Sommaire
Présidence de Mme Monique Papon
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine, M. Marc Massion.
2. Simplification et amélioration de la qualité du droit. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Bernard Saugey, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Jacques Mézard, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Pierre Sueur, André Reichardt.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive de la proposition de loi.
MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le garde des sceaux.
3. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Amendements identiques nos 116 de M. Richard Yung et 173 de Mme Éliane Assassi. – MM. Richard Yung, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 115 de M. Richard Yung. – MM. le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 117 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet.
Amendement n° 118 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, Philippe Richert, ministre ; Jean-Pierre Michel. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 119 de M. Richard Yung. – MM. David Assouline, le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 120 de M. Richard Yung. – MM. David Assouline, le rapporteur, Philippe Richert, ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 121 de M. Richard Yung, 174 de Mme Éliane Assassi et 200 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Richard Yung, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Pierre Michel, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 142 rectifié de Mme Colette Giudicelli. – MM. Jacques Gautier, le rapporteur, Claude Guéant, ministre ; Richard Yung, le président de la commission. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 122 de M. Richard Yung et 201 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Richard Yung, Jacques Mézard, le rapporteur, Claude Guéant, ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 123 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.
Amendement n° 175 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendement n° 126 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.
Amendement n° 125 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 124 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 128 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 127 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 130 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 133 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Michel.
Amendement n° 129 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Michel.
Amendement n° 135 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Michel.
Amendement n° 131 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Michel.
MM. le rapporteur, Claude Guéant, ministre. – Rejet des amendements nos 123, 175, 126, 125, 124, 128, 127, 130, 133, 129, 135 et 131.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 136 de M. Richard Yung, 176 de Mme Éliane Assassi et 202 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Pierre Michel, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Claude Guéant, ministre. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 137 de M. Jean-Étienne Antoinette. – MM. Richard Yung, le rapporteur, Claude Guéant, ministre. – Rejet.
Amendement n° 214 du Gouvernement. – MM. Claude Guéant, ministre ; le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 177 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, Claude Guéant, ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 178 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, Claude Guéant, ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Éliane Assassi, M. Richard Yung, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Marie-Agnès Labarre, M. David Assouline, Mmes Bariza Khiari, Catherine Morin-Desailly, MM. Jacques Mézard, Jacques Gautier.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
M. Claude Guéant, ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
4. Contentieux et procédures juridictionnelles. – Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois ; Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Michel, Nicolas Alfonsi, André Reichardt.
Clôture de la discussion générale.
M. le garde des sceaux.
Motion no 34 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 1 de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendement n° 19 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 36 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel.
Amendement n° 28 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Retrait de l’amendement no 28 rectifié ; rejet de l’amendement no 36.
Amendements identiques nos 27 rectifié de M. Jean-Marie Bockel et 35 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, le rapporteur, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le garde des sceaux. – Retrait de l’amendement no 27 rectifié ; adoption de l’amendement no 35.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 20 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 21 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Amendements nos 17 rectifié de M. André Reichardt et 60 de la commission. – MM. André Reichardt, le rapporteur, le garde des sceaux, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, le président de la commission. – Retrait de l’amendement no 17 rectifié ; adoption de l’amendement no 60.
Amendement n° 49 de M. Jean-Pierre Michel. – Retrait.
Amendement n° 48 de M. Jean-Pierre Michel. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 3
Amendements identiques nos 18 rectifié de M. André Reichardt et 50 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. André Reichardt, Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux. – Retrait des deux amendements.
Article additionnel après l'article 4
Amendement n° 33 de M. André Reichardt. – MM. André Reichardt, le rapporteur, le garde des sceaux, Jacques Mézard. – Retrait.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Adoption de l'article.
Amendement n° 37 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 38 de M. Jean-Pierre Michel. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 39 de M. Jean-Pierre Michel. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 40 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel.
Amendement n° 55 du Gouvernement. – M. le garde des sceaux.
MM. le rapporteur, Jean-Pierre Michel. – Retrait de l’amendement no 40 ; adoption de l’amendement no 55 rédigeant l'article.
Amendement n° 41 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 58 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le rapporteur. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 22 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 61 de la commission. – M. le rapporteur.
MM. le garde des sceaux, Jacques Mézard. – Rejet de l’amendement no 22 rectifié ; adoption de l’amendement no 61.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 2 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 23 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 57 rectifié du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le président de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 15
Amendement n° 29 rectifié de M. André Reichardt. – MM. André Reichardt, le rapporteur, le garde des sceaux. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 3 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 4 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 15 ter
Amendement n° 56 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le rapporteur. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 59 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le rapporteur. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 5 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendement n° 15 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendements identiques nos 6 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 24 rectifié de M. Jacques Mézard et 42 de M. Jean-Pierre Michel. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 7 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 25 rectifié de M. Jacques Mézard et 43 de M. Jean-Pierre Michel. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 44 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 8 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 9 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 45 de M. Jean-Pierre Michel. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 10 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 11 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 46 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles 23 à 23 ter, 24 et 24 bis. – Adoption
Article additionnel après l'article 24 bis
Amendement n° 54 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le rapporteur. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel avant l'article 25
Amendement n° 51 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le président de la commission, Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 12 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 13 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 26 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 14 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 53 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 52 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l’ensemble du projet de loi.
5. Saisine du Conseil constitutionnel
compte rendu intégral
Présidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Simplification et amélioration de la qualité du droit
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (texte de la commission n° 405, rapport n° 404).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce troisième exercice législatif de simplification du droit achève ce matin son parcours parlementaire, entamé il y a plus de seize mois, après l’adoption, hier après-midi, par l’Assemblée nationale, des conclusions de la commission mixte paritaire, aujourd’hui soumises à l’examen du Sénat.
Réunie le 6 avril, la CMP a établi un texte sur les trente-deux articles restant en discussion entre les deux assemblées.
Tout au long de ses travaux, la Haute Assemblée a voulu conserver au texte son objectif, à savoir l’allégement de notre corpus législatif, allégement qu’elle a naturellement tenu à poursuivre à son tour.
Force est de constater que ce travail a parfois été délicat à mener. La proposition de loi s’est révélée un réceptacle commode, notamment et principalement pour le Gouvernement, de « diverses dispositions », véritable troupeau de cavaliers législatifs en souffrance !
Ce texte, au périmètre tout à la fois étendu et incertain, a d’ailleurs permis de réintroduire une disposition préalablement censurée par le Conseil constitutionnel, au motif de l’absence de lien avec le texte auquel il avait été rattaché : je veux parler de l’article 32 bis relatif à l’indice des loyers des activités tertiaires.
Si le Sénat a supprimé plusieurs articles dont l’objet lui paraissait manifestement aller au-delà de cet utile travail d’allégement, il a cependant adopté diverses mesures. Il s’agit notamment de l’établissement des actes de décès des personnes mortes en déportation ; de la simplification du régime d’acceptation des libéralités par les établissements ecclésiastiques ; de l’allégement et l’extension aux motocycles des conditions dans lesquelles un véhicule est réputé abandonné chez un garagiste ; de la facilitation de la vie de nos entreprises par la suppression du livre d’inventaire ; de l’exonération du versement d’une vacation lors des exhumations administratives et l’allégement des conditions de crémation des restes exhumés ; de l’exécution d’office des travaux d’élagage pour des raisons de sécurité afin de mettre fin à l’avancée des plantations privées sur l’emprise des voies communales.
En revanche, la Haute Assemblée a, dans le même esprit, supprimé certaines dispositions, considérant que celles-ci excédaient l’objet affiché par l’intitulé de la proposition de loi et méritaient un examen particulier. C’est le cas des articles 29 bis à 29 nonies relatifs aux fichiers de police ; de l’article 37, qui concerne la procédure de retrait de la protection fonctionnelle des maires, fonctionnaires et militaires ; de l’article 107, qui vise à modifier les peines encourues par l’auteur d’une prise d’otage en cas de libération rapide de la victime ; de l’article 40, qui offre à titre expérimental aux collectivités territoriales et à leurs groupements la faculté de consulter les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel sur des questions relevant de leur compétence, et de la réforme « consistante » du droit de préemption, laquelle mérite une loi à elle seule.
Je me félicite que l’Assemblée nationale se soit rendue à nos arguments en maintenant en deuxième lecture la suppression, votée par le Sénat, de ces deux derniers dispositifs.
La commission mixte paritaire est donc parvenue, mercredi 6 avril, à un accord.
J’évoquerai tout d’abord les dispositions retenues dans le texte de l’Assemblée nationale : l’article 1er, qui concerne la protection des usagers contre les variations anormales de leur facture d’eau ; l’article 9, qui modifie les modalités de délivrance des cartes de stationnement des personnes handicapées, malgré les réticences de notre collègue Françoise Henneron, préoccupée par la rareté des places qui leur sont réservées ; l’article 25, qui applique le droit commun des congés payés au chèque emploi associatif ; l’article 58, qui interdit aux collectivités territoriales le recours à un groupement d’intérêt public pour exercer en commun des activités qui peuvent être confiées aux EPCI et aux syndicats mixtes ; l’article 114, l’Assemblée nationale ayant supprimé une mesure que le Sénat avait introduite, à savoir la clarification du champ des poursuites de la prise illégale d’intérêt, ce que je regrette beaucoup.
De même ont été supprimés l’article 6 bis A, instituant le retrait de droit d’un associé d’une société d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé en cas de succession, ainsi que l’article 27 quater A, qui harmonisait les sanctions applicables en cas de non-respect des délais de paiement.
En revanche, ont été adoptés dans la rédaction du Sénat l’article 1erA, qui prévoit l’inscription, sur l’acte de décès, du partenaire du pacte civil de solidarité du défunt ; l’article 27, qui vise à adapter la législation sur les publications destinées à la jeunesse ; l’article 28 ter A, dont l’objet est d’étendre aux Français établis hors de France le dispositif du droit à l’ouverture d’un compte bancaire ou postal ; l’article 30 portant simplification des obligations comptables des sociétés placées sous le régime réel simplifié d’imposition ; l’article 33, supprimant le dispositif expérimental concernant les établissements publics d’enseignement primaire, inappliqué depuis sa création en 2004, faute du texte réglementaire nécessaire ; les articles 83 AA et 83 AB, réglementant l’aménagement des entrées de ville, chères à Jean-Pierre Sueur et à Ambroise Dupont ; l’article 87 quater, simplifiant le régime de la commande publique pour les organismes d’HLM ; l’article 135 bis, concernant la propagande électorale pour les élections à l’étranger ; l’article 136, qui abroge et supprime un grand nombre de lois ou de dispositions législatives devenues obsolètes.
J’en ai bien conscience, une telle énumération de dispositions disparates est fastidieuse, mais elle est dictée par le contenu même du texte, sorte d’inventaire à la Prévert, comme beaucoup d’entre vous l’ont relevé, mes chers collègues.
Enfin, plusieurs articles ont été adoptés dans la rédaction établie par la commission mixte paritaire. Celle-ci a par ailleurs conservé le dernier alinéa de l’article 29, pour prévoir le respect du pluralisme dans la composition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
On peut déplorer que la commission mixte paritaire n’ait pas suivi la position du Sénat sur la question de principe relative à l’abrogation automatique, au bout de cinq ans, des rapports périodiques du Gouvernement au Parlement. En maintenant cinq rapports, dont celui qui est consacré au contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, elle a cependant pris en considération la demande des sénateurs.
Avant de conclure mon propos, je souhaiterais formuler un vœu, celui de ne plus être confronté à cet exercice difficile, notamment sous sa forme « impérialiste », touche-à-tout.
Nous l’avons déjà dit, monsieur le garde des sceaux, il faut nous saisir de textes thématiques qui permettent d’embrasser un secteur, et un seul, pour l’examiner à l’aune de l’exigence de simplification.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est un vœu pieux !
M. Bernard Saugey, rapporteur. Effectivement, mon cher collègue, mais, étant moi-même très pieux, je le formule nonobstant ! (Sourires.)
Pour l’heure, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
Le texte qui vous est soumis est le fruit d’un constat partagé sur l’évolution de notre droit, et plus particulièrement sur la complexité croissante de la loi.
Plusieurs phénomènes sont à l’origine de cette situation. Les modifications législatives successives dans tous les domaines du droit aboutissent à un enchevêtrement de textes à la cohérence parfois incertaine et, donc, à une insécurité juridique. Plus de 3 300 lois ont été adoptées sous la ve République, avec une très nette accélération ces vingt dernières années.
Par ailleurs, les sources du droit se sont diversifiées : les directives, les règlements communautaires, les engagements internationaux de la France et, plus récemment, les questions prioritaires de constitutionnalité, sont, directement ou indirectement, créateurs de règles nouvelles en droit interne.
Dans ce contexte, il devient particulièrement difficile pour nos concitoyens, dans ce dédale de réglementations, de s’y retrouver. Il est donc de notre devoir de rendre la loi accessible et intelligible. Un droit clair et lisible est une exigence démocratique et citoyenne autant qu’un impératif économique. Ainsi, même si ce texte est d’origine parlementaire, le Gouvernement ne peut qu’en soutenir l’ambition.
Alors que s’engage la dernière étape parlementaire de l’examen de la proposition de loi, je tiens à saluer le travail que le Sénat a accompli, concourant ainsi à l’amélioration de ce texte. Pas moins de quatre commissions s’en sont saisies : la commission des lois, naturellement, mais également les commissions des affaires sociales, de l’économie et de la culture. Je tiens à remercier les quatre rapporteurs, MM. Saugey et Maurey, Mme Henneron et M. Bordier, pour la qualité de leur travail, même si, sur certains points, leur position était clairement contraire à celle que j’ai défendue au nom de l’ensemble du Gouvernement.
C’est que, et vous l’avez souligné, voire déploré à certains moments du débat, un texte de simplification et d’amélioration du droit touche par essence l’ensemble des domaines : droit civil et droit pénal, mais également droit de l’urbanisme, législation funéraire, code du cinéma, code rural… Certains ont pu parler d’inventaire à la Prévert. Je ne nie pas la complexité de ce texte. Toutefois, les objectifs de simplification et d’amélioration ne concernent pas seulement un pan de notre droit, mais bien tout notre corpus législatif.
Puisque nous arrivons au terme de l’examen de cette proposition de loi, je ne résiste pas à la tentation de vous annoncer, monsieur le rapporteur, à vous qui à l’instant formiez le vœu de ne plus jamais être confronté à un exercice de cette nature, qu’un nouveau texte est déjà en préparation.
M. Bernard Saugey, rapporteur. Et il est sans doute pire !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il y aurait donc là matière à améliorer la qualité de vos vœux ! (Sourires.)
M. Bernard Saugey, rapporteur. Mais ce n’est de toute manière plus la saison des vœux, monsieur le garde des sceaux ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour revenir au présent texte, certains de ses articles visent à faire disparaître des mentions ayant perdu leur raison d’être.
Ainsi, l’article 118 supprime la référence, dans des articles du code civil, à la peine de mort ou à la contrainte judiciaire ; l’article 137 élimine les références aux départements français d’Algérie.
D’autres améliorations permettent de faire progresser la gestion publique. Ainsi, l’article 44 détermine par avance le préfet compétent lorsqu’un sinistre se produit dans un tunnel ou sur un pont s’étendant sur plusieurs départements. De même, l’article 41 abrège la convocation d’un nouveau conseil municipal, cependant que l’article 42 simplifie la nomination dans les commissions municipales en supprimant le scrutin lorsqu’il n’y a qu’un seul candidat. L’article 49 simplifie, lui, la gestion de leurs archives par les petites communes.
Le texte comprend en outre de nouveaux articles simplifiant la vie des entreprises, ainsi que des habilitations à légiférer par ordonnances à droit constant. Mentionnons, par exemple, la réforme de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à l’article 152.
Enfin, plusieurs dispositions améliorent les relations des entreprises ou des particuliers avec l’administration.
En cet instant, je tiens avant tout à saluer le travail de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui sont parvenus à un accord sur cette proposition de loi, lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Monsieur le rapporteur, vous aviez parlé, dans votre rapport de deuxième lecture, de pierres d’achoppement, de désaccords sur la forme ou sur le fond subsistant entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Je suis heureux de constater que ces pierres ne sont même plus du gravier mais constituent le sable sur lequel nous avons pu nous promener avec les députés pour parvenir à un accord fructueux sur ce texte.
Toutefois, je tiens à souligner que, déjà en deuxième lecture, l’Assemblée nationale s’était rangée à la position du Sénat sur plusieurs dispositions majeures.
S’agissant de la juridiction administrative, les députés ont voté sans modification l’article 39 bis, augmentant d’un an la durée des fonctions des conseillers d’État en service extraordinaire.
Ils ont également confirmé la suppression de l’article 40, qui donnait à titre expérimental aux collectivités territoriales et à leurs groupements la possibilité de consulter les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel sur des questions relevant de leur compétence.
L’Assemblée nationale a aussi validé la rédaction adoptée par le Sénat à l’article 146 bis relatif au recrutement des auditeurs du Conseil d’État parmi les anciens élèves de l’École nationale d’administration, dont les mêmes conditions que celles qui prévalent pour les autres fonctionnaires recrutés à la sortie de l’École.
Elle a également abandonné la réforme du droit de préemption qu’elle avait initiée et que la commission des lois du Sénat avait supprimée, considérant que ce sujet devait faire l’objet d’un texte spécifique pour pouvoir, le cas échéant, être examiné par le Parlement de manière approfondie et sereine.
En matière électorale, le Sénat avait, en première lecture, souhaité clarifier le droit applicable aux élections se déroulant à l’étranger en prévoyant que les personnes élues à l’étranger pouvaient prendre communication et copie des listes électorales. Il a aussi ouvert la voie à l’organisation d’une véritable campagne électorale à l’étranger en permettant aux candidats aux élections hors du territoire national de mener des actions de propagande électorale.
L’Assemblée nationale a souscrit à ces innovations.
On peut donc remarquer que le Sénat a considérablement remodelé ce texte, sans parler des articles adoptés par la commission mixte paritaire dans la rédaction du Sénat.
En effet, la CMP a entériné plusieurs positions et rédactions du Sénat. La principale porte, bien sûr, sur les fichiers de police, dispositif introduit par l’Assemblée nationale qui prévoyait, notamment, la création, au sein de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, d’une formation spécialisée spécialement consacrée aux fichiers de police ; l’extension des compétences du bureau de la CNIL ; l’obligation d’inscription de la durée de conservation des données et des modalités de traçabilité des consultations du traitement dans les actes réglementaires qui créent des fichiers de police ; la transmission à la délégation parlementaire au renseignement de tout décret en Conseil d’État créant un traitement dont il a été prévu une dispense de publication au Journal officiel ou encore le renforcement de l’efficacité du contrôle des fichiers d’antécédents judiciaires par le procureur de la République.
L’ensemble de ces dispositions ont été rejetées par le Sénat puisqu’elles avaient été intégrées à la proposition de loi de M. Détraigne et Mme Escoffier, que vous avez adoptée à l’unanimité le 23 mars dernier.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Voilà !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. En effet, vous avez estimé qu’il était préférable de repousser ces dispositions, dans l’attente de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. La CMP s’est rangée à votre position, ce qui est important.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je pense également aux dispositions ajoutées par le Sénat et validées par la CMP relatives aux entrées de ville et qui complètent utilement l’article 14 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 2.
Le texte qui vous est soumis aujourd’hui prévoit ainsi que l’amélioration de la qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de ville serait intégrée aux objectifs des documents d’urbanisme et que le préfet pourrait empêcher l’entrée en vigueur des plans locaux d’urbanisme lorsque ces derniers contiennent des dispositions « incompatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité urbaine, architecturale et paysagère » pour les entrées de ville.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vaste programme !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Toutefois, j’ai lu dans les conclusions que le président de la commission des lois était d’un enthousiasme modéré pour l’adoption de cette disposition. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Un enthousiasme raisonnable !
M. Bernard Saugey, rapporteur. Ou plutôt raisonné !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Exactement ! Et cela va probablement donner lieu à quelques contentieux ainsi qu’à une future loi de simplification, pour laquelle M. Saugey se prépare. (Nouveaux sourires.)
En outre, le contenu des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, est enrichi en permettant aux élus locaux d’interdire les constructions et les installations autour des axes routiers ayant un impact sur le respect des principes de sécurité, d’accessibilité et de qualité architecturale des entrées de villes.
Enfin, l’article 107, qui visait à clarifier l’échelle des peines en matière de prise d’otage, a été supprimé par la CMP, conformément à la position du Sénat qui ne souhaitait pas toucher à un sujet sensible au détour d’une loi de simplification.
Au total, ce texte réalise des avancées concrètes. Il s’agit bien d’une loi de simplification qui modifie le droit dans un sens favorable à nos concitoyens, ce dont je me félicite. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comment faire simple quand on peut faire compliqué ? Monsieur le garde des sceaux, pour qualifier ce texte, vous nous avez parlé du fruit d’un constat partagé. En l’occurrence, je verrais plutôt ici une macédoine de fruits dont certains sont juridiquement peu comestibles. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà !
M. Jacques Mézard. Vous nous avez parlé également de sable, mais l’on ne peut s’empêcher de penser au marchand de sable venu nous endormir. (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tant qu’il ne s’agit pas de sables mouvants…
M. Jacques Mézard. Les neuf sénateurs présents en cet instant dans l’hémicycle seront sensibles à cette argumentation, eux qui sont certainement représentatifs de la qualité de notre institution, à défaut de pouvoir traduire toute idée de quantité…
Cette proposition de loi, dite de simplification, est donc parvenue au terme de sa course. La première mauvaise nouvelle de cette matinée, monsieur le garde des sceaux, est que vous nous annoncez déjà la suivante !
M. Jean-Pierre Michel. Ils n’auront pas le temps !
M. Jacques Mézard. Or, loin d’une tranquille promenade, ce fut plutôt une course d’obstacles bien laborieuse dont nous pensions voir enfin le terme définitif après pratiquement un an et demi de discussion. Eh bien non ! Nous allons recommencer. Je vous l’avais déjà dit, monsieur le garde des sceaux : perseverare diabolicum.
Fallait-il mobiliser autant d’heures de débat pour un texte qui ne changera certainement pas la complexité de notre droit, contrairement à l’objectif fixé ? Nous persistons dans notre doute sur ce point, et c’est un euphémisme, malgré le remarquable travail, la bonne volonté et l’écoute de M. le rapporteur, qui a lui-même très sagement qualifié ce texte de « touffu » et d’« hétéroclite ». Alors, de grâce, ne recommençons pas !
Dans bien des domaines, notre droit mérite d’être réformé en profondeur pour devenir plus accessible, plus lisible et plus opérationnel, pour mieux structurer la vie en société, réguler les relations entre les citoyens, les entreprises ou les personnes publiques, et garantir les principes fondamentaux de la République.
Encore faut-il avoir le sens des priorités. Nous le verrons une nouvelle fois tout à l’heure, monsieur le garde des sceaux, avec le projet de loi sur la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.
Encore faut-il, de même, ne pas encombrer notre ordre du jour, déjà à la limite de l’asphyxie, la séance de ce matin nous en apportant une nouvelle démonstration.
Légiférer à l’aune des courbes des sondages ne sera jamais de bonne légistique. La déliquescence de notre droit pénal, qu’il est, hélas, facile d’observer aujourd’hui, en est la preuve manifeste. Tous les professionnels de la justice font le constat que la multiplication de ces textes mal rédigés, mal coordonnés et tendant essentiellement vers le répressif, a rendu leurs conditions de travail insoutenables. L’insécurité juridique dénoncée par le Conseil d’État dans son rapport de 2006 est une réalité de plus en plus patente.
Encore faut-il, aussi, que nous nous donnions tous les moyens d’agir intelligemment en définissant une méthode de travail rationnelle et claire. Nous nous en éloignons chaque jour davantage. Par exemple, comme cela avait été souligné par l’un de nos rapporteurs, nous pourrions travailler sur des lois de simplification sectorielles présentant un minimum de cohérence. Autant dire que, sur ces deux points, il y a loin de la coupe aux lèvres...
Le vice-président du Conseil d’État soulignait encore récemment que la brièveté des délais accordés au Conseil d’État pour examiner les projets de loi aboutissait à une situation absurde, des dispositions législatives proches faisant l’objet de modifications contraires presque concomitamment. C’est une autre réalité qui devient extrêmement préoccupante.
La multiplication du recours à la procédure accélérée – nous en aurons une illustration tout à l’heure – sans justification de l’urgence, ne fait qu’amplifier ce phénomène, au risque d’accroître les malfaçons législatives. Or, malheureusement, c’est un domaine où il n’y a pas de garantie décennale !
Le même raisonnement s’applique au manque de coordination entre textes en navette ; je prendrai, sur ce texte, l’exemple des articles 29 à 29 nonies relatifs à la CNIL et aux fichiers de police, introduits par les députés. Comme cela a déjà été rappelé, ces articles procèdent à des modifications qui avaient pourtant déjà été introduites par la proposition de loi de nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne, adoptée à l’unanimité par la Haute Assemblée, mais toujours dans l’attente d’une inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Nous ne reviendrons pas sur les autres causes du dévoiement de la loi, sinon pour mentionner l’inflation normative, l’abolition de fait de la frontière entre la loi et le règlement, la qualité rédactionnelle des textes problématique ou des retards chroniques dans l’édiction des mesures réglementaires d’application.
Nous avons aussi déjà eu largement l’occasion d’exposer les raisons de notre opposition de fond à ce type de proposition de loi. Les multiples qualificatifs dont elle a été affublée, de toute part et sur toutes les travées – « fourre-tout », « voiture-balai », « capharnaüm » – parlent d’eux-mêmes. Les conclusions de la CMP ne nous démentiront pas.
Le fossé entre l’ambition initiale de ce texte et sa réalité est béant, et de nombreuses dispositions contribuent en réalité à complexifier encore un peu plus les normes applicables. On pourrait prendre nombre d’exemples, ne serait-ce que l’article 1er sur la protection des usagers contre les variations anormales de leur facture d’eau.
Mais, surtout, nous dénonçons une nouvelle fois l’utilisation de cette proposition de loi comme prétexte à l’introduction de dispositions nouvelles qui ne correspondent en aucune façon à une mesure de simplification ou de clarification. Nous en avons eu l’illustration avec les dispositions sur les groupements d’intérêt public et nous nous estimons heureux d’avoir échappé à la réforme du droit de préemption.
Nous déplorons également cette méthode du calfeutrage non assumé qui consiste à ne pas appeler clairement les choses par leur nom.
Cependant, malgré un tel constat, toutes les dispositions de cette proposition de loi ne sont pas à rejeter en bloc, et certaines d’entre elles constituent de réelles avancées.
Nous nous réjouissons, par exemple, que la CMP ait retenu l’article 1er A, qui prévoit l’inscription sur l’acte de décès des nom et prénoms du partenaire survivant dans le cadre d’un pacte civil de solidarité. Nous nous satisfaisons également de la suppression de quelques commissions ou de multiples rapports : ils ne disparaîtront plus sous la poussière des hautes étagères !
Maïs le diable se cachant surtout dans les détails – il est partout ici, monsieur le garde des sceaux -, nous gardons en mémoire le souvenir amer de la précédente proposition de loi de M. Warsmann qui avait permis à l’église de scientologie d’échapper de justesse à la dissolution pour des faits d’escroquerie.
M. Jean-Pierre Sueur. Le Conseil d’État a été saisi !
M. Jacques Mézard. Nous ne pouvons qu’espérer que le foisonnement d’articles dont on nous demande aujourd’hui l’approbation ne recèle pas, tapie au creux d’un alinéa, une mauvaise surprise du même ordre.
Plus sérieusement, nous soulignons une nouvelle fois qu’il n’est pas possible pour les législateurs que nous sommes d’exercer pleinement leur fonction avec toute la profondeur de l’analyse que mérite la production de la loi. Il y a pourtant, s’agissant de notre justice, un travail de réforme considérable à mener, mais la vérité des médias semble aujourd’hui être devenue la seule qui vaille en politique, loin de ce que devrait être la définition de l’intérêt général.
J’avais, lors des précédentes interventions sur ce texte, placé la conclusion de mes propos sous les auspices de Renaud Denoix de Saint Marc. Permettez-moi de conclure aujourd’hui en citant Georges Pérec, qui ne pensait pas si bien dire lorsqu’il écrivait que « la loi est implacable, mais la loi est prévisible. Nul n’est censé l’ignorer, mais nul ne peut la connaître ». Sur ce chemin, manifestement – et je le regrette ! – vous faites des progrès considérables.
La majorité des membres du groupe du RDSE votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si nous nous étions permis d’user de notre droit d’amendement en première lecture, c’était pour pointer quelques articles symboliquement représentatifs de la démarche sous-tendant ce texte, que son intitulé, flou et quelque peu trompeur, ne reflétait pas.
En deuxième lecture, nous avons décidé de ne pas déposer d’amendement, parce que vous n’avez cessé d’user de la démocratie pour mieux la contourner, tandis que, pour notre part, nous nous battons justement pour que ses objectifs ne soient pas détournés. C’est théoriquement l’une des missions inhérentes à notre mandat.
Un petit dictionnaire improvisé du jargon redondant dont vos lois font un usage systématique nous apprendrait que la « rationalisation » désigne la suppression massive d’emplois publics, que la « performance », pendant direct de cette fameuse rationalisation, désigne la justification du gigantesque plan social actuellement en vigueur dans nos services publics, que la « clarification » désigne plutôt la mise à jour de vos options idéologiques, et que la « simplification » est un terme alibi du Gouvernement pour créer du droit nouveau lorsqu’il est censé le modifier à droit constant.
Alors, simplification, dites-vous ? Pas sûr ! Plutôt des articles disparates formant un bien étrange patchwork !
En fait, seuls les projets qui se cachent derrière la grande majorité de ces alinéas sont simples à déceler ! Nul ne peut donc prétendre raisonnablement remettre de l’ordre dans un tel désordre. (M. le garde des sceaux s’étonne.) Oui, désordre, monsieur le garde des sceaux !
En 2006, la Cour des comptes, sur lettre de mission de l’ancien secrétaire d’État à la réforme de l’État, M. Éric Woerth, avait rendu un rapport destiné à évaluer les effets de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit par voie d’ordonnances sur la base d’« une analyse précise et objective du résultat obtenu » par lesdites ordonnances.
La Cour des comptes a relevé, à cette occasion, que cette loi, à l’image d’ailleurs de l’ensemble des prétendues lois de simplification, a été l’occasion d’un « effet d’aubaine législatif » et que, « si elle se montrait relativement efficace lorsque prédominaient les enjeux procéduraux », elle ne « constituait pas un point d’entrée pertinent pour les réformes de fond et s’avérait inopérante lorsque la complexité des textes renvoyait à la complexité des réalités de notre société ».
Et la Cour des comptes de conclure que l’utilisation des « ordonnances de simplification pour produire du droit nouveau ne contribue pas à la lisibilité du processus ».
Le fait est que vous avez trouvé un moyen bien commode de vous passer de l’avis des parlementaires avec ces lois de simplification, raison pour laquelle vous n’en démordez pas. Pis encore, monsieur le garde des sceaux, vous nous avez annoncé que vous alliez récidiver prochainement avec un nouveau projet de loi ! Le diable est vraiment partout ! (Sourires.)
La complexité croissante de notre système juridique constitue, à juste titre, un réel sujet d’inquiétude pour l’ensemble de notre société.
Il revient au législateur de répondre à ce fléau en y apportant des remèdes probants, décents, respectueux de nos principes républicains et, accessoirement, de la séparation des pouvoirs…
C’est donc à la représentation nationale de se saisir de ce problème, même si le Gouvernement en est le premier responsable.
Dérive largement et régulièrement dénoncée par nos institutions, l’inflation législative est un fléau. Nous ne reviendrons pas sur l’ensemble des chiffres qui l’attestent et qui ont été cités à moult reprises tout au long de nos débats.
Afin de prévenir de tels excès, l’idée de « simplifier » le droit s’impose d’elle-même et devient une perspective acceptable. Mais ce n’est absolument pas ce à quoi vous vous employez dès lors que bien des amendements déposés par notre rapporteur visaient à supprimer des dispositions déjà contenues dans d’autres textes… Vous ne suivez pas, ou vous ne suivez plus, alors même que c’est vous qui avez rédigé ce texte.
Qu’attendez-vous donc des parlementaires, qui sont contraints par des délais chaque jour de plus en plus étroits ?
Nous nous sommes réunis à deux reprises pour discuter un quatrième texte dit « de simplification » ; nous aurions donc aimé cette fois-ci que, de simplification, il le fût vraiment et, surtout, qu’il fût le dernier.
Le maigre apport de cette proposition de loi, notamment son article 1er A, relatif au PACS, dont on peut se féliciter, ne modifie nullement notre position : nous avons voté contre en première lecture comme en deuxième lecture et nous voterons contre aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, ce texte contient plusieurs points positifs. J’en évoquerai trois en particulier.
Premier point positif – Mme Josiane Mathon-Poinat vient d’en parler – : les nom et prénoms du partenaire de PACS d’un défunt seront désormais portés sur l’acte de décès. C’est une avancée non négligeable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le défunt y restera assez indifférent ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, c’est votre appréciation !
Pour notre part, nous considérons que c’est un progrès. Le PACS a connu un succès important et les partenaires qui sont liés par un tel contrat verront bien la dimension symbolique que revêt cette décision.
D’ailleurs, monsieur le rapporteur, sans doute conviendra-t-il d’aller plus loin sur un autre sujet, récurrent.
Comme vous le savez, j’ai eu l’occasion de défendre un certain nombre de textes sur le droit funéraire et je suis très fréquemment saisi d’un problème particulier, celui de la désignation de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles.
Nous aurions tout intérêt à régler cette question, car elle est souvent source de conflits dans les familles – j’en ai encore été le témoin récemment –, car le partenaire de PACS n’est pas pris en compte pour le choix de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Je le répète, dans la logique même de l’article 1er A, nous aurions intérêt à nous saisir de cette question.
Deuxième point très positif, monsieur le garde des sceaux, des avancées ont été obtenues en première lecture, grâce au Sénat et à l’Assemblée nationale, sur le dossier très délicat de l’autopsie judiciaire.
Dans ce domaine, nos textes souffraient de nombreuses lacunes. Aussi, je voudrais une nouvelle fois rendre hommage à la fois à notre concitoyen du Pas-de-Calais qui n’a pas ménagé ses efforts pour nous alerter, nous les élus, sur cette question, à la suite d’une expérience qu’il a douloureusement vécue, et aux services du Médiateur de la République, qui nous ont beaucoup aidés – je tiens à le dire – à rédiger la disposition de ce texte imposant que le corps autopsié d’une personne soit rendu à sa famille dans le respect des conditions de dignité.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la moindre des choses, mais rien ne le prévoyait dans les textes, monsieur le garde des sceaux.
Cette proposition de loi prévoit aussi que les médecins procédant à des autopsies judiciaires devront satisfaire à des critères de compétence professionnelle ; il définit les droits des familles dont un membre a fait l’objet d’une autopsie et fixe un certain nombre de règles visant à assurer le respect de la personne humaine et des restes humains.
Un projet de loi - ou une proposition de loi - aurait pu, aurait dû être déposé sur cette question importante du respect de la dignité des personnes autopsiées ; il se trouve que nous avons saisi l’occasion de ce texte pour la traiter, ce qui est l’essentiel.
Troisième point positif, de nouvelles règles d’urbanisme sont fixées pour les entrées de ville, et je m’en réjouis.
On ne dénoncera jamais trop le profond sinistre urbanistique que nous avons connu au cours des quatre ou cinq dernières décennies dû à l’uniformisation des routes nationales menant aux entrées de ville.
M. Richard Yung. Orléans !
M. Jean-Pierre Sueur. Toutes les villes sont concernées, mon cher collègue. L’une des entrées de ville d’Orléans est très belle parce que des élus y ont été particulièrement attentifs. Mais d’autres bénéficieront des dispositions de ce projet de loi.
Nos villes sont belles et l’ensemble des élus font tout ce qu’ils peuvent pour améliorer le cadre de vie dans les centres-villes ; il n’en demeure pas moins, mon cher collègue, que, pour y accéder, il est souvent nécessaire d’emprunter des routes nationales traversant des zones bordées de parallélépipèdes, de cubes, de bâtiments en tôle ondulée et de pancartes qui ne donnent pas une image très gracieuse de notre beau pays.
Avant d’apercevoir les tours de nos cathédrales, il faut au préalable se frayer un chemin à travers un bric-à-brac pour le moins laid qui fait injure au soin qu’avaient pris nos anciens d’aménager les portes des villes. Celles-ci avaient certes une utilité défensive, mais leur érection répondait aussi à des considérations esthétiques.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Combien de villes peuvent se vanter d’avoir conservé leurs magnifiques portes ?
De nos jours, pour arriver dans la ville, on traverse des zones commerciales aux formes architecturalement dégradées. Nous en avons désormais tous conscience, comme l’attestent les longs débats qui ont occupé tant nos collègues députés, à l’Assemblée nationale, que nous-mêmes, ici et en commission mixte paritaire. À cet égard, je remercie M. le rapporteur du soutien qu’il a bien voulu nous apporter.
Désormais, tous les documents d’urbanisme et d’aménagement devront prendre en compte la qualité architecturale, urbaine, paysagère et environnementale des entrées de ville. C’est important.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez fait remarquer que nous renforcions dans ce domaine les pouvoirs du préfet, et je le confirme. Même si nous sommes très attachés aux libertés locales, nous estimons néanmoins que la loi doit protéger la qualité urbanistique des entrées de ville, et ce au nom d’une certaine idée de la France, au nom de l’image que nous nous faisons de notre pays.
Je tiens de nouveau à saluer l’action de notre collègue Ambroise Dupont, sur l’initiative de qui a été adopté l’un des deux articles de cette proposition de loi relatifs à ces questions d’urbanisme. Désormais, ou bien un plan d’aménagement sera adopté visant à conférer aux entrées de ville une nouvelle urbanité, ou bien toute construction sera interdite dans une bande de soixante-quinze mètres de part et d’autre de certaines routes.
L’objectif est de renouer avec une nouvelle urbanité en retirant à la voirie actuelle son caractère traumatisant par la transformation des voies rapides en avenues urbaines, en boulevards urbains, en rues, en veillant particulièrement à l’aspect de la chaussée, des trottoirs, des espaces verts et de l’éclairage.
J’aurais voulu aller plus loin, et j’avais déposé une proposition de loi en ce sens. L’un des problèmes de notre urbanisme hérité de la seconde moitié du XXe siècle tient en effet au fait que les villes sont souvent la juxtaposition d’espaces qui ont chacun une seule fonction : le centre-ville, patrimonial, les faubourgs ainsi que les périphéries verticales et horizontales, où il n’y a que de l’habitat, les campus universitaires, où il n’y a que l’université, les parcs d’activités, où il n’y a que de l’activité, les zones de loisirs, où il n’y a que du loisir, et les entrées de villes, où il n’y a que du commerce.
Il me semble – mais nous aurons l’occasion d’y revenir – que la ville du futur sera celle qui saura marier différentes fonctions sur les mêmes lieux et n’affectera plus une fonction à un lieu. À cet égard, on pourrait imaginer que, peu à peu, d’autres fonctions – formation, sport, loisir, espace vert, habitat – occupent également ces zones périphériques, de manière à nous faire retrouver l’harmonie à laquelle nous aspirons.
Voilà pour l’aspect positif du présent texte, auquel j’ai consacré l’essentiel de mon intervention. Mais, mes chers collègues, il existe aussi des points négatifs.
J’ai un regret. Nous avions adopté, au Sénat, une disposition sur les copropriétés d’immeubles en jouissance à temps partagé, qui créent tant de soucis. Ces dispositifs ont sans doute fait la fortune d’un certain nombre de promoteurs et de spéculateurs, mais, on le sait bien, ils ont suscité aussi dans les départements de montagne, mon cher rapporteur, beaucoup de difficultés pour nombre de nos concitoyens copropriétaires une semaine par an d’un immeuble.
M. Bernard Saugey, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faudra revenir sur la question et traiter ce problème. Nous n’avons pas pu y parvenir à la faveur de cette commission mixte paritaire.
M’étant déjà exprimé à ce sujet à cette tribune, je ne développerai pas longuement. Dans les jours qui viennent, nous allons saisir le Conseil constitutionnel de trois dispositions, à commencer par l’article 54.
L’article 54, qui ne vous a certainement pas échappé, monsieur le garde des sceaux, nous paraît foncièrement immoral. Il permet à des cocontractants de décider a priori que, si l’un d’entre eux ne respecte pas le code du travail, une indemnité sera versée.
C’est immoral, monsieur le garde des sceaux. Cela présuppose, en effet, que les cocontractants se mettent d’accord a priori sur le fait que l’un n’applique pas la loi et ne respecte pas une obligation légale, ce qui est pourtant susceptible d’être sanctionné non seulement par des amendes, mais aussi par des séjours en prison. Cela nous paraît non seulement immoral mais aussi inconstitutionnel, c’est pourquoi nous saisirons le Conseil constitutionnel sur ce premier point.
Le deuxième point, qui vous intéressera également, monsieur le garde des sceaux, concerne le rapporteur public. Il est prévu, dans un article de ce texte, que, dès lors que le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel le décidera, le rapporteur public ne sera pas tenu d’exposer des conclusions sur des matières fixées par décret. C’est cette mention, « fixées par décret », qui nous paraît gravement inconstitutionnelle et contraire, en particulier, à l’article 34 de la Constitution.
D’ailleurs, je ne vous ferai pas l’injure, monsieur le garde des sceaux, de rappeler toutes les déclarations du Gouvernement exposant aux institutions européennes que, non seulement le procureur de la République et le procureur général, mais aussi le rapporteur public sont de véritables instances juridictionnelles.
Or l’article 34 de la Constitution énonce très clairement que la magistrature et les instances judiciaires ou juridico-juridictionnelles relèvent de la loi. Nous ne saurions donc considérer satisfaisant qu’un décret fixe dans quelles matières le rapporteur public aurait à exprimer des conclusions et dans quels domaines il n’aurait pas à le faire.
En troisième et dernier lieu, monsieur le garde des sceaux, nous saisirons bien entendu le Conseil constitutionnel de la suppression du classement de sortie des élèves de l’ENA.
Nous ne sommes pas de farouches partisans du classement ni de l’immobilisme. Nous ne sommes par fermés aux évolutions, à condition du moins que l’on respecte le principe d’égalité.
Je le rappelle, en première lecture, les orateurs de tous les groupes de cette assemblée, sans aucune exception, ont affirmé que, si le classement présentait, certes, des inconvénients – nous sommes un certain nombre à avoir passé des concours, nous pouvons donc en témoigner –, ceux-ci étaient nettement moindres, au regard des principes républicains, que ceux des procédures informelles que l’on veut mettre en place.
Quelles que soient les intentions, forcément excellentes, ces procédures engendreront le favoritisme, l’arbitraire et, finalement, le copinage. Cela n’est pas acceptable. C’est la raison pour laquelle, en vertu des principes républicains qui nous sont chers et en vertu du principe d’égalité, nous saisirons sur ce point aussi le Conseil constitutionnel.
Madame la présidente, je ne développerai pas, à mon tour, la question qu’ont abordée les précédents orateurs, celle du statut des textes de la nature de celui qui nous occupe. Nous n’y échapperons pas : je les ai vus fleurir, en trente années, et sous tous les gouvernements. Il existe cependant une manière de les éviter : il suffit de disposer de davantage de temps pour étudier davantage de lois.
Un texte comme celui-ci pouvait en effet donner lieu à de nombreux projets et propositions de loi, presque sur chaque sujet – sauf un certain nombre de questions mineures que l’on pouvait traiter autrement. Or, comme Mme Mathon-Poinat vient de le faire, chacun constate une inflation législative. Comment faire ?
Il n’y a pas de miracle ! Un certain nombre de sujets abordés auraient mérité à eux seuls un débat législatif à part entière. Par conséquent, les parlementaires devraient être davantage occupés par le Parlement, ce qui suppose que l’on avance sur le chemin d’un moindre cumul des mandats afin que nous soyons disponibles pour examiner les textes qu’il nous faut examiner.
Nous sommes d’ailleurs les premiers – moi y compris – à dénoncer la profusion d’ordonnances. Si nous voulons moins d’ordonnances, il nous faut accomplir le travail législatif.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. Je crois en l’éminente dignité du travail législatif. Les parlementaires doivent avoir davantage de pouvoir pour mettre fin à cette scandaleuse prérogative dont jouissent tous les gouvernements de ne pas appliquer la loi en ne publiant pas les décrets, et tout ce qui y contribuera ira dans le bon sens.
M. Richard Yung. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Je pense notamment à une proposition de loi du RDSE, que nous avons soutenue.
Il n’existe pas de solution en dehors d’un travail parlementaire très dense. C’est notre mission et c’est notre fierté.
En dépit des aspects positifs que j’ai longuement développés, et en raison des trois points justifiant notre saisine du Conseil constitutionnel, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitue une nouvelle et consistante étape dans la simplification et l’amélioration de notre corpus législatif.
Produit d’un rapport remis au Premier ministre par notre collègue député Jean-Luc Warsmann en janvier 2009, cette proposition de loi est la troisième initiative parlementaire de simplification du droit de la présente législature.
L’objectif est, ici encore, de procéder à une simplification et à une amélioration du droit, en allégeant les procédures, en abrogeant des textes désuets, en clarifiant certains points législatifs, en corrigeant des erreurs ou en simplifiant certaines démarches. Ce sont les termes même de cette proposition de loi.
Rappelons que quelques mesures proviennent directement des sollicitations de nos concitoyens, par l’intermédiaire du site internet « Simplifions la loi », ouvert à tous. D’autres encore sont inspirées d’études du Conseil d’État. C’est notamment le cas du chapitre relatif aux groupements d’intérêt public. Certains articles enfin reprennent des suggestions que la Cour de cassation a formulées dans ses rapports annuels.
Je tiens, à cet instant, à saluer le travail minutieux effectué par notre collègue rapporteur, Bernard Saugey, dans un esprit constructif de concertation avec nos collègues de la commission des affaires sociales et de la commission de l’économie, saisies pour avis, ainsi qu’avec nos collègues députés.
Cette proposition de loi avait un objectif clair : simplifier et améliorer la qualité de notre droit dans de nombreuses matières – droit civil, droit des collectivités territoriales, droit pénal et j’en passe.
Dans un souci de cohérence, lorsque des dispositions initialement prévues dans ce texte avaient davantage leur place dans d’autres textes de loi en instance législative, nous avons choisi de ne pas les intégrer dans ce texte, au contenu plus diversifié.
Il en est ainsi, par exemple, des dispositions relatives aux fichiers de police, intégrées dans la proposition de loi de nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier, visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique.
De même, lorsque le sujet dépassait le cadre d’une loi de simplification et méritait une réflexion plus approfondie, nous avons préféré l’exclure du présent texte.
Il en est ainsi de la disposition relative à la modification des peines encourues par l’auteur d’une prise d’otage en cas de libération rapide de la victime. Il s’agit là d’une disposition de fond qui n’avait pas lieu d’être dans une proposition de loi relative à la simplification et l’amélioration du droit.
Ce texte comporte des dispositions ayant un impact important sur la situation des Français, telle l’inscription de la mention du nom du partenaire survivant d’un PACS sur l’acte de décès, afin de faciliter sa qualité de titulaire de droits successoraux spécifiques, disposition à laquelle notre assemblée tenait particulièrement, ou encore le rétablissement du droit à l’ouverture d’un compte pour les Français établis hors de France, souhaité particulièrement par notre assemblée.
Autre mesure améliorant concrètement la situation de nos concitoyens : les dispositions relatives aux usagers du service de distribution de l’eau qui subissent une hausse de leur consommation facturée en raison d’un mauvais fonctionnement du compteur ou d’une fuite sur leurs canalisations privatives.
Nous avons évoqué ce sujet de façon incidente mais, en cas de forte augmentation de la consommation, cela constitue un vrai problème pour nos concitoyens. L’usager sera mis en demeure de recourir à une entreprise pour réparer la fuite ; l’entreprise devra justifier son intervention par une facture en aval.
Certaines dispositions amélioreront réellement les relations entre les Français et les administrations. Je prendrai deux exemples, qui parleront certainement aux élus que nous sommes, confrontés régulièrement à ce type de remarques.
Premièrement, les administrations auront désormais l’obligation d’échanger entre elles les pièces justificatives nécessaires aux démarches des usagers, lorsqu’elles les détiennent, afin que les usagers n’aient plus à produire à nouveau des justificatifs qu’ils ont déjà adressés à une administration.
Deuxièmement, les autorités administratives devront désormais informer les citoyens ayant produit une demande avec vice de forme de leur erreur et leur indiquer les démarches à accomplir.
Ces mesures permettront de poursuivre l’effort engagé dans le sens d’un meilleur service rendu au public.
Nous allons également simplifier certaines démarches concernant les personnes handicapées. Ainsi, pour les demandes de cartes de stationnement, le silence de l’administration vaudra acceptation au bout de deux mois. Tant mieux !
En droit du travail, le texte apporte une innovation importante en permettant que le chèque emploi associatif entre dans le droit commun des congés payés, qui se caractérise par une prise effective des congés et la limitation de l’indemnité au seul cas de la rupture du contrat de travail, et ce pour toutes les catégories d’associations.
La proposition de loi comporte de nombreuses dispositions relatives aux collectivités territoriales.
L’un des points importants réside dans la généralisation des consultations ouvertes que nous allons permettre aux autorités administratives d’organiser pour recueillir sur Internet les observations de toutes les personnes concernées. Au terme de la consultation, l’autorité administrative établira une synthèse des différentes observations, éventuellement accompagnée d’éléments d’information complémentaires. Cette synthèse sera rendue publique.
Quant au maire, le texte élargit le champ des matières que le conseil municipal peut lui déléguer pendant la durée de son mandat, en le complétant par l’autorisation de renouveler les adhésions aux associations dont la commune est membre. Ce pouvoir manquait assurément au premier magistrat de la commune !
Enfin, la proposition de loi clarifie les modalités de l’attribution de la protection fonctionnelle dont bénéficient les agents des collectivités dans le cadre de leurs fonctions.
De nouvelles dispositions permettront une simplification dans la gouvernance des entreprises. Ainsi les petites entreprises, soumises au régime simplifié d’imposition, pourront-elles utiliser une annexe comptable très simplifiée, selon un modèle qui sera fixé par l’Autorité des normes comptables. Ces entreprises pourront également tenir leur comptabilité, en cours d’exercice, selon des règles simplifiées. Il en résultera une réduction des coûts non négligeable, sans pour autant que cela nuise à la fiabilité de la comptabilité et de l’information financière.
Les groupements d’intérêt public, objet d’un chapitre entier, se voient enfin dotés d’un statut cohérent et souple, qui leur permettra d’être utilisés davantage afin de permettre à des personnes morales de droit public, et même à des personnes morales de droit privé, de travailler ensemble. Les collectivités territoriales disposeront ainsi d’un meilleur outil.
La proposition de loi améliore également le droit de l’urbanisme, en édictant des dispositions en faveur des entrées de ville. Je remercie M. Jean-Pierre Sueur d’avoir évoqué ce point tout à l’heure. Est ainsi instaurée une obligation de réaliser un plan d’aménagement des entrées de ville, et possibilité est donnée aux élus locaux d’interdire autour des axes routiers les constructions et les installations ayant un impact sur le respect des principes de sécurité, d’accessibilité et, surtout, de qualité architecturale des entrées de ville.
Concernant les relations du Parlement et du Gouvernement, le texte prévoit l’abrogation automatique, après cinq ans, des dispositions législatives prévoyant la remise périodique d’un rapport au Parlement. Cependant, nous nous satisfaisons de l’établissement de cinq exceptions à cette règle. Je ne vous les rappellerai pas, vous les connaissez, mes chers collègues.
Il est vrai que cette proposition de loi est d’un contenu très hétérogène. Par définition, les textes de simplification du droit couvrent un champ extrêmement large et abordent des notions très différentes. Le texte sur lequel les deux assemblées ont eu à travailler était dense, et manquait parfois de clarté et de concision.
Je salue donc d’autant plus la qualité du travail accompli tant par la commission des lois, excellemment présidée par Jean-Jacques Hyest, que par la commission mixte paritaire, qui nous permet aujourd’hui d’adopter un texte plus cohérent, ce qui était indispensable pour la bonne compréhension du droit.
Mes chers collègues, nous faisons aujourd’hui œuvre utile, même si ce texte peut, à certains égards, être considéré encore comme imparfait. Simplifier le droit est un acte essentiel et indispensable afin d’assurer une plus grande sécurité juridique, afin de garantir, au nom de l’économie, une plus grande souplesse, afin de rationaliser le travail des services œuvrant en faveur du public, mais aussi afin d’améliorer le fonctionnement de nos institutions.
Les observations régulièrement faites sur la nécessité de légiférer moins pour légiférer mieux apparaissent totalement fondées lorsque l’on constate tout le travail que nous devons fournir ainsi, a posteriori.
Mes chers collègues, ce texte constitue une étape nécessaire à l’amélioration de notre droit ; pour toutes ces raisons, le groupe UMP, vous n’en aurez pas douté, le votera, avec conviction, et beaucoup d’espérance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire.
PROPOSITION DE LOI de simplification et d’amélioration de la qualité du droit
Chapitre Ier
Dispositions tendant à améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations
Section 1
Dispositions applicables aux particuliers et aux entreprises
Article 1er A
Après le quatrième alinéa de l’article 79 du code civil, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Les prénoms et nom de l’autre partenaire, si la personne décédée était liée par un pacte civil de solidarité ; ».
Article 1er
Après le III de l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné. Une augmentation du volume d’eau consommé est anormale si le volume d’eau consommé depuis le dernier relevé excède le double du volume d’eau moyen consommé par l’abonné ou par un ou plusieurs abonnés ayant occupé le local d’habitation pendant une période équivalente au cours des trois années précédentes ou, à défaut, le volume d’eau moyen consommé dans la zone géographique de l’abonné dans des locaux d’habitation de taille et de caractéristiques comparables.
« L’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne s’il présente au service d’eau potable, dans le délai d’un mois à compter de l’information prévue à l’alinéa précédent, une attestation d’une entreprise de plomberie indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations.
« L’abonné peut demander, dans le même délai d’un mois, au service d’eau potable de vérifier le bon fonctionnement du compteur. L’abonné n’est alors tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne qu’à compter de la notification par le service d’eau potable, et après enquête, que cette augmentation n’est pas imputable à un défaut de fonctionnement du compteur.
« À défaut de l’information mentionnée au premier alinéa du présent III bis, l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne.
« Les redevances et sommes prévues par le premier alinéa de l’article L. 2224-12-2 sont calculées en tenant compte de la consommation facturée.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent III bis. »
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Article 6 bis A
(Supprimé)
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Article 8
Lorsqu’une autorité administrative est tenue de procéder à la consultation d’une commission consultative préalablement à l’édiction d’un acte réglementaire, à l’exclusion des mesures nominatives, elle peut décider d’organiser une consultation ouverte permettant de recueillir, sur un site Internet, les observations des personnes concernées. L’autorité administrative fait connaître par tout moyen les modalités de la consultation.
Au terme de la consultation, elle établit une synthèse des observations qu’elle a recueillies, éventuellement accompagnée d’éléments d’information complémentaires. Cette synthèse est rendue publique.
Cette consultation ouverte se substitue à la consultation obligatoire en application d’une disposition législative ou réglementaire. Les commissions consultatives dont l’avis doit être recueilli en application d’une disposition législative ou réglementaire peuvent faire part de leurs observations dans le cadre de la consultation prévue au présent article.
Demeurent obligatoires les consultations d’autorités administratives indépendantes prévues par les textes législatifs et réglementaires, les procédures d’avis conforme, celles qui concernent l’exercice d’une liberté publique, constituent la garantie d’une exigence constitutionnelle ou traduisent un pouvoir de proposition ainsi que celles mettant en œuvre le principe de participation.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment les modalités d’organisation de la consultation, dont la durée ne peut être inférieure à quinze jours.
Article 9
Le premier alinéa de l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « dans un délai de deux mois suivant la demande. À défaut de réponse du représentant de l’État dans le département dans ce délai, la carte est délivrée au demandeur. »
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Article 16 bis A
[Pour coordination]
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 205-7, après les mots : « recueillir les », est inséré le mot : « observations » ;
2° Au I de l’article L. 211-15, la référence : « troisième alinéa de l’article L. 211-29 » est remplacée par la référence : « deuxième alinéa de l’article 99-1 du code de procédure pénale » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 212-8, les références : « aux articles L. 221-5 et L. 221-6 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 221-5 » ;
4° À l’article L. 215-12, les références : « et L. 215-9 à L. 215-12 » sont supprimées ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 241-1, la référence : « L. 241-5 » est remplacée par la référence : « L. 241-4 » ;
6° Au premier alinéa de l’article L. 241-4, la référence : « à l’article L. 241-5 » est remplacée par la référence : « et L. 241-3 » ;
7° Au 2° du II de l’article L. 243-1, la référence : « L. 241-13 » est remplacée par la référence : « L. 241-12 » ;
8° Le I de l’article L. 253-14 est abrogé et, à la dernière phrase de cet article, la référence : « L. 253-15 à » est remplacée par la référence : « L. 253-16 et » ;
8° bis Au I de l’article L. 253-16, les mots : « visés au I de l’article L. 253-14 » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l’article L. 250-2 » ;
9° Le 5° du II de l’article L. 253-17 est ainsi rédigé :
« 5° Le fait de ne pas respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 250-6, L. 250-7 et L. 253-16 par les agents mentionnés à l’article L. 250-2. » ;
10° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 256-2-1, les mots : « le décret prévu à l’article L. 256-3 » sont remplacés par le mot : « décret » ;
11° Au début de l’article L. 257-10, les mots : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 257-2, » sont supprimés ;
12° Au I de l’article L. 272-2, les références : «, L. 231-5 et L. 232-3 » sont remplacées par la référence : « et L. 231-5 » ;
13° Au premier alinéa de l’article L. 525-1, les mots : « statuts types approuvés par décrets en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « modèles de statuts approuvés par arrêté du ministre chargé de l’agriculture » ;
14° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 631-26 est complétée par les mots : « et de la pêche et par les agents visés aux 1°, 3°, 4° et 5° du I de l’article L. 942-1 » ;
15° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 663-3, la référence : « au I de l’article L. 251-18 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 250-2 » ;
16° L’article L. 671-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 671-16. – Le fait de faire obstacle à l’exercice des fonctions des agents mentionnés à l’article L. 250-2 agissant en application de l’article L. 663-3 est sanctionné conformément aux dispositions de l’article L. 205-11. » ;
17° Aux premier et second alinéas de l’article L. 717-1, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « de la présente section » ;
18° Au premier alinéa de l’article L. 762-9, les mots : « un décret fixe chaque année, pour chaque département, le taux des cotisations » sont remplacés par les mots : « un décret fixe les modalités de calcul de ces cotisations » ;
19° À l’article L. 912-13, après le mot : « déterminées », sont insérés les mots : « par décret » ;
20° Au c du II de l’article L. 945-2, le mot : « autorisée » est remplacé par le mot : « réglementée » ;
21° Au 15° de l’article L. 945-4, après les mots : « De pêcher, », sont insérés les mots : « détenir à bord, » et, après le mot : « obligations », sont insérés les mots : « ou interdictions » ;
22° Le IV de l’article L. 253-16, le III de l’article L. 253-17 et l’article L. 921-8 sont abrogés ;
23° Au deuxième alinéa de l’article L. 214-9, les références : «, L. 221-6, L. 214-19 » sont supprimées ;
24° À la première phrase du I de l’article L. 221-4 et au troisième alinéa du II de l’article L. 234-1, la référence : « L. 214-19, » est supprimée ;
25° Au 3° du IV de l’article L. 231-2-2, les mots : « aux dispositions mentionnées à l’article L. 231-2 » sont supprimés ;
26° À l’article L. 231-6, la référence : « de l’article L. 227-2, » est supprimée ;
27° À l’article L. 273-1, la référence : « le deuxième alinéa de l’article L. 212-2, » est supprimée ;
28° Au premier alinéa du II de l’article L. 912-4, les mots : « et de représentants des chefs d’entreprise d’élevage marin » sont supprimés.
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Article 25
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas de l’article L. 1271-1 sont ainsi rédigés :
« Le chèque emploi-service universel est un titre-emploi ou un titre spécial de paiement permettant à un particulier :
« 1° Soit de déclarer et, lorsqu’il comporte une formule de chèque régie par le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code monétaire et financier, de rémunérer des salariés occupant des emplois entrant dans le champ des services à la personne mentionnés à l’article L. 7231-1 du présent code ou des assistants maternels agréés en application de l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles ; »
2° L’article L. 1272-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1272-2. – Le chèque-emploi associatif permet de simplifier les déclarations et paiements des cotisations et contributions dues :
« 1° Au régime de sécurité sociale ou au régime obligatoire de protection sociale des salariés agricoles ;
« 2° Au régime d’assurance chômage ;
« 3° Aux institutions de retraites complémentaires et de prévoyance.
« Lorsque ce titre-emploi comprend une formule de chèque, il peut être utilisé pour rémunérer le salarié. » ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 1272-3 est supprimé ;
4° L’article L. 1272-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1272-5. – Le chèque-emploi associatif peut être émis et délivré par les établissements de crédit ou par les institutions ou services énumérés à l’article L. 518-1 du code monétaire et financier qui ont passé une convention avec l’État. Lorsque ce titre-emploi ne comprend pas de formule de chèque, il est délivré par les organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale mentionnés à l’article L. 133-8-3 du code de la sécurité sociale. » ;
5° À l’article L. 1271-2, les mots : « rémunérer et » sont supprimés ;
6° L’article L. 1271-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque ce titre-emploi ne comporte pas de formule de chèque, il est délivré par l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales territorialement compétente ou l’organisme de recouvrement du régime général de sécurité sociale mentionné à l’article L. 133-8 du code de la sécurité sociale. »
II. – Le 1° du I du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012. Pour les contrats de travail en cours à cette date, pour la période de référence en cours et par dérogation aux dispositions de l’article L. 3141-22 du code du travail, le salarié a droit au moment de la prise des congés à une indemnité égale au dixième de la rémunération au sens du I du même article L. 3141-22 qu’il aura perçue entre la date d’entrée en vigueur du 1° du I du présent article et la fin de la période de référence en cours à cette date.
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Article 27
I. – La loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse est ainsi modifiée :
1° (Supprimé)
1° bis Au premier alinéa de l’article 1er, le mot : « assujetties » est remplacé par le mot : « assujettis » et sont ajoutés les mots : «, ainsi que tous les supports et produits complémentaires qui leur sont directement associés » ;
1° ter Le premier alinéa de l’article 2 est ainsi rédigé :
« Les publications mentionnées à l’article 1er ne doivent comporter aucun contenu présentant un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou lorsqu’il est susceptible d’inciter à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes, à la violence ou à tous actes qualifiés de crimes ou de délits ou de nature à nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral de l’enfance ou la jeunesse. » ;
1° quater Les quatrième à dix-septième alinéas de l’article 3 sont remplacés par douze alinéas ainsi rédigés :
« Un représentant du ministre chargé de la culture ;
« Un représentant du ministre chargé de l’éducation nationale ;
« Un représentant du garde des sceaux, ministre de la justice ;
« Un représentant du ministre de l’intérieur ;
« Un représentant du personnel de l’enseignement public et un représentant du personnel de l’enseignement privé, désignés par leurs organisations syndicales ;
« Deux représentants des éditeurs de publications destinées à la jeunesse, désignés par leurs organismes professionnels ;
« Deux représentants des éditeurs de publications autres que celles destinées à la jeunesse, désignés par leurs organismes professionnels ;
« Deux représentants des dessinateurs et auteurs, désignés par leurs organisations syndicales ;
« Un représentant des mouvements ou organisations de jeunesse, désigné sur proposition de leurs fédérations par le Conseil supérieur de l’éducation ;
« Un parent, désigné par l’Union nationale des associations familiales ;
« Un magistrat ou ancien magistrat siégeant ou ayant siégé dans des tribunaux pour enfants, désigné par le Conseil supérieur de la magistrature.
« Elle comprend, en outre, avec voix consultatives, le Défenseur des droits ou son adjoint Défenseur des enfants, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et le président de la commission de classification des œuvres cinématographiques du Centre national du cinéma et de l’image animée, ou leurs représentants respectifs. » ;
2° L’article 4 est ainsi modifié :
a) Les cinq premiers alinéas sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute personne physique ou morale peut exercer l’activité de publication ou d’édition d’un périodique mentionné à l’article 1er. Lorsque cette activité est exercée par une personne morale, les nom, prénoms et qualité de la ou des personnes ayant le pouvoir de diriger, gérer ou engager à titre habituel la personne morale figurent sur chaque exemplaire.
« Les personnes ayant le pouvoir de diriger, gérer ou engager à titre habituel la personne morale ainsi que les personnes physiques exerçant l’activité de publication ou d’édition d’un périodique mentionné à l’article 1er doivent remplir les conditions suivantes : » ;
b) Le 1° est complété par les mots : « ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen » ;
c) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Ne pas s’être vu retirer tout ou partie de l’autorité parentale ; »
d) Au 5°, les références : « 312 et 345 à 357 inclus » et « L. 626, L. 627, L. 627-2, L. 628, L. 629 et L. 630 » sont respectivement remplacées par les références : « 223-3, 223-4, 224-4, 227-1, 227-2, 227-5 à 227-10, 227-12 et 227-13 » et « L. 1343-4, L. 3421-1, L. 3421-2, L. 3421-4, L. 5132-8 et L. 5432-1 » ;
e) Au 6°, après les mots : « direction ou », sont insérés les mots : «, le cas échéant, » ;
3° Au premier alinéa de l’article 5, les mots : « du directeur, des membres du comité de direction et, le cas échéant, des membres du conseil d’administration ou des gérants » sont remplacés par les mots : « des personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article 4 » ;
4° Le premier alinéa de l’article 6 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « déposer », sont insérés les mots : « ou transmettre par voie électronique » ;
b) Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « deux » ;
c) Après le mot : « parution », sont insérés les mots : « ou, s’il s’agit d’une publication en provenance de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, dès son importation pour la vente ou la distribution gratuite en France » ;
5° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 7, les mots : « Bibliographie de la France » sont remplacés par les mots : « Bibliographie nationale française » ;
6° Au quatrième alinéa de l’article 11, la référence : « à l’article 60 » est remplacée par les références : « aux articles 121-6 et 121-7 » ;
7° L’article 13 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L’importation en provenance d’un État qui n’est ni membre de l’Union européenne, ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen pour la vente ou la distribution gratuite en France des publications destinées à la jeunesse ne répondant pas aux prescriptions de l’article 2 est prohibée à titre absolu. » ;
b) Au dernier alinéa, le mot : « étrangères » est remplacé par les mots : « en provenance d’un État qui n’est ni membre de l’Union européenne, ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen » ;
8° L’article 14 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« À l’exception des livres, les publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère pornographique doivent être revêtues de la mention “Mise à disposition des mineurs interdite (article 227-24 du code pénal)” et être vendues sous film plastique. Cette mention doit apparaître de manière visible, lisible et inaltérable sur la couverture de la publication et sur chaque unité de son conditionnement. Cette mention emporte interdiction de proposer, donner, louer ou vendre la publication en cause aux mineurs. La mise en œuvre de cette obligation incombe à l’éditeur ou, à défaut, au distributeur chargé de la diffusion en France de la publication.
« En outre, le ministre de l’intérieur est habilité à interdire :
« – de proposer, de donner ou de vendre à des mineurs les publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de contenus à caractère pornographique ou susceptibles d’inciter au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes ; »
b) À la deuxième phrase du neuvième alinéa, la référence : « des dispositions de l’alinéa 2 ci-dessus » est remplacée par la référence : « du troisième alinéa » ;
c) Au dixième alinéa, les mots : « cinq premiers » sont remplacés par les mots : « troisième à cinquième » ;
d) À la seconde phrase du onzième alinéa, la référence : « à l’article 42, 1° et 2°, » est remplacée par les références : « aux 1° et 2° de l’article 131-26 » ;
e) À la première phrase du douzième alinéa, les mots : « deuxième, troisième et quatrième » sont remplacés par les mots : « troisième à cinquième » ;
f) Au dernier alinéa, à la première phrase, les mots : « huitième, dixième, onzième et douzième » sont remplacés par les mots : « neuvième et onzième à treizième » et à la fin de la dernière phrase, les mots : « l’article 60 du code pénal est applicable » sont remplacés par les mots : « les articles 121-6 et 121-7 du code pénal sont applicables ».
II. – Le deuxième alinéa de l’article 6 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les références : « alinéas 2, 3 et 4 » sont remplacées par les références : « premier, troisième, quatrième et cinquième alinéas » ;
2° À la seconde phrase, après le mot : « mineurs », sont insérés les mots : « prévue aux premier et troisième alinéas de l’article 14 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ».
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Article 27 quater A
(Supprimé)
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Article 27 decies
[Pour coordination]
Au 1° du I de l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, après les mots : « même code », sont insérés les mots : « les documents élaborés ou détenus par l’Autorité de la concurrence dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs d’enquête, d’instruction et de décision, ».
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Section 2
Dispositions relatives à la protection et à la preuve de l’identité des personnes physiques
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Article 28 ter A
Le premier alinéa de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toute personne physique de nationalité française résidant hors de France, dépourvue d’un compte de dépôt, bénéficie également du droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix. »
Section 2 bis
Dispositions relatives aux actes de décès des personnes mortes en déportation
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Section 3
Dispositions relatives à l’informatique, aux fichiers et aux libertés
Article 29
Le 1° du I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par les mots : « de manière à assurer une représentation pluraliste ».
Articles 29 bis à 29 septies
(Supprimés)
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Article 29 nonies
(Supprimé)
Section 4
Dispositions relatives à la gouvernance des entreprises
Article 30
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° A La première phrase de l’article L. 123-16 est ainsi rédigée :
« Les commerçants, personnes physiques ou morales, peuvent, dans des conditions fixées par un règlement de l’Autorité des normes comptables, adopter une présentation simplifiée de leurs comptes annuels lorsqu’ils ne dépassent pas à la clôture de l’exercice des chiffres fixés par décret pour deux des critères suivants : le total de leur bilan, le montant net de leur chiffre d’affaires ou le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice. » ;
1° Après le même article L. 123-16, il est inséré un article L. 123-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-16-1. – Les personnes morales mentionnées à l’article L. 123-16 et placées sur option ou de plein droit sous le régime réel simplifié d’imposition peuvent présenter une annexe établie selon un modèle abrégé fixé par un règlement de l’Autorité des normes comptables. » ;
2° La seconde phrase de l’article L. 123-17 est complétée par les mots : « et signalées, le cas échéant, dans le rapport des commissaires aux comptes » ;
3° À l’intitulé de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre II du livre Ier, les mots : «, personnes physiques » sont supprimés ;
4° L’article L. 123-25 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 123-12, les personnes morales ayant la qualité de commerçant, à l’exception de celles contrôlées par une société qui établit des comptes en application de l’article L. 233-16, placées sur option ou de plein droit sous le régime réel simplifié d’imposition, peuvent n’enregistrer les créances et les dettes qu’à la clôture de l’exercice. » ;
5° L’article L. 232-6 est abrogé ;
6° Après l’article L. 233-17, il est inséré un article L. 233-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-17-1. – Sous réserve d’en justifier dans l’annexe prévue à l’article L. 123-12, les sociétés mentionnées au I de l’article L. 233-16 sont exemptées de l’obligation d’établir et de publier des comptes consolidés et un rapport sur la gestion du groupe lorsque toutes les entreprises contrôlées de manière exclusive ou conjointe ou dans lesquelles elles exercent une influence notable, au sens du même article L. 233-16, présentent, tant individuellement que collectivement, un intérêt négligeable par rapport à l’objectif défini à l’article L. 233-21. »
II. – Au premier alinéa de l’article L. 511-35 du code monétaire et financier, les références : « des articles L. 232-1 et L. 232-6 » sont remplacées par la référence : « de l’article L. 232-1 ».
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Article 32
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 234-1 est ainsi modifié :
a) Au début du troisième alinéa, les mots : « En cas d’inobservation de ces dispositions » sont remplacés par les mots : « Lorsque le conseil d’administration ou le conseil de surveillance n’a pas été réuni pour délibérer sur les faits relevés ou lorsque le commissaire aux comptes n’a pas été convoqué à cette séance » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates. » ;
2° L’article L. 234-2 est ainsi modifié :
a) Au début de la dernière phrase du premier alinéa, sont ajoutés les mots : « Dès réception de la réponse ou à défaut de réponse sous quinze jours, » ;
b) Au début du deuxième alinéa, les mots : « En cas d’inobservation de ces dispositions » sont remplacés par les mots : « À défaut de réponse du dirigeant » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l’article L. 234-1 est applicable. » ;
3° L’article L. 612-3 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase du troisième alinéa, les mots : « En cas d’inobservation de ces dispositions, » sont remplacés par les mots : « Lorsque l’organe collégial de la personne morale n’a pas été réuni pour délibérer sur les faits relevés ou lorsque le commissaire aux comptes n’a pas été convoqué à cette séance » ;
b) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates. »
II. – Le I est applicable aux procédures en cours à la date de la publication de la présente loi.
III. – Le titre II du livre VI du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 626-32 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il prend en compte les accords de subordination entre créanciers conclus avant l’ouverture de la procédure. » ;
1° bis Le dernier alinéa du même article L. 626-32 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ne prennent pas part au vote les créanciers obligataires pour lesquels le projet de plan ne prévoit pas de modification des modalités de paiement ou prévoit un paiement intégral en numéraire dès l’arrêté du plan ou dès l’admission de leurs créances. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 628-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l’application du présent chapitre, est réputé remplir les conditions de seuil mentionnées au premier alinéa de l’article L. 626-29 le débiteur dont le total de bilan est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État. » ;
3° À la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 628-5, les mots : « par tout moyen » sont supprimés.
IV. – Le III est applicable aux procédures ouvertes à compter de la promulgation de la présente loi.
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Section 5
Dispositions tendant à améliorer le fonctionnement des collectivités territoriales et des services de l’État
Article 33
I. – Sont abrogés :
1° L’article L. 313-6 du code de la consommation ;
1° bis à 3°(Supprimés)
4° Les articles 73 et 74 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole ;
5° L’article 137 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ;
6° L’article 1er de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ;
7° L’article 31 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique ;
8° Les articles L. 132-32 et L. 132-33 du code de la propriété intellectuelle ;
9° Le 1° de l’article L. 5214-5 du code du travail ;
9° bis L’article 86 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
10° (Supprimé)
II. – Les sixième et septième alinéas de l’article L. 113-2 du code de l’action sociale et des familles sont supprimés.
III. – L’article L. 362-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« La reconnaissance ou la dispense mentionnée aux deux alinéas précédents est prononcée par arrêté du ministre chargé de la culture. » ;
2° Au septième alinéa, les mots : « La composition de la commission nationale prévue au présent article ainsi que » sont supprimés.
IV. – (Supprimé)
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Article 34
I. – Sont abrogés :
1° L’article 37 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ;
2° Les articles L. 35-7 et L. 35-8 du code des postes et des communications électroniques ;
3° L’article 102 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ;
4° L’article 7 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ;
5° L’article 10 de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière ;
6° Le a du I de l’article 164 de l’ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 ;
7° Le II de l’article 31 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002) ;
8° L’article 44 de la loi n° 85-1268 du 29 novembre 1985 relative à la dotation globale de fonctionnement ;
9° L’article 6 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice ;
10° Les articles L. 115-4 et L. 264-9 du code de l’action sociale et des familles ;
11° L’article 8 de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l’emploi, l’insertion et les activités économiques dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte ;
12° L’article 5 de la loi n° 86-1 du 3 janvier 1986 relative au droit d’expression des salariés et portant modification du code du travail.
II. – Après l’article 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 4 ter ainsi rédigé :
« Art. 4 ter. – Toute disposition législative prévoyant la remise régulière par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sans préciser la durée de son application est abrogée à l’expiration d’un délai de cinq ans suivant l’année de son entrée en vigueur. »
III. – Le II n’est pas applicable :
1° aux articles L. 2131-7, L. 3132-2 et L. 4142-2 du code général des collectivités territoriales ;
2° aux articles L. 111-10 et L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
3° à l’article L. 114-2-1 du code de l’action sociale et des familles ;
4° à l’article 34 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle ;
5° à l’article 52 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
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Article 37
I. – L’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. » ;
2° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
III. – Après le quatrième alinéa de l’article L. 4123-10 du code de la défense, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service compétent pour accorder la protection est celui dont relève le militaire à la date des faits en cause. »
IV. – (Supprimé)
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Chapitre II
Dispositions relatives au statut des groupements d’intérêt public
Section 1
Création des groupements d’intérêt public
Article 58
Le groupement d’intérêt public est une personne morale de droit public dotée de l’autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention approuvée par l’État soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre l’une ou plusieurs d’entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé.
Ces personnes y exercent ensemble des activités d’intérêt général à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à leur exercice.
Les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent pas constituer entre eux des groupements d’intérêt public pour exercer ensemble des activités qui peuvent être confiées à l’un des organismes publics de coopération prévus à la cinquième partie du code général des collectivités territoriales.
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Section 2
Organisation des groupements d’intérêt public
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Section 3
Fonctionnement des groupements d’intérêt public
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Section 4
Dissolution des groupements d’intérêt public
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Section 5
Dispositions diverses et transitoires
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Chapitre III
Dispositions de simplification en matière d’urbanisme
Article 83 AA
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 121-1 est ainsi modifié :
a) Au a du 1°, les mots : «, la mise en valeur des entrées de ville et le développement rural » sont supprimés ;
b) Après le c du 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis La qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de ville ; »
2° Après le c de l’article L. 123-12, il est inséré un c-0 bis ainsi rédigé :
« c-0 bis) Comprennent des dispositions applicables aux entrées de ville incompatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité urbaine, architecturale et paysagère ; ».
Article 83 AB
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le III de l’article L. 122-1-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut étendre l’application de l’article L. 111-1-4 à d’autres routes que celles mentionnées au premier alinéa dudit article. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 111-1-4 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette interdiction s’applique également dans une bande de soixante-quinze mètres de part et d’autre des routes visées au dernier alinéa du III de l’article L. 122-1-5 du présent code.
« Elle ne s’applique pas : ».
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Article 83
(Dispositions déclarées irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution par l’Assemblée nationale en première lecture)
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Article 87 quater
Après l’article L. 423-5 du code de la construction et de l’habitation, il est rétabli un article L. 423-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 423-6. – I. – En vue de renforcer l’efficacité de leur action dans le cadre d’une bonne organisation, des organismes d’habitations à loyer modéré peuvent créer entre eux et, le cas échéant, avec leurs filiales, des sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, ainsi qu’avec des organismes collecteurs agréés aux fins de participer à la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction mentionnée à l’article L. 313-1 ou les filiales de ces organismes, une structure de coopération ayant pour seul objet la mise en commun de moyens au profit de ses membres.
« La structure de coopération fonctionne en l’absence de rémunération moyennant une répartition des coûts entre ses membres en fonction de l’utilisation des services.
« Chacune des personnes morales mentionnées au premier alinéa peut adhérer à une structure déjà constituée conformément à cet alinéa.
« Les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux peuvent, dans les mêmes conditions, créer une structure de coopération entre elles et, le cas échéant, les personnes morales mentionnées au premier alinéa du I du présent article.
« Peuvent également adhérer à ces structures, dans les mêmes conditions, les organismes bénéficiant de l’agrément délivré au titre de l’article L. 365-1.
« II. – Une convention conclue entre la structure de coopération et chacun de ses membres fixe les modalités de la mise en commun des moyens. Cette convention prévoit notamment la compensation par le membre bénéficiaire du coût exact de l’utilisation des services de la structure.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
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Chapitre IV
Dispositions tendant à tirer les conséquences du défaut d’adoption des textes d’application prévus par certaines dispositions législatives
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Chapitre V
Simplification et clarification de dispositions pénales
Article 102 A
[Pour coordination]
Le titre IV du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Des autopsies judiciaires
« Art. 230-28. – Une autopsie judiciaire peut être ordonnée dans le cadre d’une enquête judiciaire en application des articles 60, 74 et 77-1 ou d’une information judiciaire en application des articles 156 et suivants.
« Elle ne peut être réalisée que par un praticien titulaire d’un diplôme attestant de sa formation en médecine légale ou d’un titre justifiant de son expérience en médecine légale.
« Au cours d’une autopsie judiciaire, le praticien désigné à cette fin procède aux prélèvements biologiques qui sont nécessaires aux besoins de l’enquête ou de l’information judiciaire.
« Sous réserve des nécessités de l’enquête ou de l’information judiciaire, le conjoint, le concubin, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, les ascendants ou les descendants en ligne directe du défunt sont informés dans les meilleurs délais de ce qu’une autopsie a été ordonnée et que des prélèvements biologiques ont été effectués.
« Art. 230-29. – Lorsqu’une autopsie judiciaire a été réalisée dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaire et que la conservation du corps du défunt n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, l’autorité judiciaire compétente délivre dans les meilleurs délais l’autorisation de remise du corps et le permis d’inhumer.
« Le praticien ayant procédé à une autopsie judiciaire est tenu de s’assurer de la meilleure restauration possible du corps avant sa remise aux proches du défunt.
« Il ne peut être refusé aux proches du défunt qui le souhaitent d’avoir accès au corps avant sa mise en bière, sauf pour des raisons de santé publique. L’accès au corps se déroule dans des conditions qui leur garantissent respect, dignité, décence et humanité. Une charte de bonnes pratiques, dont le contenu est défini par voie réglementaire, informe les familles de leurs droits et devoirs. Elle est obligatoirement affichée en un lieu visible.
« À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’autopsie, les proches du défunt ayant qualité pour pourvoir aux funérailles peuvent demander la restitution du corps auprès du procureur de la République ou du juge d’instruction qui doit y répondre par une décision écrite dans un délai de quinze jours.
« Art. 230-30. – Lorsque les prélèvements biologiques réalisés au cours d’une autopsie judiciaire ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité, l’autorité judiciaire compétente peut ordonner leur destruction.
« La destruction s’effectue selon les modalités prévues par l’article R. 1335-11 du code de la santé publique.
« Toutefois, sous réserve des contraintes de santé publique et lorsque ces prélèvements constituent les seuls éléments ayant permis l’identification du défunt, l’autorité judiciaire compétente peut autoriser leur restitution en vue d’une inhumation ou d’une crémation.
« Art. 230-31. – Les modalités d’application des dispositions du présent chapitre sont précisées par décret en Conseil d’État. »
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Article 107
(Supprimé)
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Article 114
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 432-11 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « s’abstenir d’accomplir » sont remplacés par les mots : « avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue d’accomplir » ;
b) Au 2°, après le mot : « abuser », sont insérés les mots : « ou avoir abusé » ;
1° bis (Supprimé)
2° L’article 433-1 est ainsi rédigé :
« Art. 433-1. – Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende le fait, par quiconque, de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui :
« 1° Soit pour qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, ou parce qu’elle a accompli ou s’est abstenue d’accomplir, un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;
« 2° Soit pour qu’elle abuse, ou parce qu’elle a abusé, de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public qui sollicite sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue d’accomplir un acte mentionné au 1° ou pour abuser ou avoir abusé de son influence dans les conditions mentionnées au 2°. » ;
3° L’article 433-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « afin d’abuser » sont remplacés par les mots : « pour abuser ou avoir abusé » ;
b) Au second alinéa, les mots : « afin qu’elle abuse » sont remplacés par les mots : « pour qu’elle abuse ou parce qu’elle a abusé » ;
4° L’article 434-9 est ainsi modifié :
a) Au septième alinéa, les mots : « en vue de l’accomplissement ou de l’abstention d’un » sont remplacés par les mots : « pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenu d’accomplir un » ;
b) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« Le fait de céder aux sollicitations d’une personne mentionnée aux 1° à 5° ou de lui proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, pour qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, ou parce qu’elle a accompli ou s’est abstenue d’accomplir un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction est puni des mêmes peines. » ;
5° L’article 434-9-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « afin d’abuser » sont remplacés par les mots : « pour abuser ou avoir abusé » ;
b) Au second alinéa, les mots : « afin qu’elle abuse » sont remplacés par les mots : « pour qu’elle abuse ou parce qu’elle a abusé » ;
6° À l’article 435-1, les mots : « afin d’accomplir ou de s’abstenir » sont remplacés par les mots : « pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue » ;
7° À l’article 435-2, les mots : « afin d’abuser » sont remplacés par les mots : « pour abuser ou avoir abusé » ;
8° L’article 435-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « afin d’obtenir qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir » sont remplacés par les mots : « pour qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, ou parce qu’elle a accompli ou s’est abstenue d’accomplir » ;
b) Au second alinéa, les mots : « afin d’accomplir ou de s’abstenir » sont remplacés par les mots : « pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue » ;
9° L’article 435-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « afin qu’elle abuse » sont remplacés par les mots : « pour qu’elle abuse ou parce qu’elle a abusé » ;
b) Au second alinéa, les mots : « afin d’abuser » sont remplacés par les mots : « pour abuser ou avoir abusé » ;
10° Au dernier alinéa de l’article 435-7, les mots : « en vue de l’accomplissement ou de l’abstention d’un » sont remplacés par les mots : « pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenu d’accomplir un » ;
11° À l’article 435-8, les mots : « afin d’abuser » sont remplacés par les mots : « pour abuser ou avoir abusé » ;
12° L’article 435-9 est ainsi modifié :
a) Au septième alinéa, les mots : « pour obtenir l’accomplissement ou l’abstention d’un » sont remplacés par les mots : « pour que cette personne accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, ou parce qu’elle a accompli ou s’est abstenue d’accomplir un » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « en vue de l’accomplissement ou de l’abstention d’un acte de » sont remplacés par les mots : « pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue d’accomplir un acte de sa fonction ou facilité par » ;
13° L’article 435-10 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « afin qu’elle abuse » sont remplacés par les mots : « pour qu’elle abuse ou parce qu’elle a abusé » ;
b) Au second alinéa, les mots : « afin d’abuser » sont remplacés par les mots : « pour abuser ou avoir abusé » ;
14° L’article 445-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « afin d’obtenir qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir » sont remplacés par les mots : « pour qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, ou parce qu’elle a accompli ou s’est abstenue d’accomplir » ;
b) Au second alinéa, les mots : « afin d’accomplir ou de s’abstenir » sont remplacés par les mots : « pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue » ;
15° À l’article 445-2, les mots : « afin d’accomplir ou de s’abstenir » sont remplacés par les mots : « pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue ».
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Article 116
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° Le dernier alinéa de l’article 366 est supprimé ;
4° Au deuxième alinéa de l’article 367, les mots : « le mandat de dépôt délivré contre l’accusé continue de produire ses effets ou la cour décerne mandat de dépôt contre l’accusé, » sont remplacés par les mots : « l’arrêt de la cour d’assises vaut titre de détention » ;
4° bis Au dernier alinéa de l’article 380-4, les mots : « le mandat de dépôt » sont remplacés par les mots : « l’arrêt de la cour d’assises » ;
5° (Supprimé)
6° Au premier alinéa de l’article 543, les références : « et 749 à 762 » sont supprimées ;
7° L’article 604 est ainsi rédigé :
« Art. 604. – La Cour de cassation, en toute affaire criminelle, correctionnelle ou de police, peut statuer sur le pourvoi aussitôt après l’expiration d’un délai de dix jours à compter de la réception du dossier.
« Elle doit statuer d’urgence et par priorité et, en tout cas, avant l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la réception du dossier lorsque le pourvoi est formé contre un arrêt de renvoi en cour d’assises. Toutefois, dans les cas prévus à l’article 571, ce délai est réduit à deux mois. » ;
8° L’article 623 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la demande en révision est manifestement irrecevable, le président de la commission de révision ou son délégué peut la rejeter par ordonnance motivée. » ;
8° bis Au premier alinéa de l’article 625, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au sixième » ;
9° Au dernier alinéa de l’article 706-31, la référence : « l’alinéa précédent » est remplacée par la référence : « l’article 706-26 » ;
10° (Supprimé)
11° La dernière phrase du huitième alinéa de l’article 16 est supprimée ;
12° À la fin de la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 113-8, les mots : « pendant une durée de vingt jours » sont remplacés par les mots : « dans un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue et de trois mois dans les autres cas » ;
13° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article 185 est ainsi rédigée :
« Celui-ci forme cet appel dans les dix jours qui suivent l’ordonnance du juge par déclaration au greffe du tribunal. » ;
14° Après l’article 286, il est inséré un article 286-1 ainsi rédigé :
« Art. 286-1. – Lorsque, par suite d’une disjonction des poursuites, d’un appel ou de toute autre cause, la cour d’assises ne se trouve saisie que du renvoi devant elle d’un ou plusieurs accusés, uniquement pour un délit connexe à un crime, elle statue sans l’assistance des jurés. » ;
15° Les troisième à dernier alinéas de l’article 380-1 sont supprimés ;
16° Au premier alinéa du I de l’article 695-21, après les mots : « en vue », sont insérés les mots : « de l’exercice de poursuites, » ;
17° La première phrase du premier alinéa de l’article 696-26 est ainsi rédigée :
« Dans un délai de deux jours à compter de l’arrestation de la personne réclamée, le procureur général notifie à cette dernière, dans une langue qu’elle comprend, les pièces en vertu desquelles elle a été appréhendée. » ;
18° La première phrase des articles 723-2 et 723-7-1 est complétée par les mots : « et dans un délai de cinq jours ouvrables lorsque la juridiction de jugement a ordonné le placement ou le maintien en détention du condamné et déclaré sa décision exécutoire par provision » ;
19° Le dernier alinéa de l’article 732 est ainsi rédigé :
« Pendant toute la durée de la libération conditionnelle, les dispositions de la décision peuvent être modifiées en application de l’article 712-8. » ;
20° L’article 774 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bulletin n° 1 peut également être délivré aux greffes des établissements pénitentiaires afin de permettre aux directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation de proposer un aménagement de peine ou un placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution d’une fin de peine d’emprisonnement. »
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Chapitre V bis
Dispositions électorales concernant les Français établis hors de France
Article 135 bis
I. – Après l’article 2 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger, il est rétabli un article 2 bis ainsi rédigé :
« Art. 2 bis. – L’article L. 330-4 du code électoral est applicable aux membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger pour l’ensemble des listes électorales consulaires de leur circonscription électorale. »
I bis. – Avant le chapitre Ier du titre II de l’ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 complétant l’ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l’élection des sénateurs, il est rétabli un article 12 ainsi rédigé :
« Art. 12. – Les sénateurs représentant les Français établis hors de France peuvent prendre communication et copie de l’ensemble des listes électorales consulaires, dans les conditions prévues à l’article L. 330-4 du code électoral. »
II. – (Supprimé)
III. – Les trois premiers alinéas de l’article 5 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 précitée sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l’article L. 330-6 du code électoral, à l’exception de celles relatives à la commission prévue à l’article L. 166, sont applicables à l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. »
IV. – Au premier alinéa de l’article 6 de la même loi, la référence : « 5 » est remplacée par la référence : « 5 ter ».
Chapitre VI
Dispositions d’amélioration de la qualité du droit et de simplification des normes applicables aux secteurs sanitaire, social et médico-social
Article 136
I. – Sont et demeurent abrogés ou supprimés :
1° Le décret des 22 et 28 juillet 1791 qui règle la couleur des affiches ;
2° La loi du 21 septembre 1793 contenant l’acte de navigation ;
2° bis (Supprimé)
3° Les articles 13 à 17 de la loi du 21 avril 1832 relative à la navigation sur le Rhin ;
4° (Supprimé)
5° La loi du 27 juillet 1884 sur le divorce ;
6° (Supprimé)
7° Le dernier alinéa de l’article 1er du décret du 31 janvier 1900 ayant pour objet la suppression des châtiments corporels à bord des bâtiments de la flotte ;
8° La loi du 27 janvier 1902 modifiant l’article 16 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, en ce qui concerne l’affichage sur les édifices et monuments ayant un caractère artistique ;
8° bis L’article 16 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
9° La loi du 20 avril 1910 interdisant l’affichage sur les monuments historiques et dans les sites ou sur les monuments naturels de caractère artistique ;
10° à 13° (Supprimés)
14° La loi du 4 mars 1928 tendant à la répression des fraudes sur les sirops et liqueurs de cassis ;
15° La loi du 18 juillet 1930 tendant à la répression du délit d’entrave à la navigation sur les voies de navigation intérieure ;
16° L’article 114 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l’exercice 1933 ;
17° La loi du 29 juin 1934 relative à la protection des produits laitiers ;
18° Le décret-loi du 21 avril 1939 tendant à réprimer les propagandes étrangères ;
19° L’article 98 du décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité française ;
20° La loi du 14 février 1942 tendant à l’organisation et au fonctionnement des bourses de valeurs ;
21° (Supprimé)
22° L’ordonnance du 30 juin 1943 relative aux fausses déclarations en matière de bagages perdus dans les transports par chemin de fer ;
23° L’ordonnance n° 45-2710 du 2 novembre 1945 relative aux sociétés d’investissement ;
24° (Supprimé)
25° L’article 2 de la loi n° 50-728 du 24 juin 1950 portant abrogation de la loi du 22 juin 1886 relative aux membres des familles ayant régné en France ;
26° La loi n° 51-662 du 24 mai 1951 assurant la sécurité dans les établissements de natation ;
27° La loi du 16 mars 1915 relative à l’interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que de la circulation de l’absinthe et des liqueurs similaires ;
28° Le II de l’article 56 de la loi n° 57-908 du 7 août 1957 tendant à favoriser la construction de logements et les équipements collectifs ;
29° Les articles 22, 23 et 24 de l’ordonnance n° 59-107 du 7 janvier 1959 modifiant le code des mesures concernant les débits de boissons et la lutte contre l’alcoolisme ;
30° (Supprimé)
31° L’article 5 de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger ;
31° bis Le 3° du II des articles 11, 12 et 13 de l’ordonnance n° 2009-799 du 24 juin 2009 portant actualisation et adaptation de la législation financière et de la législation douanière applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte ;
32° L’article 13 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière ;
33° (Supprimé)
34° Les articles 6 et 8 de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ;
35° L’article 4 du code de l’artisanat ;
36° Les articles L. 529-5 et L. 535-3 du code rural et de la pêche maritime ;
37° (Supprimé)
38° L’article 21 de la loi n° 72-965 du 25 octobre 1972 relative à l’assurance des travailleurs de l’agriculture contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
II. – A. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 1° bis de l’article 208, les mots : « qui sont constituées et fonctionnent dans les conditions prévues au titre II de l’ordonnance n° 45-2710 du 2 novembre 1945 ou » et au 2° du même article, les mots : « et constituées dans les conditions prévues au titre II de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ou » sont supprimés ;
2° Après le mot : « distribuables », la fin de l’article 208 A est supprimée ;
3° Le 3 de l’article 158 est ainsi modifié :
a) Au a du 3°, la référence : « au 1° bis et » est supprimée ;
b) Au c du 4°, la référence : « 1° bis, » est supprimée.
B. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 214-18, les mots : « dispositions de l’ordonnance n° 45-2710 du 2 novembre 1945 relative aux sociétés d’investissement ainsi que les » sont supprimés ;
2° Au II de l’article L. 214-49-3, les mots : « de l’ordonnance n° 45-2710 du 2 novembre 1945 relative aux sociétés d’investissement, celles » sont supprimés ;
3° Le deuxième alinéa des articles L. 742-6, L. 752-6 et L. 762-6 est supprimé.
C. – Le 7° de l’article L. 651-2 du code de la sécurité sociale est abrogé.
D. – La loi n° 53-148 du 25 février 1953 relative à diverses dispositions d’ordre financier intéressant l’épargne est abrogée.
E. – Le deuxième alinéa du II de l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 1970 (n° 70-1283 du 31 décembre 1970) est supprimé.
F. – Le troisième alinéa de l’article 15 de la loi n° 80-834 du 24 octobre 1980 créant une distribution d’actions en faveur des salariés des entreprises industrielles et commerciales est supprimé.
III. – (Supprimé)
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Article 138
[Pour coordination]
I. – Au premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de leur environnement économique, juridique et social, les mots : « les premier et troisième alinéas de l’article L. 450-1 et par les articles L. 450-2, » sont remplacés par les mots : « les articles L. 450-1, L. 450-2, ».
II à V. – (Supprimés)
VI. – Le dernier alinéa de l’article 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques est ainsi rédigé :
« Les fonctionnaires désignés à l’article L. 450-1 du code de commerce peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l’application du présent chapitre selon les modalités prévues aux articles L. 450-2 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du même code. »
VII. – À l’article L. 761-8 du code de commerce, les mots : « le premier alinéa de l’article L. 450-1 et les articles L. 450-2 » sont remplacés par les mots : « les articles L. 450-1, L. 450-2 ».
VIII. – Le dernier alinéa de l’article L. 241-8 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :
« Ces infractions peuvent être constatées et poursuivies dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-2, L. 450-3, L. 450-7 et L. 450-8 du code de commerce. »
IX. – À l’article 9 de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs ainsi qu’à diverses pratiques commerciales, les mots : « les premier et troisième alinéas de l’article L. 450-1 et les articles » sont remplacés par les mots : « les articles L. 450-1, ».
X. – Au dernier alinéa de l’article 19 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, les mots : « les premier, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 450-1 et les articles » sont remplacés par les mots : « les articles L. 450-1, ».
XI. – À l’article 7-1 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, les mots : « les premier et troisième alinéas de l’article L. 450-1 et les articles » sont remplacés par les mots : « les articles L. 450-1, ».
XII. – À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques, les mots : « les premier, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 450-1 et les articles » sont remplacés par les mots : « les articles L. 450-1, ».
XIII. – À l’article L. 342-5 du code de l’action sociale et des familles, les références : « les II et III de l’article L. 450-1 et par les articles, » sont remplacées par la référence : « les articles L. 450-1, ».
XIV. – À l’article L. 347-2 du même code, les références : « les II et III de l’article L. 450-1 et les articles » sont remplacées par la référence : « les articles L. 450-1, ».
XV. – À l’article L. 313-21 du même code, les mots : « troisième alinéa de l’article L. 313-1-2 » sont remplacés par les mots : « quatrième alinéa de l’article L. 313-1-2 en ce qui concerne le contrat et le livret d’accueil », et les références : « les II et III de l’article L. 450-1 et les articles » sont remplacées par la référence : « les articles L. 450-1, ».
XVI. – (Supprimé)
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Article 149
(Dispositions déclarées irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution par l’Assemblée nationale en première lecture)
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Chapitre VIII
Habilitation du Gouvernement à modifier des dispositions législatives
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Chapitre IX
Dispositions transitoires et diverses
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Article 158
Sont applicables dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises l’article 133, le I de l’article 136 et l’article 137.
Les articles 2 et 3 et le II de l’article 6 sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna aux administrations de l’État et à leurs établissements publics.
L’article 29 est applicable en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et en Nouvelle-Calédonie.
Le 3° du I de l’article 97 est applicable à Mayotte.
Sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna les articles 10 quater, 14 bis, 27, 27 decies, 30 quinquies, 31, les I et II de l’article 32, les articles 32 ter, 32 quinquies, 39, 48 bis, les I et II de l’article 50, les articles 98, 101, 102 A, 102, 105, 106, 111 bis, 113 bis, 114, 115, 116, 116 bis, 118, 119, 133 bis, 135, 145 et 146.
Les III et IV de l’article 32 et les articles 32 quater et 149 quater sont applicables en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
Sont applicables en Polynésie française les articles 14, 41, 42, 42 bis, 43, 45, 46 et 100 bis.
Sont applicables dans les îles Wallis et Futuna le I de l’article 6, les III et IV de l’article 32 bis, les articles 35, 51 bis, 51 ter, le I de l’article 94, le III de l’article 96, le 9° de l’article 128, l’article 128 quater, l’article 129 et le I de l’article 138.
Sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises les articles 39, 98, 128 quater et les 2° et 3° de l’article 129.
Le I de l’article 33, les articles 34 et 133, le I de l’article 136 et l’article 137 sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République.
Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Personne ne demande la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaitais attendre que la proposition de loi soit adoptée avant d’intervenir.
Naguère, nous adoptions des lois portant diverses dispositions d’ordre économique, financier ou social, un peu à l’image de cette proposition de loi, ou plutôt de ce qu’elle est devenue au fil de la navette.
Il est vrai que, lorsque l’on veut régler un problème ponctuel, on n’est jamais certain de pouvoir y parvenir, du fait de l’encombrement de l’ordre du jour, notamment. Nous avions donc besoin d’une grande respiration, en quelque sorte, pour traiter un certain nombre de points.
Je regrette cependant que, sous couvert d’une simplification dont personne, et surtout pas moi, ne peut contester la nécessité, on puisse proposer une modification substantielle du droit, ce qui n’entraîne pas forcément une amélioration de sa qualité. Je rappelle à cet égard que nous n’avons pas accepté que le droit de préemption soit tout d’un coup bouleversé, alors que de nombreuses études préalables étaient nécessaires.
Il me semble judicieux de poursuivre dans cette démarche de simplification que le Gouvernement a entamée, je le crois avec succès, avec les deux premières lois visant le même objectif. Mais, monsieur le garde des sceaux, quand on touche à peu près à tous les domaines du droit, l’exercice devient franchement difficile. Il vaudrait mieux élaborer des textes thématiques – il y aurait beaucoup à faire en termes de simplification et d’amélioration de la qualité du droit dans le domaine social – au lieu de nous présenter ces textes polymorphes dont il est très difficile d’assurer le suivi de manière satisfaisante et de vérifier la pertinence des dispositions, adoptées quelquefois avec rapidité.
Le pire en la matière serait que nous soyons obligés de faire des lois de simplification des lois de simplification du droit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je voudrais répondre brièvement à M. le président de la commission des lois, qui m’a interpellé.
Il sait parfaitement que nous partageons le même objectif, mais qu’un certain nombre d’évolutions juridiques et techniques justifient le choix d’une loi de la nature de celle que vous venez d’adopter.
En effet, en raison de la révision de la Constitution, qui a modifié la répartition du temps de travail disponible entre l’ordre du jour du Gouvernement et l’ordre du jour du Parlement, la situation a considérablement changé. Un partage par moitié n’était sans doute pas le plus pertinent, et je me souviens que M. le président de la commission des lois, en tant que rapporteur du projet de loi de révision constitutionnelle, avait formulé d’autres propositions.
Je rappelle que, pour la première fois, ce texte a été soumis au Conseil d’État, qui constitue tout de même un filtre important.
Faut-il continuer cette œuvre de simplification ? Sûrement, et c’est une obligation qui nous incombe à tous, Parlement et Gouvernement, parce que notre rôle est moins d’enrichir sans cesse l’arsenal législatif ou réglementaire que de le rendre intelligible pour tous. Si l’on veut que la loi soit observée, il faut qu’elle soit comprise !
Il nous faudra bien continuer à travailler en ce sens, et toutes les hypothèses peuvent être retenues. La solution de textes de loi thématiques, qui a votre préférence, monsieur le président de la commission des lois, pourrait d’ailleurs s’intégrer dans une démarche plus générale privilégiant une distinction claire en chapitres. Cela constituerait déjà un progrès intéressant et permettrait probablement à chaque assemblée de choisir entre la constitution d’une commission spéciale ou la nomination de rapporteurs par chapitres, donc par thèmes.
Le Gouvernement est tout à fait ouvert aux propositions que pourrait formuler le Parlement à cet égard, parce que nous souhaitons, tous ensemble, continuer l’œuvre de simplification engagée. Je tiens à remercier une nouvelle fois le Sénat du rôle qu’il vient de jouer dans ce domaine.
3
Immigration, intégration et nationalité
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (projet n° 357, texte de la commission n° 393, rapport n° 392).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre IV, à l’article 62.
TITRE IV (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES DROITS SOCIAUX ET PÉCUNIAIRES DES ÉTRANGERS SANS TITRE ET À LA RÉPRESSION DE LEURS EMPLOYEURS
Chapitre II (suite)
Dispositions relatives à l’emploi d’étrangers sans titre
Article 62
(Non modifié)
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 8256-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de recourir sciemment, directement ou indirectement, aux services d’un employeur d’un étranger sans titre est puni des mêmes peines. »
II. – (Non modifié)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 116 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 173 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
sciemment
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 116.
M. Richard Yung. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 173.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il est également défendu, puisqu’il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Défavorable !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 116 et 173.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 115, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
sans titre
par les mots :
non muni d'une autorisation de travail
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 62.
(L'article 62 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives au contrôle du travail illégal
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Article 64
I et II. – (Non modifiés)
III. – (Non modifié) Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 8271-2, L. 8271-4, L. 8271-5 et L. 8271-6 et à l’article L. 8271-3, la référence : « L. 8271-1 » est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 » ;
2° Aux articles L. 1454-1, L. 8271-1 et L. 8271-8-1, la référence : « L. 8271-7 » est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 » ;
3° L’article L. 8271-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-7. – Les infractions aux interdictions du travail dissimulé prévues à l’article L. 8221-1 sont recherchées par les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2. »
IV. – (Non modifié) Au second alinéa du VII de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, à l’article L. 413-2 et au premier alinéa de l’article L. 414-2 du code du cinéma et de l’image animée, la référence : « L. 8271-1 » est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 ».
V. – Au 1° de l’article L. 114-16-3 et aux premier et second alinéas de l’article L. 133-9-3 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 8271-7» est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 »
Mme la présidente. L'amendement n° 117, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Paragraphe I, 1°, article L. 8271-1-2
Supprimer les 1° et 9°.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous proposons de supprimer les références aux agents de contrôle de l’inspection du travail comme corps devant participer à l’interpellation des sans-papiers.
En avril 2009, le Bureau international du travail, à la suite des plaintes déposées par les syndicats des fonctionnaires du ministère du travail, précisément ceux qui sont visés par le présent article, a condamné le fait de confier au corps de l’inspection du travail des missions de police des étrangers, affirmant qu’une telle pratique était incompatible avec l’objectif de l’inspection du travail.
C’est un mélange des genres. On ne peut pas être inspecteur du travail, donc garantir les droits des salariés, et, dans le même temps, être un corps de répression. Or le texte engage les agents de contrôle à participer à la lutte contre les travailleurs sans papiers, et donc à être acteurs de leur interpellation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je me dois tout de même de rappeler que l’objet de cet article est de protéger les droits sociaux des travailleurs. Nous ne pouvons pas revenir en arrière sur ce point.
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Dans l’architecture actuelle du projet de loi, l’article L. 8271-1-2 du code du travail dresse, au titre des dispositions communes, la liste des agents compétents en matière de contrôle du travail illégal.
L’amendement reviendrait à ôter toute compétence en matière de travail illégal aux inspecteurs et contrôleurs du travail et aux agents de Pôle emploi, ce qui, vous le comprenez, n’aurait pas de sens.
Le Gouvernement émet en conséquence un avis défavorable. (M. Richard Yung s’exclame.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 117.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. Jean-Pierre Sueur. Huit voix contre huit !
Mme la présidente. L'amendement n° 118, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter le I par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Est ajouté un article L. 8271-6-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-6-3. - Dans le cadre de la recherche et de la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-7, constatant la présence de travailleurs étrangers sans autorisation de travail ayant le statut d’auto-entrepreneur et travaillant dans l’entreprise ou sur le lieu de travail de leur ancien employeur, sont habilités à dresser un constat de procès-verbal pour travail illégal. Ces travailleurs sont assimilés, dans le cadre de la procédure ouverte pour travail illégal à l’encontre de l’employeur, à des salariés ayant travaillé pour le compte de ce dernier. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Le présent amendement vise à répondre à un subterfuge utilisé par les employeurs d’étrangers sans autorisation de travail pour échapper aux sanctions.
En effet, il arrive souvent que ces employeurs demandent à leurs employés étrangers de démissionner et de prendre le statut d’auto-entrepreneur. C’était d’ailleurs l’un des risques que nous avions dénoncés lors du débat sur la loi de modernisation de l’économie portant création du statut d’auto-entrepreneur.
Le statut d’auto-entrepreneur permet de contourner les garanties du salariat. Il est donc utilisé par les employeurs d’étrangers sans foi ni loi. Cette pratique est courante dans la restauration, la presse s’en fait régulièrement l’écho. Nous assistons là à un véritable dévoiement de cette loi.
Nous demandons donc qu’il en soit pris acte et que les agents de contrôle soient habilités à dresser un constat de procès-verbal pour travail illégal, même lorsqu’il s’agit d’un statut d’auto-entrepreneur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
En la matière, je le rappelle, le juge prud’homal saisi d’un litige sur ce point peut à tout moment requalifier la relation contractuelle qui existe entre l’employeur et le salarié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Notre groupe votera, bien sûr, cet amendement.
Nous sommes mobilisés contre ce projet de loi, mais nous aurions souhaité que la majorité, de son côté, montre qu’elle le soutient par sa présence dans l’hémicycle.
Or nous constatons ce matin que cette présence est réduite à son strict minimum, puisque les amendements sont rejetés par égalité des voix, ce qui, me semble-t-il, n’est pas correct dans le débat parlementaire.
M. Philippe Dallier. Cela veut dire que vous n’êtes pas plus présents que nous !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 64.
(L'article 64 est adopté.)
Article 66
Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du même code est complété par deux articles L. 8272-2 et L. 8272-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 8272-2. – Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner par décision motivée la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République.
« La mesure de fermeture provisoire est levée de plein droit en cas de classement sans suite de l’affaire, d’ordonnance de non-lieu et de décision de relaxe ou si la juridiction pénale ne prononce pas la peine complémentaire de fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, mentionnée au 4° de l’article 131-39 du code pénal.
« La mesure de fermeture provisoire peut s’accompagner de la saisie à titre conservatoire du matériel professionnel des contrevenants.
« Les modalités d’application du présent article ainsi que les conditions de sa mise en œuvre aux chantiers du bâtiment et des travaux publics sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 8272-3. – (Non modifié) »
Mme la présidente. L'amendement n° 119, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après la référence :
L. 8211-1,
insérer les mots :
elle peut solliciter auprès du tribunal de grande instance la nomination d'un administrateur provisoire afin de mettre fin aux recours au travail illégal et d'assurer le respect des droits des travailleurs illégaux. Le tribunal détermine la nature et la durée des missions de cet administrateur. À titre subsidiaire et uniquement en cas de récidive
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. L’article 66 permet à l’autorité administrative d’ordonner la fermeture provisoire d’un établissement pour une durée de trois mois au plus, sur la base d’un procès-verbal relevant l’infraction et au motif de la répétition et de la gravité des faits constatés ainsi que de la proportion des salariés concernés.
Cet amendement vise à prévoir une sanction intermédiaire.
Les mesures consistant à déclencher la fermeture administrative d’un établissement sur la base d’un procès-verbal constatant l’emploi d’étrangers sans autorisation de travail ne paraissent pas efficaces. Cette sanction semble dissuasive certes, mais les faits étant également difficilement constatables elle est tout aussi difficile à appliquer.
Dans l’hypothèse où l’établissement serait bel et bien fermé pendant trois mois, cela pourrait avoir des conséquences économiques dramatiques pour l’établissement concerné comme pour les employés. Il faut donc assurer prioritairement la protection de ces travailleurs.
Pour cela, l’autorité administrative devrait être en capacité de solliciter en premier lieu la nomination d’un administrateur provisoire. Cet administrateur tenterait de remplir une double mission : d’une part, il essaierait de mettre un terme à l’illégalité dans laquelle se trouve la société, en s’assurant qu’elle n’a plus recours à l’emploi illégal ; d’autre part, il s’efforcerait de faire respecter les droits des travailleurs employés illégalement en les redirigeant, notamment, vers des organismes appropriés.
En somme, il s’agirait pour l’administrateur provisoire de mettre fin à l’illégalité constatée tout en protégeant les premières victimes, les travailleurs étrangers employés en dehors du cadre légal.
Bien entendu, si l’entreprise concernée par la nomination de cet administrateur récidivait et persistait à embaucher des travailleurs en dehors du cadre fixé par le code du travail, alors, le dispositif prévu par l’article 66 s’appliquerait.
Cet amendement prévoit une sanction intermédiaire, efficace et compatible avec la fermeture administrative. L’objectif est double : il s’agit de protéger les travailleurs employés illégalement sans nuire immédiatement à la vigueur économique d’une société.
L’adoption de cet amendement renforcerait le dispositif prévu par l’article 66.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
La fermeture, je le rappelle, ne pourra être prononcée que pour des faits graves et concernant évidemment un nombre significatif de salariés.
Par ailleurs, la mesure, prononcée par le préfet, se veut être une réponse rapide pour faire cesser la commission de l’infraction. La fermeture ne peut être prononcée que pour une durée de trois mois au plus.
Je précise que les droits des salariés sont évidemment maintenus dans cette circonstance.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
La procédure de fermeture administrative proposée à l’article 66 vise à sanctionner une entreprise qui aurait commis des infractions lourdes et répétées.
La durée de la fermeture, qui, dans tous les cas, ne pourra pas excéder trois mois, sera proportionnelle à l’importance des infractions constatées. En même temps, les droits des salariés étrangers seront garantis par l’introduction d’une obligation selon laquelle ils devront être informés de leurs droits pécuniaires et salariaux. Les modalités d’information seront précisées par décret en Conseil d’État.
Il n’y a donc pas lieu de prévoir la nomination d’un administrateur provisoire. Bien que louable, cet amendement est totalement inutile.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 66.
(L'article 66 est adopté.)
Article 67
Le même chapitre II est complété par un article L. 8272-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 8272-4. – Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner, par décision motivée prise à l’encontre de la personne ayant commis l’infraction, l’exclusion des contrats administratifs mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, pour une durée ne pouvant excéder six mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République.
« La mesure d’exclusion est levée de plein droit en cas de classement sans suite de l’affaire, d’ordonnance de non-lieu et de décision de relaxe ou si la juridiction pénale ne prononce pas la peine complémentaire d’exclusion des marchés publics mentionnée au 5° de l’article 131-39 du code pénal.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 120, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
par un article L. 8272-4 ainsi rédigé
par les mots :
par les articles L. 8272-4 et L. 8272-4-1 ainsi rédigés
II. - Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 8272-4-1. – Lorsqu’une personne publique signataire d’un contrat mentionné aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction à l’interdiction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut par décision motivée prise à l'encontre de la personne signataire dudit contrat, résilier ce contrat à ses frais et procéder à de nouveaux appels d’offres pour la continuation de l’exécution du contrat précité. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement a pour objet de permettre à une personne publique, très souvent une collectivité territoriale, de mettre fin à un marché public en cours d’exécution lorsque l’entreprise qui a obtenu le marché s’est vu signifier un procès-verbal constatant une infraction relative à l’embauche de salariés étrangers sans autorisation de travail.
Il me semble important, lorsqu’une personne publique s’aperçoit que l’un de ses sous-traitants n’a pas respecté les clauses du marché et a employé des salariés en situation irrégulière, qu’il puisse être mis fin au marché. Ce serait une possibilité pour les collectivités d’assumer leurs responsabilités en la matière.
J’insiste, mes chers collègues, il y va de notre crédibilité à nous qui affichons nos intentions de traquer les filières et de sanctionner les patrons « voyous ».
On constate tous les jours que des travailleurs illégaux sont ouvertement présents sur des chantiers publics. Outre que cela fait mauvais genre, cela démontre surtout que, si vous avez une volonté, monsieur le ministre, c’est moins celle de vous attaquer au problème que de rendre toujours plus difficile la vie des travailleurs étrangers, ce que vous faites sans arrêt !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, en particulier par les articles 46 et 47 du code des marchés publics.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet en conséquence un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 67.
(L'article 67 est adopté.)
Chapitre IV
Dispositions diverses
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TITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES
Chapitre unique
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Article 74 bis
L’article L. 731-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au second alinéa, après les mots : « l’informe », sont insérés les mots : « dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice de l’aide juridictionnelle ne peut pas être demandé dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen, lorsque le requérant a, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par l’office ainsi que par la Cour nationale du droit d’asile, assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 121 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 174 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 200 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 121.
M. Richard Yung. Le présent amendement vise à supprimer l’article 74 bis car nous considérons qu’il est inique et injuste.
Depuis le 1er décembre 2008, l’aide juridictionnelle peut être octroyée à tous les requérants qui remplissent les conditions exigées, quelle que soit la régularité de leur entrée sur le territoire national.
La suppression de l’exigence d’entrée régulière sur le territoire français pour demander l’aide juridictionnelle date de la dernière loi relative à l’immigration élaborée en 2006 – on en fait une tous les ans ou tous les deux ans, il faut donc bien les avoir en tête – et déjà vous nous demandez de légiférer en sens inverse...
L’article 74 bis a été bien malmené par la navette parlementaire, une assemblée défaisant le travail de l’autre.
Cet article nous étant revenu dans sa version initiale, la commission des lois du Sénat a donc rétabli les modifications qui avaient été introduites en première lecture.
Avant que la commission des lois du Sénat n’y apporte ces quelques sages mais insuffisantes modifications, l’article 74 bis interdisait à un migrant de bénéficier de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande de réexamen de sa demande d’asile.
On comprend bien ce qu’induisait cette mesure : on laissait entendre que toute nouvelle demande de protection serait par nature abusive. Pourtant, après le rejet définitif d’une première demande d’asile, seule la présentation d’éléments nouveaux permet le réexamen d’une demande. C’est la règle générale.
Cette mesure est donc une atteinte grave au droit d’asile !
Les modifications apportées par la commission des lois ne sont pas de nature à garantir aux demandeurs d’asile le bénéfice d’un recours effectif devant la juridiction en étant défendus. En effet, l’aide juridictionnelle ne pourra plus être demandée devant la Cour nationale du droit d’asile, dans le cas d’une demande de réexamen, dès lors que le requérant aura, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par l’OFPRA ainsi que par la CNDA assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.
Selon le rapporteur, le fait de refuser à certains demandeurs d’asile la possibilité de demander l’aide juridictionnelle serait justifié par l’article 15 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.
Bel exemple de ce que l’on fait dire à une directive européenne : tout et son contraire ! Je ne veux pas entrer dans une querelle d’interprétation der la directive ; il reviendra à la Cour de justice de l’Union européenne de se prononcer. Je n’entrerai pas non plus dans une querelle d’interprétation de l’article 15, mais je souligne que la directive, comme son intitulé l’indique, est relative, j’y insiste, à des « normes minimales ». Rien ne nous interdit donc d’aller plus loin !
C’est pourquoi nous proposons de conserver, dans notre droit national, la possibilité octroyée à tous les demandeurs d’asile de demander l’aide juridictionnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 174.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 74 bis restreint les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle des demandeurs d’asile devant la Cour nationale du droit d’asile, en rendant notamment inéligibles à l’aide juridictionnelle les demandes en réexamen des décisions de l’OFPRA devant la CNDA.
Pourtant, comme notre collègue Richard Yung vient de le rappeler, la jurisprudence du Conseil d’État a encadré la procédure de réexamen et fixé des critères précis pour la recevabilité d’une demande en ce sens.
Ainsi, le demandeur d’asile qui soumet des faits nouveaux a le droit de voir sa demande réexaminée et doit bénéficier, à ce titre, d’une admission au séjour et de conditions matérielles d’accueil. Le priver d’un conseil au titre de l’aide juridictionnelle serait une atteinte au droit au recours effectif.
Par ailleurs, la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 indique clairement, dans son article 32, que « si […] des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE, l’examen de la demande est poursuivi conformément aux dispositions du chapitre II ».
Priver de l’aide juridictionnelle les demandeurs d’asile dont la demande de réexamen est recevable est donc inacceptable et injustifiable. Il s’agit, là encore, d’un véritable déni de droit.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 200 rectifié.
M. Jacques Mézard. L’article 74 bis a pour objet d’interdire à un demandeur d’asile de solliciter l’aide juridictionnelle dans le cadre du recours dirigé contre une décision de l’OFPRA rejetant une demande de réexamen lorsque le requérant a déjà bénéficié de cette aide devant l’Office ou la CNDA.
En réalité, nous sommes là devant une présomption de mauvaise foi.
Comme en première lecture, nous nous opposons à cet article, même si la commission des lois du Sénat en a assoupli, je le reconnais bien volontiers, les modalités par rapport au texte de l’Assemblée nationale. Rien ne justifie objectivement qu’un demandeur d’asile ne puisse pas solliciter l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un tel recours.
Rappelons que la CNDA, créée il y a à peine deux ans, est déjà en suractivité. En instituant comme motif de renvoi la demande d’aide juridictionnelle après enrôlement, vous vous trompez de cible.
D’abord, ce motif de renvoi n’est pas le principal. Ensuite, vous écartez les raisons profondes de l’encombrement de la CNDA, et de l’OFPRA, d’ailleurs. La brièveté des délais et l’organisation des juridictions imposent, tout le monde le souligne, des conditions particulièrement chaotiques en matière de défense des dossiers, car les moyens nécessaires font défaut. Telle est la réalité !
Or, plutôt que de vous attaquer à ces problématiques complexes, mais essentielles, vous choisissez la facilité : restreindre le droit au recours effectif garanti à la fois par nos principes de valeur constitutionnelle et par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de libertés fondamentales.
Cette restriction, qui est tout à fait injustifiée, est d’autant plus regrettable que la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres vise non pas les réexamens, mais les recours devant d’autres juridictions.
Tous ces éléments nous ont conduits à vous proposer, mes chers collègues, cet amendement de suppression de l’article 74 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 121, 174 et 200 rectifié de suppression, et ce pour des raisons de fond.
Tout d’abord, je rappelle que l’article 74 bis, qui a été introduit par l'Assemblée nationale, vise à encadrer et à rationaliser l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d’asile, dont le poids budgétaire, il faut bien l’admettre de façon objective, a été multiplié par cinq depuis qu’a été supprimée la condition d’entrée régulière sur le territoire.
Nos collègues députés ont souhaité exclure du bénéfice de l’aide juridictionnelle des requérants sollicitant le réexamen de leur demande d’asile, considérant que la plupart de ces demandes présentaient un caractère dilatoire.
Comme l’ont reconnu nos collègues qui se sont exprimés sur la question, la commission des lois a atténué ces dispositions, en réservant l’hypothèse d’un demandeur d’asile qui n’aurait pas été entendu en première demande par un officier de protection ou par la Cour nationale du droit d’asile. Ainsi définies, ces conditions nouvelles permettent de trouver un équilibre entre la nécessaire rationalisation de l’accès à l’aide juridictionnelle devant la CNDA et, bien évidemment, les garanties essentielles apportées au demandeur d’asile.
Au demeurant, ces dispositions paraissent parfaitement conformes aux dispositions de l’article 15 de la directive du 1er décembre 2005.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements identiques de suppression.
Je rappelle, à l’instar de M. le rapporteur, que la disposition prévue est strictement conforme au droit communautaire. Cette réforme est justifiée par un double objectif.
Tout d’abord, il convient d’améliorer le fonctionnement de la CNDA, en réduisant les délais de traitement, qui sont aujourd’hui excessifs. À cet égard, j’indique que le Gouvernement a d’ores et déjà pris des dispositions de nature à renforcer les moyens en personnels de la CNDA, avec pour objectif que les demandes formulées auprès de l’OFPRA et de la CNDA soient traitées en moins d’un an.
Ensuite, il importe de prévenir les recours abusifs dans la mesure où il apparaît, dans la pratique, que les recours en réexamen sont le plus souvent dilatoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je veux bien accepter beaucoup de choses, mais j’aimerais avoir une précision.
Nous avons bataillé ici, lors de l’examen des crédits du ministère de la justice, pour maintenir le budget de l’aide juridictionnelle.
Aussi, pourriez-vous nous donner le nombre de demandes de réexamen concernées afin que nous connaissions l’amplitude des économies que nous allons réaliser ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Cet article doit être supprimé, car il est, à mon avis, inconstitutionnel.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. On verra !
M. Jean-Pierre Michel. Le recours est une voie d’appel. Or l’appel est un droit garanti par la Constitution et par les plus hautes juridictions. Priver une personne de l’aide juridictionnelle revient à l’interdire l’appel, ce qui me paraît totalement inconstitutionnel.
Et que l’on ne vienne pas nous parler ici de considérations budgétaires, car cela n’a rien à voir. La règle de droit prime la règle budgétaire !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Michel. Quant à l’appréciation portée sur les recours, je suis tout de même étonné de constater que certains d’entre nous ont le front de prétendre que des recours sont abusifs ou dilatoires.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On parle des demandes de réexamen !
M. Jean-Pierre Michel. Seule la juridiction concernée peut apprécier. En aucun cas il ne nous appartient de dire si tel est le cas ou on. Le droit d’appel est absolu…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un appel !
M. Jean-Pierre Michel. … et nous ne pouvons pas le limiter. Cet article sera l’un de ceux dont nous contesterons la constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je suis désolé, mon cher collègue, mais le réexamen n’est pas un appel. Le dossier a déjà été traité, et c’est à la lumière de nouveaux éléments qu’une demande de réexamen est déposée.
M. Jean-Pierre Michel. S’il y a des éléments nouveaux, il s’agit bien d’un appel !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un appel, puisque l’on reprend toute la procédure ! Il s’agit d’un nouvel examen de la demande, ce qui n’est pas tout à fait pareil. (M. Jean-Pierre Michel proteste.) Mon cher collègue, je ne peux pas vous laisser vous lancer dans des interprétations qui pourraient ne pas être confirmées par le Conseil constitutionnel…
M. Jean-Pierre Michel. Ce n’est pas grave ! Cela s’est déjà produit !
M. David Assouline. Cela peut vous arriver aussi !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre. Monsieur le sénateur, je confirme l’interprétation du président de la commission des lois : il s’agit d’un réexamen et non pas d’un appel.
D’ailleurs, je souligne que ce réexamen peut intervenir après trois étapes d’examen :…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Claude Guéant, ministre. … une par l’OFPRA, une par la CNDA, et une, de nouveau, par l’OFPRA.
Madame Goulet, pour répondre à votre question, je puis vous dire que ce sont près de 2 000 dossiers de réexamen qui font l’objet d’une demande d’aide juridictionnelle, ce qui représente un coût annuel de 230 000 euros.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite, par cette explication de vote, appuyer celle de notre collègue Jean-Pierre Michel.
Nous n’allons pas ergoter sur les termes. Le recours est possible, ce qui signifie que toute personne a la possibilité de demander un nouvel examen. Lui refuser d’emblée le droit à l’aide juridictionnelle est totalement contradictoire.
Certes, nous nous exposons à être contredits, mais ce n’est pas bien légiférer que de décider de refuser aux personnes concernées la possibilité concrète d’exercer les voies de recours prévues par la loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 121, 174 et 200 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 142 rectifié, présenté par Mmes Giudicelli et G. Gautier, MM. J. Gautier et B. Fournier, Mme B. Dupont, MM. Vasselle, Nègre, Ferrand et Demuynck et Mmes Lamure et Rozier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
demande de réexamen
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Cet amendement est à l’opposé des trois amendements identiques que nous venons de rejeter,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est clair !
M. Jacques Gautier. … car il vise à redonner à l’article 74 bis tout son sens.
En effet, le dispositif a été limité par un amendement prévoyant que l'aide juridictionnelle ne peut être refusée dans les cas de recours en réexamen qu'à la seule condition que l'étranger ait été préalablement entendu par l'OFPRA, ainsi que par la CNDA, assisté d'un avocat.
Cette condition, si elle était maintenue, entraînerait un encombrement du rôle de la CNDA et contribuerait naturellement à un allongement des délais d’examen par la Cour nationale.
D'ailleurs, il faut rappeler que, actuellement, l'OFPRA convoque dans près de 95 % des cas les primo-demandeurs, même s’ils ne sont que 76 % à répondre à cette convocation, et que, dans tous les cas, lors du premier recours, l'étranger a eu la possibilité, même s'il ne l'a pas utilisée, d'être assisté d'un conseil, en bénéficiant de l'aide juridictionnelle.
Il est donc logique que l’article 74 bis retrouve ici tout son sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui est contraire à sa position.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand même !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Je note que cet amendement vise à revenir au texte initial du Gouvernement. Même si le Gouvernement y est donc a priori plutôt favorable, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Pour notre part, cela ne vous surprendra pas, mes chers collègues, nous voterons, par cohérence et en toute logique, contre cet amendement.
En fait, on veut ici limiter l’accès à la CNDA. Or, de mémoire, la proportion de décisions positives en appel rendues par cette juridiction est de l’ordre de 30 % à 40 %, ce qui est très significatif. La CNDA joue donc aujourd’hui un rôle essentiel dans la défense du droit d’asile et des libertés des personnes qui y ont recours, rôle que nous souhaitons conforter.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, il s’agit en l’occurrence d’une de ces initiatives que les députés ont prises. Mais cela ne figurait pas dans le texte, très équilibré, du Gouvernement, qui n’avait décidé aucune mesure dans ce domaine ; il convenait de le préciser.
Nous avons, nous, cherché à élaborer un texte tout aussi équilibré, qui permette d’éviter les recours abusifs – ce à quoi est parvenue la commission des lois – tout en accordant des droits à ceux des demandeurs d’asile qui, pour les raisons les plus diverses, n’ont pu fournir tous les éléments nécessaires et défendre leurs droits, et dont la situation mérite vraiment un réexamen sérieux dans de bonnes conditions.
Par conséquent, nous tenons à ce que le texte de la commission des lois soit adopté en l’état ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le rapporteur a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci, monsieur Hyest !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 74 bis.
(L'article 74 bis est adopté.)
Article 75
(Non modifié)
L’article L. 741-4 du même code est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le 4° est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Constitue une demande d’asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités. »
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 122 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 201 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Tous deux sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 122.
M. Richard Yung. Nous souhaitons supprimer l’article 75, qui introduit la notion de « fraude délibérée », permettant ainsi de refuser l’octroi du statut de réfugié. Voilà une partition que nous connaissons bien : celle du tout-répressif !
L’article vise indirectement à élargir l’application de la procédure prioritaire, qui permet un examen dans un délai maximal de quinze jours, ou de quatre-vingt-seize heures en cas de rétention, privant ainsi les candidats à l’asile de tout titre provisoire de séjour.
Cette procédure ne nous convient pas, nous l’avons dit à de nombreuses reprises, car elle ne permet pas de respecter les droits fondamentaux des demandeurs d’asile.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré vendredi dernier – c’est tout récent - cette procédure conforme à notre Constitution. Nous en prenons acte ; nous respectons les juridictions ! Toutefois, nous persistons à considérer que l’absence de recours suspensif est, en l’occurrence, tout à fait dommageable pour le droit français.
La Cour européenne des droits de l’homme devrait prochainement dire si l’absence de recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile est compatible avec les principes généraux énoncés dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dans l’attente de cette décision, nous vous proposons de supprimer l’article 75.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 201 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise également à supprimer l’article 75 car, même si l’on nous affirme le contraire, il permet d’ajouter un nouveau cas autorisant l’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire dont on sait, par définition, qu’elle est moins protectrice des droits du demandeur.
Il suffit de lire le rapport pour en avoir la confirmation : il existe une différence de vues considérable entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Les débats de première lecture l’ont démontré de manière très claire ! Cette fois encore, nous recherchons la cohérence entre un certain nombre des positions de principe qui avaient été retenues par le Sénat en première lecture.
L’article 75 justifie la non-délivrance d’un titre provisoire de séjour et permet encore à l’administration d’expulser le demandeur avant même l’examen par la Cour nationale du droit d’asile de la décision de rejet, sans parler de la caractérisation de l’absence de recours suspensif pour les personnes invoquant des risques de persécution en cas de renvoi dans leur pays.
L’objectif est bien de restreindre la possibilité pour le demandeur d’obtenir une autorisation provisoire de séjour ; voilà la finalité !
Selon le droit en vigueur, il revient à l’administration de démontrer que la dissimulation constitue une fraude délibérée. Or cet article 75 – d’où l’importance du débat ! – inverse la charge de la preuve puisque, par exemple, la fraude pour dissimulation d’informations concernant l’identité est présupposée, à charge pour le demandeur d’asile d’apporter la justification que cette dissimulation correspond à des motivations légitimes. C’est donc un renversement total !
En outre, les délais particuliers de procédure ainsi que la complexité de celle-ci alourdiront les obligations du demandeur, au risque bien évidemment d’affaiblir sa demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il faut le répéter, stricto sensu l’article 75 du projet de loi n’étend pas le champ des hypothèses justifiant l’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire. Il précise la notion de « demande d’asile reposant sur une fraude délibérée », référence figurant déjà au sein des dispositions de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
L’objectif est de prévenir les pratiques de certains demandeurs d’asile qui altèrent leurs empreintes digitales, afin d’empêcher leur identification par le système EURODAC, ou qui taisent sciemment certains éléments de leur parcours, tels que des séjours antérieurs dans d’autres États membres de l’Union européenne.
De telles pratiques sont déjà sanctionnées par le juge administratif. L’article 75 du projet de loi permettra d’unifier les pratiques des préfectures en la matière.
C’est pourquoi la commission est défavorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements identiques, pour les raisons qui ont été données par le rapporteur.
J’ajoute que cette disposition ne prive les personnes en cause ni du droit à demander l’asile, ni du droit à obtenir une protection ; elle vise seulement à aménager les modalités procédurales de l’examen de leur demande d’asile en les soumettant à une procédure prioritaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 122 et 201 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 123, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles L. 741-4, L. 742-2, L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont abrogés.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Le principe de l’admission au séjour des demandeurs d’asile jusqu’à la décision de la Cour nationale du droit d’asile a été consacré par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d’État.
Mais quatre exceptions à ce principe sont prévues par l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il s’agit des personnes dont la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne en application du règlement Dublin II, des personnes originaires d’un pays considéré comme « sûr », des personnes qui représentent une menace grave pour la société et des personnes dont la demande reposerait sur une fraude délibérée.
Cela fait beaucoup de monde !
Or les personnes relevant de ces quatre exceptions voient leur demande d’asile examinée en procédure dite « prioritaire ». Je vous ai dit tout le mal que nous pensons de cette procédure ; je n’y reviens pas, sinon pour préciser qu’elle concernait, en 2009, 22 % des demandes d’asile et, en 2010, un quart de ces demandes, ce qui est considérable !
Certes, la semaine dernière, le Conseil constitutionnel a déclaré la procédure prioritaire conforme à la Constitution, mais cela ne change rien au fait que cette procédure est inéquitable et injuste.
Nous considérons que le Conseil a validé un système qui institutionnalise le risque de renvoi vers des pays où les demandeurs pourraient subir des persécutions.
Par conséquent, en proposant l’abrogation de ces différents articles du CESEDA, nous voulons garantir à tous les demandeurs d’asile un titre de séjour, le droit à un recours effectif et le bénéfice de conditions matérielles d’accueil.
Mme la présidente. L'amendement n° 175, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 741-4 du même code est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Petit à petit, monsieur le ministre, vous dénaturez le droit d’asile et conséquemment la demande d’asile. Vous partez du principe que la grande majorité des personnes qui demandent l’asile n’y ont pas droit et sont, de ce fait, des fraudeurs…
Pour notre part, nous continuons à défendre le droit d’asile tel qu’il a été conçu à l’origine, et c’est pourquoi nous avons largement critiqué ce texte.
S’il existe plusieurs motifs pour demander à entrer dans un pays, la demande d’asile doit, selon nous, rester un droit individuel, car, par la création de catégories, votre conception du droit d’asile s’éloigne petit à petit de la vocation originelle de ce droit.
Les dispositifs existants permettent déjà de refuser le droit d’asile à un nombre considérable de personnes. D’ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, si la France compte le plus grand nombre de demandeurs d’asile, c’est aussi le pays où le nombre des refus est le plus important ! Au bout du compte, à population équivalente, la France délivre moins d’autorisations que d’autres pays. Elle n’est donc pas si généreuse et sait utiliser les dispositifs existants pour opposer un refus à de très nombreux demandeurs d’asile. Avec ces nouvelles dispositions, vous allez encore augmenter le nombre de ces refus.
Je partage l’avis de mon collègue : avec cette nouvelle procédure prioritaire, vous privez d’un certain nombre de droits les demandeurs d’asile, partant du principe que la plupart d’entre eux fraudent délibérément, notamment sur leur identité.
C’est oublier ceux qui fuient les persécutions, qui ont subi des actes de torture, des peines ou des traitements que le droit international qualifie de « cruels, inhumains ou dégradants », cela de la part d’agents étatiques de pays que, à tort, vous considérez souvent comme « sûrs » ! Mais on sait bien les relations que nous avons avec ces pays...
Ces demandeurs d’asile, parce qu’ils ont perdu totalement confiance dans tout ce qui incarne l’autorité, peuvent, c’est vrai, refuser de révéler des informations au stade de leur admission.
Cependant, contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, ils font partie des cas tout à fait légitimes de demandes d’asile. Et, même s’ils ne représentent qu’une minorité, il faut les respecter, d’autant que, franchement, les procédures qui existent aujourd’hui sont bien suffisantes pour écarter des fraudeurs. Inutile d’en rajouter !
Mme la présidente. L'amendement n° 126, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L'article L. 741-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-4. - Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission au séjour en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres États.
« Les dispositions du présent article ne font pas obstacles au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait dans ce cas. » ;
2° L'article L. 742-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 742-2. - Lorsqu'il apparaît, postérieurement à son admission au titre de l'asile, que l'étranger se trouve dans le cas prévu à l'article L. 741-4, le document provisoire de séjour peut être retiré ou son renouvellement refusé. » ;
3° À l'article L. 742-4, les mots : « au 1° de l’article L. 741-1 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 741-1 » ;
4° Au second alinéa de l'article L. 723-1, après les mots : « a été refusé ou retiré pour », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « le motif mentionné à l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour ce motif le renouvellement de ce document ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 125, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 4° de l’article L. 741-4 du même code est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. En vertu du 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est possible de refuser l’accès au territoire à un étranger avant même que celui-ci ait déposé sa demande de droit d’asile.
Mais il faut prendre en considération les situations concrètes. Lorsque des personnes sont persécutées, pourchassées, qu’elles vivent des situations humainement très difficiles et sont dans le plus profond désarroi, elles arrivent en France comme elles peuvent ; elles ont peut-être gagné nos côtes sur des radeaux de fortune ; elles ont parfois fait appel à des passeurs.
Arguer des conditions dans lesquelles elles arrivent en France pour décider a priori qu’elles ne pourront pas présenter de demande de droit d’asile nous paraît contraire au droit.
Mme la présidente. L'amendement n° 124, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Patient, Mme Printz, M. Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À l’article L. 722-1, après le mot : « office », la fin de la première phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
2° À l’article L. 741-4, après le mot : « susmentionnée », la fin du 2° est supprimée.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement concerne la liste des pays d’origine sûrs, qui ne nous paraît pas satisfaisante.
Nous avons eu ici, voilà plusieurs années déjà, un grand débat sur le droit d’asile, au cours duquel nous avons présenté nos positions à ce sujet.
Dans un arrêt du 23 juillet 2010, le Conseil d’État a, par exemple, invalidé la présence du Mali, de Madagascar, de l’Arménie et de la Turquie dans la liste des pays d’origine sûrs.
Je tiens à rappeler, mes chers collègues, qu’en première lecture le Sénat avait décidé d’aligner la définition des pays d’origine sûrs sur celle qui figure à l'annexe II de la directive 2005/85/CE relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. Par la suite, cette amélioration a été supprimée, sans débat – j’insiste sur ce point – par l’Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur concerné, qui a donc contredit la position du Sénat.
Il faut, à notre avis, en revenir à l’état d’esprit du Sénat lors de la première lecture, d’autant plus que l’argumentation du rapporteur de l’Assemblée nationale n’a pas été probante sur ce point.
La solution la plus simple est donc, à notre sens, la suppression de la liste des pays d’origine sûrs. Cette dernière est en effet, par essence, difficile à établir.
Mme la présidente. L'amendement n° 128, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l’article L. 723-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est supprimé.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le demandeur d’asile placé en procédure prioritaire ne bénéficie pas d’un droit au séjour. Par conséquent, il peut être reconduit à la frontière dès lors que la décision de rejet de sa demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, lui a été notifiée. En effet, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, n’a pas d’effet suspensif.
Nous connaissons la teneur de la jurisprudence du Conseil constitutionnel à ce sujet, monsieur le ministre, et il n’est donc pas nécessaire de nous la rappeler.
Néanmoins, nous considérons que ce dispositif institutionnalise le risque de renvoi de demandeurs vers des pays où ils pourraient subir des persécutions avant même qu’ils aient pu accéder à un juge. Le droit d’accès à un juge est pour nous un droit fondamental.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 127, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement concerne également l’article 75 du présent projet de loi, article qui tend à préciser la notion de « fraude délibérée » permettant de refuser l’octroi du statut de réfugié.
Cet article vise indirectement à élargir l’application de la procédure prioritaire. Or, cette procédure accélérée – je rappelle qu’elle consiste en l’examen d’une demande d’asile, dans un délai maximum de quinze jours, ou quatre-vingt-seize heures en cas de rétention, au lieu de cent quatorze jours en moyenne – prive les candidats à l’asile de tout titre provisoire de séjour et autorise l’administration à les expulser avant même l’examen par la CNDA de la décision de rejet de la demande d’asile.
Ainsi que l’a dit M. Yung voilà quelques instants, la Cour européenne des droits de l’homme devra prochainement se prononcer sur la question de savoir si l’absence de recours suspensif devant la CNDA est conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il nous paraît tout à fait sage de ne pas statuer avant cette prochaine décision de la Cour européenne des droits de l’homme.
Mme la présidente. L'amendement n° 130, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, ne peut être considérée comme un recours abusif ou frauduleux, la demande d’asile présentée par un étranger qui invoque des circonstances susceptibles de lui permettre de se voir reconnaître, le cas échéant, la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, il s’agit de circonscrire l’application de la notion de recours frauduleux ou abusif aux seules demandes manifestement dilatoires. Si l’intéressé invoque les éléments permettant de le rattacher à une demande d’asile, il doit être admis au séjour.
Mme la présidente. L'amendement n° 133, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article L. 723-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois l’office peut, au vu des éléments présentés à l’appui de la demande d’asile, décider que l’instruction de la demande se fera selon la procédure normale. Dans ce cas, l’office informe l’étranger et l’autorité administrative compétente qui lui délivre le titre provisoire de séjour prévu à l’article L. 742-1. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement vise à donner à l’OFPRA une certaine souplesse dans l’examen des dossiers. Nous considérons en effet que l’OFPRA doit décider si l’instruction des dossiers doit se faire selon la voie prioritaire ou selon la voie normale. Une telle mesure constituerait un gage d’objectivité et permettrait d’éviter que les préfets, soumis à l’autorité du ministère de l’intérieur, ne puissent décider souverainement de cette question.
Mme la présidente. L'amendement n° 129, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le quatrième alinéa de l’article L. 723-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est supprimé.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 135, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 742-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En conséquence, aucune mesure d’éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile si un recours a été formé auprès de celle-ci. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement vise à consacrer le caractère suspensif du recours formé devant la CNDA à l’encontre de toute mesure d’éloignement.
En effet, les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire peuvent à tout moment être éloignés du territoire si leur demande a été rejetée par l’OFPRA.
Le juge a souvent tendance à s’en remettre à l’appréciation négative faite par l’OFPRA, si bien que les annulations par le juge administratif des mesures d’éloignement sur le fondement de ce recours sont très rares. Pour ces raisons, nous considérons que le droit à un recours effectif devant le juge, tel qu’il est garanti par l’article 13 de la Convention européenne des sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est dénié à l’étranger dont la demande d’asile est examinée selon la procédure prioritaire.
Il est par conséquent essentiel que tous les demandeurs d’asile puissent interjeter un recours suspensif devant la CNDA, car celle-ci, contrairement au juge administratif, est spécialisée pour traiter des questions d’asile. Je note d’ailleurs que la CNDA annule un très grand nombre de décisions de l’OFPRA.
Cela signifie donc que, en l’absence de ce recours, des personnes déboutées par l’OFPRA auraient pu être renvoyées dans leur pays d’origine alors que la CNDA a ensuite reconnu qu’ils y étaient en danger et qu’ils devaient donc rester sur le territoire français.
Nous n’avons pas le droit de prendre ce risque. Telle est la raison du dépôt de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 131, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Un rapport est remis au Parlement par le Gouvernement avant le 31 mai 2011 sur l’application en France du Règlement CE-343/2003 dit « Dublin II » et les coûts de sa mise en œuvre.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement concerne le règlement dit « Dublin II », récemment remis en question par un arrêt de la cour de Strasbourg.
Nous critiquons l’approche gestionnaire de la question de l’asile, qui ne prend pas suffisamment en compte l’aspect humain.
Aujourd’hui, nous proposons à nouveau cet amendement, car nous assistons à un véritable dialogue de sourds au niveau européen sur la question de l’immigration. Les gouvernements refusent en effet d’envisager une quelconque solidarité européenne.
Les événements du 12 avril dernier nous confortent dans cette position.
Au-delà du règlement Dublin II, tout le système de Schengen est aujourd’hui fragilisé et remis en cause. Personnellement, cela ne me chagrine pas beaucoup – je m’étais en effet opposé aux accords de Schengen, à l’époque –, mais la question mérite d’être mieux examinée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je tiens à indiquer aux membres de la Haute Assemblée que l’ensemble de ces amendements ont déjà été examinés en première lecture. Je redonnerai néanmoins le point de vue de la commission des lois sur chacun d’eux.
L’amendement n° 123 tend à supprimer la procédure prioritaire. Permettez-moi de rappeler que le délai moyen d’examen d’une demande en procédure normale est d’environ dix-neuf à vingt mois, en incluant le recours devant la CNDA. Il est donc indispensable de conserver le dispositif de la procédure prioritaire. La commission est par conséquent défavorable à cet amendement.
Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable aux amendements nos 175 et 126.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 125. Il paraît en effet essentiel de conserver la possibilité d’examiner une demande d’asile selon la procédure prioritaire, afin d’empêcher que des demandes manifestement dilatoires – c’est bien là le risque que nous tâchons de combattre – ne fassent échec à l’exécution d’une procédure d’éloignement. Je rappelle toutefois que la procédure prioritaire ne fait pas obstacle à ce que l’OFPRA entende le demandeur et, le cas échéant, lui reconnaisse la qualité de réfugié.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 124, qui tend à supprimer les dispositions du code des étrangers relatives à la notion de pays d’origine sûr.
La notion de pays d’origine sûr est issue du droit communautaire. En effet, le protocole annexé au traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 prohibe en principe les demandes d’asile entre États membres de l’Union européenne. Selon la directive du 29 avril 2004, un pays est considéré comme sûr s’il veille au respect des principes de liberté, de démocratie et d’état de droit, ainsi qu’au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’article 23 de la directive du 1er décembre 2005 permet d’examiner les demandes présentées par les ressortissants de ces pays selon la procédure prioritaire.
Je ferai trois remarques.
Tout d’abord, cette notion de « pays sûr » n’induit qu’une présomption de sécurité et ne fait pas obstacle, évidemment, à une reconnaissance de la qualité de réfugié par l’OFPRA ou par la Cour nationale du droit d’asile.
Par ailleurs, la liste des pays sûrs est établie par le conseil d’administration de l’OFPRA sous le contrôle du juge administratif, qui examine attentivement si toutes les conditions sont réunies.
Enfin, en toute hypothèse, un demandeur d’asile ressortissant d’un pays d’origine sûr ne peut pas être éloigné avant que l’OFPRA ne se soit prononcé sur sa demande.
L’utilisation de cette notion est donc entourée de nombreuses garanties.
La commission des lois émet également un avis sur l’amendement n° 128, pour les raisons précédemment données, de même que sur les amendements nos 127 et 130.
La commission est aussi défavorable à l’amendement n° 133 qui, je le rappelle, a pour objet de permettre à l’OFPRA de décider qu’une demande d’asile examinée en procédure prioritaire le sera en procédure normale, ce qui permettrait de délivrer une autorisation provisoire de séjour au demandeur.
La décision d’admission au séjour des demandeurs d’asile relève non de l’OFPRA mais de l’autorité préfectorale. Celle-ci ne peut toutefois refuser l’admission au séjour du demandeur que dans quatre hypothèses limitativement énumérées, sous le contrôle du juge administratif saisi, le cas échéant, par la voie d’un référé-liberté. Un mécanisme de contrôle existe donc bien.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 129.
S’agissant de l’amendement n° 135, permettez-moi de formuler quelques observations déjà présentées en première lecture.
Cet amendement tend à instaurer un recours suspensif devant la CNDA contre les décisions de rejet de l’OFPRA.
En 2007, notre droit a été modifié afin d’introduire un recours suspensif contre le refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Gebremedhin : désormais, un étranger qui sollicite l’asile à la frontière ne peut pas être refoulé avant que le juge administratif ne se soit prononcé sur le caractère manifestement infondé de sa demande.
Deuxièmement, l’absence de caractère suspensif du recours devant la CNDA, s’agissant des demandes formulées sur le territoire, a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993.
Troisièmement, dans les faits, d’après les informations que nous avons recueillies au cours de nos auditions, les préfectures s’abstiennent déjà, la plupart du temps, d’éloigner un étranger dont le recours est pendant devant la CNDA. Les choses sont donc assez claires.
Voilà quelques jours, le Conseil constitutionnel a considéré qu’aucun changement de circonstance ne justifiait une modification de sa position adoptée en 1993.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 135.
S’agissant enfin de l’amendement n° 131, la commission y est extrêmement défavorable. Cet amendement prévoit en effet la remise au Parlement d’un rapport supplémentaire, et la jurisprudence de la commission des lois est constante en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Comme la commission des lois, le Gouvernement est défavorable aux amendements qui ont été présentés. J’ajouterai simplement quelques éléments de réflexion à ce que vient de dire M. le rapporteur.
S’agissant de l’amendement n° 123, il n’est en aucune façon question de lutter contre la fraude. Il s’agit simplement d’appliquer un principe de responsabilité de chaque État membre, dans le cadre d’une coopération loyale entre les États européens. Cette coopération constitue la contrepartie de la libre-circulation entre ces mêmes États. Permettez-moi d’ajouter que, bien évidemment, dans chacun des États membres de l’Union européenne, les mêmes principes de l’asile politique s’appliquent. Les droits en vigueur dans les États de l’Union européenne sont à cet égard identiques.
Monsieur Sueur, s’agissant de l’amendement n° 125, vous considérez que les auteurs de demandes d’asile multiples formées sous des identités différentes, ainsi que les personnes se trouvant en France de manière irrégulière et durable qui présentent leur demande d’asile au moment de leur éloignement, doivent bénéficier d’un droit au séjour provisoire, au même titre que l’ensemble des demandeurs d’asile de bonne foi.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il faut en effet traiter d’une manière particulière les cas des personnes manœuvrant pour prolonger de façon irrégulière leur séjour dans notre pays.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas cité ces personnes-là ! Les situations dont j’ai parlé étaient différentes !
M. Claude Guéant, ministre. M. Sueur a fait remarquer, en présentant l'amendement n° 124, que la liste des pays sûrs était établie sous le contrôle du Conseil d’État. C’est une garantie qui mérite d’être soulignée. J’ajoute que ce dispositif préserve pleinement le droit à l’examen individuel de la demande par l’OFPRA, avec toutes les garanties qui en découlent ; il convient simplement d’aménager l’examen procédural des demandes.
Enfin, le préjugé défavorable dont, en défendant l'amendement n° 133, a fait montre M. Michel à l’égard du ministère de l’intérieur me peine quelque peu. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je lui indique, de façon plus objective, que les préfectures font un usage opportun et équilibré de la procédure prioritaire. Ainsi, en 2010, ce sont moins de 25 % des demandes qui ont été traitées par ce biais.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 75.
(L'article 75 est adopté.)
Article 75 ter
L’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de faciliter la possibilité ouverte aux intéressés de présenter leurs explications à la cour, le président de cette juridiction peut prévoir que la salle d’audience de la cour est reliée, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission avec une salle d’audience spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice plus aisément accessibles par le demandeur, dans des conditions respectant les droits de l’intéressé prévus par le premier alinéa. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à sa disposition. Si l’intéressé est assisté d’un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui. Ces opérations donnent lieu à l’établissement d’un procès-verbal dans chacune des salles d’audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore. Le requérant qui refuse d'être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du deuxième alinéa. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 136 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 176 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 202 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 136.
M. Jean-Pierre Michel. L'article 75 ter permet à la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, de recourir à la visioconférence pour entendre les demandeurs d’asile, que ceux-ci se trouvent dans les territoires ou départements d’outre-mer ou en France métropolitaine.
J’aurais été étonné que ce texte ne prévoie pas de visioconférence ! En effet, l’administration du ministère de la justice et celle du ministère de l’intérieur semblent avoir trouvé là la panacée en matière de procédures judiciaires pour remédier à l’absence de personnels, à l’impossibilité de tenir des audiences foraines, etc.
Le recours à ce procédé technique se développe. Il en a déjà été question lors de l’examen du projet de loi relatif à la garde à vue – l’application d’un tel dispositif posera d’ailleurs, à mon avis, de graves problèmes. Il en sera encore question lorsque nous débattrons de la réforme de l’hospitalisation d’office, puisqu’il est envisagé que des patients hospitalisés d’office soient obligatoirement traduits devant le juge par visioconférence. On se demande bien comment l’audience pourra se dérouler dans de telles conditions, ces personnes ayant déjà du mal à s’exprimer quand les entretiens ont lieu en face à face.
Le projet de loi que nous examinons prévoit à son tour que les demandeurs d’asile pourront être auditionnés par visioconférence. Tout cela est extravagant ! Une audience suppose un face à face physique entre la personne convoquée et celle qui décide, à savoir le magistrat. Cela me paraît un principe absolu du débat contradictoire.
Certes, le rapporteur a introduit un certain nombre de garanties, notamment l’exigence du consentement de l’intéressé. Mais ces précautions ne pèseront pas lourd et seront vite balayées : les demandeurs d’asile sont, de fait, en situation d’infériorité, et ils auront tendance à accepter ce qui leur sera proposé, par peur que leur refus ne compromette leur avenir.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression pure et simple de l'article 75 ter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 176.
Mme Éliane Assassi. La possibilité d’utiliser la visioconférence pour la tenue d’audience de la Cour nationale du droit d’asile est une entorse à l’égalité de traitement entre les étrangers demandeurs d’asile.
À l’origine, l’article ne prévoyait cette possibilité que pour les demandeurs d’asile se trouvant en outre-mer, mais il est désormais question d’étendre cette possibilité à tous les requérants : ceux de province qui n’ont pas les moyens de se rendre en région parisienne et ceux dont les frais de transport ne sont pas pris en charge.
Si un tel dispositif peut sembler se soucier de l’intérêt des demandeurs d’asile, puisqu’il permettrait à ces derniers de ne pas avoir à se déplacer à Montreuil-sous-Bois, siège de la CNDA, la visioconférence aura surtout pour conséquence la suppression des missions foraines de la CNDA, notamment de ses déplacements en outre-mer, suppression essentiellement motivée par la diminution des dépenses engagées.
Cette présence est pourtant nécessaire, car la visioconférence, même encadrée de toutes les garanties que l’on saurait imaginer, ne remplacera en aucun cas l’instruction d’une audience avec un véritable dialogue. Il s’agit d’un droit pour le requérant, d’une protection qu’il ne faut en aucun cas lui ôter.
C’est pourtant ce à quoi aboutira l’adoption de cet article pour les demandeurs d’asile outre-mer qui, cette possibilité existant, n’auront plus d’autre solution, sinon celle de se rendre dans les locaux de la CNDA, en région parisienne. Or, cela introduit une inégalité de droits.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 202 rectifié.
M. Jacques Mézard. Nous l’avons rappelé lors du vote de la LOPSSI 2, nous ne sommes pas très favorables au recours aux moyens de communication audiovisuelle dans le cadre des procédures juridictionnelles, surtout quand il s’agit de privation des libertés, en raison de l’atteinte qu’il porte de façon inhérente aux droits de la défense.
Moderniser le procès, pourquoi pas ? Nous y sommes tout à fait favorables, mais nous pensons que le moyen le plus efficace pour atteindre un tel objectif est d’apporter aux juridictions les moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Le développement du recours aux nouvelles techniques dans l’administration de la justice est inquiétant à partir du moment où l’on se refuse à tout recul objectif et à toute analyse rétrospective. Le contact entre celui qui doit décider, d’une part, et l’ensemble des parties, d’autre part, demeure primordial pour la compréhension et l’équité du procès ou de la décision à prendre. Il s’agit d’apprécier le comportement, les motivations de la personne vis-à-vis de laquelle sera prise une décision extrêmement importante, qui conditionnera son avenir, ce qu’un écran ne pourra jamais fidèlement représenter.
Or cet article touche une question essentielle au regard de l’impératif de protection de l’équilibre de la procédure.
De ce point de vue, l’état du droit est assez clair.
L’arrêt Marcello Viola c/Italie de la Cour européenne des droits de l’homme du 5 octobre 2006 a posé pour principe que, « si la participation de l’accusé aux débats par vidéoconférence n’est pas en soi contraire à la Convention, il appartient à la Cour de s’assurer que son application dans chaque cas d’espèce poursuit un but légitime ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le demandeur d’asile n’est pas un accusé !
M. Jacques Mézard. Monsieur le président de la commission, vous intervenez toujours avec beaucoup de pertinence, lorsque je prends la parole, pour me rappeler un certain nombre d’évidences ou de principes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’y suis bien obligé ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Il est vrai qu’on ne peut pas tout à fait faire le parallèle avec un procès pénal. J’allais y venir !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’ai l’esprit vif !
M. Jacques Mézard. Monsieur le président de la commission, je sais bien que les débats sont longs, mais il est normal que nous nous exprimions. Je suis toujours sensible à vos excellentes et pertinentes observations (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP), même si je ne les partage pas toujours, ce qui est aussi tout à fait normal. Et je n’ai pas toujours tort, tout comme l’opposition n’a pas toujours tort dans cet hémicycle !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La majorité a parfois raison ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Peut-être aurons-nous l’occasion de vous le rappeler dans quelques mois, si le rapport de force se renverse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Eh oui, on arrive !
M. Jacques Mézard. « En revanche » – j’essaie d’être objectif et je cite le rapport, une évolution ayant eu lieu à cet égard à la suite d’un débat approfondi entre l’Assemblée nationale et le Sénat –, « interdire à un requérant qui refuserait d’être entendu au moyen de la visioconférence de présenter ses observations directement […] risque d’introduire une inégalité de traitement entre les demandeurs d’asile ayant saisi la CNDA. » Nous sommes là face à une difficulté réelle, et nous savons que les modalités prévues à cet article pourront malheureusement faire surgir d’autres problèmes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
L’adoption de la mesure prévue à l'article 75 ter permettra à des demandeurs d’asile qui ont introduit un recours devant la Cour nationale du droit d’asile de s’exprimer et d’être interrogés, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui. En effet, dans les faits, la grande majorité d’entre eux ne viennent pas à l’audience. C’est donc plutôt un avantage que de leur offrir cette possibilité. Il ne faut pas perdre cela de vue.
Actuellement, les demandeurs d’asile ne se rendent pas aux audiences, pour mille et une raisons. Même leur conseil, pour ceux qui en ont un, ne se déplace pas. On a donc tout intérêt à leur permettre de participer au débat – dans ce que vous appelez communément « un procès », même si ce n’est pas le terme approprié d’un point de vue strictement juridique, puisqu’il ne s’agit pas d’une procédure pénale –, afin qu’ils soient entendus et fassent état de leurs observations.
J’attire votre attention sur le fait que la mise en place d’un tel dispositif est fortement attendue par la présidente de la CNDA. En effet, les avocats de province accompagnent rarement les personnes qu’ils assistent et ne se déplacent pas pour les représenter, principalement d’ailleurs pour des raisons pécuniaires. L’adoption de cette mesure permettra à la Cour d’entendre enfin les avocats et leurs clients.
Je précise que la commission a entouré cette possibilité d’un certain nombre de garanties, notamment en réintroduisant l’exigence du consentement de l’intéressé pour le recours à la visioconférence devant la CNDA. Ce n’est pas négligeable. Si le demandeur d’asile refuse cette possibilité, il sera convoqué régulièrement devant la CNDA. Il lui reviendra alors de se rendre ou non aux audiences ; cela relève de sa responsabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements identiques.
La visioconférence permet d’aller dans le sens d’une bonne administration de la justice. Comme vient de le souligner excellemment M. le rapporteur, elle participe également d’un souci de proximité avec les justiciables, puisqu’elle facilite l’accès des requérants qui n’ont pas les moyens ou la possibilité de se rendre dans les locaux de la CNDA.
Par ailleurs – et ce point n’est pas négligeable –, la visioconférence permettra d’élargir le cercle des avocats disponibles, y compris au titre de l’aide juridictionnelle.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136, 176 et 202 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 137, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Si l’intéressé est assisté d’un conseil et, le cas échéant, d’un interprète, ces derniers sont physiquement présents auprès de lui ou bien dans les locaux de la Cour nationale du droit d’asile selon le choix de l’intéressé.
2° Avant-dernière phrase
Remplacer les mots :
d’audience ou
par les mots :
d’audience et
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. En matière de visioconférence, dispositif auquel nous ne sommes pas favorables, mes collègues et amis ultramarins ont présenté cet amendement pour que soient pris en compte deux points importants à leurs yeux, dans la mesure où le système sera aussi utilisé outre-mer : le premier concerne la place des auxiliaires de justice lors de l’audience audiovisuelle, le second, le compte rendu de cette dernière.
Concernant le premier point, le projet de loi amendé place obligatoirement le conseil auprès du demandeur d’asile. Il s’agit, ici, non pas de remettre en cause la qualité des avocats d’outre-mer, mais de défendre la dignité et la responsabilité du demandeur : celui-ci, souvent assisté juridiquement et psychologiquement par une association, peut préférer que son conseil soit présent auprès des magistrats administratifs et le rendre ainsi plus à même de saisir l’atmosphère qui prévaut à la CNDA.
Bien évidemment, le décret d’application en Conseil d’État devra alors prévoir, entre autres modalités, la possibilité pour l’avocat de s’entretenir avec son client avant l’audience.
Il manque également une précision concernant l’intervention d’un interprète, rendue nécessaire pour de nombreuses auditions. Comme l’avocat, l’interprète doit pouvoir humaniser l’audience audiovisuelle par sa présence auprès du demandeur d’asile ou, au moins, respecter la pudeur du réfugié en étant au côté du juge.
Il est en revanche impensable de placer systématiquement auprès du magistrat l’interprète, qui reçoit le premier le témoignage d’un parcours douloureux, comme cela se fait lors des audiences audiovisuelles de l’OFPRA, sauf à vouloir limiter toute relation entre des personnes partageant la même langue.
Le second point que nos collègues ultramarins souhaitent corriger porte sur le rapport de l’audience. Il est prévu que cette dernière fasse l’objet d’un enregistrement soit sonore, soit audiovisuel.
Or les magistrats administratifs travaillent sur dossier. Pour reprendre le témoignage du demandeur d’asile, ils ne sauraient disposer que d’un enregistrement. Le dossier, pour être complet, doit être plus facilement accessible. S’il est possible de retrouver aisément une séquence dudit témoignage à partir d’un procès-verbal écrit, l’opération est beaucoup plus difficile à partir d’un simple enregistrement.
Nos collègues souhaitent donc que soit établi, en toutes circonstances, un procès-verbal écrit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement, on l’aura compris, a un double objet : d’une part, permettre à l’interprète qui assiste l’étranger d’être présent auprès de lui en cas d’audience réalisée par visioconférence ; d’autre part, et surtout, imposer que l’audience donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal et d’un enregistrement, alors que le texte du projet de loi prévoit que ces procédés sont alternatifs.
Je ferai trois observations.
Tout d’abord, l’assistance d’un interprète est déjà prévue par le droit en vigueur. Il est donc inutile de le préciser de nouveau.
Ensuite, dans un souci d’efficacité du dispositif, il est préférable de permettre à la Cour nationale du droit d’asile d’avoir elle-même recours aux interprètes présents dans ses locaux, plutôt qu’à des interprètes qui seraient recrutés en province ou outre-mer, dans des conditions qu’il conviendrait d’ailleurs de préciser. On comprend bien, en la matière, la nécessité d’assortir le dispositif d’un certain nombre de garanties sur les qualités de ceux qui seront amenés à assister les demandeurs.
Enfin, il ne paraît pas nécessaire d’établir, pour chaque opération, à la fois un procès-verbal et un enregistrement audiovisuel ou sonore. J’attire votre attention sur le fait qu’en matière pénale le code de procédure pénale ne rend pas un tel cumul obligatoire.
En toute hypothèse, le demandeur aura accès à l’intégralité de son dossier avant l’audience, comme cela a été spécifié dans le texte adopté par la commission.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 214, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Après le mot :
qui
insérer les mots :
, séjournant en France métropolitaine,
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement vise à prévoir que le consentement du demandeur n’est pas requis pour l’utilisation de la visioconférence par la CNDA, lorsque ce demandeur se trouve dans une collectivité d’outre-mer.
Votre commission des lois a souhaité conditionner le recours à la visioconférence au consentement de l’intéressé. Le Conseil d’État, dans un avis du 13 avril 2010, a indiqué que certaines circonstances de fait, comme l’éloignement de la juridiction, justifient de ne pas exiger un tel consentement.
Le Gouvernement propose donc de retenir un moyen terme : l’exigence de consentement est maintenue pour les demandeurs d’asile séjournant en métropole, mais pas pour ceux qui se trouvent dans une collectivité d’outre-mer, ce qui se justifie par les différences objectives de situation entre ces deux catégories de requérants.
Les collectivités d’outre-mer n’appartiennent pas à l’espace Schengen. Un demandeur d’asile étranger qui entre sur le territoire d’une d’entre elles n’a pas le droit de se rendre en métropole : pour ce faire, il doit demander une autorisation provisoire de séjour.
En créant, au bénéfice de la Cour nationale du droit d’asile, la possibilité d’utiliser la visio-audience, le projet de loi améliore la situation des étrangers qui demandent l’asile dans une collectivité d’outre-mer : le délai d’examen de leurs demandes sera significativement réduit, puisqu’il ne sera plus tributaire, comme aujourd’hui, de l’organisation de missions foraines.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement et s’en rapporte aux explications qui viennent d’être données. Il est notamment essentiel de faire une distinction entre les territoires selon leur appartenance ou non à l’espace Schengen.
Par ailleurs, il faut de nouveau souligner que le recours à la visioconférence constitue un progrès indéniable pour nos territoires d’outre-mer.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je voudrais, une nouvelle fois, porter la parole de nos collègues d’outre-mer, car ils voient dans cet amendement une mauvaise manière qui leur serait faite.
Le Gouvernement propose que le recours à la visioconférence devant la CNDA ne soit subordonné au consentement du requérant que lorsque celui-ci séjourne en France métropolitaine. La disposition ne s’appliquerait donc pas dans les territoires d’outre-mer.
Si cet amendement est adopté, il sera possible d’imposer aux requérants séjournant outre-mer d’être entendus par la CNDA via la visioconférence, même contre leur gré.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Richard Yung. De manière générale, nos collègues ultra-marins ne sont pas favorables au recours à la visioconférence pour les audiences de la Cour nationale du droit d’asile. Ils s’opposent résolument à ce que l’usage de moyens audiovisuels soit imposé à des requérants outre-mer.
Ils dénoncent l’utilisation faite par le Gouvernement des territoires d’outre-mer, considérés comme de véritables laboratoires pour tester les politiques d’immigration.
Il s’agit en l’espèce d’un traitement dérogatoire, prétendument justifié par l’éloignement. Mais ce sont des dérogations graves au droit commun : nous en avons un exemple criant avec l’absence de recours suspensif contre les mesures de reconduite prises en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint Martin.
Pour toutes ces raisons, nous appelons nos collègues à voter contre l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 75 ter, modifié.
(L’article 75 ter est adopté.)
Article 75 quater
(Supprimé)
TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 83
(Non modifié)
Les articles L. 311-9 et L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction issue de l’article 5 de la présente loi, l’article L. 314-9 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 20 de la présente loi, l’article L. 314-5 du même code dans sa rédaction issue de l’article 20 bis de la présente loi, l’article L. 211-2 du même code dans sa rédaction issue de l’article 21 quater de la présente loi, ainsi que l’article L. 213-1, l’article L. 511-1 à l’exception du deuxième alinéa du III, les articles L. 511-3-1, L. 511-4, L. 512-1 à L. 512-5, L. 513-1 à L. 513-4, L. 523-3 à L. 523-5, L. 531-1, L. 531-3, L. 533-1, L. 541-2, L. 541-3, L. 551-1, L. 551-2, L. 552-1 à L. 552-4, L. 552-6, L. 552-7 et L. 552-8, L. 552-9-1, L. 552-10, L. 553-1, L. 553-3, L. 555-1, L. 561-1 à L. 561-3, L. 571-1 et L. 571-2, L. 624-4, L. 742-3 et L. 742-6 du même code et les articles L. 222-2-1, L. 776-1 et L. 776-2 du code de justice administrative, l’article 729-2 du code de procédure pénale et l’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, dans leur rédaction issue des articles 23, 25, 26, 28 à 45 et 47 à 56 de la présente loi, sont applicables à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Mme la présidente. L’amendement n° 177, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 83 établit la liste des dispositions du présent texte qui seront applicables à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Mes chers collègues, pour vous épargner une longue énumération, j’indique seulement que sont concernés des articles du CESEDA, du code de justice administrative, du code de procédure pénale et de la loi relative à l’aide juridique.
L’amendement de suppression de cet article que nous vous demandons de bien vouloir adopter s’inscrit dans la suite logique de nos précédents amendements de même nature.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 83.
(L’article 83 est adopté.)
TITRE VII
DISPOSITIONS FINALES
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 84
(Non modifié)
Les articles 13 à 16, 22 à 30, 32 à 37, 40 à 46, 48, 49, 52 à 56, 57 à 67 et 78 entrent en vigueur à compter d’une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le jour de la publication de la présente loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 178, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Nous arrivons au terme de l’examen des articles. Vous l’aurez compris, dans la continuité de nos amendements de suppression de la quasi-totalité des dispositions du projet de loi, dont aucune n’a trouvé grâce à nos yeux, nous vous proposons, avec cet ultime amendement de cohérence, d’« achever » le travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y a pas, me semble-t-il, de quoi être fiers de la probable adoption par les sénatrices et les sénateurs de la majorité d’une énième loi qui tire encore plus vers le bas le droit des étrangers. (M. Michel Houel s’exclame.)
Nous n’avons pas, pour notre part, le sentiment du travail bien fait en l’espèce, loin s’en faut.
Si, habituellement, en matière d’immigration, notre assemblée joue un tant soit peu le rôle de « modérateur » face aux excès des députés UMP, tel n’a pas été le cas en l’occurrence.
J’en veux pour preuve – pour ne citer que lui, mais il est assez emblématique – l’article 17 ter sur le droit au séjour des étrangers malades, tel que rétabli sur l’initiative de notre rapporteur en deuxième lecture.
Le contenu de cet article comme la méthode employée pour l’intégrer au texte sont inacceptables. Ajoutée par l’Assemblée nationale en première et deuxième lectures, la disposition concernée avait pourtant été supprimée par deux fois, ici, en commission, avant d’être réintroduite par le rapporteur en personne.
On est en droit de se poser la question : d’où vient cette commande ? Loin de constituer une sorte de compromis entre les deux chambres, comme j’avais eu la naïveté de le dire, elle est en vérité la pire version qu’on pouvait craindre en la matière.
Sur le reste du texte, la majorité sénatoriale a été très timorée quant aux modifications apportées. Au lieu de supprimer les reculs les plus manifestes du projet de loi, elle s’est contentée de petits aménagements : entre autres choses, elle a prévu l’intervention du juge des libertés et de la détention au bout de quatre jours quand l’Assemblée nationale proposait cinq jours au lieu des quarante-huit heures fixées dans le droit en vigueur ; ou encore a-t-elle aménagé le dispositif des zones d’attente « sac à dos » alors qu’elles remettent en cause les droits des réfugiés.
Nous craignons que le pire n’arrive en commission mixte paritaire et que, in fine, ne soit retenue que la version de l’Assemblée nationale. D’autant que le Gouvernement est sur la même longueur d’onde que les députés UMP, comme il nous l’a montré avec ses différents amendements ; je pense notamment à celui qui visait à la remise en cause du droit du sol pour les jeunes majeurs.
Il est pourtant urgent et indispensable de cesser de mettre de l’huile sur le feu, d’attiser les haines, de dresser les hommes et les femmes les uns contre les autres.
Il faut cesser cette course folle dans laquelle s’est engagé le Gouvernement pour des raisons, je l’ai rappelé, électoralistes, et qui aboutit à la distillation dans notre société de la haine, du rejet de l’autre et du racisme.
Comment peut-on vivre ensemble avec des lois, des débats, des déclarations aussi stigmatisants ?
Il faut cesser de faire croire que la France est « trop » généreuse, que les immigrés lui coûtent très cher.
Nous l’avons dit et le répétons : non, la France n’est pas trop généreuse ; pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder les statistiques et autres rapports, notamment en matière d’asile et de regroupement familial.
Non, la France – comme l’Europe, d’ailleurs – n’est pas si accueillante que cela ! Vous le savez pertinemment : il y a davantage de migrations Sud-Sud que Sud-Nord.
Non, les immigrés ne coûtent pas d’argent à la France. Le solde de l’immigration est même excédentaire de 12 milliards d’euros. Et il ne faut pas oublier ce que l’immigration rapporte à la France, même si, en l’occurrence, on ne dispose pas de chiffrage en euros.
Ce qui coûte cher à la France, ce sont vos politiques libérales, la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, les cadeaux fiscaux faits aux nantis, etc.
Oui, demain, les pays de l’Union européenne seront confrontés à une baisse importante de leur démographie qui, conjuguée à l’allongement de la durée de la vie, va bouleverser le rapport entre actifs et inactifs.
Vous le savez, la solution envisagée pour maintenir les grands équilibres socio-économiques consiste en l’apport d’une main-d’œuvre immigrée. Ce qu’il faut, c’est éviter de reproduire, comme dans les années soixante, les mécanismes de la domination, de l’exploitation et de la mise en concurrence des travailleurs nationaux et immigrés, au profit exclusif du capitalisme.
Préparons dès maintenant notre avenir commun ! Le monde change, s’ouvre, mais pas seulement pour les marchandises et les capitaux. Les hommes et les femmes, eux aussi, se déplacent !
Nous ne pouvons pas rester enfermés dans notre « citadelle européenne ». Oui, la France est un pays ouvert sur le monde. Oui, la France est un pays d’accueil, et doit le rester. Oui, la France est métissée !
Dans ces conditions, nous rejetons avec force votre texte, qui n’honore ni notre pays ni les hommes et les femmes que nous sommes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Lors de l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi, nous avons présenté avec force nos amendements, non pour le plaisir de faire durer les débats, mais parce qu’il s’agit d’un texte symbolique, très chargé idéologiquement, et ce de votre propre choix. Il était bien sûr de notre responsabilité d’y répondre, en fonction tant de nos propres engagements que des engagements de personnes et d’associations actives dans le domaine de l’aide aux immigrés.
Nous vous l’avons dit, nous considérons que votre politique de l’immigration est pour le moins inefficace et que ce projet de loi n’est qu’un énième texte inutile.
Ce projet de loi pose de nombreux problèmes, y compris constitutionnels. Vous ne serez donc pas étonnés que nous déposions un recours auprès du Conseil constitutionnel, sur plusieurs sujets : la limitation des pouvoirs du juge, la modification de nombreux délais, dont nous avons débattu notamment au cours de la séance d’hier, la limitation de l’aide juridictionnelle, et j’en passe.
Plusieurs points restent en quelque sorte des sujets de contentieux.
C’est le cas de l’article 17 ter, tendant à limiter l’accès de l’étranger malade à l’autorisation de séjour de longue durée. Je peux vous assurer que l’émotion suscitée par le vote de la majorité sur cette question n’est pas près de s’éteindre, et qu’elle vous suivra.
C’est aussi le cas de l’interdiction de retour, que nous avons qualifié de « bannissement », un mot lourd de sens qui fait penser au capitaine Dreyfus…
Je pense également aux « mariages gris », à l’inversion de l’ordre d’intervention des juges judiciaire et administratif, à la création de zones d’attente à géométrie variable, à la visioconférence et à la limitation de l’aide juridictionnelle devant la CNDA.
Le débat en première lecture avait certes été marqué par la confrontation de deux approches, mais nous avions eu le sentiment que le Sénat, y compris grâce à certaines interventions du rapporteur ainsi qu’aux votes exprimés par la commission des lois et la majorité, avait fait évoluer le texte et l’avait amélioré sur un certain nombre de points.
Mais après ! À l’Assemblée nationale, le texte a été entièrement raboté par un groupe de députés aux positions extrémistes qui brandissent leur drapeau dès qu’il s’agit d’évoquer ces questions, avec le soutien bénévolent du Gouvernement, qui a introduit subrepticement plusieurs amendements. Nous ne sommes pas dupes de la stratégie adoptée : le texte qui est revenu au Sénat en deuxième lecture était évidemment défiguré.
Nous avons constaté, avec une certaine tristesse, que la commission des lois ainsi que la majorité n’avaient pas voulu se dresser contre ces modifications désastreuses, et que la recherche d’un compromis avait été négociée en vue de préparer la prochaine commission mixte paritaire.
Je le dis sans amertume, un seul de nos amendements a été adopté : présenté hier par Mme Tasca, il tendait à modifier un titre… Voilà le résultat de plusieurs dizaines d’heures de débat ! Cela signifie-t-il que nous avons toujours tort ?
Cela augure bien mal des travaux de la commission mixte paritaire et de la mise en œuvre de la politique d’immigration dans notre pays, au cours des prochains mois !
Pour notre part, nous avons présenté notre politique en la matière, et j’espère que nous serons bientôt en position de la mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce projet de loi, comme j’ai eu l’occasion de la dire, a déjà effectué un long parcours. Il a été soutenu, en effet, par trois ministres : M. Besson, l’ancien ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale, M. Hortefeux et, désormais, M. Guéant.
On ne répétera jamais assez que ce texte, au-delà de la nécessaire transposition dans notre droit d’une directive européenne, est motivé par une volonté d’affichage. Les débats relatifs à ce type de lois donnent l’occasion aux représentants du Gouvernement et de la majorité de distiller des poisons.
Ainsi, la France serait trop généreuse en matière de droit d’asile ; or cette information mensongère est contredite par les chiffres. Notre pays serait envahi par les étrangers, nous indique-t-on, alors même que le nombre d’étrangers en situation irrégulière est sensiblement le même depuis des années et que la plupart des migrations sont en fait intra-régionales, pour la simple raison qu’il n’est pas aussi facile que vous semblez le croire de franchir les mers et de multiples frontières. Par ailleurs, au regard de l’ensemble des pays européens, on ne peut pas dire que la France, qui avait auparavant la réputation d’offrir asile et travail, réponde encore à cette définition. Aucune de ces informations ne résiste donc à la réalité des chiffres.
Les résultats que vous escomptiez en menant cette politique d’affichage ne semblent pas probants, si l’on croit les derniers résultats électoraux et les opinions exprimées par les Français. À moins que vous ne pratiquiez la politique du pire, ce qui n’est pas impossible… Vous nous permettrez toutefois de vous mettre en garde contre ce choix.
Vous auriez pu abandonner ce texte, compte tenu des réactions qu’il provoque. Non seulement vous ne l’avez pas fait, mais vous persistez. Ce faisant, vous rendez toujours plus difficile la situation des personnes étrangères. En outre, vous introduisez des concepts que nous pensions à jamais proscrits : « bannissement », « Français d’origine étrangère », « mariages gris », etc. De ce point de vue, vous faites œuvre néfaste tout à la fois dans le pays, dans l’opinion, et auprès de l’ensemble des personnes qui résident sur le territoire national.
Toujours plus de suspicions de fraude, de menaces à l’encontre des étrangers, de différenciations, et ce qui en découle, à savoir le racisme, la haine, la peur des autres : ce type de politique ne peut avoir que des effets très négatifs.
Je regrette, à l’instar de mes collègues, que la majorité sénatoriale n’ait pas tenu bon sur ses positions plus mesurées de première lecture et se soit empressée, avant même d’y être contrainte par le fait majoritaire, de baisser les bras devant les gesticulations de l’Assemblée nationale.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois encore, le Gouvernement affiche ses priorités. Alors que plus de 8 millions de personnes vivent, en France, sous le seuil de pauvreté et que le chômage explose, la droite continue de se focaliser sur son fonds de commerce habituel : le repli sur soi et le rejet de l’autre.
Il n’y a rien d’étonnant à cela. Le projet ultralibéral a toujours marché sur deux jambes : d’un côté, la dérèglementation de toutes les règles de protection sociale, visant à mieux pressuriser les travailleurs et à augmenter les profits d’une poignée de nantis, de l’autre, une politique sécuritaire de stigmatisation des immigrés.
L’UMP utilise toujours ses vieilles recettes. Il n’y a rien d’étonnant, dès lors, à ce que le Gouvernement annonce, au moment où le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est en discussion au Sénat, la disparition partielle de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Voilà donc votre projet de société : la précarité pour tous les travailleurs, la libre circulation des capitaux au profit d’une minorité de rentiers, et la fermeture des frontières aux êtres humains contraints, pour des raisons sociales, humanitaires, voire écologiques, de s’arracher à leur terre.
Alors que les révolutions arabes ouvrent un nouveau chemin pour l’humanité tout entière, vous envoyez un message xénophobe à ces peuples en mouvement.
Au final, ce énième texte relatif à l’immigration est celui du racisme libéré, qui légitime l’idée d’une immigration coupable de tous les dégâts causés par les politiques libérales. Vos politiques libérales !
Ce texte marque le renforcement de l’immigration choisie, qui illustre votre conception inhumaine de la question. Pour vous, les immigrés sont des marchandises comme les autres. Encore que… : lorsqu’il s’agit réellement de marchandises, vous prônez l’ouverture complète des frontières !
Ce texte, qui instaure une peine de bannissement valable dans toute l’Union européenne, marque le retour à l’Ancien Régime.
Il met en œuvre une suspicion généralisée à l’encontre des étrangers, notamment au travers du durcissement des conditions d’accès à la nationalité par le mariage.
Accepter ce texte, c’est se soumettre aux déviances d’un gouvernement xénophobe, qui pourra décider par circulaire quels immigrés auront le droit de se faire soigner et lesquels devront retourner mourir dans leurs pays.
Bref, votre texte va à l’encontre de notre conception de la France républicaine. Pour nous, la France est belle lorsqu’elle est métissée. Nous devons faire France de tout bois : la France révolutionnaire, la République de 1793 accordait la nationalité française à tous ceux qui résidaient depuis un an sur le territoire.
Voilà ce que représente pour nous la France. C’est au nom de cette conception que je voterai contre le présent texte.
Vous décidez de rompre cette tradition républicaine en faisant fi de la réalité. Vous ne tenez même pas compte des rapports que vous avez vous-mêmes commandés. Une équipe de chercheurs de l’université de Lille a ainsi réalisé, en 2009, pour le compte du ministère des affaires sociales, une étude dont il ressort que l’immigration présente un solde positif de 12,4 milliards d’euros pour les finances publiques – les immigrés cotisent davantage qu’ils ne consomment de prestations –, auquel il faut ajouter d’autres apports, pas toujours monétaires, mais d’une grande importance sociale et économique : les immigrés occupent l’immense majorité des emplois dont peu de Français veulent. Dans cette optique, le Conseil d’orientation des retraites, dont vous vantiez pourtant les rapports lors de la récente réforme des retraites, qui a imposé aux Français deux années de travail supplémentaires, a calculé que l’entrée de 50 000 nouveaux immigrés par an permettrait de réduire le déficit des retraites à hauteur de 0,5 point de PIB. Ironie de l’histoire, c’est le coût des expulsions – 609 millions d’euros pour l’année 2009, soit 21 000 euros par expulsion – qui est notamment pointé par la commission des finances du Sénat.
Telle est la réalité de l’immigration en France, voilà ce qu’elle nous apporte à tous. Mais vous êtes obnubilés par le Front national et sa mise en scène nauséabonde. Sur ce point, vous pouvez être rassurés, chers collègues de la majorité : en votant cette loi, vous contribuerez – à l’instar de M. le ministre, qui a déjà reçu sa carte d’adhérent de prestige de ce parti (M. le ministre fait un signe de dénégation) – à ce que l’UMP soit assimilée au Front national ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Ces propos sont scandaleux ! Ce n’est pas une explication de vote, c’est un procès !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Quelle déception finalement, aussi grande que la fierté que je pouvais ressentir, après la première lecture, d’avoir vu le Sénat dans son ensemble défendre un certain nombre de valeurs en censurant des dispositions essentielles, relatives par exemple à la déchéance de la nationalité, au droit au séjour des étrangers malades, à l’inversion de l’ordre d’intervention du juge des libertés et de la détention et du juge administratif…
Or, aujourd’hui, j’ai honte du texte qui sera soumis à notre vote dans quelques instants. Celui-ci orchestre en effet un recul généralisé de nos valeurs, prétendument au motif de rendre notre droit conforme aux directives européennes. Nous avons pourtant démontré que ces dernières n’imposaient nullement l’instauration de zones d’attente ad hoc, prévue à l’article 6, la remise en cause du rôle du juge des libertés et de la détention ou l’invention de nouvelles catégories juridico-sociales telles que celle des « mariages gris ».
Vous avez finalement décidé d’opérer ces reculs, de vous aligner sur la position de députés qui, pourtant, avaient manifesté un grand mépris pour nos travaux.
L’article 17 ter exprime à lui seul la philosophie de ce texte. Ses dispositions ont été aggravées par un amendement de la commission qui, loin de traduire un compromis, privera des malades étrangers de la possibilité de se soigner en faisant de quelques cas une généralité. Vous fantasmez au sujet du tourisme médical, pourtant inexistant, 90 % des malades étrangers découvrant leur pathologie en France. En général, le regroupement familial n’est demandé qu’après six années de travail au moins dans notre pays.
En réalité, ce texte, à l’instar des cinq qui l’ont précédé, ne réglera rien en matière de maîtrise des flux migratoires. Les mesures que vous prenez, dérisoires au regard d’un problème qui n’est certes pas simple, sont pourtant lourdes de conséquences et même dramatiques : elles pourrissent la vie d’étrangers qui, pour la plupart, souhaitent simplement vivre dignement sur notre sol, dans le respect de leurs droits humains. Chaque fois, vous arguez de l’existence de quelques abus pour proposer un durcissement généralisé des procédures, par exemple en matière d’accès aux soins ou de mariage, créant ainsi une atmosphère détestable dans le pays !
Il s’agit ici d’un texte politicien, cynique, seulement motivé par l’approche d’échéances électorales décisives. Depuis des années, vous instrumentalisez la question de l’immigration à des fins électoralistes, et ce sans aucun répit, puisque vous prévoyez déjà de nouvelles mesures relatives à l’immigration légale, sur lesquelles nous aurons peut-être bientôt à légiférer ! Vous entretiendrez ce débat jusque mai 2012, dans un climat délétère, alors que les Français sont surtout préoccupés par le pouvoir d’achat, le chômage, la sécurité, l’éducation de leurs enfants, le maintien des services publics de proximité, bref la préservation de la cohésion sociale et l’amélioration de la qualité de la vie ! Mais vous préférez courir derrière le Front national, un parti non républicain, poussés uniquement, je le répète, par des considérations électoralistes !
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. Ce n’est pas une loi sur l’immigration supplémentaire qui apaisera la situation dans notre pays, vous le savez ! Ce sujet n’est pas au cœur des préoccupations des Français !
M. Alain Gournac. Il faut savoir conclure !
M. David Assouline. J’espère que, en 2012, notre peuple démontrera sa hauteur de vues et ne se laissera pas abuser par vos manœuvres. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous n’êtes pas le directeur de campagne de M. Sarkozy ; votre responsabilité est de répondre aux attentes des Français, notamment en matière de sécurité !
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous l’avons déjà dit à de nombreuses reprises, ce texte marque un recul notable du droit des étrangers ; il représente une entorse à nos principes, au droit et à nos valeurs. Je me bornerai ici à revenir sur trois des régressions qu’il comporte, à mon sens emblématiques de l’esprit qui le sous-tend.
En premier lieu, l’article 17 ter, qui porte sur l’accès aux soins pour les migrants et qui a été remanié dans un esprit de conciliation par la commission et son rapporteur, manifeste une capitulation de notre assemblée devant les ultras du parti présidentiel.
Nous n’avons eu de cesse de vous répéter que le droit actuel est juste et équilibré et qu’il ne fallait pas le remettre en question. Vous allez condamner les étrangers malades soit à la mort, soit à la clandestinité. En outre, vous remettez en cause, pour les étrangers, le principe du respect du secret médical.
En deuxième lieu, la notion de « mariage gris » ne renvoie à rien, si ce n’est à une énième persécution de l’étranger, de l’autre, qui, pour vous, semble être le vecteur de tous les maux. Vous prétendez souhaiter l’intégration des étrangers, mais vous jetez la suspicion sur tous les mariages mixtes.
En troisième lieu, l’allongement du délai pour l’intervention du juge des libertés et de la détention contrevient à la Constitution. Au nom de l’efficacité de votre politique migratoire, dont vous entendez qu’elle constitue un argument de campagne en 2012, vous n’hésitez pas à fouler aux pieds notre texte fondateur. L’essentiel, c’est de mater ce rebelle, le juge des libertés et de la détention, qui ne se plie pas à votre désir d’expulser en paix…
Il serait trop long de revenir sur tous les autres reculs, que nous n’avons pas manqué de souligner durant ce débat, par exemple le bannissement.
Nous pensons que le Conseil constitutionnel saura censurer nombre d’articles qui nous ont paru contraires à la Constitution. Il est simplement regrettable que le Conseil constitutionnel soit de plus en plus souvent l’arbitre de querelles non plus techniques, mais bien politiques.
Monsieur le ministre, nous nous honorions d’appartenir à une société ouverte, prenant sa juste part des malheurs du monde. En faisant voter ce texte, marqué par une véritable inhumanité, vous prenez la responsabilité de faire entrer la France dans le petit cercle des pays repliés sur eux-mêmes.
Avec ce texte, vous continuez à alimenter la peur de l’autre, de l’immigré. Depuis peu, vous vous alignez sur l’extrême droite pour nourrir la peur du musulman, lequel, s’il n’est pas un étranger, devient un Français d’origine contrôlée. Vous pensez qu’une telle attitude constitue une martingale pour les prochaines élections…
Les Français ne seront pas dupes. Ils veulent des réponses à leurs difficultés économiques et sociales, et non une énième loi sur l’immigration, de surcroît inutile, ainsi que l’a rappelé notre collègue Richard Yung.
Nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Une majorité des membres du groupe de l’Union centriste votera ce texte, compte tenu notamment des avancées obtenues par le Sénat.
Je rappellerai que notre groupe a toujours exprimé clairement son opposition aux propositions visant à étendre les cas de déchéance de nationalité. Nous avons longuement débattu de cette question en première lecture, et le vote du Sénat a été clair : il a rejeté une telle disposition. L’abandon de cette mesure par l’Assemblée nationale montre que nos arguments ont été entendus.
De la même manière, nous nous félicitons de ce que la commission des lois ait repoussé, sur l’initiative du groupe de l’Union centriste, les modifications relatives au droit du sol introduites par l’Assemblée nationale. Celles-ci apparaissaient inopportunes et injustifiées : elles remettaient en cause sans raison valable un principe majeur de notre droit de la nationalité.
Une fois de plus, je note que notre assemblée aura effectué un travail de fond sur des sujets qui faisaient débat avec l’autre chambre et avec le Gouvernement.
Pour autant, quelques sénateurs centristes, dont je fais partie, ont choisi de ne pas voter en faveur de l’adoption de ce projet de loi.
N’ayant pu être présente en séance lors de l’examen de l’article 17 ter, je profite de cette occasion pour exprimer ma position, partagée par plusieurs collègues de mon groupe, dont M. Détraigne, sur une disposition importante du texte relative au droit au séjour des étrangers malades.
En première lecture, la Haute Assemblée avait adopté une position forte, exprimée d’abord en commission des lois puis réaffirmée en séance publique : nous avions alors voté la suppression de l’article 17 ter, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, les députés ayant craint que les évolutions de la jurisprudence du Conseil d’État ne fassent peser une charge déraisonnable sur le système de soins français.
Le Sénat a finalement adopté cet article hier après midi, après l’avoir quelque peu modifié formellement sur l’initiative de M. le rapporteur.
Le compromis ainsi trouvé ne me semble en aucune façon constituer une amélioration.
Sur la forme, je persiste à regretter que l’introduction de ces dispositions dans le projet de loi par voie d’amendement à l’Assemblée nationale ne nous ait pas permis de disposer d’une étude d’impact détaillée sur ce point. La commission avait souligné ce fait en première lecture.
Sur le fond, en matière de santé publique, je partage tout à fait les préoccupations que le Sénat avait exprimées à juste titre en première lecture. Je ne suis pas sûre que l’amendement adopté sur l’initiative de M. le rapporteur suffise à y répondre.
C’est pourquoi plusieurs de mes collègues et moi-même continuons de penser qu’il n’était pas souhaitable de modifier les dispositions relatives à la carte de séjour destinée aux étrangers gravement malades. La protection actuellement accordée à ces derniers est d’ores et déjà encadrée par des dispositions et une procédure strictes. Elle constitue donc une solution équilibrée.
Bien sûr, il s’agit de faire preuve non pas d’angélisme, mais de pragmatisme et, surtout, d’humanisme.
Je suis favorable non seulement à une réglementation complète et efficace en matière d’immigration, mais aussi à une législation équilibrée. La fermeté en matière de lutte contre l’immigration irrégulière ne doit pas nous empêcher de faire preuve d’humanité envers des étrangers gravement malades, donc vulnérables et démunis.
Je suis d’autant plus sensible à ces questions que, déjà, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, je m’étais opposée, par le biais d’un amendement qui avait été adopté par la Haute Assemblée, avant malheureusement d’être supprimé par la commission mixte paritaire, aux restrictions abusives et dangereuses apportées à l’accès à l’aide médicale d’État. Les réserves qui avaient été exprimées sur ce sujet à l’époque ont depuis été confortées par le rapport conjoint de l’Inspection générale des services et de l’Inspection générale des affaires sociales.
En définitive, malgré les réelles avancées obtenues par le Sénat, le respect de la vie et de la dignité humaine, principe auquel je ne saurais déroger, est mis à mal par l’article 17 ter. Cela m’amènera à m’abstenir sur ce texte ; plusieurs autres membres de mon groupe feront de même. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Une large majorité des membres du groupe du RDSE votera contre ce texte.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas contre une politique ferme, nous sommes pour une politique juste.
Lors de la discussion générale et de l’examen de la motion tendant au renvoi du présent texte à la commission, évitant les propos excessifs, ma collègue Anne-Marie Escoffier et moi-même avions voulu nous extraire d’une approche trop médiatique du thème de l’immigration. Tant que ce dernier sera utilisé pour opposer, diviser, rejeter, nous ne pourrons avoir de bonne politique. Tous, nous percevons bien les risques de dérapage, de dérive idéologique.
Six lois relatives à l’immigration en neuf années, c’est trop ! C’est la démonstration soit de l’inefficacité d’une politique, soit de l’existence d’une volonté de maintenir constamment ce thème sous le feu médiatique, soit des deux à la fois… Les différences d’appréciation existant entre l’Assemblée nationale et le Sénat ont montré les risques réels de cette politique.
Pour notre part, nous voulons une politique d’immigration équilibrée. Une telle politique est d’ailleurs nécessaire au développement de notre pays : pour ne prendre qu’un exemple parmi de nombreux autres, nos hôpitaux publics ne sauraient fonctionner sans les médecins issus de l’immigration !
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jacques Mézard. Le présent projet de loi n’est pas suffisamment équilibré : c’est le reproche fondamental que nous lui faisons. Nous sommes de ceux qui considèrent que la loi de la République doit s’appliquer de la même manière à tous, en emportant les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Malgré les efforts, que nous avons souvent soulignés, de M. le rapporteur, nos travaux n’ont pas abouti à un texte équilibré. Au cours de cette deuxième lecture, on nous a systématiquement opposé que la rédaction était parfaite et qu’il n’y avait rien à amender. Il vous reviendra d’assumer les conséquences de cette perfection…
Cette absence d’équilibre justifie pleinement notre vote majoritaire contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité aura suscité de nombreux débats, particulièrement lors de son examen en première lecture par le Sénat. Aujourd’hui, nous ne pouvons que constater les améliorations apportées par la chambre haute afin de lutter contre l’immigration irrégulière tout en respectant la tradition d’accueil et d’intégration de la France.
Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir permis d’agir sur le terrain. La politique que vous nous proposez de suivre repose bien sur les deux piliers de l’action menée par la France depuis de nombreuses années. Elle est fondée d’une part sur le renforcement de l’accueil et de l’intégration des ressortissants étrangers entrant et vivant en France, grâce notamment à la mise en place de la carte bleue européenne, d’autre part sur la lutte contre l’immigration irrégulière, laquelle porte atteinte à la capacité d’intégration de notre pays.
Je tiens à saluer de nouveau, au nom du groupe UMP, le travail accompli par la commission des lois et son rapporteur, François-Noël Buffet, sous la houlette du président Hyest, afin que nous puissions forger, au-delà de nos divergences partisanes, les outils nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.
Les membres du groupe UMP se satisfont des positions adoptées, qui s’inscrivent dans la logique européenne et permettent la transposition de trois directives, participant ainsi à la construction progressive d’une politique européenne de l’immigration et de l’asile, complément indispensable de l’espace de libre circulation issu des accords de Schengen.
Alors que la navette parlementaire avait déjà permis de trouver de nombreux points d’accord sur le renforcement des exigences en matière d’intégration, la création des zones d’attente ad hoc, la réforme des mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière, l’amélioration de la lutte contre le travail illégal ou la suppression de l’extension de la déchéance de nationalité, nous nous réjouissons que le Sénat ait pu aujourd’hui contribuer pleinement à l’amélioration d’un texte tant attendu par nos concitoyens.
Ainsi, sur proposition de la commission, le Sénat a permis de replacer le dispositif relatif aux « mariages gris » dans le cadre du droit et de l’échelle des peines en vigueur.
Il en est de même s’agissant des règles applicables en matière d’accès à la nationalité. Alors que l’Assemblée nationale avait supprimé le caractère automatique de l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers, il a paru important au Sénat de ne pas toucher à notre modèle d’intégration, aujourd’hui équilibré de ce point de vue.
Nous avons également souhaité adapter le contentieux du placement en rétention des étrangers en instance d’éloignement, en cherchant à concilier au mieux les exigences du contrôle de la privation de liberté et celles d’une bonne administration de la justice. Fixer à quatre jours le délai pour l’intervention du juge judicaire dans la procédure administrative semble être une solution équilibrée.
Enfin, sur un sujet aussi grave, sur le plan humain et en termes de santé publique, que le droit au séjour des étrangers malades, nous ne pouvions laisser perdurer des situations de détresse si disparates sur notre territoire. Il n’était pas question de remettre en cause notre tradition d’accueil des étrangers gravement malades ne pouvant accéder à des soins adaptés dans leur pays d’origine. Pour autant, nous avions le devoir, tant pour nos compatriotes que pour ces hommes et ces femmes en grande souffrance, de trouver une solution juridique équilibrée.
Je suis convaincu que nous avons choisi la bonne voie, celle d’une politique équilibrée d’immigration choisie, à la fois ferme et généreuse. Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe UMP voteront ce texte avec conviction, exprimant ainsi leur confiance dans la politique menée par le Gouvernement en matière d’immigration. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas ce qui se dit dans les couloirs !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une du groupe socialiste, l'autre du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 195 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Bariza Khiari. C’était juste !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre. Je me réjouis de ce vote, qui témoigne de l’engagement de la Haute Assemblée en faveur de la lutte contre l’immigration irrégulière, mais aussi de la rénovation de notre politique d’accueil et d’intégration.
Ce texte pragmatique, opérationnel et républicain vise à mieux assurer le respect effectif de nos lois.
Je salue l’implication dans le débat des orateurs des différents groupes, notamment le sens des responsabilités et la détermination des membres de la majorité. Je salue aussi la conviction qui a marqué ces échanges.
Grâce au travail de la commission des lois, notamment de son président, M. Jean-Jacques Hyest, toujours vigilant, et de son rapporteur, M. François-Noël Buffet, cette deuxième lecture a été mise à profit pour rapprocher les points de vue du Gouvernement et de la Haute Assemblée sur des sujets essentiels et lever nombre de malentendus.
M. Jean-Pierre Sueur. Certes !
M. Claude Guéant, ministre. Il appartient maintenant aux deux assemblées de concilier leurs points de vue dans le cadre de la commission mixte paritaire, de sorte que la nouvelle loi puisse entrer en vigueur le plus tôt possible, afin de donner à la France les moyens de mener une politique migratoire marquée par trois préoccupations : rester fidèles à nos engagements – je pense en particulier au droit d’asile –, bien accueillir les étrangers autorisés à séjourner dans notre pays, lutter efficacement contre l’immigration irrégulière. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Contentieux et procédures juridictionnelles
Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles (projet n° 344, texte de la commission n° 395, rapports nos 394 et 367).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis s’inscrit pleinement dans un mouvement amorcé en 2009 et destiné à mettre en œuvre les propositions de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, qui avait rendu ses excellentes conclusions en juin 2008.
Outre la loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires et la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées, qui ont mis en œuvre nombre de ces préconisations, d’autres mesures significatives ont été adoptées dans différents textes. Je pense notamment aux dispositions insérées dans la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, qui a créé un « pôle famille » au sein des tribunaux de grande instance, ainsi qu’à la réforme du traitement du surendettement des particuliers, résultant de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.
C’est donc à la lumière de l’ensemble de ces importantes réformes qui redessinent notre organisation judiciaire que le présent projet de loi doit être examiné.
Ce texte vise deux objectifs principaux : améliorer la répartition des contentieux, en procédant à une clarification de l’organisation judiciaire ; simplifier les procédures, en mettant en œuvre un allègement des règles en vue d’un traitement plus efficace des litiges.
Un effort de clarification et de simplification de la répartition des contentieux est donc au cœur du texte.
Cette clarification des compétences s’imposait comme une nécessité, après la réforme de la carte judiciaire, entrée en vigueur le 1er janvier dernier : la définition d’une carte judiciaire plus cohérente et mieux structurée constituait une première étape indispensable, mais elle devait s’accompagner d’une répartition plus claire et rationalisée des compétences.
Tel est bien l’objet de ce texte, qui offre une plus grande lisibilité aux juridictions de première instance, en clarifiant les compétences respectives des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance.
Cette plus grande lisibilité supposait par ailleurs la suppression de la juridiction de proximité créée par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice. En effet, la commission Guinchard a souligné la confusion et la complexité introduites, pour les justiciables et les praticiens, par l’existence de ce troisième ordre de juridiction.
Pour autant, à la lumière de l’expérience, l’apport des 672 juges de proximité dans la vie de nos tribunaux est indéniable. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi de les maintenir et de les intégrer au sein des tribunaux de grande instance. Ce repositionnement contribuera à améliorer le dialogue et les échanges entre les juges professionnels et les juges de proximité.
Quelles seront les nouvelles missions des juges de proximité ?
Ils pourront participer aux audiences collégiales des tribunaux de grande instance, non plus seulement en matière pénale, mais aussi au civil, ce qui d’ailleurs leur permettra, dans ce domaine également, de procéder à des mesures d’instruction telles que transports sur les lieux ou auditions des parties ou des témoins.
Ils pourront en outre se voir confier la procédure non contradictoire d’injonction de payer, celle-ci relevant désormais du tribunal de grande instance au-delà du seuil de 10 000 euros.
Les juges de proximité conserveront enfin leur compétence s’agissant des contraventions des quatre premières classes.
La commission des lois du Sénat, sous l’impulsion de son rapporteur, dont je salue le travail de grande qualité, a approuvé les dispositions du texte sur ce point. Je sais qu’elle s’interroge encore sur certaines de leurs conséquences. Pour ma part, je suis très attaché à la cohérence de la réforme, mais nous en débattrons le moment venu.
Le texte tend aussi à un effort de spécialisation pour les contentieux les plus complexes et requérant un haut degré de technicité, afin d’améliorer l’efficacité des enquêtes et instructions et de réduire les délais de jugement.
Le projet de loi institue donc plusieurs pôles spécialisés en matière pénale. Je me réjouis que ces dispositions fassent l’objet d’un consensus, tant elles représentent une avancée d’importance pour les contentieux sensibles qui sont en cause.
Ainsi, un pôle national compétent pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre verra le jour au sein de la juridiction parisienne ; sur l’initiative de la commission des lois, il aura aussi compétence, et je m’en réjouis, pour les crimes de torture visés par la convention de New York du 10 décembre 1984.
Par cette spécialisation des magistrats et des enquêteurs, nous améliorerons le traitement des procédures en ce domaine.
En outre, à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement, le texte issu de la commission des lois prévoit des capacités d’enquête renforcées pour la recherche des auteurs de crime contre l’humanité et de crime de guerre.
L’ensemble de ces mesures, souhaitées par le Gouvernement, mais réclamées aussi par de nombreuses organisations non gouvernementales, constituent un signal fort de la volonté de la France de lutter contre les crimes les plus graves et de disposer des outils les plus efficaces pour assurer le respect de nos engagements internationaux.
Le projet de loi crée par ailleurs des pôles régionaux compétents pour les accidents collectifs.
L’expérience a en effet montré que la prise en charge « judiciaire » des grandes catastrophes pouvait s’avérer difficile. Par nature, ces événements peuvent survenir en tout lieu de notre territoire, parfois dans le ressort de petites juridictions ; je pense par exemple au dramatique incendie survenu dans le tunnel du Mont-Blanc ou à l’accident aérien du mont Sainte-Odile. Eu égard à leur ampleur et à la technicité des questions qu’elles soulèvent, ces affaires doivent pouvoir être instruites et jugées par des juridictions spécialisées. Les associations de victimes de ces accidents avaient d’ailleurs appelé de leurs vœux une telle évolution.
En matière d’organisation judiciaire, le texte procède à une modification importante de la justice militaire, en supprimant le tribunal aux armées de Paris et en attribuant à la juridiction parisienne la compétence pour les infractions commises en temps de paix hors du territoire de la République par les membres des forces armées ou à l’encontre de celles-ci.
La spécificité de ces infractions n’est pas niée, puisqu’elles seront jugées par les formations du tribunal de grande instance et de la cour d’appel de Paris spécialisées en matière militaire. Cette mesure de cohérence et de simplification est aussi importante symboliquement, car elle parachève l’intégration, en temps de paix, de la justice militaire dans la justice de droit commun.
Comme vous l’avez noté, monsieur le rapporteur pour avis, cette réforme est bien accueillie, tant par les magistrats et les auxiliaires de justice que par les militaires.
La commission de la défense a en outre saisi cette occasion pour procéder à quelques clarifications, qu’il s’agisse de déterminer la juridiction compétente pour les faits commis à bord des navires ou aéronefs ou de simplifier et d’harmoniser la définition de la désertion.
L’effort de clarification de notre organisation judiciaire se double d’un effort de clarification des procédures, qui constitue le second axe fort du projet de loi.
Les dispositions soumises à votre examen apportent des allégements de procédure tant en matière civile qu’en matière pénale. Elles ouvrent de nouvelles perspectives pour le règlement rapide et efficace des contentieux qui ne présentent pas de difficultés particulières.
Le texte permet ainsi de définir les juridictions compétentes pour connaître des demandes formées en application de deux règlements communautaires instaurant une procédure d’injonction de payer européenne et une procédure de règlement des petits litiges.
Par ailleurs, afin de prendre acte d’un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, je vous proposerai une adaptation de notre réglementation relative à l’inscription des experts sur les listes des juridictions.
Le texte étend également le champ des procédures pénales simplifiées : cette mesure de rationalisation permettra notamment de réduire les délais de jugement et par là même d’améliorer la pédagogie de la sanction pénale.
Comme l’a proposé la commission Guinchard, le projet de loi prévoit ainsi de développer le recours à l’ordonnance pénale, à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, à la procédure d’amende forfaitaire ou encore à la transaction pénale. Comme l’a souligné très justement M. le rapporteur Détraigne, le dispositif permet de réserver les audiences correctionnelles aux contentieux les plus complexes ou les plus sensibles.
Le texte du Gouvernement prévoyait que le recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité serait possible pour tous les délits, quelle que soit la peine encourue. J’ai cependant pris acte que la commission des lois du Sénat avait souhaité exclure du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité les violences volontaires et involontaires contre les personnes, les menaces et les agressions sexuelles aggravées. La commission des lois du Sénat été bien inspirée, compte tenu du texte que je présenterai bientôt devant le Sénat.
L’ordonnance pénale pourra être utilisée pour de nombreux délits d’une gravité modérée, autres que ceux portant atteinte aux personnes.
L’amende forfaitaire sera étendue à certaines contraventions de cinquième classe et la transaction à certaines infractions en droit pénal de la santé publique, en droit de la consommation et en droit de la concurrence.
Je sais que ces procédures suscitent chez certains des réticences, mais je ne crois pas que celles-ci soient justifiées. Ces procédures ont en effet fait la preuve de leur efficacité et sont marquées par un souci constant du respect des droits des personnes et de la défense.
De plus, si ces procédures sont habituellement qualifiées de « simplifiées », je parlerai plutôt pour ma part de « procédures acceptées ». En effet, leur caractéristique commune est de ne pouvoir prospérer que si la personne poursuivie accepte la peine proposée par le procureur de la République dans le cas de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, décidée par le juge dans le cadre de l’ordonnance pénale ou prévue par la loi en cas d’amende forfaitaire. Or, quand elle est possible, il me semble qu’une peine acceptée est toujours préférable à une peine imposée.
Il n’y a donc pas lieu de craindre ces procédures qui sont entourées de nombreuses garanties, lesquelles sont sensiblement renforcées dans le présent projet de loi, notamment pour l’ordonnance pénale.
Le texte prévoit enfin deux modifications importantes en matière de divorce : la première concerne le divorce par consentement mutuel, la seconde l’expérimentation du recours préalable obligatoire à la médiation familiale.
Le texte du Gouvernement reprend tout d’abord une des recommandations phares du rapport de la commission Guinchard, qui avait été adoptée à l’unanimité de ses membres. Il prévoit en effet que la comparution personnelle des époux devant le juge aux affaires familiales ne sera plus obligatoire dans le seul cas du divorce par consentement mutuel de couples sans enfants mineurs en commun.
La commission des lois du Sénat a supprimé cette disposition. Aux yeux du Gouvernement, pourtant, elle est respectueuse des droits des parties.
À cet égard, je veux souligner que le contrôle du juge reste intact : il devra évidemment, dans tous les cas, s’assurer de l’intégrité du consentement de chacun des époux et du respect des intérêts de chacun d’entre eux dans la convention de divorce.
En outre, l’accès au juge pour les parties sera de droit dès lors que l’un des époux en fera la demande. Le juge, dès lors qu’il l’estimera nécessaire, pourra aussi organiser cette comparution de sa propre initiative. Enfin, la comparution des époux restera obligatoire lorsque le juge envisagera de refuser l’homologation de la convention.
Au fond, la mesure, soigneusement encadrée, aura la vertu de permettre aux juges aux affaires familiales de se concentrer davantage sur les cas les plus sensibles ou les plus complexes.
Le projet de loi tend également à prévoir une plus grande transparence des prix pratiqués en matière de divorce par consentement mutuel. La commission des lois du Sénat a souhaité aller plus loin en généralisant l’obligation, pour l’avocat, d’établir une convention d’honoraires obligatoire dans tous les cas de divorce. Par ailleurs, elle a souhaité maintenir, à juste titre, un barème indicatif établi par le garde des sceaux sur avis du Conseil national des barreaux. L’amendement que vous présentera M. le rapporteur viendra opportunément préciser ce dispositif.
Enfin, vous le savez, le Gouvernement s’attache à développer une véritable culture de la médiation et de la conciliation : c’est dans cette perspective que le projet de loi prévoit d’expérimenter, en matière familiale, un dispositif de médiation obligatoire avant toute saisine du juge, sous peine d’irrecevabilité de la demande.
En effet, la médiation, qui permet de renouer le dialogue entre parents séparés, facilite la conclusion d’accords équilibrés. La sensibilité du contentieux familial rend d’autant plus nécessaire la recherche de l’adhésion des parents, indispensable à la bonne exécution des engagements pris.
Ce dispositif, recommandé à l’unanimité par la commission Guinchard, ne s’appliquera que lorsque le juge aura déjà statué une première fois sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ou sur la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Ainsi, l’accès direct au juge n’est pas remis en cause par l’expérimentation pour les cas où il n’a jamais eu à connaître de la situation d’une famille.
Par ailleurs, la médiation préalable obligatoire ne sera pas exigée lorsque les parents sont d’accord sur les modifications envisagées ou si un motif légitime est invoqué. Ce critère permettra de répondre à la diversité des situations qui pourraient se présenter, afin d’assurer l’accès effectif au juge.
La commission des lois du Sénat a souhaité étendre les dérogations à ce dispositif au cas où un parent déclare ne pas s’opposer à la demande de l’autre ou lorsque la médiation ne peut être mise en œuvre dans un délai raisonnable, mais ces rédactions me paraissent pouvoir être précisées.
En effet, si l’accord des parties justifie pleinement de leur éviter un recours à la médiation, ce n’est pas nécessairement vrai dans le cas d’une simple absence d’opposition de l’une d’elles, notamment si celle-ci n’est pas présente ou représentée lors de l’audience. C’est précisément le cadre de la médiation qui permettra de s’assurer de la réalité de l’absence d’opposition. Par ailleurs, la référence au délai raisonnable me semble pouvoir trouver sa place parmi les motifs légitimes permettant l’accès direct au juge. Je vous présenterai donc un amendement sur ces sujets.
Certains ont exprimé des craintes quant à ce nouveau dispositif, mais je le crois utile et équilibré : tout d’abord, nous connaissons tous les limites du « tout judiciaire », et les modes alternatifs de règlement des conflits ont fait la preuve de leur efficacité et de leur pertinence ; ensuite, l’expérimentation permettra de tester l’efficacité de cette nouvelle mesure et d’appréhender très précisément les besoins et les améliorations nécessaires à sa généralisation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai également amené à vous présenter d’autres amendements.
En effet, le Gouvernement souhaite abroger la loi du 12 juillet 1909 relative aux biens de famille insaisissables.
Il entend également instaurer un nouveau dispositif permettant d’adapter, le moment venu, en accord avec la profession, le régime de la postulation des avocats devant les tribunaux de grande instance. En effet, la modification au cas par cas, au niveau de la loi, de l’étendue du monopole de postulation des différents barreaux ne satisfait personne, comme l’expérience récente l’a encore montré. Je vous proposerai donc, en lieu et place de ce qui a été voté il y a quelques semaines, un dispositif solide qui permettra de traiter ces questions dans la sérénité et la concertation.
Le Gouvernement souhaite enfin assouplir les exigences de domiciliation en matière de célébration du mariage, en permettant désormais que les unions de nos enfants puissent être célébrées dans les communes de résidence de leurs parents. Cet amendement répond à une demande forte des élus, notamment en milieu rural, et je suis heureux de vous le présenter.
La commission présidée par le recteur Guinchard appelait à l’ambition d’une « justice apaisée », apaisée pour le justiciable, apaisée pour tous les acteurs judiciaires. Par ses avancées nombreuses, le texte soumis à votre examen constitue, me semble-t-il, un pas significatif dans ce sens, vers une justice qui soit mieux comprise, plus accessible. Grâce aux allégements et aux clarifications que nous proposons, elle verra son fonctionnement substantiellement amélioré.
Cette ambition d’une justice efficace et de qualité est aussi la vôtre. Le présent texte nous donne des clés pour la réaliser, et je sais pouvoir compter sur la qualité de vos débats pour donner toute leur ampleur à ces évolutions. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles trouve essentiellement son inspiration dans le rapport de la commission sur la répartition des contentieux, présidée par le recteur Guinchard, qui a été remis au garde des sceaux en juin 2008 et dont plusieurs propositions ont déjà été reprises par le Parlement.
Ce texte embrasse des sujets aussi divers que ceux dont connaît chaque jour la justice, et ce nouveau mouvement de simplification et d’allègement des procédures intervient au moment où l’institution judiciaire est confrontée à de profondes mutations.
La réforme de la carte judiciaire à peine achevée au début de cette année, nombre de juridictions doivent gérer une pénurie des moyens humains et matériels et sont notamment conduites à supprimer, dans les derniers mois de l’année, les audiences des juges de proximité ou leur participation, en tant qu’assesseurs, aux formations collégiales des tribunaux correctionnels, faute de crédits pour payer leurs vacations.
Cette situation doit être prise en considération lorsqu’il s’agit de modifier l’organisation judiciaire ou d’alléger les procédures, car il importe de vérifier que la mise en œuvre des mesures envisagées va bien se traduire par un meilleur fonctionnement de l’institution judiciaire.
Si l’objectif d’efficacité doit être pris en compte, cela ne doit pas pour autant conduire à négliger des exigences aussi fondamentales que l’accès de tous à la justice ou le droit à un jugement dans un délai raisonnable. C’est dans cet esprit que la commission des lois a examiné le présent texte.
J’évoquerai principalement, à cette tribune, quatre thèmes du projet de loi qui me paraissent essentiels : la suppression de la juridiction de proximité et la redéfinition des missions du juge de proximité ; la création de nouvelles juridictions spécialisées ; l’extension du recours aux procédures de jugement rapides, simplifiées ou « acceptées », pour reprendre le terme employé par le garde des sceaux ; enfin, l’allègement des règles de procédure en matière familiale.
S’agissant en premier lieu de la suppression de la juridiction de proximité et de la redéfinition des missions du juge de proximité, selon le rapport Guinchard, la juridiction de proximité, créée en 2002-2003, n’a pas atteint l’objectif ambitieux qui lui avait été assigné de réconcilier la justice avec les usagers. Aussi la commission Guinchard a-t-elle préconisé la suppression pure et simple de cette juridiction.
Tout en reprenant cette préconisation, le Gouvernement propose cependant de maintenir les juges de proximité en les rattachant au tribunal de grande instance, ce qui leur permettrait de travailler au contact des juges professionnels. Cette réforme tend donc à maintenir les fonctions des juges de proximité pour statuer en matière pénale, mais à supprimer leurs compétences en matière de contentieux civil.
Le projet de loi retire ainsi aux juges de proximité leur compétence en matière de contentieux civil relatif aux actions personnelles ou mobilières jusqu’à une valeur de 4 000 euros, mais pas leur compétence en matière pénale pour statuer sur les contraventions des quatre premières classes.
La commission a considéré que l’augmentation des moyens des tribunaux d’instance constituait une condition nécessaire de la suppression des fonctions des juges de proximité au contentieux civil.
En effet, cette réforme ne pourra être mise en œuvre sans que des moyens supplémentaires soient accordés aux tribunaux d’instance, qui vont subir, en raison du départ des juges de proximité, le transfert de plus de 100 000 affaires civiles nouvelles. On peut d’ailleurs estimer à une soixantaine d’emplois équivalent temps plein de magistrat les besoins des tribunaux d’instance de ce fait. J’aimerais donc, monsieur le garde des sceaux, vous entendre à ce sujet…
La commission des lois a également approuvé l’extension au tribunal de grande instance de la procédure d’injonction de payer, afin de simplifier l’exercice de l’opposition par le défendeur lorsque la requête en injonction de payer porte sur un montant supérieur à 10 000 euros. Elle souhaite toutefois compléter cette disposition, pour assurer une procédure uniforme dans ce domaine et ne pas exposer les justiciables à des dépenses supplémentaires dans la mesure où la présentation d’une requête devant le tribunal de grande instance nécessite le recours à un avocat.
En deuxième lieu, le projet de loi tend à créer de nouvelles juridictions spécialisées afin de renforcer l’efficacité de la justice pénale dans des contentieux qui se distinguent par leur complexité et leur technicité.
Seraient ainsi créés un pôle judiciaire spécialisé pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre au sein du tribunal de grande instance de Paris, d’une part, et des juridictions spécialisées pour les accidents collectifs, d’autre part.
La commission a souhaité étendre la compétence et les moyens du nouveau pôle judiciaire spécialisé pour les crimes contre l’humanité. Elle a, en effet, voulu lui attribuer compétence, d’une part, en matière de crimes et délits de guerre, qui ont été inscrits dans notre code pénal en 2010, et, d’autre part, en matière de crimes de torture, tels que visés par la convention de New York du 10 décembre 1984. Elle a également voulu lui permettre d’utiliser les mesures d’investigation prévues dans le code de procédure pénale pour le pôle spécialisé en matière de criminalité organisée et de terrorisme, telles que l’infiltration et la sonorisation.
La commission a par ailleurs adopté une disposition visant à faciliter les investigations à l’étranger des magistrats chargés de l’instruction de ces crimes et délits, afin de leur permettre de conduire eux-mêmes, dans le cadre d’une commission rogatoire internationale, l’audition de témoins dans un État étranger.
J’ajoute, monsieur le garde des sceaux, qu’il paraît indispensable à la commission qu’une équipe de magistrats puisse se consacrer exclusivement à ce type d’affaires et que des enquêteurs spécialement consacrés aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre soient mis à sa disposition.
En outre, en complément à la création de juridictions spécialisées en matière d’accidents collectifs, la commission des lois a inséré deux articles additionnels précisant les dispositions permettant aux associations et aux fédérations d’associations de défense des victimes d’accidents collectifs d’obtenir des dommages et intérêts.
En troisième lieu, la commission a souhaité préciser l’extension du recours aux procédures simplifiées de jugement.
Le projet de loi prévoit d’étendre le champ de trois procédures pénales simplifiées : l’ordonnance pénale, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, et les contraventions.
Si les procédures simplifiées de traitement des affaires pénales se sont bien développées et permettent de réserver les audiences correctionnelles aux contentieux les plus complexes ou les plus sensibles, elles doivent concilier droits de la défense et droits de la victime. À cet égard, la commission a approuvé les dispositions du projet de loi tendant à étendre, de façon limitée, le champ de ces procédures, sous réserve toutefois de plusieurs aménagements.
Dans un souci de pédagogie de la réponse pénale et afin de mieux prévenir la récidive, la commission a précisé que l’ordonnance pénale ne pourra pas être utilisée lorsque les faits auront été commis en état de récidive légale.
Par ailleurs, elle a souhaité que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui est étendue pour certaines infractions punies de peines supérieures à cinq ans d’emprisonnement, en matière de trafic de stupéfiants ou d’escroquerie par exemple, ne puisse pas être utilisée dans les cas les plus graves d’atteintes aux personnes. En effet, le préjudice subi par la victime dans de telles affaires suppose que la culpabilité de la personne mise en cause puisse être systématiquement discutée contradictoirement devant le tribunal correctionnel.
La CRPC offrant un outil utile pour le règlement d’affaires dans lesquelles l’auteur des faits reconnaît sa responsabilité et accepte la sanction proposée, la commission a en outre souhaité autoriser sa mise en œuvre, sur l’initiative du juge d’instruction et avec l’accord de l’ensemble des parties, lorsque les faits reprochés à la personne mise en examen constituent un délit.
Sur la proposition d’extension de la procédure de forfaitisation aux contraventions de cinquième catégorie, la commission des lois a émis un avis favorable. Cependant, elle a souhaité exclure du champ de cette extension celles des contraventions qui deviennent un délit lorsqu’elles sont commises en état de récidive légale.
S’agissant de la transaction pénale, la commission a estimé que le recours à cette procédure dans certains contentieux techniques permettrait d’offrir à l’autorité administrative habilitée à engager des poursuites un outil de réponse efficace et dissuasif, sous le contrôle du parquet. C’est pourquoi elle a souhaité étendre le champ de cette procédure en matière de droit de la concurrence et de la consommation, d’une part, et en matière de lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, d’autre part.
En quatrième lieu, je voudrais insister sur l’allègement des règles de procédure en matière familiale.
La commission des lois a rejeté la disposition tendant à dispenser de comparution devant le juge aux affaires familiales les couples sans enfant mineur dans le cadre du divorce par consentement mutuel. L’article 13 du projet de loi prévoyait en effet que ces derniers n’auraient plus à comparaître personnellement et systématiquement devant le juge.
La commission considère que la réforme de 2004 est déjà allée très loin en matière de simplification procédurale pour les parties. Ainsi, la durée moyenne de l’audience, toutes phases comprises, n’est-elle plus que de vingt à vingt-cinq minutes.
Il me paraît nécessaire que la séparation d’un couple marié soit entourée d’une certaine solennité, symétrique de celle du mariage, qui n’est ni l’union libre ni le PACS, quand bien même les parties se seraient entendues sur tous les aspects de leur divorce. Car le divorce, à l’instar du mariage, n’est pas un acte banal, et il ne doit pas en devenir un !
Par ailleurs, l’entrevue des époux avec le juge permet à celui-ci de s’assurer de la réalité du consentement de chacun des conjoints, de l’absence de contraintes plus ou moins directes s’exerçant sur lui et de sa compréhension des effets du divorce tels que la convention conclue avec l’autre partie les organise.
La commission a donc souhaité maintenir des procédures garantissant l’équilibre entre les parties et l’accès effectif à un juge dans le cadre du divorce par consentement mutuel.
En outre, à l’article 14, relatif à la régulation des honoraires d’avocat pour la procédure de divorce par consentement mutuel, la commission a voulu améliorer la prévisibilité des honoraires à acquitter. Elle a donc choisi un dispositif plus contraignant, mais conciliable avec la liberté de fixation des honoraires.
La convention d’honoraires serait obligatoire pour toutes les procédures de divorce, ce qui reste compatible avec la liberté contractuelle, mais les justiciables pourraient s’appuyer sur un barème indicatif élaboré par la Chancellerie en collaboration avec le Conseil national des barreaux à partir des usages observés. Ce point pourra être précisé lors de nos débats.
La commission a par ailleurs encadré l’expérimentation, proposée pour trois ans, de l’obligation de recourir à la médiation familiale pour les actions tendant à faire modifier les modalités d’exercice de l’autorité parentale fixées par une décision de justice.
Aux termes du projet de loi, la saisine du juge aux fins de modification de ces mesures devrait par conséquent être précédée, à peine d’irrecevabilité, par une tentative de médiation, sauf si les parents sont d’accord sur les modifications envisagées ou si un motif légitime justifie une saisine directe du juge.
Le développement de la médiation familiale est une bonne chose, mais il requiert des moyens importants qui n’existent pas aujourd’hui.
Dans le cadre de l’unique expérimentation, qui doit être menée dans cinq départements, 5 169 dossiers actuellement traités directement par les juges aux affaires familiales devraient faire l’objet d’une médiation préalable. L’expérimentation nécessiterait donc à elle seule 103 équivalents temps plein travaillé de médiateurs familiaux supplémentaires. Si celle-ci devait être généralisée à l’ensemble du territoire national, il serait nécessaire de recruter l’équivalent de plus de 1 700 équivalents temps plein travaillé de médiateurs familiaux, soit six fois l’effectif actuel.
La commission a donc souhaité éviter qu’un allongement des délais pour obtenir un rendez-vous dans un service de médiation familiale, faute de moyens suffisants pour répondre aux attentes, ne retarde excessivement le règlement d’un conflit qui risquerait de s’envenimer encore plus. C’est pourquoi elle a précisé que l’obligation de médiation préalable pourra être écartée si, compte tenu des délais dans lesquels cette médiation est susceptible d’intervenir, les parties courent le risque d’être privées de leur droit d’accéder au juge dans un délai raisonnable. Elle a en outre souhaité exempter les parents de l’obligation de médiation préalable lorsqu’ils déposent conjointement une demande de décision relative aux modalités d’exercice de l’autorité parentale ou lorsque l’un d’eux a déposé la demande et que l’autre ne s’y oppose pas.
Telles sont les principales modifications que la commission des lois a souhaité apporter à ce texte.
Ce projet de loi contient des mesures intéressantes et va certainement dans le sens d’une clarification et d’une amélioration du fonctionnement de notre justice. Encore faut-il veiller à sauvegarder l’équilibre entre les mesures proposées et les moyens qui seront consacrés à leur mise en œuvre, et faire en sorte que la simplification des procédures juridictionnelles ne se traduise pas par une banalisation de certaines d’entre elles, ce qui amoindrirait leur impact.
M. Robert Badinter. Très bien !
M. Yves Détraigne, rapporteur. C’est ce à quoi la commission des lois s’est attachée tout au long de l’examen de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – M. Robert Badinter applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a souhaité se saisir pour avis des articles 23, 24 et 26 du présent projet de loi, qui concernent la justice militaire.
En accord avec le président et le rapporteur de la commission des lois, que je tiens à remercier, notre commission a reçu une délégation au fond pour ces articles.
Le projet de loi prévoit de supprimer le tribunal aux armées de Paris, qui est compétent pour connaître des infractions commises par des militaires ou à leur encontre à l’étranger en temps de paix. Il s’inscrit ainsi dans le prolongement des précédentes réformes de la justice militaire, notamment la loi de 1982, qui avait été présentée par notre collègue Robert Badinter, alors garde des sceaux, et avait supprimé les tribunaux militaires sur le territoire de la République et transféré la compétence aux juridictions de droit commun spécialisées.
La suppression du tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la formation spécialisée du tribunal de grande instance de Paris marqueraient donc l’achèvement de l’intégration de la justice militaire dans la justice de droit commun en temps de paix.
Déjà, Napoléon considérait que l’« on est citoyen français avant d’être soldat », et Clemenceau estimait, un peu sévèrement, que « la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique » ! (Sourires.)
Je précise que cette réforme ne vise que le temps de paix et que le code de justice militaire prévoit le rétablissement des tribunaux militaires en temps de guerre.
Je ne vous cacherai pas que j’étais au départ assez réservé sur cette réforme, par crainte d’une moindre prise en compte de la spécificité militaire devant les juridictions ordinaires. Toutefois, ma position a évolué au fur et à mesure des auditions auxquelles j’ai procédé, et je suis désormais rassuré sur ce point, pour trois raisons principales.
Tout d’abord, le tribunal aux armées de Paris n’a de militaire que le nom, puisqu’il est composé exclusivement de magistrats civils et qu’il applique le code de procédure pénale.
Ensuite, le tribunal aux armées de Paris reste une juridiction hybride, rattachée au ministère de la défense, et les magistrats du parquet sont nommés par le ministre de la défense sans avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature.
Ces règles dérogatoires alimentent les suspicions de dépendance et de partialité de cette juridiction militaire. De plus, elles ne tiennent pas compte de l’évolution du statut de la magistrature, et surtout de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Enfin, le volume d’activité de cette juridiction est faible : le tribunal aux armées de Paris reçoit annuellement de 1 600 à 1 700 procédures et prononce entre 180 et 190 jugements.
La suppression de cette juridiction serait donc source de simplification et de rationalisation.
Comme j’ai pu le constater lors de mes auditions, cette réforme est accueillie très favorablement par les militaires. En effet, à leurs yeux, ce qui compte, c’est moins le maintien d’une juridiction spécialisée, dont la dimension militaire est surtout symbolique, que la prise en compte de la spécificité militaire.
Cette spécificité militaire tient en particulier à l’avis préalable du ministre de la défense avant l’engagement de poursuites à l’encontre d’un militaire et à l’impossibilité, pour la victime, de faire citer directement un militaire devant une juridiction de jugement. Or ces règles particulières seraient maintenues avec la réforme.
À titre anecdotique, je préciserai que le tribunal aux armées de Paris a son siège dans une caserne militaire, celle de Reuilly-Diderot, que je connais bien pour y avoir séjourné plusieurs mois pendant mon service militaire avant de partir en Algérie. Or le ministère de la défense s’est engagé à céder cette caserne à la Ville de Paris, afin qu’elle y construise des logements sociaux.
Tout en approuvant cette réforme, j’ai proposé, en m’inspirant de la proposition de loi que j’avais déposée, cinq amendements à notre commission, qui les a adoptés à l’unanimité.
Nous avons ainsi estimé indispensable de prévoir l’avis du ministre lorsqu’un militaire est susceptible d’être poursuivi à la suite d’une plainte contre X, d’une plainte avec constitution de partie civile ou à l’occasion d’un réquisitoire supplétif. Cet avis est un élément très important, car il permet d’apporter un éclairage sur des situations opérationnelles complexes, notamment en opérations extérieures, comme en Afghanistan, par exemple. Je rappelle que cet avis, assorti d’un délai d’un mois, est simplement consultatif. Il ne liera donc pas le procureur de la République.
Nous avons aussi clarifié les compétences concernant les infractions commises à bord des navires ou des aéronefs militaires.
En outre, nous avons souhaité simplifier la définition de la désertion. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la professionnalisation des armées ne s’est pas traduite par une raréfaction des cas de désertion, bien au contraire. D’après les données du ministère de la défense, le nombre des désertions a augmenté de 500 % en dix ans. Les juridictions sont donc inondées de cas de désertion, qui, la plupart du temps, ne font pas l’objet de condamnations. Nous avons donc souhaité clarifier et harmoniser la définition de la désertion, que celle-ci intervienne sur le territoire français ou à l’étranger.
Enfin, nous avons souhaité formuler quelques observations.
Ainsi, nous pensons, monsieur le garde des sceaux, qu’il serait utile que le ministère de la justice lance une réflexion sur l’idée d’un regroupement des juridictions de droit commun spécialisées en deux ou trois pôles spécialisés en matière militaire. Ce regroupement aurait le mérite de renforcer la centralisation des affaires militaires et la spécialisation des magistrats.
Je voudrais également insister sur la formation des magistrats. En effet, compte tenu de la professionnalisation des armées, ainsi que de la féminisation de la magistrature, il me paraît indispensable de renforcer la formation des magistrats aux affaires militaires, à l’École nationale de la magistrature ou par des stages.
Par ailleurs, je voudrais vous faire part de mon inquiétude quant à l’avenir du corps des greffiers militaires. Ceux-ci, qui sont souvent d’anciens militaires, apportent en effet une expertise précieuse aux juges chargés de ces affaires. Il serait utile à mes yeux d’engager une réflexion sur l’avenir de ce corps en voie d’extinction.
Enfin, compte tenu des difficultés matérielles actuelles de la justice, il me semble que cette réforme devrait s’accompagner d’un transfert de personnels et de moyens du ministère de la défense au ministère de la justice.
Si les coûts de fonctionnement du tribunal sont relativement limités, les frais de justice peuvent représenter un montant assez élevé en matière militaire.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande donc au Sénat l’adoption des articles 23, 24 et 26 du projet de loi, tels que modifiés et complétés par les amendements qu’elle a adoptés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Robert Badinter applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est à nouveau un texte « fourre-tout » que vous nous présentez là, monsieur le garde des sceaux. Je le dis d’emblée, nous ne le voterons pas, et ce pour plusieurs raisons, la moindre n’étant pas le contexte dans lequel ce débat intervient.
Ce texte mêle, comme cela devient trop fréquent, des dispositions disparates quant à leur nature ou à l’enjeu qu’elles recouvrent. De ce fait, si nous pouvons accepter certaines d’entre elles, nous en rejetons d’autres.
Ce texte, comme d’autres avant lui, a surtout pour objet de décliner des propositions émises par la commission Guinchard. Nous craignons que cette façon de réformer la justice par « petits bouts » ne serve à masquer les enjeux actuels en matière de fonctionnement de la justice.
L’ambition du rapport Guinchard était d’ailleurs clairement affichée par son auteur : « C’est un rapport qui se veut global, en ce sens qu’il envisage la répartition des contentieux dans une cohérence totale avec la refonte de la carte judiciaire. »
Si les deux réformes n’ont pas été menées concomitamment, elles sont en effet largement cohérentes : il s’agit de gérer les moyens indigents du service public de la justice. Il suffit de lire l’exposé des motifs ou l’étude d’impact du présent projet de loi pour s’en convaincre : on y évoque la rationalisation, l’allègement, la spécialisation, la simplification des procédures – pourquoi pas –, mais on n’y trouve aucune trace d’une quelconque ambition pour l’institution judiciaire.
La réforme de la carte judiciaire avait pour objet de fermer un nombre important de tribunaux. L’objectif est atteint, puisque 178 tribunaux d’instance et 17 tribunaux de grande instance ont été supprimés. C’est donc une régression du service public de la justice que ce projet de loi accompagne.
Le dogme est encore la réduction des dépenses publiques et l’application de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, quelles qu’en soient les conséquences pour les justiciables.
Ce projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat voilà déjà plus d’un an. Une question se pose donc : pourquoi est-il soudain devenu nécessaire de recourir à la procédure accélérée ? Qu’est-ce que cela signifie, au moment même où l’institution judiciaire connaît une crise profonde ?
L’urgence réelle n’est-elle pas de répondre au cri d’alarme lancé par les professionnels de la justice ? Pour la première fois, 5 000 d’entre eux, dans la diversité de leurs statuts, sont descendus dans la rue, le 29 mars dernier. J’étais à leurs côtés, et je peux témoigner de leur détermination.
Vous le savez bien, monsieur le garde des sceaux, la situation de nombre de tribunaux est tout simplement catastrophique. Certains n’ont plus de moyens pour ouvrir le courrier, d’autres pour faire des photocopies…
Vous restez fermé à cette réalité, or je crois que l’on ne réglera rien sans prendre à bras-le-corps la question prégnante des moyens de la justice. On ne réglera rien en multipliant des réformes partielles destinées à masquer le fond du problème.
Vous entendez promouvoir une justice plus efficace, plus rapide, mais cela suppose des moyens, sauf à renoncer à l’ambition d’une justice égale pour tous. Égalité devant la justice et réduction des moyens ne sont pas conciliables.
Certes, vous avez annoncé la création de 485 postes. Non seulement c’est bien insuffisant pour répondre aux besoins, mais vous les avez immédiatement affectés à la mise en œuvre de vos futures réformes. De toute façon, ils ne sont pas prévus au budget…
Le présent projet de loi s’inscrit dans cette logique de pénurie, en mettant l’accent sur la déjudiciarisation, la centralisation et la spécialisation, qui devient un postulat. On a le sentiment que, peu à peu, le service public de la justice s’organise autour de quelques grands pôles d’expertise. Ce projet de loi s’apparente à une sorte de « jeu de dominos ».
Pour la deuxième fois depuis sa création en 2002, vous réformez la justice de proximité.
Il s’agissait, à l’époque, d’ajouter une troisième juridiction de première instance, à côté des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance. Le groupe CRC-SPG s’y était opposé. Nous avions soulevé un risque de confusion avec l’installation d’un nouvel ordre judiciaire. Cette crainte, je le rappelle, était aussi celle de nos anciens collègues Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon, rapporteurs du texte.
Notre position était et demeure claire : la juridiction de proximité, c’est le tribunal d’instance ; les juges de proximité, ce sont les juges d’instance.
Plutôt que de doter les tribunaux d’instance des moyens nécessaires à leur fonctionnement, la majorité et le Gouvernement ont préféré leur retirer des compétences au profit des nouveaux juges de proximité, avant d’en supprimer avec la mise en œuvre de la nouvelle carte judiciaire.
En 2005, sans que le bilan promis ait été dressé, les juges de proximité ont vu leurs compétences élargies, ce qui a modifié leur rôle puisqu’ils doivent désormais traiter un contentieux de masse.
Aujourd’hui, vous voulez supprimer la juridiction de proximité et rattacher les juges de proximité au tribunal de grande instance. Il est clair que les difficultés actuelles ne seront pas résolues, puisqu’ils exerceront toujours des attributions au tribunal d’instance et au tribunal de grande instance, au civil et au pénal.
Vous dites qu’ils ne seront pas en situation de sujétion par rapport au président du TGI : c’est à voir ! C’est lui qui pourra décider de leur affectation en fonction des besoins de sa juridiction. De fait, ils compenseront pour une part l’insuffisance de l’effectif des juges professionnels.
Ce projet de loi procède à une nouvelle répartition des compétences dans des domaines très divers : voies ferrées, préjudices liés au classement des objets au titre des monuments historiques, objets laissés en gage par les voyageurs aux aubergistes ou hôteliers, et j’en passe… Quelle lisibilité le justiciable peut-il attendre de la loi avec un tel fatras de modifications opérées au coup par coup ?
Vous faites de la spécialisation une règle, là aussi dans des domaines disparates : départition prud’homale, sans prévoir de moyens supplémentaires pour les TGI, droit de la propriété industrielle en vue de donner une compétence nationale au TGI de Paris, contentieux douanier, que vous rattachez au TGI.
Quant à la création de juridictions spécialisées en matière d’accidents collectifs, je m’interroge sur sa pertinence. Certes, la complexité de ce contentieux exige des moyens d’investigation et de jugement importants, mais je ne suis pas certaine que la spécialisation à outrance soit la bonne réponse.
S'agissant de la création d’un pôle compétent en matière de crimes contre l’humanité, ne croyez-vous pas qu’une telle disposition aurait mérité mieux que d’être noyée au sein d’un texte fourre-tout ?
Dès la première heure, nous avons approuvé l’idée d’un tel dispositif, annoncé voilà plus d’un an à grand bruit dans la presse par Mme Alliot-Marie et M. Kouchner : « patrie des droits de l’homme, la France ne sera jamais un sanctuaire pour les auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité », écrivaient-ils.
Nous partagions évidemment l’objectif affiché, mais on me permettra d’exprimer quelques réserves quant à la réalité de la détermination des auteurs de cette tribune. En effet, quand elle est parue dans Le Monde, le Gouvernement tergiversait encore sur le deuxième projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale. Ce texte, adopté définitivement le 13 juillet dernier, offre une quasi-impunité aux auteurs présumés de crimes internationaux présents sur le territoire français : il leur suffit de ne pas faire de la France leur résidence habituelle, d’autres verrous procéduraux pouvant également jouer.
J’éprouve donc une crainte : le nouveau pôle spécialisé sera-t-il en mesure de répondre aux intentions affichées ? Les dispositions juridiques seront-elles à la hauteur de ce que devrait être l’exigence de notre pays en matière de répression des crimes internationaux ?
Je note d’ailleurs que si l’article 16 du présent projet de loi évoquait les crimes de guerre, ceux-ci avaient été « oubliés » dans la suite du texte. Il est de ce point de vue très positif que notre amendement et ceux du rapporteur aient permis de viser clairement les crimes de guerre et de torture.
J’espère désormais, monsieur le ministre, que le Gouvernement s’attachera à doter ce pôle des ressources et des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
Ce projet de loi porte aussi sur le droit de la famille.
Je rejoins la position de notre rapporteur, qui a proposé de supprimer l’article 13. Je pense en effet qu’il n’est pas prudent d’écarter l’intervention du juge en matière de divorce par consentement mutuel, même en l’absence d’enfants mineurs. Le consentement mutuel, hélas, cache quelquefois un faux consentement…
Quant à l’expérimentation de l’obligation de recourir, à peine de nullité de la procédure, à la médiation familiale en cas de saisine du juge en matière d’exercice de l’autorité familiale, elle pose des problèmes importants : celui du consentement, tout d’abord, pour les mêmes raisons que précédemment ; celui du financement, ensuite, qui pèsera lourdement, n’en doutons pas, sur les justiciables ; celui du manque de 1 700 médiateurs familiaux en cas de généralisation de la mesure, enfin, qui entraînera sans nul doute le développement d’un « marché privé » de la médiation.
Vous prévoyez également, dans ce texte, une extension très large du champ des procédures simplifiées, tout particulièrement de l’ordonnance pénale et de la comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité – la dénomination « plaider-coupable » ayant été pudiquement écartée. Nous y sommes, cette fois encore, totalement opposés. Nous refusons cette démarche, qui vise à produire toujours plus de condamnations, dans un temps toujours plus réduit et avec toujours moins de garanties pour les justiciables.
Avec ces procédures, sont mis en cause plusieurs droits : le droit à un débat contradictoire, le droit à la publicité des audiences, le droit à l’impartialité du juge, le droit à l’individualisation de la peine.
Vous vous plaisez à dire qu’il faut tenir compte des victimes. Or, précisément, le droit au débat contradictoire, par exemple, est aussi un droit pour les victimes. En outre, vous continuez de ne rien prévoir pour assurer une meilleure prise en compte de leurs démarches. Mais, évidemment, cela demande beaucoup plus de moyens que la justice n’en a aujourd'hui.
Vous dites que les droits sont garantis puisque l’accusé acceptera la sanction proposée, mais, bien souvent, dans les faits, celui-ci n’aura guère d’autre choix.
Non, mes chers collègues, le justiciable n’a rien à gagner à une accélération de la procédure ! La justice a besoin de solennité, comme elle a besoin de temps pour garantir le respect des droits fondamentaux des justiciables et des victimes, sauf à ce qu’elle devienne illisible et inaccessible. S’il faut certes désengorger les tribunaux, on ne peut atteindre ce résultat qu’en produisant moins de textes sécuritaires et en prévoyant les moyens adéquats.
Le recours au juge ne saurait être considéré comme une simple source de coûts pour les finances publiques, coûts qu’il faudrait impérativement réduire. Le juge, de par son statut, est le garant d’une justice équitable, rendue au nom du peuple. Il ne peut intervenir dans la précipitation.
En ce qui concerne la justice militaire, le projet de loi prévoit la suppression d’une juridiction d’exception, le tribunal aux armées de Paris, et le transfert de ses compétences à une juridiction de droit commun. Nous y sommes bien entendu tout à fait favorables. Une telle disposition n’avait pu être adoptée en 1982 ; l’armée s’y était alors opposée.
Pour autant, le fait que nous soyons d’accord avec le Gouvernement sur ce point ne saurait compenser notre opposition aux dispositions que j’ai évoquées.
Ce projet de loi confirme l’appréciation formulée par le Médiateur de la République dans son dernier rapport : « des politiques brouillées par l’empilement législatif ». En effet, il constitue en soi un « empilement législatif », d’autant que, avec l’aval de la majorité de la commission des lois, le Gouvernement en rajoute en y introduisant une dizaine d’articles additionnels. Nous demandons leur suppression, car il n’est pas de bonne méthode de procéder ainsi.
Qui plus est, ce projet de loi sera suivi d’autres textes que vous avez présentés en conseil des ministres, monsieur le garde des sceaux, et que le Parlement est également censé adopter à la hâte avant la fin de la session, notamment celui qui est relatif à l’instauration de jurys populaires en correctionnelle. Ce texte ne manquera pas de brouiller un peu plus les choses : avez-vous par exemple réfléchi, monsieur le garde des sceaux, au fonctionnement d’audiences correctionnelles où se côtoieront juges professionnels, juges de proximité et assesseurs citoyens totalement ignorants des procédures correctionnelles ?
Réformer la justice doit avoir pour objectif d’améliorer le service rendu aux justiciables, en n’oubliant pas que les personnes les plus démunies, les plus modestes, doivent pouvoir elles aussi accéder au service public de la justice. Or nombre des dispositions de ce projet de loi ne vont pas dans ce sens, bien au contraire.
Nous sommes à mille lieues du débat qu’il conviendrait d’avoir sur les évolutions nécessaires de notre système judiciaire, sur l’indépendance des magistrats du parquet, sur la question du maintien d’une instruction indépendante, sur les conditions d’un rapprochement de la justice et des citoyens, sur le maintien d’une justice spécifique des mineurs, que vous entendez encore remettre en cause, ou encore sur les moyens qu’il serait urgent d’accorder au service public de la justice, tant civile que pénale, pour qu’il puisse fonctionner.
Examiner le présent projet de loi dans le contexte de crise profonde que connaît aujourd'hui notre institution judiciaire est, à nos yeux, tout à fait inacceptable. Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le garde des sceaux, vous n’en êtes pas entièrement responsable, mais ce projet de loi constitue une véritable provocation à un triple titre.
La provocation tient d’abord aux conditions dans lesquelles nous examinons un texte complexe, comme tous ceux qui traitent de procédure pénale : une fois encore, il est recouru à la procédure accélérée, c’est-à-dire que l’on ne laisse pas le Parlement faire son travail. Or l’expérience montre pourtant que, sur de tels textes de procédure pénale, plusieurs lectures à l’Assemblée nationale et au Sénat sont parfois nécessaires, ne serait-ce que pour éviter des erreurs. J’ajoute que ce projet de loi a été déposé voilà plus d’un an : pourquoi vient-il en discussion aujourd'hui ? Y a-t-il une urgence particulière ? Personnellement, je n’en vois pas.
La provocation tient ensuite au contexte dans lequel s’inscrit l’examen de ce texte. En effet, vous avez déposé plusieurs autres projets de loi, monsieur le garde des sceaux : je pense que vous auriez été bien inspiré d’écouter le Conseil supérieur de la magistrature, qui recommande de ne pas accélérer la production législative, s’agissant notamment de la récidive, afin de permettre aux personnels de justice de « digérer » les réformes. De surcroît, alors que le projet de loi relatif à la garde à vue vient tout juste d’être voté, on dit déjà de ce texte qu’il est inabouti, qu’il ne pourra pas être appliqué et qu’il faudra peut-être le revoir… Le Premier ministre lui-même est de cet avis ! C’est absolument incroyable !
Je le répète, le recours à la procédure accélérée pour l’examen du présent projet de loi ne permettra pas au Parlement de faire son travail. Ce texte bouleverse pourtant totalement la procédure correctionnelle et la procédure d’assises. En outre, allant à l’encontre du dernier avis du Conseil constitutionnel, que nous ne manquerons pas de saisir sur ce point, il tend à rapprocher le droit des mineurs du droit des majeurs.
Par ailleurs, la discussion de ce texte intervient alors qu’un profond sentiment de malaise traverse l’institution judiciaire, même si vous essayez de calmer l’émotion des magistrats et des autres personnels. Peut-être vos qualités personnelles pourraient-elles vous permettre d’y parvenir, mais l’attitude du Gouvernement et de l’Élysée vous en empêche de toute façon.
La provocation tient enfin au fond du texte lui-même. C’est l’état actuel de la justice qui motive l’examen accéléré de ce projet de loi. À cet égard, je me contenterai de rappeler, monsieur le garde des sceaux, que vous avez dernièrement notifié aux cours d’appel une diminution très importante des crédits affectés aux rémunérations. En conséquence, les chefs de cour sont amenés à prendre des décisions drastiques et brutales : non-renouvellement des contrats des vacataires, suppression des emplois d’assistant de justice, réduction des vacations des juges de proximité, aboutissant, dans certaines régions, à leur quasi-disparition.
M. Jean-Pierre Michel. Très bien, monsieur le garde des sceaux !
On sait que certains tribunaux, tel celui de Nice, ne peuvent plus payer d’experts ; à Orléans, à Avesnes-sur-Helpe, à La Rochelle, à Amiens, à Tours, les juridictions sont bloquées : telle est la vérité !
Pis encore, la direction des services judiciaires a indiqué, le 17 février dernier, lors d’une réunion sur l’application pénale Cassiopée, que les vacataires devaient être affectés en priorité au déploiement de ce logiciel, ce qui aboutit évidemment à priver les autres services du renfort attendu. Les personnels des tutelles, des greffes correctionnels, notamment de celui de Paris, ne pourront toujours pas récupérer les milliers d’heures supplémentaires effectuées…
Vos annonces dans le quotidien Ouest France n’engagent que ceux qui y croient. On sait très bien qu’il ne s’agit que de promesses en l’air ! En effet, monsieur le garde des sceaux, les crédits que vous avez annoncés ne sont pas budgétés ou sont affectés au financement de l’introduction des jurys populaires en correctionnelle. Ils ne permettront pas de soulager les tribunaux.
J’ajoute que la création des jurys populaires en correctionnelle, la réforme de la garde à vue, le contrôle par les juges des hospitalisations d’office prévues par la loi de 1990, voulu par le Conseil constitutionnel, ne feront qu’accentuer le malaise de l’institution judiciaire.
On voit bien que les dispositions les plus contestables de ce projet de loi, sous couvert d’alléger les procédures, sont essentiellement destinées à pallier la pénurie de personnel, au mépris de quelques principes essentiels, comme le respect du contradictoire et la publicité de l’audience.
Les juridictions de proximité, créées en 2002 par la loi Perben, vont être supprimées. Pourtant, malgré ce qu’en dit M. Guinchard, qui n’est pas un orfèvre en la matière, elles n’ont pas tant démérité que cela. Certes, leur bilan est mitigé, mais tous les juges de proximité ne sont pas nuls. Certains d’entre eux font même du très bon travail !
M. Jean-Pierre Michel. Les juges de proximité ont allégé la charge de travail des tribunaux d’instance, laquelle s’accroîtra d’ailleurs du contentieux des tutelles des majeurs et se trouvera également alourdie du fait des regroupements de tribunaux résultant de la mise en place de la nouvelle carte judiciaire, œuvre funeste de Mme Dati.
Cette réforme, purement utilitaire, ne permettra d’ailleurs pas de répondre aux critiques qu’avait suscitées – et que continue peut-être à susciter – la création des juges de proximité, à laquelle nous nous étions opposés. En effet, rien n’est prévu pour améliorer le statut précaire de ces juges, pour remédier à l’insuffisance de leur formation ou aux difficultés de recrutement. Alors que le dispositif s’était amélioré, on va supprimer les juridictions de proximité !
Bien entendu, les juges de proximité, eux, ne seront pas supprimés : on les garde, qu’ils soient bons ou mauvais, pour les mettre à la disposition du président du tribunal de grande instance, qui en fera des bouche-trous, pour ne pas dire, de façon plus vulgaire, des « bonniches » du tribunal ! Lorsqu’il manquera un assesseur en correctionnelle ou en juridiction collégiale au civil, on fera appel à un juge de proximité. C’est ainsi que cela se passera, tout le monde le sait !
Ensuite, sous couvert de simplification, le texte prévoit deux mesures totalement inacceptables de notre point de vue : l’extension du champ de l’ordonnance pénale et celle du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
S’agissant de l’extension du champ de l’ordonnance pénale, nous estimons que le droit à l’audience, c'est-à-dire au contradictoire et à la publicité des débats, est un droit absolu. Certes, aujourd'hui, la mode est au recours à la visioconférence, comme on a pu le voir en matière de garde à vue et comme on le verra bientôt pour les hospitalisations d’office : le juge communique à distance, par écran interposé, avec la personne gardée à vue ou mise en examen ! Cela est, on en conviendra, absolument inacceptable ! C’est la négation de ce qu’est l’audience, à savoir l’instauration d’un dialogue direct entre le juge et son interlocuteur. Seul un tel face-à-face peut permettre au juge de se forger une opinion, car il importe de prendre en compte, outre les paroles prononcées, des attitudes, des non-dits qu’une visioconférence interdit de percevoir.
Vous proposez d’étendre largement le champ de l’ordonnance pénale, monsieur le garde des sceaux, or nous recevons fréquemment dans nos permanences des personnes qui, s’étant vu notifier une ordonnance pénale, viennent nous demander de les aider alors que le délai pour faire opposition est déjà échu et que la condamnation est de ce fait devenue définitive… Nombre de nos concitoyens, malheureusement, peinent à comprendre un tel document, et davantage encore à rédiger une lettre pour contester les faits. Voilà ce qu’il en est de l’ordonnance pénale ! Vous qui vous présentez volontiers comme un homme de terrain, monsieur le garde des sceaux, vous qui êtes un élu rural, comment pouvez-vous préconiser l’extension de cette mesure ? Vous savez très bien que la plupart des justiciables sont complètement désarmés devant de telles procédures. Ils n’y comprennent rien, et ils ont le sentiment que leur condamnation résulte de l’arbitraire d’un juge.
Plus grave encore, selon moi, y compris d’un point de vue constitutionnel, est l’extension du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité –disons le « plaider-coupable », pour parler clairement – à l’ensemble des délits.
Lorsque cette disposition sera entrée en vigueur, c’en sera évidemment fini du procès Chirac, du procès Tapie, etc. Il suffira de plaider coupable pour éviter l’audience et la publicité afférente ! On négociera discrètement la peine, et tout sera terminé ! Voilà à quoi aboutira l’extension du champ du plaider-coupable ! Nul ne saurait me contredire sur ce point, sauf à être de mauvaise foi !
Certes, monsieur le garde des sceaux, les procureurs sont des magistrats, mais ils ne sont pas des juges.
M. Jean-Pierre Michel. Or, que font les procureurs aujourd'hui ? Vos propres statistiques montrent que, en 2009, sur près de 1,5 million d’affaires pénales poursuivables, 854 000 ont été « jugées » par des procureurs de la République. Il faudrait ajouter à ce chiffre 180 000 classements sans suite. En revanche, on constate une baisse par rapport à 2008 du nombre des poursuites devant le juge d’instruction, le juge des enfants et le tribunal de police, à hauteur respectivement de 10,7 %, de 0,4 %, et de 4,1 %. On observera une confirmation de cette évolution lorsque les chiffres de l’année 2010 seront connus.
Les procureurs deviennent donc des juges. Ce sont eux, d’ailleurs, qui connaissent la plus grande partie du contentieux pénal. Or cela contrevient aux recommandations de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel. La tenue d’une audience deviendra l’exception, de même que l’intervention du juge ; la règle sera que le procureur de la République jugera. Nous n’acceptons pas cette dérive.
Il est vrai, néanmoins, que ce texte comporte quelques dispositions plus positives et que M. le rapporteur a minutieusement travaillé pour corriger un certain nombre d’excès par le biais d’amendements que nous avons approuvés.
Contrairement peut-être à Mme Borvo Cohen-Seat, je pense que la constitution de pôles spécialisés est plutôt une bonne chose, de même que l’attribution de la compétence au seul tribunal de grande instance de Paris pour le contentieux de la propriété industrielle.
Je me réjouis, bien entendu, de la suppression du tribunal aux armées de Paris. Elle fait aujourd’hui consensus, alors que, en 1982, cette mesure avait suscité une opposition passionnée à l’Assemblée nationale : on entendit alors des hurlements ! Certains, tel Jean Foyer, pour qui j’avais beaucoup d’estime, n’en pouvaient plus d’éructer contre ce qu’ils considéraient comme une atteinte à nos armées !
Cela étant, la suppression de cette juridiction va encore différer l’examen d’un certain nombre d’affaires, dont le tribunal de grande instance de Paris ne pourra se saisir immédiatement. Je pense notamment au rôle de l’armée française face au génocide rwandais, aux bombardements de Bouaké, en 2004, qui avaient causé la mort d’un certain nombre de militaires français et dont les pilotes responsables n’ont jamais été interrogés, ou à l’assassinat, toujours en Côte d’Ivoire, du coupeur de routes Firmin Mahé. Toutes ces affaires vont être de nouveau reportées, avant peut-être qu’une quelconque prescription ne vienne exonérer certains militaires des délits ou des crimes qu’ils auraient pu commettre dans l’exercice de leurs fonctions…
En conclusion, mon groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette discussion ne peut être isolée du contexte de crise aiguë que connaît notre justice depuis maintenant plusieurs années.
Les retards en moyens accumulés durant cette période sont tels que les mesures de rattrapage, à hauteur de quelque 4 %, votées en loi de finances sont loin de suffire à combler les manques qui affectent notre système judiciaire. Je rappellerai que le classement de quarante-trois pays d’Europe au regard de l’efficacité de la justice, établi en octobre dernier par la Commission européenne, place la France au trente-septième rang.
Dès lors, le présent projet de loi ne répond pas à l’urgence avérée qu’il y a à mettre enfin en œuvre une profonde réforme de notre justice. Le mouvement de protestation des personnels de justice du mois dernier n’est que la dernière illustration en date de l’état d’exaspération inquiétant qui accable notre monde judiciaire.
La priorité n’est certainement pas d’examiner des textes comme celui-ci selon la procédure accélérée. Pour dire clairement les choses, ce projet de loi est frappé au coin de l’incohérence.
Cette incohérence tient d’abord au fait qu’il comporte des dispositions hétérogènes formant un fourre-tout dont on peine à trouver la ligne directrice. Pourquoi proposer un texte ad hoc visant à transposer certaines recommandations du rapport Guinchard, dont il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire, alors qu’un grand nombre de ces recommandations ont déjà été mises en œuvre dans d’autres textes législatifs ou réglementaires ?
L’incohérence tient, ensuite, au calendrier. Vous nous soumettez, monsieur le ministre, un texte qui tend à supprimer les juridictions de proximité, alors que vous venez de présenter un projet de loi sur les jurys populaires en correctionnelle qui ajoute au désordre législatif actuel. Les juges de proximité avaient pourtant été créés par votre majorité, en 2002, afin de « répondre aux besoins d’une justice plus accessible, plus simple et capable de mieux appréhender les litiges de la vie quotidienne », pour reprendre les termes de l’exposé des motifs qui, à l’époque, accompagnait le texte. Ce dessein n’était pas, en soi, critiquable, mais les moyens budgétaires et humains n’ont jamais été à la hauteur de l’ambition initiale, et l’on n’a pas donné à ces magistrats toutes leurs chances.
S’il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que, depuis quelques années, le budget de la justice a régulièrement augmenté, les retards accumulés sont tels que les crédits ne sont toujours pas à la hauteur des besoins.
Certains exemples mettant en lumière la gravité de la situation confinent à l’absurde.
Ainsi, à Orléans, le budget du tribunal d’instance a été réduit de 30 %. Les juges de proximité n’assistent donc plus aux audiences correctionnelles, afin de permettre que des crédits puissent être conservés pour payer des vacataires.
Les vacations des juges de proximité du tribunal d’instance de Tours ont été divisées par deux en 2010, en raison d’une baisse brutale des moyens de 27 %.
La cour d’appel de Riom s’est même trouvée dans l’impossibilité de rémunérer des juges de proximité.
Dans certaines juridictions des Hauts-de-Seine, comme celle de Puteaux, la plus importante du département, il n’y a plus d’audiences depuis septembre 2010. Les juges sont au chômage forcé, si bien que l’une des juges en poste a proposé de n’être payée que sur le budget de 2011…
Au 1er janvier dernier, seules 276 juridictions sur 305 étaient pourvues d’au moins un juge de proximité. Dans les 29 autres, un juge d’instance est tenu d’assurer les audiences.
En substance, la Chancellerie a volontairement réduit l’activité de ces juridictions, en les asphyxiant financièrement, pour justifier ensuite leur suppression et le rattachement des juges de proximité aux tribunaux de grande instance.
Pourquoi, alors qu’il était clair, dans l’esprit du Gouvernement, que ces juridictions étaient condamnées, avoir poursuivi en 2010 le recrutement de juges de proximité ? Pourquoi entériner cette suppression, qui entraînera de nouvelles charges pour les tribunaux d’instance, ce dont ils n’ont certainement pas besoin ? Vous-même, monsieur le rapporteur, avez exprimé des doutes, puisque vous avez déclaré en commission que « donner, avec les contentieux jusqu’à 4 000 euros, une charge supplémentaire aux juges d’instance représente un vrai défi en termes de moyens ».
Les juges de proximité ont pourtant su démontrer leur utilité, malgré les conditions de travail difficiles qui leur ont été imposées. Rattacher ces magistrats au tribunal de grande instance reviendrait à les transformer en simples supplétifs mal payés et mal considérés des magistrats professionnels, ce que la majorité des membres de mon groupe ne peut accepter. C’est tout simplement aller au rebours de ce qu’est une justice à la portée de tous les justiciables.
Il est pour nous évident, et Jacques Mézard y reviendra en défendant notre motion tendant au renvoi du texte à la commission, qu’une vraie réforme de la justice de proximité aurait, par exemple, pu consister à réfléchir à la possibilité de confier aux juges de proximité la phase de conciliation obligatoire en matière de petits litiges.
En tout état de cause, nous n’entérinerons pas ce recul, pas plus que nous n’acceptons, en matière pénale, que soit encore étendu le champ d’application des procédures non contradictoires que sont l’ordonnance pénale et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Il y aurait beaucoup à dire sur l’extension continue du champ de ces procédures, initialement conçues pour demeurer des dérogations contenues au droit commun. Ces deux dispositifs ont en commun de ne pas permettre au prévenu de faire entendre sa cause dans le cadre d’une procédure contradictoire, par exception aux principes généraux du droit pénal qui garantissent le respect des droits de la défense. On sait que l’opposition à une ordonnance pénale est, en pratique, une procédure longue et complexe, qui décourage le plus souvent le mis en cause, ce qui revient à le priver de la possibilité de se défendre dans une procédure plus équitable.
Dans le même esprit, il est inexact de dire que le prévenu faisant l’objet d’une CRPC est dans une position équilibrée face au parquet. La culture de l’aveu, le chantage à la peine plus sévère que prononcerait une juridiction et la pression de la convocation concomitante devant une formation de jugement ont pour seul effet d’amener le prévenu à accepter la peine proposée par le parquet, faute de pouvoir mieux se défendre.
L’engorgement des tribunaux est une réalité, mais ne saurait servir de prétexte au développement de procédures qui portent en elles-mêmes atteinte à l’équité et à l’équilibre du face-à-face entre le justiciable et les magistrats. Une nouvelle fois, monsieur le ministre, la solution proposée est sans doute pire que le mal que vous voulez traiter.
Ce nouveau recul des droits ouvre une brèche inacceptable dans le respect des principes généraux de notre droit. Il est heureux que la commission, réticente depuis longtemps devant ces extensions, ait expressément exclu du champ de l’ordonnance pénale les cas de récidive légale et de celui de la CRPC les faits de violence contre les personnes ou les agressions sexuelles aggravées.
Pour ce qui concerne les autres points du texte, j’étais, comme beaucoup de nos collègues, assez perplexe s’agissant de la dispense de comparution des époux devant le juge en cas de divorce par consentement mutuel en l’absence d’enfants mineurs, prévue à l’article 13 du projet de loi. Le divorce, quel qu’en soit le régime, demeure une épreuve psychologiquement marquante. Le passage devant un juge a d’abord le mérite d’assurer que le consentement des deux époux est réel et non vicié, et que la procédure est équilibrée.
Il est normal que les justiciables soient informés du montant des honoraires qu’ils devront régler dans le cadre d’une convention d’honoraires, en particulier si ceux-ci sont importants. En revanche, la liberté de fixation des honoraires de l’avocat doit demeurer le principe, et je ne suis pas convaincu de l’opportunité d’introduire des barèmes indicatifs, eu égard notamment au droit de la concurrence.
La réflexion devrait également se poursuivre s’agissant de la généralisation de la médiation familiale, qui ajouterait sans doute à la complexité de la procédure, sans d’ailleurs que nous connaissions aujourd’hui les modalités de financement d’un tel dispositif.
Des interrogations existent aussi, à nos yeux, quant à la pertinence d’étendre aux tribunaux de grande instance la procédure d’injonction de payer pour les litiges supérieurs à 10 000 euros, en l’état actuel du texte.
S’agissant de l’introduction d’une spécialisation en matière de départition prud'homale, le dispositif proposé permettra sans doute de rationaliser l’usage d’une procédure complexe, dans une matière sensible qui exige une maîtrise approfondie du droit du travail.
Enfin, le texte trouve grâce à nos yeux sur un autre point : la suppression du tribunal aux armées de Paris, dont la compétence sera transférée à la formation spécialisée du tribunal de grande instance de Paris. Cette mesure vient enfin achever l’intégration de la justice militaire en temps de paix dans la justice de droit commun. Elle mettra un point final au vaste mouvement de transformation de nos armées, qui a été marqué par la fin de la conscription et du maintien permanent de troupes en Allemagne. Il était temps de supprimer cette institution, qui était devenue peu compatible avec les principes d’un État républicain.
Toutefois, ces quelques aspects positifs ne sauraient réduire les extrêmes réserves de la majorité des membres du groupe du RDSE sur un texte qu’ils ne jugent ni opportun ni pertinent. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, que de chemin parcouru depuis décembre 2007, depuis que le recteur Guinchard fut chargé, par la garde des sceaux de l’époque, de rédiger un rapport sur les moyens de simplifier les procédures contentieuses dans notre ordre judiciaire !
Entouré d’universitaires, de représentants des professionnels du droit, de la justice et des syndicats, le recteur Guinchard avait alors procédé à de nombreuses auditions, afin de recueillir l’avis de l’ensemble des acteurs sur les évolutions souhaitables de l’organisation et du périmètre de l’intervention judiciaire. Il avait ensuite formulé soixante-cinq grandes préconisations. Certaines d’entre elles ont d’ores et déjà été introduites dans la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, d’autres sont reprises dans la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille relative à l’exécution des décisions de justice.
Vous nous proposez donc aujourd’hui, monsieur le garde des sceaux, de poursuivre cette démarche de modernisation, que ce soit en matière civile ou en matière pénale, en simplifiant cette fois l’organisation judiciaire en première instance et en développant les allégements procéduraux.
À cet égard, nous nous devons d’envisager une justice rénovée, une justice porteuse de sens s’agissant de l’intervention du juge, une justice plus lisible et plus proche des justiciables.
Les Français nous disent depuis trop longtemps maintenant qu’ils comprennent mal le fonctionnement de la justice. Les critères de compétence des juridictions apparaissent flous ; le rôle même du juge est parfois incompris.
Force est de le reconnaître, l’organisation actuelle de la justice, telle qu’elle résulte des strates successives accumulées au fil des ans, est devenue peu lisible pour nos concitoyens. Or, une justice pour tous, c’est d’abord une justice que l’on comprend.
La répartition de principe des compétences civiles entre le tribunal de grande instance, le tribunal d’instance et, depuis 2002, le juge de proximité, fondée sur les critères de la collégialité ou du juge unique, ainsi que sur la nature des contentieux et la représentation obligatoire ou non par un avocat, a perdu de sa pertinence. Elle est devenue trop complexe et ne correspond plus à la situation actuelle.
La lisibilité se prolonge dans la proximité et l’accessibilité de la justice, objectifs qui doivent s’accompagner d’une prise en compte du développement des nouvelles technologies aux fins de simplification des procédures.
Penser une justice rénovée, c’est envisager une justice adaptée aux évolutions de la société.
La nature des contentieux et la manière dont le besoin de justice est ressenti ont profondément évolué. La justice accompagne les mouvements de société. Ainsi, les séparations et recompositions familiales font que la moitié des affaires dont sont saisis les tribunaux de grande instance concernent le contentieux familial ; la justice civile d’instance doit désormais faire face à la progression des impayés, du surendettement, des mesures de protection comme les tutelles, notamment pour les majeurs.
Des remèdes doivent être apportés à la croissance du nombre des affaires nouvelles, afin d’y répondre efficacement et d’apporter à chacun le droit que le juge doit dire dans un délai raisonnable.
Penser une justice rénovée, c’est aussi établir une justice porteuse de sens pour l’intervention du juge.
Remettre le juge au cœur de son activité juridictionnelle, c’est alléger ses fonctions d’un certain nombre de tâches n’entrant pas directement dans l’exercice de cette activité, afin qu’il puisse disposer de plus de temps pour se concentrer sur sa mission première, qui est de dire le droit, tant au contentieux qu’en matière gracieuse. Revoir le périmètre d’intervention du juge en le remettant au cœur de son activité juridictionnelle, c’est aussi l’aider et l’assister dans l’exercice de celle-ci.
Monsieur le garde des sceaux, en simplifiant l’organisation judiciaire et en allégeant les procédures, votre projet de loi va dans ce sens.
Le principal axe est centré sur une certaine forme de confusion, née de la création, en 2002, de la juridiction de proximité, laquelle aurait, selon certains – nous l’avons encore entendu tout à l’heure – contribué à amoindrir la lisibilité de notre organisation judiciaire.
Aujourd’hui, trois juridictions interviennent dans le contentieux civil de première instance. Les critères de répartition entre ces trois juridictions manquent à l’évidence de clarté. Je n’évoquerai que deux exemples.
Si des squatteurs occupent d’anciens logements, la juridiction compétente pour les expulser est le tribunal d’instance, mais s’ils occupent des bureaux désaffectés, la juridiction compétente est alors le tribunal de grande instance. Où est la logique ?
Si un défendeur forme une demande incidente supérieure à 4 000 euros devant le juge de proximité, son affaire est immédiatement transmise au tribunal d’instance. Il n’a pas à justifier du bien-fondé de sa demande. Il s’agit parfois, à l’évidence, d’un moyen détourné pour choisir tel juge ou éviter tel autre.
Je tiens à réaffirmer ici notre attachement aux juges de proximité. Si la juridiction ne paraît pas parfaitement adaptée à l’objectif initial, les juges qui y sont affectés ont su trouver une place légitime et singulière dans notre fonctionnement judiciaire. En effet, ils apportent une connaissance de terrain et un contact, ce qui est fondamental. C’est pourquoi le groupe UMP souhaite leur maintien.
Néanmoins, nous soutenons la proposition qui vise à rattacher cet ordre de juridiction aux tribunaux de grande instance, car elle permettrait aux juges de proximité d’avoir un meilleur contact avec les juges professionnels. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le garde des sceaux, il s’agit d’un rattachement organique, dont l’objet est de définir précisément les attributions juridictionnelles des juges de proximité, tant au tribunal de grande instance qu’au tribunal d’instance. Il s’agit de maintenir les fonctions des juges de proximité pour statuer en matière pénale, sur les contraventions des quatre premières classes, mais de supprimer leurs compétences en matière de contentieux civil.
On nous affirme que la réforme proposée permettra d’effectuer des mesures d’instruction dans le cadre de la procédure civile et étendra la participation des juges de proximité en qualité d’assesseur à l’ensemble des formations collégiales du TGI, en matière tant civile que pénale.
Le groupe UMP sera très attentif au débat qui s’ouvrira sur ce sujet, en vue de maintenir les actuelles attributions des juges de proximité. À titre d’exemple, sachez que, en Alsace, ces juges traitent actuellement 20 % des affaires qui relèveraient sinon des tribunaux d’instance. En d’autres termes, leur suppression représenterait une charge de travail supplémentaire de 20 % pour les tribunaux d’instance.
Comme cela a été indiqué, il est indispensable de doter les tribunaux d’instance de moyens supplémentaires, que M. le rapporteur évalue à soixante équivalents temps plein travaillé.
Dans le même temps, il nous est proposé de rationaliser le traitement des contentieux et de spécialiser les juridictions dans les contentieux les plus complexes et les plus techniques, afin de renforcer l’efficacité de la justice pénale.
Ainsi, un pôle judiciaire spécialisé pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerres sera créé au sein du TGI de Paris. À cet égard, je ne reviendrai pas sur les propos de M. le rapporteur pour avis, que le groupe UMP soutient pleinement.
De même, les contentieux consécutifs à des accidents collectifs – catastrophes majeures en matière de transports, risques technologiques, dommages dus à une pollution en mer, qu’elle soit volontaire ou non – seront traités par une juridiction spécialisée, et l’on ne peut que s’en réjouir.
Le présent projet de loi a aussi pour objet d’alléger certaines procédures. L’essentiel des innovations concerne le civil et les procédures en matière familiale.
Monsieur le garde des sceaux, vous proposez deux modifications importantes à la procédure applicable devant le juge aux affaires familiales.
En premier lieu, vous prônez l’allégement de la procédure de divorce par consentement mutuel pour les couples qui n’ont pas d’enfant mineur en commun. Les parents n’auraient alors plus à comparaître personnellement et systématiquement devant le juge aux affaires familiales. Le juge n’ordonnerait cette comparution que s’il l’estime nécessaire ou si l’un des deux époux en fait la demande. J’avoue m’être longuement interrogé sur cette disposition.
La procédure actuelle, qui se divise en trois phases, permet au juge de s’assurer de la validité des consentements. Le juge ne prononce le divorce et n’homologue la convention que s’il a acquis la conviction que la volonté des époux est réelle et que le consentement est libre et éclairé.
Ainsi, là où certains estiment que l’entrevue des époux devant le juge, d’abord séparément, puis ensemble et, enfin, avec les avocats peut être vécue comme une formalité inutile, cette procédure offre au juge l’occasion de s’assurer de la réalité des consentements. C’est une situation que j’ai vécue à titre personnel, monsieur le garde des sceaux.
Comme l’a d’ailleurs rappelé notre collègue Jean-Pierre Michel en évoquant son expérience professionnelle en matière de divorce, le fait de recevoir le couple en comparution permet de mesurer l’acuité des crises et de décider, si cela se révèle nécessaire, un délai de réflexion. Nous devons penser aux situations les plus délicates, lorsque certaines parties sont parfois très faibles.
En second lieu, monsieur le garde des sceaux, vous prévoyez une expérimentation de l’obligation de recourir à la médiation familiale pour les actions tendant à faire modifier les modalités d’exercice de l’autorité parentale. La saisine du juge aux fins de modification de telles mesures devrait, par conséquent, être précédée, à peine d’irrecevabilité, d’une tentative de médiation, sauf si les parents sont d’accord sur les modifications envisagées ou si un motif légitime justifie une saisine directe du juge.
Mes chers collègues, une telle expérimentation constitue certes une approche pragmatique, qui peut permettre à terme de mieux définir un autre mode de résolution des conflits, toutefois, la seule mise en œuvre de cette expérimentation suppose la mobilisation de moyens importants dans les services de médiation familiale. Et je suis, je l’avoue, peu convaincu de l’opérationnalité immédiate d’une telle disposition.
La commission des lois a me semble-t-il trouvé une solution tout à fait raisonnable afin d’éviter que les délais de médiation familiale ne s’étendent de manière excessive, ce qui retarderait le règlement des litiges. Ainsi, l’obligation de médiation préalable pourra être écartée si, en raison des délais d’obtention d’un rendez-vous avec le médiateur, les parties courent le risque de se voir priver de leur droit d’accéder au juge dans un délai raisonnable. J’ai entendu, monsieur le garde des sceaux, vos interrogations sur la notion de « délai raisonnable » ; je ne doute pas que la discussion permettra de lever vos réserves. Toutes ces mesures, j’y insiste, ont pour finalité l’intérêt de l’enfant.
Toujours en matière familiale, je tiens à évoquer la régulation des honoraires d’avocat pour la procédure de divorce.
Vous le savez, le projet de loi prévoit que l’avocat ne pourra demander des honoraires supérieurs au montant fixé par un arrêté, sauf s’il a conclu une convention d’honoraires avec son client. Si le principe de la convention d’honoraires offre au client une plus grande prévisibilité sur les frais auxquels il s’expose, la question du barème d’honoraires mérite d’être discutée. C’est pourquoi la proposition de la commission des lois, qui consiste à fournir une information objective aux parties sur les prix moyens généralement pratiqués en matière de divorce, en prévoyant la publication par arrêté du garde des sceaux, pris après avis du Conseil national des barreaux, de barèmes indicatifs, semble être un équilibre intéressant.
L’allégement procédural concerne également le domaine pénal. Reprenant pour partie les préconisations formulées par le rapport Guinchard, le projet de loi étend le champ de trois procédures pénales simplifiées dans le souci d’améliorer l’efficacité du traitement des contentieux simples ou ne donnant pas lieu à contestation.
Néanmoins, comme l’a rappelé M. le rapporteur, si la procédure de l’ordonnance pénale a montré son utilité dans le traitement de contentieux simples, nous considérons qu’elle n’est pas nécessairement adaptée pour des contentieux plus complexes. Nous soutenons donc l’idée d’encadrer strictement l’extension du champ d’application de l’ordonnance pénale.
La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, communément appelée le « plaider coupable », permet au procureur de la République de proposer à une personne reconnaissant avoir commis un délit une peine qui, en cas d’accord de l’intéressé, pourra être homologuée par le président du tribunal.
Il nous est proposé d’étendre la possibilité pour le parquet de recourir à la CRPC pour l’ensemble des délits, sous réserve d’un certain nombre d’exceptions limitativement énumérées. Cette procédure présente des avantages non négligeables, notamment une plus grande individualisation de la peine. Cependant, comme l’a rappelé à juste titre M. le rapporteur, les délits les plus graves portant atteinte aux personnes doivent également être exclus de cette procédure.
J’évoquerai enfin la procédure de l’injonction de payer. Introduite dans le droit français en 1937 pour les créances de nature commerciale, puis étendue aux créances de nature civile et à toutes les créances d’origine contractuelle, elle permet à un créancier d’obtenir la délivrance d’un titre exécutoire sans débat préalable. Elle est aujourd’hui organisée devant la juridiction de proximité, le tribunal d’instance et le tribunal de commerce. Il nous est proposé de l’étendre au TGI. Le tribunal d’instance resterait compétent pour connaître des requêtes en injonction de payer qui, même supérieures à 10 000 euros, relèvent de sa compétence exclusive, comme celles qui sont relatives au crédit à la consommation ou aux baux d’habitation.
J’ai souhaité déposer, sur l’article concerné, un amendement visant à permettre que la requête en injonction de payer puisse être déposée devant le TGI par le créancier ou par le mandataire, comme c’est aujourd'hui le cas devant le tribunal d’instance, et ce afin d’alléger les frais de justice pour les créanciers. Il ne faut naturellement pas alourdir le coût de la procédure par un tel transfert. Je me réjouis que M. le rapporteur présente une proposition identique.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera ce texte, qui va dans le sens d’une justice plus simple, plus équitable et plus accessible. Mais, je le répète, nous souhaitons le maintien des juridictions de proximité dans des conditions acceptables tant pour les intéressés que, naturellement, pour les justiciables. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je tiens tout d’abord à remercier les différents orateurs d’avoir, par leur contribution, enrichi notre discussion.
Mes remerciements vont également à MM. Yves Détraigne et Marcel-Pierre Cléach, qui ont souligné le bien-fondé de ce texte, même s’ils le jugent perfectible.
Je tiens tout d’abord revenir sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à déposer ce projet de loi et sur la place qu’occuperont les dispositions qui vous sont présentées au sein de notre organisation judiciaire. Ce faisant, je répondrai à tous ceux qui se sont étonnés de la diversité des mesures qui leur sont soumises, notamment Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Michel.
En ce qui concerne les moyens, soyons clairs : le Gouvernement a fait des efforts budgétaires sans précédent.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Robert Badinter. Après d’autres !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je le reconnais bien volontiers, monsieur Badinter, mais c’était voilà bien longtemps, en 2001. Ensuite, ils se sont faits plus rares.
Quoi qu’il en soit, depuis 2007, le Premier ministre veille à ce que le budget de la justice progresse chaque année. Ce budget, qui était de 4,5 milliards d’euros en 2002, a, pour la première fois, dépassé 7 milliards d’euros en 2011, soit une augmentation de 60 % en neuf ans, dont 14 % entre 2007 et 2011.
Plus important encore, et M. Hyest l’a souligné, en 2002, le budget de la justice représentait 1,7 % du budget de l’État contre 2,5 % en 2010. Cette progression, peut-être insuffisante, est néanmoins tout à fait significative.
Entre 2002 et 2011, le nombre des magistrats est passé de 6 952 à 8 197 et celui des fonctionnaires et greffiers a progressé de 20 461 à 21 091, dont 9 237 greffiers, soit une augmentation de 18 %. En 2011, 399 nouveaux emplois de greffiers seront créés.
La progression des moyens se poursuivra dans les prochaines années : 485 emplois seront créés, 315 en 2012 et 170 en 2013, dont 235 postes de magistrats et 160 postes de greffiers. Il s’agit donc d’une évolution continue, et je tenais à le souligner devant le Sénat.
Mais l’augmentation des moyens doit s’accompagner d’une réforme la justice. À cette fin, il faut, comme l’a souligné M. Reichardt, recentrer le juge sur son cœur de métier, car aujourd’hui, on lui en demande beaucoup trop. En fait, nous devons agir dans un double mouvement.
Lorsque le juge tranche avec une autorité particulière un conflit, se prononce sur une difficulté ou sanctionne la non-observation de la loi, sa décision doit apporter une vraie plus-value. Le juge n’est pas une assistante sociale. Les deux métiers sont nécessaires et respectables, mais chacun a son office. Nous devons opérer un double mouvement : d’une part, créer des moyens nouveaux ; d’autre part, recentrer le juge sur son cœur de métier, et c’est l’objet du présent projet de loi. Par ce double mouvement, nous donnerons au service public de la justice des moyens dont il a bien besoin.
Nous aurons l’occasion, au cours des débats, de revenir sur les nombreux points qui ont été soulevés. Mais permettez-moi en cet instant, sans allonger la discussion, d’apporter quelques précisions.
M. Détraigne a exprimé ses inquiétudes en ce qui concerne le mariage, le divorce et de la médiation. Aujourd'hui, le contentieux familial représente près de 60 % du volume des affaires des juridictions. Cette situation est-elle normale ? Il me semble que nous ne pouvons pas éviter d’engager la réflexion sur ce sujet. Faut-il vraiment faire appel au juge à la moindre difficulté ? La question mérite d’être posée.
Dans certaines situations, seul le juge peut trancher. Mais parfois, des professionnels autres que le juge peuvent aider les couples à surmonter les difficultés qu’ils rencontrent. C’est l’objet de la médiation, que nous souhaitons rendre obligatoire.
Comme l’ont souligné MM. Alfonsi et Détraigne, cette disposition induira des dépenses supplémentaires, mais c’est nécessaire si nous voulons de libérer le temps du juge.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart d’entre vous, je l’ai bien compris, sont opposés à la mesure permettant de prononcer le divorce sans comparution des deux membres du couple. Il n’est pas question pour le Gouvernement d’ignorer la position que prendra le Sénat, mais nous considérons que cette mesure se justifie lorsque les seuls intérêts en jeu sont ceux des deux membres du couple. En revanche, lorsque qu’il y a des enfants, il est tout à fait normal que le juge puisse les protéger.
Monsieur le rapporteur, vous avez à juste titre insisté sur la solennité du mariage. Toutefois, je constate que ce n’est pas le juge qui officialise le mariage. Dès lors, pourquoi ne pas envisager d’autres voies que le recours au juge pour défaire une union.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le maire peut « démarier » ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il me semble que l’Association des maires de France est hostile à cette solution…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et elle a raison !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je l’ignore, mais ce n’est pas parce que le maire ne peut rompre une union que le juge doit obligatoirement intervenir ! Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen de l’article 13.
Les juges de proximité sont devenus une institution. Elle fonctionne plus ou moins bien selon les endroits, mais c’est tout à fait normal.
Rattacher les juges de proximité aux tribunaux de grande instance, c’est éviter la coexistence de trois juridictions de première instance.
Si je devais formuler un souhait, je préférerais qu’il n’y ait qu’une seule juridiction de première instance. Cela aurait le mérite de la clarté.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sur ce point, nous sommes d’accord !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est un peu tard pour le faire, mais ce pourrait être une solution.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Ce sera pour la prochaine réforme !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il ne s’agit pas de modifier la localisation géographique des tribunaux. Le maillage doit être le plus serré possible s’agissant des juges, mais il paraît souhaitable que le président du tribunal de grande instance puisse gérer l’ensemble de la juridiction de première instance de son territoire. Et c’est bien l’objet du présent projet de loi. Les juges de proximité seront rattachés au tribunal de grande instance. Le président les affectera dans les formations de jugement. Ils conserveront des compétences propres dans un certain nombre de domaines, participeront à la collégialité, qui est un aspect essentiel de notre système judiciaire.
Certes, les juges de proximité ne sont pas des magistrats professionnels. Conformément à une décision du Conseil constitutionnel de 2002, dans les juridictions correctionnelles, il ne pourra donc y avoir qu’un juge de proximité, les magistrats professionnels devant être majoritaires.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et lorsqu’il y aura les jurés ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cette question sera réglée par le président du tribunal. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et par le Conseil constitutionnel !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Cléach, je tiens en cet instant à vous remercier du soutien que vous apportez au Gouvernement dans domaine de la justice militaire. Je ne m’attarderai pas sur la suppression du tribunal aux armées de Paris, qui semble recueillir un accord unanime.
Vous souhaitez que le Gouvernement prête, à l’avenir, une attention particulière au corps des greffiers militaires. Ces derniers, je le rappelle, sont des militaires de carrière. Leur statut professionnel n’est donc pas remis en cause par la suppression du tribunal aux armées de Paris, qui n’emploie actuellement que sept militaires sur un total de cent vingt et un greffiers. Quoi qu’il en soit, nous serons très attentifs à cette question.
La formation des magistrats constitue, en effet, une question essentielle. Depuis 2009, le ministère de la défense organise, en lien avec l’École nationale de la magistrature, l’ENM, un stage d’une semaine à l’intention d’une vingtaine de magistrats.
La question du regroupement des juridictions de droit commun spécialisées dans les affaires pénales militaires sur le territoire français n’est pas taboue. Il m’apparaît souhaitable de ne pas centraliser toutes les instances à Paris.
M. Michel s’est inquiété des retards que pourrait prendre le traitement de certaines affaires du fait de la suppression du tribunal aux armées de Paris. Aujourd’hui, on ne constate aucun retard dans la tenue des audiences et le TGI ne récupérera donc pas un stock de dossiers en attente.
Dans l’affaire Mahé, le renvoi en cours d’assises vient d’être ordonné. Rien ne s’oppose à ce que le tribunal aux armées, qui ne disparaîtra qu’au 1er janvier 2012, prononce son jugement dans les six mois qui viennent. Dans les affaires Rwanda et Bouaké, des informations judicaires contre X sont ouvertes. Aucune mise en examen n’a eu lieu. Les enquêteurs continueront de travailler, quel que soit le juge compétent.
J’en viens aux interrogations de M. Michel sur les vacations d’assistants de justice et de juges de proximité.
En ce qui concerne les assistants de justice, les crédits ont été rétablis. Il y aura autant d’équivalents temps plein en 2011 qu’il n’y en avait en 2010 et en 2009. J’ai fait parvenir une dépêche en ce sens aux différentes juridictions.
Pour les juges de proximité, les vacations représentaient 217 équivalents temps plein travaillé en 2010. Elles s’élèveront à 300 en 2011. Ces exemples montrent bien qu’il n’y a aucune diminution des moyens alloués à la justice.
S’agissant de l’impossibilité pour les juridictions de payer des experts, je souhaite rappeler le rôle que le Sénat joue dans ce domaine grâce, notamment, aux compétences de M. du Luart en matière de frais de justice. Nous sommes passés de 290 millions d’euros en 2002 à 465 millions d’euros en 2011. Une mission d’inspection a été confiée à l’Inspection générale des services judiciaires et à l’Inspection générale des finances sur ce sujet.
Tels sont les quelques éléments de réponse que je souhaitais apporter en cet instant aux différents orateurs. Afin de ne pas allonger le débat, je reviendrai plus précisément sur leurs interrogations lors de l’examen des amendements.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°34.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 395, 2010-2011) (Procédure accélérée).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Robert Badinter, auteur de la motion.
M. Robert Badinter. Madame la présidente, monsieur le garde de sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, chacun s’accordera sur la finalité du texte : mieux répartir les contentieux, mieux définir les compétences ne peut que satisfaire tous ceux qui sont intéressés par l’amélioration du fonctionnement de la justice dans notre pays.
J’exprimerai tout d’abord un motif de satisfaction rétrospective, fort lointaine puisqu’elle est relative à des événements qui remontent à trente ans : je veux parler du dernier acte de la suppression des tribunaux militaires, les tribunaux permanents des forces armées, revendication qui, depuis l’affaire Dreyfus, avait nourri, à gauche, des passions incendiaires. C’est à dessein que j’utilise cet adjectif, car je me souviens fort bien – pardonnez-moi d’évoquer ces moments qui sont restés gravés dans ma mémoire ! – de la férocité du débat sur la suppression des tribunaux militaires qui avait opposé la majorité et l’opposition, cette nuit-là, à l’Assemblée nationale.
J’ai moi-même été stupéfait, en relisant les débats de 1982, de constater que ce qui nous paraît aujourd’hui aller de soi – et qui allait alors déjà de soi, puisque quasi-totalité des forces armées était constituée de civils déguisés en militaires qui n’aspiraient qu’à retrouver leurs vêtements civils – avait, à l’époque, suscité des réactions aussi violentes.
J’ai ainsi entendu tonner un éminent ancien Premier ministre, homme très courageux, grand défenseur des valeurs militaires ; il m’accusait de commettre un crime de lèse-nation – rien de moins ! Un éminent collègue de la faculté de droit, civiliste qualifié entre tous et romaniste réputé, aux citations incomparables, déclarait que je poursuivais une entreprise systématique et désolante de destruction des défenses de la société française puisque, après l’abolition de la peine de mort et la disparition de la Cour de sûreté de l’État, je m’en prenais à la forteresse multiséculaire que constituaient les tribunaux militaires. Et puis, le temps s’est écoulé. Pouvoir prendre acte de cette évolution est un privilège de l’âge, mais un des seuls !
Je remercie M. le rapporteur – il le mérite – pour le travail remarquable qu’il a accompli. Les amendements déposés par la commission sont bienvenus et correspondent, je crois, à ce qui doit être fait.
Je souhaite formuler deux observations : l’une, de méthode, et l’autre, qui fonde la motion tendant à opposer la question préalable.
Ma première observation est relative au recours à la procédure accélérée. Non ! On ne déclare pas l’urgence quand il s’agit de mettre en œuvre un rapport, en l’occurrence le rapport Guinchard, qui, sauf erreur de ma part, a été publié voilà près de trois ans, en juin 2008. S’il y avait eu urgence, nous nous serions précipités pour légiférer. Le Gouvernement a préféré la méthode du salami : découpé en tranches, ce rapport a déjà nourri trois lois, dont l’une est issue de l’excellente proposition de loi déposée par notre collègue Laurent Béteille.
Mes chers collègues, vous le savez, lorsqu’un texte pose, dans le détail, des questions aussi complexes, on a tout à gagner à laisser se dérouler normalement les travaux parlementaires. Le ministre lui-même, écoutant les observations des uns et des autres, appuyé par des services toujours compétents, peut ainsi relever les points sur lesquels il a intérêt à modifier la copie. L’urgence est mauvaise en matière de procédure, et plus particulièrement dans le cas qui nous occupe.
Mais peut-on encore parler d’urgence ? En fait, la précipitation est devenue la règle. Ce n’est pas de votre fait, monsieur le ministre ! Vous êtes le troisième garde des sceaux de cette législature, ce qui vous assure la juvénilité, mais je souhaite que vous soyez le dernier, car nous ne gagnons rien à ces changements successifs, quels que soient les mérites de chacun.
Il est inouï de penser qu’une idée personnelle du Président de la République, idée que je n’ai jamais vu figurer à l’ordre du jour d’un quelconque colloque, donner lieu à un article scientifique ou à une réflexion de doctrine, puisse être soumise aussi rapidement au Parlement. Pourtant, c’est le cas de l’apparition des jurés populaires au niveau correctionnel, qui modifie un ordre établi depuis deux siècles. Cette idée est immédiatement mise en œuvre, et l’on nous annonce, sans perdre une seconde, que nous aurons à en connaître d’ici une quinzaine de jours, sauf erreur de ma part. Reconnaissons que cette idée, qui bouleverse un ordre biséculaire, aurait mérité que l’on y réfléchisse à deux fois !
Malgré la pénurie de moyens en personnels, magistrats ou greffiers, dont notre justice est affligée, quels que soient les efforts continus qui ont pu être faits – la progression de la demande est toujours plus forte que l’accroissement des moyens –, vous avez su trouver dans la seconde, cent magistrats et cent cinquante greffiers à affecter à cette « innovation présidentielle ». Dans l’instant, ils ont jailli, comme cela ! (M. Robert Badinter claque des doigts.) Admirable promptitude, lorsque l’on songe aux doléances des juridictions… Nous aurons l’occasion d’y revenir, croyez-moi, avec une grande intensité !
Ma seconde observation porte sur la justification de la question préalable. Au travers des modalités de ce projet de loi, et de nombreux autres textes, on reconnaît un mouvement de fond qui s’inscrit dans une évolution de la procédure pénale que nous ne pouvons pas ne pas prendre en considération. Ce mouvement se caractérise par le passage d’une société dans laquelle la fonction juridictionnelle est assumée par et selon les principes du procès équitable, à une autre où la justice devient purement et simplement un service public administré. Ce qui domine, ce n’est plus le respect des principes du procès équitable – pourtant intangibles pour nous –, c’est la recherche de l’efficacité maximale à tout prix !
Le Gouvernement va jusqu’à l’extrême pour contourner ce qui constitue le cœur même de la justice. Est-il besoin de rappeler l’article préliminaire du code de procédure pénale, « la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties », et surtout, l’article 6, paragraphe 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que chacun de nous connaît bien, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement […] ».
On voit bien à quel type de contentieux appliquer les principes du procès équitable, mais qu’en restera-t-il dans l’ordonnance pénale ? Il est devenu nécessaire de tempérer, de limiter, de modérer autant que faire se peut le recours à ces procédures, où le procès pénal n’a presque plus sa place, puisque, nous le savons, en définitive, seuls quelques-uns le susciteront, généralement d’ailleurs à leur détriment ! Voilà ce que j’appelle « un autre type de justice », une justice administrée, ultrarapide, uniformisée pour épuiser le maximum d’affaires qui viennent peser sur elle.
J’approuve la commission des lois d’avoir au moins tempéré l’accroissement de compétences qu’il lui était demandé d’adopter, en excluant du champ de l’ordonnance pénale les faits commis en état de récidive. S’agissant des vols et des dégradations de biens privés ou publics, on pensera, à juste titre, que leur ajout à la liste des infractions pouvant faire l’objet d’une ordonnance pénale constitue un dépassement de la finalité de cette procédure.
Plus grave et plus préoccupante est la question du recours systématique et généralisé à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC. Ce mouvement, qui s’est dessiné dans les dernières années, prend une ampleur croissante, et je m’en inquiète.
On conçoit l’avantage que présente le recours à cette procédure : elle est rapide ! Mais il faut en mesurer la signification : dans ce type de justice, le parquet, tout puissant, contrôle l’enquête. Aujourd’hui, seuls 4 % des affaires – les plus complexes, je le reconnais – font encore l’objet d’une instruction ! La masse du contentieux pénal est donc dans la main du parquet.
Après avoir contrôlé l’enquête, le parquet décide de l’orientation de la procédure, voire de son terme. Et lorsqu’il choisit la voie de la CRPC, que reste-t-il des pouvoirs réels du juge et de l’équilibre des droits des parties ? L’avocat qui, naguère, exerçait son métier ou son art avec tant de passion, peut simplement tenter, en suppliant, d’attirer la bienveillance du parquet sur son client. Soyons réalistes, ce que l’on demandera dorénavant à l’avocat, c’est moins la compétence et le talent que l’aptitude à entretenir des relations cordiales avec les membres du ministère public, de préférence au plus haut niveau, voire encore plus haut, si besoin en est ! Telle est l’évolution qui se dessine à l’horizon avec la CRPC.
Une telle procédure ne s’inspire même pas du plea bargaining américain, puisqu’il n’y a en réalité pas de marchandage. Le procureur définit la sanction qui lui paraît convenable et qui s’inscrit dans un barème discuté avec les magistrats du siège. L’avocat doit ensuite choisir entre deux options : prendre le risque, considérable, d’une audience où son client peut être condamné à une peine plus grave, ou bien accepter la reconnaissance préalable de culpabilité. Dans ce dernier cas, le travail est réduit, le risque limité : tout est au mieux pour certains ! Le juge, jouant alors le rôle de contrôleur de légalité, assure l’estampillage de la sanction en vérifiant que la décision n’est pas trop en deçà ou au-delà de ce que l’on considère comme la norme pour cette catégorie de délit.
Quand on en arrive à ce degré, non pas d’omnipotence, mais de maîtrise sans cesse croissante du parquet sur la réalité de la procédure pénale, une exigence s’impose – et c’est elle qui fonde cette question préalable – : les pouvoirs immenses que l’on reconnaît aux magistrats du parquet ne leur sont reconnus que parce qu’ils sont magistrats. Et en tant que tels, selon la Constitution même, ils ont à veiller au respect des libertés individuelles. Mais, dès l’instant où on leur reconnaît cette qualité, il faut aussi leur accorder les garanties qui y sont attachées. On ne peut pas, à la fois, accroître, comme on le fait, les pouvoirs du parquet, et permettre que l’exécutif conserve en main leur carrière et leur tienne la bride serrée, n’hésitant pas – je pourrais reprendre, à cet égard, l’évolution observée dans les quatre dernières années – à tenir pour négligeables les avis du Conseil supérieur de la magistrature. De toute manière, on ne saurait admettre que l’avancement des membres du parquet soit laissé à la discrétion ou à l’humeur du pouvoir politique.
Les magistrats forment un seul corps, il ne peut donc pas y avoir deux catégories de magistrats en France : ceux qui bénéficient de garanties d’indépendance en ce qui concerne l’évolution de leur carrière, leur promotion et leur responsabilité disciplinaire, et les autres. Ce n’est pas possible ! Il faut enfin que le pouvoir politique se résigne. Puisqu’on ne cesse d’accroître les pouvoirs du parquet, il faut parallèlement renforcer les garanties nécessaires pour que chacun ait confiance en ces magistrats et soit sûr qu’ils exercent des fonctions juridictionnelles, même si l’on peut s’interroger, au regard de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais je laisse cette question de côté !
En effet, rappelez-vous que l’un des mérites – dit-on – de la CRPC, est d’éviter la comparution devant un tribunal correctionnel, et l’opprobre qui l’accompagne. À présent, cette procédure devient applicable à quasiment tous les délits, à l’exception de ceux qui ont été retirés in fine. Elle s’applique notamment aux délits financiers, aux affaires de corruption – je pourrais continuer, l’énumération serait longue ! De fait, 80 % des affaires correctionnelles qui donnent actuellement lieu au prononcé d’une condamnation à une peine inférieure à un an pourront demain relever de la CRPC.
Lorsque la CPRC aura été généralisée, si l’on ne prend pas les mesures qui sont nécessaires et qui sont réclamées par tout le corps judiciaire et par la Cour européenne des droits de l’homme, nous rappelant au principe de garantie d’indépendance des magistrats, je crois pouvoir affirmer que l’on ne verra plus telle ou telle haute personnalité de l’État comparaître devant un tribunal correctionnel. Non pas que nous souhaitions ces comparutions… Mais l’égalité devant la loi et devant la justice est un principe fondamental. Que telle personnalité proche du pouvoir préfère ne pas comparaître, … une discrète CRPC permettra de résoudre la difficulté aisément, dans le respect de la loi !
Monsieur le garde des sceaux, soyons clairs : ce qui est actuellement au cœur du débat en matière judiciaire, c’est la question majeure, première, de l’indépendance et des garanties statutaires qui doivent être données aux magistrats du parquet s’agissant de leur nomination, de leur promotion et de leurs responsabilités. C’est la question clé !
Souvenez-vous, monsieur Hyest : lorsque, à la suite des travaux de la commission de réflexion sur la justice présidée par Pierre Truche, un texte a été voté dans les mêmes termes par le Sénat et par l’Assemblée nationale, il aurait alors suffi de réunir le Congrès pour régler la question. Hélas ! cela n’a pas été fait.
Monsieur le garde des sceaux, tant que nous n’aurons pas satisfait à cette exigence, vous ne devez pas aller plus loin dans l’extension, toujours accrue, des pouvoirs d’une institution dont les membres, je le sais pour bien les connaître, ont le goût de l’indépendance, mais sont considérés, par l’opinion publique, comme de simples pions dans la main du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Monsieur Badinter, permettez-moi de rappeler quelle était la conclusion de mon intervention liminaire.
J’indiquais que le projet de loi contenait des mesures très intéressantes et allait dans le sens d’une clarification et d’une amélioration du fonctionnement de notre justice. J’y mettais néanmoins une double condition : que l’on veille à sauvegarder l’équilibre entre les mesures proposées et les moyens consacrés à leur mise en œuvre – c’est un des points que vous venez d’aborder – et que l’on s’attache à ce que la simplification des procédures juridictionnelles ne se traduise pas par une banalisation de certaines d’entre elles, banalisation qui entraînerait un amoindrissement de leur impact – votre intervention allait également dans ce sens.
La commission des lois partage donc votre préoccupation, monsieur Badinter, et c’est dans cet esprit qu’elle a examiné le projet de loi.
La commission a tout fait pour éviter que le développement des procédures simplifiées de jugement ne dépasse les limites de l’acceptable, nous entraînant ainsi sur des terrains sur lesquels l’équilibre des parties et des intérêts en jeu n’aurait pas été sauvegardé. Vous pouvez donc être rassuré, mon cher collègue, par les travaux de la commission.
Je vous rappelle par ailleurs que, voilà quelques années – vous étiez alors membre de la commission des lois –, une mission d’information tout à fait pluraliste a été constituée pour évaluer la mise en œuvre des procédures simplifiées, notamment l’ordonnance pénale et la CRPC.
À l’issue des travaux de la mission, nous avons établi un constat similaire à celui que je peux faire en qualité de rapporteur pour avis d’un certain nombre de programmes de la mission « Justice », dans les différentes juridictions au sein desquelles je me rends tout au long de l’année : les chefs de juridiction ne fixent pas de limite pour justifier l’usage de la procédure simplifiée ou de la procédure traditionnelle. Le recours à la procédure simplifiée est déterminé par la nature du contentieux, mais aussi par la compréhension des parties en présence et par leur réceptivité à la mise en œuvre de cette procédure.
M. Badinter a insisté sur la très grande place du parquet dans le déroulement des procédures. Je précise que, lors de la CRPC, le parquet propose certes la peine, mais celle-ci doit être homologuée par un juge du siège.
La commission est attentive au respect des limites que je viens de rappeler. Elle a d’ailleurs adopté un certain nombre d’amendements allant dans ce sens lors de ses travaux, et nous pourrons revenir sur ces sujets au cours de la discussion.
Nous pouvons considérer, me semble-t-il, que la commission partage votre préoccupation. Elle veille à ce que les procédures nouvelles, qui permettent d’apporter des réponses pénales, en plus grand nombre et plus rapidement, à certaines affaires aujourd’hui traitées avec lenteur, ne nuisent pas à l’équilibre et à la sérénité nécessaires à la justice pénale.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je tiens d’emblée à rappeler à M. Robert Badinter, que l’on écoute toujours avec un grand intérêt, que je ne suis pas un fanatique de l’urgence. Mais les délais sont là. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en avril et, compte tenu de qui attend certains d’entre vous, je pense que le Sénat apprécierait peu d’être convoqué en session extraordinaire trop longtemps en juillet.
M. Jean-Pierre Sueur. Retirez le texte sur les jurys populaires ! Nous gagnerons du temps !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tout ce qui n’est pas fait reste à faire. Cette ancienne règle s’impose à tous ! (Sourires.)
Monsieur Badinter, j’ai bien compris le sens de votre intervention pour ce qui concerne les procédures simplifiées en matière pénale. Permettez-moi de rappeler que, lors de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, l’homologation par le juge est toujours prononcée en audience publique, comme le prévoit expressément l’article 495-9 du code de procédure pénale.
M. Badinter nous dit que, dans la CPRC, le rôle du parquet est prépondérant. C’est vrai ! Il nous dit aussi les membres du parquet sont des magistrats. C’est encore vrai ! L’autorité judiciaire est composée des magistrats du siège et du parquet. Et il ajoute que, pour pouvoir agir comme des « quasi-juges », ces magistrats devraient être indépendants.
M. Robert Badinter. Il faut apporter des garanties d’indépendance : nominations, promotions, responsabilités !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Badinter, on ne peut pas apprécier une situation sur un temps trop court. Vous avez-vous-même rappelé combien, après trente ou quarante ans, la perception de certaines situations avait changé, les esprits avaient mûri.
J’observe que ceux qui ont permis de faire évoluer les choses ne sont pas tous d’un même bord ! En 1993, l’avis conforme du CSM est instauré pour la nomination des magistrats du siège. La même année, me semble-t-il, on prévoit également la remise d’un avis simple pour la nomination des magistrats du parquet. Enfin, en 2010, l’avis simple est étendu à la nomination des procureurs généraux.
Le CSM, modifié, renouvelé, intervient donc de plus en plus dans la nomination des procureurs, ce qui, je crois, constitue un progrès évident.
M. Robert Badinter. Insuffisant !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Personne n’a empêché l’opposition d’aller plus vite. Vous êtes restés au pouvoir pendant plusieurs années et ce n’est pas vous, me semble-t-il, qui avez fait avancer les choses le plus rapidement. Mais je ne jette la pierre à personne, car le sujet est difficile. Je rappelle simplement – vous m’y forcez – que ce sont les gouvernements qualifiés de droite – j’ajoute « et du centre » – qui ont fait progresser le respect de l’indépendance des magistrats du siège et du parquet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai écouté avec une grande attention les propos de M. le garde des sceaux et de M. le rapporteur.
Monsieur le rapporteur, je constate que vous avez, en toute honnêteté, je n’en doute pas, exprimé dans votre rapport vos souhaits et vos bonnes intentions.
Mais je constate aussi tout ce qui sépare vos propos, vos écrits, du mouvement qui est en marche, et que Robert Badinter a décrit avec son éloquence habituelle : la multiplication et la banalisation des CRPC, le règlement des dans le cabinet du représentant du parquet pour les puissants, ceux qui voudraient que les choses ne se sachent pas ; la régression inévitable du procès équitable. Les magistrats du parquet, nonobstant vos affirmations, monsieur le garde des sceaux, voient toujours leurs conditions de nomination et de carrière dépendre du pouvoir exécutif, et ce malgré la position des instances européennes ; des nominations sont entérinées qu’il ait été tenu compte de l’avis du CSM ; …
Monsieur le rapporteur, je respecte vos intentions, mais je ne peux que constater qu’un autre mouvement est en marche. En vous écoutant tout à l’heure, avec toute la considération amicale que je vous porte, je me remémorais ce que l’on disait naguère de la philosophie d’Emmanuel Kant : elle a les mains pures, mais elle n’a pas de mains. (MM. Jean-Pierre Michel et Jacques Mézard applaudissent)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 34, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n°1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 395, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la motion.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je commencerai par un constat : ce texte ne vous ressemble pas, monsieur le garde des sceaux, et l’appréciation que vous avez portée sur le recours à l’urgence n’a fait que renforcer cette conviction.
Ce projet de loi justifie pleinement, à défaut de succès pour la précédente motion, la demande de renvoi à la commission.
Vous supprimez la juridiction de proximité tout en magnifiant le juge de proximité : voilà une bien curieuse clarification !
Je salue le travail accompli par le rapporteur de la commission des lois et par le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Toutefois, il ne me paraît pas raisonnable de considérer que ce texte améliorera le fonctionnement de notre justice, tant au civil qu’au pénal, alors que l’on refuse – cela vient d’être rappelé – d’aborder les vraies questions, notamment le rôle du parquet.
Et pourquoi le Gouvernement a-t-il engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi, alors même que l’on nous annonce une série d’autres textes dits « de fond », dans des matières tout aussi importantes, si ne c’est plus.
Alors que vous nous avez habitués à utiliser la force de frappe médiatique pour annoncer vos multiples projets en matière de justice et de sécurité, cette fois-ce, c’est le « silence radio », comme se ce texte ne comprenait que des micromesures de peu d’importance.
Pourquoi donc, je le répète, avoir engagé la procédure accélérée ? Y a-t-il le feu à la maison justice ? Oui ! Mais ce projet de loi l’éteindra-t-il ?
M. Jacques Mézard. Ce projet nous est présenté comme la transposition du rapport Guinchard, dont la commande fut passée par votre prédécesseur, Mme Dati. M. Guinchard, avec optimisme, avait repris dans l’avant-propos de son document, cette belle phrase du bâtonnier André Damien : « La justice idéale doit être, à la fois, appliquée à son temps et intemporelle, sous peine de devenir esclave de l’opinion. » On ne pouvait qu’applaudir ! Le rapport Guinchard voulait « penser global et agir local ! » Dans le présent projet de loi, la question est de savoir « comment faire un peu moins avec encore moins » ? Mais cela, c’est du Mézard. (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Je note d’ailleurs que vous vous êtes contenté de piocher dans les soixante-cinq propositions formulées dans le rapport, en retenant certaines pour en écarter d’autres, et vous en avez fait un pâté d’alouettes. (Sourires.)
En tout état de cause, nous ne partageons pas la philosophie du rapport Guinchard, dont l’objectif fondamental est la déjudiciarisation de tous les secteurs de la justice, ce qui est aussi aberrant que de mener une politique de santé en diminuant le nombre de praticiens et d’établissements de santé. Quant à la seconde partie du rapport, son thème, « Remettre le justiciable au cœur du système judiciaire », nous semble constituer l’aveu d’un terrible échec. D’ailleurs, monsieur le garde des sceaux, vous avez-vous-même déclaré – propos révélateur – que c’était le magistrat, et non le justiciable, qu’il convenait de remettre au cœur du système judiciaire.
En réalité, ce moignon du rapport Guinchard que vous nous présentez aujourd’hui n’est pas un pas vers la modernité, c’est un cautère sur une jambe de bois. C’est une nouvelle marque de méfiance envers la magistrature et une étape supplémentaire, Robert Badinter l’a fort bien rappelé, vers la toute puissance du parquet.
Pourtant, ce texte examiné en procédure accélérée et quasiment en catimini intervient au moment où la justice française est en plus mauvais état que jamais, où l’exaspération justifiée des magistrats, des auxiliaires de justice et des justiciables est à son comble.
En neuf ans, la situation s’est aggravée, avec la conjugaison d’une absence chronique de moyens, malgré de réels efforts, et d’une insécurité juridique dénoncée de toutes parts et découlant d’une véritable frénésie législative et réglementaire.
La justice est devenue un organe malade dans notre corps républicain. Cette pathologie redoutable, vous la traitez par des amputations, une série de placebos, en refusant de lire le diagnostic et d’utiliser les thérapies adéquates. On cherche une politique cohérente, on trouve une accumulation de mesures disparates, de la suppression des avoués près les cours d’appel – quelle curieuse urgence ! – à la carte judiciaire, en passant par le mouvement perpétuel des textes sécuritaires... Tout cela a pour conséquence première et gravissime de compliquer l’action des professionnels.
Quand les textes vont dans le bon sens – je pense à la loi pénitentiaire –, le manque de moyens pour les appliquer fait naître une insatisfaction compréhensible.
L’urgence, aujourd’hui, monsieur le garde des sceaux – je sais que vous en êtes conscient –, est de dire : « Halte au feu ! » La réforme ne saurait s’assimiler à la danse de Saint-Guy. Il est devenu impérieux de nous accorder un temps de réflexion pour dresser un bilan, dégager des axes de bon sens, élaborer une programmation. Vous évoquiez tout à l’heure l’idée d’une juridiction unique qui maillerait l’ensemble du territoire. Pour remettre la justice sur les rails, pour redonner confiance à tous ses acteurs, il faudra du temps !
La méfiance chronique à l’égard des juges devient dangereuse, d’autant qu’elle est parfois ressentie de façon presque épidermique. Ce projet de loi nous paraît inopportun. S’il est mené dans une discrétion exceptionnelle, il n’en aura pas moins des effets néfastes sur une justice déjà très fragilisée.
Monsieur le garde des sceaux, vous assumez un héritage. À défaut d’y renoncer, acceptez-le au moins sous bénéfice d’inventaire. (M. le garde des sceaux sourit.)
Et qu’en est-il de la proximité ? Un mot et des actes contraires ! Nous touchons là à l’incohérence absolue. En 2002, la loi d’orientation et de programmation pour la justice créait la juridiction de proximité. La lecture des débats qui se sont déroulés à l’époque – je n’étais pas encore sénateur – nous instruit sur la véritable finalité du texte, puisqu’il y est déjà question de « supplétifs ». La proximité consiste à rapprocher la justice du citoyen. L’intention est louable, mais alors même que les juges de proximité étaient loin d’être présents dans tous les tribunaux d’instance – il n’y en a aucun dans mon département ! –, vous avez réformé la carte judiciaire, détruisant ainsi, dans nos territoires, des centaines de tribunaux, en priorité ceux qui répondaient aux vrais besoins de proximité, les tribunaux d’instance, et remettant en cause le juge des tutelles.
Aujourd’hui, vous voulez détruire la juridiction de proximité, qualifiée par le garde des sceaux de l’époque, le 25 juillet 2002, d’« engagement majeur du Président Chirac ». M. Dominique Perben affirmait notamment : « Ce choix clair m’apparaît comme le plus lisible pour nos concitoyens, qui pourront s’adresser à une juridiction individualisée ».
Aujourd’hui, vous faites volte-face. Vous supprimez cette juridiction de proximité, sans aucun égard pour l’avis de l’Association nationale des juges de proximité ! L’objectif, c’est purement et simplement de transformer ces derniers en juges supplétifs, en petites mains de la justice à frais minimums. C’est grave à tous points de vue. Imaginons les futurs tribunaux correctionnels, siégeant avec un président – un magistrat professionnel – deux assesseurs – des juges de proximité – et vos fameux jurés populaires. C’est déraisonnable !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas possible !
M. Jacques Mézard. Pas encore, mais vous allez y arriver !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Il y a la jurisprudence du Conseil constitutionnel !
M. Jacques Mézard. (Nouveaux sourires.) Nous avons vu d’autres évolutions !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne noircissez pas le tableau !
M. Jacques Mézard. Je ne noircis pas le tableau, monsieur le président de la commission des lois, je fais un constat.
Je vous rappelle simplement que les articles 830 et suivants du code de procédure civile organisent la procédure de conciliation devant les tribunaux d’instance, qu’il convient de conforter, car le taux de réussite de ces procédures est toujours élevé. Pourtant, alors que ces tribunaux ont besoin de moyens, vous les fragilisez.
Concernant l’aménagement des règles relatives à la procédure en matière familiale, je salue de nouveau la sagesse de M. le rapporteur. Il s’agit en effet d’un bel exemple d’un texte d’opportunité élaboré par la haute technocratie, bien loin des réalités du terrain.
Sur la dispense de comparution des époux devant le juge en cas de divorce par consentement mutuel en l’absence d’enfant mineur, M. le rapporteur est fort opportunément intervenu, car la liberté du consentement et la vérification de son exercice sont fondamentales. Pour nous, l’écoute d’un magistrat est indispensable. Nous reviendrons lors de l’examen des amendements sur le barème des honoraires des avocats.
Quant à l’obligation de médiation préalable lors de la saisine du juge aux affaires familiales sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, elle est purement et simplement aberrante, tant sur le fond qu’en ce que concerne ses modalités d’application techniques ou financières. Il n’existe pas un nombre suffisant de médiateurs compétents et formés. Il n’y a pas les moyens de les rémunérer, si ce n’est à la charge du justiciable. L’obligation de passer devant le médiateur avant de saisir le juge est incongrue. En effet, la saisine du juge aux affaires familiales implique qu’il y a urgence à décider, même provisoirement.
Vouloir déjudiciariser à tout prix pour confier des responsabilités aussi graves à des intervenants extérieurs est contraire à l’intérêt de nos concitoyens. Le magistrat ne saurait être remplacé par le travailleur social. M. le rapporteur lui-même a rappelé le nombre d’affaires soumises aux juges aux affaires familiales et celui des mesures judiciaires de médiation.
Un autre sujet important justifie le renvoi de ce texte à la commission : le développement des procédures pénales dites simplifiées. Il faut y avoir été confronté pour se rendre vraiment compte du problème. Le but est toujours le même : pallier le manque de moyens et le délabrement de l’institution par des moyens relevant de ce que l’on peut appeler la justice expéditive.
L’ordonnance pénale, c’est la grande distribution en matière de justice pénale. En 1972, elle concernait une partie du domaine contraventionnel. Depuis 2002, ce virus, dont vous avez permis le développement, a atteint le tissu délictuel, alors qu’il s’agit d’une procédure écrite et non contradictoire. Le rapport Guinchard préconisait de l’appliquer à tous les délits, ce qui est effrayant ! Par l’article 20, vous proposez d’étendre largement le champ de cette procédure, en particulier aux délits de vol, recel, destruction, fuite, et même, ce qui est étonnant par rapport à vos objectifs généraux, au port d’arme de sixième catégorie, avec ticket de réduction de moitié de l’amende encourue. On peut lire, à la page 111 du rapport, qu’une telle disposition est « de nature à réduire davantage l’incitation du prévenu à former opposition ». Est-ce là votre politique pénale ? Certes, si la « pochette surprise pénale », c’est « tout à un euro », même les innocents en redemanderont ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Aux mêmes fins, vous proposez l’extension du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : « Avouez, c’est moins cher ! » Le projet de loi prévoyait d’étendre cette procédure à tous les délits. Heureusement la commission a joué un rôle de modérateur, en l’excluant pour certaines atteintes graves aux personnes.
Monsieur le garde des sceaux, vous n’appliquez pas les directives du Président de la République ! Celui-ci se réjouissait, lors de la réforme de la garde à vue, de la fin de la culture de l’aveu. Or, nous y revenons en courant !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Cela me rappelle l’adage romain : « On ne doit pas entendre celui qui veut mourir ».
L’extension du champ de la CRPC présente selon moi de multiples inconvénients. Avec mes collègues du RDSE, nous avons d’ailleurs déposé voilà quelques semaines une proposition de loi portant réforme de cette procédure.
Mes chers collègues, nous ne sommes pas dans un pays anglo-saxon. La CRPC élargie écartera des prétoires la quasi-totalité des délits financiers, ce qui n’est pas un hasard !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Leurs auteurs n’avoueront pas !
M. Jacques Mézard. Mais si ! Ils avoueront pour éviter toute publicité, et ils feront le chèque.
Quant à nos concitoyens les plus démunis, ils ne seront pas les mieux protégés.
L’extension du champ de la transaction pénale au droit de la consommation constitue, nous le savons par expérience un moyen de pression dont abusent déjà les autorités administratives habilitées. La justice sans magistrat n’est plus une justice. C’est d’autant plus vrai en matière pénale, car le parquet, comme en bien d’autres secteurs, n’a pas les moyens pratiques d’exercer son contrôle.
Vous avez compris combien ce texte nous apparaît comme un mauvais moyen de replâtrer un édifice judiciaire branlant. On ne renforce pas des fondations ou des murs porteurs par du bricolage. Or, il s’agit bien de bricolage, comment en témoigne le dépôt inopiné d’amendements par le Gouvernement. Impréparation ou stratégie ? Quoi qu’il en soit, je remercie la commission d’avoir sauvé, pour l’instant, les actions possessoires : action en réintégration, dénonciation de nouvel œuvre et complainte ne disparaîtront pas du code civil. Il est bien d’autres véritables urgences.
Ce texte, c’est moins de proximité, moins de procédure contradictoire. La modernisation de notre système judiciaire passe inéluctablement par d’autres moyens que ceux que vous proposez, monsieur le garde des sceaux. C’est donc avec conviction que nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il est vrai, monsieur Mézard, que le présent projet de loi n’est pas la grande réforme de la justice que vous réclamez, comme nombre d’entre nous. « Halte au feu », disiez-vous, ajoutant que la réforme ne pouvait pas s’assimiler à la danse de Saint-Guy.
Ce projet de loi, en effet, ne constitue pas une panacée, une solution miracle à tous les problèmes de la justice ? D’ailleurs pourrait-on, dans un seul texte, régler tous les problèmes de la justice ? Néanmoins, il répond à un certain nombre de demandes.
La commission a ainsi supprimé l’article 13 du projet de loi, qui modifiait le régime de la comparution des époux lors du divorce par consentement mutuel.
Elle a également décidé d’étendre aux crimes et délits de guerre les compétences du pôle spécialisé créé par le projet de loi pour traiter des crimes contre l’humanité.
La commission a bien travaillé. Elle a su faire de ce projet de loi une réforme équilibrée de la justice. Elle n’agirait autrement si elle devait être saisie de nouveau. Je ne peux donc qu’être défavorable à la motion de renvoi à la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur. M. Mézard, pour qui j’ai beaucoup d’estime, a été quelque peu excessif. Mais l’excès même de sa critique démontre la qualité du travail de la commission, sans lequel il n’aurait pas pu présenter une démonstration aussi brillante, même si j’en conteste les tenants et aboutissants.
M. Mézard a omis de mentionner tous les points avec lesquels il est d’accord. Mais je le conçois, c’est le jeu même de la procédure. (Sourires.)
Monsieur Mézard, en ce qui concerne la conciliation devant le tribunal d’instance, le Gouvernement est allé dans votre sens en renforçant la place de la conciliation et des conciliateurs de justice devant les tribunaux, notamment devant le tribunal d’instance, par le décret du 1er octobre 2010.
C’est notamment la raison pour laquelle je suis défavorable à la motion tendant au renvoi à la commission. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur les autres points soulevés par M. Mézard lors de la discussion des articles.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
chapitre Ier
Suppression de la juridiction de proximité et maintien des juges de proximité
Article 1er
I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Après le chapitre 1er du titre II du livre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« Chapitre Ier bis
« Les juges de proximité
« Art. L. 121-5. – Le service des juges de proximité mentionnés à l’article 41-17 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, appelés à exercer des fonctions de juge d’un tribunal de grande instance et à être chargés de fonctions juridictionnelles dans un tribunal d’instance, est fixé conformément aux dispositions du présent chapitre.
« Art. L. 121-6. – Chaque année, le président du tribunal de grande instance répartit les juges de proximité dans les différents services de la juridiction auxquels ils peuvent participer en tenant compte de leurs fonctions au tribunal d’instance à l’activité duquel ils concourent.
« Art. L. 121-7. – Chaque année, le magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance organise par ordonnance le service dont les juges de proximité sont chargés au sein de ce tribunal, en tenant compte de celui auquel ils sont astreints au tribunal de grande instance.
« Art. L. 121-8. – Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent chapitre. Il précise les conditions dans lesquelles la répartition des juges de proximité peut être modifiée en cours d'année. » ;
2° L’article L. 212-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-3. – La formation collégiale du tribunal se compose d’un président et de plusieurs assesseurs.
« Les juges de proximité peuvent être appelés à siéger dans cette formation.
« Ils peuvent également :
« 1° Statuer sur requête en injonction de payer, sauf sur opposition ;
« 2° Procéder, dans les cas et conditions prévus par le sous-titre II du titre VII du livre Ier du code de procédure civile, aux mesures d’instruction suivantes :
« a) Se transporter sur les lieux à l’occasion des vérifications personnelles du juge ;
« b) Entendre les parties à l’occasion de leur comparution personnelle ;
« c) Entendre les témoins à l’occasion d’une enquête. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 212-4, les mots : «, en matière pénale, » sont supprimés ;
4° À l’article L. 221-10, les mots : « de la cinquième classe » sont supprimés ;
5° Après l’article L. 222-1, il est inséré un article L. 222-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-1-1. – Le juge de proximité peut statuer sur requête en injonction de payer, sauf sur opposition. » ;
6° L’article L. 223-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « matière patrimoniale » sont remplacés par les mots : « matières patrimoniale et commerciale, » ;
b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés ;
7° Après l’article L. 532-15-1, il est inséré un article L. 532-15-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 532-15-2. – L’article L. 222-1-1 est applicable à Wallis-et-Futuna. » ;
8° L’article L. 552-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 552-8. – Les articles L. 212-4 et L. 222-1-1 sont applicables en Polynésie française. » ;
9° L’article L. 562-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 562-8. – Les articles L. 212-4 et L. 222-1-1 sont applicables en Nouvelle-Calédonie. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 521 est ainsi rédigé :
« Art. 521. – Le tribunal de police connaît des contraventions. » ;
2° L’article 523 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il connaît des contraventions des quatre premières classes, à l’exception de celles déterminées par un décret en Conseil d’État, le tribunal de police est constitué par un juge de proximité et, à défaut, par un juge du tribunal d’instance. »
III. – Le titre III du livre II du code de l’organisation judiciaire, au livre V du même code, la section 2 du chapitre II du titre III, la section 3 du chapitre II du titre V et la section 3 du chapitre II du titre VI, les articles 522-1, 522-2 et 523-1 du code de procédure pénale et l’article 41-18 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature sont abrogés.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai souligné dans mon intervention liminaire l’incohérence qui consiste à supprimer la justice de proximité tout en maintenant les juges de proximité. Nous n’avons jamais eu, contrairement à ce qui était prévu, un vrai bilan sur la justice de proximité.
La contradiction est patente : vous supprimez la justice de proximité et, dans le même temps, vous demandez aux juges de proximité de pallier le manque de magistrats professionnels. Envisagez-vous des recrutements ? Je l’ignore. En tout état de cause, le ministère n’a pas les moyens de les financer.
Les tribunaux de grande instance pourront donc disposer des juges de proximité au détriment du contentieux civil au tribunal d’instance. La suppression de compétences de première instance des juges de proximité se traduira par un transfert de 100 000 affaires civiles nouvelles vers les tribunaux d’instance. Cela s’ajoute aux effets de la réforme de la protection des majeurs, qui conduit les juges des tutelles à réviser leurs décisions pour tous les dossiers de protection en cours d’ici à 2014.
Quant aux juges de proximité eux-mêmes, leurs heures de vacations ont été diminuées de moitié en 2010, lorsqu’elles n’ont pas été purement et simplement supprimées. Je suis contre le juge de proximité, mais de là à ne plus payer ses vacations…
Il faut également mentionner le non-renouvellement des contrats des assistants de justice arrivés à échéance, la réduction du nombre de vacataires, la non-récupération, par les greffiers, de leurs heures supplémentaires. La RGPP est toujours à l’œuvre, avec les conséquences que l’on connaît ! Ce n’est pas en déplaçant les 600 juges de proximité d’une juridiction à une autre que l’on parviendra à remédier aux problèmes de la justice.
Monsieur le garde des sceaux, quels sont vos objectifs concrets concernant les tribunaux d’instance. Ne vont-ils pas être supprimés ? Par quoi allez-vous remplacer les vacations des juges de proximité ?
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement de suppression de l’article 1er s’inscrit dans le droit fil de la motion que j’ai présentée. La juridiction de proximité, qui a été créée par la loi du 9 septembre 2002, devait rapprocher les citoyens de la justice. Je n’ai, pour ma part, jamais été un chaud partisan de la juridiction de proximité.
Il faudrait savoir ce que l’on veut. Le 25 juillet 2002, le garde des sceaux de l’époque s’exprimait en ces termes : « Avec le juge de proximité, nous créons une véritable juridiction. C’est un engagement majeur du président de la République. Les Français attendent qu’une véritable justice de proximité soit entièrement consacrée en matière civile comme en matière pénale au traitement des petits litiges du quotidien qui restent trop souvent sans réponse. […] Le Gouvernement a choisi de créer une juridiction autonome nouvelle. Ce choix clair m’apparaît comme le plus lisible pour nos concitoyens qui pourront s’adresser à une juridiction individualisée. »
Tel était donc le programme du gouvernement de 2002. On a depuis, avec la carte judiciaire, opéré une destruction massive des véritables juridictions de proximité que constituent les tribunaux d’instance. Au Sénat ou Place Vendôme, on se soucie assez peu de ce qui se passe dans des territoires situés à plusieurs heures de train ou de voiture de la capitale ! Nous, nous le vivons au quotidien !
Que vont faire les juges de proximité ? Ils vont participer aux audiences collégiales du tribunal de grande instance, assister les juges professionnels et accomplir les tâches que ceux-ci ne peuvent plus remplir.
Cette démarche est incohérente. Nos concitoyens réclament, à juste titre, une justice lisible et compréhensible. Depuis neuf ans, on avance puis on recule, les volte-face se multiplient, la proximité est mise à toutes les sauces. Mais pour nos concitoyens, il y a toujours moins de proximité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a adopté l’article 1er, qui supprime la juridiction de proximité mais qui maintient les juges de proximité. Ces derniers seront désormais rattachés au tribunal de grande instance et leurs missions seront redéfinies.
La suppression d’un ordre de juridiction de première instance constitue une mesure de simplification. Le garde des sceaux s’en est félicité voilà quelques instants et il m’a semblé qu’il en allait de même sur toutes les travées de notre assemblée.
Au début des années 2000, je le rappelle, la commission des lois s’était plutôt prononcée pour un juge de paix délégué rattaché au juge d’instance et non pour la création d’un nouvel ordre de juridiction.
On peut certes débattre des missions des juges de proximité. D’ailleurs, un amendement a été déposé afin de maintenir leurs fonctions au civil.
L’intervention des juges de proximité en qualité d’assesseur au niveau correctionnel est très appréciée et pourrait être utilement étendue. Par ailleurs, les juges de proximité resteront en charge d’un contentieux de masse en matière de contraventions.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, pour les raisons que j’ai précédemment expliquées.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 12
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Les juges de proximité peuvent :
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Nous avons pour notre part choisi une autre option que celle de notre collègue Jacques Mézard, en proposant que les juges de proximité ne puissent pas participer aux audiences collégiales du tribunal de grande instance.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un juge de proximité peut être appelé à siéger dans cette formation.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Bien que j’aie obtenu des éléments de réponse sur les interrogations qui ont suscité le dépôt de cet amendement, permettez-moi d’en rappeler les motivations.
Nous considérions que, la formation collégiale du tribunal étant composée de trois magistrats, il convenait de limiter à un seul le nombre de juge de proximité pouvant être appelé à y siéger.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La participation des juges de proximité en qualité d’assesseur aux audiences du tribunal correctionnel est appréciée. Le projet de loi étend cette participation aux formations civiles du TGI afin de permettre aux juges de proximité de côtoyer davantage les juges professionnels et de s’intégrer véritablement dans une équipe.
La participation aux formations collégiales en matière civile suppose en outre que les crédits nécessaires aux paiements des vacations des juges de proximité soient sanctuarisés. La disposition serait sans grand effet si les crédits étaient utilisés pour financer le fonctionnement général du tribunal.
J’ajoute que les amendements sont satisfaits par l’alinéa 18 de l’article 1er, qui prévoit que la formation collégiale du TGI, en matière civile comme en matière pénale, ne peut comprendre une majorité de juges non professionnels.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement de M. Michel pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure.
Quant à l’amendement n° 28 rectifié, il est satisfait. Je demande donc à M. Mézard de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 16 rectifié ter est présenté par M. Lecerf, Mme Sittler, M. Houpert et Mmes Henneron et Troendle.
L'amendement n° 27 rectifié est présenté par MM. Bockel, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 35 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 18
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 221–4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il connaît des actions personnelles ou mobilières jusqu’à la valeur de 4 000 euros ou des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros, sous réserve des dispositions légales ou réglementaires fixant la compétence des autres juridictions et à l’exception des compétences particulières visées par l’article L. 221–5, le tribunal d’instance est constitué par un juge de proximité et à défaut par un juge du tribunal d’instance. »
L’amendement n° 16 rectifié ter n’est pas défendu.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié.
M. Jacques Mézard. Jean-Marie Bockel, qui ne pouvait être présent cet après-midi, m’avait prié de défendre cet amendement, que j’avais cosigné à sa demande. Or, sans doute sensible aux excellents arguments de M. le garde des sceaux, notre collègue m’a indiqué qu’il avait finalement décidé de le retirer. Je n’aurai donc pas la cruauté de le maintenir. (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 35.
M. Jean-Pierre Michel. Nous prenons acte de la suppression de la juridiction de proximité ; nous prenons acte, également, du fait que les juges de proximité peuvent participer aux audiences collégiales du TGI et que, en matière pénale, ils demeurent compétents pour juger des contraventions des quatre premières classes, lesquelles relèvent des tribunaux de police.
En revanche, nous demandons, comme M. Lecerf et certains de nos collègues du groupe UMP, qui avaient déposé un amendement identique au nôtre, que les juges de proximité conservent leurs actuelles attributions civiles afin de ne pas alourdir la charge de travail des tribunaux d’instance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent que les juges de proximité conservent, dans le cadre du tribunal d’instance, leurs compétences pour connaître des actions personnelles mobilières jusqu’à une valeur de 4 000 euros.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, compte tenu de la charge de travail qui pèse sur les tribunaux d’instance, il serait regrettable de se passer des juges de proximité pour le traitement des petits litiges. Si tel devait être le cas, il serait alors nécessaire de recruter 60 équivalents temps plein travaillé au sein de ces juridictions.
Aussi, la commission émet un avis favorable sur l’amendement no 35.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je me réjouis que certains, qui étaient hostiles aux juges de proximité, s’en fassent aujourd’hui les défenseurs. Mais seuls les imbéciles ne changent pas d’avis…
M. Jean-Pierre Michel. Pas de provocation !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne voyez aucune provocation dans mes propos, mon cher collègue !
Monsieur le garde des sceaux, vous vous souvenez que, voilà déjà bien longtemps, la commission des lois du Sénat avait publié un rapport intitulé Quels métiers pour quelle justice ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous y expliquions que, tout en étant favorables aux juges de proximité, nous les concevions comme des juges placés auprès des juges d’instance pour traiter les petits contentieux. De la sorte, ces magistrats professionnels disposaient à leur côté de personnes formées dont ils pouvaient utiliser les compétences en fonction des situations.
Le bilan s’est révélé plutôt positif et les juges de proximité ont ainsi déchargé les juridictions d’un certain nombre de petits contentieux, non seulement civils, mais aussi contraventionnels en matière pénale, dont le nombre est loin d’être négligeable.
Nous sommes tous d’accord pour supprimer les juridictions de proximité. Moi-même, j’y étais défavorable dès l’origine, estimant que leur création était une erreur, qu’il fallait non pas un ordre de juridiction spécialisé, mais des juges de proximité. Que ceux-ci deviennent assesseurs dans les formations collégiales du tribunal de grande instance, soit, mais pourquoi donc supprimer leurs fonctions en matière civile ? Nous ne le comprenons pas.
Si leur suppression est maintenue, ce sont les tribunaux d’instance qui reprendront leurs attributions.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Or, monsieur le garde des sceaux, vous savez bien que ces juridictions sont surchargées, notamment par les procédures de surendettement, qui, après avoir été « déjudiciarisées », ont été « rejudiciarisées ». C’est ce qui explique ce phénomène de saturation. Et je n’évoquerai même pas l’impact sur l’activité des tribunaux d’instance de la réforme de la protection des majeurs, qui oblige à réviser les mesures de tutelles.
L’amendement de notre collègue vise à maintenir les attributions actuelles des juges de proximité pour statuer sur les petits contentieux civils. La commission, fidèle à la position de fond qu’elle a adoptée sur cette question, y est favorable. Je conviens que les enjeux ne sont pas essentiels, mais il y va néanmoins du fonctionnement de la justice au quotidien. (M. André Reichardt applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement pour une raison simple qui tient au principe d’organisation des juridictions.
L’argument des emplois ne tient pas : si le juge de proximité devient assesseur, il permettra au magistrat qu’il remplacera de siéger au tribunal d’instance. C’est un jeu à somme nulle, si je puis dire.
Si l’on suit les auteurs de cet amendement, et conformément aux décisions du Conseil constitutionnel en la matière, seuls les juges de proximité, dès lors qu’ils existeront, pourront connaître de ce contentieux, ce qui introduira de la rigidité.
Je note avec intérêt que l’ensemble du Sénat s’accorde pour confier la résolution de contentieux importants – 4 000 euros, cela fait plus 26 000 francs – à un magistrat non professionnel.
M. Jean-Pierre Michel. C’est déjà le cas !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est un constat !
C’est pourquoi je ne doute pas que chacun, ici, accueille avec joie notre projet d’étendre la participation des juges de proximité en qualité d’assesseur à l’ensemble des formations collégiales du TGI. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comparaison n’est pas raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, vous voulez, nous dites-vous, conforter la collégialité. Nous prenons cela comme une bonne nouvelle tant, jusqu’à présent, la volonté qui s’était systématiquement manifestée était de privilégier le juge unique, les ordonnances pénales, ...
Mais, puisque nous sommes dans la culture de l’aveu, vous avez en réalité avoué quel est le véritable objet de ce texte.
M. Jacques Mézard. À défaut de pouvoir donner aux magistrats professionnels les moyens d’exercer leur métier, vous placez des supplétifs à leurs côtés.
Sur le terrain, la situation est assez surréaliste. J’ai exercé dans un département qui ne compte toujours pas le moindre juge de proximité. C’est le même homme, en l’occurrence le président du tribunal d’instance, qui, selon l’heure, remplit les missions de juge de proximité ou de président du tribunal d’instance. Votre projet consiste ni plus ni moins à faire passer les juges de proximité, quand il y en a, du niveau du tribunal d’instance au niveau du tribunal correctionnel.
Expliquez-nous, monsieur le garde des sceaux, quel serait le rôle d’un juge de proximité qui deviendrait assesseur dans un tribunal correctionnel. Est-ce cela, la proximité ? Cette question appelle une réponse.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On supprime la juridiction ; c’est déjà bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. – (Non modifié) À l’article L. 123-1 du code de l’organisation judiciaire, les mots : «, les juridictions de proximité » sont supprimés.
II. – (Non modifié) À l’article L. 533-1 du code de l’organisation judiciaire et dans l’intitulé des chapitres Ier et III du titre III du livre II du code de procédure pénale, les mots : « et de la juridiction de proximité » sont supprimés.
III. – (Non modifié) Au dernier alinéa de l’article 39, à la première phrase du premier alinéa de l’article 528 et au second alinéa de l’article 549 du code de procédure pénale, les mots : « ou de la juridiction de proximité » sont supprimés.
IV. – (Non modifié) Au dernier alinéa du II de l’article 80 et à la première phrase de l’article 179-1 du code de procédure pénale, les mots : « la juridiction de proximité, » sont supprimés.
V. – (Non modifié) À la première phrase du premier alinéa de l’article 45, à la fin du premier alinéa de l’article 178, aux premier et dernier alinéas de l’article 213, au premier alinéa de l’article 528-2 et au troisième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale, les mots : « ou devant la juridiction de proximité » sont supprimés.
VI. – (Non modifié) À la première phrase de l’article 44 du code de procédure pénale, les mots : « et les juridictions de proximité » sont supprimés.
VII. – (Non modifié) À la première phrase du premier alinéa de l’article 180 du code de procédure pénale, les mots : «, soit devant la juridiction de proximité, » sont supprimés.
VIII. – (Non modifié) À l’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre Ier et du chapitre IV du titre III du livre II et au premier alinéa de l’article 546 du code de procédure pénale, les mots : « et la juridiction de proximité » sont supprimés.
IX. – (Non modifié) Au second alinéa de l’article 45 du code de procédure pénale, les mots : « ou aux juridictions de proximité » sont supprimés.
X. – (Non modifié) Au deuxième alinéa de l’article 528-2, à l’article 531, au premier alinéa de l’article 539, à la première phrase de l’article 540, au premier alinéa de l’article 541, à la première phrase de l’article 542, au second alinéa de l’article 706-134, à la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 708 du code de procédure pénale et à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 121-3 du code de la route, les mots : « ou la juridiction de proximité » sont supprimés.
XI. – (Non modifié) À l’article 533 et au premier alinéa des articles 535, 543 et 544 du code de procédure pénale, les mots : « et devant la juridiction de proximité » sont supprimés.
XII. – (Non modifié) Au second alinéa de l’article 535 et au premier alinéa de l’article 538 du code de procédure pénale, les mots : « ou par le juge de proximité » sont supprimés.
XIII. – (Non modifié) Au deuxième alinéa de l’article 677 du code de procédure pénale, les mots : « ou d’une juridiction de proximité » sont supprimés.
XIV. – (Non modifié) À la première phrase du dernier alinéa de l’article 677 du code de procédure pénale, les mots : « d’une juridiction de proximité, » sont supprimés.
XV. – (Non modifié) À la seconde phrase du dernier alinéa des articles 705, 706-76 et 706-109 du code de procédure pénale, les mots : « ou devant la juridiction de proximité compétente en application de l’article 522-1 » sont supprimés.
XVI. – (Non modifié) Au premier alinéa de l’article 549 du code de procédure pénale, les mots : « ou les juridictions de proximité » sont supprimés.
XVII. – (Supprimé)
XVIII. – (Non modifié) Le dernier alinéa de l’article 21 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est supprimé.
XIX. – (Non modifié) Au 2° de l’article 1018 A du code général des impôts, les mots : « et des juridictions de proximité » sont supprimés.
XIX bis (nouveau). – Au I de l’article 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, les mots : «, la juridiction de proximité » sont supprimés.
XX. – 1. Aux articles L. 553-1 et L. 563-1 du code de l’organisation judiciaire, les mots : «, du tribunal de première instance et de la juridiction de proximité » sont remplacés par les mots : « et du tribunal de première instance » ;
2. Au second alinéa de l’article 46, aux articles 47 et 48 et à la deuxième phrase de l’article 529-11 du code de procédure pénale, les mots : « la juridiction de proximité » sont remplacés par les mots : « le tribunal de police » ;
3. Au dernier alinéa de l’article 41-3 du code de procédure pénale, les mots : « devant le juge du tribunal de police ou devant la juridiction de proximité » sont remplacés par les mots : « devant le juge compétent du tribunal de police » ;
4. À la seconde phrase du cinquième alinéa de l’article 44-1 du code de procédure pénale, les mots : « juge du tribunal de police ou par le juge de la juridiction de proximité » sont remplacés par les mots : « juge compétent du tribunal de police » ;
5. Au premier alinéa de l’article 525 du code de procédure pénale, les mots : « juge du tribunal de police ou de la juridiction de proximité » sont remplacés par les mots : « juge compétent du tribunal de police » ;
5. bis (nouveau) L’article 529-5-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « d’une ou plusieurs juridictions de proximité » sont remplacés par les mots : « d’un ou plusieurs tribunaux de police » ;
b) L’avant-dernière phrase est supprimée ;
c) À la dernière phrase, les mots : « de la juridiction de proximité » sont remplacés par les mots : « du tribunal de police » ;
6. À l’article 530-2 du code de procédure pénale, les mots : « à la juridiction de proximité » sont remplacés par les mots : « au tribunal de police » ;
6. bis (nouveau) À la première phrase de l’article 658 du code de procédure pénale, les mots : «, deux tribunaux de police ou deux juridictions de proximité » sont remplacés par les mots : « ou deux tribunaux de police » ;
7. À l’article 678 du code de procédure pénale, les mots : «, le tribunal de police, le tribunal correctionnel ou la juridiction de proximité » sont remplacés par les mots : « ou le tribunal, ».
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Par coordination, la commission émet un avis défavorable. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
chapitre II
Extension au tribunal de grande instance de la procédure d’injonction de payer et institution d’une procédure européenne d’injonction de payer et d’une procédure européenne de règlement des petits litiges
Article 3
(Non modifié)
I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 221-4, il est inséré un article L. 221-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-4-1. – Le tribunal d’instance connaît des demandes formées en application du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges » ;
2° L’article L. 221-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 221-7. – Le juge du tribunal d’instance connaît des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer. »
II. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 721-3, il est inséré un article L. 721-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 721-3-1. – Les tribunaux de commerce connaissent, dans les limites de leur compétence d’attribution, des demandes formées en application du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges. » ;
2° Après l’article L. 722-3, il est inséré un article L. 722-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 722-3-1. – Le président du tribunal de commerce connaît, dans les limites de la compétence d’attribution du tribunal de commerce, des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer. »
Mme la présidente. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. J’ai été convaincu par le rapport de la commission et les propos du rapporteur. Malgré tout, je présenterai cet amendement pour vous expliquer, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous l’avions déposé.
L'article 3 étend aux TGI la procédure d'injonction de payer pour les litiges portant sur une somme supérieure à 10 000 euros.
Cette extension se veut une simplification et la traduction dans la loi d'une pratique courante ; elle soulève néanmoins une difficulté majeure qui se heurte à l'objectif de clarification.
Conformément au droit commun, le ministère de l'avocat sera obligatoire pour le créancier, ce qui engendrera un coût constitutif d'un frein à l'accès à la justice.
La situation actuelle, marquée par un taux extrêmement faible d’opposition aux ordonnances d’injonction de payer – environ 5 % –, ne justifie pas un tel transfert de compétences.
L'article 3 reste muet sur cette question pourtant essentielle et laisse toute latitude au pouvoir réglementaire pour préciser ou non cette question.
Si l’on ouvre la possibilité de recourir à une saisine par requête sans avocat devant le TGI, on crée une atteinte au principe du monopole de la représentation par avocat ; d’autant que cela n’éviterait pas l’obligation de recourir à ce professionnel du droit en cas d’opposition.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandions la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Afin de résoudre le problème soulevé par les auteurs de cet amendement, la commission présentera un amendement n° 60 visant à préciser que « la requête en injonction de payer peut être présentée par le requérant ou par tout mandataire de ce dernier ».
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement, pour des motifs quelque peu différents.
L’article 3 a pour objet de mettre en œuvre les règlements communautaires ayant institué les procédures européennes d’injonction de payer et de règlement des petits litiges. Sa suppression sans aucun motif empêcherait la France de satisfaire à ses engagements européens.
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Lecerf, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° après l'article L. 211–4, il est inséré un article L. 211–4–1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211–4–1. - Le tribunal de grande instance connaît, dans les limites de sa compétence, les requêtes en injonction de payer formées par le créancier ou par tout mandataire. »
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. L'article 3 du projet de loi vise à transférer au TGI la compétence en matière d'injonction de payer lorsque la requête porte sur un montant supérieur à 10 000 euros.
Dans sa rédaction actuelle, ce texte contribuera à alourdir les frais de justice pour les créanciers. Il est donc proposé de permettre que la requête en injonction de payer devant le tribunal de grande instance puisse être déposée par le créancier ou par tout mandataire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Madame la présidente, me permettez-vous de présenter l’amendement no 60, dont l’argumentaire vaudra avis de la commission sur l’amendement no 17 rectifié ?
Mme la présidente. Pour la clarté du débat, j’appelle donc en discussion l’amendement n° 60, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La requête en injonction de payer peut être présentée par le requérant ou par tout mandataire de ce dernier.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vient compléter l'extension au TGI de la procédure d'injonction de payer. Il prévoit que la requête en injonction de payer pourra être présentée par le requérant ou par tout mandataire de ce dernier. La question du recours obligatoire à un avocat lorsqu’un tribunal de grande instance est saisi est donc résolue.
Monsieur Reichardt, votre amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir retirer son amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Reichardt, l’amendement no 17 rectifié est-il maintenu ?
M. André Reichardt. Compte tenu des arguments de M. le rapporteur, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l'amendement n° 60.
M. Jacques Mézard. Sans me coiffer d’une casquette corporatiste, j’attire l’attention du Sénat sur les difficultés qu’entraînerait cette mesure, difficultés qui n’ont d’ailleurs pas échappé au rapporteur lui-même.
Comme on peut le lire dans l’objet de l’amendement n° 60, « une disposition législative est nécessaire pour permettre à un mandataire – huissier de justice, société de recouvrement – de présenter la requête, car il s’agit d’une dérogation au monopole de représentation des avocats ».
Mes chers collègues, nous devons réfléchir aux difficultés que soulèvera l’adoption de cet amendement. La procédure proposée, utile lorsqu’il s’agit d’une injonction de payer, peut se révéler très dangereuse, notamment au travers des officines de recouvrement.
Monsieur le garde des sceaux, il faut y réfléchir à deux fois. Je peux concevoir une sortie du monopole de la représentation. Mais si c’est pour y introduire les sociétés et les officines de recouvrement, je vous mets en garde.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Effectivement !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je soutiens l’amendement de M. le rapporteur, même si les arguments de M. Mézard, paraissent recevables, et je retire d’ores et déjà l’amendement no 49.
Aujourd’hui, c’est un mandataire ou un huissier qui présente la requête devant le tribunal d’instance. Nous ne voulons pas que, avec le transfert la compétence, le justiciable paie les honoraires de l’avocat !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ces arguments sont valables, mais le fait que le montant de la requête en injonction de payer soit inférieur ou supérieur à 10 000 euros ne change pas vraiment les données du problème. Il ne s’agit pas d’une question de somme.
J’ajoute, et M. le garde des sceaux l’a indiqué tout à l’heure, que nous devons respecter nos engagements européens.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Lecerf.
L'amendement n° 49 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 221-4-1. - Le tribunal de grande instance connaît, dans les limites de sa compétence, les requêtes en injonction de payer formées par les créanciers ou par tout mandataire » ;
L’amendement n° 32 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 49 a été retiré par son auteur.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 30 rectifié est présenté par M. Lecerf.
L'amendement n° 48 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Tous deux sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 221-7. - Lorsqu'il statue selon la procédure d'injonction de payer, sous réserve de la compétence de la juridiction de proximité, le juge d'instance est compétent à quelque valeur que la demande puisse s'élever.
« Le juge du tribunal d'instance connaît des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d'injonction de payer. »
II. - En conséquence, rédiger ainsi l'intitulé du chapitre II :
Institution d'une procédure européenne d'injonction de payer et d'une procédure européenne de règlement des petits litiges.
L’amendement n° 30 rectifié n'est pas soutenu.
L’amendement n° 48 n’a plus d’objet, du fait de l’adoption de l’amendement no 60.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 rectifié est présenté par MM. Reichardt et Lecerf.
L'amendement n° 50 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est complété par les mots : «, ainsi que les ordonnances en injonction de payer, revêtues de la formule exécutoire par l'huissier de justice ».
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Comme M. le garde des sceaux l’indiquait tout à l’heure, il convient de recentrer le juge sur son cœur de métier : juger et dire le droit.
Afin de débarrasser le juge et son greffe de tâches qui sont de nature à retarder la procédure d’injonction de payer, le présent amendement vise à confier aux huissiers de justice l'apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance du juge, lorsque celle-ci ne fait l'objet d'aucune opposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Jean-Pierre Michel. Je souscris à l’argumentaire de M. Reichardt.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Permettez-moi de rappeler les premiers termes de la formule de l’apposition exécutoire : « En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, … ». Reconnaissez que l’on peut difficilement demander aux huissiers de justice de se requérir eux-mêmes ! (Sourires.)
Je précise par ailleurs que l’original de l’acte reste au tribunal. Il me paraît délicat d’imposer à un huissier de justice de se rendre au tribunal pour apposer la formule exécutoire sur l’ordonnance du juge.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est, comme la commission, défavorable à ces deux amendements, dont il souhaite le retrait.
L’opposition à une ordonnance d’injonction de payer peut être faite, sans aucun formalisme, auprès du greffe du tribunal d’instance. En l’absence d’opposition, le greffe appose la formule exécutoire nécessaire pour permettre l’exécution de l’ordonnance à exécution et, en cas d’opposition reçue au greffe, le tribunal met à néant l’ordonnance et statue à nouveau sur la demande, après débat entre les partis.
Pour toutes ces raisons, il est bien évident que l’autorité chargée d’apposer la formule ne peut être que celle auprès de laquelle doit être formée l’opposition.
Mme la présidente. Monsieur Reichardt., l'amendement n° 18 rectifié est-il maintenu ?
M. André Reichardt. Non, je le retire volontiers, madame la présidente.
Mon objectif était d’accélérer la procédure. Je me rends aux arguments de M. le rapporteur et de M. le garde des sceaux, mais il me semblait plus simple que le juge délègue aux huissiers le droit d’apposer la formule exécutoire !
Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié est retiré.
Monsieur Michel, l'amendement n° 50 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Michel. Non, je le retire également, madame la présidente.
Je considère que la procédure de l’injonction de payer aurait mérité un vrai débat. Nous aurions pu, par exemple, observer les dispositions qui sont appliquées en Alsace-Lorraine. Sans doute aurons-nous l’occasion de revenir sur cette question.
Mme la présidente. L'amendement n° 50 est retiré.
chapitre III
Spécialisation des juges départiteurs
Article 4
(Non modifié)
L’article L. 1454-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou le juge d’instance désigné par le premier président en application du troisième alinéa » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de pluralité de conseils de prud’hommes dans le ressort d’un tribunal de grande instance, le premier président de la cour d’appel peut, si l’activité le justifie, désigner les juges du tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal de grande instance. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 4
Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par M. Reichardt, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 3252-10 du code du travail, après le mot : « mensuellement », sont insérés les mots : «, entre les mains de l’huissier de justice qui a procédé à la signification, ».
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Le présent amendement a pour objet d’accélérer le traitement des saisies des rémunérations, notamment dans la phase relative au paiement par le tiers saisi, des sommes dues par le débiteur au créancier saisissant.
Actuellement, la décision portant saisie est notifiée, dans un délai de huit jours, par le greffe qui procède à la saisie ; l’employeur verse entre les mains du greffe les sommes dues par lui à son salarié. Ces sommes sont ensuite affectées aux régisseurs installés auprès du greffe du tribunal d’instance et versées par ce dernier au créancier saisissant, dans un délai de six mois.
Cet amendement vise à déléguer les missions de notification, d’encaissement et de répartition aux huissiers de justice, ce qui permettra d’obtenir une accélération du recouvrement des sommes dues, au profit du justiciable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement tend à modifier la procédure applicable aux saisies sur rémunération. Il permet à l’huissier de justice de procéder à la notification de la décision portant saisie, à l’encaissement des sommes dues et à leur répartition entre les créanciers.
Cette réforme peut se révéler intéressante pour réduire les délais de mise en œuvre des saisies sur rémunération. Il s’agit toutefois d’un sujet très particulier qui exige un minimum d’analyse. C’est pourquoi la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je remercie M. le rapporteur de s’en remettre à l’avis du Gouvernement.
M. Yves Détraigne, rapporteur. C’est un gage de notre confiance ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cela ne m’étonne pas de votre part, monsieur le rapporteur. (Nouveaux sourires.)
Monsieur Reichardt, cet amendement, certes intéressant, soulève néanmoins un certain nombre d’interrogations.
Il est intéressant pour trois raisons. D’abord, les huissiers de justice sont des professionnels des mesures d’exécution. Ensuite, les huissiers sont tenus de procéder à la répartition des sommes qu’ils perçoivent dans de brefs délais, ce qui est dans l’intérêt commun du créancier comme du débiteur. Enfin, la répartition des retenues sur salaires est une tâche qui, bien que non juridictionnelle, pèse lourdement sur les greffes.
Toutefois, si cet amendement était adopté, il en résulterait une modification radicale de la procédure de saisie sur rémunération. À ce titre, il suscite des interrogations.
Des interrogations de principes, d’abord : dans le cadre de cette procédure d’exécution, l’huissier de justice est le mandataire du créancier alors que la répartition des fonds est faite dans l’intérêt commun de l’ensemble des créanciers et du débiteur.
Des interrogations d’ordre économique, ensuite : le succès de la procédure d’exécution tient à sa simplicité et à sa gratuité pour les créanciers comme pour les débiteurs. Le dispositif proposé dans l’amendement aurait des conséquences sur la rémunération de l’huissier de justice chargé de procéder à la répartition des fonds. Il s’agit là d’une question clé. Le Gouvernement est opposé à tout renchérissement substantiel de la procédure d’exécution.
Enfin, l’amendement suscite des interrogations pratiques : le nouveau dispositif remet entièrement en cause le fonctionnement des saisies sur rémunérations. Une telle réforme ne peut être envisagée sans un examen approfondi de sa faisabilité.
Pour toutes ces raisons, je demande à M. Reichardt de retirer son amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
En revanche, je m’engage à ce que cette réforme soit expertisée très rapidement par la Chancellerie, en concertation avec les professionnels. Je rendrai compte de cette expertise au Sénat et à sa commission des lois.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. M. le garde des sceaux, dont je partage les arguments, a qualifié cet amendement d’ « intéressant » ; je considère pour ma part qu’il est surtout « intéressé » ! (Sourires.)
Notre service public fait son travail et nous devons lui donner les moyens de continuer. Des évolutions sont certes possibles, mais elles ne doivent pas être décidées au débotté d’un amendement. Nous ne pouvons pas, sans une expertise préalable sérieuse, modifier des procédures qui s’appliquent chaque année à des dizaines, voire à des centaines de milliers d’actes ! Nous devons faire preuve d’une grande vigilance.
Mme la présidente. Monsieur Reichardt, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?
M. André Reichardt. Compte tenu de l’engagement pris de M. le garde des sceaux, je le retire bien volontiers, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 33 est retiré.
chapitre iv
Spécialisation des tribunaux de grande instance en matière de propriété intellectuelle
Article 5
(Non modifié)
À l’article L. 211-10 du code de l’organisation judiciaire, après les mots : « d’obtentions végétales » sont insérés les mots : «, d’indications géographiques ». – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Au dernier alinéa de l’article L. 623-31 du code de la propriété intellectuelle, les mots : «, dont le nombre ne pourra être inférieur à dix, » sont supprimés. – (Adopté.)
chapitre v
Transfert de compétences entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance
Article 7
(Non modifié)
Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Au 2 de l’article 103, à l’article 344 et au deuxième alinéa de l’article 468, les mots : « tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance » ;
2° À l’article 185, à la fin du 2 de l’article 186, à la seconde phrase du 3 de l’article 188, aux 1 et 3 de l’article 389 et au dernier alinéa du 1 et au 3 de l’article 389 bis, les mots : « juge d’instance » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance » ;
3° Au 2 de l’article 341 bis, les mots : « juge d’instance » sont remplacés par les mots : « juge de l’exécution » ;
4° À l’article 347, à l’article 357 bis, au 2 de l’article 358 et au 1 de l’article 375, les mots : « d’instance » sont remplacés par les mots : « de grande instance » ;
5° L’article 349 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, à la première phrase, les mots : « juge d’instance » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance » et, aux deuxième et dernière phrases, le mot : « juge » est remplacé par le mot : « président » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « juge d’instance » sont remplacés, deux fois, par les mots : « président du tribunal de grande instance » et, à la seconde phrase, les mots : « du juge d’appel » sont remplacés par les mots : « de la cour d’appel » ;
6° Le paragraphe 3 de la section 2 du chapitre III du titre XII et son intitulé sont abrogés ;
7° Au 2 de l’article 390, les mots : « de l’auditoire du juge d’instance » sont remplacés par les mots : « du tribunal de grande instance ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 7 procède à une spécialisation du tribunal de grande instance, cette fois en matière de contentieux douanier, pour l’aligner sur le contentieux fiscal.
Je souhaite saisir cette occasion pour attirer l’attention sur l’ample démarche de spécialisation de la justice qui jalonne ce texte. Cette démarche n’est pas nouvelle, mais s’ajoute à celle qui a déjà été engagée, tout particulièrement dans les autres textes qui déclinent les propositions de la commission Guinchard.
La création de pôles ou de tribunaux spécialisés constitue des entorses au principe du juge naturel. Nous sommes en train de passer d’une conception du juge représentant du peuple, à celle du juge expert, exerçant au sein de grands pôles spécialisés. Ne prenons-nous pas le chemin d’une justice en quelque sorte organisée sur la base de ces pôles spécialisés, au détriment de la proximité avec le justiciable, qui devrait demeurer la règle ? On nous promet de rapprocher la justice des citoyens, mais c’est tout le contraire qui se produit !
Mes interrogations ne constituent pas une opposition de principe à la spécialisation. Qu’il y ait des exceptions pour des contentieux complexes, peu communs et importants, soit ! Mais je crains la spécialisation à outrance qui se profile projet de loi après projet de loi. On va vite en besogne, sans réfléchir suffisamment – c’est le problème de ces réformes menées par petits bouts –, à ce que signifie globalement aller vers une justice de plus en plus spécialisée et de moins en moins de proximité.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article L. 322-8 du code forestier, les mots : « en dernier ressort, devant le juge chargé du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « selon la nature et le montant de la demande, devant le tribunal d’instance ou de grande instance ».
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, je défendrai à la fois les amendements nos 37, 38 et 39.
Nous voulons supprimer trois articles qui complexifient encore la procédure.
En effet, jusqu’à présent, trois contentieux extrêmement réduits, concernant les indemnités dues au propriétaire d’un bien classé au titre des monuments historiques, le débroussaillage et les indemnités en matière de servitude ferroviaire, ainsi que la vente des objets abandonnés ou laissés en gage par les voyageurs et les aubergistes ou hôteliers, relevaient de la compétence du tribunal d’instance. Or l’article 8 prévoit que, selon le montant de l’indemnité concernée, ces contentieux ressortiront soit au tribunal de grande instance soit au tribunal d’instance.
Franchement, comme simplification, il n’y a pas mieux !
C’est pourquoi nous demandons la suppression de ces trois articles, pour les mêmes motifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Comme vient de le dire M. Michel, ces trois amendements portent sur le même sujet et visent à supprimer la répartition prévue de certains contentieux entre tribunal d’instance et tribunal de grande instance, contentieux qui, il faut le dire, sont relativement résiduels et dont la répartition ne bouleversera pas énormément le fonctionnement de la justice.
Il n’y a donc pas lieu de créer des exceptions en la matière. Tenons-nous-en à la répartition classique entre tribunal d’instance et tribunal de grande instance.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
(Non modifié)
À la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 622-4 du code du patrimoine, les mots : « par le tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : «, selon le montant de la demande, par le tribunal d’instance ou de grande instance ».
Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
La commission et le Gouvernement y sont défavorables.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
La loi du 31 mars 1896 relative à la vente des objets abandonnés ou laissés en gage par les voyageurs aux aubergistes ou hôteliers est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 2 est ainsi rédigé :
« Le dépositaire pourra présenter au juge du tribunal d’instance ou au président du tribunal de grande instance, selon la valeur des effets mobiliers laissés en gage ou abandonnés, une requête qui énoncera les faits, désignera les objets et en donnera une évaluation approximative. La demande est portée devant la juridiction dans le ressort de laquelle sont situés les biens. » ;
2° Au quatrième alinéa du même article, les mots : « du tribunal d’instance » sont supprimés ;
3° À la deuxième phrase de l’article 5, les mots : « du juge du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « de la juridiction » et la dernière phrase est supprimée.
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
La commission et le Gouvernement y sont défavorables.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
(Non modifié)
À la deuxième phrase de l’article 11, à l’article 12, à l’avant-dernier alinéa de l’article 18 et à la première phrase du dernier alinéa de l’article 19 de la loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d’un bien de famille insaisissable, les mots : « juge du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance ».
Mme la présidente. L'amendement n° 40, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, je souhaiterais que soit d’abord mis en discussion l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d’un bien de famille insaisissable est abrogée.
Elle demeure applicable aux biens de famille ayant fait l’objet de la publication prévue par l’article 10 de ladite loi, avant la publication de la présente loi.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Par cet amendement, le Gouvernement propose l’abrogation de la loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d’un bien de famille insaisissable, qui est tombée en désuétude. Cette loi n’étant plus utilisée, elle ne sert plus à rien.
Elle n’est plus utilisée en raison, d’une part, du faible montant du bien qui peut être protégé, alors même que les prix de l’immobilier ont amplement augmenté depuis 1953, date de la dernière réévaluation.
D’autre part, cette loi est tombée en désuétude du fait de la lourdeur de la procédure qui est prévue, mais également et surtout des nombreux autres dispositifs récents qui permettent à un entrepreneur de protéger plus efficacement une partie de ses biens. Je pense notamment aux textes sur l’EURL – entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée – ou l’EIRL – entrepreneur individuel à responsabilité limitée – permettant de placer une partie du patrimoine en dehors de l’aléa économique.
Mme la présidente. Monsieur Jean-Pierre Michel, vous avez maintenant la parole, pour présenter l’amendement n° 40.
M. Jean-Pierre Michel. Si l’amendement du Gouvernement est adopté, mon amendement sera satisfait. Dans ces conditions, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 40 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 55 ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Compte tenu de ce qui vient d’être dit, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé.
Article 12
(Non modifié)
La loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 2, les mots : « du canton de son domicile » sont remplacés par les mots : « ou au président du tribunal de grande instance, selon la valeur des objets mobiliers abandonnés, » et il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« La demande est portée devant la juridiction dans le ressort de laquelle est situé le domicile du professionnel. » ;
2° À l’article 4, les mots : « du juge du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « de la juridiction » et la dernière phrase est supprimée.
Mme la présidente. L'amendement n° 41, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que ceux qui portaient sur les articles 8, 9 et 10. Il concerne la vente par un professionnel d’objets mobiliers qui lui ont été confiés et qui n’ont pas été retirés dans un certain délai.
Là encore, le contentieux est séparé entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, bien que nous nous doutions de l’avis de M. le rapporteur…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je suis désolé pour M. Michel, mais la commission émet le même avis défavorable que sur les amendements de suppression des articles 8,9 et 10.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
chapitre vi
Aménagement des règles régissant la procédure en matière familiale
Article 13
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 250 est ainsi rédigé :
« Art. 250. – La demande en divorce est présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d’un commun accord.
« Si les époux ont un ou plusieurs enfants mineurs communs, le juge examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.
« En l’absence d’enfant mineur commun, le juge ordonne la comparution des époux s’il l’estime nécessaire. La comparution est de droit à la demande de l’un ou l’autre des époux. » ;
2° L’article 250-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus d’homologation ne peut intervenir qu’après comparution des époux. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet de rétablir la possibilité, pour le juge, de dispenser les époux de comparaître en cas de divorce par consentement mutuel et en l’absence d’enfant mineur.
Cet amendement vise à revenir sur la suppression de l’article 13, que la commission a décidée au motif que la comparution devant le juge permettait de vérifier l’absence de toute contrainte sur une partie et que le divorce devait conserver une certaine solennité.
J’estime au contraire que, en l’absence d’enfant mineur, il serait opportun d’éviter tout formalisme excessif. C’est la raison pour laquelle je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de rétablir le texte du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. J’ai déjà donné l’avis de la commission au cours de la discussion générale, et il me semble que deux de nos collègues au moins, appartenant à des groupes politiques différents, sont allés dans ce sens.
J’entends bien ce que dit M. le garde des sceaux, mais je ne suis pas certain que Michel Mercier en tant que personne privée n’aurait pas adopté la position que nous avons retenue en commission… (Sourires.) Je dis cela en toute amitié !
En tout cas, j’émets un avis défavorable sur l’amendement présenté par le Gouvernement, pour les diverses raisons qui ont déjà été évoquées.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 13 demeure supprimé.
Article 14
L’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’avocat est tenu de conclure avec son client une convention d’honoraires pour les procédures de divorce. Des barèmes indicatifs des honoraires pratiqués par les avocats pour ces procédures, établis à partir des usages observés dans la profession, sont publiés par arrêté du garde des sceaux, pris après avis du Conseil national des barreaux. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet article concerne la fixation des honoraires d’avocat dans le cadre du divorce par consentement mutuel.
Nous sommes tout à fait favorables à l’obligation de conclusion d’une convention d’honoraires. Il est normal, et même légitime, que nos concitoyens qui ne bénéficient pas de l’aide juridictionnelle sachent de manière très précise, dans le cadre de l’engagement contractuel que constitue une convention, quels sont les frais qu’ils auront à assumer.
En revanche, s’engager sur un système de barèmes, même indicatifs, serait à mon sens une erreur. Seule la convention d’honoraires est indispensable.
J’ai souvenance d’avoir assisté voilà quelques années à la visite, dans certains barreaux, de représentants de la Commission de la concurrence, et que les barreaux qui avaient établi des barèmes ont été financièrement sanctionnés. Cela signifie que ces barreaux ont dû payer des amendes pour avoir suivi – c’est tout de même un comble ! – les préconisations des magistrats et des premiers présidents de cours d’appel les ayant incités à mettre en place un système de barèmes indicatifs.
Mes chers collègues, soyons sérieux, raisonnables, et n’entrons pas dans ce qui m’apparaît comme le résultat d’un marchandage qui a dû avoir lieu il y a quelques mois ou quelques années entre la Chancellerie et le Conseil national des barreaux : pour que les divorces demeurent dans le champ de la compétence juridictionnelle, les barreaux devaient accepter un barème. Pour ma part, je ne saurais y souscrire.
Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces barèmes sont révisés au minimum tous les deux ans.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 22 rectifié.
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’amendement n° 61 prévoit que les barèmes indicatifs que nous proposons soient révisés au minimum tous les deux ans.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur la problématique générale de la convention d’honoraires et des barèmes indicatifs.
Comme vient lui-même de le dire M. Mézard, tout le monde est plutôt favorable à l’existence d’une convention d’honoraires, qui permet effectivement aux parties de savoir à quoi elles s’engagent.
La question qui est posée est celle des barèmes indicatifs.
Je voudrais tout d’abord rappeler que ces barèmes sont purement indicatifs et que la convention d’honoraires pourra y déroger. Certes, notre collègue Mézard vient de rappeler que des barreaux avaient, voilà quelques années, tenté l’opération « barèmes indicatifs » et qu’elle avait ensuite été annulée au motif que ces barèmes ne s’appuyaient sur aucune étude sérieuse et s’avéraient nettement supérieurs aux honoraires habituellement pratiqués par la profession.
En l’espèce, il s’agit de barèmes indicatifs qui seraient publiés par la Chancellerie, après avoir été établis en liaison avec le Conseil national des barreaux. Ce dernier a donné un accord de principe il y a huit jours, à condition que ces barèmes soient régulièrement révisés.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement n° 61, qui vise à ce que les barèmes soient révisés au minimum tous les deux ans.
J’ajoute que les barèmes indicatifs présentent un grand intérêt dans la mesure où le conjoint ou le couple qui consulte un avocat pour divorcer, dans la plupart des cas, et heureusement, ne connaît pas encore le montant des frais qu’il aura à supporter. Ces barèmes indicatifs rétabliront une sorte d’équilibre entre les parties, si je puis utiliser ce terme, entre l’avocat d’un côté, et le conjoint ou le couple de l’autre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 61 et, par conséquent, un avis défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne voudrais pas que ces barèmes dits « indicatifs » subissent le même sort que les émoluments, qui remontent à 1971, avec une dernière révision en 1973.
M. Yves Détraigne, rapporteur. D’où l’amendement !
M. Jacques Mézard. En effet, mais quelles garanties avons-nous qu’il y aura une révision ? Il n’y en aura strictement aucune !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sera prévu par la loi !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
À titre expérimental et jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la publication de la présente loi, dans les tribunaux de grande instance déterminés par un arrêté du garde des sceaux, les dispositions suivantes sont applicables, par dérogation à l’article 373-2-13 du code civil.
Les décisions fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ainsi que les dispositions contenues dans la convention homologuée peuvent être modifiées à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.
Toutefois, à peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d’une tentative de médiation familiale, sauf :
1° Si la demande émane conjointement des deux parents ou, lorsqu’elle émane d’un seul, si l’autre parent déclare ne pas s’y opposer ;
2° Si l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;
3° (nouveau) Si cette tentative de médiation préalable risque, compte tenu des délais dans lesquelles elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation en vue de décider de sa généralisation, de son adaptation ou de son abandon.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 23 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde, MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi et Mme Klès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 15 impose aux parties – pour l’heure à titre expérimental – une obligation de médiation familiale avant la saisine du juge aux affaires familiales, et ce concernant l’exercice de l’autorité familiale.
Je ne doute pas de l’utilité de ce type de mesures ; le travail d’accompagnement des couples en séparation doit être favorisé.
Mais j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que leur efficacité dépend pour une large part de l’adhésion des personnes concernées et, me semble-t-il, du caractère facultatif. La crainte de la sanction du juge amènera, bien évidemment, les deux parties devant le médiateur. Mais pour quel résultat si l’une y va contrainte et non pas convaincue ? Le rapport donne des chiffres : 57 % des médiations débouchent sur la résolution du conflit et 18 % permettent des avancées significatives. Soit ! Mais il ne s’agit pas d’une médiation contrainte.
Selon le rapport, 6 271 mesures judiciaires de médiation familiale ont été ordonnées en 2009. Comment comptez-vous étendre cette mesure aux 360 000 affaires soumises chaque année au juge des affaires familiales ?
Ce ne sera évidemment pas sans poser un certain nombre de problèmes, le problème financier n’étant pas des moindres.
En 2009, 266 services conventionnés employaient 629 médiateurs, auxquels s’ajoutaient une centaine de praticiens libéraux, avec une inégale répartition géographique et un éparpillement des financements.
Comme le note notre rapporteur, l’expérimentation sera incertaine dans sa réalisation et donc dans ses conséquences sur les droits des parties.
Il a très bien perçu le problème : sur sa proposition, la commission a ajouté un amendement destiné à garantir les délais d’accès au juge... mais précisément en se passant de la médiation.
Si cette disposition est généralisée, il faudra multiplier par cinq ou six l’activité des associations de médiation et recruter plus de 1 700 équivalents temps plein de médiateurs familiaux.
Comment les finances publiques, que vous voulez à toute force réduire, pourront-elles y faire face ? Vous ne nous donnez aucune précision à ce sujet.
Nul doute que, dans le contexte actuel, se profile une externalisation dans ce domaine comme dans d’autres, puisqu’il faudra faire appel à des « entreprises » de médiation pour faire face à la « demande ».
Nul doute que ce sont les justiciables qui devront en faire les frais. En effet, je crois savoir que vous n’entendez pas faire des efforts importants en matière d’aide judiciaire !
Il n’est donc pas concevable que vous nous demandiez de voter une loi sans les moyens budgétaires qui en découlent.
J’ajoute que nous sommes opposés à toute médiation quand il y a eu des violences au sein du couple, exercées par un conjoint sur l’autre. La médiation tendant à devenir obligatoire, sans qu’il soit précisé qu’elle n’est pas possible en cas de violence, nous sommes opposés à cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 23 rectifié.
M. Jacques Mézard. J’ai déjà défendu cet amendement lors de la présentation de la motion tendant au renvoi à la commission. Je trouve que prévoir une médiation préalable systématique est déraisonnable, voire absurde, dans la mesure où feront certainement défaut les moyens nécessaires.
La médiation n’est pas un objectif en soi.
Pour divorcer, il faut déjà au moins un avocat. Bientôt, à écouter plusieurs intervenants, il faudra un psychologue, un psychiatre et un travailleur social. En la matière également, il faut rester raisonnable et voir comment les choses se passent sur le terrain.
Certes, il y a un nombre considérable de divorces, c’est un phénomène de société, mais il est absolument aberrant de recourir à une médiation systématique et de décider que l’on ne pourrait déclencher le système judiciaire, c’est-à-dire faire appel au juge aux affaires familiales, que dans la mesure où la médiation aurait échoué.
Je ne sais pas qui a pu avoir cette idée, qui n’a rien de lumineux, et qui est, je le répète, strictement aberrante.
Nous serons dans l’incapacité de mettre en place un tel système. Qui paiera et dans quelles conditions ? Une médiation a un coût, et l’aide juridictionnelle, comme cela a été dit, sera strictement impossible.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Promouvoir la médiation pour permettre au justiciable de sortir d’une logique conflictuelle est une bonne chose. Encore faut-il, comme viennent de le dire les deux orateurs précédents, y mettre les moyens.
J’ai eu l’occasion de préciser tout à l’heure, lors de la discussion générale, quels moyens financiers devraient être engagés en cas de généralisation et qu’il fallait donc y aller avec prudence. Cela dit, le dispositif proposé est expérimental.
Par ailleurs, la commission a prévu que les parents puissent être dispensés du recours préalable à la médiation lorsque l’absence du médiateur disponible leur interdirait l’accès au juge dans un délai raisonnable, pour éviter que le temps ne s’écoule et que le contentieux ne s’envenime.
Par conséquent, compte tenu de cette précaution prise par la commission et en raison du caractère expérimental du dispositif, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 2 et 23 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 23 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
ou, lorsqu’elle émane d’un seul, si l’autre parent déclare ne pas s’y opposer
par les mots :
afin de solliciter l'homologation d'une convention selon les modalités fixées à l'article 373-2-7 du code civil
II - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement vise à modifier les possibilités de dispense de médiation préalable obligatoire telles qu’elles ressortent du texte de la commission.
Le Gouvernement et la commission partagent, me semble-t-il, la même ambition et le même souci de permettre que la médiation ait lieu, qu’elle puisse conduire à éviter de saisir le juge chaque fois que possible et, en tout cas, de préserver l’accès au juge si l’une des parties le souhaite ou s’il est impossible d’avoir rapidement recours à la médiation. Ce sont donc essentiellement des questions de rédaction qui peuvent poser problème.
Le I de l'amendement vise à modifier l’alinéa 4 de l'article. En effet, le texte issu de la commission prévoit que la tentative de médiation peut être écartée si la demande est formée par l’une des parties, l’autre déclarant ne pas s’y opposer.
Je crains que la situation ne soit un peu difficile à appréhender et que l’expérimentation ne soit vaine. Un parent, sans s’opposer, peut ne pas être d’accord. Or c’est précisément dans les cas où les parents ne sont pas en rupture de dialogue que la médiation a tout son sens. Il me paraît donc préférable de supprimer cette possibilité de dispense sous peine de trop affaiblir le dispositif.
La seconde modification est d’une autre nature, c’est la suppression de l’alinéa 6, qui prévoit la possibilité de dispense de tentative de médiation si elle risque, compte tenu du délai dans lequel elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit d’accès au juge dans un délai raisonnable.
Je le redis, ce principe de l’accès au juge est essentiel, il doit être garanti. C’est précisément ce que souhaite le Gouvernement lorsqu’il prévoit une possibilité de dispense de médiation en cas de motif légitime. Le motif légitime n’est pas défini, il sera apprécié par le juge au vu, d’une part, de l’urgence de la demande et, d’autre part, de la possibilité d’obtenir ou non un rendez-vous avec un médiateur dans un délai raisonnable.
Par conséquent, nous partageons pleinement les objectifs de la commission, mais nous l’exprimons autrement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien des parlementaires sont partagés sur la médiation familiale. Ce n’est pas un débat nouveau. Avoir recours à la médiation, la conciliation, excusez-moi, c’est s’en remettre à des spécialistes qui n’apporteront pas les mêmes garanties que des magistrats, qui auront une idée précise de comment doivent fonctionner les familles, en tout cas, c’est s’en remettre à d’autres… Dans notre société – c’est un vrai problème et nous n’y pouvons rien –, on demande à la justice de tout régler !
Monsieur le garde des sceaux, si le contentieux familial représente 60 % du contentieux civil, c’est parce que la société est ce qu’elle est.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Auparavant, ce pourcentage était inférieur parce qu’il y avait plus de problèmes de servitude de passage ou de conflits de voisinage entre les agriculteurs. Aujourd’hui, cela devient marginal,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … certes, parce qu’ils ont réglé le problème en procédant à des remembrements. Mais, si le contentieux familial a pris toute cette place, c’est surtout parce qu’on demande tout au juge,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … par exemple, de statuer sur le refus de vacciner son enfant : l’un des conjoints veut, l’autre non ; on n’en sort plus ! Ce n’est pas vraiment le rôle du juge de régler des problèmes de mésentente… Cette dérive reflète l’état de notre société.
Cela dit, pourquoi pas la médiation familiale ? En tout cas, pourquoi ne pas l’expérimenter ? Toutefois, monsieur le garde des sceaux, quand la médiation ne peut intervenir, il faut bien avoir accès au juge.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À cet égard, il me semble que le motif légitime ne recouvre pas le délai raisonnable. Le délai raisonnable, on peut l’appréhender ; le juge pourra l’apprécier.
C’est pourquoi, si la commission est favorable au I, elle est défavorable au II, parce qu’il nous paraît important de préserver la possibilité de saisir le juge lorsque le délai d’obtention d’une médiation est trop long. En effet, certaines personnes n’auront pas le droit d’aller devant le juge tout en n’ayant pas la possibilité d’obtenir une médiation. Il me semble que c’est aller un peu loin…
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le président de la commission, un tel pas en direction du Gouvernement ne peut me laisser insensible. J’accepte donc de rectifier l’amendement dans le sens que vous souhaitez.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 57 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
ou, lorsqu’elle émane d’un seul, si l’autre parent déclare ne pas s’y opposer
par les mots :
afin de solliciter l'homologation d'une convention selon les modalités fixées à l'article 373-2-7 du code civil
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Article additionnel après l'article 15
Mme la présidente. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Reichardt et Mme Troendle, est ainsi libellé :
Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au titre VII du livre VI du code de commerce, après l'article L. 670-1, il est inséré un article L. 670-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 670-1-1. - Les dispositions du présent titre sont également applicables aux personnes mentionnées à l’article L. 670-1 ayant procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l’article L. 526-7 et dont l’activité agricole, commerciale, artisanale ou indépendante est exclusivement exercée avec affectation de patrimoine.
En ce cas, sauf dispositions contraires, les références faites à la personne, au débiteur, au contrat, au cocontractant s'entendent, respectivement :
- de la personne en tant que titulaire d'un patrimoine non affecté ;
- du débiteur en tant que titulaire d'un patrimoine non affecté ;
- du contrat passé par le débiteur ainsi défini ;
- du cocontractant ayant conclu avec lui un tel contrat.
Les dispositions qui intéressent les biens, droits ou obligations de cette personne doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine non affecté. Les dispositions qui intéressent les droits ou obligations des créanciers de cette personne s’appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine non affecté. »
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. L’ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010 a adapté la procédure du surendettement à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL.
Sur le modèle de ces dispositions, permettez à l’Alsacien que je suis de proposer de permettre l’adaptation de la procédure de faillite civile, applicable dans les seuls départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, à ce même statut de l’EIRL.
Cet amendement a reçu l’avis favorable de l’Institut du droit local alsacien-mosellan.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Devant l’aval de l’Institut du droit local, la commission des lois ne peut que s’incliner : elle émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15.
Article 15 bis (nouveau)
Le deuxième alinéa de l’article 55 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le nom de l’enfant est déterminé en application des règles énoncées aux articles 311-21 et 311-23. »
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon intervention vaudra aussi pour l’amendement n° 4 à l’article 15 ter et l’amendement n° 5 à l’article 15 quater.
L’article 15 bis est le premier de toute une série d’articles nouveaux adoptés par la majorité en commission des lois sur l’initiative du Gouvernement.
Le texte que nous examinons est un projet de loi : il émane donc du Gouvernement. Aussi est-il difficilement concevable que le Gouvernement fasse en permanence irruption – cela devient en effet une habitude ! – dans le débat parlementaire pour modifier son propre texte, qui plus est en proposant des dispositions nouvelles sur des sujets disparates, et alors que ce projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat voilà un an !
Il n’est pas normal que le Gouvernement profite du débat parlementaire pour imposer des dispositions qu’il n’a pas prévues dans des projets de loi plus adéquats. Ce projet de loi est un « fourre-tout » : inutile d’en rajouter !
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, comme des articles 15 ter et 15 quater, qui sont de même facture.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. On peut effectivement contester la manière de faire. Cela dit, ces trois articles, qui portent sur des questions importantes, apportent de bonnes solutions.
En conséquence, la commission est défavorable à ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15 bis.
(L'article 15 bis est adopté.)
Article 15 ter (nouveau)
À la fin du quatrième alinéa de l’article 58 du même code, les mots : « ou pour lesquels le secret de la naissance a été réclamé » sont supprimés.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement y sont défavorables.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15 ter.
(L'article 15 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 15 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 15 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 74 du code civil, après les mots : « l'un des deux époux », sont insérés les mots : «, ou le père ou la mère de l'un des deux époux, ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’ai déjà évoqué tout à l'heure cet amendement, qui est très attendu. Le Gouvernement propose de laisser aux futurs époux une plus grande liberté dans le choix du lieu de célébration de leur union, tout en l’encadrant dans des critères précis.
Cet amendement prévoit donc d’élargir les lieux possibles de célébration du mariage au domicile ou à la résidence du père ou de la mère de l’un des deux époux.
Cette disposition est attendue par nombre de futurs mariés et de parents de futurs mariés. En effet, un certain nombre de difficultés sont nées, ces derniers temps, de l’interprétation trop stricte qu’ont pu faire certains procureurs de la République. Il convient donc de fixer des règles claires.
M. Alain Gournac. Cette disposition est en effet attendue !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement répond non seulement à une demande exprimée par de nombreux futurs époux et parents de futurs époux, mais également de nombreux maires, qui sont souvent obligés d’ajouter dans l’acte de mariage une formule, qui vaut ce qu’elle vaut, justifiant que le mariage est célébré dans la commune où sont domiciliés les parents mais où ne sont plus domiciliés les enfants.
Il s’agit là d’un excellent amendement, qui réglera bien des problèmes.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 ter.
L'amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 15 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 317 du code civil, après les mots : « au juge » sont insérés les mots : « du tribunal d’instance du lieu de naissance ou de leur domicile ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement de précision visant à indiquer que le juge d’instance est et demeure compétent pour l’établissement des actes de notoriété en matière de filiation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 ter.
Article 15 quater (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 365 et au dernier alinéa de l’article 372 du même code, les mots : « devant le » sont remplacés par les mots : « adressée au ».
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement y sont défavorables.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15 quater.
(L'article 15 quater est adopté.)
chapitre vii
Regroupement de certains contentieux en matière pénale au sein de juridictions spécialisées
Article 16
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’intitulé du titre Ier du livre IV est ainsi rédigé :
« Titre Ier
« DES RÈGLES DE PROCÉDURE APPLICABLES AUX CRIMES « CONTRE L’HUMANITÉ ET AUX CRIMES DE GUERRE » ;
2° Avant le chapitre Ier du titre Ier du livre IV, il est inséré un sous-titre Ier intitulé : « De la coopération avec la Cour pénale internationale » ;
3° Après l’article 627-20, il est inséré un sous-titre II ainsi rédigé :
« Sous-titre II
« Des juridictions compétentes pour la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes contre l’humanité et des crimes et délits de guerre
« Art. 628. – Les crimes contre l’humanité et les crimes et délits de guerre sont poursuivis, instruits et jugés selon les règles du présent code sous réserve des dispositions du présent sous-titre.
« Art. 628-1. – Pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628, le procureur de la République, le juge d’instruction et la cour d’assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43 et 52.
« En ce qui concerne les mineurs, le procureur de la République, le juge d’instruction, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite et l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628, le procureur de la République et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.
« Art. 628-2. – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris peut, pour les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628, requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction ; l’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« L’ordonnance par laquelle le juge d’instruction se dessaisit ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu par l’article 628-6 ; lorsqu’un recours est exercé en application de cet article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation soit porté à sa connaissance.
« Dès que l’ordonnance est devenue définitive, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République de Paris.
« Le présent article est applicable devant la chambre de l’instruction.
« Art. 628-3. – Lorsqu’il apparaît au juge d’instruction de Paris que les faits dont il a été saisi ne constituent pas une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628 et ne relèvent pas de sa compétence à un autre titre, ce magistrat se déclare incompétent, soit sur requête du procureur de la République, soit, après avis de ce dernier, d’office ou sur requête des parties. Celles des parties qui n’ont pas présenté une requête sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations ; l’ordonnance est rendue au plus tôt huit jours après cet avis.
« Le deuxième alinéa de l’article 628-2 est applicable à l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction de Paris se déclare incompétent.
« Dès que l’ordonnance est devenue définitive, le procureur de la République de Paris adresse le dossier de la procédure au procureur de la République territorialement compétent.
« Le présent article est applicable lorsque la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris statue sur sa compétence.
« Art. 628-4. – Lorsque le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants de Paris se déclare incompétent pour les motifs prévus par l’article 628-3, il renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu’il avisera ; il peut, le ministère public entendu, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu.
« Art. 628-5. – Dans les cas prévus par les articles 628-2 à 628-4, le mandat de dépôt ou d’arrêt conserve sa force exécutoire ; les actes de poursuite ou d’instruction et les formalités intervenus avant que la décision de dessaisissement ou d’incompétence soit devenue définitive n’ont pas à être renouvelés.
« Art. 628-6. – Toute ordonnance rendue sur le fondement de l’article 628-2 ou de l’article 628-3 par laquelle un juge d’instruction statue sur son dessaisissement ou le juge d’instruction de Paris statue sur sa compétence peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation qui désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, la juridiction chargée de poursuivre l’information. Le ministère public peut également saisir directement la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa de l’article 628-2.
« La chambre criminelle qui constate que le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris n’est pas compétent peut néanmoins, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, décider que l’information sera poursuivie à ce tribunal.
« L’arrêt de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d’instruction ainsi qu’à celle du ministère public et signifié aux parties.
« Le présent article est applicable à l’arrêt rendu sur le fondement du dernier alinéa des articles 628-2 et 628-3 par lequel une chambre de l’instruction statue sur son dessaisissement ou sa compétence.
« Art. 628-7. – Par dérogation à l’article 712-10, sont seuls compétents le juge de l’application des peines du tribunal de grande instance de Paris, le tribunal de l’application des peines de Paris et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Paris pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées pour une infraction entrant dans le champ d’application de l’article 628, quel que soit le lieu de détention ou de résidence du condamné.
« Ces décisions sont prises après avis du juge de l’application des peines compétent en application de l’article 712-10.
« Pour l’exercice de leurs attributions, les magistrats des juridictions mentionnées au premier alinéa peuvent se déplacer sur l’ensemble du territoire national, sans préjudice de l’application de l’article 706-71 sur l’utilisation de moyens de télécommunication.
« Art. 628-8 (nouveau). – Les articles 706-80 à 706-106, à l'exception des articles 706-88-1 et 706-88-2, sont applicables à l'enquête, la poursuite et l'instruction des crimes entrant dans le champ d'application de l'article 628.
« Pour l'application du sixième alinéa de l'article 706-88, l'intervention de l'avocat peut être différée pendant une durée maximale de soixante-douze heures.
« Art. 628-9 (nouveau). – Le présent sous-titre est également applicable aux crimes de torture pour lesquels les juridictions françaises sont compétentes en application de l’article 689-2. » ;
4° (nouveau) L’article 92 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Agissant dans le cadre d’une commission rogatoire internationale adressée à un État étranger, il peut, avec l’accord des autorités compétentes de l’État concerné, procéder à des auditions sur le territoire de cet État. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je me félicite que l’amendement que j’avais déposé sur cet article ait été satisfait en commission par un amendement, présenté par le rapporteur, visant à étendre la compétence du nouveau pôle spécialisé aux crimes de guerre et aux actes de torture. Cela va dans le bon sens. Car, à l’instar du projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale, les dispositions du projet de loi que nous examinons aujourd'hui marquaient, une nouvelle fois, une certaine frilosité de la part du Gouvernement. Mais la cause est entendue.
La création du pôle spécialisé doté de compétences et de moyens à la hauteur nécessaire aura d’autant plus d’importance que la loi du 9 août 2010 comporte des dispositions particulièrement restrictives.
J’ai rappelé, dans mon intervention liminaire, la limite sérieuse tenant à la condition de résidence habituelle de la personne poursuivie. Par ailleurs, le monopole des poursuites a été confié au parquet, les victimes étant donc exclues de l’action publique. Ce problème est d’autant plus important que vous vous arc-boutez sur le refus de conférer aux magistrats du parquet leur indépendance. Or le pôle sera nécessairement concerné par des affaires à teneur non seulement juridique, mais éminemment politique et diplomatique. Quelle considération l’emportera ? Les priorités politiques ? Les priorités juridiques ? Je ne sais.
Malgré ces quelques interrogations, le groupe CRC-SPG votera cet article. La création d’un outil de nature à juger les crimes internationaux les plus graves nous permet d’avancer dans la consolidation de la justice pénale internationale. Elle participe aussi de la paix.
Je demeure, pour ma part, convaincue que ce chemin est le bon, à plus forte raison quand l’actualité se fait, en la matière, très inquiétante.
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 30
Après les mots :
des articles
insérer la référence :
706-88,
II. - En conséquence, alinéa 31
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Le texte qui a été adopté par la commission s’inscrit dans le dispositif prévu à l’article 706-88 du code de procédure pénale, qui définit les modalités de garde à vue applicables en matière de terrorisme et de criminalité organisée, des modalités qui n’ont pas été modifiées par l’adoption récente du projet de loi relatif à la garde à vue.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Article 17
Après l’article 706-175 du code de procédure pénale, il est créé un titre XXXIII ainsi rédigé :
« TITRE XXXIII
« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE EN CAS « D’ACCIDENT COLLECTIF
« Art. 706-176. – La compétence territoriale d’un tribunal de grande instance peut être étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus par les articles 221-6, 221-6-1, 222-19, 222-19-1, 222-20 et 222-20-1 du code pénal, dans les affaires qui comportent une pluralité de victimes et sont ou apparaîtraient d’une grande complexité.
« Cette compétence s’étend aux infractions connexes.
« Un décret fixe la liste et le ressort de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions.
« Art. 706-177. – Au sein de chaque tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le procureur général et le premier président, après avis du procureur de la République et du président du tribunal de grande instance, désignent respectivement un ou plusieurs magistrats du parquet, juges d’instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l’enquête, de la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Au sein de chaque cour d’appel dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le premier président et le procureur général désignent respectivement des magistrats du siège et du parquet général chargés spécialement du jugement des délits et du traitement des affaires entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Art. 706-178. – Le procureur de la République, le juge d’instruction et la formation correctionnelle spécialisée du tribunal de grande instance visés à l’article 706-176 exercent, sur toute l’étendue du ressort fixé en application de cet article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 382 et 706-42.
« La juridiction saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d’instruction prononce le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police compétent en application de l’article 522.
« Art. 706-179. – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que ceux visés à l’article 706-176 peut, pour les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-176, requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction compétente en application de l’article 706-176. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction. L’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« Lorsque le juge d’instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu par l’article 706-180 ; lorsqu’un recours est exercé en application de cet article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que soit porté à sa connaissance l’arrêt de la chambre de l’instruction passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
« Dès que l’ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République près le tribunal de grande instance compétent en application de l’article 706-178.
« Le présent article est applicable devant la chambre de l’instruction.
« Art. 706-180. – L’ordonnance rendue en application de l’article 706-179 peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, soit à la chambre de l’instruction si la juridiction spécialisée au profit de laquelle le dessaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la cour d’appel dans lequel se situe la juridiction initialement saisie, soit, dans le cas contraire, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre de l’instruction ou la chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d’instruction chargé de poursuivre l’information. Le ministère public peut également saisir directement la chambre de l’instruction ou la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa de l’article 706-179.
« L’arrêt de la chambre de l’instruction ou de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d’instruction ainsi qu’à celle du ministère public et notifié aux parties.
« Le présent article est applicable à l’arrêt de la chambre de l’instruction rendu sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 706-179, le recours étant alors porté devant la chambre criminelle.
« Art. 706-181. – Les magistrats mentionnés à l’article 706-178 ainsi que le procureur général près la cour d’appel compétente peuvent demander à des assistants spécialisés, désignés dans les conditions prévues par l’article 706, de participer, selon les modalités prévues par cet article, aux procédures concernant les délits entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Art. 706-182. – Le procureur général près la cour d’appel, dans le ressort de laquelle se trouve une juridiction compétente en application de l’article 706-176, anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux du ressort interrégional, la conduite de la politique d’action publique pour l’application de cet article. » – (Adopté.)
Article 18
(Non modifié)
I. – Au deuxième alinéa de l’article 706-107 du code de procédure pénale, les mots : «, à l’exception de celle visée à l’article L. 218-19 du code de l’environnement, » sont supprimés.
II. – Le second alinéa de l’article 706-108 du même code est supprimé. – (Adopté.)
Article 19
L’article 693 du même code est ainsi modifié :
1° À la fin de la seconde phrase du premier alinéa, les références : « les articles 697-3, 705, 706-1 et 706-17 » sont remplacées par les références : « les articles 628-1, 697-3, 705, 706-1, 706-17, 706-75, 706-107, 706-108 et 706-176 » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« La juridiction de Paris exerce une compétence concurrente à celle qui résulte du premier alinéa. Lorsque le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris requiert le juge d’instruction saisi d’une infraction entrant dans le champ d’application du chapitre Ier du présent titre de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris, les articles 628-2 et 628-6 sont applicables. » – (Adopté.)
chapitre viii
Développement des procédures pénales simplifiées
Article 20
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 495 est ainsi rédigé :
« Art. 495. – I. – Le procureur de la République peut décider de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale pour les délits mentionnés au II lorsqu’il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu’il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende d’un montant supérieur à celui fixé par l’article 495-1 et que le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime.
« II. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits suivants, ainsi qu’aux contraventions connexes :
« 1° Le délit de vol prévu par l’article 311-3 du code pénal ainsi que le recel de ce délit prévu par l’article 321-1 du même code ;
« 2° Le délit de filouterie prévu par l’article 313-5 du même code ;
« 3° Les délits de détournement de gage ou d’objet saisi prévus par les articles 314-5 et 314-6 du même code ;
« 4° Les délits de destructions, dégradations et détériorations d’un bien privé ou public prévus par l’article 322-1 et le premier alinéa et le 2° de l’article 322-2 du même code ;
« 5° Le délit de fuite prévu par l’article 434-10 du même code, lorsqu’il est commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule ;
« 5° bis (nouveau) Le délit de vente à la sauvette prévu par les articles 446-1 et 446-2 du même code ;
« 6° Les délits prévus par le code de la route ;
« 7° Les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres ;
« 8° Les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue ;
« 9° Le délit d’usage de produits stupéfiants prévu par le premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ;
« 10° Le délit d’occupation de hall d’immeuble prévu par l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation ;
« 11° Les délits de contrefaçon prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont commis au moyen d’un service de communication au public en ligne ;
« 12° Les délits en matière de chèques et de cartes de paiement prévus par les articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ;
« 13° Les délits de port ou transport d’armes de la 6e catégorie prévus par l’article L. 2339-9 du code de la défense.
« III. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale n’est pas applicable :
« 1° Si le prévenu était âgé de moins de dix-huit ans au jour de l’infraction ;
« 2° Si la victime a fait directement citer le prévenu avant qu’ait été rendue l’ordonnance prévue à l’article 495-1 du présent code ;
« 3° Si le délit a été commis en même temps qu’un délit ou qu’une contravention pour lequel la procédure d’ordonnance pénale n’est pas prévue ;
« 4° (nouveau) Si les faits ont été commis en état de récidive légale. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 495-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant maximum de l’amende pouvant être prononcée est de la moitié de celui de l’amende encourue sans pouvoir excéder 5 000 €. » ;
3° Après l’article 495-2, il est inséré un article 495-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-2-1. – Lorsque la victime des faits a formulé au cours de l’enquête de police une demande de dommages et intérêts ou de restitution valant constitution de partie civile conformément au deuxième alinéa de l’article 420-1, le président statue sur cette demande dans l’ordonnance pénale. S’il ne peut statuer sur cette demande pour l’une des raisons mentionnées au dernier alinéa du même article 420-1, il renvoie le dossier au ministère public aux fins de saisir le tribunal sur les intérêts civils. L’article 495-5-1 est alors applicable. » ;
4° Au troisième alinéa de l’article 495-3, les mots : « et que cette opposition permettra » sont remplacés par les mots : «, que cette opposition peut être limitée aux dispositions civiles ou pénales de l’ordonnance lorsqu’il a été statué sur une demande présentée par la victime et qu’elle permettra » ;
5° Après l’article 495-3, il est inséré un article 495-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-3-1. – Lorsqu’il est statué sur les intérêts civils, l’ordonnance pénale est portée à la connaissance de la partie civile selon l’une des modalités prévues au deuxième alinéa de l’article 495-3. La partie civile est informée qu’elle dispose d’un délai de quarante-cinq jours à compter de cette notification pour former opposition aux dispositions civiles de l’ordonnance. » ;
6° Après la première phrase du premier alinéa de l’article 495-4, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« En cas d’opposition formée par le prévenu sur les seules dispositions civiles ou par la partie civile, le tribunal statue conformément au quatrième alinéa de l’article 464. » ;
7° Le second alinéa de l’article 495-5 est ainsi rédigé :
« Cependant, l’ordonnance pénale statuant uniquement sur l’action publique n’a pas l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’action civile en réparation des dommages causés par l’infraction. » ;
8° Après l’article 495-5, il est inséré un article 495-5-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-5-1. – Lorsque la victime de l’infraction est identifiée et qu’elle n’a pu se constituer partie civile dans les conditions prévues par l’article 495-2-1 ou lorsqu’il n’a pas été statué sur sa demande formulée conformément à l’article 420-1, le procureur de la République doit l’informer de son droit de lui demander de citer l’auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant conformément au quatrième alinéa de l’article 464, dont elle sera avisée de la date, pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal statue alors sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. » ;
9° (nouveau) Les articles 495-6-1 et 495-6-2 sont abrogés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le garde des sceaux, je le répète, vous avez profité de ce projet de loi pour inscrire encore et encore dans la loi des procédures simplifiées. C’est inacceptable, tant sur la forme que sur le fond.
Notre collègue François Zocchetto a souligné, lors de la réunion de la commission des lois, que les procédures accélérées de jugement ont ceci de positif qu’elles permettent de réduire le délai entre la commission des faits et le prononcé de la peine.
Certes, je vous l’accorde, les délais de jugement sont souvent trop longs, bien trop longs. Mais faut-il ne considérer la question que sous l’angle de l’accélération des procédures ? La véritable question n’est-elle pas celle des véritables moyens de la justice, celle qui est aujourd’hui au premier plan de l’actualité judiciaire ? Ne faut-il pas en finir avec cette inflation pénale, que cet article comme le suivant contribuent d’ailleurs à favoriser ?
Si la majorité cessait enfin d’augmenter en permanence les incriminations, les audiences seraient moins nombreuses et les tribunaux moins encombrés. Voilà des questions qui méritent réflexion.
Les chefs de juridiction, dites-vous, emploient ces procédures simplifiées ; les juges les valident. Mais il faut bien qu’ils s’en sortent d’une manière ou d’une autre, compte tenu de l’indigence des moyens qui leur sont alloués !
Il n’est plus possible de contourner la question des moyens au mépris du respect des droits fondamentaux, qui est au cœur des missions de la justice. Les procédures expéditives mettent à mal le principe du débat contradictoire, le droit à l’audience comme l’individualisation de la peine ou le sens de celle-ci. C'est la raison pour laquelle nous les refusons totalement.
On entend régulièrement le Président de la République asséner l’idée que l’opinion publique veut une justice rapide. Mais la justice de la République ne doit pas avoir pour fondement une opinion publique dont les peurs sont montées en épingle par médias interposés. Son fondement, c’est d’être équitable, et nos concitoyens veulent une justice équitable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce qu’exige le respect des droits des prévenus, comme celui des victimes.
Je m’inquiète d’ailleurs de constater que notre justice pénale est en train de changer de nature, devenant progressivement, insidieusement même, puisqu’il n’y a pas eu débat, accusatoire. Les procédures simplifiées, expéditives, y participent largement. C’est donc bien la question du sens que nous voulons donner à notre justice qui est posée. Et le danger nous guette, avec ces dispositions qui, insidieusement, petit à petit, modifient l’économie globale du dispositif judiciaire.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 42 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour défendre l’amendement n° 6.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
M. Jacques Mézard. Je l’ai dit, nous sommes hostiles à un tel élargissement du champ d’application de l’ordonnance pénale.
J’ai rappelé qu’il s’agissait d’une procédure écrite non contradictoire : il n’y a donc jamais aucun entretien avec l’auteur des faits. La décision du parquet s’impose sans qu’il y ait accord ou reconnaissance des faits ; on n’est donc pas là, monsieur le garde des sceaux, dans le cadre d’un aveu. Il y a simplement une enquête, avec les risques d’erreur qui peuvent bien entendu s’y attacher et les conséquences qui, le cas échéant, en découlent. Certes, il ne faut pas toujours chercher le mal là où il n’existe pas, mais un certain nombre d’erreurs sont tout de même régulièrement commises au cours des enquêtes.
Ce qui a été dit par M. Badinter au sujet de l’ordonnance pénale, lors de la présentation de la question préalable, correspond parfaitement à la réalité.
On nous répond toujours en invoquant la faculté d’opposition. Mais nous qui recevons tous un certain nombre de nos concitoyens le savons bien : la notification de la décision qu’ils ont entre les mains est rédigée dans un jargon très peu compréhensible !
M. Alain Gournac. Illisible !
M. Jacques Mézard. Sans même parler du délai, ils ne comprennent pas ce que signifie le terme « opposition ».
Par conséquent, on peut tout à fait concevoir qu’une telle procédure existe, mais à condition de ne pas sortir de l’épure. Or l’élargissement qui nous est proposé nous paraît excessif et dangereux.
Force est d’ailleurs de constater que cet élargissement s’inscrit dans une tendance générale de la Chancellerie, et l’on voit quels sont les inspirateurs de la philosophie qui la sous-tend !
Je terminerai en citant un extrait de la page 109 du rapport : « Plus récemment, notre collègue Bernard Saugey, rapporteur de la loi du 12 mai 2009 précitée, a observé que, si la procédure de l’ordonnance pénale a montré son utilité dans le traitement de contentieux extrêmement simples (tels que les infractions au code de la route notamment), votre commission considère qu’elle n’est pas nécessairement adaptée pour des contentieux plus complexes, en particulier dans le cadre du traitement en temps réel des affaires pénales où l’analyse du parquet se fonde exclusivement sur les éléments recueillis au cours de l’enquête de police. »
Bien sûr, on veut toujours désengorger les tribunaux, mais il y a tout de même là un problème bien réel, un vrai danger, et ce n’est pas une question de clivage entre la droite et la gauche.
C’est pourquoi je souhaite qu’on n’aille pas dans ce sens-là.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour défendre l’amendement n° 42.
M. Jean-Pierre Michel. Je me suis déjà expliqué dans la discussion générale et Robert Badinter l’a également souligné : nous sommes hostiles à l’extension du champ de ces procédures, qui font de l’audience un luxe, un élément résiduel dans la justice pénale.
Dans ma permanence, je vois depuis des années de nombreuses personnes qui ont reçu des ordonnances pénales, notamment pour des infractions en matière de chasse et de pêche. Or, comme le disait mon collègue Mézard, l’ordonnance pénale reflète la position des gendarmes, en tout cas de ceux qui relèvent les infractions ; il n’y a donc aucune contestation possible, alors que les amendes sont parfois très élevées et les conséquences, assez graves. Mais il n’y a, en pratique, aucun moyen de discuter l’ordonnance : on ne peut faire autrement que d’admettre la version des gendarmes !
Par conséquent, restons-en à ce qui existe aujourd’hui. N’étendons pas encore l’ordonnance pénale, ni le plaider-coupable, ni les possibilités de transaction pénale. C’est le sens de cet amendement et de ceux qui portent sur les articles suivants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’article 20 du projet de loi a en effet pour objet d’élargir le champ des infractions permettant de recourir à l’ordonnance pénale. Sans entrer dans les détails, je rappelle que la commission a bien encadré cette extension.
Ainsi, le champ des infractions concernées est élargi à un petit nombre d’infractions relativement simples à établir et à caractériser : vols simples, dégradations de biens publics ou privés, port d’arme de sixième catégorie, etc.
Le parquet ne pourrait avoir recours à cette procédure que pour des faits « simples et établis » et « de faible gravité ».
Enfin, le montant de l’amende susceptible d’être prononcée serait limité à 5 000 euros.
En outre, cela a été dit au cours de la discussion générale, la commission des lois a souhaité qu’il ne puisse pas être recouru à cette procédure lorsque les faits sont commis en état de récidive légale.
Par conséquent, la rédaction actuelle de l’article 20 permet vraiment de bien encadrer l’extension du champ d’utilisation de l’ordonnance pénale.
En réalité, la question posée par les auteurs de ces amendements et des suivants porte sur l’existence même de ces procédures simplifiées dans notre droit pénal. Mais l’objet de cet article n’étant pas de refondre totalement le droit pénal, la commission est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il est vrai que la procédure de l’ordonnance pénale est une procédure simplifiée. Mais je rappelle que ce n’est pas le ministère public qui fixe la peine : c’est le président du tribunal. (M. Jacques Mézard fait un geste de la main qui paraît signifier que le président du tribunal se contente de signer l’ordonnance.) Non, monsieur Mézard, vous qui avez défendu les juges du siège tout au long du débat, vous ne pouvez pas dire ça !
M. Alain Gournac. Il faut être sérieux !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Absolument !
L’ordonnance pénale provient non du parquet, mais du président du tribunal. Si ce dernier accepte d’y recourir, c’est bien parce qu’il a jugé que, les faits étant suffisamment établis par l’enquête et la personnalité de la personne mise en cause suffisamment bien définie, un débat contradictoire n’était pas nécessaire.
Je rappelle qu’il n’est pas possible de prononcer une peine privative de liberté par le biais de l’ordonnance pénale ; seule une amende peut être infligée.
Je peux tout entendre, mais, pendant tout le débat sur la garde à vue, on m’a dit qu’il fallait un juge du siège ! Eh bien, là, il y en a un, et ce n’est pas le procureur qui fixe la quotité de l’amende !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. M. le garde des sceaux a raison : c’est le juge du siège qui décide. Mais, il le sait très bien, en matière pénale, il y a plusieurs trains et, compte tenu de leur nombre, il faut un triage, avec un aiguillage. L’aiguillage, c’est le parquet ! Qui trie ? Le parquet ! Qui choisit la procédure à suivre ? Le parquet !
En pratique, c’est au substitut de permanence, celui qui reçoit les dossiers, qu’il revient de décider que tel dossier doit aller à l’instruction, que tel autre relève de la comparution immédiate, tel autre de l’audience à jour fixe, etc. Lorsque c’est l’ordonnance pénale qui est retenue par le substitut, il transmet le dossier au juge, mais en fait c’est le parquet qui décide.
Voilà comment les choses se passent dans les tribunaux !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je n’avais rien dit, monsieur le ministre. Vous m’avez fait un procès d’intention, alors que je n’avais rien avoué ! (Sourires.)
Nous sommes là au cœur de l’un des problèmes fondamentaux que pose ce texte, car il s’agit d’une extension considérable du champ de l’ordonnance pénale.
Cela a été rappelé, on peut concevoir une telle procédure pour des infractions simples. Or, y compris dans le texte de la commission, on va jusqu’au délit de vol. Certes, le procureur y recourt sous le contrôle du juge, mais on sait sous quelles contraintes la justice fonctionne actuellement ! On peut parfaitement imaginer qu’un procureur décide que toutes les affaires de vol sans circonstances aggravantes relève de l’ordonnance pénale : cela montre bien qu’il y a tout de même là quelque chose de nouveau dans notre droit !
Pour un vol ou même pour un délit de fuite, l’audience présidée par un juge, en présence du public, était justifiée ; cela avait un sens ! Le fait de considérer que le port d’arme de la sixième catégorie ne relève pas d’une décision en audience n’est pas neutre du tout ; c’est même un changement considérable, et vous le faites passer en catimini. Or, selon moi, c’est grave !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 24 rectifié et 42.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
Le même code est ainsi modifié :
1° (nouveau) Après l’article 180, il est inséré un article 180-1 ainsi rédigé :
« Art. 180-1. – Si le juge d’instruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et qu’elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l’accord du procureur de la République, du mis en examen et de la partie civile, prononcer par ordonnance le renvoi de l’affaire au procureur de la République aux fins de mise en œuvre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux articles 495-7 et suivants.
« La détention provisoire, l’assignation à résidence sous surveillance électronique ou le contrôle judiciaire de la personne prend fin sauf s’il est fait application du troisième alinéa de l’article 179.
« L’ordonnance de renvoi indique qu’en cas d’échec de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si, dans un délai de trois mois ou, lorsque la détention a été maintenue, dans un délai d’un mois à compter de celle-ci, aucune décision d’homologation n’est intervenue, le prévenu est de plein droit renvoyé devant le tribunal correctionnel. Si le prévenu a été maintenu en détention, les quatrième et cinquième alinéas de l’article 179 sont applicables.
« Le procureur de la République peut, tout en mettant en œuvre la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, assigner le prévenu devant le tribunal correctionnel ; cette assignation est caduque si une ordonnance d’homologation intervient avant l’expiration du délai de trois mois ou d’un mois.
« La demande ou l’accord du ministère public et des parties prévus au premier alinéa, qui doivent faire l’objet d’un écrit ou être mentionnés par procès-verbal, peuvent être recueillis au cours de l’information ou à l’occasion de la procédure de règlement prévue par l’article 175 ; si ces demandes ou accords ont été recueillis au cours de l’information, le présent article peut être mis en œuvre sans qu’il soit nécessaire de faire application de l’article 175. » ;
2° À l’article 495-7, les mots : « Pour les délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans » sont remplacés par les mots : « Pour tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés à l’article 495-16 et des délits de violences volontaires et involontaires contre les personnes, de menaces et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans ».
Mme la présidente. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 25 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 43 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 7.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 21 prévoit une extension générale de ce que j’appellerai le « plaider coupable » ; c’est en tout cas ce que signifie la formidable formule de « procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».
Le rapporteur a apporté des limites au texte du Gouvernement...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... et nous ne pouvons que lui en être reconnaissants. Il n’en reste pas moins que la démarche qui consiste à toujours ouvrir le champ de cette procédure est en marche !
À quand le plaider coupable pour les crimes passibles de la cour d’assises, comme le prônait la commission Léger ? La question se pose d’autant plus que l’on s’achemine insidieusement vers la généralisation de cette procédure, ce qui est très préjudiciable. Et, encore une fois, cela se fait sans qu’on en ait débattu sérieusement au préalable.
Peut-être entend-on régler ainsi les problèmes liés à l’incapacité des professionnels de la justice à faire face à toutes les affaires qu’ils ont à traiter. Eh bien, il est inadmissible de profiter de circonstances dépendant du pouvoir politique pour modifier les règles de fonctionnement de la justice.
Parmi vous, certains y sont peut-être favorables, mais cela aurait en tout cas mérité autre chose qu’un débat en catimini sur un texte fourre-tout, où l’on trouve tout et son contraire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout : c’est un ensemble parfaitement pensé !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cela a été très bien rappelé par le président Badinter : le recentrage du procès pénal autour du parquet constitue un des points fondamentaux de ce texte. Or il faut quand même se souvenir de l’arrêt Moulin/France de la Cour européenne des droits de l’homme en date du 23 novembre 2010 !
La négociation qui a lieu dans le cas d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – la CRPC – se déroule en deux temps. Dans un premier temps, siège et parquet établissent des accords-cadres visant à rentabiliser l’utilisation de cette procédure, dans le souci d’éviter le plus possible les refus d’homologation. Dans un second temps, le représentant du parquet et la personne suspectée s’entendent sur la peine.
Avec l’extension du champ de la CRPC, pratiquement tous les délits financiers relèveront désormais de cette procédure.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !
M. Jacques Mézard. Mais oui, monsieur le président de la commission des lois, l’immense majorité des délits financiers donneront lieu à une CRPC ! Or je ne pense pas que ce soit une bonne chose, car le législateur de 2004 – c’est pourquoi, à l’époque, nous nous y sommes totalement opposés – est revenu, de fait, sur le principe de la présomption d’innocence.
Il s’agit d’une accommodation du système américain du plea bargaining, ainsi qu’on nous le rappelle souvent. Mais des études extrêmement intéressantes sur ce système ont démontré que la peur de l’aléa qui s’attache aux décisions de justice poussait nombre de personnes suspectées à tort à avouer. Le pourcentage des personnes innocentes condamnées dans le cadre d’une telle procédure est tout de même de 11 % !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. 11 % d’erreurs !
M. Jacques Mézard. Dans le milieu professionnel des auxiliaires de justice, nous connaissons tous des personnes qui, pour avoir la paix, préfèrent effectivement se voir infliger une amende de 1 000 euros plutôt que de se retrouver face à des difficultés judiciaires considérables. Ce n’est pas une bonne chose.
Rien ne prouve d’ailleurs – en tout cas, je n’ai vu aucun élément sur ce point dans le rapport – que, depuis 2004, l’augmentation du taux de réponse pénale soit due à cela. Je ne pense pas non plus que les délais d’audiencement aient enregistré une réelle amélioration.
Par conséquent, nous sommes totalement défavorables à l’extension du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 43.
M. Jean-Pierre Michel. Je fais miens les propos de Mme Borvo Cohen-Seat et de M. Mézard.
Pour ma part, je suis farouchement opposé à cette procédure pour une raison très simple : la sanction n’a pas à être négociée, car cela l’affaiblit. Ce marchandage entre le parquet et la personne coupable a quelque chose de profondément indécent.
Certes, monsieur le garde des sceaux, par ce moyen, vous épargnerez à Mme Lagarde, votre collègue en charge de l’économie, d’avoir à constituer des commissions d’arbitrage… (M. le ministre s’exclame !)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas du pénal !
M. Jean-Pierre Michel. La peine n’est ni un compromis, ni une concession, encore moins une compromission entre l’autorité qui poursuit et la personne qui est coupable. C’est une sanction qui est infligée et qui doit être acceptée. Elle n’a pas à être refusée.
Étant totalement hostile à cette procédure, je suis évidemment hostile à l’extension de son champ.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a examiné l’extension du champ du recours à la CRPC avec une prudence égale à celle avec laquelle elle a abordé l’extension du champ du recours à l’ordonnance pénale.
Nous avons notamment évité que les violences les plus graves faites aux personnes, comme les agressions sexuelles aggravées, relèvent de la CRPC, ce qui aurait constitué une dérive de l’utilisation de celle-ci.
Pour cette raison, la commission est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7, 25 rectifié et 43.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
L’article 529 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « des quatre premières classes » sont supprimés ;
2° (nouveau) Le second alinéa est complété par les mots : « ou lorsque la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit. »
Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement a été défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a été défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
(M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
Article 22 bis (nouveau)
I. – Au premier alinéa de l’article L. 141-2 du code de la consommation, après les mots : « contraventions prévues » sont insérés les mots : « et les délits qui ne sont pas punis d’une peine d’emprisonnement prévus ».
II. – Après l’article L. 310-6 du code de commerce, il est inséré un article L. 310-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 310-6-1. – Pour les infractions prévues au présent titre ou par les textes pris pour son application, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, transiger, après accord du procureur de la République, dans les conditions prévues à l'article L. 470-4-1. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat pour présenter l'amendement n° 9.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a été défendu précédemment puisque j’ai déjà dit que la pratique qui consiste, pour le Gouvernement, à amender largement en commission son propre projet de loi est préjudiciable au débat parlementaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Jean-Pierre Michel. Nous nous opposons à l’extension de la transaction pénale en matière d’infractions au code de la consommation et au code de commerce.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22 bis.
(L'article 22 bis est adopté.)
Article 22 ter (nouveau)
I. – L’article 529-10 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « deuxième et troisième » sont remplacés par les mots : « deuxième, troisième et quatrième » ;
2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un c) ainsi rédigé :
« c) Copies de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d’enregistrement dans le système d’immatriculation des véhicules. »
II. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 121-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le véhicule a été cédé, cette responsabilité pèse, avec les mêmes réserves, sur l’acquéreur du véhicule. » ;
2° L’article L. 121-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le véhicule a été cédé, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa incombe, sous les réserves prévues au premier alinéa de l’article L. 121-2, à l’acquéreur du véhicule. »
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement puisque l’article 22 ter vise à protéger les acheteurs de véhicules d’occasion, c'est-à-dire des personnes souvent assez démunies.
M. le président. Je mets aux voix l'article 22 ter.
(L'article 22 ter est adopté.)
Article 22 quater (nouveau)
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le chapitre V du titre V du livre III de la troisième partie est complété par un article L. 3355-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 3355-9. – I. – L'autorité administrative peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et après avoir recueilli l'accord du procureur de la République, transiger sur la poursuite des délits prévus et réprimés par les articles L. 3351-1 à L. 3351-7, L. 3352-1 à L. 3352-9.
« Elle peut également transiger sur la poursuite des infractions relatives à l’établissement, à l'occasion d'une foire, d'une vente ou d'une fête ouvertes au public, d’un débit de boissons, sans avoir obtenu l'autorisation de l'autorité municipale, ou à l’établissement d’un débit de boisson à consommer sur place des 2ème, 3ème et 4ème catégories sans respecter les distances déterminées par arrêté préfectoral avec les débits des mêmes catégories déjà existants.
« II. – Cette faculté n'est pas applicable aux contraventions pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire en application de l'article 529 du code de procédure pénale.
« III. – La proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges.
« Elle précise l'amende transactionnelle que l'auteur de l'infraction devra payer, dont le montant ne peut excéder le tiers du montant de l'amende encourue ainsi que, le cas échéant, les obligations qui lui seront imposées, tendant à faire cesser l'infraction, à éviter son renouvellement, à réparer le dommage ou à remettre en conformité les lieux. Elle fixe également les délais impartis pour le paiement et, s'il y a lieu, l'exécution des obligations.
« IV. – L'acte par lequel le procureur de la République donne son accord à la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l'action publique.
« L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans les délais impartis l'intégralité des obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction.
« V. – Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;
2° Le chapitre II du titre Ier du livre V de la troisième partie est complété par un article L. 3512-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 3512-5. – L'autorité administrative peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et après avoir recueilli l'accord du procureur de la République, transiger selon les modalités définies à l'article L. 3355-9, sur la poursuite des délits prévus et réprimés par l’article L. 3512-2.
« Elle peut également transiger sur la poursuite des infractions commises en violation de la réglementation en vigueur et relatives au fait de fumer dans un lieu à usage collectif hors de l'emplacement prévu à cet effet, ainsi qu’au fait, pour le responsable des lieux où s'applique l'interdiction, de ne pas mettre en place la signalisation prévue ou de mettre à la disposition de fumeurs un emplacement non conforme. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 46 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 11.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a été défendu.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 46.
M. Jean-Pierre Michel. Pour des raisons de fond, nous nous opposons à la transaction pénale en matière de lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, qui fait déjà l’objet, me semble-t-il, de campagnes nationales.
Si les infractions commises en cette matière peuvent donner lieu à une transaction pénale, que se passera-t-il ? Les « mauvais alcooliques » seront sanctionnés lourdement, tandis que, pour les « bons alcooliques », ceux des beaux quartiers, la transaction proposée sera une amende d’un faible montant, et il en ira de même pour le tabagisme.
Bientôt, ce sera le cas pour les autres substances qui, on le sait, sont aujourd'hui consommées par tous. Simplement, il y a les très mauvais délinquants, ceux qui fréquentent les quartiers périphériques des villes, et les moins mauvais délinquants, ceux qui fréquentent les boîtes de nuit, les clubs des quartiers chics, notamment ceux de Paris.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il s’agit en fait ici des infractions en matière de publicité contre le tabagisme et l’alcoolisme. Le recours à la transaction pénale dans ce domaine sera très utile, car il permettra de poursuivre effectivement les auteurs de ces infractions. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 46.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22 quater.
(L'article 22 quater est adopté.)
chapitre ix
Aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire
Article 23
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’intitulé du titre XI du livre IV, les mots : « des crimes et des délits en matière militaire » et à l’intitulé du chapitre Ier de ce même titre, les mots : « des crimes et délits en matière militaire » sont remplacés par les mots : « des infractions en matière militaire » ;
2° Le même chapitre Ier est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa de l’article 697-1 est ainsi rédigé :
« Les juridictions mentionnées à l’article 697 connaissent des crimes et des délits commis sur le territoire de la République par les militaires dans l’exercice du service. » ;
b) La section 1 est complétée par deux articles 697-4 et 697-5 ainsi rédigés :
« Art. 697-4. – Les juridictions mentionnées à l’article 697 ayant leur siège à Paris sont également compétentes pour connaître des crimes et des délits commis hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l’encontre de celles-ci dans les cas prévus par les articles L. 121-1 à L. 121-8 du code de justice militaire. En outre, un ou plusieurs magistrats affectés aux formations du tribunal correctionnel de Paris spécialisées en matière militaire sont chargés par ordonnance du président du tribunal de grande instance du jugement des contraventions commises dans ces circonstances.
« Le président du tribunal de grande instance de Paris et le procureur de la République près ce tribunal désignent respectivement un ou plusieurs juges d’instruction et magistrats du parquet chargés spécialement de l’enquête, de la poursuite et de l’instruction des infractions mentionnées au premier alinéa.
« Art. 697-5. – Pour le jugement des délits et des contraventions mentionnées à l’article 697-4, une chambre détachée du tribunal de grande instance de Paris spécialisée en matière militaire peut être instituée à titre temporaire hors du territoire de la République par décret en Conseil d’État dans les conditions prévues par les traités et accords internationaux. » ;
c) Le premier alinéa de l’article 698 est ainsi rédigé :
« Les infractions relevant de la compétence des juridictions mentionnées aux articles 697 et 697-4 sont poursuivies, instruites et jugées selon les règles du présent code sous réserve des dispositions particulières des articles 698-1 à 698-9 et, s’agissant des infractions commises hors du territoire de la République, des dispositions particulières du code de justice militaire » ;
d) (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l’article 698-6, la référence : « l’article 697 » est remplacée par les références : « les articles 697 et 697-4 » ;
e) (nouveau) L’article 706-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des actes de terrorisme commis hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l’encontre de celles-ci dans les cas prévus par les articles L. 121-1 à L. 121-8 du code de justice militaire. »
II. – Le code de justice militaire est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 1 est abrogé et les 2° et 3° du même article deviennent respectivement les 1° et 2° ;
2° L’article L. 2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2. – En temps de paix, les infractions commises par les membres des forces armées ou à l’encontre de celles-ci relèvent des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire dans les cas prévus à l’article L. 111-1. Hors ces cas, elles relèvent des juridictions de droit commun.
« Les infractions relevant de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire sont poursuivies, instruites et jugées selon les règles du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions particulières des articles 698-1 à 698-9 de ce code et, lorsqu’elles sont commises hors du territoire de la République, des dispositions particulières du présent code. » ;
3° Les trois premiers alinéas de l’article L. 3 sont supprimés ;
4° Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier est ainsi rédigé :
« Chapitre Ier
« Des juridictions compétentes en matière militaire « en temps de paix
« Art. L. 111-1. – Les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire mentionnées à l’article 697 du code de procédure pénale sont compétentes pour le jugement des crimes et des délits commis en temps de paix sur le territoire de la République par des militaires dans l’exercice du service.
« Conformément à l’article 697-4 du même code, les juridictions mentionnées au premier alinéa ayant leur siège à Paris sont également compétentes pour le jugement des crimes, délits et contraventions commis en temps de paix hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l’encontre de celles-ci, conformément aux articles L. 121-1 à L. 121-8 du présent code.
« Les règles relatives à l’institution, à l’organisation et au fonctionnement des juridictions mentionnées au présent article sont définies par le code de procédure pénale. » ;
5° Les articles L. 111-10 à L. 111-17 deviennent respectivement les articles L. 112-22-1 à L. 112-22-8 et sont ainsi modifiés :
a) Le deuxième alinéa de l’article L. 112-22-2 est supprimé ;
b) Au premier alinéa de l’article L. 112-22-1, aux premier et second alinéas de l’article L. 112-22-3, au second alinéa de l’article L. 112-22-4, aux premier et dernier alinéas de l’article L. 112-22-6, à la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 112-22-7 et à l’article L. 112-22-8, les mots : « tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « tribunal territorial des forces armées » ;
c) (nouveau) Aux premier et second alinéas de l’article L. 112-22-3, au second alinéa de l’article L. 112-22-4 et à la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 112-22-7, les mots : « procureur de la République » sont remplacés par les mots : « commissaire du Gouvernement » ;
6° Les deux premiers alinéas de l’article L. 112-22 sont supprimés ;
7° À l’article L. 121-1, les mots : « le tribunal aux armées connaît » sont remplacés par les mots : « les juridictions de Paris spécialisées en matière militaire connaissent » ;
8° À la première phrase de l’article L. 121-6, les mots : « le tribunal aux armées est incompétent » sont remplacés par les mots : « les juridictions mentionnées à l’article L. 121-1 sont incompétentes » et à la seconde phrase du même article, les mots : « Ce même tribunal est compétent » sont remplacés par les mots : « Ces mêmes juridictions sont compétentes » ;
9° À l’article L. 123-1, les mots : « les juridictions des forces armées sont compétentes » sont remplacés par les mots : « la juridiction saisie est compétente » ;
10° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 123-4, les mots : « une juridiction des forces armées » sont remplacés par les mots : « la juridiction de Paris spécialisée en matière militaire » ;
11° Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 211-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris reçoit les plaintes et les dénonciations. Il dirige l’activité des officiers de police judiciaire des forces armées conformément aux dispositions du code de procédure pénale. » ;
12° L’article L. 211-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-8. – Pour l’application des articles 63 à 65, 77 à 78 et 154 du code de procédure pénale, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris ou le juge d’instruction de ce tribunal spécialisé en matière militaire peuvent, le cas échéant, déléguer leurs pouvoirs respectivement au procureur de la République ou au juge d’instruction du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue est mise en œuvre. » ;
13° À l’article L. 211-10, les mots : « à laquelle il est attaché » sont remplacés par les mots : « spécialisée en matière militaire » ;
14° À l’article L. 211-12, les mots : « devant les juridictions des forces armées » sont supprimés ;
15° Le chapitre Ier du titre Ier du livre II est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« De la défense
« Art. L. 211-25. – Les personnes mentionnées aux articles L. 121-1 à L. 121-8 peuvent faire assurer leur défense par un avocat ou, si l’éloignement y fait obstacle, par un militaire qu’elles choisissent sur une liste établie par le président du tribunal de grande instance de Paris. » ;
16° Aux articles L. 121-7, L. 121-8, L. 211-11, L. 211-14 et L. 211-15, les mots : « du tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « des juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » ;
17° À l’article L. 211-17, le mot : « militaires » est supprimé ;
18° Aux sixième et huitième alinéas de l’article L. 211-3, au premier alinéa de l’article L. 211-4, aux articles L. 211-7 et L. 211-10 et au premier alinéa et à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 211-24, les mots : « le tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « le tribunal de grande instance de Paris » ;
19° Les articles L. 221-1, L. 221-2, L. 221-4, L. 231-1 et L. 233-1 sont abrogés ;
20° Au premier alinéa de l’article L. 241-1, les mots : « le tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « les juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » ;
21° Le premier alinéa de l’article L. 261-1 est supprimé ;
22° À l’article L. 262-1, après les mots : « juridictions des forces armées » sont insérés les mots : « et des juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » ;
23° L’article L. 262-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « tant par le tribunal aux armées que par les tribunaux de droit commun » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
24° Au premier alinéa de l’article L. 265-1, les mots : « la juridiction des forces armées » sont remplacés par les mots : « la juridiction saisie » ;
25° Au début du second alinéa de l’article L. 265-3, les mots : « les juridictions des forces armées appliquent » sont remplacés par les mots : « la juridiction saisie applique » ;
26° L’article L. 271-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 271-1. – En temps de guerre, seuls les premier et deuxième alinéas de l’article 11 du code de procédure pénale sont applicables. » – (Adopté.)
Article 23 bis (nouveau)
L’article 697-2 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 697-2. – Les juridictions spécialisées en matière militaire mentionnées à l’article 697, dans le ressort desquelles est situé soit le port d’attache d’un navire de la marine nationale, soit l’aérodrome de rattachement d’un aéronef militaire, sont compétentes pour connaître de toute infraction commise à bord ou à l’encontre de ce navire ou de cet aéronef, en quelque lieu qu’il se trouve. » – (Adopté.)
Article 23 ter (nouveau)
À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 698-1 du même code, après les mots : « tout acte de poursuite, » sont insérés les mots : « y compris en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, de réquisitoire supplétif ou de réquisitions faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile, ». – (Adopté.)
Article 24
(Non modifié)
I. – L’article L. 311-7 du code de justice militaire est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-7. – Toute condamnation à une peine d’interdiction des droits civiques ou d’interdiction d’exercer une fonction publique, prononcée par quelque juridiction que ce soit contre tout militaire, entraîne perte du grade.
Lorsque ces mêmes militaires sont commissionnés, elle entraîne la révocation. »
II. – Les articles L. 311-8 et L. 311-11 du même code sont abrogés. – (Adopté.)
Article 24 bis (nouveau)
Le code de justice militaire est ainsi modifié :
1° Les cinq premiers alinéas de l’article L. 321-2 sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :
« Est déclaré déserteur à l’intérieur, en temps de paix, tout militaire dont la formation de rattachement est située sur le territoire de la République et qui :
« 1° S’évade, s’absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s’y présente pas à l’issue d’une mission, d’une permission ou d’un congé ;
« 2° Mis en route pour rejoindre une formation de rattachement située hors du territoire national, ne s’y présente pas ;
« 3° Se trouve absent sans autorisation au moment du départ pour une destination hors du territoire du bâtiment ou de l’aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.
« Constitue une formation de rattachement : un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé, un établissement pénitentiaire.
« Est compétente pour connaître des faits de désertion à l’intérieur la juridiction dans le ressort de laquelle est située la formation de rattachement de départ.
« Dans les cas prévus au 1°, le militaire est déclaré déserteur à l’expiration d’un délai de six jours à compter du lendemain du jour où l’absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé.
« Aucun délai de grâce ne bénéficie au militaire se trouvant dans les circonstances des 2° et 3°. » ;
2° L’article L. 321-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le fait pour tout militaire de déserter à l’intérieur, en temps de paix, est puni de trois ans d’emprisonnement.
« Le fait de déserter à l’intérieur et de franchir les limites du territoire de la République ou de rester hors de ces limites est puni de cinq ans d’emprisonnement. » ;
b) Au dernier alinéa, le mot : « destitution » est remplacé par les mots : « perte du grade » ;
3° À la seconde phrase du 1° de l’article L. 321-4, le mot : « destitution » est remplacé par les mots : « perte du grade » ;
4° Les articles L. 321-5 à L. 321-7 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 321-5. – Est déclaré déserteur à l’étranger, en temps de paix, tout militaire qui, affecté dans une formation de rattachement située hors du territoire de la République :
« 1° S’évade, s’absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s’y présente pas à l’issue d’une mission, d’une permission ou d’un congé ;
« 2° Mis en route pour rejoindre une autre formation de rattachement située sur tout territoire, y compris le territoire national, ne s’y présente pas ;
« 3° Se trouve absent sans autorisation au moment du départ du bâtiment ou de l’aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.
« Constitue une formation de rattachement : un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé en cas d’hospitalisation, un établissement pénitentiaire en cas de détention.
« Est compétente pour connaître des faits de désertion à l’étranger la juridiction prévue à l’article 697-4 du code de procédure pénale.
« Dans les cas prévus au 1°, le militaire est déclaré déserteur à l’expiration d’un délai de trois jours à compter du lendemain du jour où l’absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé. Ce délai est réduit à un jour en temps de guerre.
« Aucun délai de grâce ne bénéficie au militaire se trouvant dans les circonstances des 2° et 3°.
« Art. L. 321-6. – Le fait pour tout militaire de déserter à l’étranger en temps de paix est puni de cinq ans d’emprisonnement. S’il est officier, il encourt une peine de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, lorsque le militaire déserte à l’étranger et se maintient ou revient sur le territoire de la République, la peine d’emprisonnement encourue est réduite à trois ans.
« Art. L. 321-7. – La peine d’emprisonnement encourue peut être portée à dix ans contre tout militaire qui a déserté à l’étranger :
« 1° En emportant une arme ou du matériel de l’État ;
« 2° En étant de service ;
« 3° Avec complot.
« Est réputée désertion avec complot toute désertion à l’étranger effectuée de concert par plus de deux individus. » ;
5° Les articles L. 321-8 à L. 321-10 sont abrogés. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 24 bis
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 24 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au IV de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, après les mots : « de refus », sont insérés les mots : « d’inscription ou ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
« Chapitre IX bis « Dispositions relatives aux experts judiciaires »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement vise à introduire une obligation de motivation des décisions de refus d’inscription initiale sur une liste d’experts judiciaires.
Cette disposition est nécessaire pour mettre la législation française en conformité avec le droit de l’Union européenne, plus précisément avec les exigences posées par la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne consacrée par l’arrêt Penarroja, rendu le 17 mars dernier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. C’est une bonne mesure, à laquelle la commission est favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 24 bis.
chapitre x
Dispositions diverses
Article additionnel avant l'article 25
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Les IV, V et VI de l’article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont remplacés par un IV ainsi rédigé :
« IV.- Dans le ressort d’une même cour d'appel, lorsque la bonne administration de la justice le justifie, les avocats inscrits aux barreaux des tribunaux de grande instance dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État après consultation du Conseil national des barreaux, peuvent postuler devant chacun de ces tribunaux.
« Les deuxième et troisième alinéas du III leur sont applicables. »
II.- Le I entre en vigueur un mois après la publication du décret en Conseil d'État prévu au même paragraphe et au plus tard le 1er janvier 2012.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement est relatif à la multipostulation devant les tribunaux de grande instance.
Cette affaire, qui est née de la réforme de la carte judiciaire, concernait initialement deux secteurs : d’une part, celui des barreaux de Bordeaux et Libourne, d’autre part, celui des barreaux de Nîmes et d’Alès.
La multipostulation, qui se fait en fonction d’un monopole territorial de la postulation, fait naturellement débat. Je rappelle que le rapport Darrois envisageait même sa suppression à l’horizon 2014. Mais il importe d’abord de savoir si cela est utile.
Des dérogations existent déjà dans notre droit. Ainsi, la région parisienne jouit d’un régime spécial à la suite du démembrement du tribunal de grande instance de Paris, avec la création des tribunaux périphériques de Bobigny, Nanterre et Créteil ; ce régime, qui devait être transitoire, s’est pérennisé.
La loi de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées a étendu cette multipostulation à la Gironde et au Gard, dans les ressorts des cours d’appel de Bordeaux et de Nîmes.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner au cours d’un précédent débat, la multipostulation dans le Gard et la Gironde, qui est liée à une modification de la carte judiciaire, devait s’accompagner de l’accord des barreaux concernés. Or ceux-ci n’ont pas tous donné leur accord : le barreau de Libourne, après avoir pris une autre position, du moins son bâtonnier, s’y est opposé, et le barreau d’Alès s’est opposé de façon constante à la multipostulation avec Nîmes.
Au nom du Gouvernement, j’ai pris l’engagement, en séance publique, de poursuivre la concertation avec les intéressés, afin de trouver une solution qui satisfasse toutes les parties et qui pourrait être discutée à l’occasion de l’examen du présent projet de loi. C’est l’objet de cet amendement, qui prévoit un dispositif global, ne stigmatisant aucun barreau et permettant une évolution du monopole territorial de la postulation de nature à garantir l’accord de la profession trouvé dans la sérénité et la concertation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le garde des sceaux, une loi qui a suscité bien des débats est entrée en vigueur tout récemment : à la fin du mois dernier.
Elle concernait la situation des barreaux de Bordeaux et de Libourne, d’une part, de Nîmes et d’Alès, d’autre part. Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, les juridictions de Libourne et d’Alès ont été maintenues, grâce au rattachement de tribunaux d’instance qui étaient dans le ressort des juridictions de Bordeaux et de Nîmes. Le Parlement a ensuite décidé de permettre une multipostulation des avocats inscrits à Bordeaux et Libourne et de ceux inscrits à Nîmes et Alès.
Alors, accord ou pas au moment de la réforme ? Toujours est-il que le résultat était une diminution du ressort de postulation des avocats de Bordeaux et de Nîmes.
Il s’est passé la même chose lorsqu’ont été créés les tribunaux de grande instance de la petite couronne : on a souhaité permettre la multipostulation aux avocats de Paris, à Bobigny, à Nanterre et à Créteil. C’est donc bien le même système qui a été adopté.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites qu’une concertation va être engagée, qui doit permettre d’avancer. Cela implique une remise en cause de ce qui a été voté par le Parlement voilà peu.
Sur le fond, je vous rappelle que les avoués, qui étaient en fin de compte en cour d’appel des postulants obligatoires, ont été supprimés. Aujourd'hui, tous les avocats du ressort peuvent…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, ils peuvent aller défendre en appel sans avoir à recourir à un avoué pour postuler. Par contre, ils ont l’obligation de faire appel à un confrère pour postuler dans le tribunal de grande instance d’à côté.
Honnêtement, avec le développement des nouveaux moyens technologiques, je pense que la postulation finira par disparaître.
Nous souhaitons, quant à nous, qu’il y ait une concertation approfondie. Le rapport Darrois, c’est vrai, avait préconisé la fin de la postulation, mais je ne suis pas sûr que les membres du groupe de travail présidé par cet éminent avocat, d’une grande compétence, représentent l’ensemble de la profession d’avocat de Paris et de la province.
Il est évident – et vous le savez bien, monsieur le garde des sceaux, car vous êtes proche du terrain – que, pour certains avocats des barreaux de province, la postulation représente une part non négligeable de leur activité et que des évolutions sont nécessaires. Je crois que le Conseil national des barreaux réfléchit à cette question, à laquelle il est souhaitable que les conférences des bâtonniers s’intéressent également.
Mais procéder de cette manière, en disant que cette démarche sera d’ordre réglementaire et que l’on pourra modifier les règles ne me paraît pas judicieux. Je crois qu’il faudra des règles générales, peut-être pour permettre la postulation devant tous les tribunaux du ressort d’une cour d’appel ; on peut tout imaginer !
La commission des lois a estimé que votre idée était intéressante, monsieur le garde des sceaux, mais qu’il fallait prolonger la réflexion. C'est pourquoi, à notre grand regret, nous n’avons pas donné un avis favorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le président Hyest, je comprends très bien la critique que vous formulez à l’encontre de l’amendement du Gouvernement.
Nous avons essayé de trouver une solution sans rien imposer aux barreaux de Libourne et d’Alès, qui se sentent maltraités. Il faut être clair : j’ai très vivement souhaité que les professionnels s’entendent entre eux ; or j’ai dû constater qu’ils n’avaient pas fait beaucoup d’efforts de négociation.
C'est la raison pour laquelle nous avons essayé de trouver une solution. J’avais promis de déposer un amendement. Je maintiens donc ma position. Il appartient maintenant au Sénat de se prononcer.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je pense que le président de la commission des lois a émis un avis tout à fait sage.
La postulation est inéluctablement amenée à disparaître, mais nous devons veiller à ce que cette évolution se fasse dans de bonnes conditions, afin de ne pas mettre en péril les petits et moyens barreaux de notre tissu local. Nous avons besoin de compétences, tant intellectuelles que strictement juridiques. Or, à force d’affaiblir ces petits et moyens barreaux, nous allons aboutir à un déséquilibre territorial considérable.
Monsieur le ministre, votre amendement présente un gros inconvénient : en l’état, il signe la mort de la postulation puisqu’il permet, dans le ressort de chaque cour d’appel, de la supprimer. Dire que cela va se faire petit à petit, de cour d’appel en cour d’appel, ça n’a aucun sens !
J’exerçais à Paris quand les barreaux périphériques ont été créés : je peux vous assurer que la situation de la région parisienne et des grandes métropoles est très différente de celle du reste du pays.
Pour ce qui est du rapport Darrois, je ne voudrais pas être désagréable, mais il me semble qu’il aurait pu être utilement fait appel à d’autres compétences qu’à celles de l’excellent Me Darrois sur les questions de la postulation dans les petits et moyens barreaux et de l’aide juridictionnelle...
Mes chers collègues, nous devons procéder d’une façon différente et trouver d’autres méthodes pour accompagner la marche de l’histoire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.
(L'amendement n'est pas adopté.)
chapitre x
Dispositions diverses
Article 25
(Supprimé)
Article 25 bis (nouveau)
L’article 2-15 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations et fédérations d’associations prévues par le présent article peuvent demander réparation des frais exposés en lien avec l’accident et qui sont la conséquence directe ou indirecte de l’infraction pour laquelle elles ont exercé les droits reconnus à la partie civile. »
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En vérité, monsieur le président, j’ai déjà défendu les amendements nos 12, 13 et 14 rectifié.
Si certaines dispositions du texte ne me gênent pas, d’autres, comme l’article 25 ter, suscitent de ma part une opposition totale.
En tout cas, je suis par principe hostile au dépôt en commission de multiples amendements par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’article 25 bis est effectivement issu d’un amendement du Gouvernement. Il s’agit néanmoins d’une excellente mesure ! La commission est donc défavorable à l’amendement n° 12.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Compte tenu du grand esprit d’ouverture dont a fait preuve M. le rapporteur, je suis du même avis que lui ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 bis.
(L'article 25 bis est adopté.)
Article 25 ter (nouveau)
I. – Au huitième alinéa de l’article 56 du même code, après les mots : « Banque de France » sont insérés les mots : «, ou sur un compte ouvert auprès d’un établissement bancaire par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. »
II. – Le huitième alinéa de l’article 97 du même code est ainsi modifié :
1° Les mots : « le greffier à en faire le » sont remplacés par le mot : « leur » ;
2° Après les mots : « Banque de France » sont insérés les mots : «, ou sur un compte ouvert auprès d’un établissement bancaire par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 26 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 13 a déjà été défendu.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié.
M. Jacques Mézard. Nous sommes pour la suppression de cet article, qui est issu d’un amendement du Gouvernement et qui tend à permettre que les fonds saisis dans le cadre d’une procédure pénale soient déposés dans un établissement bancaire autre que la Banque de France ou la Caisse des dépôts.
Il s’agit d’une question de principe : il ne nous paraît pas normal qu’un établissement bancaire privé puisse tirer des bénéfices à partir du dépôt d’avoirs par l’effet d’une procédure pénale, donc d’une prérogative de puissance publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il n’y a pas d’établissements de la Caisse des dépôts et consignations ou de la Banque de France partout dans notre pays ; il y en a même de moins en moins ! La commission est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 26 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 ter.
(L'article 25 ter est adopté.)
Article 25 quater (nouveau)
À la première phrase du premier alinéa de l’article 475-1 du même code, après les mots : « l’auteur de l’infraction » sont insérés les mots : « ou la personne condamnée civilement en application de l’article 470-1 ».
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission est défavorable à la suppression de ce qui lui apparaît comme une bonne mesure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 quater.
(L'article 25 quater est adopté.)
Article 26
I. – (Non modifié) La présente loi, à l’exception de ses articles 15 à 24, entre en vigueur le premier jour du treizième mois suivant celui de sa publication.
II. – L’article 23 entre en vigueur au 1er janvier 2012. À cette date, les procédures en cours devant le tribunal aux armées sont transférées en l’état aux juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris sans qu’il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement à la date de sa suppression, à l’exception des convocations et citations données aux parties et aux témoins qui n’auraient pas été suivies d’une comparution devant la juridiction supprimée.
Les citations et convocations peuvent être délivrées avant l’entrée en vigueur de l’article 23 pour une comparution, devant les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris, à une date postérieure à cette entrée en vigueur.
Les parties ayant comparu devant la juridiction supprimée sont informées par l’une ou l’autre des juridictions qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris auxquelles les procédures sont transférées.
Les archives et les minutes du greffe du tribunal aux armées supprimé sont transférées au greffe des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris. Les frais de transfert de ces archives et minutes sont pris sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice.
III. – Les articles 1er et 2 sont applicables aux procédures en cours dans les conditions suivantes :
En matière civile, la juridiction de proximité demeure compétente pour connaître des procédures en cours jusqu’au premier jour du septième mois suivant la date fixée au I, date à compter de laquelle ces procédures sont transférées en l’état au tribunal d’instance. Dans les matières dont la connaissance est transférée par l’effet de la présente loi au tribunal d’instance, les convocations et assignations données aux parties peuvent être délivrées avant la date fixée au I pour une comparution postérieure à cette date devant le tribunal d’instance.
En matière pénale, les procédures en cours sont transférées en l’état au tribunal de police. Pour les contraventions relevant du tribunal de police en vertu de la présente loi, les convocations et citations données aux parties et aux témoins peuvent être délivrées avant la date fixée au I pour une comparution postérieure à cette date devant le tribunal de police.
Il n’y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement au transfert des procédures civiles ou pénales, à l’exception des convocations, citations et assignations données aux parties et aux témoins qui n’auraient pas été suivies d’une comparution devant la juridiction supprimée.
Les parties ayant comparu devant la juridiction supprimée sont informées par l’une ou l’autre des juridictions qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant le tribunal auquel les procédures sont transférées.
Les archives et les minutes du greffe de la juridiction de proximité sont transférées au greffe du tribunal d’instance ou du tribunal de police selon la nature de la procédure. Les frais de transfert de ces archives et minutes sont pris sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice.
IV. – (Non modifié) Les articles 3 à 15 ne sont pas applicables aux procédures en cours.
V (nouveau). – À compter de la date prévue à la première phrase du premier alinéa du II de l’article 30 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’article 628-1, les mots : « juge d’instruction » sont remplacés par les mots : « pôle de l’instruction » ;
2° Aux articles 628-2 à 628-6, les mots : « juge d’instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l’instruction ».
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
à l’exception de ses articles 15 à 24
insérer le mot :
ter
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié.
(L'article 26 est adopté.)
Article 27
Les articles 1er, 2, 5, 6, 14, 16 à 24 et 26 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après les mots :
16 à 24
insérer le mot :
ter
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
5
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a été informé par M. le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi ce jour d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante sénateurs de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
6
Commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 26 avril 2011 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À quatorze heures trente :
2. Débat sur la désindustrialisation des territoires.
3. Question orale avec débat n° 5 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la réforme de la formation des enseignants
Mme Brigitte Gonthier-Maurin interroge M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur la réforme de la formation des enseignants.
Plusieurs rapports émanant du ministère pointent de réelles difficultés dans la mise en place de la masterisation.
En juillet dernier, un rapport de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale alertait le ministère sur l’insuffisance des moyens prévus pour financer la formation des professeurs débutants et soulignait le risque de recours juridictionnel des stagiaires au motif d’une rupture d’égalité de traitement. Ce rapport montrait en effet comment la situation sur le terrain se traduisait par une extrême hétérogénéité des situations pour les enseignants stagiaires, se retrouvant sans aucune formation devant les élèves, pour certains dès la rentrée de septembre.
Une étude, datée de novembre, relative au dispositif d’accueil, d’accompagnement et de formation des enseignants stagiaires des premier et second degrés émanant de la direction générale des ressources humaines du ministère, fait état des difficultés rencontrées par les enseignants stagiaires : fatigue, difficulté à concilier dans l’urgence organisation des classes et formation, manque de méthode, manque de recul, retard dans la nomination de tuteur… Les jeunes enseignants se trouvent ainsi dépourvus des outils pour remplir leurs missions auprès de leurs élèves.
Le 19 janvier dernier, lors de ses vœux au monde la culture et de la connaissance, le président de la République a déclaré qu’il fallait remettre « sur le chantier certains éléments de cette formation », afin « de mettre devant nos enfants des professeurs mieux formés, connaissant mieux leurs matières et mieux préparés à l’enseignement d’une classe d’âge ». Aussi, elle demande au ministre comment et dans quels délais le Gouvernement compte revenir sur cette réforme afin de satisfaire pleinement à ce triple objectif.
Le soir et, éventuellement, la nuit :
4. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (n° 254 rectifié, 2010-2011).
Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 430, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 431, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART