compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, déposé ce jour sur le Bureau de notre assemblée.
3
Immigration, intégration et nationalité
Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (projet n° 357, texte de la commission n° 393, rapport n° 392).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, au chapitre III.
TITRE II (SUITE°
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre III
Dispositions diverses relatives aux titres de séjour
Article 17 AA
(Non modifié)
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article L. 313-12 est supprimé ;
2° Le dernier alinéa de l’article L. 431-2 est supprimé ;
3° L’article L. 316-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 316-3. – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. La condition prévue à l’article L. 311-7 du présent code n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.
« Le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, est renouvelé. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 29, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. L’article 17 AA tend à supprimer deux articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA. Nous considérons que la suppression de ces articles constitue un véritable recul du droit des femmes.
À cet égard, je vous renvoie à lecture de l’article L.431-2 du CESEDA, que l’alinéa 3 de l’article 17 AA vise à supprimer et qui a trait aux violences conjugales.
Les associations de défense des droits des femmes sont très attachées à cet article dans sa rédaction actuelle, car il permet de libérer efficacement les victimes en leur permettant d’obtenir un titre de séjour indépendant.
Le projet de loi revient sur cette avancée majeure en subordonnant les possibilités de délivrance et de renouvellement des titres de séjour pour les victimes de violences conjugales au fait que le juge prononce une ordonnance de protection.
Nous nous étonnons de cette mise en cause du droit acquis, alors même que la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a considéré que l’ordonnance de protection s’ajoutait aux dispositions antérieures et ne les remplaçait pas.
Je tiens à vous faire part de notre indignation face à ce recul alors même que nous venons de voter, voilà à peine quelques mois, la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de ces deux alinéas.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 313-12, les mots : « peut en accorder le renouvellement » sont remplacés par les mots : « en accorde le renouvellement de plein droit ».
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 431-2, les mots : « peut en accorder le renouvellement » sont remplacés par les mots : « en accorde le renouvellement de plein droit ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à mieux protéger les victimes de violences conjugales.
Le dispositif tel qu’il est prévu actuellement laisse au bon vouloir – que je ne remets pas en cause, mais nous sommes dans un État de droit – des préfets le renouvellement du titre de séjour des conjointes et conjoints de Français entrés au titre du regroupement familial.
Nous proposons que les personnes qui ont été victimes de violences conjugales puissent bénéficier de plein droit du renouvellement de leur carte de séjour sans que cela relève du pouvoir d’appréciation du préfet. De plus, la condition de placement sous ordonnance de protection est déjà restrictive.
Nous considérons que l’article 17 AA en l’état actuel n’offre qu’une protection relative, fragile et précaire aux personnes victimes de violences conjugales.
Une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon ou de son mari. Pour mettre fin à cette hécatombe, il faut s’engager fermement du côté des victimes de ces violences.
M. le président. L'amendement n° 153, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Après le mot : « et », la fin de la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 431-2 est ainsi rédigée : « en accorde le renouvellement ».
II. - Alinéa 5, première phrase
Remplacer le mot :
bénéficie
par les mots :
a bénéficié
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Notre amendement vise deux objectifs.
D’une part, il s’agit de garantir l’automaticité du renouvellement de la carte de séjour pour les femmes victimes des violences de leur conjoint et qui ont rompu la vie commune avec celui-ci pour cette raison.
Actuellement, ce renouvellement est laissé à la libre appréciation du préfet, ce qui crée une situation intolérable pour ces femmes contraintes de choisir entre subir les violences de leur conjoint ou le quitter et prendre le risque de perdre leur droit à séjourner en France.
Il s’agit ici de protéger des personnes qui sont dans une grande détresse, de leur permettre de défendre leurs droits et de se protéger de l’auteur des violences.
Il importe également de créer une cohérence avec le droit existant : les violences commises après l’arrivée en France mais avant la première délivrance de carte de séjour temporaire donnent actuellement droit pour le conjoint victime de violence à une carte de séjour temporaire de manière automatique.
D’autre part, si ce projet de loi prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en raison des violences commises par son conjoint, nous souhaitons qu’il soit étendu à toute personne qui « a bénéficié » de cette ordonnance de protection, car de tels documents ne sont valables que quatre mois, ce qui pourrait pénaliser les femmes qui en ont bénéficié et sont en attente de leur renouvellement, notamment en raison des délais d’instruction.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer le mot :
bénéficie
par les mots :
a bénéficié il y a trois ans maximum
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 17 AA, s’il supprime à notre grand regret un article essentiel pour la protection des victimes de violences conjugales, en propose un autre.
Bien que le rapporteur écrive qu’il s’agit d’une simplification à droit constant, nous considérons qu’il s’agit d’un recul face à un droit acquis.
En effet, contrairement à ce qui est actuellement prévu dans le CESEDA, il faudra désormais à la victime, afin d’obtenir de plein droit la délivrance ou le renouvellement de sa carte de séjour, une ordonnance de protection.
Cette ordonnance de protection a été créée par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes et aux violences au sein du couple ; elle permet au juge aux affaires familiales de prendre en urgence et pour une durée maximale de quatre mois l’ensemble des mesures propres à assurer la protection de la victime.
Les auteurs de cet amendement proposent de prendre en compte dans le dispositif le caractère temporaire et limité de l’ordonnance de protection : quatre mois au maximum.
Concrètement, il s’agit de permettre au préfet d’accorder de plein droit un titre de séjour aux personnes victimes de violences qui ont fait l’objet d’une ordonnance de protection il y a trois ans au maximum et non plus aux seules personnes qui bénéficient à ce moment précis d’une ordonnance de protection.
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 17 AA est extrêmement réducteur et il exclut du dispositif de protection de nombreuses femmes battues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sur l’amendement n° 29, j’indique à ses auteurs que la commission a émis un avis défavorable uniquement parce que l’inquiétude ayant justifié cet amendement était liée à une erreur matérielle commise par les députés, qui, depuis, a été corrigée par la commission.
Les amendements nos 30 et 153, qui soulèvent la question du renouvellement automatique du titre de séjour, appellent une explication identique. Le droit actuellement applicable, issu des dispositions de la loi du 9 juillet 2010, qui permet de lier ordonnance de protection et délivrance ou renouvellement automatique du titre de séjour de la victime de violence conjugale, nous paraît déjà suffisamment protecteur. Il ne paraît pas souhaitable d’aller au-delà, étant entendu qu’en cas de procédure pénale ultérieure le préfet pourra décider du renouvellement du titre de séjour au regard des circonstances de l’espèce.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 30 et 153.
Enfin, la commission est également défavorable à l’amendement n° 32, en grande partie pour les explications déjà données à propos de l’amendement n° 153. Je souligne également qu’il n’y a pas de substitution en la matière mais que la protection a été rajoutée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le Gouvernement est également défavorable à ces quatre amendements.
En effet, l’article 17 AA a une portée strictement rédactionnelle. Les victimes de violences conjugales peuvent toujours recevoir une carte de séjour temporaire ou obtenir le renouvellement de celle-ci lorsqu’elles bénéficient d’une ordonnance de protection judiciaire. Ce droit au séjour est repris dans la rédaction proposée à cet article.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, ce que nous remettons en cause, c’est précisément le fait que les victimes de violences conjugales doivent obtenir une décision de protection temporaire par le juge. Voilà le fond du problème et, de ce point de vue, la réponse apportée n’est pas satisfaisante.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 192 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 30.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 193 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 153.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 316-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 316-1. - Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle.
« En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article tend à mieux protéger les personnes victimes de traite humaine, notamment celles qui ont le courage de témoigner et de porter plainte, malgré les risques importants de représailles.
Introduite par la loi du 18 mars 2003, cette pratique tendant à échanger un témoignage contre une promesse de régularisation comporte de grands risques pour les personnes qui témoignent. D’autant que, en échange, le Gouvernement ne se montre pas très généreux.
Actuellement, les personnes concernées ont un délai de réflexion de trente jours pendant lequel aucune mesure d’éloignement ne peut être prononcée. Ce délai est interrompu si l’étranger renoue, de sa propre initiative, avec les auteurs des infractions.
À l’échéance de ce terme, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée minimale de six mois peut être délivrée. Cette disposition est le fruit de la transposition d’une directive d’avril 2004 dont l’article 8 précise que les victimes du proxénétisme ou d’atteintes à la dignité humaine, comme l’exploitation de la mendicité ou l’esclavagisme, et qui témoignent ou portent plainte contre les auteurs de ces infractions doivent se voir délivrer un titre de séjour valable pendant une période minimale de six mois. Nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de se limiter à cette durée : nous souhaiterions que la durée du titre de séjour soit étendue à un an.
De plus, nous considérons que la carte de séjour temporaire doit être délivrée de plein droit, car les personnes victimes qui décident de porter plainte ne doivent pas, de nouveau, se trouver dans une situation précaire un an après, d’autant plus quand la justice a reconnu le préjudice qu’elles ont subi et que les auteurs des faits ont été condamnés.
Il nous semble alors évident que la personne, si elle ne constitue pas une menace pour l’ordre public, doit pouvoir bénéficier de plein droit d’une carte de résident. Pour constituer une véritable protection, il est indispensable que cette carte soit alors délivrée de plein droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à rendre automatique la délivrance d’une carte de séjour à l’étranger qui porte plainte ou témoigne dans une affaire relative à la traite des êtres humains ou de proxénétisme. Il propose également de rendre automatique la délivrance d’une carte de résident à ce même étranger en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.
À l’heure actuelle, une telle délivrance relève du pouvoir d’appréciation du préfet. Il paraît important de conserver un tel pouvoir à l’autorité administrative, sinon nous risquons de voir apparaître des dépôts de plaintes à vocation dilatoire, motivés par la seule recherche d’un titre de séjour.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. La faculté laissée au préfet ne doit pas devenir une obligation, car il importe de vérifier au préalable l’authenticité de la relation des faits.
M. le président. Je mets aux voix l'article 17 AA.
(L'article 17 AA est adopté.)
Article 17
(Non modifié)
I, I bis, II à IV. – (Non modifiés)
V (nouveau). – Après le mot : « titulaire », la fin du neuvième alinéa de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : « de l'une des cartes de séjour mentionnées à l'article L. 313-8 du même code ; ». – (Adopté.)
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Article 17 ter
(Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Le but de l'amendement que nous propose la commission est de modifier un texte datant d’il y a dix ans qui satisfait tout le monde, associations comme administration. Ce n’est pas la décision du Conseil d’État qui vous pose problème, me semble-t-il : en effet, vous aviez déjà cherché en 2006 à modifier ce texte alors qu’il n’y avait pas à l’époque de décision du Conseil d’État.
Vouloir remplacer l’accessibilité effective des soins par leur simple disponibilité revient à condamner les étrangers. C’est au moins une condamnation à mort pour ceux d’entre eux qui devront retourner dans leur pays d’origine : 60 % des individus qui vivent avec le VIH dans le monde n’ont pas accès à un traitement, 25 % des morts de tuberculose pourraient être évités. C’est au moins une condamnation à la clandestinité pour ceux qui resteront en France afin de se faire soigner.
En l'occurrence, il ne s’agit pas de tourisme médical. En moyenne, les étrangers malades qui demandent leur titre de séjour le font après six années de séjour sur notre territoire ; le tourisme médical est le fait des riches, pas des pauvres.
Cet amendement pose aussi problème en termes de santé publique. Si les étrangers décident de rester en France pour se faire soigner malgré tout, ils basculent dans la précarité et la clandestinité. Ce faisant, non seulement ils renoncent à un traitement régulier, mais ils augmentent également les risques de contamination et de contagion, voire, dans certains cas, d’épidémie. C’est, à terme, l’ensemble de la société qui risque d’être touchée : les conséquences en seront donc d’autant plus graves. Les traitements contre certaines maladies sont des actes de prévention collective : c’est la société qui se protège ainsi. Si vous mettez à bas ces protections, vous nous faites courir un risque à tous.
Pis, vous ne contribuez pas, contrairement à ce que vous pouvez penser, à améliorer le financement de la santé publique, bien au contraire ! Lorsqu’on est privé de soin, assez logiquement, la pathologie empire. In fine, il faut des moyens plus lourds pour la soigner, qu’il s’agisse de traitements ou de modes d’intervention. À titre d’exemple, on a, dans ces conditions, davantage recours aux urgences, plus coûteuses, qu’aux médecins de ville.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons un réel accès aux soins pour les étrangers. Nous nous opposerons au compromis proposé par notre rapporteur : selon nous, il n’y a pas de compromis possible lorsqu’il est question de santé, un sujet d’humanité.
Mes chers collègues, alors qu’il ne s’agit que de 0,8 % des étrangers résidant en France, allons-nous fouler au pied nos valeurs au nom d’inepties idéologiques ?
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Nous connaissons votre volonté de traquer toujours plus la fraude, votre paranoïa absolue en la matière. Dès lors, vous cherchez à anticiper tous les moyens possibles et imaginables de contourner la loi. Or, on le sait, il y aura toujours des moyens de la contourner. Il est donc impossible de tout prévoir, de tout empêcher dans un projet de loi, sauf à en finir avec la société de droit et de liberté dans laquelle nous vivons.
Face à la question de la santé, de la vie humaine, la réponse était totalement consensuelle par le passé. Notre tradition, depuis longtemps et au-delà même des principes républicains, ne tenait pas compte de l’origine ou des papiers de celui qui rencontrait un problème de santé, qui était atteint d’une maladie grave, car on prenait d’abord en compte l’être humain.
Désormais, on met en avant ceux qui peuvent détourner la loi. Cette vision est absurde.
Même si la recherche d’un compromis par M. le rapporteur était louable, il se trouve que la rédaction à laquelle il a abouti est pire que celle d’avant. Nous allons d’ailleurs le démontrer et nous lui demandons de réfléchir à nos arguments.
L’article 17 ter avait été introduit en commission par le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale en première lecture, devenu depuis secrétaire d’État chargé des transports, Thierry Mariani. L’avantage d’une telle procédure était bien de se passer d’une étude d’impact qui laisserait voir l’inutilité de cette mutation.
Officiellement, on nous dit que cette évolution fait suite à une décision du Conseil d’État du 7 avril 2010. En réalité, il n’en est rien !
Cette décision porte préjudice au système actuel nous soutient-on également. C’est pourquoi il faut durcir les règles pour éviter un déferlement de malades, un tourisme thérapeutique. On croit rêver ! Voilà une belle méconnaissance de la situation et de ce qu’est aujourd’hui le tourisme thérapeutique dans le monde. Ce sont en effet plus souvent des Français aisés qui se rendent dans les pays émergents, en Inde par exemple, pour se faire soigner que des ressortissants de ces pays qui viennent en France. Mais passons…
En décembre 2009, dans son dernier rapport, le Conseil interministériel de contrôle de l’immigration a montré que le nombre de cartes distribuées était stable en 2008, après avoir diminué de 12 % en 2007, et concernait environ 30 000 personnes, soit 0,8 % des étrangers. Au vu de ces chiffres, l’invasion ne semble pas nous guetter…
Je rappelle que cette carte n’est pas donnée n’importe comment. Il est vrai que, à vous entendre, on pourrait croire qu’on la distribue à tout-va.
Dans un premier temps, la personne étrangère sollicite la délivrance de ce titre de séjour à la préfecture. Cette demande est accompagnée d’un rapport médical détaillé qui est rédigé par un médecin ou un praticien hospitalier.
Dans un deuxième temps, un médecin de l’Agence régionale de santé apprécie la situation au regard de quatre critères : l’état de l’étranger nécessite-t-il une prise en charge ? Le défaut de celle-ci entraîne-t-il des conséquences d’une exceptionnelle gravité ? Si oui, l’étranger peut-il effectivement avoir accès à un traitement approprié dans son pays ? En l’état actuel, quelle est la durée prévisible du suivi médical à prévoir ?
Le médecin adresse alors un avis signé sur la base de ces quatre questions.
Enfin, dans un troisième temps, la préfecture rend sa décision.
Je vous laisse juges, chers collègues. Est-ce ce que l’on considère comme une procédure bienveillante vis-à-vis de l’étranger ce que je viens de vous décrire ? Pensez-vous que celle-ci laisse cours à un certain nombre d’abus ? Je précise que seules les pathologies graves, celles qui mettent en jeu le pronostic vital, sont aujourd’hui considérées comme nécessitant la délivrance du titre de séjour.
Ce régime est juste. Il n’est donc pas utile de le changer.