, d’autant qu’aucun objectif précis de limitation du nombre d’embryons surnuméraires n’est fixé par la loi. Dans dix ans, on se retrouvera avec 300 000 embryons surnuméraires, et nous en serons au même point !
Mme Raymonde Le Texier. C’est pour cela qu’il faut réviser la loi tous les cinq ans !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 174 rectifié bis ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article 21 bis
I. – Au début du premier alinéa de l’article L. 2141-5 du même code, les mots : « À titre exceptionnel, » sont supprimés.
II. – Le premier alinéa de l’article L. 2141-6 du même code est ainsi rédigé :
« Un couple répondant aux conditions prévues à l’article L. 2141-2 peut accueillir un embryon lorsque les techniques d’assistance médicale à la procréation au sein du couple ne peuvent aboutir ou lorsque le couple, dûment informé dans les conditions prévues à l’article L. 2141-10, y renonce. »
III (nouveau). – Le quatrième alinéa de l’article L. 2141-6 du même code est ainsi rédigé :
« Toutefois, le couple doit informer le centre qui a procédé au transfert d’embryons de toute affection grave survenue chez l’un ou l’autre membre du couple afin que des mesures de prévention sanitaire puissent être prises, le cas échéant, pour l’enfant issu d’un accueil d’embryon, et en cas de nécessité thérapeutique, un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ayant renoncé à l’embryon. » – (Adopté.)
Article 22
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2141-3, la référence : « L. 2141-2 » est remplacée par la référence : « L. 2141-1 » ;
1° bis Après la première phrase du deuxième alinéa du même article L. 2141-3, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation, compte tenu du procédé mis en œuvre. » ;
2° À la fin de l’article L. 2141-7, les mots : « y renonce » sont remplacés par les mots : « renonce à une assistance médicale à la procréation au sein du couple » ;
3° Au dernier alinéa de l’article L. 2141-10, après le mot : « époux », sont insérés les mots : «, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ».
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Un débat est né, à l’Assemblée nationale, sur la limitation du nombre d’embryons surnuméraires. En effet, selon les statistiques fournies par l’Agence de la biomédecine dans son dernier bilan, il y avait, au 31 décembre 2007, 154 822 embryons congelés dans les centres d’assistance médicale à la procréation, dont 40 % ne font plus l’objet d’un projet parental et sont donc voués à être détruits à plus ou moins brève échéance.
Soulever la question de la limitation du nombre d’embryons surnuméraires n’est pas illégitime, mais la réponse apportée à l’article 22 nous semble erronée.
Sur la forme, tout d’abord, l’alinéa 6 de l’article 19 du projet de loi prévoit déjà que « la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L’Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. »
Bien entendu, ni l’Agence de la biomédecine ni les praticiens ne souhaitent que le nombre d’embryons surnuméraires soit trop important.
Le texte adopté en commission à l’Assemblée nationale prévoyait de limiter à trois le nombre d’ovocytes fécondés, en référence à la loi italienne. Cela signifiait que les médecins n’auraient pu féconder que trois ovules pour espérer obtenir un embryon, alors qu’aucune limite n’est actuellement fixée. Étant donné que le taux de réussite des fécondations in vitro ne dépasse pas 30 %, une telle limitation aurait représenté une véritable perte de chances pour les couples infertiles, notamment pour toutes les femmes âgées de plus de 35 ou 36 ans, chez qui il faut implanter au moins deux embryons pour qu’elles aient une chance d’avoir un enfant.
Selon M. François Olivennes, adopter une telle disposition visant à limiter le nombre d’ovules fécondés « entraînerait une chute vertigineuse des résultats de la lutte contre la stérilité en France, qui ne sont déjà pas très bons ».
En séance, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a fait adopter un amendement « de compromis », prévoyant que l’on ne crée que le nombre d’embryons « strictement nécessaire » à la réussite de la procréation. La référence au nombre d’embryons a certes disparu, mais cette rédaction pose néanmoins aussi problème : en effet, comment savoir a priori quel est le nombre d’embryons « strictement nécessaire » ?
Personne ne crée des dizaines d’embryons pour le plaisir ! Comme l’explique le professeur Jacqueline Mandelbaum, la stimulation ovarienne est difficile à réguler, mais nous en sommes à un stade où l’on réduit le nombre d’ovocytes fécondés par rapport à une certaine époque, parce que l’on a affiné les pratiques.
Compte tenu des difficultés de la fécondation in vitro, nous pensons qu’il faut laisser une certaine latitude d’action aux médecins et aux biologistes et qu’il leur revient de s’entendre au préalable avec les couples pour limiter le nombre d’embryons surnuméraires.
Mme la présidente. L'amendement n° 123 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mme Hermange et MM. Vial, Bailly, Darniche, B. Fournier et Revet, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Les trois derniers alinéas de l'article L. 2141-3 du code de la santé publique sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Compte tenu de l'état des techniques médicales, le nombre d'ovocytes fécondés est limité au nombre d'embryons directement implantés. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Il existe en fait un moyen de limiter le nombre d’embryons surnuméraires.
Jusqu’à présent, pour que la procréation médicalement assistée puisse réussir, l’état de la technique imposait de créer un nombre important d’embryons. Désormais, la science rejoint l’éthique, puisque l’on peut congeler les ovocytes, comme on sait le faire depuis longtemps pour les gamètes masculins. Cela change tout !
L’article L. 2141-3 du code de la santé publique dispose que « les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental ».
Si désormais les technologies médicales permettent de vitrifier l’ovocyte, il sera possible, sans remettre en cause la réussite de la PMA, de limiter strictement le nombre d’embryons créés au nombre d’embryons implantés. La question des embryons surnuméraires sera alors résolue.
Vous allez sans doute me répondre comme tout à l’heure, monsieur le ministre, que l’article 22 règle déjà le problème. Or ce n’est pas le cas, et vous le savez ! En effet, la rédaction de son alinéa 4, qui n’abroge pas la disposition de l’article L. 2141-3 du code de la santé publique dont je viens de donner lecture, nous ramène exactement au point de départ. La production d’embryons surnuméraires continuera, c’est une certitude !
Mes chers collègues, puisque les progrès de la science permettent maintenant de vitrifier les ovocytes, ajustons au nombre d’embryons implantés le nombre d’embryons créés par l’assistance médicale à la procréation afin d’éviter la production d’embryons surnuméraires.
Mme la présidente. L'amendement n° 42 rectifié ter, présenté par Mme Hermange, MM. P. Blanc et Revet, Mmes Rozier, Henneron et Giudicelli, MM. de Legge, Lardeux, Cantegrit, Cazalet, du Luart, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et P. Dominati et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots et la phrase :
, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique. Passé ce délai, ce nombre est limité au nombre d'embryons directement implantés, soit un ou deux.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous avons le même objectif que M. Retailleau. Il s’agit de prévoir que, à chaque tentative d’assistance médicale à la procréation, les embryons conçus seront directement implantés. Il n’y aura alors plus d’embryons surnuméraires, devant être congelés.
Je voudrais faire une observation à ce sujet.
En 1994, les chercheurs nous ont dit qu’il ne fallait pas créer d’embryons pour la recherche, mais permettre que des embryons surnuméraires puissent, en cas d’abandon du projet parental et avec l’accord du couple, être utilisés à des fins de recherche. Dans la mesure où la vitrification des ovocytes est désormais possible, il convient de limiter la production d’embryons.
Mme la présidente. L'amendement n° 34 rectifié bis, présenté par M. Vasselle, Mme Hermange, M. Gilles, Mmes Desmarescaux et Rozier et M. Lardeux, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° L’avant-dernier alinéa du même article L. 2141-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce consentement ne peut être recueilli qu’après le succès de l'assistance médicale à la procréation. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Il s’agit d’un amendement de repli.
Mme la présidente. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
Et les mots : « leur consentement au juge ou au notaire » sont remplacés par les mots : « leur consentement au juge, à l'avocat ou au notaire »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 27, car la limitation du nombre d’embryons produits à ce qui est techniquement nécessaire n’entrave pas la réussite des procédures d’assistance médicale à la procréation.
L’amendement n° 123 rectifié tend à interdire la conservation des embryons en vue d’un projet parental futur, en s’appuyant sur les succès – à venir, mais pas encore certains – de la vitrification ovocytaire, qui n’en est qu’à ses balbutiements. L’avis est donc défavorable en l’état actuel des choses.
Notre analyse est identique s’agissant de l’amendement n° 42 rectifié ter. L’avis est également défavorable.
Enfin, l’adoption de l’amendement n° 34 rectifié bis aurait pour effet d’interdire à un couple qui abandonne son projet parental avant la réussite d’une assistance médicale à la procréation de consentir au don d’un embryon à la science. Par ailleurs, le nombre d’embryons congelés n’est déterminé qu’en fonction du projet parental. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
La formulation retenue à l’Assemblée nationale me semble la plus équilibrée et la plus juste. En effet, elle permet de concilier deux préoccupations : limiter la production d’embryons surnuméraires et garantir aux couples concernés les meilleures chances de donner naissance à un enfant. Je suis persuadé que l’adoption des amendements nos 123 rectifié et 42 rectifié ter aboutirait à réduire les chances de réussite de l’assistance médicale à la procréation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l’amendement n° 27.
Mme Marie-Thérèse Hermange. La technique de la vitrification ovocytaire a été expérimentée une seule fois, un mois avant le vote à l’Assemblée nationale, par les équipes de l’hôpital Antoine-Béclère. Il me semblerait donc important, monsieur le ministre, que la commission des affaires sociales du Sénat puisse disposer aussi tôt que possible d’éléments scientifiques sur la validation de cette technique, qui pose un certain nombre de problèmes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Article additionnel après l'article 22
Mme la présidente. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par Mmes Bout, Garriaud-Maylam et Papon, M. Gilles, Mme Sittler, MM. Beaumont et Lefèvre et Mmes Hummel et Panis, est ainsi libellé :
Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les activités cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation relatives aux spermatozoïdes en vue de don ne peuvent être pratiquées que dans des organismes et établissements de santé publics, ou dans des organismes et établissements de santé privés à but non lucratif.
« Les activités cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation relatives aux ovocytes en vue de don peuvent être pratiquées dans des organismes et établissements de santé publics ou privés, des laboratoires de biologie médicale autorisés par l’Agence régionale de santé après avis de l’Agence de la biomédecine.
« Aucune rémunération à l'acte ne peut être perçue par les praticiens au titre de ces activités. »
La parole est à Mme Brigitte Bout.
Mme Brigitte Bout. Le présent amendement vise à autoriser les centres privés qui, soumis aux mêmes contraintes que le secteur public, assurent actuellement près de 60 % de l’assistance médicale à la procréation dans notre pays, à pratiquer les activités cliniques et biologiques en vue du don d’ovocytes.
Dans certaines régions de France, les CHU en ayant reçu l’autorisation n’ont réalisé aucun prélèvement depuis 2004 en vue de don d’ovocytes, alors même que la demande est en constante augmentation. Selon un récent rapport de l’Agence de la biomédecine, chargée par la loi d’assurer la promotion du don de gamètes, la demande de dons d’ovocytes en France n’est pas satisfaite. Une enquête nationale menée par l’Agence de la biomédecine en 2005 a permis de dénombrer plus de 1 300 couples en attente d’ovocytes.
Depuis, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur le don d’ovocytes en France, publié en février dernier, a établi que 300 donneuses d’ovocytes se présentent chaque année en France, pour 1 500 à 6 000 nouvelles demandes de prise en charge par an répondant aux critères fixés par la loi. Il en résulte que les couples concernés peuvent attendre de deux à cinq ans un don d’ovocytes, alors même que les chances de succès s’amenuisent avec l’avancée en âge de la demandeuse.
Cette grande pénurie d’ovocytes explique que de 80 % à 85 % de ces couples, selon l’IGAS, se rendent à l’étranger pour bénéficier d’un don d’ovocytes, sans qu’aucune garantie soit donnée aux patientes françaises quant à la qualité des ovocytes qui leur sont vendus, contrairement à ce que prévoient les lois de bioéthique en France. J’ajoute que cette solution est inaccessible aux couples les plus défavorisés, ce qui crée une situation d’inégalité.
Afin de favoriser les dons d’ovocytes, la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique avait identifié plusieurs des causes pouvant expliquer cette pénurie et formulé des propositions, dont l’accroissement du nombre de centres pratiquant les activités cliniques et biologiques en vue du don d’ovocytes. À ce titre, le tout récent rapport de l’IGAS sur le don d’ovocytes en France préconise l’ouverture de cette pratique au secteur privé. Il est à cet égard utile de rappeler que la majorité des couples se rendent aujourd’hui dans des centres privés étrangers, qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que celles qui s’imposeraient à des centres privés français. Il est en effet entendu que, dans notre pays, le don d’ovocytes devra être pratiqué dans les mêmes conditions dans les centres privés que dans les centres publics, conformément aux lois de bioéthique.
J’insiste sur le fait que l’amendement prévoit que les centres privés pratiquant les activités cliniques et biologiques en vue du don d’ovocytes n’en tireront aucune rémunération.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission, contre l’avis de son rapporteur, a émis un avis défavorable.
L’adoption de cet amendement permettrait pourtant de répondre à un problème d’accès au don d’ovocytes sur l’ensemble du territoire, tout en maintenant le plus haut niveau d’exigence en termes de sécurité des pratiques et la gratuité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le rapport de l’IGAS ne fait pas de l’ouverture au secteur privé de la pratique des activités cliniques et biologiques en vue du don d’ovocytes une priorité d’action. Cela étant, dans la mesure où cela peut permettre d’améliorer les choses, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je suis au fait des raisons pour lesquelles des couples se rendent à l’étranger, notamment à Barcelone, en vue de bénéficier d’un don d’ovocytes.
Donner un ovocyte, ce n’est pas la même chose que donner du sperme. Les femmes qui ont eu recours à la procréation médicalement assistée par fécondation in vitro savent à quel point la démarche est pénible : le prélèvement d’un ovocyte suppose un traitement médicamenteux qui fait grossir, donne la nausée…
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cela peut même entraîner des ruptures d’anévrisme !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On ne recourt pas à l’AMP pour le plaisir : c’est tout de même plus agréable sous la couette ! (Sourires.)
S’il n’y a pas suffisamment de dons d’ovocytes en France, c’est parce qu’on refuse d’indemniser convenablement les femmes qui acceptent de devenir donneuses et de subir à cette fin des traitements médicamenteux aux effets secondaires pénibles. Tant que nous n’indemniserons pas d’une façon raisonnable les donneuses d’ovocytes, la pénurie perdurera. À cet égard, le fait que la structure soit privée ou publique ne change rien.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Cet amendement est important, dans la mesure où il vise à ouvrir au secteur privé la pratique des activités cliniques et biologiques en vue du don d’ovocytes.
Pour des raisons que j’ai souvent exposées, je suis en ce qui me concerne profondément opposé à une telle ouverture. Le fait que le Gouvernement ait donné un avis favorable à cet amendement met bien en lumière la philosophie qui le guide.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Chassez le naturel, il revient au galop ! Dans un tel débat, on devrait pouvoir s’affranchir quelque peu des références politiques habituelles, mais il suffit qu’un amendement visant avant tout à offrir à des femmes davantage de chances de bénéficier d’un don d’ovocytes prévoie une ouverture au secteur privé pour que le sujet devienne aussitôt politique !
Je rappelle que l’agence régionale de santé devra donner son autorisation après avis de l’Agence de la biomédecine. En outre, cette ouverture au secteur privé tend à pallier la défaillance du secteur public dans certaines régions.
M. Guy Fischer. Vous le faites inlassablement défaillir !
M. Xavier Bertrand, ministre. N’instillez pas de la politique dans un tel sujet, au seul motif qu’il est proposé de recourir au secteur privé dans certains cas de figure. Une telle solution vaut mieux que rien pour les femmes concernées ! Libre à vous de chercher à susciter une polémique, mais je ne vous suivrai pas dans cette voie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, nous sommes ravis de vous accueillir, et nous regrettons vivement que vous ne soyez pas venu plus tôt. Nous déplorons que vous n’ayez pas participé à nos travaux en commission ni au début de ce débat. En effet, cela vous aurait permis de constater l’absence de clivages partisans : sur toutes les travées, chacun a su écouter l’autre pour nourrir sa réflexion et le cas échéant réexaminer ses a priori ou ses certitudes.
Excusez-moi de vous le dire, mais c’est vous qui venez de susciter la polémique dans ce débat.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je m’interroge sur cet amendement, au regard du dispositif de l’article 22 ter que nous allons examiner ensuite.
En effet, aux termes de cet article, l’Agence de la biomédecine prévoira « la publication régulière des résultats de chaque centre d’assistance médicale à la procréation selon une méthodologie prenant notamment en compte les caractéristiques de leur patientèle », en particulier l’âge des femmes, et diligentera, au vu de ces données, des missions d’appui et de conseil dans certains centres, voire proposera des recommandations d’indicateurs chiffrés à certains centres.
Tout cela me fait penser à certaines difficultés que connaissent les hôpitaux publics…
M. Guy Fischer. Voilà ! Exactement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 114 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Article 22 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Giudicelli et Hermange, M. Gilles, Mmes Rozier et Papon, M. B. Fournier et Mmes Panis et B. Dupont, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le 3° de l'article L. 1418-1 du même code est complété par les mots : « et notamment en ce qui concerne les causes de la stérilité et les moyens de restaurer la fertilité ».
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Aujourd’hui, un couple sur sept consulte pour cause d’infertilité. Or, les techniques d’assistance médicale à la procréation ne restaurent pas la fertilité, au contraire de ce que pourrait permettre, par exemple, la greffe de tissu ovarien. Il convient donc d’encourager les recherches sur les causes de la stérilité et les moyens de restaurer la fertilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Il n’est pas de bonne législation de procéder à une énumération partielle des compétences de l’Agence de la biomédecine.
De surcroît, la lutte contre l’infertilité relève à titre principal de l’andrologie et de la gynécologie, et non de la biomédecine, qui n’intervient que quand la stérilité est jugée incurable. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’article 22 bis demeure supprimé.
Article 22 ter
(Non modifié)
Le 4° de l’article L. 1418-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle prévoit la publication régulière des résultats de chaque centre d’assistance médicale à la procréation selon une méthodologie prenant en compte notamment les caractéristiques de leur patientèle et en particulier l’âge des femmes ; au vu de ces données elle diligente des missions d’appui et de conseil dans certains centres, voire propose des recommandations d’indicateurs chiffrés à certains centres ; ».
Mme la présidente. L'amendement n° 28, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le domaine de la santé, tout particulièrement celui de l’assistance médicale à la procréation, ne peut être soumis à la concurrence à l’instar d’un service économique classique.
Cet article tend à instaurer une comparaison des résultats des différents centres d’assistance médicale à la procréation. Il est légitime de s’interroger sur l’objectif visé.
Chaque centre d’assistance médicale à la procréation accueille un public différent. La procréation médicalement assistée est un processus qui repose sur de nombreux éléments non encore totalement maîtrisés. La fertilité des êtres humains peut ainsi être affectée par de nombreux facteurs spécifiques à un environnement donné : qualité de l’air, de l’eau, des produits alimentaires, etc. Dès lors, comparer les résultats des différents centres conduirait à tirer des conclusions ne prenant pas en compte ces paramètres pourtant essentiels.
De plus, cet article vise à ouvrir à l’Agence de la biomédecine la possibilité de proposer des « recommandations d’indicateurs chiffrés à certains centres ». Cette expression très vague pourrait mener à une véritable exigence d’efficacité envers ces centres, qui n’a pas lieu d’être en matière médicale. La publication de ces statistiques pourrait aussi conduire à priver des femmes, du fait de leur âge, de l’accès à la procréation médicalement assistée. En effet, dans une logique statistique, un abaissement de l’âge maximal pour l’accès à la PMA pourrait être envisagé en raison de résultats trop faibles pour certaines classes d’âge.
Enfin, on peut s’interroger sur l’éventualité de voir fermer certains centres d’assistance médicale à la procréation dont les résultats auraient été jugés peu satisfaisants. Une telle politique, qui a été appliquée à de nombreux services publics, mettrait à mal l’existence de ces structures sur l’ensemble du territoire national.
La procréation peut être assistée médicalement, mais elle ne peut être jugée statistiquement dans une optique d’efficacité. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
En effet, les responsables de ces centres, en particulier des CECOS, et les chercheurs, notamment Mme Bellaïche et M. Frydman, que nous avons consultés, ont tous demandé l’insertion d’un tel article dans le projet de loi. Les principaux centres d’AMP publics et privés à but non lucratif, leurs médecins et leurs chercheurs ont souhaité la publication des résultats.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. L’avis est également défavorable : je suis pour la publication des résultats et la transparence.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous voterons, bien entendu, l’amendement qui a été défendu par Jean-Pierre Godefroy.
Le dispositif de l’article 22 ter vise à mettre en concurrence les centres d’AMP.
L’Agence de la biomédecine remplit de nombreuses missions, souvent nécessaires. Toutefois, est-il vraiment certain que la publication des résultats de chaque centre d’AMP s’inscrit dans son champ d’action ? L’établissement d’un tel palmarès est-il vraiment nécessaire ?
La mode des palmarès des institutions publiques – il s’agit bien d’une mode ! – est, nous le savons, pernicieuse. On nous a assez répété, depuis vingt ans, que le service public doit être plus « efficace » pour mieux répondre aux besoins de la population, des usagers. Si la recherche de cette efficacité implique l’établissement d’une concurrence entre services publics, nous y sommes opposés.
La mise en œuvre du principe de la concurrence dans le domaine du service public médical nous semble néfaste. Elle favorise le développement du nomadisme médical, le patient choisissant son centre comme on choisit son garagiste. Nous devons refuser ce genre de dérives qui, en plus d’amener l’apparition de déserts médicaux par la fermeture de centres jugés non rentables et l’engorgement des centres les plus « efficaces », favoriseront le développement des centres privés.
En effet, alors que les centres privés ont déjà des moyens financiers supérieurs, nous allons obliger nos centres publics à se faire concurrence, à atteindre des objectifs de rentabilité : ne nous le cachons pas. Nos centres publics n’ont rien à gagner à cette concurrence, dont nous voyons tous les jours les conséquences avec la fermeture de services hospitaliers dans les petites villes et qui participe de la désertification de nos campagnes.
Cette perspective, aujourd’hui comme hier, nous la refusons ; c’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous parlons depuis très longtemps, dans cet hémicycle, des déserts médicaux et des inégalités dans l’accès aux soins. Hier, nous avons ainsi évoqué le cas de la biologie médicale. Or un dispositif tel que celui de l’article 22 ter me semble de nature à conforter cette tendance à l’aggravation des disparités territoriales. La dernière phrase de cet article, selon laquelle l’Agence de la biomédecine proposera des recommandations d’indicateurs chiffrés à certains centres, m’inquiète particulièrement.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette notion d’indicateurs chiffrés est tout à fait inquiétante : que se passera-t-il si les chiffres ne sont pas jugés satisfaisants ? Je vous laisse le soin de le deviner, mes chers collègues… Des déséquilibres inacceptables entre territoires risquent d’apparaître. La dernière phrase de l’article 22 ter est véritablement trop dangereuse !
Mme la présidente. L'amendement n° 43 rectifié ter, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Cointat, Retailleau, Pozzo di Borgo, Couderc, del Picchia, Bailly, Mayet, Pinton et P. Dominati et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
Le 4° de l'article L. 1418-1 est ainsi modifié :
1° Après les mots : « et sur celle des enfants qui en sont issus », sont insérés les mots : « et publie régulièrement un rapport sur leur suivi » ;
2° Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Depuis 2004, le suivi des enfants nés par AMP relève des missions de l’Agence de la biomédecine. Or, ce suivi n’a jamais été organisé. Il s’agit donc de permettre le contrôle de sa mise en œuvre en instaurant la publication régulière d’un rapport sur ce sujet.
Il est très important de pouvoir disposer de ces données, qui permettront aux médecins de juger, en bénéficiant du recul du temps, si ces enfants ont besoin de soins particuliers ou d’une prévention spécifique. De nombreux rapports nous sont remis, pourquoi ne pas en prévoir un en la matière ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’Agence de la biomédecine a déjà, aux termes de l’article L. 1418-1 du code de la santé publique, l’obligation de rendre compte, dans son rapport annuel, de son activité de suivi. La disposition présentée est donc redondante, c’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. L’avis est également défavorable. L’activité de suivi est déjà retracée dans le rapport annuel de l’Agence de la biomédecine.
On reproche souvent au Gouvernement de ne pas produire en temps et en heure les multiples rapports demandés, mais il faut souligner que leur rédaction repose sur un nombre très restreint de personnes. Il me paraît donc beaucoup plus simple de s’en tenir au rapport annuel de l’Agence de la biomédecine. L’opposition du Gouvernement à cet amendement tient à des considérations exclusivement pratiques.
Mme la présidente. Mme Hermange, l’amendement n° 43 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Que l’Agence de la biomédecine n’établisse pas de rapport spécifique, soit, mais du moins faudrait-il qu’elle diffuse des données sur le suivi des enfants nés par AMP. Or la seule étude publiée sur ce sujet, retraçant le suivi de 4 000 enfants, l’a été l’année dernière par le professeur Olivennes, et non par l’Agence de la biomédecine ; je le regrette.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous remercie, madame Hermange, d’avoir accepté de retirer cet amendement.
L’Agence de la biomédecine poursuit actuellement sa réflexion sur la possibilité de croiser les données du registre des FIV, qui est un dispositif de recueil continu et exhaustif des données sur les tentatives de FIV en France, avec celles de l’assurance maladie. Je pense que cela va dans le sens que vous souhaitez.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22 ter.
(L'article 22 ter est adopté.)
Article 22 quater
(Non modifié)
L’article L. 4151-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les sages-femmes sont autorisées à concourir aux activités d’assistance médicale à la procréation, dans des conditions fixées par décret. » – (Adopté.)
11
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 7 avril 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-137 QPC et 2011-138 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
12
Bioéthique
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 22 quater.
Articles additionnels après l’article 22 quater
M. le président. Je suis d’abord saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 2 rectifié quater est présenté par M. Milon, Mmes Dini et Bout et MM. Beaumont, Carle et Mayet.
L'amendement n° 75 rectifié est présenté par M. Godefroy, Mmes M. André et Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, MM. Yung, Kerdraon, Rebsamen, C. Gautier, Lagauche, Botrel et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Guillaume, Mazuir, Piras, Marc, Signé et Desessard, Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Andreoni et Chastan, Mme Laurent-Perrigot, M. Badinter, Mme Blondin et M. Carrère.
L'amendement n° 160 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
I. - Le titre IV du livre premier de la deuxième partie est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Gestation pour autrui
« Art. L. 2144-1. - La gestation pour autrui est le fait, pour une femme, de porter en elle un ou plusieurs enfants conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation en vue de les remettre, à leur naissance, à un couple demandeur selon les conditions et modalités définies au présent titre.
« Art. L. 2144-2. - Peuvent bénéficier d'une gestation pour autrui les couples qui remplissent, outre les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 2141-2, celles fixées aux alinéas suivants :
« 1° L'homme et la femme doivent tous deux être domiciliés en France ;
« 2° La femme doit se trouver dans l'impossibilité de mener une grossesse à terme ou ne pouvoir la mener sans un risque d'une particulière gravité pour sa santé ou pour celle de l'enfant à naître ;
« 3° L'enfant doit être conçu avec les gamètes de l'un au moins des membres du couple.
« Art. L. 2144-3. - Peut seule porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui, la femme majeure, domiciliée en France et ayant déjà accouché d'un enfant au moins sans avoir rencontré de difficulté particulière durant la grossesse puis l'accouchement.
« Une femme ne peut porter pour autrui un enfant conçu avec ses propres ovocytes.
« Une mère ne peut porter un enfant pour sa fille.
« Une femme ne peut mener plus de deux grossesses pour autrui.
« Art. L. 2144-4. - Les couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et les femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui doivent en outre obtenir l'agrément de l'Agence de la biomédecine.
« Cet agrément est délivré après évaluation de leur état de santé physique et psychologique par une commission pluridisciplinaire dont la composition est fixée par décret.
« Il est valable pour une durée de trois ans renouvelable.
« Tout refus ou retrait d'agrément doit être motivé.
« Art. L. 2144-5. - La mise en relation d'un ou de plusieurs couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et d'une ou de plusieurs femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui ne peut donner lieu ni à publicité ni à rémunération. Elle ne peut être réalisée qu'avec l'agrément de l'Agence de la biomédecine.
« Art. L. 2144-6. - Le transfert d'embryons en vue d'une gestation pour autrui est subordonné à une décision de l'autorité judiciaire.
« Le juge s'assure du respect des articles L. 2144-1 à L. 2144-5.
« Après les avoir informés des conséquences de leur décision, il recueille les consentements écrits des membres du couple demandeur, de la femme disposée à porter en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte et, le cas échéant, celui de son conjoint, de son concubin ou de la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité.
« Le juge fixe la somme que les membres du couple demandeur doivent verser à la femme qui portera en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte afin de couvrir les frais liés à la grossesse qui ne seraient pas pris en charge par l'organisme de sécurité sociale et les organismes complémentaires d'assurance maladie. Cette somme peut être révisée durant la grossesse. Aucun autre paiement, quelle qu'en soit la forme, ne peut être alloué au titre de la gestation pour autrui.
« Art. L. 2144-7. - Toute décision relative à une interruption volontaire de la grossesse est prise, le cas échéant, par la femme ayant accepté de porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui.
« Art. L. 2144-8. - Aucune action en responsabilité ne peut être engagée, au titre d'une gestation pour autrui, par les membres du couple bénéficiaire de cette gestation, ou l'un d'entre eux, à l'encontre de la femme ayant accepté de porter en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte. »
II. - Après le quinzième alinéa (11°) de l'article L. 1418-1, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :
« 11° bis De délivrer les agréments prévus aux articles L. 2144-4 et L. 2144-5 ; »
III. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1418-3, les mots : « et 11° » sont remplacés par les mots : «, 11° et 11° bis ».
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié quater.
M. Alain Milon. Cet amendement vise à modifier le code de la santé publique afin d'inscrire la gestation pour autrui, la GPA, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation. Elle deviendra ainsi un instrument supplémentaire au service de la lutte contre l'infertilité, sans que soit reconnu pour autant un « droit à l'enfant ».
Aux termes du texte proposé pour l'article L. 2144-2 du code de la santé publique, seuls pourront bénéficier d'une gestation pour autrui les couples composés de personnes de sexe différent, mariées ou en mesure de justifier d'au moins deux années de vie commune, en âge de procréer et domiciliées en France. La femme devra se trouver dans l'impossibilité de mener une grossesse à terme ou ne pouvoir la mener sans prendre un risque d'une particulière gravité pour sa santé ou pour celle de l'enfant à naître. L'un des deux membres du couple au moins devra être le parent génétique de l'enfant.
Aux termes du texte proposé pour l'article L. 2144-3 du même code, seule pourrait porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui une femme majeure, domiciliée en France et ayant déjà accouché d'un enfant au moins sans avoir rencontré de difficulté particulière durant la grossesse puis l'accouchement. De surcroît, une femme ne pourrait ni porter pour autrui un enfant conçu avec ses propres ovocytes, ni porter un enfant pour sa fille, ni mener plus de deux grossesses pour autrui.
Aux termes du texte proposé pour l'article L. 2144-4, les couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et les femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui devraient obtenir l'agrément de l'Agence de la biomédecine, cet agrément étant destiné à vérifier leur état de santé non seulement physique, notamment le respect des conditions posées aux articles L. 2144-2 et L. 2144-3, mais également psychique.
Le texte proposé pour l'article L. 2144-5 tend à autoriser la mise en relation d'un ou de plusieurs couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui avec une ou plusieurs femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui, à condition qu'elle ne donne lieu ni à publicité ni à rémunération. Cette mise en relation ne pourrait, de surcroît, être réalisée à titre habituel qu'avec l'agrément de l'Agence de la biomédecine.
Le texte proposé pour l'article L. 2144-6 subordonne le transfert d'embryons à une autorisation du juge judiciaire. Le magistrat devra vérifier les agréments, recueillir les consentements écrits des parents intentionnels et de la « gestatrice », ainsi que, le cas échéant, celui du conjoint, du concubin ou du partenaire de PACS de cette dernière, après les avoir informés des conséquences de leur engagement au regard notamment du droit de la filiation. Il fixera également la somme devant être versée par le couple bénéficiaire à la gestatrice afin de couvrir les frais liés à la grossesse qui ne seraient pas pris en charge par l'organisme de sécurité sociale et les organismes complémentaires d'assurance maladie. Cette somme pourrait être révisée en cas d'événement imprévu au cours de la grossesse. La gestation pour autrui ne pouvant être admise qu'en tant que don de soi, aucun autre paiement, quelle qu'en soit la forme, ne pourrait être alloué.
En vertu du texte proposé pour l'article L. 2144-7, il appartiendrait à la gestatrice, et à elle seule, de prendre, le cas échéant, toute décision relative à une interruption volontaire de grossesse.
Enfin, le texte proposé pour l'article L. 2144-8 fait interdiction aux membres du couple bénéficiaire d'une gestation pour autrui, ou à l'un d'entre eux, d'engager une action en responsabilité à l'encontre de la femme ayant accepté de porter en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte.
Les modifications proposées aux articles L. 1418-1 et L. 1418-3 opèrent des coordinations dans les dispositions du code de la santé publique relatives aux compétences, à l'organisation et au fonctionnement de l'Agence de la biomédecine.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 75 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. La liberté de procréer est un droit fondamental dans notre société. Elle est aujourd’hui plus grande qu’elle ne l’a jamais été, grâce à certaines avancées médicales telles que la fécondation in vitro, le transfert d’embryons, les micro-injections de sperme. Quelle que soit notre opinion sur la GPA, force est de reconnaître qu’elle est un produit de ces avancées et que, d’une certaine façon, elle permet d’accroître encore cette liberté de procréer.
Pour ma part, je vois dans la GPA d’abord et avant tout une technique supplémentaire pour lutter contre l’infertilité. C’est la raison pour laquelle cette légalisation doit être strictement encadrée, dans les conditions prévues par la proposition de loi déposée par Mme André en janvier 2010.
La GPA serait ainsi réservée aux couples dont la femme se trouve dans l’impossibilité de mener une grossesse à terme ou ne peut la mener sans prendre un risque d’une particulière gravité pour sa santé ou celle de l’enfant à naître. Il s’agit donc non pas d’autoriser je ne sais quelle pratique de confort, mais de répondre à des demandes très précises, très limitées et surtout très douloureuses, celles de ces couples qui ont le « matériel biologique » pour concevoir un enfant, mais dont la femme ne peut mener une grossesse à terme parce qu’elle est privée d’utérus ou qu’elle courrait un risque vital pour sa santé ou celle de son enfant.
La gestatrice devrait être majeure, domiciliée en France et avoir déjà accouché d’un enfant au moins sans avoir rencontré de difficulté particulière durant la grossesse puis l’accouchement. De surcroît, elle ne pourrait ni porter un enfant pour sa fille ni mener plus de deux grossesses pour autrui, et surtout elle ne pourrait pas porter pour autrui un enfant conçu avec ses propres gamètes.
C’est en cela que la GPA se différencie totalement de la pratique dite des mères porteuses, lesquelles donnent en plus leur patrimoine génétique. Cette différence fondamentale n’est pas seulement biologique, elle influe fortement sur la perception du rôle de la femme qui porte l’enfant.
Pour moi, la GPA, que l’on peut aussi appeler « don gestationnel », est loin d’être une réalité honteuse ; elle s’articule autour des notions de don et de vie, et permet aux membres d’un couple infertile de sortir d’une situation de souffrance et de devenir parents. Cette raison est suffisante à mes yeux pour que nous nous engagions sur la voie d’une légalisation de la GPA.
Cette légalisation doit être strictement encadrée. C’est pourquoi la proposition de loi de notre collègue Michèle André prévoit un certain nombre de garde-fous, afin d’éviter des dérives. Ainsi, les couples désireux de bénéficier d’une gestation pour autrui et les femmes disposées à porter un ou plusieurs enfants pour autrui devraient obtenir l’agrément de l’Agence de la biomédecine, qui serait chargée de vérifier notamment l’état de santé physique et psychique de la gestatrice, mais aussi l’autorisation du juge judiciaire, chargé, quant à lui, de vérifier le consentement libre et éclairé de chacune des parties. La GPA ne donnerait lieu ni à publicité ni à rémunération.
Je suis persuadé qu’il est possible de légaliser la GPA dans une perspective éthique, altruiste et non lucrative, en évitant toute marchandisation du corps humain.
J’irai même plus loin : je crois que c’est en refusant d’autoriser cette pratique en France que l’on encourage une telle marchandisation dans des pays où la législation est laxiste. L’analyse de la situation dans les pays développés et démocratiques qui ont légalisé la GPA dans un esprit éthique montre qu’il est parfaitement possible d’éviter toute marchandisation en organisant la GPA dans une perspective altruiste. La situation est bien sûr différente dans des pays comme l’Inde et l’Ukraine, où l’absence de cadre législatif, combinée à une grande pauvreté, conduit à des dérives non seulement dans la pratique de la GPA, mais également en matière d’adoptions ou de dons d’organes.
Je le reconnais volontiers, la question de la gestation pour autrui est loin d’être simple. Mais, au-delà de certains jugements moraux ou de prétendus arguments d’autorité, nous devons essayer, me semble-t-il, d’être à la fois réalistes, pragmatiques et rigoureux : réalistes, parce que la GPA existe ; pragmatiques, parce que tant que la GPA sera interdite en France, certains couples iront à l’étranger ; rigoureux, parce que nous pouvons concilier cette pratique avec nos principes éthiques et juridiques fondamentaux.
Le Sénat s’honore d’avoir ouvert ce débat, que l’on ne peut occulter.
M. le président. L'amendement n° 160 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 2 rectifié quater et 75 rectifié ?
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Autoriser la gestation pour autrui, même dans un cadre strict, serait profondément contraire à nos principes et à nos valeurs. Toutes les instances consultées à l’occasion de la révision de la loi de 2004 se sont d’ailleurs prononcées contre l’autorisation de la GPA, qu’il s’agisse du Conseil d’État, du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, des états généraux de la bioéthique ou de l’Académie nationale de médecine.
La GPA ne peut, en effet, être considérée comme une simple technique d’assistance médicale à la procréation.
Certains défenseurs de la GPA font valoir qu’elle vise à remédier au problème d’infertilité des femmes qui ne peuvent enfanter, et qu’il est normal de faire bénéficier celles-ci des solutions médicales disponibles, au même titre que les couples qui ont recours aux gamètes de tiers donneurs ou qui accueillent des embryons.
Or la GPA ne se limite pas au recours à des gamètes. Elle suppose le recours au corps d’une femme qui assurera et assumera la grossesse, en renonçant par avance à garder l’enfant à sa naissance. Cette pratique contrevient donc au principe d’indisponibilité du corps humain, ainsi qu’au respect de l’enfant né et à sa protection.
Le désir de donner la vie ne peut primer sur toute autre considération. La dignité de la personne humaine, qui a valeur constitutionnelle, fonde le principe de l’indisponibilité du corps humain. Il s’agit particulièrement de garantir les personnes les plus fragiles contre les abus et les traitements dégradants. Les personnes ne peuvent ni aliéner ni vendre leur corps, quand bien même elles y consentiraient.
Un enfant ne peut pas non plus faire l’objet de contrats de cession à titre gratuit ou onéreux. L’objectif est de protéger les plus vulnérables et les plus démunis. Même si l’on peut comprendre la souffrance des femmes ne pouvant enfanter, cet argument ne saurait suffire à remettre en cause ces valeurs essentielles. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
En outre, l’autorisation de la GPA risquerait de fragiliser l’ensemble de nos principes et de nos valeurs dans le champ de la bioéthique. Les défenseurs de la GPA font valoir que des relations sereines et constructives peuvent se nouer entre la femme qui porte l’enfant à naître et le couple demandeur. Cela implique qu’il soit dérogé au principe d’anonymat du don. Par ailleurs, le risque de marchandisation est évident.
Quelques femmes pourront peut-être, par altruisme, accepter une indemnisation minimale des contraintes subies, mais on peut craindre que les incitations financières ne soient déterminantes. La question de la légalisation de ces incitations risque d’être posée un jour ou l’autre, pour mieux les encadrer. C’est ainsi un pan entier de notre législation bioéthique qui risquerait, à terme, d’être fragilisé.
La GPA soulève, par ailleurs, des questions pratiquement insolubles sur les plans juridique et éthique.
Rappelons, tout d’abord, que la GPA comporte des risques sanitaires liés à la grossesse, pour la mère porteuse, et des risques psychologiques pour les enfants mis au monde et cédés à leur naissance.
Comment régler les cas de diagnostic d’une anomalie génétique en cours de grossesse, de retrait du couple demandeur en cas de handicap de l’enfant né, de décès accidentel du couple demandeur, pour ne prendre que ces quelques exemples ?
Au total, loin de constituer une preuve de la modernisation de notre société et de ses capacités d’évolution, l’autorisation de la GPA, même strictement encadrée, signerait notre renoncement collectif à préserver des pratiques conformes à notre éthique.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. J’informe le Sénat que le Gouvernement a demandé que ces deux amendements identiques soient mis aux voix par scrutin public.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Les sénatrices et sénateurs écologistes sont cosignataires de l’amendement n° 75 rectifié.
Cet amendement de bon sens, qui vise à réglementer et à encadrer la gestation pour autrui en modifiant le code de la santé publique, reprend l’article 1er de la proposition de loi déposée le 27 janvier 2010 par notre collègue Michèle André, texte dont j’étais cosignataire. Il est d’ailleurs très significatif que cet amendement ait été repris par des sénateurs appartenant à plusieurs groupes, et que cette question fondamentale de la légalisation de la GPA transcende donc les clivages politiques.
Il semble aujourd’hui tout à fait nécessaire de légaliser et d’encadrer les protocoles de gestation pour autrui dans notre pays, en les autorisant dans le respect strict des dispositions prévues par cet amendement. Celui-ci tend en effet à imposer le respect de plusieurs conditions permettant d’encadrer le recours à la GPA. Elles sont relatives aux parents désirant y recourir, à la femme souhaitant porter l’enfant pour autrui et au contrôle du protocole.
Je tiens à souligner, en particulier, l’importance des conditions d’encadrement et de contrôle, qui soumettent le recours à la GPA à un agrément de l’Agence de la biomédecine. C’est ensuite au juge qu’il appartiendra de statuer sur le transfert d’embryons en vue de la GPA. Il s’assurera de la réalité du consentement des parents et de la gestatrice, mais aussi de celui du concubin ou conjoint de cette dernière, si elle vit en couple. L’autorité judiciaire statuera également sur les éventuels frais liés à la grossesse qui ne seraient pris en charge ni par la sécurité sociale ni par les organismes d’assurance maladie complémentaires.
La rédaction proposée pour l’article L. 2144-6 du code de la santé publique prévoit que la somme allouée en vue du remboursement des frais liés à la grossesse pourra être révisée en cours de grossesse. Il s’agit ici de parer à toute éventualité et de faire en sorte que la gestatrice n’ait pas à supporter des frais liés à cette grossesse qu’elle accepte d’assumer pour le compte d’autrui. Je reviendrai ultérieurement, en présentant l’amendement n° 132, sur la question de la révision de la somme déjà allouée, car ses modalités judiciaires ou conventionnelles ne sont pour l’heure pas précisées.
Quoi qu’il en soit, je voterai évidemment cet amendement, en espérant que cette nouvelle technique destinée à lutter contre l’infertilité deviendra enfin accessible sur notre territoire. Sa légalisation permettra de reconnaître les droits des enfants nés à l’étranger de cette technique, actuellement considérés comme illégaux. Aujourd’hui, ils sont des clandestins, peut-être seront-ils demain des apatrides… Nous n’avons pas le droit d’accepter une telle situation, ne serait-ce que dans l’intérêt des enfants.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il faut reconnaître à M. Godefroy, à Mme Dini et à M. Milon le mérite de la constance.
M. Godefroy a défendu, cet après-midi, un amendement tendant à permettre aux couples homosexuels de recourir à la procréation médicalement assistée afin d’avoir des enfants. Dès lors, il est logique qu’il propose la légalisation de la GPA.
Si nos collègues sont donc certes tenaces et constants, leur proposition me paraît cependant contraire à tout notre édifice législatif patiemment construit, ainsi qu’à la sagesse commune.
La Cour de cassation a indiqué très clairement, dans l’important jugement qu’elle a rendu hier, que la gestation pour autrui était notamment contraire à deux principes essentiels du droit français : le principe de la filiation, qui veut que la mère soit celle qui accouche, et celui de l’interdiction de la marchandisation du corps humain, affirmée solennellement au premier alinéa de l’article 16 du code civil.
Or, selon moi, avec la GPA, la marchandisation du corps humain est double.
Il s’agit, tout d’abord, d’une marchandisation du corps de la femme. Il faudra que l’on nous prouve qu’une femme en détresse loue son ventre par philanthropie, et non par nécessité !
Il s’agit, ensuite, d’une marchandisation de l’enfant, comme l’a indiqué le Conseil d’État en jugeant que la pratique des mères porteuses « [laissait] place à l’idée que l’enfant à naître est, au moins pour partie, assimilable à un objet de transactions ». Les choses sont claires !
La GPA représente également un double risque.
Il y a d’abord risque pour l’enfant. Les pédopsychiatres le disent, une relation particulière se construit, pendant la gestation, entre l’enfant et la mère.
Mme Raymonde Le Texier. Qu’en savez-vous ?
M. Bruno Retailleau. Ma chère collègue, si vous refusez à un parlementaire, parce qu’il est un homme, d’intervenir sur ce genre de sujet, c’est le degré zéro de la politique !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On ne vous l’interdit pas !
M. Bruno Retailleau. C’est heureux, car sinon tous les hommes devraient quitter cet hémicycle ! Que nous soyons hommes ou femmes, nous sommes, dans cette enceinte, avant tout législateurs !
Il y a également risque pour la mère porteuse, qui sera soumise à des contraintes, notamment économiques, que vous ne pourrez pas écarter.
Enfin, vous stigmatisez le principe d’autorité, mais affirmer, comme vous le faites, qu’il faut légaliser la GPA en France parce qu’elle se pratique à l’étranger, c’est recourir à un argument d’autorité ! Depuis quand serions-nous tenus d’importer de mauvaises normes ?
M. Jean-Pierre Godefroy. On le fait tous les jours !
M. Bruno Retailleau. Nous sommes maîtres chez nous : il nous revient de définir librement nos propres normes, sans avoir à les aligner sur un « moins-disant » éthique pratiqué à l’étranger.
Nous devons certes faire preuve de réalisme, mais aussi et surtout d’idéalisme, car l’éthique est un idéal Un certain nombre de pratiques doivent être maintenues hors du champ de la loi : la gestation pour autrui en fait clairement partie. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Vous avez tenté, monsieur Retailleau, de jeter l’opprobre sur l’argumentation de M. Godefroy, en affirmant qu’il visait les couples homosexuels. Or, il n’en est rien : dans la très grande majorité des cas, ce sont des couples hétérosexuels qui souhaitent recourir à la GPA.
En vous écoutant, madame la secrétaire d’État, j’ai compris pourquoi ce projet de loi était totalement muet sur la GPA, ce qui est tout de même surprenant pour un texte relatif à la bioéthique censé prendre en compte l’évolution de la société : cela tient au fait que votre conception de la société remonte au xixe siècle, au temps de Balzac et d’Alexandre Dumas !
Or notre rôle de législateurs est précisément de faire en sorte que le droit suive l’évolution de la société. Nous y contribuons en exerçant notre droit d’amendement.
J’ai également compris, accessoirement, pourquoi le Gouvernement demandait un scrutin public sur ces amendements…
En ce qui concerne la Cour de cassation, c’est précisément un arrêt tel que celui qu’elle a pris hier qui doit nous amener à légiférer en la matière. En effet, si elle a refusé d’accorder la nationalité française et l’inscription à l’état civil français de deux petites filles nées aux États-Unis d’une gestation pour autrui, c’est parce que cela n’est pas conforme à l’état actuel du droit. Nous devons donc modifier le cadre juridique, et sa jurisprudence suivra.
Je souligne que le recours à la GPA se limitera aux assez rares cas où une femme ne peut mener une grossesse à terme, ou pas sans prendre un risque grave pour sa santé ou pour celle de l’enfant.
Enfin, si nous autorisons la gestation pour autrui en France, il ne devra plus être accepté que des parents français puissent recourir à une mère porteuse vivant à l’étranger.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je ne voterai pas cet amendement, étant opposée à la gestation pour autrui pour des raisons à la fois médicales et juridiques.
Sur le plan médical, tout d’abord, si vivre une grossesse est une joie, cela peut aussi déboucher sur des situations douloureuses : près de 9 % des enfants ont un faible poids à la naissance, 7 % d’entre eux naissent prématurément, d’autres se révèlent handicapés… La décision de recourir ou non à une IVG appartiendra à la mère porteuse, quel que soit l’avis sur ce point du couple demandeur.
Par ailleurs, certains faits médicaux graves peuvent être consécutifs à une grossesse. Ainsi, le groupe de travail de l’Académie de médecine a entendu un couple dont la femme, qui avait porté un enfant pour le compte d’une autre, avait subi une hystérectomie à la suite de la grossesse. En outre, dans 2 % des cas, une hémorragie de la délivrance survient.
Sur le plan juridique, ensuite, je ne vois pas comment on pourrait conserver le principe de l’anonymat du don tout en légalisant la GPA. Dans le même esprit, si l’on maintient dans notre corpus juridique le principe mater semper certa est, légaliser la gestation pour autrui reviendrait alors à légaliser un abandon d’enfant, ce dernier ne devenant celui du couple demandeur qu’à partir du moment où la mère porteuse y aura consenti.
En outre, légaliser la GPA amènerait à faire entrer le droit des contrats privés dans le droit de la filiation. Mais, en l’occurrence, l’objet du contrat est l’enfant, et l’éventuelle résiliation de ce contrat s’effectuera sur sa tête, ce qui me gêne.
Enfin, quoi que l’on en dise, on ne pourra éviter une monétarisation du service rendu au couple demandeur par la mère porteuse, qui souhaitera une rétribution.
Je soulignerai en conclusion que, de toute façon, le présent débat n’a presque plus lieu d’être, puisque le fait d’avoir ouvert cet après-midi, en adoptant un amendement de M. Godefroy, le droit de recourir à l’AMP pour des raisons autres que thérapeutiques induit, indirectement, l’autorisation de la gestation pour autrui.
M. Alain Milon, rapporteur. Tout à fait !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est cohérent !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut éviter les polémiques sur ce sujet difficile.
Personnellement, j’ai participé au groupe de travail de Mme André et voté contre la légalisation de la GPA. Aujourd’hui, la majorité des membres du groupe CRC-SPG voteront contre les amendements identiques nos 2 rectifié quater et 75 rectifié.
Je voudrais essayer d’expliquer cette position en m’appuyant sur des raisons qui me paraissent objectives.
Nul ne nie la souffrance des couples qui ne peuvent satisfaire leur désir d’enfant. J’ai néanmoins toujours considéré qu’il n’existait pas de droit à l’enfant à tout prix.
Contrairement à la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui fait intervenir plusieurs acteurs : le couple demandeur, la femme qui assumera la grossesse, ses enfants, voire son conjoint ou concubin, et enfin l’enfant à naître.
L’argument principal des auteurs des amendements est que, quoi que l’on pense de la gestation pour autrui, elle se pratique dans d’autres pays et qu’il convient donc de la légaliser et de l’encadrer en France.
Toutefois, compte tenu du faible nombre de femmes susceptibles de porter un enfant pour autrui, je pense que la légalisation de cette pratique dans notre pays n’empêchera pas le recours, dans des conditions diverses, à des mères porteuses vivant à l’étranger.
En effet, je ne crois pas que beaucoup de femmes de ce pays se déclarent prêtes à s’engager dans une telle démarche, sauf à accepter que la mère porteuse puisse être apparentée à l’un des membres du couple demandeur… On entend dire que des mères pourraient porter un enfant pour leur fille : imaginez l’imbroglio familial que créerait une telle situation ! Ce serait revenir à d’anciennes pratiques, où par exemple une sœur portait un enfant pour sa sœur et que couvraient des secrets de famille.
Par conséquent, j’estime que très peu de femmes accepteront de porter un enfant pour un couple demandeur en étant simplement défrayées. On n’empêchera pas que, dans la majorité des cas, un contrat marchand ne soit établi entre les deux parties, la femme qui assumera la grossesse y trouvant un intérêt économique. Au sein du groupe de travail auquel j’ai participé, certains ont établi un parallèle entre les mères porteuses et les nourrices d’antan, mais cette référence ne me semble guère encourageante…
La femme porteuse signera donc un contrat stipulant qu’elle remettra l’enfant au couple demandeur au terme de la grossesse. Une telle situation me semble compliquée à vivre, et j’estime qu’il serait bien imprudent de permettre que l’on s’engage dans cette voie. Aux États-Unis ou en Ukraine, il est manifeste que les femmes porteuses ne signent de tels contrats marchands que poussées par des nécessités économiques.
Enfin, quelle idée des enfants déjà nés se feront-ils de leur mère si elle accepte d’assumer une grossesse pour une autre femme ? Ne se demanderont-ils pas pourquoi elle donne à quelqu’un d’autre un enfant qui pourra leur apparaître comme leur frère ou leur sœur ?
M. le président. Ma chère collègue, il faut conclure !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La gestation pour autrui induit donc des situations assez lourdes, et la légaliser me semble être une fausse bonne solution. Il faut à mon sens admettre que, dans certains cas, un désir d’enfant puisse ne pas être satisfait.
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Je m’exprimerai non pas en tant que rapporteur pour avis, puisque la commission des lois n’a pas été saisie de cette partie du texte, mais à titre personnel.
Je voudrais d’abord rappeler que ce que l’on appelle communément la GPA est aujourd'hui sanctionné à la fois civilement et pénalement.
En outre, la grande majorité des travaux préparatoires à la révision des lois de bioéthique ont abouti à la proposition de maintenir l’interdiction de la gestation pour autrui.
Je comprends parfaitement la souffrance des femmes qui ne peuvent avoir d’enfant faute d’utérus ou pour cause de malformation de ce dernier. Je propose cependant de maintenir cette prohibition du recours à la maternité de substitution et de voter contre ces amendements.
En effet, je considère que la maternité de substitution porte atteinte à un principe fondamental qui a été consacré par le Conseil constitutionnel en 1994, à savoir la dignité de la personne humaine, qui repose sur le respect du corps humain, de son inviolabilité et de son caractère non patrimonial. Cette pratique est également contraire au principe d’indisponibilité du corps humain, ainsi que la Cour de cassation vient de le rappeler dans un arrêt rendu hier.
Plusieurs personnes que j’ai auditionnées m’ont indiqué que la maternité de substitution impliquait nécessairement la marchandisation de la mère porteuse et de l’enfant à naître.
Le dispositif des deux amendements identiques ne pourra, de fait, empêcher cette marchandisation, puisqu’il est prévu qu’un dédommagement sera versé à la mère porteuse pour les frais engagés mais non remboursés par la sécurité sociale. Le contrôle du juge ne pourra, en pratique, pas empêcher la remise d’autres moyens de rémunération, moins officiels.
La légalisation de cette pratique impliquera également un bouleversement de notre droit de la filiation, remettant en cause un principe ancien selon lequel la mère est celle qui accouche. Admettre cette pratique conduirait nécessairement, à terme, à réexaminer les modalités d’accès à l’aide à la procréation médicalement assistée, et en particulier à reconsidérer le refus actuellement opposé aux célibataires et aux couples homosexuels. Il est vrai, toutefois, que la situation vient d’évoluer sur ce dernier point.
Par ailleurs, il ne faut pas céder à l’argument du fait accompli et de l’existence de la GPA à l’étranger. En effet, aucun mouvement général allant dans le sens d’une légalisation de cette pratique n’est actuellement observé.
On doit en revanche s’interroger, me semble-t-il, sur les conditions de cette pratique et sur ses conséquences physiques et psychiques pour la mère porteuse et pour l’enfant.
On vient de le rappeler, les risques médicaux encourus par la mère demeurent importants.
En outre, les avis sont partagés sur l’existence de conséquences psychologiques pour la mère porteuse et l’enfant. Permettez-moi simplement de rappeler que, selon le professeur Grimfeld, président du Comité consultatif national d’éthique, les études concluant à l’absence de conséquences psychologiques pour les enfants nés de maternité de substitution seraient contestables, car elles porteraient sur un faible échantillon d’enfants et n’offriraient pas un recul suffisant.
Enfin, des questions très graves ne sont pas prises en compte. Que faire, mes chers collègues, si la mère porteuse souhaite finalement conserver l’enfant, en raison des liens affectifs insondables qu’elle a noués avec lui au cours de la grossesse ? Faudra-t-il saisir le juge en référé pour obtenir l’exécution de force du contrat ?
J’observe que le groupe de travail prévoyait que la mère porteuse puisse devenir la mère dans les trois jours de l’accouchement, recommandation qui n’a été intégrée ni dans les propositions de loi, ni dans les amendements qui les reprennent.
Sachant que la mère porteuse devra déjà avoir eu des enfants, comment ceux-ci comprendront-ils que leur mère porte un enfant pour le remettre à un autre couple, alors qu’elle les a gardés auprès d’elle ?
Je sais bien que plusieurs arguments peuvent militer en faveur de la légalisation de la gestation pour autrui, mais on ne saurait occulter un certain nombre de questions à mon sens fondamentales.
Les intérêts des uns ne sont pas forcément les intérêts des autres, et il n’est pas certain qu’il soit bon, pour un enfant, de venir au monde dans de telles conditions, si forte que soit l’attente du couple demandeur.
En conclusion, je voterai contre les amendements nos 2 rectifié quater et 75 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. M. Buffet venant d’excellemment dire tout ce que j’aurais souhaité exprimer, je me contenterai d’insister sur le fait que la mère est celle qui accouche. L’adoption du dispositif proposé risque de créer beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en réglera : que se passera-t-il, par exemple, si, après l’accouchement, la mère porteuse souhaite finalement garder l’enfant ou si le couple demandeur ne désire plus accueillir celui-ci ?
L’inspiration des partisans de la légalisation de la GPA est peut-être généreuse, mais beaucoup de questions juridiques et pratiques ne sont pas réglées. Il faut éviter de créer des situations dramatiques.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Il s’agit d’un sujet difficile, qui soulève beaucoup d’interrogations. J’ai entendu des propos justes et sensibles de part et d’autre.
Pour autant, on ne peut nier le fait que cette pratique existe ailleurs et que l’interdiction absolue qui prévaut en France encourage nombre de couples à chercher des solutions à l’étranger.
Dans un article paru dans un quotidien, le professeur Israël Nisand rappelle que la « prohibition complète engendre plus d’effets pervers que d’avantages. […] Il est en effet difficilement admissible de ne pas se préoccuper de ce qui se passe ailleurs en conséquence des interdits que nous édictons. À l’interdit total de façade correspond de fait un hyperlibéralisme dans l’arrière-salle où le marché est roi. »
L’amendement que nous soutenons, issu de la proposition de loi de notre collègue Michèle André, définit strictement les conditions de la gestation pour autrui : elle concernera des femmes n’ayant pas d’utérus, une femme ne pourra porter un enfant pour autrui qu’à deux reprises au plus et toute transaction financière au-delà de la prise en charge des frais de la grossesse sera interdite.
Il s’agit de tendre vers l’exemplarité afin de sortir du déni de l’existence du phénomène et de lutter efficacement contre les pratiques de marchandisation des corps à l’œuvre dans certains pays.
On ne peut balayer d’un revers de main tous les risques éthiques que cette pratique comporte : aliénation de la femme, réduction de celle-ci à une fonction biologique, marchandisation de l’enfant. Cependant, on ne peut pas non plus ignorer tous ces enfants nés à l’étranger de mères porteuses et dont l’inscription à l’état civil français pose problème.
La pratique de la GPA soulève d’autres questions. Elle porte en elle l’affirmation d’une vision génétique de la filiation alors que, dans tous nos débats, nous avons mis le projet parental au cœur du lien filial. Pour autant, des réponses ont pu être esquissées par les praticiens ou les intellectuels que ce débat a amenés à faire connaître leur position.
Le professeur Nisand, déjà cité, estime ainsi qu’« il ne suffit pas d’être enceinte pour attendre un enfant ». « La maternité, dit-il, voit converger trois mécanismes qui s’intriquent profondément : le phénomène de transmission génétique, la grossesse et l’accouchement et l’adoption de l’enfant au terme de la grossesse psychique. »
Quant à l’intérêt de l’enfant, si souvent brandi, s’il était vraiment au centre des préoccupations, nul n’aurait le cœur de refuser aux enfants nés par GPA à l’étranger la filiation maternelle qui leur revient.
Cet amendement, parce qu’il encadre strictement la gestation pour autrui, nous semble fidèle aux valeurs qui sous-tendent nos réflexions en matière de bioéthique : non-exploitation des humains les uns par les autres, filiation liée au projet parental, origine claire des gamètes…
Au moins aura-t-il permis que la question soit abordée dans toute sa complexité et dans toutes ses conséquences : à défaut de pouvoir la trancher aujourd’hui, nous ouvrons, en la posant, une discussion qu’un vote ne saurait clore.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Il s’agit d’un sujet délicat, je le reconnais, et j’ai écouté avec intérêt les positions des uns et des autres, qui toutes sont pertinentes. Cependant, il faut faire un choix.
Je crois que, finalement, nous n’avons rien inventé : c’est l’évolution des techniques qui nous donne d’autres perspectives.
N’oublions pas, mes chers collègues, qu’autrefois, avant l’apparition du lait maternisé et des « petits pots », nul n’était choqué qu’il soit fait appel à une nourrice quand une mère n’avait pas de lait. La nourrice n’était ni plus ni moins qu’une aide à la mère pour élever l’enfant et lui permettre, en le nourrissant, de rester en vie : c’était une mère porteuse externe, en quelque sorte ! Aujourd'hui, nous parlons de mères porteuses internes, mais il s’agit au fond de la même chose : dans un cas, c’est nourrir un embryon pour qu’il puisse naître ; dans l’autre, c’est nourrir un enfant pour qu’il puisse vivre !
M. Alain Milon, rapporteur. Tout à fait !
M. Christian Cointat. L’approche est donc identique, même si le cas qui nous occupe est plus complexe.
Étant très attaché à la famille et au respect de la volonté des couples qui désirent avoir un enfant, je ne peux pas être contre la gestation pour autrui. Je voterai donc les amendements.
Les garanties nécessaires sont prévues, quand bien même elles pourraient être encore accentuées, pour que la dignité du corps ne soit pas mise en cause. Bien au contraire, il s’agit de transcender le corps humain, pour donner la vie dans l’amour ! (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
Il convient effectivement, dans cette perspective, de faire évoluer le droit, monsieur Retailleau, mais ne sommes-nous pas, précisément, les législateurs ? C’est à nous que cette tâche incombe ! Pour autoriser l’IVG, n’a-t-il pas fallu changer le droit ?
J’ajoute que la mondialisation est une réalité que nous ne pouvons ignorer. Nous devons en tenir compte, et nous serons bien obligés, que nous le voulions ou non, de nous adapter, tôt ou tard. On jugera alors bien surannés les propos que nous tenons aujourd’hui !
Il faut avoir le courage d’aller vers l’avenir. Vous avez parlé de valeurs, madame la secrétaire d'État ; le vieux gaulliste que je suis place l’amour au premier rang des siennes. Il faut permettre à un couple qui veut un enfant de l’avoir : il s’agit non pas de décider à sa place, mais de le protéger et de protéger la société. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)
C'est la raison pour laquelle j’ai été atterré par le vote intervenu sur les transferts d’embryons post mortem : il ne nous appartient pas de décider qu’une femme n’a pas le droit d’avoir un enfant de celui qu’elle aimait et qui est mort, encore moins de lui demander de tuer son embryon ! C’est une chose affreuse, abominable ! Je le répète, nous n’avons pas à décider pour les gens ! Prenons les garanties nécessaires pour que les choses se passent bien, mais laissons-les choisir !
Voilà les valeurs qui sont les miennes. À l’heure où l’on se plaint de la dénatalité, essayons d’aider ceux qui aiment les enfants et qui en veulent !
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je constate que les sénateurs représentant les Français établis hors de France se retrouvent parfois, au-delà des clivages politiques !
À mon tour, je voudrais insister sur le fait que nous sommes les législateurs.
La maxime, évidente pendant des millénaires, selon laquelle la mère est celle qui accouche est déjà contredite par l’adoption plénière. Il y a donc belle lurette que ce grand principe a été dépassé !
Cela étant dit, la gestation pour autrui est un sujet sur lequel il est difficile de se forger une opinion.
Personnellement, je soutiens sa légalisation. J’ai arrêté cette position après avoir participé pendant un an aux réflexions du groupe de travail Terra Nova, lequel comprenait des psychologues, des psychanalystes, des anthropologues, des médecins obstétriciens, des spécialistes de déontologie, qui tous avaient beaucoup lu sur le sujet, essentiellement en anglais malheureusement, car il existe très peu d’études en français.
S’il est difficile de se faire une opinion, en particulier pour une femme, c’est d’abord parce que le vécu et les motivations d’une mère porteuse ne peuvent pas être évalués à l’aune d’une expérience de la maternité vécue dans le cadre d’une relation amoureuse. Une femme qui a l’expérience d’une maternité traditionnelle ne peut pas facilement admettre d’emblée la pratique de la mère porteuse.
Quoi qu’il en soit, nous sommes confrontés à une réalité qui a deux versants, l’un sordide, l’autre altruiste.
Le versant sordide a été très largement médiatisé. En Inde et en Ukraine, des femmes pauvres sont exploitées par des cliniques spécialisées en vue de répondre à la demande de riches couples étrangers ; il s’agit alors d’une activité lucrative qui instrumentalise le corps humain et le transforme en un produit marchand.
Sénatrice représentant les Français établis à l’étranger, j’ai été confrontée à ces pratiques. Elles me révulsent, d’autant qu’elles ont de lourdes conséquences pour les enfants qui en sont issus, dont l’histoire n’est pas plus racontable que celle d’un enfant qu’on est allé acheter dans un orphelinat ; une telle histoire ne peut pas servir de base à la construction de leur personnalité.
Cela étant, la fécondation in vitro existe depuis maintenant vingt-cinq ans. L’enfant ainsi conçu n’est pas non plus l’enfant biologique de la mère porteuse. Cette expérience nous donne du recul.
En outre, des études approfondies font apparaître nombre de fort bons exemples, en matière de gestation pour autrui, en Grande-Bretagne, au Canada, ainsi que dans certains États américains. Je ne crois pas que le législateur anglais ou canadien ait moins de sens moral que le législateur français. Il a autorisé cette pratique exceptionnelle en l’encadrant de façon adéquate. Il s’agissait en particulier d’apporter une réponse aux nombreuses jeunes femmes dont les mères ont pris du distilbène pendant qu’elles étaient enceintes d’elles et qui sont aujourd'hui privées d’utérus.
C’est pourquoi je défends la législation et l’encadrement de la GPA en France, sur les bases de ce qui fonctionne dans des conditions d’humanité irréprochables dans des pays démocratiques semblables au nôtre.
De mon point de vue, le principe de base à respecter pour garantir la réussite de la GPA est que la future mère porteuse, femme en bonne santé dont les précédentes grossesses ont été faciles et heureuses, choisisse elle-même la femme privée de la capacité d’enfanter et décide d’être enceinte pour elle, avec elle. J’ai lu cette phrase écrite par une mère porteuse à la mère d’intention quand elle a appris que l’implantation de l’embryon avait réussi : « Nous sommes enceintes ! »
À cette condition, l’encadrement législatif va garantir la liberté de la mère porteuse, le suivi médical, social et psychologique des couples concernés, la mère porteuse étant le plus souvent une femme mariée.
Une relation de complicité et d’amitié est décrite dans tous ces cas entre la mère porteuse et la mère d’intention. La mère porteuse n’est pas au service de la mère d’intention ; c’est la mère d’intention qui est son obligée. En conséquence, la compensation financière est en réalité un contre-don au don qui est fait par la mère porteuse.
Il est grand temps de légaliser la GPA en France, afin que nous n’ayons plus à lire dans la presse que des enfants vivant dans notre pays, enfants biologiques de leurs parents français, sont privés du droit d’avoir un état civil français parce que leur mère porteuse résidait à l’étranger.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Tout a été fort bien dit, notamment par M. Cointat, Mme Cerisier-ben Guiga, sur le pôle biologique et génétique – sont en cause des gamètes qui proviennent des parents et, en général, aucune substitution n’a lieu – et sur le pôle éducatif et familial puisque, dès sa naissance, l’enfant est éduqué par ses parents, ceux qui l’ont fait.
S’ajoute à ces données la participation d’une tierce personne qui a facilité, par le prêt de son utérus, la possibilité d’évolution des gamètes, indépendamment du problème hormonal existant. Il ne s’agit, en quelque sorte, que d’un passage.
Madame Hermange, vous avez évoqué des problèmes médicaux. Heureusement, aujourd’hui, la plupart des femmes victimes d’une hémorragie de la délivrance survivent. Je ne sais si vous êtes médecin comme moi mais, pour ce qui me concerne, j’ai connu nombre d’hémorragies de cette nature. Ne nous racontez pas d’histoire !
Quant à la législation, les juges ont estimé que, dans le cadre de la législation actuelle, la gestation pour autrui était impossible. Mais si la législation évolue, cette pratique sera peut-être envisageable.
Par ailleurs, la marchandisation de la gestation pour autrui me paraît catastrophique. On exploite des femmes. Reconnaissons-le, très peu de mères porteuses réalisent une gestation pour autrui par compassion ; la plupart d’entre elles sont motivées par des raisons financières.
Je suis assez content que ces deux amendements aient été déposés. Ils sont le fruit de la réflexion menée sur ce sujet voilà déjà plus d’un an. Leur adoption pourrait permettre à la France de ne pas toujours être en retard dans l’évolution des mœurs. Je le concède, la gestation pour autrui n’est pas dans nos traditions, mais si, dans les années soixante, on m’avait dit que je pourrais procéder à des recherches par Internet sans recourir à un dictionnaire, j’aurais rétorqué que telles n’étaient pas mes habitudes et j’aurais fait preuve de scepticisme.
Soyons capables d’évoluer. Mettons fin à cette hypocrisie, parmi tant d’autres, dont celle à laquelle nous n’avons pas accepté de renoncer, malheureusement, cet après-midi.
Ne nous faisons pas d’illusion, ne soyons pas naïfs, des dessous-de-table auront très certainement cours, mais la pratique existe dans bien des domaines. On ne condamne pas la vente d’appartements parce que celle-ci donne lieu, parfois, à des dessous-de-table ! Il faut faire de justes comparaisons. On ne condamne pas un procédé au motif qu’il existe ailleurs.
Toutefois, si la gestation pour autrui est bien encadrée, j’estime envisageable, malgré mon scepticisme premier, une évolution de la législation, ce qui permettrait de gagner dix ans. Ne nous faisons pas d’illusion : dans dix ans, lors de l’adoption d’une prochaine loi sur la bioéthique, mes successeurs voteront la gestation pour autrui, et plus ils seront jeunes, plus ils y seront favorables.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Bernard Cazeau. Telles sont les raisons pour lesquelles je suis favorable aux deux amendements qui nous sont soumis.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Tous les collègues de mon groupe présents dans cet hémicycle ce soir sont favorables à l’adoption de ces deux amendements, à la gestation pour autrui. Je souhaite m’exprimer en cet instant par honnêteté, car ma position est inverse, et ce pour trois raisons.
La première raison est d’ordre instinctif, les deux autres sont beaucoup plus rationnelles. En tant que femme et mère, je ne peux pas m’imaginer demander à une femme qui a porté un enfant de me donner celui-ci. C’est un arrachement auquel je ne peux pas souscrire.
Toutes celles qui ont eu le bonheur de porter un enfant pendant neuf mois le savent, le lien qui s’établit avec l’enfant est inéluctable. Quoi qu’elle se dise, aucune femme mère porteuse ne pourra oublier que, pendant neuf mois, elle a été cette mère qui a permis à l’enfant de se développer.
La deuxième raison de mon opposition est d’ordre financier. Je respecte totalement les arguments développés par mes collègues en faveur de la gestation pour autrui, mais je ne crois pas que l’on puisse mettre cette procédure à l’abri de la marchandisation. Je suis même convaincue du contraire.
Actuellement, dans les pays étrangers pauvres, c’est évident, les femmes qui deviennent mères porteuses le font parce qu’elles en ont besoin pour vivre. Je ne vois pas pourquoi les futures mères porteuses en France manifesteraient un désintérêt total. Malheureusement, le sens de l’histoire du monde dans lequel nous vivons le démontre : inévitablement, elles seront choisies parmi celles qui ont si peu de moyens de subsistance qu’elles sont prêtes à tout accepter pour pouvoir vivre et obtenir de l’argent. Je ne crois absolument pas à l’efficacité des précautions qui nous sont proposées par ces amendements.
J’en arrive à ma troisième raison. J’ai beaucoup entendu dire : « Nous sommes le législateur. » Certes, c’est notre responsabilité. Mais ma conception de la loi est autre. Je ne pense pas qu’elle doive se caler, se calquer sur toutes les pratiques. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
Il est vrai que notre société évolue en profondeur, et la prédiction de mon ami Bernard Cazeau se réalisera peut-être : dans dix ans, la pratique des mères porteuses s’imposera éventuellement comme une évidence.
M. Christian Cointat. Bien plus tôt !
Mme Catherine Tasca. Nous devons résister à cette pente nous amenant à légaliser toutes les pratiques existantes. (Applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. M. Retailleau m’a fait remarquer tout à l’heure que j’avais une certaine constance. J’ai constaté qu’il faisait lui-même preuve de constance, toutefois en sens inverse, ce qui est logique.
Très sincèrement, je crois que c’est en légalisant la gestation pour autrui dans notre pays que l’on évitera la marchandisation du corps de la femme. On pourrait estimer que nous avons déjà fait le nécessaire. Mais comment ne pas prendre en compte ce qui se passe dans les autres pays ?
Je ne sais pas si les chiffres annoncés sont exacts, mais en Californie, la gestation pour autrui se monnaierait à hauteur de 100 000 euros et en Ukraine, pays qui pratique le dumping, à hauteur de 30 000 euros. De surcroît, les conditions ne sont certainement pas les mêmes d’un pays à l’autre. Sauf à faire preuve d’un égoïsme incroyable, nous ne pouvons pas nous désintéresser de cette marchandisation des femmes en dehors de nos frontières.
Quant aux problèmes liés à la grossesse – un enfant né avec des malformations, par exemple –, les femmes qui se rendent à l’étranger pour trouver une mère porteuse sont d’ores et déjà confrontées à ces risques, qui ne sont pas traités comme ils pourraient l’être en France, loin s’en faut.
Nous ne pouvons pas non plus laisser perdurer la situation des enfants dont l’acte de naissance n’est pas transcrit en France.
La Cour de cassation a rappelé que la mère est la personne qui accouche. Cette interprétation d’un adage romain n’est pas tout à fait juste ; la bonne traduction est plutôt que la mère est toujours certaine, même si ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.
Je ferai un rapprochement entre le cas des enfants morts nés que nous avons examiné hier et la gestation pour autrui. À chaque fois, la Cour de cassation nous renvoie à nous-mêmes, autrement dit au législateur. Elle ne fait que dire ce que nous faisons, à savoir la loi. Si nous estimons que la loi actuelle est injuste, nous devons la modifier. Ne nous abritons pas derrière la Cour de cassation, derrière les juges. Assumons notre responsabilité !
Monsieur Cointat, vous n’arrêterez pas la pratique de la gestation pour autrui. Elle continuera, et dans des circonstances de plus en plus dramatiques. Comme Bernard Cazeau, je pense inutile de dresser un mur artificiel, lequel, comme tous les murs, tombera un jour, mais au prix de quels sacrifices, de quelles douleurs ? Il nous appartient de faire cesser ces souffrances et de légiférer.
La proposition défendue aujourd’hui est un point de départ. Mme la secrétaire d’État a demandé un scrutin public, précaution que j’ai bien comprise. Nous connaissons donc par avance le sort qui sera réservé aux amendements que nous examinons. Mais nous ne pourrons pas laisser perdurer la situation et nous serons bien obligés de réexaminer la question.
Aujourd’hui, le débat, dont l'Assemblée nationale ne s’était pas saisie, est ouvert. Il serait bon qu’une discussion s’engage devant l’opinion publique en deuxième lecture, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Peu importe le résultat, mais nous aurons mené un vrai débat. Si, aujourd’hui, on s’arrête là, on aura mis une chape de plomb sur un problème de société.
M. Alain Milon, rapporteur. Nous en aurons parlé !
M. Jean-Pierre Godefroy. Soit, mais à un moment donné il faut essayer d’obtenir des avancées positives.
Je reviendrai tout à l’heure sur le problème annexe, mais ô combien grave et important, de la situation des enfants nés d’une gestation pour autrui dans des pays étrangers auxquels on ne reconnaît pas d’acte d’état civil français.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je me félicite de la qualité, de la tenue, de la sérénité de ce débat, que je souhaitais.
En 2007, j’ai été nommé, avec Henri de Richemont, rapporteur du groupe de travail sur la maternité pour autrui, au nom la commission des lois et de la commission des affaires sociales, sous la présidence de Michèle André. J’avoue que, au départ, Henri de Richement et moi-même n’étions guère des « acharnés » de la gestation pour autrui. Cependant, au fur et à mesure de nos auditions, nous sommes devenus, de même que Michèle André, extrêmement favorables à cette technique. Nous avons en effet compris que la seule question qui vaille était celle de la vie.
J’ai remis notre rapport d’information le 25 juin 2008 et nous avons rencontré de grandes difficultés pour obtenir l’autorisation de le publier. Il a fallu les interventions particulièrement vigoureuses de Nicolas About et de Robert Badinter pour que nous obtenions cette autorisation.
J’ai continué à travailler sur ce sujet aux côtés de Michèle André – le sort électoral n’ayant malheureusement pas été favorable à M. de Richemont –, avec l’aide de magistrats et de juristes. Ces amendements identiques que nous vous proposons ont été préparés par des magistrats, ce qui leur confère une véritable sécurité juridique. J’insiste sur ce point qui devrait rassurer ceux d’entre vous qui ont soulevé de petites difficultés de nature juridique.
J’ajoute que j’ai confiance dans l’avenir. Ce texte ne sera probablement pas voté ce soir, mais je sais que nous serons obligés de revenir sur cette question.
Je souhaiterais attirer l’attention de ceux qui voteront contre sur une injustice de notre législation, qui m’a perturbée tout au long du travail que nous avons consacré à la gestation pour autrui : une femme qui ne peut donner la vie faute d’ovules, on lui permet de donner la vie et d’avoir un enfant de son mari grâce à un don d’ovule ; en revanche, une femme qui peut donner la vie, c’est-à-dire qui a des ovules, mais qui est dépourvue d’utérus, on le lui refuse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Je conclurai mon propos sur une réflexion d’Axel Kahn, que nous avons auditionné dans le cadre du groupe de travail : défavorable à une légalisation de la gestation pour autrui, il précisait qu’il ne fallait pas non plus ouvrir la porte à une pratique que l’on récuse et qu’il faudrait par conséquent la pénaliser, même lorsqu’elle est réalisée à l’étranger, comme cela se fait pour la pédophilie.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié quater et 75 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 184 :
Nombre de votants | 286 |
Nombre de suffrages exprimés | 281 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 141 |
Pour l’adoption | 80 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 132, présenté par Mme Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 16-7 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cependant, lorsque conformément à l’article L. 2144-6 du code de la santé publique, une décision judiciaire est intervenue, une convention portant sur la révision de la somme déjà allouée afin de couvrir les frais liés à la grossesse qui ne seraient pas pris en charge par la sécurité sociale, peut-être valablement conclue entre les parties, en cours de grossesse. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 rectifié ter est présenté par M. Milon, Mmes Dini et Bout et MM. Beaumont, Carle et Mayet.
L'amendement n° 131 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code civil est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. 311-20-1. - Dans le cas d'une gestation pour autrui menée conformément au chapitre IV du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, les prénoms, noms, âges, professions et domiciles des membres du couple ayant bénéficié de la gestation pour autrui sont inscrits sur le ou les actes de naissance sur présentation, par toute personne intéressée, de la décision judiciaire prévue à l'article L. 2144-6 du code de la santé publique. La filiation du ou des enfants à leur égard n'est susceptible d'aucune contestation. »
Ces amendements n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 5 rectifié ter, présenté par M. Milon, Mmes Dini et Bout et MM. Beaumont, Carle et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 227-12 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : «, sans préjudice du chapitre IV du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Le non-respect des articles L. 2144-4 et L. 2144-5 du code de la santé publique est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 133, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 227-12 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , sans préjudice du chapitre IV du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° … du … relative à la bioéthique » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Le fait de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre, commis à titre habituel ou dans un but lucratif, au mépris des dispositions prévues par l’article L. 2144-5 du code de la santé publique, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 46 rectifié bis, présenté par Mmes Dini, Létard et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Après l'article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 1121-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa, les mots : « d’un chirurgien-dentiste et d’un médecin » sont remplacés par les mots : « d’un chirurgien-dentiste ou d’un médecin » ;
2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les recherches biomédicales concernant le domaine de la maïeutique et conformes aux dispositions du troisième alinéa de l’article L.1121-5, ne peuvent être effectuées que sous la direction et la surveillance d’un médecin ou d’une sage-femme.
II. - Après le troisième alinéa de l'article L. 1121-11 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les recherches biomédicales concernent le domaine de la maïeutique et répondent aux conditions fixées au troisième alinéa de l’article L.1121-5, les résultats de cet examen leur sont communiqués directement ou par l'intermédiaire du médecin ou de la sage-femme de leur choix.
« Lorsque les recherches biomédicales concernent le domaine de l'odontologie, les résultats de cet examen leur sont communiqués directement ou par l'intermédiaire du médecin ou du chirurgien-dentiste de leur choix. »
III. - Après le huitième alinéa de l’article L. 1122-1 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la recherche biomédicale concerne le domaine de la maïeutique et répond aux conditions fixées au troisième alinéa de l’article L.1121-5, l’investigateur peut confier à une sage-femme ou à un médecin le soin de communiquer à la personne qui se prête à cette recherche les informations susvisées et de recueillir son consentement.
« Lorsque la recherche biomédicale concerne le domaine de l’odontologie, l’investigateur peut confier à un chirurgien-dentiste ou à un médecin le soin de communiquer à la personne qui se prête à cette recherche les informations susvisées et de recueillir son consentement. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes font partie des professions médicales à compétences définies.
La formation initiale des sages-femmes a connu de profonds bouleversements, notamment par le fait que celle-ci peut dorénavant avoir lieu au sein des universités.
Cette formation offre en particulier la possibilité aux sages-femmes de perfectionner leur discipline grâce à la recherche, essentiellement dans l’eutocie – l’eutocie se dit d’un accouchement qui se déroule dans des conditions normales –, pour le plus grand bénéfice des femmes et des nouveau-nés.
Les études de chirurgie dentaire sont aussi universitaires et sont dispensées au sein des unités de formation et de recherche, ou UFR, d’odontologie.
Les UFR d’odontologie ont donné une place prépondérante à la recherche biomédicale, en créant et en soutenant le développement de laboratoires, au sein desquels les enseignants et les étudiants participent à des projets de recherche clinique fondamentale. Elles collaborent également avec les institutions publiques de recherche.
En outre, les postes de professeur des universités-praticien hospitalier, ou PU-PH, sont ouverts aux odontologistes. Ceux-ci sont titulaires d’une habilitation à diriger des recherches.
Dans le paragraphe I de cet amendement, il est proposé de modifier les dispositions du code de la santé publique afin de reconnaître la pleine capacité des sages-femmes et des chirurgiens-dentistes d’initier et de diriger des recherches portant strictement sur leur domaine de compétence.
Pour les unes et les autres, et comme pour tout protocole de recherche, les autorités compétentes vérifieront que les projets sont en accord avec leurs spécialités et leur formation.
Les recherches concernant la maïeutique devront respecter la règle du bénéfice pour autrui, figurant au troisième alinéa de l’article L. 1121-5 du code de la santé publique. Les dispositions proposées aux paragraphes II et III de l’amendement découlent de celles du paragraphe I.
Il s’agit d’associer la sage-femme ou le chirurgien-dentiste aux informations et résultats communiqués aux personnes susceptibles de se prêter à des recherches biomédicales dans leur domaine de compétence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tient compte des remarques qu’il avait formulées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Je soutiens totalement la participation à la recherche des chirurgiens-dentistes, ainsi que celle des sages-femmes. Cependant, madame Dini, vous avez signalé que ces personnes pourraient diriger la recherche. Or, pour obtenir une habilitation à diriger des recherches, ou HDR, il est nécessaire d’être praticien hospitalier et de posséder un doctorat qualifié.
Par conséquent, les professions que vous mentionnez, pour diriger des recherches, devront répondre aux exigences universitaires qui sont imposées aux autres matières.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame Dini, je voudrais formuler une remarque qui rejoint en partie celle de notre collègue Jean-Louis Lorrain.
Votre amendement prévoit que les recherches biomédicales concernant le domaine de la maïeutique ne peuvent être effectuées que sous la direction et la surveillance d’un médecin « ou » d’une sage-femme. La première version de cet amendement que vous aviez présentée en commission, avant de la retirer, employait la conjonction de coordination « et », qui avait ma préférence.
Si j’ai bien compris, la recherche biomédicale pourrait être confiée à une sage-femme.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Lors de la première réunion de la commission, nous avions en effet présenté un amendement employant la conjonction « et ». Plusieurs d’entre nous avaient cependant fait remarquer qu’il était aberrant de placer une fois de plus les sages-femmes sous l’autorité des médecins alors que celles-ci étaient extrêmement compétentes dans leur domaine, et qu’il était donc souhaitable d’employer la conjonction « ou ».
Je l’avais donc retiré pour le présenter, modifié en ce sens, lors de la deuxième réunion de commission.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22 quater.
L'amendement n° 134, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 47 du code civil, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Fait également foi l’acte de naissance établi par une autorité étrangère à la suite d’un protocole de gestation pour autrui. Il est procédé à la transcription de cet acte au registre français de l’état civil, où mention est faite de la filiation établie à l’égard de l’homme ou de la femme à l’origine du projet parental, respectivement reconnu comme père et mère, sans que l’identité de la gestatrice soit portée sur l’acte. La filiation ainsi établie n'est susceptible d'aucune contestation du ministère public. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement, extrêmement important à la lumière de l’arrêt qui a été rendu, hier, dans la douloureuse affaire des jumelles Mennesson, vise à régler une question qui me semble fondamentale, à savoir la transcription des actes de naissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger.
En effet, ces enfants, en quelque sorte « fantômes », voire, demain, sans-papiers, pâtissent de l’absence de transcription de leur acte de naissance au registre français de l’état civil. Or, malheureusement, ils sont nombreux à se trouver aujourd’hui dans cette situation ! Dans l’affaire Mennesson, l’avocat général près la Cour de cassation avait pourtant requis la cassation de l’arrêt d’appel et, de fait, il sollicitait la transcription à l’état civil des actes de naissance étrangers de ces enfants.
Or la haute juridiction, en rejetant hier le pourvoi formé par les époux, place ces enfants dans une situation aberrante. Il nous appartient, en tant que législateurs, de régler cette question que les instances judiciaires se refusent à trancher. En effet, en statuant ainsi, la Cour de cassation renvoie implicitement les législateurs que nous sommes à leurs responsabilités.
Mes chers collègues, j’en appelle aujourd’hui à votre vote, afin que cet amendement puisse être adopté et que la transcription des actes de naissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger soit valablement autorisée en France, sans contestation possible.
Pour tous ces enfants, il est impossible d’en rester à la décision rendue hier par la Cour de cassation. En effet, la France reconnaît leur filiation maternelle et paternelle, telle qu’elle est inscrite sur l’acte de naissance étranger, mais refuse de transcrire ce dernier, ce qui est juridiquement infondé.
Si la filiation est établie à l’égard de parents dont l’un au moins est français, notre code civil prévoit que l’enfant aura la nationalité par filiation. Dès lors, cet enfant français, né à l’étranger, devrait voir son acte de naissance transcrit au registre de l’état civil, comme tous les enfants de Français nés à l’étranger.
Si ces enfants sont nés par GPA dans un pays étranger qui ne reconnaît pas le droit du sol, ils sont apatrides. En effet, dans ce cas de figure, bien qu’ils soient nés de parents français, et comme ils n’ont pas la possibilité d’obtenir la nationalité du pays de naissance, ils sont dépourvus de nationalité, donc d’identité.
Les jumelles Mennesson sont nées aux États-Unis. Ce pays accordant la nationalité selon le droit du sol, elles ont pu bénéficier d’un passeport américain, ce qui a permis à certains d’affirmer qu’elles n’avaient pas besoin de papiers français !
Cette remarque est aberrante à plus d’un titre. D’une part, elle est contraire aux règles de notre droit de la nationalité, telles qu’elles sont posées par le code civil – j’y ai fait référence tout à l'heure. D’autre part, elle est privée de fondement pour les enfants nés dans un autre État, qui, à la différence de la France, ne reconnaîtrait pas le droit du sol.
Par ailleurs, dans cette affaire, la Cour de cassation aurait dû faire application de la notion d’ordre international public atténué, dans la mesure où il s’agit d’une situation valablement constituée à l’étranger. Dès lors que la filiation envers les époux Mennesson a été reconnue par l’État français, la Cour aurait dû en tirer toutes les conséquences juridiques et casser l’arrêt d’appel qui a refusé la transcription des actes de naissance.
Si la GPA n’est pas encore autorisée en France – elle le sera peut-être, un jour, à l’issue d’un autre débat que nous aurons mené sur cette question – et si elle est pour le moment contraire à notre ordre international public direct, il en va différemment des enfants nés par GPA à l’étranger, qui devraient pouvoir bénéficier de l’effet atténué de notre ordre international public.
En effet, un raisonnement par analogie devrait être opéré avec d’autres situations qui sont interdites en France, mais auxquelles notre pays fait produire des effets lorsqu’elles ont été valablement constituées à l’étranger. Je pense, par exemple, au mariage homosexuel valablement contracté à l’étranger, qui peut produire en France des effets, notamment en matière fiscale ou successorale.
Il en va de même des mariages polygamiques qui, s’ils ne peuvent être célébrés sur notre territoire, ne sont pas pour autant dépourvus de portée juridique, par le jeu de l’effet atténué de notre ordre public. Je pense, par exemple, à la pension alimentaire, qui peut être sollicitée par la deuxième épouse, ou aux successions.
Quoi qu’il en soit, le droit international privé français distingue selon que les situations sont valablement constituées à l’étranger ou se réalisent en France.
Ce n’est pas parce que notre pays refuse actuellement de légaliser la GPA sur son territoire qu’il doit méconnaître les règles de son propre droit international privé.
Enfin, comme l’a rappelé à juste titre l’avocat général dans l’affaire Mennesson, l’absence de transcription des actes de naissance des fillettes aux registres français de l’état civil est contraire à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990, ainsi qu’à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, cette situation porte atteinte à la fois à l’intérêt supérieur de l’enfant et à son droit à mener une vie familiale normale.
Pour toutes ces raisons, et afin d’éviter qu’ils ne restent clandestins, illégaux, sans-papiers, ces enfants doivent retrouver une nationalité.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 29 est présenté par M. Cazeau, Mme Le Texier, MM. Godefroy et Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Mazuir, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 161 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 336-1 du code civil, il est inséré un article 336-2 ainsi rédigé :
« Art. 336-2. – Lorsque l’état civil de l’enfant a été établi par une autorité étrangère en conformité avec une décision de justice faisant suite à un protocole de gestation pour autrui, cet état civil est transcrit dans les registres français sans contestation possible aux conditions que la décision de justice soit conforme aux lois locales applicables, que le consentement libre et éclairé de la femme qui a porté l’enfant soit reconnu par cette décision et que les possibilités de recours contre cette décision soient épuisées. »
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Bernard Cazeau. Au travers de son intervention très complète, Mme Boumediene-Thiery a déjà défendu excellemment cet amendement.
Je n’allongerai donc pas inutilement nos débats en répétant ses propos.
M. le président. L’amendement n° 161 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 134 et 29 ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, et ce pour une raison évidente : si ces dispositions étaient adoptées, nous entérinerions la GPA à l’étranger.
Dans la mesure où – pour l’instant ! – le Parlement refuse la GPA en France, il n'y a pas de raison d’autoriser cette pratique à l’étranger, même si nous comprenons bien que la situation de ces enfants est particulièrement dramatique.
En fait, il est préférable que cette situation dramatique persiste, me semble-t-il, afin que le Parlement soit conduit à adopter de meilleures décisions. (Sourires.)
M. Guy Fischer. Voilà un raisonnement qui ne vous ressemble guère !
M. Christian Cointat. C’est audacieux !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Exception faite de la dernière phrase de son avis, je suis sur la même ligne que M. le rapporteur.
J’émets donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Jusqu’à nouvel ordre, la faute des parents – en admettant qu’il y en ait une et que la GPA soit délictuelle –, ne doit pas retomber sur les enfants.
Le déni de droit infligé à ces enfants contrevient largement aux obligations d’un pays comme le nôtre, me semble-t-il, en particulier en matière de respect de la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a signée.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. L’amendement n° 134 a pour objet de permettre la transcription à l’état civil français des actes de naissance des enfants nés à l’étranger du fait d’une gestation pour autrui.
Comme vous le savez, mes chers collègues, notre groupe est dans sa quasi-totalité opposé à la gestation pour autrui, que nous assimilons à un commerce réduisant le corps de la femme à un objet. Je n’y reviendrai pas : nous sommes partagés sur cette question, mais une très large majorité se dessine parmi nous.
Adopter cet amendement nous placerait donc dans une situation difficile, puisque ce vote reviendrait à légaliser les conséquences d’une pratique que nous critiquons. Or nous ne la dénonçons pas pour les seules femmes françaises, mais bel et bien pour toutes les femmes, sans distinction d’origine.
Voter pour cet amendement constituerait donc une hypocrisie majeure, puisque nous tirerions les conséquences administratives d’une mesure que nous proscrivons, un peu comme si, appliquant des principes à notre pays, nous n’avions que faire de ces derniers une fois passées les frontières nationales.
Dans le même temps, ne pas voter cet amendement reviendrait à priver les enfants dont il est question ici de l’établissement d’une filiation au regard de notre droit national, les empêchant par là même d’accéder à la nationalité. Et nous ne pouvons naturellement pas nous satisfaire de l’explication selon laquelle, dans certains cas, ces enfants possèdent la nationalité de la mère porteuse.
À l’évidence, cette situation prive les enfants dont il est ici question d’un certain nombre de prérogatives associées à la nationalité, telles que le droit de vote ou la possibilité d’intégrer la fonction publique, entre autres.
Afin d’éviter cette difficulté, il serait naturellement souhaitable que les pays légalisant la pratique des mères porteuses la limitent à leurs seuls ressortissants, afin d’éviter que les enfants ne soient, en quelque sorte, les victimes d’un conflit de droit entre deux États. Toutefois, nous sommes loin de cette évolution, que nous appelons de nos vœux car elle limiterait par ailleurs le tourisme reproductif. Et les interrogations que tend à soulever cet amendement sont, quant à elles, plus concrètes.
Selon nous, les enfants qui, selon la législation de leur pays d’origine, n’ont pas d’autres parents que ceux qui ont contracté un contrat de gestation pour autrui ne peuvent être les victimes de cette situation.
Comme le rappelle l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant, « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». On ne saurait tolérer que notre droit prive les enfants concernés de la possibilité de bénéficier d’une filiation, ni qu’il méconnaisse l’article 8 de ce même texte, qui pose le principe du droit de l’enfant à voir respectée son identité.
Vous le voyez, mes chers collègues, notre conviction en la matière n’est pas forgée : j’ai surtout posé des questions. Aussi, le groupe CRC-SPG s’abstiendra, afin de ne pas faire obstacle à une disposition utile en droit mais dont nous contestons les fondements politiques, c’est-à-dire la volonté de légaliser la gestation pour autrui.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je fais exactement la même analyse que M. le rapporteur, mais je parviens à une position inverse de la sienne : pour les raisons qu’il a exposées, je voterai pour ma part ces amendements.
Plus sérieusement, un véritable problème se pose pour ces enfants : que se passerait-il s’ils étaient nés dans un État qui ne reconnaît pas le droit du sol ? Ils seraient sans nationalité, apatrides, dépourvus d’état civil. Ils n’existeraient pas ! Pourtant, n’importe quel test ADN démontrera qu’ils sont les enfants à la fois du père et de la mère concernés. Il s'agit d’une situation totalement ahurissante !
Franchement, les législateurs que nous sommes doivent-ils négliger cet aspect et voter une loi en disant : « Nous nous en moquons. Ce n’est pas notre affaire. Ils n’avaient qu’à ne pas faire naître ces enfants à l’étranger » ?
M. Alain Milon, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
M. Christian Cointat. Nous ne pouvons agir ainsi ! Je remercie donc Mme Alima Boumediene-Thiery – je ne suis pas toujours en accord avec elle, mais il nous arrive de partager des positions communes – ainsi que M. Cazeau d’avoir déposé ces amendements, dont les dispositions posent parfaitement le problème : nous ne pouvons pas laisser ces enfants sans le moindre état civil.
Voilà pourquoi je voterai ces amendements, dont j’espère que les dispositions nous feront réfléchir. En effet, nous devons penser à l’avenir : les cas de ce genre se multiplieront, et on dira alors que nous aurions dû agir plus tôt. Mes chers collègues, c’est ce soir que nous pouvons le faire. Votez ces amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Comme cela a été dit, voter ces amendements revient à reconnaître le principe de la maternité de substitution et nous met en difficulté par rapport au vote qui vient de s’exercer voilà quelques minutes.
Je reviens à l’arrêt, dont on parle beaucoup, qui a été rendu hier par la Cour de cassation et auquel notre collègue a fait référence concernant l’intervention du procureur de la République.
Permettez-moi de vous donner lecture de la décision telle qu’elle vient d’être prise par la Cour de cassation.
Elle rappelle, d’une part, que « en l’état du droit positif français, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ».
Elle indique, d’autre part, que le refus de transcription « ne prive pas les enfants de la filiation maternelle et paternelle que le droit californien leur reconnaît ni ne les empêche de vivre avec [eux] en France ». Il « ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de ces enfants au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, non plus qu’à leur intérêt supérieur garanti par l’article 3.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ».
Ce que la Cour de cassation a jugé, et non pas requis, au travers de l’arrêt qu’elle a rendu hier me paraît extrêmement clair.
J’attire également votre attention sur les conditions de transcription proposées par l’amendement n° 134 et les conséquences qu’elles pourraient avoir. L’une d’elles, qui me paraît essentielle, est que la rédaction retenue par cet amendement ne permettrait plus d’intervenir en cas d’irrégularité, de falsification ou de mensonge dans l’acte étranger. Il n’y aurait donc plus de contrôle possible.
Au-delà, cette rédaction nous amènerait à viser tous les types de gestation pour autrui, ce qui est impossible.
Je voterai donc contre l’amendement n° 134.
L'amendement n° 29 a le même fondement, avec une vision encore plus large puisqu’il laisse imaginer, en l’espèce, le cas extrême d’un enfant qui aurait deux pères ou deux mères !
Je voterai donc également contre l'amendement n° 29.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. J’adhère mot pour mot aux propos tenus par M. Cointat. Mes arguments sont les mêmes que ceux qui ont été développés par M. le rapporteur, mais j’en tirerai une conclusion différente.
Si nous n’avons pas adopté la gestation pour autrui, il n’en demeure pas moins que nous nous devons de régler le problème des enfants étant déjà dans cette situation ou qui vont s’y trouver.
À cette fin, nous aurions bien fait de prendre nous-mêmes des dispositions pour encadrer la GPA – peut-être y viendrons-nous –, plutôt que de la laisser se faire n’importe comment. Quelles que soient les pratiques, plus ou moins correctes selon les pays, on sait à quelles difficultés et à quels drames s’exposent ceux qui, ayant peu de moyens, recherchent les solutions les moins chères pour avoir un enfant.
Ne pas avoir pris ces dispositions me paraît incohérent. Il est peut-être aussi incohérent de voter l’amendement de Mme Boumediene-Thiery, mais je le voterai.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes là au cœur du problème que nous soulevions tout à l’heure.
J’entends dire dans cette enceinte que l’on ne veut pas légiférer et reconnaître dans notre pays les enfants nés de GPA à l’étranger et que l’on attend, en revanche, des autres pays qu’ils changent leur législation ! Je vous souhaite bon courage et beaucoup de plaisir, car, malheureusement, les choses ne changeront pas demain.
L’arrêt de la Cour de cassation, cité par M. Buffet, stipule, vous l’avez rappelé, que les enfants ne sont pas privés d’une filiation maternelle et paternelle que le droit étranger leur reconnaît ni empêchés de vivre avec les requérants. Cela signifie que leur filiation est reconnue par le droit étranger, en l’occurrence le droit californien, mais qu’ils ne sont pas ressortissants français de plein droit. De surcroît, lorsqu’il s’agit de pays qui, à la différence de la Californie ou des États-Unis, ne font pas référence au droit du sol, les enfants n’ont alors plus de filiation reconnue. Ils deviennent apatrides.
Cette situation ne peut perdurer. Il existe une grande ambigüité dans ce domaine : j’entends bien notre rapporteur, dont je sais l’humanisme, dire que l’on ne peut régler le problème de ces enfants, parce que l’on a refusé de légaliser la GPA en France. Mais ce n’est pas un argument à mes yeux.
Les époux Mennesson que vous évoquiez tout à l'heure se battent depuis dix ans simplement pour obtenir que leurs enfants soient inscrits à l’état civil français. Ce n’est tout de même pas la mer à boire, étant donné qu’ils vivent sur notre territoire !
Je ne dispose pas des moyens juridiques, mais je pense qu’il est anormal de camper sur la position qui est prise ce soir, et je rejoins sans réserve le point de vue de M. Cointat à cet égard.
Je le répète, il ne faut pas attendre que les pays étrangers modifient leur législation ou que la Cour de cassation revienne sur son avis, c’est à nous, législateurs, qu’il revient de faire changer les choses !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 185 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 154 |
Pour l’adoption | 134 |
Contre | 173 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Titre VII
RECHERCHE SUR L’EMBRYON ET LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES
Article 23 A (nouveau)
L’article L. 2151-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite. » – (Adopté.)
Article 23
L’article L. 2151-5 du même code est ainsi rédigé :
I. – Aucune recherche sur l’embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d’un embryon humain ne peut être autorisé que si :
– la pertinence scientifique de la recherche est établie,
– la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs,
– il est impossible, en l’état des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons,
– le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
II. – Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation. À l’exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois. Le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que des lignées de cellules n’ont pas été dérivées de l’embryon.
III. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées au I du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis du conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, lorsque la décision autorise un protocole, interdire ou suspendre la réalisation de ce protocole si une ou plusieurs des conditions posées au I du présent article ne sont pas satisfaites.
En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. Les ministres chargés de la santé et de la recherche peuvent, en cas de refus d’un protocole de recherche par l’agence, demander à celle-ci, dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, de procéder dans un délai de trente jours à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision.
IV. – Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation.
V. – Les études sur les embryons ne leur portant pas atteinte peuvent être conduites avant et après leur transfert à fin de gestation, si le couple y consent, dans les conditions fixées au III du présent article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. S’appuyant sur les préconisations des rapports du Conseil d’État, de l’Office parlementaire des droits scientifiques et technologiques et de l’Académie nationale de médecine, la commission des affaires sociales a fait le choix de substituer au régime d’interdiction actuelle, assorti de dérogations, un régime d’autorisation encadré. Je rappelle que, tout à l’heure, Mme la secrétaire d'État s’était appuyée sur les rapports de ces mêmes organismes pour justifier le refus de la GPA.
La commission a entendu l’argument selon lequel l’actuelle interdiction traduit le principe du « respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », qui figure à l’article 16 du code civil.
Mais, loin d’être écarté, ce principe est parfaitement affirmé par l’encadrement spécifique des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires que nous proposons.
En effet, il est bien prévu que l’Agence de la biomédecine n’autorisera pas ces recherches, lorsque des recherches similaires à celles qui sont envisagées sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires pourront être menées différemment, par exemple sur des animaux ou sur des cellules humaines non embryonnaires. Nous consacrons ainsi le fait que les embryons, comme les cellules souches embryonnaires qui en sont issues, sont non pas de simples matériaux scientifiques ou thérapeutiques mais bien le fondement de la vie humaine.
Les scientifiques nous ont clairement exposé que, si des recherches sont menées sur l’embryon et les cellules souches, c’est parce qu’aucune autre solution n’existe à l’heure actuelle. La rédaction de l’article 23 est explicite : le jour où d’autres types de cellules souches permettront des recherches similaires, les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires cesseront.
C’est là une première réponse à l’accusation d’utilitarisme qui nous a parfois été adressée.
Un autre argument me vient à l’esprit. La recherche médicale a pour but de guérir, de trouver de nouvelles thérapies, de soulager ceux qui sont atteints de maladies souvent graves et incurables. Dans ce cadre, nombre de personnes acceptent de se prêter à des recherches, dans la majorité des cas sans même avoir l’espoir d’en tirer elles-mêmes un bénéfice direct, par nature aléatoire, mais dans le but de faire progresser les connaissances médicales et de permettre de soigner les autres. La recherche médicale sur des personnes repose sur l’altruisme.
Or, si l’on peut demander aux personnes vivantes de s’engager dans des protocoles de recherche, pour le bien de tous et non pour le leur, pourquoi s’interdire de demander à ceux qui ont la responsabilité des embryons de les faire participer à la recherche ? Bien sûr, ce consentement doit être éclairé, ce que notre texte prévoit non seulement par l’information des parents mais aussi par le droit qui leur est accordé de retirer leur consentement jusque tard dans l’avancement de la recherche.
J’entends bien l’argument selon lequel la recherche sur l’embryon est singulière en ce qu’elle implique la destruction de l’embryon. Mais il faut ajouter que cette destruction d’un nombre limité d’embryons a pour intention d’en soigner d’autres. D’ailleurs, lorsque l’on parle de recherche impliquant l’embryon, on se focalise trop souvent sur les thérapies utilisant les cellules souches embryonnaires. Or il existe aussi des recherches qui sont conduites au profit des embryons, dans le but de mieux comprendre l’embryogénèse, de soigner les maladies dès les premiers stades de la vie et d’améliorer les procédures d’assistance médicale à la procréation. Elles ne doivent pas être négligées.
Une autorisation encadrée me paraît donc aussi respectueuse de la spécificité de l’embryon que l’interdiction de principe avec dérogation. Elle a surtout pour mérite la clarté : clarté pour les scientifiques, clarté pour l’image internationale de la France. Je crois qu’il vaut mieux des choix assumés et encadrés que des positions ambiguës qui sont toujours moralement contestables.
Mme Alima Boumediene-Thiery et M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l’article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je rappellerai deux dates importantes qui permettent d’éclairer le débat.
D’une part, 2007 marque une révolution scientifique : la découverte par Yamanaka des cellules souches pluripotentes induites, les IPS. Je souligne à ce sujet les propos tenus par certains scientifiques, tels Pierre-Louis Fagniez ou Arnold Munnich. Lors de son audition par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique à l'Assemblée nationale, ce dernier déclarait : « L’essor des connaissances retirées des recherches sur les IPS va nous affranchir de la nécessité de travailler sur des cellules souches embryonnaires. »
D’autre part, le 10 mars 2011 marque une révolution juridique. L’avocat général Yves Bot affirmait en effet : pas de brevetabilité quand un procédé implique la destruction d’un embryon ou de cellules souches embryonnaires.
Or, aujourd'hui, l’ensemble des recherches qui sont menées ne portent pas sur la thérapie cellulaire, mais visent à cribler des molécules et sont donc destinées à l’industrie pharmaceutique.
En conséquence, je propose que nous prenions véritablement acte de ces deux dimensions, scientifique et juridique, par l’adoption d’un amendement qui vise à préciser que la recherche sur l’embryon humain est interdite si et seulement si elle porte atteinte à son intégrité et à sa viabilité. Elle est autorisée dans les autres cas.
Faire de la recherche sur l’embryon humain sans le détruire en encadre les possibilités sans les faire disparaître.
La recherche sur l’embryon humain peut se faire sur un embryon rejeté par le DPI comme ayant un avenir compromis. Ce cas de figure – la conservation d’embryons rejetés par le DPI – est exceptionnel, mais c’est justement là qu’une étude de ces embryons, sans les détruire, serait intéressante, par exemple pour voir s’ils autocorrigent leur défaut ou pour étudier leur métabolisme, leur niveau d’activation de gènes, durant tout le temps permis par leur séjour en culture jusqu’à leur mort naturelle.
Cette recherche peut également se faire sur des embryons in vitro durant les heures précédant leur implantation, grâce à des analyses ultrafines électriques ou à des analyses portant sur l’ADN et les transformations épigénétiques. Il faut bien sûr l’accord des parents, mais de telles microanalyses sont possibles aujourd’hui.
Enfin, cette recherche pourrait se faire sur les embryons congelés orphelins abandonnés par leurs parents biologiques et destinés à la destruction par décongélation. On pourrait les étudier in vitro jusqu’à leur mort spontanée.
Dans de telles conditions, on ne porterait pas atteinte à l’intégrité de l’embryon ni à sa viabilité.
J’en viens à l’embryogénèse. Je sais que les connaissances sur le développement embryonnaire et fœtal humain au niveau anatomique et histologique sont importantes.
Les études sur les embryons humains sont inutiles, car on travaille sur des embryons d’animaux – souris ou grenouilles –, que l’on peut avoir en grand nombre, de façon calibrée et uniforme, et dont le développement rapide est un avantage.
Par conséquent, l’argumentation justifiant la recherche, avec destruction à la clef, sur l’embryon humain au nom de progrès possibles en embryologie ou dans les PMA, à partir d’un tel matériel, me semble erronée.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, en défendant un amendement, je vous proposerai non seulement de faire coïncider le droit avec l’état actuel de la science, mais aussi d’encourager la recherche tout en restant cohérents avec le principe structurant de notre droit, le respect de la dignité humaine.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Affirmer un principe d’interdiction, quitte à concevoir des exceptions, et y renoncer au profit d’un principe d’autorisation généralisée, fût-il encadré, ce n’est pas la même chose ! Nous sommes en politique et, dans ce domaine, le symbole a de l’importance ; étymologiquement, c’est ce qui relie une réalité à une idée et confère du sens à cette dernière.
Je pense que, même dans le champ symbolique, cette signification est fondamentale dans notre ordre normatif.
Dans le même ordre d’idées, on ne peut qu’être frappé par la logique de chosification de l’embryon qui prévaut depuis des années. En 1994 est posé le principe d’interdiction stricte ; en 2004, il est remplacé par le principe d’interdiction avec dérogation pour des fins thérapeutiques avérées. Aujourd'hui, on veut consacrer le principe général de l’autorisation encadrée. L’embryon est de moins en moins sujet et de plus en plus objet.
Une telle évolution ne peut nous satisfaire, et ce d’autant moins que nous savons, après avoir écouté Marie-Thérèse Hermange, que je tiens à saluer pour le travail remarquable qu’elle a accompli durant ces années, qu’existe une montée en puissance de recherches alternatives plus respectueuses de l’embryon, notamment depuis 2007 avec les découvertes du professeur Yamanaka.
Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiendrai les amendements de Marie-Thérèse Hermange, même si je ne pourrai malheureusement pas assister à la fin de nos débats demain.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.
M. Bernard Cazeau. La commission des affaires sociales du Sénat a procédé à une réécriture d’ensemble de cet article afin de substituer au régime d’interdiction actuel, assorti de dérogations, un régime d’autorisation encadrée. Il s’agit là d’une avancée notable, car cela va à l’encontre de l’hypocrisie actuelle. À ce titre, je salue le courage de M. Alain Milon. Nous soutiendrons sa position sur ce dossier.
En effet, il faut choisir !
Soit on rentre dans un débat théologique – j’espère que ce terme ne choque personne – en considérant qu’une cellule souche embryonnaire est un embryon. Mais c’est un faux postulat, puisque, dans la période embryonnaire, la cellule souche implantée dans un utérus forme une tumeur, pas autre chose. Dans ce cas, nous devons maintenir l’interdiction de la recherche sur l’embryon et les cellules souches, et il devient inutile de nous engager plus avant dans une révision des règles de bioéthique qui ne réglerait pas les problèmes existants mais les maintiendrait en l’état.
Soit on décide de revenir sur terre – avec les chercheurs (Sourires.) – en légalisant une fois pour toutes cette recherche, qui a un but curatif, vous l’avez vous-même reconnu, madame Hermange. Vous évoquez les cellules souches pluripotentes induites, mais vous savez très bien que nous n’y sommes pas encore, du moins dans la pratique. Autrement, ce serait plus simple : cela éteindrait toute polémique et nous n’aurions aucun mal à nous mettre d’accord.
Je ne comprends pas la pusillanimité du Gouvernement sur ce sujet, à moins qu’il ait changé d’avis depuis l’examen de ce texte à l'Assemblée nationale. Peut-être cherche-t-il seulement à satisfaire certaines franges de sa majorité que je pense être rétrogrades et qui jouent à nous faire peur en brandissant notamment l’épouvantail de l’eugénisme.
Notre position sur l’utilisation des cellules souches embryonnaires pour des motifs idéologiques a toujours été ferme ; l’interdiction et la forte pénalisation de l’eugénisme reçoivent notre assentiment sans réserve. En revanche, monsieur le ministre, nous ne pouvons faire nôtre votre prise de position sur la recherche des cellules souches embryonnaires pour des raisons thérapeutiques.
En ne levant pas l’interdit théorique concernant la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, vous empêchez les chercheurs d’aller plus loin dans la recherche fondamentale. Vous les empêchez d’explorer des potentialités thérapeutiques existantes.
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est faux !
M. Bernard Cazeau. Il n’y a qu’à les entendre, madame, pour mesurer les complications que tout cela entraîne dans leur travail ; je ne fais que répéter ce qu’ils m’ont dit, n’étant pas chercheur moi-même.
Certes, monsieur le ministre, vous tempérez votre décision en prévoyant une dérogation au principe que vous posez. Mais celle-ci est assortie de conditions telles qu’il apparaît en pratique fort probable que notre pays continue à accentuer son retard sur les autres en ce domaine.
Par ailleurs, un dispositif inchangé, que nul ne comprend en réalité, nuit gravement à l’image de notre recherche et la rend moins attractive. Il nous est aujourd’hui impossible de faire comprendre aux chercheurs que la législation française continuera à autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires, alors que, littéralement, nous les menaçons en faisant peser, au-dessus de leurs têtes, une épée de Damoclès.
L’autorisation de certaines recherches sur l’embryon est à la base du progrès scientifique. À notre avis, il est temps de franchir ce pas.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, sur l'article.
Mme Anne-Marie Payet. Le choix de la commission des affaires sociales de passer à un régime d’autorisation signe une rupture radicale avec le choix de la France de respecter la vie et la dignité de l’embryon humain dès le commencement de son développement.
De plus, la recherche sur l’embryon est facilitée puisqu’elle est désormais possible lorsqu’elle « est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs », là où l’actuelle loi n’évoque que des « progrès thérapeutiques ».
Ce choix est d’autant plus scandaleux qu’il ne repose sur aucune justification scientifique solide, comme le souligne le professeur Testart, affirmant, à juste titre, que la recherche sur l’embryon ne fait que « confirmer la victoire des avocats de l’instrumentalisation de l’embryon, sans que cela soit raisonnablement bénéfique pour l’espèce humaine ». En effet, ceux-ci font miroiter, en guise de promesses, les prétendus avantages de l’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines, tant pour la médecine régénérative que pour l’industrie pharmaceutique, avec le criblage des molécules, ou encore pour l’assistance médicale à la procréation.
Or, selon le professeur Testart, à tous ces « beaux projets », déjà anciens, il manque « des justifications scientifiques qui devraient être exigées, surtout quand le matériau expérimental est l’embryon humain dont tous prétendent reconnaître qu’il n’est pas un objet banal ».
En outre, ces recherches ne font aucunement suite à une démonstration d’efficacité et des résultats satisfaisants probants chez l’animal, alors que cela aurait été la moindre des choses. Au contraire, « cette prétention à utiliser d’emblée du matériel humain échappe au prérequis de l’expérimentation animale, lequel est justifié scientifiquement mais aussi éthiquement puisque c’est une règle affichée en recherche médicale depuis l’après-Seconde Guerre mondiale », poursuit le professeur Testart.
Les travaux utilisant des cellules souches embryonnaires, obtenues après dissection d’embryons humains surnuméraires ne visent ouvertement pas à la connaissance de l’être en développement, mais servent à instrumentaliser certaines de ses parties.
Comment expliquer la précipitation imposée par des ambitions personnelles ou des pressions industrielles ? Rappelons que le législateur ne peut faire fi de l’obligation légale de ne réaliser des recherches sur l’embryon humain que s’’il n’existe pas « de méthodes alternatives d’efficacité comparable ». Or, ces méthodes existent. Les chercheurs savent en effet reprogrammer de simples cellules adultes en cellules souches pluripotentes : il s’agit des cellules IPS, connues depuis les travaux du professeur Yamanaka et capables de se différencier en diverses cellules spécialisées.
Les IPS ont déjà permis la guérison de pathologies chez l’animal. Deux équipes de chercheurs – l’une, japonaise, l’autre, américaine – ont annoncé en novembre 2007 avoir réussi à transformer des cellules de peau humaines en cellules pluripotentes.
Jusqu’à aujourd’hui, nombre de chercheurs pensaient que, pour disposer de cellules pluripotentes, il fallait détruire un embryon humain. Ces publications prouvent le contraire.
Les cellules IPS suscitent désormais chez les chercheurs un immense enthousiasme, après un certain scepticisme, du fait de leur supériorité, pratique et éthique, par rapport aux cellules souches embryonnaires. À l’annonce des résultats du professeur Yamanaka, le professeur Wilmut, « père » scientifique de la brebis clonée Dolly, a annoncé, en novembre 2007, l’abandon de ses recherches sur le clonage, au profit de la production de cellules souches sans embryon. Pour lui, les recherches menées par l’équipe de Yamanaka ont plus d’avenir que l’utilisation d’embryons.
Voilà qui permet de tempérer les affirmations péremptoires du professeur Peschanski ! Ce dernier affirme en effet que l’interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ferait prendre à la France du retard par rapport aux autres pays européens. Cette opinion est totalement contredite par les faits. Rappelons ce que soulignait très justement le professeur Testart : « Nul ne semble prendre en compte que la possibilité de recherche sur les embryons humains, ouverte depuis 1990 en Grande-Bretagne, n’a conduit à aucun résultat d’intérêt. »
Plus prometteuse sur le plan scientifique, la recherche sur les cellules souches adultes ne pose, de surcroît, aucun problème éthique. À l’inverse, il s’agit de bien comprendre que la recherche sur les embryons suppose d’accepter de tuer un être humain en devenir à des fins de recherche.
Comment expliquer l’obstination de certains chercheurs à vouloir travailler sur ces cellules sans résultat probant, alors qu’il existe une méthode fiable de thérapie alternative qui ne pose, par ailleurs, aucun problème éthique ? Faut-il y voir des intérêts économiques ?
N’effectuer aucune congélation et réimplanter immédiatement les embryons artificiellement fécondés me paraît constituer la solution la plus sage.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le législateur ne doit pas se donner un pouvoir illimité sur l’être vivant.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Disons les choses clairement : il est temps de lever l’hypocrisie d’un régime d’interdiction assorti de dérogations pour les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. À ce titre, nous nous réjouissons que la commission ait su prendre cette direction, bien que le texte initial ne l’ait pas fait.
La nécessité de lever l’hypocrisie va au-delà de la simple modification d’ordre sémantique. Pour nous, il s’agit de libérer la recherche.
Les plus grandes autorités scientifiques considèrent cette modification comme l’une des plus importantes que doit contenir le projet de loi. Nous savons que nos scientifiques pourront encadrer ces recherches.
Alors, oui, la question de la recherche sur l’embryon soulève les controverses les plus profondes, le statut de l’embryon étant, bien sûr, la clef du débat. Il n’est pas question de dire que l’embryon est un simple « amas de cellules ».
L’embryon, selon Axel Kahn, est une « potentialité de personne humaine ». Autrement dit, il peut être une personne, mais, somme toute, il ne reste qu’une potentialité.
Il faut protéger les recherches embryonnaires contre toutes les dérives commerciales qui pourraient apparaître sans un encadrement de la recherche. À notre sens, le fait d’instaurer une autorisation encadrée, raisonnable, dans des mesures bien définies, est une grande avancée pour la recherche, et mettra fin au régime bancal actuel.
Je vais me répéter, mais je crois important de rappeler, particulièrement quand on la compare à celle de leurs collègues étrangers, l’opinion de la grande majorité des scientifiques, favorables à une telle évolution.
Lors de nos travaux en commission, nombre de ces scientifiques ont pointé le risque que courait notre pays, celui d’être totalement dépassé en matière de recherche. Reprenons ici l’avis de Philippe Menasché, directeur de recherche à l’INSERM, pour lequel ce dispositif « nuit gravement à l’image de notre pays et le rend moins attractif ». Il précise que cela « va faire prendre à notre pays un retard considérable qu’on ne rattrapera pas ».
Comme le dit si bien Jacques Domergue, chirurgien et par ailleurs député de l’Hérault : « Qu’adviendrait-il si, dans les dix à vingt prochaines années, on parvenait à démontrer que ces cellules permettent de traiter la plupart [des] maladies [génétiques] ? Que resterait-il de nos dogmes [?] »
Nos scientifiques en sont convaincus, les perspectives suscitées par les recherches sur les cellules souches embryonnaires sont très larges. Ainsi Marc Peschanski a-t-il cité en exemple le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge.
Le changement du régime juridique vers une autorisation encadrée permettra aux autorités éthiques de conserver un contrôle et aux chercheurs de bénéficier d’un environnement favorable, particulièrement pour les investissements importants que nécessite la recherche.
Nous sommes également conscients que les nouvelles perspectives offertes par la découverte des IPS, c'est-à-dire les cellules souches reprogrammées, pourraient apparaître comme la solution la plus acceptable d’un point de vue éthique. C’est la position défendue par Marie-Thérèse Hermange. Mais à l’évidence, cette technique n’est pas, à l’heure actuelle, suffisamment au point : il faut donc continuer d’autoriser les recherches.
Mes chers collègues, il est capital que la France ne reste pas sur le bord du chemin de la recherche scientifique. Aujourd’hui, il est clair que la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ne se fait pas dans notre pays. Nos meilleurs doctorants travaillent dans des laboratoires belges ou britanniques, et nous interrogent sur notre capacité à évoluer dans le sens de la recherche.
Oui, il est possible de faire des recherches sur l’embryon dans un cadre éthique. Oui, l’encadrement qui nous est proposé est éthique. L’interdiction de la création d’embryons à des fins de recherche est préservée. De même, le principe selon lequel seuls peuvent être utilisés les embryons surnuméraires conservés dans le cadre d’un projet parental qui a depuis été abandonné est, à notre avis, suffisant. Ces embryons, « voués à n’être rien », selon Axel Kahn, doivent, avec l’accord des donneurs, pouvoir être utilisés.
Pour notre groupe, l’encadrement prévu par le projet de loi est tout à fait suffisant pour autoriser, enfin, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines. Nous pourrons alors sortir de l’hypocrisie d’un régime d’« interdiction-dérogation », qui, outre son aspect rétrograde, a surtout fait perdre trop de temps à nos chercheurs, trop de temps à notre pays.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous serons favorables à l’article 23, qui prévoit la fin de cette situation, pour choisir la voie de l’autorisation encadrée de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Comme nous préférons une formulation claire, nous proposerons par ailleurs un amendement pour que cette autorisation encadrée soit plus explicite.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 8 avril 2011, à neuf heures trente et, éventuellement, à quatorze heures trente :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n° 304, 2010-2011).
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 388, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 389, 2010-2011).
Avis de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 381, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART