Article 37
L’article L. 552-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours » ;
2° Au début de la deuxième phrase, les mots : « Il statue » sont remplacés par les mots : « Le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ».
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Je profiterai de ma prise de parole sur l’article, monsieur le président, pour présenter l’amendement n° 96.
Cet article 37, qui a moins fait parler de lui que les dispositions concernant la déchéance de nationalité ou les mariages gris, est pourtant au cœur du projet de loi. Il est fondamental !
Il vise à repousser de quarante-huit heures à quatre jours le délai à l’issue duquel l’administration doit saisir le juge des libertés et de la détention, si elle souhaite maintenir un étranger en rétention.
Il tend également à réduire le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention doit se prononcer sur la demande de maintien en rétention.
Nous réaffirmons notre ferme opposition à ces dispositions, étant rappelé que nous avions réussi à convaincre la commission des lois de partager avec nous cette opposition.
M. Gérard Longuet, offrant déjà ses services au Gouvernement, avait échoué, à l’époque, à rétablir cet article. Mais le Gouvernement a trouvé une majorité peut-être plus docile à l’Assemblée nationale et n’a eu aucun mal à restaurer la version initiale de son projet de loi.
C’est ainsi que nous sommes saisis d’un compromis élaboré par le rapporteur et le président de la commission des lois du Sénat.
Sur le fond, ce compromis de dernière minute ne change rien. Si elles étaient adoptées, ces dispositions auraient pour conséquence de faire intervenir le juge administratif avant que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur le maintien en rétention. De nombreux étrangers risqueraient ainsi, pendant un délai de quatre jours, d’être reconduits à la frontière, même s’ils ont fait l’objet d’une procédure irrégulière que le juge judiciaire aurait annulée.
Pour justifier ce choix, il est affirmé que cette solution permettrait d’éviter que le juge des libertés et de la détention ne maintienne en rétention l’étranger sous le coup d’une mesure illégale que le juge administratif va annuler. C’est le principal argument que l’on nous assène s’agissant de ce nouveau dispositif. Il ne nous convainc pas, car l’interpellation est l’événement déclenchant la procédure et conduisant l’étranger en rétention. C’est le cœur du travail du juge des libertés et de la détention, qui la contrôle.
Ces dispositions visent uniquement à rendre inopérante l’intervention du juge judicaire – nous l’avons dit, le Gouvernement n’aime pas les juges –, qui, d’après ce même Gouvernement, serait laxiste et ferait obstacle aux expulsions des migrants en situation illégale.
Elles posent aussi de nombreux problèmes de principe.
Elles sont contraires à l’article 66 de la Constitution, qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu ».
Elles sont contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel considère que le contrôle du juge judiciaire doit intervenir « dans le plus court délai possible » – quatre ou cinq jours, ce n’est pas le délai le plus court possible ! – ou « dans les meilleures délais ».
Ainsi, dans sa décision en date du 9 janvier 1980, le Conseil constitutionnel a jugé que l’exigence de brièveté du délai était satisfaite par un délai de quarante-huit heures, et non par un délai de cinq, six ou sept jours. Il y a donc fort à parier que le Conseil aurait sanctionné le délai de cinq jours. Qu’en sera-t-il de celui de quatre jours ? Nous n’en savons rien, mais nous le saurons puisque, comme vous l’imaginez bien, mes chers collègues, nous interrogerons le Conseil constitutionnel sur ce point.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de confirmer la position que nous avons adoptée en première lecture, en votant notre amendement n° 96.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. L’article 37 est un article crucial dans l’édifice que constitue ce projet de loi. Il prévoit de repousser l’intervention du juge des libertés et de la détention à quatre jours, au lieu des quarante-huit heures prévues actuellement.
Je l’ai déjà dit, ces mesures nous interpellent quant à leur constitutionnalité.
Le Conseil constitutionnel a déjà repoussé, dans une décision de 1980, un délai d’intervention de sept jours, tout en confirmant régulièrement cette jurisprudence. Mais, d’après vous, chers collègues de la majorité, il n’a rien dit sur un délai inférieur. Ce n’est pas complètement vrai : il a déjà fait allusion à la nature des délais, considérant que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Le plus court délai possible, il n’est pas nécessaire de sortir de Saint-Cyr pour dire que c’est quarante-huit heures, et non quatre jours.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les Saint-Cyriens ne sont pas les spécialistes des délais !
M. David Assouline. Je ne comprends pas que l’on perde autant de temps sur une mesure que le Conseil constitutionnel va probablement sanctionner, ce qui fragiliserait tout votre édifice.
Pis, ces dispositions contreviennent aussi à l’esprit de la directive Retour.
En effet, celle-ci exige que le contrôle juridictionnel de la légalité de la rétention intervienne dans les meilleurs délais. Vous nous dites sans cesse qu’il faut transposer la directive, que le projet de loi nous met en conformité avec le droit européen et que nous ne pourrions y trouver à redire. Mais sur ce point, vous sortez du cadre de la directive. Pourquoi ? Vous faites de la transposition à dimension variable…
Les meilleurs délais sont pratiqués actuellement – quarante-huit heures ; la justice fonctionne correctement. Tenons-nous-en là !
Dernier point, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales précise, dans le paragraphe 3 de son article 5, – vous pouvez aller vérifier – que « toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires […] ». Il ne s’agit donc pas des juridictions administratives. Nous sommes bien d’accord sur ce point, je l’espère !
Ce même paragraphe se poursuit ainsi : « [elle] a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure ». Il me semble aussi que cette formulation est assez claire.
Aussi, mes chers collègues, je vous demande de rester proches de ces textes fondamentaux et de ne pas autoriser cette mutation contraire à notre Constitution.
Nous en avons parfaitement conscience, si vous demandez cette modification, c’est parce que vous savez qu’elle aura pour principale conséquence de permettre au juge administratif de statuer sur la légalité de la mesure d’éloignement avant même que l’étranger ait comparu devant le juge des libertés et de la détention, ce dernier ayant, lui, pour mission de contrôler les conditions d’arrestation, de placement en garde à vue et de maintien en centre de rétention administrative.
Ainsi, les étrangers pourront être éloignés sans que le juge des libertés et de la détention ait pu exercer son contrôle sur la validité de l’interpellation. Il s’agit d’un contournement manifeste, que rien ne légitime. L’efficacité a ses limites. La première d’entre elles est notre droit et notre Constitution.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 96 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 163 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 96 a été défendu.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 163.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 37 tend à instaurer un délai de quatre jours, au lieu de 48 heures, pour l’intervention du juge des libertés et de la détention.
Actuellement, l’étranger en instance d’expulsion est présenté au juge des libertés et de la détention, dans un délai de 48 heures, et seulement ensuite au juge administratif. Cet article inverse donc le déroulement de la procédure, tout en allongeant le délai de privation de liberté qui précède la consultation du juge judiciaire, pourtant garant des libertés en vertu de l’article 66 de la Constitution.
C’est au juge administratif que reviendrait le pouvoir de juger le bien-fondé d’une mesure privative de liberté, et ce dans des délais bien trop longs, ce qui rend la mesure doublement inconstitutionnelle puisque, selon le Conseil constitutionnel, les délais doivent être les meilleurs possibles.
Il s’agit, pour le Gouvernement, de priver les étrangers d’une garantie sans doute considérée comme une entrave à sa politique d’immigration, qui résume assez bien l’inefficacité d’une politique du chiffre, menée au mépris du droit et des libertés fondamentales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous avons déjà tranché cette question lors de l’examen de l’article 30, en adoptant le report à quatre jours de l’intervention du JLD.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 et 163.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l’article.
Mme Catherine Tasca. Même si nous commençons à lasser certains collègues, ce sujet mérite que nous y insistions.
L’article 37, en repoussant à quatre jours le délai dans lequel l’administration doit saisir le juge des libertés et de la détention, est sans doute celui qui, au quotidien, dégradera le plus les droits et garanties dont bénéficient les migrants. Cet allongement du délai de 48 heures à quatre jours aura pour conséquence, nous l’avons tous dit, de retarder la saisine du juge judiciaire et permettra, de fait, à l’administration d’éloigner un retenu avant même que la légalité de sa rétention ait pu être examinée.
Nous ne croyons évidemment pas à l’argument de la clarification des procédures, avancé par le Gouvernement. Il ne s’agit pas non plus, selon nous, contrairement à ce que vous disiez hier, monsieur le ministre, de rétablir l’ordre logique de la procédure.
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, selon l’article 66 de la Constitution, se trouve là véritablement bafouée. En première lecture, le Sénat avait supprimé l’article 37. J’appelle donc tous mes collègues à ne pas céder à la tentation d’un retour en arrière.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Selon vous, il y a les bons juges – les juges judiciaires – et les mauvais ! (Mme Catherine Tasca s’exclame.) Il arrive, ma chère collègue, que le juge administratif se prononce dans des délais brefs et dès lors la décision est en effet applicable. Que je sache, le juge administratif juge en droit et connaît les dossiers !
Mme Catherine Tasca. Heureusement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parfois, certains propos me dérangent...
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président de la commission, pourquoi a-t-on créé un juge des libertés et de la détention ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour éviter que les personnes ne restent trop longtemps en rétention, bien sûr.
M. Richard Yung. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais à partir du moment où le juge administratif se prononce, la question est purgée puisque, de toute façon, la décision est prise, la rétention ne s’applique plus. C’est pour cette raison que nous tenons beaucoup au délai de quatre jours. (M. Richard Yung s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre. Il me semble qu’au fil des heures de débat la même ambiguïté demeure, malgré toutes les explications que le rapporteur, le président de la commission ou moi-même pouvons réitérer. Le juge des libertés et de la détention a pour compétence d’autoriser la prolongation de la rétention, c’est tout !
Mme Catherine Tasca. Ou de ne pas l’autoriser !
M. Claude Guéant, ministre. Effectivement. En revanche, il ne lui appartient pas de se prononcer sur la légalité de la rétention ou de la décision initiale de placement.
M. David Assouline. Personne n’a dit cela !
M. le président. Je mets aux voix l’article 37.
(L’article 37 est adopté.)
Article 38
L’article L. 552– du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 552–2. – Le juge rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure, d’après les mentions figurant au registre prévu à l’article L. 553–1 émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet. Il informe l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice, dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 98 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 164 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 197 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l’amendement n° 98.
Mme Bariza Khiari. Le présent article supprime l’obligation d’informer l’étranger de ses droits « au moment de la notification de la décision de placement » dans un centre de rétention administrative. Cette obligation est remplacée par une disposition vague et imprécise, selon laquelle l’étranger est informé de ses droits « dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement ».
Peu nous chaut les débats, à notre sens futiles et dérisoires, sur l’opportunité de préciser que l’étranger est informé de ses droits « dans les meilleurs délais possibles ». En l’occurrence, l’ajout de l’épithète « possibles » n’est pas le nœud du problème. En effet, dans les deux hypothèses, l’esprit et le venin de la disposition introduite par le Gouvernement restent les mêmes et demeurent lourds de conséquences ; les droits des étrangers se trouvent mis entre parenthèses pendant la période qui s’étend de la notification de la décision de placement à l’arrivée effective au centre de rétention administrative.
En outre, sachant que le délai pendant lequel un étranger peut former un recours contre la mesure d’éloignement est de 48 heures, de nombreux étrangers, arrivés dans un centre de rétention de longues heures après leur placement théorique dans ce dernier, sont privés de la possibilité de contester la mesure d’éloignement dont ils font l’objet. Cet article est donc une entrave au droit au recours, posé notamment par l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Enfin, cette disposition crée un véritable vide juridique entre le placement théorique d’un étranger dans un centre de rétention administrative et son arrivée effective.
En effet, la privation de liberté que subissent les étrangers durant le transfert est dépourvue de tout cadre juridique : en l’espèce, ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne sont applicables. En conséquence, les étrangers ne sont plus ni protégés ni titulaires d’aucun droit.
Au vu de ces différents éléments, il nous paraît indispensable de supprimer cet article, qui n’est pas viable juridiquement et représente une atteinte aux droits fondamentaux des étrangers.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 164.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article réduit les droits des étrangers en assouplissant les délais au terme desquels le juge des libertés et de la détention est tenu de notifier les droits dont bénéficient ces derniers lors de la rétention, ce qui les place en état de les faire valoir. Ils ne sont donc plus assurés d’en bénéficier dès la notification de la décision, mais seulement « dans les meilleurs délais ».
Aussi, nous souhaitons que soient supprimées ces dispositions qui mettent entre parenthèses les droits des étrangers.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 197 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. L’article 38, qui concerne les conditions de notification et d’exercice des droits lors de la rétention, marque un véritable recul en ce qui concerne ces droits et garanties. Comme à l’article 7, les motifs autorisant que soient retardés la notification et l’exercice par l’étranger de ses droits sont formulés de façon très imprécise. L’appréciation in concreto des circonstances particulières par le juge n’est pas suffisamment encadrée. Ainsi, le mot « notamment » vient réduire son champ d’intervention, et ouvre la voie à l’invocation par l’administration de justifications hasardeuses ou impropres.
Compte tenu de la brièveté du délai de recours, de nombreuses personnes, parce que leurs droits auront été notifiés volontairement, se verront dans les faits privées de leur droit à un recours effectif ; en effet, elles n’auront pas eu suffisamment de temps pour préparer correctement leur défense.
Heureusement, la commission avait modifié les motifs de purge des nullités en les alignant sur le droit commun. Il n’en reste pas moins que le présent texte limite véritablement ce devoir de notification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements, dès lors qu’ils visent à supprimer l’article 38, qui prévoit les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention en cas de placement en rétention. Vous l’imaginez bien, nous avons besoin de cette disposition.
Par ailleurs, j’ai beaucoup entendu parler de « meilleurs délais possibles ». J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la commission est revenue à la rédaction initiale, en rétablissant les termes « dans les meilleurs délais », ce qui a un vrai sens sur le plan juridique.
Mme Catherine Tasca. Ce qui n’est pas du tout la même chose, en effet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Il est identique à celui que M. le rapporteur a exprimé, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 98, 164 et 197 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 99, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il s'assure également que l'étranger n'a pas été privé de la possibilité d'exercer ses droits pour une durée excessive du fait d'un délai anormalement long entre la notification du placement en rétention et l'arrivée au centre de rétention.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L’article 38 permet de dédouaner l’administration, dans l’hypothèse où elle ne respecterait pas les droits des étrangers.
En l’état actuel du droit, l’étranger est informé de ses droits au moment de la notification de son placement en rétention. Le présent projet de loi modifie le dispositif à son détriment, dans la mesure où la notification des droits intervient dans les meilleurs délais possibles, à compter de l’arrivée au lieu de rétention. De fait, l’étranger n’est plus protégé pendant le transfert entre le lieu de son interpellation et celui de sa détention.
Afin de rétablir l’équilibre nécessaire à la préservation des droits de l’étranger, en particulier les droits de la défense et le droit au recours effectif, notre assemblée avait adopté un amendement, en première lecture et sur proposition du rapporteur, permettant au juge de vérifier que l’étranger n’a pas été privé de l’exercice de ses droits pendant une durée excessivement longue. Cependant, à l’Assemblée nationale, un amendement du rapporteur est venu supprimer cette avancée, jugée « superfétatoire ».
Il faut croire qu’il est « superfétatoire » de s’assurer que le juge, dans le cadre de mesures privatives de liberté, garantit les droits fondamentaux des étrangers.
Nous sentons, mes chers collègues, que les arguments avancés à l’Assemblée nationale ne sont pas recevables ; nous en appelons donc à votre sagesse pour reprendre cet amendement, que nous avions voté en première lecture, et qui consacre l’État de droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’objet de cet amendement est de rétablir la mention introduite par la commission des lois en première lecture, selon laquelle le juge des libertés et de la détention doit s’assurer que le délai entre la notification du placement en rétention et l’arrivée au centre de rétention n’a pas été anormalement long, afin de tenir compte du fait que l’étranger ne pourra désormais exercer ses droits seulement une fois qu’il sera arrivé au centre.
L’Assemblée nationale est revenue sur ce dispositif ; en deuxième lecture, nous rétablissons donc la situation antérieure.
En approfondissant la question, nous avons constaté que certains juges des libertés et de la détention, qui effectuent parfois une telle vérification, ont une pratique contestable consistant à estimer de manière quelque peu arbitraire le temps de parcours de l’escorte. Il s’agit de la jurisprudence dite « Mappy », du nom du site internet bien connu de recherche d’itinéraires routiers. Il n’est pas souhaitable que les juges des libertés et de la détention procèdent de cette manière. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas proposé à la commission de réintroduire ce dispositif.
Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?