Sommaire
Présidence de Mme Catherine Tasca
Secrétaires :
Mmes Sylvie Desmarescaux, Anne-Marie Payet.
2. Organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016. – Discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale : Mme Chantal Jouanno, ministre des sports ; M. Alain Dufaut, rapporteur de la commission de la culture.
MM. Jean Louis Masson, François Fortassin, Jean-François Voguet, Jean Boyer, Jean-Jacques Lozach, Jean-François Humbert, Mme Jacqueline Panis, MM. Claude Bérit-Débat, Gérard Collomb.
Clôture de la discussion générale.
Mme la ministre.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement n° 7 rectifié bis de M. Gérard Collomb. – MM. Gérard Collomb, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture ; Mme Catherine Troendle, MM. Guy Fischer, André Trillard. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 11 de M. Michel Sergent. – MM. Michel Sergent, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Gérard Collomb, Jean-François Voguet. – Retrait.
MM. Gérard Collomb, Jean-Marc Todeschini, Jean-Jacques Lozach, Claude Bérit-Débat.
Amendements identiques nos 4 de M. Jean-François Voguet et 12 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-François Voguet, Claude Bérit-Débat, le rapporteur, Mme la ministre, M. Gérard Collomb.
Rejet des amendements nos 4 et 12.
Adoption de l'article.
MM. Gérard Collomb, Jean-Jacques Mirassou, Jean-Jacques Lozach.
Amendements identiques nos 5 de M. Jean-François Voguet et 13 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-François Voguet, Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Claude Bérit-Débat, Jean-Jacques Mirassou. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 8 rectifié de M. Gérard Collomb. – MM. Gérard Collomb, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié de M. Gérard Collomb. – MM. Gérard Collomb, le rapporteur, Mme la ministre, M. Éric Doligé. – Rejet.
3. Modification de l'ordre du jour
4. Organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016. – Suite de la discussion et adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
M. Jean-Jacques Lozach.
Amendements identiques nos 6 de M. Jean-François Voguet et 14 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-François Voguet, Jean-Jacques Lozach, Alain Dufaut, rapporteur de la commission de la culture ; Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 3
Amendement n° 10 rectifié de M. Gérard Collomb. – MM. Gérard Collomb, Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Article 4 (suppression maintenue)
MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-François Voguet, François Fortassin.
Adoption définitive de la proposition de loi.
5. Candidatures à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; le président.
7. Projet de programme de stabilité européen. – Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat et d’un vote
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; MM. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Denis Badré, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Chevènement, Jean Bizet, Joël Bourdin.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Adoption, par scrutin public, de la déclaration du Gouvernement.
8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016
Discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016 (proposition n° 363, texte de la commission n° 440, rapport n° 439).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un peu plus de cinq ans, la France aura la chance d’accueillir l’un des événements sportifs les plus importants dans le monde. C’est d’ailleurs, à l’exception des jeux Olympiques et des championnats du monde de football, la compétition sportive qui rassemble le plus de spectateurs et de téléspectateurs, et qui a le plus de retombées médiatiques et économiques. L’année 2016 sera donc un très grand moment pour le sport français ; je sais que chacun sur ces travées s’en réjouit.
L’Euro 2016, très attendu par les Français, qui sont des passionnés de football, est une chance pour notre pays. En effet, chaque grand événement sportif entraîne un nombre croissant d’adhérents au sein de la fédération concernée. Quand on sait que la Fédération française de football, la FFF, a perdu environ 8 % de licenciés cette année, on imagine combien cette compétition est importante.
L’obtention de l’organisation de cette compétition a mobilisé l’ensemble du Gouvernement, le Président de la République, les parlementaires, le mouvement sportif. C’est une opportunité exceptionnelle pour la France.
L’Euro 2016 est également un levier extraordinaire de modernisation des équipements sportifs de notre pays.
La réussite de ces championnats d’Europe de football repose sur la construction ou la rénovation d’un certain nombre de stades, onze au total, parmi lesquels neuf seront définitivement retenus et deux autres serviront de réserve.
La plupart des projets ont été lancés. Nous ferons le maximum pour que les délais soient respectés et que tout se déroule dans les meilleures conditions. Nous avons pris l’engagement auprès de l’UEFA que l’ensemble des stades soient opérationnels deux ans avant la compétition, soit en 2014.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, la plupart des projets ont recours à des formules juridiques différentes : bail emphytéotique administratif, BEA ; partenariat public-privé, PPP ; maîtrise d’ouvrage publique ; chantiers entièrement privés. Nous espérons tous que le calendrier sera tenu et que les chantiers se dérouleront sans encombre.
Deux projets ayant opté pour un régime de bail emphytéotique administratif demeurent jusqu’à présent bloqués, car ils ne disposent pas du cadre juridique leur permettant de s’engager dans des démarches de rénovation d’enceinte : ceux de Lens et de Nancy. C’est à cette situation délicate que la proposition de loi du député Bernard Depierre entend apporter des réponses pragmatiques et urgentes.
Le Gouvernement confirme son soutien ferme à cette proposition de loi sur laquelle la Haute Assemblée doit se prononcer aujourd’hui.
Notre conviction est qu’il faut traiter chaque stade de manière équitable.
Les projets de construction ou de rénovation de stades ayant choisi une maîtrise d’ouvrage publique ou un contrat de partenariat public-privé bénéficient, actuellement, d’un régime particulier en matière d’aides versées par les collectivités territoriales. Votre collègue Michelle Demessine ne me contredira pas sur ce point : la communauté urbaine de Lille est très satisfaite de pouvoir bénéficier de garanties particulières dans le cadre de son PPP.
Pourquoi les projets ayant privilégié un bail emphytéotique administratif auraient-ils « droit » à un traitement différent, d’autant que les BEA constituent pour les collectivités qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas investir dans la rénovation d’un stade le moyen de faire réaliser les travaux nécessaires sans renoncer à la propriété de l’enceinte ?
En favorisant la sécurité juridique des BEA, cette proposition de loi ne cherche pas à « maximiser les profits des groupes privés », comme j’ai pu parfois l’entendre dire, mais elle vise à instituer une certaine équité entre les différentes formes juridiques. D’ailleurs, comment parler de « maximisation des profits » à propos de l’AS Nancy-Lorraine ou du RC Lens ? Jacqueline Panis et Daniel Percheron seraient d’accord avec moi pour témoigner que de tels propos sont une injure à la culture de ces clubs.
Il y a urgence à ce que ces dispositions soient adoptées si l’on veut que les villes de Nancy et de Lens puissent accueillir des matchs de l’Euro 2016 et, surtout, qu’elles puissent entrer à armes égales dans la compétition avec les autres stades pour la sélection des neuf villes hôtes sur les onze retenues par l’UEFA pour accueillir les matchs de l’Euro.
Cette urgence, le rapporteur Alain Dufaut l’a bien comprise en proposant un vote conforme sur cette proposition de loi. Je tiens à l’en remercier et à saluer les travaux qu’il a menés en amont de l’examen de ce texte en séance publique.
La commission de la culture, en rejetant l’ensemble des amendements visant à introduire des dérogations au droit de l’urbanisme, au droit de l’environnement ou aux délais de recours, a clairement indiqué qu’elle n’entendait pas prendre prétexte de l’Euro 2016 pour abaisser nos exigences en matière de respect de l’environnement ou de concertation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’engagement de l’État en faveur de la réussite de l’Euro 2016 est inébranlable. Vous le savez, le Président de la République et le Gouvernement soutiennent pleinement l’organisation de cette compétition. Le Président de la République a d’ailleurs témoigné à plusieurs occasions de son attachement à cet événement. Nous avons apporté les garanties nécessaires auprès de l’UEFA et les exigences posées par le cahier des charges seront respectées.
Le Gouvernement souhaite participer à l’effort financier pour la rénovation et la construction des stades. Compte tenu des attentes des différentes collectivités, j’ai décidé de porter à 158 millions d’euros la contribution de l’État en faveur des projets de construction et de rénovation. J’ai tenu à ce que cette enveloppe ne vienne pas grever l’action du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, en faveur des autres priorités du ministère. Je pense tout particulièrement au sport pour tous. C’est pourquoi cette participation financière sera très largement couverte par le prélèvement exceptionnel et temporaire de 0,3 % sur les recettes de la Française des Jeux voté l’année dernière sur l’initiative du sénateur François Trucy.
Le soutien financier de l’État ne se résume pas à l’intervention du CNDS. L’État contribue aussi au financement des dessertes des stades, comme on a pu le voir, par exemple, à Lyon où le tramway T3 a été retenu dans le deuxième appel à projet concernant les transports en commun en site propre, ou TCSP, pour un montant de 4,1 millions d’euros, mais aussi à Lille où une participation exceptionnelle de 36 millions d’euros a été prévue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous assurer, comme j’ai pu le faire la semaine dernière auprès de Michel Platini, que nous ferons tout pour que l’Euro 2016 se déroule dans les meilleures conditions, pour que nos engagements soient tenus et pour que l’ensemble des villes hôtes puissent accueillir comme il se doit les matchs de l’Euro 2016. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Dufaut, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France a obtenu de haute lutte voilà presque un an l’organisation du championnat d’Europe de football de 2016.
Cette compétition, organisée tous les quatre ans depuis 1960, est le troisième événement sportif mondial en termes d’impact médiatique. C’est donc incontestablement une chance et un honneur pour la France.
Faut-il pour autant une loi d’exception ? C’est la question que s’est posée la commission de la culture, de l’éducation et de la communication au cours de sa séance du 13 avril dernier. La réponse a été claire : la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale n’est en rien un dispositif d’exception, dérogeant fondamentalement au droit commun pour répondre à un engagement ponctuel de la France.
Les dispositions de cette proposition de loi répondent, au contraire, à un besoin majeur du sport français, l’organisation de la coupe d’Europe offrant l’opportunité d’expérimenter de nouveaux modes de partenariat public-privé au service d’équipements sportifs à rénover ou à moderniser.
Un constat s’impose tout d’abord : nos stades sont à la fois de faible capacité et archaïques.
Les chiffres sont imparables. Alors que le taux de remplissage est plutôt bon, la capacité moyenne d’accueil du public s’établit à moins de 30 000 places dans le championnat de France de football, contre plus de 45 000 places en Allemagne. L’âge moyen des stades était en 2008 de sept ans en Allemagne, de onze ans au Royaume-Uni et de dix-sept ans en France.
La qualité de l’accueil est donc insuffisante en termes de confort et d’espaces réceptifs, avec notamment seulement 4 % de la surface totale des stades consacrés aux sièges à prestations, contre 8 % à 12 % pour les standards européens.
La multifonctionnalité, élément crucial de rentabilité des stades, est très largement insuffisante. La plupart de nos grands stades ne sont occupés que deux jours par mois pendant neuf mois, soit une vingtaine de jours par an avec les coupes. C’est ridicule et contraire à une bonne utilisation de l’argent public.
Enfin, comme l’avait noté notre collègue Pierre Martin dans son rapport d’information sur les associations de supporters, les normes de sécurité ne sont pas toujours respectées. Un travail spécifique sur cette question mérite d’être mené.
La conséquence de tout cela est que le championnat de France profite peu de la billetterie – autour de 15 % du chiffre d’affaires – et est presque totalement « télé-dépendant » : 57 % des ressources des clubs sont issues des droits télévisuels. Ces clubs sont donc à la merci d’un retournement du marché.
En un mot, il n’y a pas de modèle économique du sport professionnel en France. On peut se féliciter, en attendant, du contrôle de gestion rigoureux exercé sur les clubs, mais il faut surtout s’inquiéter du manque de compétitivité des clubs professionnels français.
En effet, ne nous y trompons pas. En dépit des salaires parfois indécents versés aux sportifs professionnels, notamment aux footballeurs, les clubs professionnels français ne sont pas des groupes « ultracapitalistiques » aux taux de rentabilité vertigineux. Nombre d’entre eux sont déficitaires en fin d’exercice.
Qu’on le veuille ou non, le sport professionnel est devenu un spectacle, dont l’objet est la rentabilité. Mais il continue à jouer un rôle essentiel pour les collectivités territoriales : les clubs assurent une notoriété très importante aux communes dans lesquelles ils sont implantés. Ils créent un ciment d’identification locale ; ils créent également du lien social en raison de la mixité dans les stades et de l’atmosphère qui y règne la plupart du temps. Il suffit d’assister à un match au Stade Vélodrome de Marseille dans le virage sud pour s’en convaincre ! Le sport professionnel tend aussi à renforcer la pratique sportive de la population.
Enfin, et surtout, le stade lui-même est « un outil de développement de l’attractivité des villes et des territoires et un facteur de contribution à la croissance économique » de ces mêmes territoires.
Quelles sont donc les causes de l’archaïsme de nos stades ?
Premièrement, elles sont historiques.
La spécificité française la plus marquante est la gestion publique des stades. Ils sont historiquement la propriété de la collectivité territoriale d’implantation dans 90 % des cas, contre 59 % dans l’Europe élargie.
Or la coexistence entre l’obsolescence des stades et la propriété publique n’est pas une coïncidence. Il y a, bien évidemment, un lien direct. Le rapport de Philippe Séguin montre que le stade, dans notre pays, est davantage perçu comme un enjeu politique que comme un centre de ressources et de profits.
Plus certainement, à partir du moment où le club résident est un simple locataire, dépourvu de droits réels et de marges de manœuvre sur la gestion du stade, il n’a que peu d’intérêt à exploiter l’équipement sur le plan économique, à y attirer des spectateurs et à moderniser l’infrastructure. Et même si le club souhaite effectuer des améliorations, il est souvent confronté à l’incapacité financière de la collectivité à rénover, voire simplement à entretenir l’installation sportive. Le sénateur qui vous parle a vécu le véritable miracle de l’accession du club Arles-Avignon en première division. Nous avons dû mettre aux normes notre stade afin d’obtenir une capacité de 17 000 places. Cette opération a coûté à la collectivité municipale 8 millions d’euros nets, une somme qui pèse lourd sur le budget municipal d’une ville comme Avignon et est difficile à résorber.
Deuxièmement, les causes de cet archaïsme sont juridiques.
Il n’existe, en effet, aucun cadre unique adapté à l’ensemble des projets, le choix dépendant de chaque situation : rénovation ou construction, maîtrise d’ouvrage publique ou privée, mode de financement…
La maîtrise d’ouvrage publique, la MOP, est un outil simple, mais de moins en moins utilisé en raison de la lourdeur de la gestion de tels projets comme du contexte financier délicat des collectivités locales, qui paient, dans ce cas de figure, l’intégralité des travaux. De plus, la MOP ne laisse aux clubs qu’un rôle secondaire.
Parmi les stades concernés par l’organisation de l’Euro 2016, le Stadium de Toulouse et le Stade Geoffroy-Guichard de Saint-Etienne seront rénovés selon cette formule, qui demande un investissement très lourd aux collectivités territoriales, qu’il s’agisse de la commune, de l’établissement de coopération intercommunale, l’EPCI, du département, voire de la région.
À l’inverse, les concessions et les contrats de partenariat permettent de confier à un prestataire la gestion du projet dans son ensemble et d’étaler les investissements publics dans le temps. Néanmoins, les clubs n’ont toujours pas la maîtrise du projet ni de droits sur l’infrastructure.
À mon sens, les deux régimes juridiques les plus à la mode, les mieux adaptés, sont donc les partenariats public-privé, le PPP, et les baux emphytéotiques administratifs, les BEA.
Le PPP permet d’associer la collectivité, l’opérateur et le club à la vie quotidienne du stade, aux conditions de son exploitation, et de partager les coûts et les recettes. Il semble que cette formule soit notamment adaptée en cas de construction d’un nouveau stade. Quatre stades concernés par l’Euro 2016 sont ou seront rénovés ou construits dans ce cadre : le grand Stade de Lille, le nouveau Stade bordelais, celui de Nice et le Stade Vélodrome de Marseille.
Le bail emphytéotique administratif séduit par sa souplesse et par la possibilité qu’il offre au club de mener une exploitation ambitieuse du stade. La collectivité reste propriétaire et peut imposer le respect d’un certain nombre de règles. Cependant, un flou juridique entoure encore les BEA.
La présente proposition de loi a pour objet principal d’assouplir le régime juridique des BEA, conformément aux propositions du rapport de Philippe Séguin, notamment en raison des spécificités entourant son mode de financement. Les travaux de rénovation du Parc des Princes, du Stade Félix-Bollaert de Lens et du Stade Marcel-Picot de Nancy devraient être exécutés selon cette formule.
Parlons, enfin, des constructions entièrement privées dont le modèle juridique ne pose pas de problème particulier. Il est surprenant de constater combien ce type de projets est difficile à monter. L’exemple lyonnais en témoigne. Pour autant, ces difficultés sont dues le plus souvent, j’en suis convaincu, à des causes extra juridiques.
Bref, il est encore difficile de construire des stades en dépit du rôle majeur que ces derniers jouent en matière de compétitivité du sport professionnel et d’aménagement du territoire.
La commission de la culture considère donc que l’organisation en France de l’Euro 2016 est une opportunité historique à saisir pour rénover et moderniser les stades de notre pays.
Le député Bernard Depierre, auteur de la proposition de loi, a choisi de mettre en place une forme « d’expérimentation significative d’un nouveau mode de financement des grandes infrastructures nationales », dont nous approuvons pleinement à la fois la forme et le fond.
Le cahier des charges de l’UEFA est, certes, exigeant, mais il correspond, selon moi, à des besoins réels de la France.
Neuf stades au moins doivent être proposés dont deux comptant au moins 50 000 places – nous les avons déjà ; ce sont le Stade de France et le Stade Vélodrome de Marseille –, quatre comptant 40 000 places – Lens, Paris, Lille, Bordeaux et Lyon – et quatre comptant 30 000 places – Nice, Saint-Etienne, Toulouse, Nancy. Il sera, à mon sens, assez aisé de remplir ces obligations.
Trois types d’exigences sont, ensuite, définies : spatiales, techniques et fonctionnelles. Les points noirs des équipements français, conséquences de leur ancienneté, sont les espaces dits « hospitalité » et le bloc « tribunes de presse et installations médias ».
Les travaux de rénovation se concentreront donc sur ces objectifs qui sont, en outre, des éléments majeurs de la rentabilité future de ces stades.
Le confort des stades n’est pas non plus adapté au cahier des charges de l’Euro 2016. Leur aménagement ne pourra qu’être un facteur d’attraction des familles dans les enceintes sportives et, donc, d’amélioration des performances économiques de ces derniers.
Outre que les rénovations auront un impact favorable sur la compétitivité du sport professionnel français, l’Euro 2016 aura en lui-même des conséquences économiques positives et importantes sur l’ensemble du territoire national.
Les dispositions prévues par la présente proposition de loi devraient permettre de débloquer un certain nombre de dossiers. Comme je l’ai indiqué précédemment, la voie la plus prometteuse en matière de rénovation des stades, pour des raisons historiques et culturelles, est le financement mixte entre le public et le privé.
Les deux premiers articles de cette proposition de loi vont donc dans le bon sens puisqu’ils prévoient d’assouplir la capacité d’intervention des collectivités territoriales dans le domaine des BEA et des subventions.
L’article 3 de la proposition de loi prévoit également un dispositif pertinent en ce qu’il favorise le recours à l’arbitrage pour certains contentieux concernant les stades qui accueilleront l’Euro 2016. Cette procédure est évidemment beaucoup plus souple et beaucoup plus rapide que les procédures judicaires traditionnelles.
Je suis convaincu que les dispositifs dérogatoires, notamment ceux qui sont prévus aux articles 1 et 3 de la proposition de loi, ont un réel avenir et que leur utilisation dans le cadre de l’Euro 2016, justifiée par l’urgence de la situation, sera un test « grandeur nature » parfait pour savoir s’ils devront ultérieurement être étendus à l’ensemble des stades et des enceintes sportives de notre pays. La vétusté de nos équipements sportifs l’impose.
Je suis même convaincu que notre réflexion sur les stades et, plus largement, sur l’ensemble des équipements sportifs, est loin d’être terminée. D’autres mesures en matière de facilitation de procédure et d’amélioration du cadre juridique seront certainement à examiner à l’avenir. Des véhicules législatifs concernant les sports devraient nous permettre de reprendre ce débat, en particulier à la lumière du bilan de l’Euro 2016.
En attendant, mes chers collègues, la commission de la culture a adopté ce texte sans le modifier. Il constitue un impératif pour moderniser enfin nos équipements sportifs et en faire plus que des lieux de sport : des lieux de spectacle, des lieux de vie, des lieux de rassemblement et des lieux de mixité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis, pour ma part, tout à fait partisan des conclusions du rapport Séguin. Néanmoins, cette proposition de loi m’interpelle. Alors que le rapport Séguin concerne l’ensemble des structures sportives, le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise le football. Pourquoi faire un tel choix ? Par ailleurs, ne sont concernées que les infrastructures bénéficiaires de l’Euro 2016.
Je le dis d’emblée très clairement : je ne suis ni spécialement favorable ni spécialement défavorable au football. Je constate néanmoins qu’il s’agit de l’un des sports qui draine les masses financières les plus importantes.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Jean Louis Masson. De surcroît, le comportement de nos représentants lors de la dernière Coupe du monde a été lamentable ! Pourquoi créer de la discrimination en faveur de cette discipline et faire un cadeau à des personnes qui se sont très mal comportées, et qui brassent des millions, voire des milliards ? C’est un sport où il y a beaucoup plus d’argent que dans n’importe quel autre sport ! Bref, ce texte établit une différence de traitement dont nous ignorons le fondement.
Pour ma part, je le dis haut et fort : lorsqu’on fait une loi, elle doit être pour tous. Une loi sur les enceintes sportives ne saurait être réservée à des gens déjà financièrement beaucoup plus privilégiés que d’autres, à des gens dont le comportement lamentable et affligeant a porté atteinte à l’image de la France.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela s’appelle un penalty !
M. Jean Louis Masson. Par ailleurs, la façon dont cette proposition de loi nous est présentée est parfaitement scandaleuse. Ce texte viole l’article 40 de la Constitution !
Il existe en France un certain nombre de lois. Il y a une loi supérieure, qui est la Constitution. Il est impensable que l’on puisse faire circuler de manière subreptice un texte qui viole la Constitution en créant des dépenses supplémentaires pour l’État.
Ce n’est pas que je ne veuille pas voter le principe. Mais la proposition de loi que nous examinons enfreint délibérément l’article 40 de la Constitution, personne ne peut le nier. Or j’ai déposé un amendement qui a été refusé au titre de l’article 40. Si ce texte est acceptable, qu’il nous soit également permis de déposer nos amendements sans leur opposer l’article 40 ! Il y a là un véritable problème en matière de droit parlementaire. Pourquoi n’avez-vous pas présenté un projet de loi ? User de cet artifice au détriment des fondements mêmes de la démocratie me paraît tout à fait aberrant !
Ce plus, ce texte crée trois catégories au sein des clubs de football : ceux qui ont postulé pour l’Euro 2016 sans avoir été retenus ; ceux qui ont postulé, ont été présélectionnés, mais ne seront pas retenus ; ceux qui seront effectivement retenus.
S’il y a urgence, il faut, à mon sens, légiférer pour ceux qui seront réellement choisis, et non pour les autres catégories.
Tant qu’à prévoir une dérogation – j’y suis opposé, pour ma part, mais pourquoi pas ? –, faisons-le uniquement pour ceux qui participeront réellement à l’Euro 2016. Ou alors, si l’on veut voir plus large, faisons un texte pour tous ceux qui ont postulé, et pas seulement pour les présélectionnés qui ne seront pas retenus !
Ici, c’est un peu comme si au concours d’entrée de l’ENA ou de l’École polytechnique les admissibles bénéficiaient d’une situation plus favorable que ceux qui sont retoqués dès le départ, au seul motif que ces derniers ont espéré plus longtemps une admission !
Enfin, cette proposition de loi est contraire au principe d’égalité de traitement. Les clubs de football sont des agents économiques, au sens général du terme. Or ce texte pose un problème de rupture d’égalité entre concurrents, sur le plan national comme sur le plan européen. Lors du championnat d’Europe de football, certains bénéficieront de royalties et seront donc avantagés par rapport à d’autres qui n’en recevront pas.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. Cette proposition de loi est du travail de boutiquier ! Bien évidemment, je voterai contre.
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, personne ne saurait nier que le football est un élément fédérateur pour notre pays. Ce sport populaire par excellence constitue incontestablement un fort vecteur de cohésion sociale et contribue à l’épanouissement de milliers de jeunes Français. C’est pourquoi nous nous réjouissons que la France ait été choisie pour organiser le championnat d’Europe de football en 2016.
C’est l’occasion rêvée de faire revivre la dimension populaire de ce sport. Cette compétition devrait également permettre de retrouver l’unité nationale forgée lors de la Coupe du monde de 1998, hélas ternie par la calamiteuse attitude de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de football de 2010. Cet événement n’a pas seulement altéré l’image du monde du football, mais il a également gâché un état de grâce et notre plaisir.
Vous le savez, mes chers collègues, le championnat d’Europe de l’UEFA est la compétition la plus médiatisée à travers le monde, après les jeux Olympiques, la Coupe du monde de football et la Coupe du monde de rugby. Un tel événement représente l’opportunité unique de prendre un nouvel élan sur le plan sportif. Dans une période où notre pays a tendance à sombrer dans la morosité, une compétition sportive de haut niveau est évidemment de nature à redonner le moral à nos compatriotes.
Le championnat d’Europe de l’UEFA représente également l’occasion de prendre un nouvel élan économique et médiatique. En termes de rayonnement international de la France, les enjeux sont majeurs.
Les retombées économiques de ce type de manifestation sont considérables. La France sera au cœur de l’actualité : 2,5 millions de spectateurs assisteront aux matchs et près de 2 milliards de personnes suivront leur retransmission télévisée. Si nous pouvons donner, à cette occasion, une bonne image de notre pays, nous ne devons pas bouder notre plaisir !
Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence : nos stades sont souvent obsolètes et nos capacités d’accueil sont insuffisantes au regard de celles de nos voisins européens. Notre pays a pris du retard en la matière, pour des raisons diverses.
Aussi saluons-nous, madame la ministre, qui êtes aussi une sportive de haut niveau, vos efforts en faveur du sport et des sportifs.
La modernisation de grande ampleur de nos stades devrait représenter un investissement d’environ 1,7 milliard d’euros. L’État, qui avait participé à hauteur de 30 % aux dépenses pour la Coupe du monde de football de 1998, réduit ici singulièrement sa participation puisqu’il n’interviendra qu’à hauteur de 8 %.
M. Guy Fischer. C’est regrettable !
M. François Fortassin. On nous dit que les finances de l’État ne sont guère florissantes. C’est sans doute vrai...
Il est donc indispensable de trouver de nouvelles sources de financement. De nouveaux outils juridiques et financiers existent. Il faut les utiliser pour répondre dans de bonnes conditions aux exigences posées par le cahier des charges de l’UEFA.
Certes, l’UEFA appuie peut-être un peu trop sur la chanterelle : si l’on en croit ses représentants, même le Stade de France ne remplirait pas toutes les conditions nécessaires ! Moi, qui fréquente ce stade de temps à autre, non pour assister aux matchs de football, mais pour admirer ceux qui maîtrisent le « paramètre rebondissant aléatoire » (sourires), je le trouve très confortable, si ce n’est au niveau des toilettes. (Nouveaux sourires.) Mais c’est un détail...
D’une part, il s’agit d’ouvrir la possibilité aux stades gérés dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif de bénéficier des mêmes aides publiques que les stades gérés dans le cadre d’un autre régime juridique, notamment le contrat de partenariat ou la maîtrise d’ouvrage public.
Les villes de Paris, de Lens et de Nancy, qui ont opté pour le BEA, seront donc, elles aussi, éligibles aux subventions publiques pour la rénovation de leurs stades. Cette disposition met un terme à une inégalité de traitement parfaitement injustifiée dans le cadre de la rénovation des stades pour l’Euro 2016.
D’autre part, le texte permet aux collectivités de participer aux frais de rénovation ou de construction des stades, ou d’apporter leur caution au bailleur en cas d’emprunt.
Il ne s’agit en aucun cas de contourner le code des marchés publics : les exigences d’éthique et de transparence qu’il pose doivent être parfaitement respectées. Nous y veillerons, madame la ministre.
Ces dispositions permettent d’introduire plus de souplesse et de répondre à une demande qui est, aujourd’hui, très importante.
Il sera nécessaire de trouver de nouvelles solutions, des montages financiers innovants, notamment en intégrant les partenaires privés, pour financer les équipements sportifs, qui peuvent d’ailleurs être utilisés pour des manifestations d’autres types.
Nous avons le sentiment, madame la ministre, que la proposition de loi qui nous est présentée ne résoudra pas tous les problèmes liés à l’organisation du championnat d’Europe et au cahier des charges imposé par l’UEFA. Malgré les nombreuses réserves, y compris d’ordre juridique, que ce texte soulève, il va néanmoins dans le bon sens. Son domaine d’application est précis : cela en fait un outil indispensable pour honorer nos engagements.
C’est la raison pour laquelle, avec une partie des membres du groupe RDSE, je voterai pour cette proposition de loi.
Toutefois, madame la ministre, je souhaite profiter des quelques secondes qui me sont encore imparties pour rappeler au monde du football, c’est-à-dire tout à la fois aux sportifs, aux dirigeants et au public, que la violence n’a pas sa place dans les stades !
Mme Catherine Troendle. Très bien !
M. François Fortassin. Si nous voulons que le football redevienne une fête, il faut prioritairement donner une bonne éducation à l’ensemble des pratiquants et leur enseigner le respect scrupuleux de l’arbitre.
L’arbitre peut se tromper, mais sans lui il n’y a pas de sport. Le rôle des joueurs est de tenter de gagner le match. Quant aux dirigeants, leur responsabilité est fortement engagée lorsque des débordements se produisent dans les stades, en France comme ailleurs. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, est-il nécessaire et raisonnable de favoriser toujours plus le football professionnel ? Sans démagogie, j’ai tendance à répondre que non.
Faut-il vraiment, pour construire des stades, bousculer le code général des collectivités territoriales, le droit administratif, les règles en matière de sport et même le code civil ? Je ne le pense pas.
Certes, dans son rapport, notre collègue Dufaut a raison de noter que la France manque cruellement d’équipements sportifs pouvant accueillir des événements sportifs internationaux. En l’occurrence, cette proposition de loi n’apporte aucune solution à ce constat.
Elle vise, en fait, à répondre aux exigences, parfois extravagantes, de l’UEFA. Un peu de fair-play dans les normes qu’elle édicte permettrait certainement à tous les pays de sa zone d’influence de pouvoir organiser ce type d’événement. Ces derniers ne seraient pas ainsi réservés aux seuls pays qui ont de gros moyens financiers.
Nous rejetons cette proposition de loi pour plusieurs raisons, que j’exposerai brièvement.
Tout d’abord, nous contestons la méthode utilisée. Il est devenu coutumier que les textes relatifs au sport prennent la forme de propositions de loi, et non de projets de loi. En l’occurrence, nous ne sommes pas dupes de l’origine de ce texte. Ainsi, le contrôle et l’avis du Conseil d’État sont contournés. C’est dangereux car, bien souvent, est ainsi mise en place une législation à la sécurité juridique incertaine. En l’occurrence, je crains que cette proposition de loi ne soit particulièrement instable juridiquement.
Vous savez bien que les dispositions d’exception, qui mêlent intérêts privés et fonds publics, sont sujettes à contentieux. C’est pourquoi, d’ailleurs, vous prévoyez de régler les conflits en dehors du droit commun, dans le cadre d’une juridiction d’exception : le tribunal arbitral.
Toujours s’agissant de la méthode, comment justifier que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée, alors que nous disposons de plus de trois ans pour réaliser les stades devant accueillir l’Euro 2016 ? Ne s’agit-il pas, sous couvert d’organiser ce championnat, de créer une jurisprudence permettant de changer les modes de financement des équipements sportifs, voire de l’ensemble des équipements publics ?
Notre rapporteur dévoile cette arrière-pensée, qu’il expose en conclusion de son rapport. Il considère, en effet, qu’il faudra « favoriser les modes de partenariats entre personnes publiques et privées en matière d’équipements sportifs », qui constituent, selon lui, une voie d’avenir, « que ce soit au niveau des grands stades, des grandes salles mais aussi des équipements de modeste envergure ».
Ainsi, monsieur le rapporteur, vous annoncez votre volonté d’aller vers la privatisation prochaine des équipements sportifs partout où des marges financières pourront être dégagées grâce aux subventions de la collectivité, bien entendu…
Enfin, le dernier point de méthode que nous contestons concerne le manque de concertation autour de cette proposition de loi.
Les associations d’élus n’ont pas été consultées, alors même que les collectivités locales devront financer ces équipements, ni le mouvement sportif. Seules les ligues professionnelles ont été entendues. Il est d’ailleurs étonnant qu’un tel manque de concertation ait prévalu au moment où Mme la ministre des sports met en place l’Assemblée du Sport. La concertation serait donc à géométrie variable ! Souhaitons qu’elle ne soit pas de simple affichage.
J’en viens maintenant au contenu de cette proposition de loi.
En permettant le versement de subventions à des sociétés privées qui réaliseront un stade dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif, vous contraignez, en fait, les collectivités locales à financer ces entreprises commerciales. Vous les mettez sous la pression des entreprises en les privant de la couverture des règles juridiques fondamentales qui préservent leurs intérêts.
En effet, s’il existe différentes formules juridiques pour réaliser de grands équipements sportifs, ou d’autres équipements d’ailleurs, c’est que chacune à des conséquences spécifiques sur l’engagement financier de la collectivité. Aussi, en choisissant telle ou telle formule, la collectivité est libre de décider de la hauteur de son investissement. Or, au travers de cette proposition de loi, quelle que soit la forme juridique retenue, les communes, les départements et les régions devront mettre la main au portefeuille. Jusqu’où ? Nul ne le sait. Il n’y a pas de limite…
De plus, la convention de mise à disposition place la collectivité qui participera au financement de l’équipement dans l’obligation de dégager de nouveaux financements pour le même équipement. Elle paiera donc deux fois, en quelque sorte. Ce n’est pas acceptable ! Or c’est le cœur de cette réforme.
Quant aux articles 2 et 3 de la proposition de loi, ils sont tout aussi condamnables à nos yeux, j’y reviendrai lors de la présentation des amendements que j’ai déposés.
Qu’il me soit cependant permis de formuler deux remarques à propos de l’article 2. Son contenu est tout de même étonnant après le débat que nous avons eu sur la réforme des collectivités locales. En effet, alors que la majorité sénatoriale avait à cette occasion bataillé ferme pour supprimer les financements croisés, elle s’apprête au travers de la présente proposition de loi à les encourager.
Par ailleurs, dans le domaine de l’intervention économique en faveur des entreprises – compétence partagée entre collectivités locales –, la loi prévoit explicitement un chef de file, en l’espèce la région. Personne n’a jamais remis en cause une telle procédure. J’ai même cru comprendre que, pour beaucoup de personnes, elle était promise à un grand avenir dans bien d’autres domaines. Or, avec cette proposition de loi, vous vous apprêtez à supprimer le principe d’un chef de fil unique inscrit dans la loi.
Votre attitude semble donc pour le moins contradictoire, voire de simple circonstance. Mais peut-être me trompé-je ?
Les dispositions de cette proposition de loi ne sont-elles pas plutôt tout à fait cohérentes avec l’ensemble des politiques publiques placées sous le signe de la révision générale des politiques publiques, la RGPP ? Ces mesures visent, en fait, à masquer un nouveau désengagement de l’État et de nouveaux transferts vers les collectivités locales. En outre, elles permettraient d’encourager l’ouverture de nouveaux marchés aux grands groupes privés, en l’occurrence à ceux qui œuvrent dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, dont les dirigeants font tous partie de « la bande du Fouquet’s ». (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Vous n’hésitez pas à faciliter toujours plus les transferts de fonds publics vers ces grandes entreprises pour assurer la rentabilité des investissements privés, et ce au mépris des règles fondamentales de notre droit.
Ainsi, le Gouvernement s’est totalement désengagé de toute responsabilité dans l’organisation de l’Euro 2016. Comme cela vient d’être rappelé, il ne participera au financement de la réalisation des stades nécessaires à cette compétition qu’à hauteur de 8 %, alors que pour la Coupe du monde de football 1998, la part des subventions de l’État pour les stades avait été de 30 %.
M. Guy Fischer. Eh oui ! C’est une chute vertigineuse !
M. Jean-François Voguet. Les collectivités locales se retrouvent seules pour répondre au cahier des charges de l’UEFA, dont les normes sont pour le moins exagérées. Or, au vu du contexte financier qu’il impose aux collectivités, le Gouvernement sait très bien que peu d’entre elles pourront supporter les investissements nécessaires. Celles-ci seront donc contraintes de souscrire aux différentes conventions et contrats public-privé, pour le plus grand profit des grands groupes et de leurs actionnaires.
Afin d’assurer la rentabilité de ces derniers, vous vous apprêtez aujourd’hui, avec cette proposition de loi, à contraindre les collectivités locales à augmenter plus encore leur participation au détriment des autres politiques publiques, en particulier de celles qui sont menées en faveur des populations les plus en difficulté.
C’est pourquoi, même si je me félicite comme vous tous ici que notre pays accueille cette grande compétition, je regrette que les plus hautes autorités publiques n’aient pas davantage préparé un tel événement et se placent en retrait de son organisation.
Je ne peux me résoudre à ce que cette incurie aboutisse à contraindre les collectivités locales à financer les dividendes des actionnaires des groupes du CAC 40.
C’est pourquoi, à l’instar de l’ensemble des membres du groupe CRC-SPG, je voterai contre la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, le 28 mai 2010, le comité exécutif de l’Union européenne des associations de football, l’UEFA, désignait la France comme pays organisateur de l’Euro 2016.
Mes chers collègues, que nous soyons de la majorité ou de l’opposition, nous sommes fiers quand la France prend des initiatives. Nous sommes fiers quand elle relève des défis et qu’elle gagne !
Le président de ce comité, Michel Platini, était footballeur à Nancy et a porté les couleurs de l’équipe de France de football, de cette équipe qui a rayonné dans le monde. Aujourd’hui, cet homme est une personnalité d’envergure européenne et internationale.
Mes chers collègues, la France a obtenu l’organisation de la coupe d’Europe de football à sept voix contre six. C’est comme un tir au but ! Pour marquer ce but, notre pays n’a d’ailleurs pas eu besoin de la participation de Michel Platini, qui s’est abstenu.
Accueillir un tel événement sportif est une chance pour notre pays, car le championnat d’Europe de football est une compétition où s’affrontent des équipes considérées comme les meilleures à l’échelle mondiale. Certes, l’équipe de France n’a pas défendu nos couleurs avec dignité il y a quelques mois. Mais ce sont deux pays européens qui ont participé à la finale de la Coupe du monde de football 2010 : les Pays-Bas et l’Espagne.
L’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre, la Croatie et le Portugal ont également de belles équipes, et ce sera un plaisir de les voir jouer en France.
Madame le ministre, mes chers collègues, j’aime le football. Très modestement, j’ai demandé voilà quatre ans à un remarquable footballeur ayant fait partie des gagnants de la Coupe du monde de 1998 de me remettre ici, au Sénat, la Légion d’honneur. Ce joueur avait brillamment porté les couleurs de l’équipe de France.
Madame le ministre, le sport français est fier que vous soyez à la tête du ministère des sports, car vous savez ce qu’est le sport.
M. Jean Boyer. Être sportif, c’est se battre contre soi-même, gagner et porter dignement les couleurs de la France ! Je peux l’affirmer avec beaucoup de vérité : vous y parvenez parfaitement.
Vous êtes une référence exceptionnelle, vous vivez le sport. Par votre action dans le cadre de la Fédération française handisport, vous donnez également de l’espoir à ceux qui ont été pénalisés par la vie.
Mes chers collègues, je vais devoir conclure, mais il est paraît-il plus difficile de couper la langue à un sénateur ancien agriculteur que de tenir les mains à un voleur. (Sourires.)
La France est le pays que nous aimons, auquel nous nous sentons unis lorsque ses couleurs sont hissées en haut d’un mât olympique ou à l’occasion d’autres compétitions sportives.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas Valmy tout de même !
M. Jean Boyer. Dans ces moments, quelle que soit notre appartenance politique, notre âge ou notre couleur de peau, nous sommes tous Français !
Notre pays compte 2 200 000 licenciés de football et 8 millions de téléspectateurs ont regardé le match que la France a joué contre le Luxembourg pour se qualifier pour l’Euro 2016. Près de 400 000 personnes se rassemblent chaque dimanche dans les stades français et portent l’image de la fraternité.
Les stades français ont une ancienneté moyenne de dix-sept ans, contre sept ans en Allemagne. Nos stades ne sont pas lamentables, ni en mauvais état, mais ils sont quelque peu obsolètes.
Pour rénover le parc français des enceintes sportives, il est essentiel que les acteurs privés puissent intervenir financièrement aux côtés des collectivités territoriales dans le cadre de partenariats public-privé, à l’instar de ce qui se fait pour les plans État-région. En effet, la facture des investissements de rénovation, d’amélioration ou de reconstruction des onze stades retenus pour l’Euro 2016 s’élève – vous le savez, madame le ministre – à 1,8 milliard d’euros.
J’ai dépassé le temps qui m’était imparti ! Madame la présidente, madame le ministre, je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
M. Bernard Piras. Vous avez encore deux minutes !
M. René Garrec. C’est la deuxième mi-temps ! (Sourires.)
Mme la présidente. Vous avez un crédit d’une minute, monsieur le sénateur !
M. Jean Boyer. Les membres de l’Union centriste sont respectueux du temps de parole.
Les solutions privilégiant la mixité des financements publics et privés peuvent nous permettre de mieux partager le risque de la construction du stade entre plusieurs acteurs et de décharger la collectivité de la maintenance et de l’entretien, trop souvent coûteux.
Les clubs disposeraient, en outre, d’une stabilité plus importante, propice à encourager leurs investissements et à favoriser la modernisation des stades.
En passant à une offre moyenne de 3 180 places « VIP » par stade contre 1 162 places à ce jour, on pourrait augmenter les recettes de près de 100 millions d’euros, c’est-à-dire de 162 % ! C’est bien ce type de travaux qui devraient être financés d’ici à 2013, mais ils nécessitent des investissements importants.
Ce n’est pas par hasard, ce n’est pas en tirant un billet d’un chapeau, madame le ministre, que je vous apporte mon soutien et celui de la grande majorité du groupe de l’Union centriste. Certains de mes collègues, peu nombreux, approuveront les amendements qui seront présentés par l’éminent sénateur maire de Lyon, M. Gérard Collomb. Toutefois, notre groupe votera ce texte, qui va dans le sens de l’avenir du football français.
Dans notre société,…
M. Jean-François Voguet. Maintenant, ce sont les prolongations ! (Sourires.)
M. Jean Boyer. … comme dans un match, après la rencontre vient le rassemblement dans la fraternité.
Madame le ministre, mes chers collègues, vive le football, qui est un artisan incontournable de la fraternité et de la cohésion sociale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
M. Alain Dufaut, rapporteur. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste se réjouit que la France ait été désignée comme pays hôte du championnat d’Europe de football de 2016.
M. René Garrec. Bravo, madame la ministre !
M. Jean-Jacques Lozach. Notre pays reste, quoi qu’on en pense, une des nations phares du football mondial.
De plus, nous avons su démontrer à plusieurs reprises notre capacité à organiser de grands événements sportifs, qu’il s’agisse de la Coupe du monde de football en 1998 ou de celle de rugby en 2007. Ce furent à chaque fois de grands succès sportifs, populaires et économiques. Le dernier en date fut les championnats du monde d’escrime en novembre 2010 au Grand Palais.
Notre intention n’est pas de « gâcher la fête ». Nous regrettons tout simplement que le Gouvernement, qui a commandé cette proposition de loi, n’ait pas pris le temps et ne se soit pas donné les moyens d’organiser les festivités plus tôt. Nous regrettons que, une fois encore, il se décharge sur des collectivités locales souvent à bout de souffle.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Jean-Jacques Lozach. Nous déplorons qu’il déroge au droit commun : code du sport, code général des collectivités territoriales et lois de décentralisation, code de justice administrative.
M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Lozach. Oui, notre pays a accumulé un retard considérable en ce qui concerne les stades et les infrastructures sportives en général. Pour s’en convaincre, demandez à nos champions handballeurs ce qu’ils pensent de leurs salles !
Nous n’avons pas su, collectivement, anticiper la modernisation des enceintes sportives. Nous avons, notamment, manqué le tournant de la multifonctionnalité, condition aujourd’hui quasiment indispensable à la rentabilité des équipements.
Cependant, nous ne découvrons pas ce retard seulement aujourd’hui. À la fin de l’année 2008, Philippe Séguin appelait déjà, dans le rapport Grands stades Euro 2016, qui a fait date, à une grande politique nationale en termes d’équipements sportifs.
Nous sommes aujourd’hui bien en deçà des ambitions de l’ancien président de la Cour des comptes. Une fois de plus, on agit au coup par coup : c’est un texte de circonstance et de précipitation.
C’est aussi, et je m’en inquiète, un nouveau coup porté à la répartition des compétences au sein de l’organisation territoriale de la République. Il m’avait semblé comprendre que, dans le cadre des lois de décentralisation, la région était le chef de file de l’aide aux entreprises, les autres collectivités abondant cette aide par contractualisation avec elle.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Jacques Lozach. Or, avec l’article 2 de la présente proposition de loi, on bouscule cette règle pour permettre à chaque collectivité d’intervenir comme elle l’entend tout en déplafonnant les aides publiques.
Ce gouvernement a déjà fait beaucoup de mal aux lois de décentralisation ; il semble, hélas ! vouloir insidieusement poursuivre dans cette voie.
Par ailleurs, la récente réforme des collectivités territoriales, adoptée avec les difficultés que l’on sait dans cette assemblée, a reporté le règlement de la question de la clause de compétence générale à 2015 pour les départements et les régions, et la compétence sportive est concernée. Or, l’Euro 2016 sera organisé un an après cette date. Avouez que tout cela est bien bancal, en plus d’être paradoxal !
En effet, le texte vise à ce que les collectivités territoriales soient encore plus sollicitées, alors que, parallèlement, l’État prétend vouloir limiter les financements croisés. On demande aux collectivités de se recentrer sur leurs compétences obligatoires et, dans le même temps, de financer des infrastructures qui devraient relever de l’État, voire d’une combinaison État-secteur privé.
Le 2 novembre dernier, en commission de la culture, en réponse à la question du financement du coût de l’Euro 2016, Mme Rama Yade nous avait gratifiés d’un laconique : « Tout est bouclé. » Collectivités, entreprises et État s’apprêtaient à travailler main dans la main, avec le sourire aux lèvres.
Aujourd’hui, la réalité apparaît plus aléatoire.
Mme Françoise Cartron. Oh oui !
M. Jean-Jacques Lozach. Je rappellerai qu’en 1998, à l’occasion de la Coupe du monde de football, l’État était intervenu à hauteur de 30 % dans le financement des équipements.
M. Guy Fischer. C’était bien mieux !
M. Alain Dufaut, rapporteur. C’était la Coupe du monde !
M. Jean-Jacques Lozach. Nous parvenons aujourd’hui au triste chiffre de 8 %, et encore s’agit-il de crédits non ministériels. Il a fallu dépouiller en partie le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, et créer un prélèvement supplémentaire sur les paris « en dur » de la Française des Jeux.
M. Bernard Piras. Ce n’est pas normal !
M. Jean-Jacques Lozach. La vocation première du CNDS est pourtant d’accompagner non pas le sport professionnel, mais la réalisation des infrastructures qui profitent au plus grand nombre.
M. Bernard Piras. Exact !
M. Jean-Jacques Lozach. Je noterai, par ailleurs, que plus on ponctionne le CNDS pour des projets qui ne correspondent pas à sa mission première, plus on abandonne les collectivités ayant des projets de gymnases, de terrains de sport ou de piscines. Régions, départements, intercommunalités et communes sont perdants sur tous les tableaux !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jean-Jacques Lozach. Mes chers collègues, je suis convaincu que, quelle que soit votre couleur politique, vous vous inquiétez des difficultés rencontrées quotidiennement par les collectivités locales. Aussi n’accroissons pas celles-ci !
Au-delà, je crains que la présente proposition de loi, qui introduit tant de dérogations au droit commun, ne soit elle-même une gigantesque brèche dans le domaine du financement du sport. À l’Assemblée nationale, le rapporteur de cette proposition de loi ne cachait pas que l’ensemble des dérogations constituaient « une expérimentation significative d’un nouveau mode de financement des grandes infrastructures nationales ». « L'expérience ainsi acquise pourra éventuellement permettre d'en envisager l'élargissement tout comme d'en amender la pratique », ajoutait-il.
Doit-on alors s’attendre au même type de montages financiers et d’arrangements législatifs dans le cas où la France serait désignée pour organiser les jeux Olympiques d’hiver de 2018 ? Ce texte demeurera-t-il une exception ou doit-on s’attendre à ce que l’exception devienne la règle ?
M. Guy Fischer. Certainement !
M. Jean-Jacques Lozach. De la même façon, il faut s’inquiéter des dispositions prévues à l’article 3, qui ont pour effet de déposséder les tribunaux administratifs ou judiciaires du règlement des conflits qui pourraient naître de la rénovation ou de la construction des stades pour l’Euro 2016.
On généralise au contraire le recours à l’arbitrage, symbole, s’il en est, d’une justice des affaires, si ce n’est d’une justice affairiste. La récente affaire Tapie est encore dans toutes les têtes, et nous avons vu à quel point l’arbitrage pouvait être synonyme d’arbitraire. Tout se passe, finalement, comme si plus les équipements étaient ambitieux, plus les procédures étaient allégées.
Les conséquences de cette proposition de loi sur le Grenelle de l’environnement nous interpellent : à peine l’encre séchée, l’on déroge à ses principes avec une proposition de loi contraire à son esprit et à sa lettre ! Les impacts environnementaux des infrastructures concernées sont en effet majeurs, des quartiers entiers sont remodelés et leurs habitants voient leur cadre de vie transformé.
Connaissant votre attachement, madame la ministre, aux conclusions du Grenelle de l’environnement, votre défense de ces accommodements avec celles-ci nous laissent dubitatifs. J’ai, en définitive, la désagréable impression que ce gouvernement n’a pas de politique sportive cohérente depuis 2007. Vous êtes en poste depuis peu, et j’ose espérer que vous parviendrez à changer les choses.
Pour ce faire, il vous faudra des moyens considérables, mais que peut-on attendre lorsque le budget du sport représente 0,18 % du budget de l’État ? Nous sommes bien loin des 3 % que le chef de l’État annonçait vouloir y consacrer en 2007 !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Mensonges !
M. Jean-Jacques Lozach. Aussi, à défaut de vouloir ou de pouvoir réfléchir sur le long terme, on agit au jour le jour, dans l’urgence et sous la pression des médias et des lobbies…
Voilà près d’un an, mes collègues et moi-même dénoncions déjà la façon dont le Gouvernement souhaitait légiférer sur l’ouverture du marché des jeux en ligne alors que la Coupe du monde de football approchait à grands pas. Les événements nous ont donné raison : les sites illégaux continuent à prospérer et les sites légaux ne connaissent pas le succès escompté.
Dans le même temps, les fédérations sportives s’inquiètent des conséquences en termes d’éthique, comme vient de le confirmer Jacques Rogge, président du Comité international olympique.
Votre prédécesseur, madame la ministre, avait également tenu à faire plaisir au monde du football professionnel en permettant aux clubs de rémunérer les agents sportifs, pratique qui nous a toujours paru contraire à la responsabilisation des acteurs du football-business.
Le texte que nous examinons s’inscrit dans la droite ligne de ces deux mesures. Je passe sous silence la fin calamiteuse du DIC, le droit à l’image collective.
La rénovation de l’INSEP, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, mise à part, nous sommes bien en peine de discerner une volonté permanente de l’État de mettre à la disposition des fédérations sportives des installations répondant aux exigences de la haute compétition.
Nous attendons toujours un texte ambitieux sur la politique du sport en France, dégagé de l’urgence des événements et de la pression des intérêts privés. Vous l’avez compris, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste ne peut soutenir la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.
M. Charles Revet. C’est une erreur !
M. Jean-Jacques Lozach. Nous voterons, sans états d’âme, contre ce texte, et nous invitons l’ensemble de nos collègues à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 28 mai 2010, la France était choisie comme pays organisateur du championnat d’Europe de football de 2016.
Nous nous sommes tous réjouis d’accueillir de nouveau un grand événement sportif sur notre territoire. La joie était particulièrement intense au cœur des villes retenues pour l’accueil de cette compétition.
Passée la légitime fierté ressentie en apprenant la décision de l’UEFA, il nous faut maintenant, comme Alain Dufaut, notre excellent rapporteur l’a rappelé, accueillir dans les meilleures conditions cette compétition sportive majeure.
À cet égard, le seul point noir est l’état de vétusté de nos stades.
La proposition de loi soumise à notre examen a le grand mérite de résoudre les difficultés posées par notre cadre juridique.
En sécurisant juridiquement le régime du bail emphytéotique administratif, elle permet de débloquer au moins deux projets de rénovation de stades, celui de Lens et celui de Nancy.
En apportant au régime de ce bail les mêmes garanties que celles dont bénéficient les stades construits ou rénovés en partenariat public-privé, comme ceux de Marseille, de Lille ou encore de Nice, elle rétablit une neutralité entre les différents types de procédures.
La nécessité de cette neutralité et l’intérêt des baux emphytéotiques administratifs avaient d’ailleurs été soulignés à la fois par la commission « grands stades Euro 2016 », présidée par Philippe Seguin, et par la Cour des comptes.
Sans ces dispositions, les stades de Nancy et de Lens ne seraient pas rénovés et devraient renoncer à accueillir l’Euro 2016. Le groupe UMP considère donc que l’adoption de cette proposition de loi est indispensable au respect des engagements de la France à l’égard de l’UEFA.
Au-delà, cette initiative parlementaire doit être perçue comme l’illustration de notre volonté de doter la France des grandes infrastructures dont elle a besoin. Il y a urgence à faire émerger une nouvelle génération d’équipements sportifs. La France est une grande nation sportive, mais c’est aussi un pays sous-équipé en grands stades et en grandes salles par rapport aux autres pays européens.
Je sais, madame la ministre, que vous vous êtes attaquée à ce chantier à bras-le-corps. Quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre pour moderniser nos équipements et construire ceux de demain ?
L’Euro 2016 sera donc un moteur de développement pour le sport, non seulement quant aux infrastructures mais aussi quant au nombre de licenciés. Les conditions d’accueil du public en termes de confort et de sécurité seront durablement améliorées, au-delà de cette seule compétition.
En particulier, la rénovation des stades de Lens et de Nancy sera, n’en doutons pas, un moteur du développement des clubs locaux, conformément au phénomène qui a pu être observé, par exemple, après la Coupe du monde en Allemagne en 2006.
L’organisation de cette compétition majeure – deuxième plus importante compétition de football après la Coupe du monde – permettra enfin de renforcer notre expertise en matière d’organisation de grands événements internationaux. Nous pourrons non seulement expérimenter de nouveaux processus d’organisation, mais aussi permettre aux personnels impliqués d’accroître leur expérience dans ce domaine.
Mes chers collègues, nous ne relèverons le défi de l’Euro 2016 qu’à la condition d’apporter un soutien ferme et constant aux organisateurs. Je me félicite que la présente proposition de loi, que le groupe UMP soutiendra unanimement, aille clairement dans ce sens.
Au-delà des retombées médiatiques, économiques ou touristiques, qui dégageront un bénéfice net pour notre pays, nous souhaitons tous qu’un tel événement populaire favorise la cohésion de la France autour des valeurs rassembleuses qui sont celles du sport : le respect de l’effort, des règles et de l’adversaire.
J’insiste sur ce point : l’Euro 2016 représentera une occasion unique de remettre ces valeurs à l’honneur. Nous savons tous à quel point le football français a besoin de renouer avec ces principes élémentaires… (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Panis.
Mme Jacqueline Panis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aborderai pour ma part l’organisation par la France du championnat d’Europe de football de 2016 au travers d’un cas particulier, celui de la ville de Nancy, que Jean-François Humbert vient d’évoquer.
Comme les dix autres villes candidates, Nancy conduit un projet de rénovation de son stade afin de répondre aux exigences du tournoi.
Inauguré en 1926, le stade Marcel-Picot a déjà fait l’objet de nombreuses rénovations. Les travaux entamés en 1999 et achevés en 2003 ont porté la capacité de ce stade, composé de quatre tribunes, à 20 251 places.
Le choix de la rénovation, préférée à la construction d’un nouveau stade sur un autre site, a été particulièrement apprécié en son temps puisqu’il a permis de maintenir un stade en situation centrale, participant ainsi pleinement à la vie de l’agglomération et à son attractivité.
Par le rayonnement populaire des activités qu’il abrite, le stade Marcel-Picot est un équipement majeur de l’agglomération.
Depuis lors, des aménagements complémentaires ont été réalisés. Cette stratégie, alliée au dynamisme du club, a été couronnée de réussite.
En 2008, ces succès ayant contribué à l’augmentation du taux moyen de remplissage du stade, une réflexion sur un futur projet d’agrandissement et de rénovation de cette enceinte sportive a été entamée sous l’impulsion de la Commission « grands stades Euro 2016 » présidée par Philippe Seguin.
Cette réflexion est largement confortée par le projet actuel.
Depuis le début des années 2000, les compétitions internationales sont un levier important de modernisation des équipements sportifs dans les pays désignés pour les accueillir. Un projet de stade est aujourd’hui un projet d’aménagement urbain. La structure de ces stades de nouvelle génération est organisée autour d’espaces événementiels, de loisirs, de séminaires et de restauration. En effet, l’objectif est de diversifier les activités et les ressources, dans un souci de rentabilité, de rationalisation des dépenses publiques et d’optimisation de l’utilisation du stade comme équipement sportif, culturel et de loisirs.
Comme nous le savons tous, les Britanniques passent la journée au stade quand ils y vont : ils arrivent sur place dès le matin, y restent l’après-midi et consacrent la fin de journée à commenter la compétition, le tout sur un mode très convivial.
Ces stades proposent des standards très poussés en matière de sport, de confort, de sécurité et d’accueil des publics. Ils intègrent également, dès leur réalisation, les concepts et outils du développement durable.
Aussi la communauté urbaine du Grand Nancy, propriétaire du stade Marcel-Picot, ayant approuvé à l’unanimité la participation du Grand Nancy à la candidature française à l’Euro 2016 dès le 25 septembre 2009, s’est-elle engagée dans une négociation sur les principaux termes du futur contrat pour la rénovation, l’agrandissement et l’exploitation du stade, afin que ce dernier réponde au cahier des charges de l’UEFA, notamment en matière de capacité d’accueil, la structure retenue devant pouvoir recevoir 32 000 spectateurs.
Au regard des études menées par le Grand Nancy, le coût estimé s’élève entre 55 millions d’euros et 63 millions d’euros hors taxes, en fonction des hypothèses étudiées – choix d’un stade couvert ou non.
Le Président de la République ayant déclaré le projet d’intérêt national et annoncé la création d’un fonds de soutien gouvernemental de 150 millions d’euros dédié au programme de construction et de rénovation des stades accueillant la compétition, 8 millions d’euros ont ainsi été prévus pour le Grand Nancy.
Outre la participation de l’État et des collectivités locales, le programme Euro 2016 prévoit un financement à hauteur de 60 % par le secteur privé.
Parmi les différents montages de maîtrise d’ouvrage privée envisageables pour la réalisation du projet, le recours à un bail emphytéotique administratif déterminant le financement, la rénovation, l’entretien, la maintenance et l’exploitation du stade s’avère le plus adapté. La conclusion d’un tel contrat a, notamment, pour objet de permettre aux personnes publiques de valoriser leur domaine en y attirant des investisseurs privés. Le BEA permet donc à la collectivité de ne pas assurer elle-même la charge du financement des travaux de rénovation.
Cet instrument juridique souple permet de réaliser des opérations d’intérêt général ou, le cas échéant, de répondre à des missions de service public entrant dans les compétences des collectivités locales en conférant pour une longue période un droit réel au preneur sur le bien immobilier appartenant à la collectivité.
Les ouvrages existants donnés à bail ainsi que les ouvrages nouveaux réalisés par l’emphytéote en cours de contrat reviennent en pleine propriété et gratuitement à la collectivité à l’expiration du contrat, vous le savez, mes chers collègues.
Toutefois, au vu des simulations opérées, l’interdiction juridique d’octroyer une garantie publique à l’opération conduite sous forme de bail emphytéotique administratif constitue un obstacle pour la levée des financements privés, les banques liant leurs engagements à la constitution d’une garantie publique.
L’adoption de la proposition de loi, qui prévoit d’autoriser le financement de projets de ce type, est donc fondamentale.
Madame la ministre, l’Euro 2016 devra véhiculer les valeurs qui font le socle de votre action à la tête du ministère des sports : l’insertion par le sport, le développement de la pratique du sport par les femmes – elles ne représentent que 5 % des licenciés du monde du football –, la promotion de ces dernières au sein des instances dirigeantes où elles sont peu représentées, alors que nombre d’entre elles s’investissent, la lutte contre les discriminations.
Le sport est un facteur puissant d’identification. Il est le reflet de la société. La passion du football étant universelle, faisons en sorte qu’elle retrouve sa place dans le cœur de nos concitoyens et donnons le moyen aux organisateurs du championnat d’Europe de football de 2016 d’avoir des structures adaptées.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France a été sélectionnée pour organiser l’Euro 2016, et nous nous réjouissons de voir notre pays retenu pour l’accueil du troisième événement sportif le plus suivi, après la Coupe du monde de football et les jeux Olympiques.
L’organisation de cette manifestation permettra, notamment, de moderniser les infrastructures sportives de notre pays. Mais les retombées seront-elles à la hauteur des investissements nécessaires s’élevant à 1,8 milliard d’euros ?
Pour financer ces investissements et se plier aux exigences de l’UEFA, la présente proposition de loi crée un nouveau modèle économique de financement du sport et refond complètement les relations entre l’État, les collectivités et les entreprises. Elle entérine surtout le désengagement de l’État et favorise les investissements privés.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. Claude Bérit-Débat. Entre les deux, les collectivités locales devront combler ce vide et apporter des garanties, souvent exorbitantes, aux investisseurs privés.
La proposition de loi que nous examinons a pour objet de sécuriser les montages financiers en garantissant des formules juridiques, comme les partenariats public-privé, les baux emphytéotiques administratifs ou encore les contrats de concession. Mais pour cela, elle introduit des dérogations au principe d’inaliénabilité du domaine public, au code général des collectivités territoriales, au code du sport et, pire, au code de justice administrative.
Ces modes de financement des infrastructures ne sont pas sans danger. Les partenariats public-privé ne sont pas toujours une bonne affaire pour les collectivités.
M. Guy Fischer. Oh non !
M. Claude Bérit-Débat. Il faut donc prendre le temps de mesurer les conséquences de ces montages financiers et vérifier leur soutenabilité à long terme. Les risques pour les collectivités sont en effet nombreux. Ces dernières supporteront au final plus de 30 % du coût des stades, soit près de 540 millions d’euros, alors que l’État ne débloquera que 158 millions d’euros, dont 38 millions d’euros seront directement prélevés sur le budget du CNDS.
Je regrette, d’ailleurs, comme le président du CNOSF, le Comité national olympique et sportif français, que le sport amateur soit sollicité de nouveau pour financer le sport professionnel le plus riche. L’article 1er de la proposition de loi est, de ce point de vue, caricatural du désengagement de l’État. Il dispose que les stades construits sous le régime du bail emphytéotique administratif pourront bénéficier des mêmes subventions, redevances et participations financières que les ouvrages construits en maîtrise d’ouvrage publique. Cela va à l’encontre même du principe du bail emphytéotique administratif. Si cet article est adopté, les investisseurs privés auront accès à l’argent public pour financer les projets dont ils ont normalement la charge. Si les coûts sont partagés, les bénéfices le seront-ils également ? D’ailleurs, des bénéfices seront-ils dégagés ?
Pour assurer la rentabilité des investissements, le texte insiste sur l’idée de multifonctionnalité des sites. En clair, pour rentabiliser les stades de football, il faudra organiser des concerts. Il aurait peut-être fallu penser à cela au préalable, comme l’a fait remarquer mon collègue Jean-Jacques Lozach.
En tout état de cause, c’est bien la taille des enceintes qui seront construites et l’attractivité sportive du club résident qui font courir un risque aux collectivités. On le constate au Portugal où des stades construits pour l’Euro sont des gouffres financiers et sont désespérément vides. Cela devrait faire réfléchir, d’autant que la taille minimale des stades concernés par l’Euro 2016 est de 30 000 places, contenance très élevée pour certaines villes de France. Le jeu en vaut-il la chandelle ?
D’une manière générale, nous nous interrogeons sur la politique sportive du Gouvernement et sur son ambition pour promouvoir le sport en général. A-t-on besoin de stades de football trop grands quand la France, championne d’Europe, championne du monde et championne olympique de handball, est incapable d’organiser un tournoi majeur dans cette discipline, faute de salles ? L’Euro est, certes, un événement sportif international, d’ampleur mondiale. Au-delà des retombées pour les villes hôtes, il constituera surtout une vitrine médiatique pour l’ensemble du pays. Si l’Euro est bon pour la France, l’État doit donc prendre toute sa part, comme il le faisait jusque-là, dans l’organisation de cette manifestation sportive.
Dans un contexte économique difficile, alors que les dépenses des collectivités sont de plus en plus contraintes, c’est à l’État d’assumer ses responsabilités. Le présent texte, voté dans la précipitation – nos collègues du groupe CRC-SPG l’ont excellemment indiqué –, vise pourtant à organiser le désengagement de l’État. C’est un choix discutable tant sur le fond que sur la forme.
En réalité, l’attrait de l’Euro sert à occulter les grands enjeux en termes d’aménagement du territoire et de financement des infrastructures publiques. C’est pour cette raison que, comme mes collègues socialistes, sans état d’âme, je ne voterai pas le texte qui nous est soumis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au-delà de nos désaccords, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous nous sommes tous réjouis de l’organisation par la France de l’Euro 2016, y voyant un signe positif pour notre pays.
En effet, ce choix de la France mettait fin à une longue série d’échecs : les jeux Olympiques de 2012 seront organisés par Londres, le championnat du monde de basket-ball, qui s’est déroulé en 2010 en Turquie, aura lieu en 2014 en Espagne, le championnat d’Europe de handball sera organisé en 2012 en Serbie, le championnat du monde de handball se déroulera en 2015 au Qatar, le championnat d’Europe de volley-ball s’est tenu en Russie en 2007, le championnat d’Europe de volley-ball aura lieu en Autriche et en République tchèque en 2011.
Reconnaissons-le, pour promouvoir l’Euro 2016, le Président de la République avait fait preuve d’un certain lyrisme, affirmant : « Ce n’est pas un engagement de la Fédération, ce n’est pas un engagement de la Ligue, c’est un engagement de tout un peuple. […]Il n’y a pas la gauche et la droite, il n’y a pas le Sud et le Nord, il n’y a pas l’Est et l’Ouest, il y a tout un pays mobilisé pour avoir cet événement. »
Madame la ministre, après une présentation aussi lyrique et un tel succès, je m’attendais au dépôt d’un texte législatif susceptible de faire face au manque de grands équipements, tous sports confondus, que connaît notre pays et qui l’empêche de déposer sa candidature à l’organisation des grands événements sportifs.
Alors que les handballeurs français ont été quatre fois champions du monde, record inégalé à ce jour, l’état du parc des grandes salles ne permet pas à la France d’accueillir les championnats d’Europe ou du monde.
La Fédération française de basketball, quant à elle, a dû se résoudre à la coorganisation avec l’Allemagne pour obtenir l’Euro 2015.
Tous ces éléments montrent que notre pays est bel et bien confronté à un problème.
Nous reprochons, en réalité, au Gouvernement d’apporter chaque fois une réponse partielle, au coup par coup, en oubliant d’élaborer une grande loi qui permette à notre pays d’accueillir les grands événements.
Selon moi, qui suis maire de Lyon, en agissant ainsi, le Président de la République pensait peut-être au Nord et à l’Est – effectivement, la future loi permettra la réalisation du stade de Lens et celle du stade de Nancy. Toutefois, il n'a pas songé au Sud-Est, à Lyon, et nous sommes aujourd'hui les oubliés de cette discussion ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. À qui la faute ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. Je répondrai brièvement aux différents orateurs qui se sont exprimés.
Comme M. le rapporteur, je soulignerai que nous avons, avec cette proposition de loi, une occasion unique de rattraper notre retard en matière de rénovation des stades, et cela, comme l’a rappelé d'ailleurs Mme Panis, en offrant aux différents modèles financiers applicables des conditions juridiques équivalentes.
Comme vous l’avez souligné en expliquant très clairement le cas du stade de Nancy, madame Panis, il s'agit simplement ici d’établir une certaine équité entre différents modèles de financement. Nous n’imposons aucun montage aux collectivités – cette question sera laissée à leur libre appréciation –, et nous nous contentons de créer pour elles des possibilités supplémentaires.
Bien évidemment, cette proposition de loi vise particulièrement l'Euro 2016. D'ailleurs, je vous rappelle, monsieur Masson, que le rapport de Philippe Séguin était spécifique au football et portait uniquement sur les grands stades.
M. Alain Dufaut, rapporteur. C’est vrai !
Mme Chantal Jouanno, ministre. Toutefois, ce texte ne nous a pas empêchés de lancer un plan de rattrapage qui concerne vingt-cinq grands équipements dans notre pays et qui permettra à la France de se trouver, d'ici à cinq ans, au niveau des autres États européens.
Pour répondre à Jean-François Humbert, qui m’a invitée à apporter quelques précisions sur notre stratégie en la matière, j’indiquerai que nous avons pris des engagements pour les grands équipements olympiques : l'État apportera 13,3 millions d'euros au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, 8,6 millions d'euros au centre nautique de Vaires-sur-Marne et 15,9 millions d'euros au centre aquatique d’Aubervilliers. De même, nous avons dégagé une enveloppe de 50 millions d'euros sur cinq ans pour financer les projets d’Arena. Enfin, nous créerons un label « Grands équipements », comme différents rapports l’avaient d'ailleurs proposé, pour garantir que chaque enceinte aidée par l'État respecte des critères non seulement sportifs, mais aussi économiques et écologiques, ce qui assurera dans la durée la soutenabilité de ces équipements.
Ce plan « Grands équipements » est complété par un plan de rattrapage visant les équipements dits « de proximité ». Nous avons réalisé un atlas permettant de situer chaque territoire par rapport aux autres. Nous essayerons de croiser ces données avec celles qui sont relatives aux demandes des habitants des différentes collectivités en matière de pratiques sportives, ce qui nous permettra, notamment, d'identifier les départements les plus en retard. Du reste, nous avons déjà lancé un plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis qui est doté de 15 à 20 millions d'euros.
Je voudrais aussi vous rassurer sur les questions de financement. Monsieur Fortassin, vous avez absolument raison de noter que le taux de soutien de l'État, qui était de l’ordre de 30 % en 1998, sera environ de 10 % pour l'Euro 2016, si je prends en compte les 158 millions d'euros qui ont été annoncés.
Toutefois, cette enveloppe a été multipliée par trois par rapport à 1998. En outre, cette année-là, les stades étaient complètement financés par ce qui s’appelait alors le FNDS, le Fonds national pour le développement du sport. Ce dernier était donc, en quelque sorte, complètement « pompé », au détriment des projets consacrés aux sports pour tous.
M. Alain Dufaut, rapporteur. C’est vrai !
Mme Chantal Jouanno, ministre. Pour l'Euro 2016, grâce à l'amendement déposé au Sénat par M. Trucy, nous avons dégagé une ressource spécifique, ce qui nous évitera de devoir toucher aux autres projets.
S'agissant de l’enveloppe de 8 millions d'euros supplémentaires, dont plusieurs d’entre vous ont souligné l’existence, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ferons en sorte qu’elle ne pèse pas sur le budget du CNDS, le Centre national pour le développement du sport.
Enfin, j’ai entendu parler de « désengagement de l'État ». En 2000, les sommes consacrées par l'État au sport étaient de 480 millions d'euros. En 2011, elles s’élèvent à 844 millions d'euros. C'est donc un désengagement relatif !
M. Guy Fischer. Mais ce ne sont pas les mêmes qui paient !
Mme Chantal Jouanno, ministre. Pour conclure, je dirai un mot aux amoureux du football, comme Jean Boyer. Ce sport possède un potentiel inégalé de communion et de fraternité. Il est le plus apprécié et ses manifestations constituent de véritables fêtes populaires. Il doit être aussi un moment de cohésion sociale. L'Euro 2016 sera un succès non seulement si nous disposons de stades qui soient à la hauteur de l’événement, mais surtout si cette compétition met à l’honneur les valeurs sportives. Comme vous, monsieur Fortassin, je pense que, en la matière, la question centrale est celle des valeurs.
Il n'y a pas de place pour la violence dans les stades, qu’elle soit physique ou verbale, d'ailleurs, parce que la seconde cautionne la première. Il n'y a pas de place pour les dérapages, ni pour les discriminations. C'est tout l'enjeu de notre politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Collomb, Krattinger, Piras, Rebsamen et Sueur et Mme Bricq, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir l’UEFA Euro 2016, définies dans le dossier de candidature présenté par la Fédération Française de Football, et les équipements connexes permettant le fonctionnement de ces enceintes, sont déclarés d’intérêt général.
La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Les projets de construction de stades dans la perspective de l’Euro 2016 s’inscrivent dans des catégories juridiques très différentes.
Deux stades seront réalisés en maîtrise d’ouvrage publique – ceux de Toulouse et de Saint-Etienne –, quatre seront construits en PPP, c'est-à-dire en partenariat public-privé – ceux de Lille, de Marseille, de Nice et de Bordeaux – et trois bénéficieront de la proposition de loi que vous soutenez aujourd'hui, madame la ministre, à savoir ceux de Nancy et de Lens, ainsi que le Parc des Princes.
Un projet n’est pas abordé ici, parce qu’il échappe à ces catégories : celui du stade de Lyon, qui sera financé uniquement par le club de cette ville, c'est-à-dire sans aucune intervention de fonds publics.
Pourquoi avons-nous fait ce choix ? Tout simplement parce que Lyon, qui souffre peut-être du désavantage d’être une grande ville, dispose de nombreux clubs sportifs amateurs, auxquels la commune et le Grand Lyon doivent, me semble-t-il, consacrer l’essentiel de leurs efforts de financement.
En outre, les grands clubs ont la possibilité de financer sur des fonds privés ces équipements. C’est le cas, aujourd'hui, de l’Olympique lyonnais, dont les projets s’inscrivent dans le cadre de notre discussion. Ce sera le cas, demain, du club de basket de Lyon-Villeurbanne, l’ASVEL, et du LOU Rugby. Nous consacrons donc l’argent public aux clubs qui n’ont pas les moyens d’en faire autant.
C'est pourquoi nous avons monté un projet aux termes duquel l’Olympique lyonnais financera seul son stade, ce qui emportera un double avantage : la collectivité locale sera épargnée pour le présent, mais aussi pour l’avenir, alors que tel n’aurait pas été le cas avec d’autres montages. Ainsi, nous ne reportons pas sur les générations futures le coût des investissements qui sont réalisés aujourd'hui.
Quel est le rôle de la collectivité dans ce montage ? Tout simplement de faciliter les accès au stade. En l’occurrence, nous prévoyons de créer des transports en commun qui desserviront non seulement le stade, mais également l’est de l’agglomération lyonnaise dans son ensemble, une zone qui était jusque-là défavorisée. Dans cette perspective, madame la ministre, et conformément aux préconisations du rapport Séguin, nous devons prononcer au bénéfice de cet équipement une déclaration d’intérêt général.
Au travers de cet amendement, je propose donc que cette procédure ne soit pas réservée au seul Olympique lyonnais et que l’intérêt général soit déclaré pour tous les stades réalisés dans la perspective de l’Euro 2016.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est très clair !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. Je considère que cet amendement est dénué de portée normative.
M. Jean-Pierre Sueur. Il a une portée effective !
M. Alain Dufaut, rapporteur. Au demeurant, son objet ne précise pas ce que la déclaration d’intérêt général apporterait aux projets de rénovation de stades, notamment en matière de simplification administrative.
M. Alain Gournac. Les dispositions de cet amendement n’ont aucun intérêt !
M. Alain Dufaut, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. Premièrement, monsieur Collomb, je pense comme vous qu’il est préférable que les clubs privés construisent leurs équipements grâce à leurs propres financements, car ainsi nous pourrons consacrer l’argent public à des projets destinés aux sports pour tous, entre autres.
Deuxièmement, il ne faut pas exagérer la portée juridique de la déclaration d’intérêt général. Cette procédure, en tout cas telle qu’elle figure dans la loi votée en juillet 2009, ne permet ni de limiter ou d’accélérer les recours ni de réduire les délais d’enquête publique. En réalité, elle n’emporte pas de conséquences juridiques en matière d’urbanisme.
Troisièmement, la loi de juillet 2009 a fixé des conditions particulières à l’adoption d’une déclaration d’intérêt général. Elle exige, notamment, que soit prises en compte les particularités locales et l’avis émis, par exemple, par les conseils municipaux concernés. Au travers de cette proposition de loi relative à l’organisation de l’Euro 2016, nous ne pouvons donc pas poser d’emblée que tous les projets de stade sont déclarés d’intérêt général : il faut procéder à une analyse au cas par cas, sur chaque territoire.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
J'ajoute que notre soutien aux stades se manifeste par un engagement financier – 20 millions d'euros environ pour celui de Lyon – et que nous trouverons une solution pour votre projet innovant, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission de la culture.
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. À la suite de l’intervention de M. Collomb en défense de son amendement, je formulerai deux remarques, qui porteront successivement sur la forme et sur le fond.
Tout d'abord, je trouve surprenant monsieur Collomb, vous qui êtes souvent prompt à dénoncer les défaillances, les carences ou les désengagements de l’État, que vous en appeliez au Gouvernement pour régler un problème qui relève de votre compétence et dont vous êtes largement responsable. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Collomb. J’en appelle au législateur !
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Mon cher collègue, la libre administration des collectivités locales est inscrite dans la Constitution et – passez-moi l’expression – ce principe vaut pour les joies comme pour les peines !
J’en viens à ma remarque de fond, qui est la plus importante.
À mon avis, l’adoption d’un tel amendement ouvrirait la porte à d’innombrables dérogations et porterait atteinte au respect du choix et des décisions des élus locaux. Elle constituerait donc, à mon sens, un déni de démocratie.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. J’ai entendu les propos qui ont été tenus par Mme la ministre ainsi que par M. le vice-président de la commission, qui semble avoir bien écouté les explications qui lui ont été données par ailleurs…
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Je suis capable de réfléchir tout seul !
M. Gérard Collomb. Toutefois, le rapport Séguin visait justement à faciliter la mise en œuvre de projets privés lorsque ni l’État ni les collectivités territoriales n’avaient les moyens de financer de grandes enceintes sportives, ou lorsqu’ils avaient d’autres priorités.
C’est pourquoi Philippe Séguin a proposé, dans la recommandation n° 1 de son rapport, que les nouveaux grands stades et leurs équipements connexes soient reconnus comme ayant un caractère d’intérêt général, de telle sorte qu’il soit possible de desservir des espaces construits par la puissance privée, mais dont les abords seraient aménagés par les collectivités publiques.
Vous dites, madame la ministre, que mon amendement n’a aucune portée juridique. Mais, sachez, que certaines personnes ont déposé auprès du tribunal administratif un recours sur une extension de la ligne de tramway vers le parc Eurexpo, qui se trouve au sud du Grand Stade de l’Olympique lyonnais, arguant du fait que ce dernier n’avait pas obtenu de déclaration d’intérêt général. Sans déclaration d’intérêt général, on ne peut aménager les abords de ce stade pour en faciliter l’accès.
Mme Catherine Troendle. Cela n’a rien à voir !
M. Alain Gournac. Le maire fait ce qu’il veut !
M. Gérard Collomb. Le préfet a soutenu notre position, et le tribunal administratif a décidé qu’il n’était nullement prouvé que ce projet desserve le stade et donc un projet privé. Mais lorsque, demain, nous prolongerons cette ligne, il sera quelque peu difficile d’affirmer que cette extension n’aura pas pour fonction de desservir le stade !
Madame la ministre, nous n’attendons pas que vous nous donniez un blanc-seing. Nous ne vous demandons pas de nous dire qui de l’UMP, des Verts ou du PS a raison. Nous nous débrouillerons au niveau local. Nous voulons tout simplement que vous déclariez d’intérêt général tous les stades construits pour l’Euro 2016.
C’est pourquoi je demande à nos collègues, qui ont évidemment reçu la consigne de ne pas voter cet amendement,…
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Pas du tout !
Mme Catherine Troendle. Nous n’avons pas de consigne !
M. Gérard Collomb. … de penser à demain.
M. le vice-président de la commission m’a reproché tout à l'heure d’en appeler à l’État. Non, monsieur le vice-président, je ne demande pas tout à l’État ; je demande à l’État de droit de respecter le droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendle. En refusant de lancer l’enquête publique pour le Grand Stade de l’Olympique lyonnais et en conditionnant la poursuite de la procédure à la signature de la déclaration d’intérêt général par le Gouvernement, M. Collomb espère déplacer la responsabilité du retard du projet de stade de la communauté urbaine du Grand Lyon vers l’État. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Mais oui !
Mme Catherine Troendle. Cette stratégie ne fera qu’une victime : l’Olympique lyonnais !
Il a été rappelé à plusieurs reprises non seulement par Mme la ministre des sports, mais également par de nombreux élus locaux, qu’il n’existe pas de lien juridique entre les procédures d’urbanisme et la déclaration d’intérêt général.
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Absolument !
Mme Catherine Troendle. M. Collomb devrait apprendre à respecter davantage les principes d’une démocratie décentralisée et de la concertation du public.
C’est pourquoi le groupe UMP votera contre cet amendement.
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini. Politique de Gribouille !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Mon collègue Gérard Collomb ne sera pas étonné d’apprendre que je voterai contre les amendements qu’il a déposés sur ce texte, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, je voterai contre en tant que sénateur du groupe CRC-SPG, étant totalement solidaire des arguments avancés tout à l'heure par mon ami Jean-François Voguet, au nom de la défense de l’intérêt général, contre les appétits des grands groupes du BTP et contre la marchandisation toujours plus grande du sport en général.
Ensuite, je m’y opposerai également en tant que sénateur du beau département du Rhône, …
M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture. Un beau département, il est vrai !
M. Guy Fischer. … me faisant d’ailleurs l’interprète de nombreuses associations qui n’ont pas été entendues.
Je m’y oppose aujourd’hui comme je me suis toujours opposé aux différents textes législatifs votés en faveur de M. Aulas et de son OL Land. À cet égard, il serait d’ailleurs temps de rompre – c’est là tout le problème du sport professionnel, et plus particulièrement du football – avec la logique financière qui lui est chère et qui a déjà, par deux fois, obligé le Parlement à voter des textes de convenance pour répondre à ses sollicitations.
Il en a été ainsi avec la loi permettant l’introduction en bourse des clubs sportifs, que lui seul demandait et qui n’a d’ailleurs profité qu’à l’Olympique lyonnais. En ce qui me concerne, je n’achèterai pas aujourd'hui des actions de ce club ! Au demeurant, de tous les clubs professionnels, c’est le seul qui ait été introduit en bourse, les autres n’ayant absolument pas suivi la même ligne.
Il en a été aussi de même avec le cavalier législatif introduit dans le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, qui a permis de déclarer d’intérêt général tout équipement sportif, qu’il soit public ou privé, afin d’obliger les collectivités locales à investir dans tous les travaux annexes en vue de valoriser l’installation et de faciliter son accessibilité. Pour ma part, j’estime que cet outil juridique existe déjà. Une nouvelle fois, seul l’OL Land était visé. On a donc déjà délibéré par deux fois sur cette question.
Aujourd’hui, par vos amendements, ce sont de nouvelles dérogations que vous voulez obtenir au seul profit de cette seule et vaste opération immobilière et commerciale.
Vous parlez de stade, mais nous savons bien que se cache derrière cet équipement – je tiens à le dire pour avoir la conscience tranquille ! – une vaste opération immobilière, qui s’avérera, à terme, très juteuse pour les différents promoteurs, avec 1 million de mètres carrés de plancher ! Les enjeux dépassent la raison !
M. Collomb l’a dit, le stade représente certes un marché de 450 millions d’euros, mais les promoteurs sont surtout intéressés par tout ce qui sera fait autour, ainsi que par les plus-values foncières qui viendront après l’investissement public de valorisation du site.
Non content que l’article 2 de cette proposition de loi, dont nous allons débattre, permette aux collectivités d’intervenir financièrement au profit d’intérêts privés, vous nous demandez, mon cher collègue, de voter une disposition législative visant à déclarer d’intérêt général l’ensemble du projet d’OL Land, afin de couper court à toute contestation, lors des consultations obligatoires – vous avez parlé de neuf enquêtes publiques obligatoires – qui doivent s’ouvrir pour les modifications de plans locaux d’urbanisme entraînées par ce projet.
Par ailleurs, concernant ces consultations, vous nous demandez de modifier le droit en vigueur, en vue de freiner, une fois encore, la contestation qui monte autour de ce projet.
Je ne puis vous suivre sur cette voie et me désolidariserai complètement de telles demandes, en votant contre ces amendements. Il est encore temps de revoir cette question, et j’exhorte notre collègue à le faire. Une autre vision, un autre projet est encore possible – et j’ai cru comprendre que la majorité du groupe socialiste était prête à l’élaborer avec nous – pour permettre à notre belle ville de Lyon, à son grand club de foot, à ses supporters et, plus largement, à l’ensemble de sa population de participer à cette grande fête du foot, en accueillant des matchs de l’Euro 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Je voudrais ramener notre collègue lyonnais à un peu de raison et l’inviter à apprécier les risques.
Voilà précisément dix ans, en 2001, lorsque j’ai été élu président du conseil général de la Loire-Atlantique, le FC Nantes était champion de France. Aujourd'hui, ce club, actuellement seizième, espère se maintenir en deuxième division. Tels sont les aléas du sport. Il existe, dans le sport, un côté cyclique.
Sur ce sujet, chacun doit raison garder et respecter les règles du jeu, en vertu desquelles les victoires des uns et les conséquences heureuses qui s’ensuivent entraînent parfois l’usure des autres. Bien entendu, ce n’est pas ce que je souhaite à l’Olympique lyonnais, mais le risque est là, et le cours de l’action serait alors bien différent…
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 196 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 120 |
Contre | 208 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L’amendement n° 11, présenté par M. Sergent, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validé le contrat de concession conclu le 29 avril 1995, en application de la loi n° 93–1435 du 31 décembre 1993, entre l’État et la société actuellement dénommée Consortium du Stade de France pour le financement, la conception, la construction, l’entretien et l’exploitation du Stade de France, en tant que sa légalité serait contestée au motif que l’article 39.2.3 de son cahier des charges et l’article II.1 de son annexe 8 méconnaissent les règlements de consultation ayant régi la procédure de publicité tendant à son attribution et portent par suite atteinte au principe d’égal accès des candidats à l’octroi de la concession.
La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Le Conseil constitutionnel ayant annulé la loi votée le 11 décembre 1996, soit quinze ans après l’adoption de celle-ci, cet amendement concerne le contrat de concession du Stade de France signé entre l’État et le Consortium du Stade de France, alors dénommé société Consortium Grand Stade SA, en vue de la Coupe du monde de football de 1998.
La décision de signer le contrat de concession ayant été annulée par le tribunal administratif de Paris le 2 juillet 1996, c’est la loi du 11 décembre 1996 qui a validé ce contrat.
Mais cette loi est contestée par un site de revente de billets, Starlight, qui est en litige avec le Consortium du Stade de France et également en conflit avec plusieurs exploitants de salles et producteurs de spectacles qui l’accusent de concurrence déloyale.
Starlight a contre-attaqué par une question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à un particulier ou aux entreprises de contester une loi devant le Conseil constitutionnel.
Ce dernier a considéré que la loi votée a posteriori était contraire à la Constitution, car elle n’indiquait pas le motif précis dont le législateur entendait purger le contrat de concession. Par conséquent, le présent amendement vise à tenir compte de la critique formulée par le Conseil constitutionnel.
Je rappelle – et nous sommes bien dans le cadre de cette proposition de loi – que le Stade de France est actuellement le seul stade noté cinq étoiles par l’Union européenne des associations de football, l’UEFA. Il est donc indispensable qu’il soit disponible pour l’organisation de l’Euro 2016.
À cette fin, plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement doivent y être réalisés, conformément au cahier des charges auquel a souscrit la France. L’UEFA a souhaité que les travaux soient achevés en juin 2014. Comme en 1998, l’annulation du contrat de concession compromettrait notre capacité à respecter cette échéance.
La seule perspective d’un recours empêcherait d’ailleurs la société concessionnaire d’accéder aux financements nécessaires à la réalisation de ces travaux et de procéder à leur amortissement sur la durée restante du contrat de concession.
Quant à l’État, l’application des règles entourant l’exercice de la maîtrise d’ouvrage publique ne lui permettrait sans doute plus, aujourd’hui, de mener ces travaux dans les délais impartis.
La validation législative du contrat de concession est aussi justifiée par l’importance économique du Stade de France, comme elle l’était en 1996. Je rappelle que, dans cette enceinte, cette loi avait été défendue notamment par M. Jean-Patrick Courtois, qui en était le rapporteur.
Pour les entreprises ayant conclu des contrats avec la société concessionnaire, comme pour la société concessionnaire elle-même, l’interruption de tout ou partie de leur activité qui résulterait de la remise en cause du contrat de concession est susceptible d’avoir des conséquences négatives importantes, en particulier sur l’emploi, y compris dans la ville de Saint-Denis et les communes alentour.
Enfin, au regard de la jurisprudence du Conseil d’État en matière de nullité des concessions, les conséquences financières auxquelles s’exposerait l’État dans ce cas ne doivent pas non plus être négligées.
En conclusion, profitant du présent véhicule législatif pour tenter de régler ce problème, j’ai présenté cet amendement afin d’éviter tout vide juridique qui serait très préjudiciable à l’État et à l’ensemble des parties prenantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. Le présent amendement portant article additionnel vise à valider le contrat de concession passé entre l’État et la société Consortium du stade de France en 1995. La précédente loi de validation du 11 décembre 1996 a en effet été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel répondant à une question prioritaire de constitutionnalité en février dernier.
Toutefois, considérant que cette décision n’entraîne pas automatiquement l’annulation du contrat de concession et qu’il n’existe donc pas d’urgence à sa validation, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. En répondant à une question prioritaire de constitutionnalité en février dernier, le Conseil constitutionnel a effectivement considéré que la loi de 1996 qui validait le contrat entre l’État et le concessionnaire du Stade de France était contraire à la Constitution, parce que le législateur, en ne précisant pas le motif d’illégalité dont il entendait purger l’acte contesté, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs.
Je conçois que le rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative » soit préoccupé par cette situation, comme nous l’avons d’ailleurs été.
Pour autant, l’analyse juridique que nous faisons de cette décision diverge quelque peu, puisqu’il ne nous semble pas nécessaire de prendre une nouvelle disposition législative, cela pour deux raisons.
Premièrement, la décision du Conseil constitutionnel n’entraîne pas la nullité du contrat qui lie l’État au concessionnaire. Par conséquent, l’accueil des matchs de l’Euro 2016 au Stade de France n’est pas remis en cause par cette décision du Conseil constitutionnel.
Deuxièmement, une nouvelle disposition législative serait potentiellement de nouveau « sanctionnable », puisqu’elle ne répondrait pas aux critères définis par le Conseil constitutionnel en matière de loi de validation, laquelle suppose de répondre à un objectif d’intérêt général dit « suffisant », motif qui peut être la continuité du service public ou une menace pour la paix publique.
En tout état de cause, un motif purement financier n’est pas considéré comme un objectif d’intérêt général suffisant et serait irrecevable. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Madame la ministre, je vais me permettre de soutenir l’amendement qui vient d’être présenté par notre collègue, en demandant à notre assemblée de s’interroger.
À force de valider a posteriori par la loi, par des propositions partielles, par des lois de validation, des actes constitutifs faute d’avoir légiféré initialement, on aboutit à la situation cocasse du Stade de France. En effet, on s’aperçoit aujourd’hui, seize ans après sa construction, que celle-ci non seulement ne répondait pas aux normes, mais avait été illégale et dérogatoire !
Les deux amendements que nous déposons, M. Michel Sergent et moi-même, visent donc à sortir de cette situation grâce à une véritable loi permettant de consolider juridiquement l’ensemble des constructions sportives.
J’ai entendu les réponses d’un certain nombre de collègues.
J’invite Mme Catherine Troendle, si elle me le permet, à venir dans l’agglomération lyonnaise.
Mme Catherine Troendle. Je la connais !
M. Gérard Collomb. Je me ferai un plaisir de lui faire découvrir le site du Grand Montout, sur lequel sera implanté le stade de football de l’Olympique lyonnais et dont les alentours sont bucoliques ! (Sourires.) Elle verra que ce stade permettra de donner à l’ensemble de ce secteur un nouveau dynamisme !
Je ne partage pas l’avis de mon collègue Guy Fischer, sénateur du Rhône, qui considère le projet économique de l’Olympique lyonnais comme un business plan destiné à garantir l’avenir du club malgré les aléas sportifs que soulignait notre collègue tout à l’heure : au foot, on n’est jamais premier !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Gérard Collomb. Autour du stade, il est vrai que l’on développe un hôtel, des locaux de bureaux, des zones commerciales consacrées à l’Olympique lyonnais pour enraciner ce projet sportif dans un véritable modèle économique et faire en sorte que la collectivité locale ne soit pas soumise aux aléas de la conjoncture sportive.
J’interroge mon collègue et ami élu de Vénissieux. De grands groupes, tels que Ikea, Leroy Merlin, tout aussi capitalistiques que l’Olympique lyonnais me semble-t-il, souhaitent s’installer au Puisoz, sur un terrain qui est en friche depuis de nombreuses années et que la municipalité de Vénissieux souhaite aménager. La communauté urbaine de Lyon devra alors construire un échangeur et des routes d’accès. Devrais-je m’opposer à ces demandes, sous le prétexte qu’il s’agit d’un affreux projet au service du capitalisme international, ce qui est d’ailleurs parfaitement exact pour Ikea ?
Qu’il soit conséquent avec lui-même ! Si on renonce au stade parce qu’il y a effectivement un projet économique capitalistique, il faut également renoncer à tous les projets économiques capitalistiques. Si mon collègue me le demande, j’arrêterai demain le projet que je suis en train d’essayer de faire aboutir sur le terrain du Puisoz à Vénissieux, et nous essaierons d’inventer un autre modèle économique que celui que nous avions conçu. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote.
M. Michel Sergent. Je vous ai bien entendue, madame la ministre. Vous prétendez que ces questions ne nécessitent pas une loi. Toutefois, les dirigeants du Stade de France, conseillés par un certain nombre de cabinets, m’ont donné une autre analyse de la situation. Vous imaginez d’ailleurs bien que je n’aurais pas présenté cet amendement dans le cas contraire ! En tant que rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », connaissant les indemnités payées tous les ans par l’État, j’avais estimé que nous ne pouvions pas laisser le Stade de France dans cet état.
Parce que nous ne devons pas aggraver la situation financière en laissant un vide juridique, j’ai déposé cet amendement, lequel, me disait-on, était l’unique façon de faire face à ce qui aurait pu être une impasse. Or, madame la ministre, vous m’assurez de l’inverse ; la commission et certains intervenants ont évoqué un autre véhicule législatif. Je ne sais donc plus à quel saint me vouer !
Cet amendement sera-t-il adopté cet après-midi ? Je ne le pense pas ! En effet, ne nous leurrons pas, mes chers collègues : il faut aujourd’hui voter conforme, pour aller vite.
M. Claude Domeizel. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Mirassou. Effectivement !
M. Michel Sergent. Demain, on regrettera peut-être de ne pas avoir « blindé » les choses par voie législative.
Très honnêtement, je veux bien vous croire, madame la ministre, et j’aurais probablement grand tort de ne pas le faire. Toutefois, face à la somme des avis divergents qui m’ont été soumis, je ne voudrais pas que, dans la perspective de l’Euro 2016, seul le Stade de France soit pénalisé dans cette affaire. (M. Jean-Jacques Lozach applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Chantal Jouanno, ministre. Je vous répondrai rapidement, monsieur le sénateur, afin de bien préciser la situation.
Tout d’abord, la loi du 11 décembre 1996 concernait non pas le projet de stade lui-même, mais uniquement le contrat qui lie le concessionnaire à l’État.
Ensuite, le Secrétariat général du Gouvernement me confirme que cela ne remet absolument pas en cause le contrat qui lie l’État au concessionnaire, ce qui est même dommage ! En effet, nous aurions peut-être pu renégocier les cinq à sept millions d’euros que nous versons chaque année, ce qui nous aurait arrangés.
Je vous confirme donc que, selon le Secrétariat général du Gouvernement, un nouvel acte législatif n’est pas nécessaire, puisque le contrat n’est pas remis en question.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. Bien des choses ont été dites. Avant d’en venir au fond, je tiens à souligner que, selon moi, l’adoption de cet amendement ne pourrait se faire que si le Gouvernement retirait la procédure accélérée.
En effet, l’Assemblée nationale n’ayant pas eu à débattre de l’article additionnel particulièrement important qu’il est proposé d’insérer, la moindre des choses serait d’organiser une deuxième lecture en son sein, afin de permettre à la représentation nationale de s’exprimer réellement sur cette proposition de loi. À notre avis, une commission mixte paritaire ne saurait suffire.
En revanche, deuxième lecture ou pas, vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que nous nous abstenions sur cet amendement déposé par notre collègue Michel Sergent.
En effet, rien ne justifie une telle précipitation, l’Euro 2016 n’ayant lieu que dans cinq ans. Nous avons donc largement le temps de réviser la convention qui lie l’État et la société Consortium Grand Stade SA. Cela fait maintenant seize ans que cette concession est le cadre légal de gestion, d’exploitation du Stade de France. Aussi considérons-nous que la décision du Conseil constitutionnel déclarant que la loi validant le contrat de concession signé le 29 avril 1995 était contraire à la Constitution doit être pour le législateur l’occasion de revoir les termes de cette concession.
Rappelons tout de même que si nous en étions venus à promulguer une loi de validation de ce contrat, c’est parce que le tribunal administratif l’avait annulé le 2 juillet 1996, pour d’autres motifs que ceux qui sont invoqués aujourd’hui par le Conseil constitutionnel. Nous étions alors à deux ans de la Coupe du monde et les travaux avaient commencé. Déjà, à cette époque, nous vous avions alertés sur le bricolage législatif que constituait le projet de loi alors présenté et nous avions dénoncé les conditions financières que celui-ci fixait. Depuis, lors de chaque discussion budgétaire, nous dénonçons les sommes versées au Consortium Grand Stade SA : plusieurs millions d’euros sont pris sur le budget consacré au sport, en compensation de l’absence d’équipe résidante. En fait, depuis plus de treize ans, nous versons tous les ans dans ce cadre une somme considérable, qui ne fait qu’enrichir un peu plus les actionnaires de ce consortium.
Ne serait-il pas temps de profiter de la décision du Conseil constitutionnel pour mettre à niveau cette convention, en prenant en compte les réalités du moment, ainsi que les comptes réels de cette société, qui, chacun le sait, n’est pas en déficit ? Il est d’autant plus facile de le faire, et ce dans des délais raisonnables, que nous disposons des comptes d’exploitation et non plus de simples budgets prévisionnels.
En outre, nous connaissons l’état de cet équipement et les travaux d’entretien qui doivent y être réalisés, ainsi que les investissements rendus nécessaires, y compris en raison de l’organisation de l’Euro 2016.
Enfin, nous avons un planning des événements programmés sur de longs mois et même de nombreuses années.
En réalité, nous avons tous les éléments en main pour parvenir rapidement au montage d’une nouvelle convention d’exploitation de ce grand équipement, convention qui respecte les intérêts de chacun des signataires.
Par ailleurs, s’il fallait légiférer pour valider cette nouvelle convention, un projet de loi aurait l’immense mérite de nous présenter une étude d’impact. Celle-ci nous permettrait de disposer d’éléments d’analyse, qui, aujourd’hui, nous font cruellement défaut pour légiférer en toute sérénité et parfaitement conscients des implications de nos choix, bref, de façon éclairée.
Tels sont les arguments qui nous amènent à nous abstenir sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 est-il maintenu, monsieur Sergent ?
M. Michel Sergent. Compte tenu des explications de Mme la ministre, qui s’appuie sur un avis du Secrétariat général du Gouvernement, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 est retiré.
Article 1er
Les projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir l’UEFA Euro 2016 ainsi que des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci, réalisés sous le régime du bail emphytéotique administratif, sont éligibles aux mêmes subventions, redevances et autres participations financières que s’ils étaient soumis au régime de la loi n° 85–704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.
Les modalités de l’échéancier de versement de ces subventions, redevances et autres participations financières peuvent être adaptées à la durée du bail emphytéotique administratif.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l'article.
M. Gérard Collomb. Madame la ministre, vous avez affirmé tout à l’heure qu’une déclaration d’intérêt général n’était pas nécessaire pour réviser le PLU et lancer les neuf enquêtes publiques évoquées tout à l’heure par nos collègues. Il faut en effet, je le répète, neuf enquêtes publiques différentes afin de pouvoir réaliser le Grand Stade, ce qui signifie que tout un chacun pourra s’exprimer sur cette question.
Bien évidemment, votre argument nous troublerait quelque peu et nous avons donc demandé à un certain nombre de juristes ce qu’il en était.
Il se trouve que ces juristes n’ont pas exactement la même analyse que le ministère des sports. Ils l’affirment, dès lors que l’outil juridique de la déclaration d’intérêt général est entré en vigueur, il a vocation à être utilisé préalablement aux autres procédures, si l’équipement en question, d’une part, entre dans le cadre défini au I de l’article 28 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, d’autre part, nécessite les opérations des collectivités territoriales visées au II du même article.
Nos juristes concluent que tel est indéniablement le cas du Grand Stade, et c’est la raison légitime pour laquelle l’Olympique lyonnais a déposé une demande en ce sens.
Mes chers collègues, comprenez bien le piège infernal dans lequel nous sommes ! On nous dit que, la déclaration d’intérêt général n’étant pas nécessaire, nous pouvons lancer les enquêtes pour réviser le PLU et étudier l’ensemble des dessertes afférentes au stade.
Mais dès que nous aurons lancé ces enquêtes, on nous reprochera de ne pas disposer d’une déclaration d’intérêt général ! Nous sommes donc pris entre l’enclume et le marteau.
Comme nous n’avons pas vocation à mourir écrasés, nous nous tournons vers vous, madame la ministre. Veut-on, aujourd’hui, que Lyon participe à l’Euro 2016 ? Mieux ! nos amis turcs ne pourraient-ils pas à juste titre considérer que la décision d’organiser en France l’Euro 2016 a été pipée, dans la mesure où dans les stades qui étaient présentés il y avait le dossier, non pas de Lyon, mais du Grand Montout, du stade dont nous parlons actuellement et pour lequel le Gouvernement refuse d’accorder la déclaration d’intérêt général ?
Au lieu de m’interroger, j’adopterais volontiers l’attitude de mon collègue, qui choisit d’attendre et de faire confiance ! Toutefois, plus nous attendons, plus nous perdons du temps dans le cadre du calendrier de l’Euro 2016. Lors de la dernière réunion qui s’est tenue avec Michel Platini, le choix des stades a de nouveau été remis à plus tard. Peut-être l’intention était-elle de nous donner une dernière chance de sortir de cet imbroglio juridique ! Quoi qu’il en soit, les Lyonnais, dont 74 % sont favorables à la réalisation de ce stade, attendent avec impatience que la décision soit prise.
MM. Jean-Patrick Courtois et Alain Gournac. En plus de l’enclume et du marteau, il y a la faucille !
M. Gérard Collomb. Cela vient après ! C’est comme Wilkinson : d’abord on plie, ensuite on rase !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais pas gratis ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l'article.
M. Jean-Marc Todeschini. L’article 1er vise à permettre aux projets de construction ou de rénovation des stades destinés à accueillir l’Euro 2016 sous le régime du bail emphytéotique administratif, le BEA, de devenir éligibles aux mêmes aides que celles qui sont versées par les collectivités locales dans le cadre des projets conclus sous le régime de la maîtrise d’ouvrage publique.
Concrètement, cet article permettra à un opérateur privé d’obtenir des subventions publiques de la part de l’ensemble des collectivités, y compris de la collectivité bailleresse.
Rappelons tout de même que, dans une situation classique, un BEA est contraignant pour le partenaire privé : dans le cadre de la réalisation d’un stade, le club supporte à la fois le risque d’exploitation et le risque de construction.
Tout l’intérêt du BEA réside dans cet équilibre financier que cet article de loi tend à supprimer dans le cadre de la construction et/ou de la rénovation des stades retenus pour l’organisation de l’Euro 2016.
On le voit bien, la conséquence d’une telle disposition sera de supprimer, pour l’opérateur privé, tous les inconvénients d’un tel partenariat. En revanche, il en conservera les avantages, faisant alors supporter le déséquilibre financier du contrat par la seule collectivité publique.
Il s’agit ni plus ni moins d’une logique de privatisation des profits et de mutualisation des pertes.
M. Guy Fischer. C’est bien vrai !
M. Jean-Marc Todeschini. Au-delà de mon opposition de principe à l’esprit de ce texte, je souhaite évoquer plus particulièrement ici son caractère discriminatoire et l’atteinte qu’il porte à la concurrence.
Sous couvert de l’urgence, laquelle découle des conditions irréalistes fixées par l’UEFA, le Gouvernement va introduire un régime juridique inéquitable et discriminatoire entre les différents clubs de football professionnels français, puisque le nouveau régime du BEA ne bénéficiera dans les faits qu’à trois enceintes retenues pour la compétition : celles de Nancy et de Lens ainsi que le Parc des Princes à Paris. Il s’agit bien, pour quelques heureux élus, d’un véritable régime d’exception, qui aurait pu être généralisé à l’ensemble des clubs intéressés.
L’adoption de cette proposition de loi de pure opportunité aura pour conséquence de créer un régime à deux vitesses, dont les effets discriminatoires se font déjà sentir, par exemple pour ce qui concerne le projet de rénovation du stade Saint-Symphorien de Metz. Cette enceinte, non retenue pour l’organisation de l’Euro 2016, ne pourra pas bénéficier des dispositions prévues par ce texte, alors même que la rénovation, qui s’appuiera sur un BEA, sera réalisée en même temps que les projets concernant les trois enceintes retenues pour l’Euro 2016.
Nous voyons ici toute l’injustice de cette proposition de loi, qui va lourdement pénaliser ce projet pour la simple raison qu’il n’a pas été retenu dans la liste définitive des douze sites.
Nous sommes bien loin des bonnes intentions affichées par la majorité sur ce dossier, laquelle met sans cesse en avant la chance offerte par l’organisation de cet événement sportif de procéder à une vaste modernisation des stades français.
En réalité, seule une minorité d’enceintes vont bénéficier de cet élan, dans une vision à court terme ne dépassant pas 2014.
La majorité avance pourtant l’idée que cette proposition de loi a un caractère exploratoire, qu’elle est un galop d’essai et que ses dispositions ont vocation à être généralisées par la suite si ses effets sont jugés convaincants.
Dans ces conditions, il m’apparaît un peu hasardeux de conduire une expérimentation grandeur nature, ayant valeur d’étude d’impact, tout en refusant tout débat en amont au moyen d’une manœuvre juridique – nous présenter ce texte sous la forme d’une proposition de loi – destinée à éviter toute étude d’impact et à contourner l’avis préalable du Conseil d’État ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l'article.
M. Jean-Jacques Lozach. L’objet de l’article 1er, c’est de faciliter l’octroi d’aides publiques pour les baux emphytéotiques administratifs par un système dérogatoire portant sur des BEA qui constituent eux-mêmes, par nature, une dérogation au principe d’inaliénabilité du domaine public.
Vous voulez déroger à une dérogation par un arrangement juridique qui place en position de force les acteurs privés, le BEA étant pourtant censé respecter une règle stricte d’équilibre financier entre les partenaires.
Nous sommes dans la logique du toujours plus d’argent dans le sport, dans la logique du football marchandise et de la spirale de l’argent.
En la matière, nous devons être prudents compte tenu du contexte dans lequel évolue actuellement le football. S’agissant de l’exploitation future de ces stades, attention à ce que certains annoncent déjà comme un « krach du foot-business ».
Malgré le rôle bienfaiteur, pour les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, de la DNCG, la direction nationale du contrôle de gestion, la situation des clubs demeure fragile. Certains d’entre eux sont déficitaires pour la saison 2009-2010.
Dans son ouvrage publié ce mois-ci et intitulé « Économie du football professionnel », l’universitaire Bastien Drut n’écrit-il pas : « Il faut s’attendre à ce que plusieurs clubs, parmi les plus endettés, fassent faillite et disparaissent de l’élite du football professionnel » ?
Son diagnostic est sans appel. Il rejoint la préconisation récente de la Cour des comptes incitant les collectivités à la prudence face aux dérives du sport business et à l’endettement des clubs professionnels.
Je ne suis pas opposé, par principe, aux financements mixtes, aux partenariats public-privé, aux BEA, qui concernent trois enceintes : Lens, Nancy et le Parc des Princes. Je ne suis pas naïf au point de penser que, dans une économie de marché, le sport peut se développer sans moyens sonnants et trébuchants. Je suis seulement pour la réduction, autant que faire se peut, des risques encourus dès lors qu’il s’agit d’argent public.
Sans vouloir faire offense au club de Nancy, cher au président de l’UEFA, je m’interroge aussi sur la pertinence de faire profiter le stade de cette ville d’un tel système. La moyenne de spectateurs se rendant aux matchs de l’AS Nancy-Lorraine est actuellement d’un peu plus de 15 000 pour une capacité de 20 000 places environ. Le projet de stade pour l’Euro 2016 fait passer à 30 000 spectateurs la capacité d’accueil. On peut douter du taux de remplissage une fois la compétition passée ! C’est, me semble-t-il, l’avis majoritairement exprimé par la région Lorraine et par le conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Nancy n’est qu’un exemple. Je pourrais également évoquer les positions exprimées par plusieurs villes au cours de ces derniers mois, notamment Strasbourg, Nantes ou Rennes. J’essaie simplement de montrer ici à quel point ce texte est circonstanciel. Comme la démonstration en a été faite voilà quelques instants, les circonstances étaient bien choisies.
Je pense qu’une étude d’impact aurait su prouver mieux que je ne l’ai fait les incohérences de ce texte. Malheureusement, comme vous le savez, nous nous sommes épargné ce désagrément puisqu’il s’agit en l’occurrence d’une proposition de loi et non d’un projet de loi. L’avis du Conseil d’État n’est, lui non plus, pas exigé. Croyez bien que nous le regrettons. (Mme Gisèle Printz et M. Ronan Kerdraon applaudissent.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Cette proposition de loi nous est présentée comme un texte d’expérimentation éventuellement généralisable à l’avenir.
Quand je vois les dérogations que l’article 1er met en place, je m’inquiète de leur généralisation et des conséquences pour les collectivités.
Je pense en effet que cet article, d’ailleurs comme l’ensemble des autres articles de cette proposition de loi, contient des dispositions qui leur sont potentiellement défavorables.
À ce titre, je tiens à dire que, selon moi, ce n’est pas parce qu’un montage juridique et financier est présenté comme moderne qu’il s’agit là d’un gage de pérennité.
Concernant les BEA, par exemple, je ne comprends pas la logique qui consiste à dire qu’il faut rendre cette formule aussi « accessible » que les contrats de partenariat.
Je me demande même si le législateur doit réellement se prononcer sur ce point. Dans cette perspective, en effet, ne doit-on pas considérer qu’il suffirait de dire tout simplement aux collectivités « Faites un contrat de partenariat » pour que le problème soit résolu ?
Il est vrai que cet article introduit en réalité des dispositions dérogatoires pour permettre à trois villes de rénover leur stade, comme l’a dit mon collègue Jean-Jacques Lozach.
On touche là au problème fondamental de ce texte : au lieu de légiférer de manière générale, comme nous sommes censés le faire, nous sommes obligés de nous prononcer sur des mesures tout à fait singulières, pour des cas particuliers, au coup par coup.
Cela ne correspond pas à ce que notre mission de législateur exige.
C’est d’autant plus inadmissible que nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte de dérogations et que, de surcroît, on apprend dans le rapport de l’Assemblée nationale que ces dérogations sont susceptibles de devenir la règle !
Et comme si cela ne suffisait pas, on glisse vite d’un texte de dérogations à un texte d’exceptions puisque les grands gagnants seront les opérateurs privés.
Là encore, l’exemple des BEA est particulièrement parlant : même dans le cas où la rénovation du stade sera terminée, les subventions pourront être étalées jusqu’à expiration du bail, c’est-à-dire jusqu’à 99 ans si le bail est de 99 ans !
On le voit, tout est fait pour imposer l’idée que la solution passe par les opérateurs privés, mais, en réalité, on voit bien que c’est la puissance publique qui sera encore et toujours l’ultime garante.
Et par puissance publique, j’entends non pas l’État, mais les collectivités !
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Claude Bérit-Débat. C’est en effet l’un des autres paradoxes de cette proposition de loi : un événement d’ampleur nationale va reposer presque exclusivement en dernier ressort sur les collectivités. L’État oublie ses responsabilités. Ce texte est donc aussi et avant tout celui de son renoncement.
En 1998, il avait financé 30 % des stades pour l’accueil de la Coupe du monde. En 2016, il participera seulement à hauteur de 7 %, et de quelle manière : un prélèvement sur les jeux et une ponction du CNDS ! Le tour de passe-passe auquel vous vous êtes livrée tout à l’heure, madame la ministre, n’y changera rien.
Les collectivités, en revanche, devront octroyer des subventions et, surtout, donner des garanties financières. Ce sont donc bien elles qui supporteront l’essentiel de l’effort et non pas l’État.
Or les risques existent. Rappelons les recommandations de la Cour des comptes en la matière. Celle-ci conseille en effet « la prudence dans l’appréhension de l’économie globale de la construction d’équipements dont la rentabilité n’apparaît pas nécessairement sur la durée de vie prévisible de l’investissement ».
La prudence, justement, n’est pas de mise dans ce texte, qui confond vitesse et précipitation et met potentiellement en péril les finances des collectivités.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, je ne voterai pas cet article.
MM. Jean-Jacques Mirassou et Ronan Kerdraon. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Voguet, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Renar et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Lozach, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Jean-François Voguet. L’article 1er permet au partenaire privé d’une collectivité territoriale avec laquelle il a conclu un contrat de bail emphytéotique administratif de toucher les mêmes subventions et redevances qu’un maître d’ouvrage public sous le régime de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.
C’est donc un véritable régime d’exception qui est mis en place dans l’unique but de parvenir, par tous moyens, à la construction d’équipements sportifs à même d’accueillir l’Euro 2016.
Finalement, ce texte a pour objet, à titre dérogatoire, d’aligner le régime du bail emphytéotique administratif sur celui des partenariats public-privé, ce qui permet d’utiliser l’argent public au profit de projets entièrement menés par des entreprises privées.
Les baux emphytéotiques administratifs sont normalement conclus à la condition que le projet soit d’intérêt général ou concerne certains types d’équipements déterminés par la loi, dont les équipements sportifs font partie.
Une collectivité loue ainsi pour une durée pouvant aller jusqu’à 99 ans un terrain à un maître d’ouvrage public ou privé, qui peut y construire un ouvrage sur lequel il dispose de droits réels de la propriété.
L’intérêt de cet article réside dans le fait que les partenariats public-privé sont extrêmement contraints ; il s’agit donc d’en accorder les mêmes intérêts aux entreprises sans pour autant leur imposer les conditions normalement requises.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État vérifient en effet scrupuleusement l’urgence, la complexité et le caractère économique du projet qui conditionnent la conclusion d’un partenariat public-privé.
En outre, les marchés publics sont impossibles pour les grands équipements compte tenu de la pénurie organisée des finances publiques : les collectivités ne peuvent plus payer le montant du contrat à sa signature comme l’exige le code des marchés publics.
Aussi, le bail emphytéotique permet de contourner le code des marchés publics et d’étaler les coûts du contrat tout en ayant une relative maîtrise de la construction de l’ouvrage : contrairement au partenariat public-privé, aux termes duquel le partenaire privé peut déterminer les caractéristiques de l’équipement, la collectivité publique, dans un bail emphytéotique, doit toujours établir un cahier des charges précis et conforme à l’intérêt général, sous le contrôle rigoureux du juge administratif.
Il s’agit donc de faire comme si les opérateurs privés portaient, comme les personnes publiques, l’intérêt général qui justifie tout financement public afin de permettre que les baux emphytéotiques puissent obtenir des participations financières publiques, alors même que la collectivité participe déjà dans ce cadre au financement de l’équipement en question.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Claude Bérit-Débat. Cet article 1er pourrait tout à fait être qualifié d’article nancéen tant il est taillé sur mesure pour la situation spécifique de la rénovation du stade de Nancy.
Certes, le régime du bail emphytéotique concerne trois stades, mais seul le projet de financement de Nancy ne pourrait absolument pas voir le jour sans le dispositif prévu à l’article 1er.
Tous les défenseurs de cette proposition de loi s’accordent à dire que l’adoption de son article 1er est une condition nécessaire aux projets de Nancy, de Lens et du Parc des Princes.
Je vous rappellerai néanmoins, mes chers collègues, à toutes fins utiles, que le projet de rénovation du Parc des Princes, s’il est bien porté par un BEA, ne fera intervenir aucun financement public de la part de la Ville de Paris.
En outre, initialement, ce projet de rénovation n’était pas inclus dans l’enveloppe des 150 millions d’euros promise par le Gouvernement.
Les projets incluant un BEA ne sont donc pas tous conditionnés à l’adoption de cette proposition de loi, comme l’on aurait trop tendance à vouloir nous le faire accroire.
En proposant d’ouvrir le bénéfice des subventions, redevances et participations financières des collectivités locales aux projets de construction ou de rénovation de stades destinés à accueillir le championnat d’Europe de football de l’UEFA 2016, ainsi qu’à leurs équipements connexes, réalisés sous forme de BEA, vous alignez de fait le régime du BEA sur celui des partenariats public-privé.
D’ailleurs, cet article 1er reprend la formulation de l’article 25–1 de l’ordonnance n° 2004–559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.
À cela, il faut ajouter la possibilité d’échelonner ces aides financières sur toute la durée du BEA, soit bien après la fin des travaux de rénovation ou de construction des stades. C’est donc bien l’équilibre financier du BEA que vous remettez ainsi en cause, et ce au seul bénéfice de l’opérateur privé.
Lorsqu’il a été question de légiférer sur les agents sportifs ou les jeux en ligne avec l’imminence de la Coupe du monde de football en ligne de mire, ce qui a caractérisé votre politique ou plutôt votre non-politique sportive, comme aujourd’hui encore, c’est à la fois la précipitation, le manque d’anticipation et le traitement du sport business, du sport spectacle uniquement.
Nous regrettons ainsi l’absence d’un texte législatif plus global s’intéressant également aux équipements sportifs de proximité. Car plus de 50 % de nos équipements sportifs ont plus de vingt-quatre ans.
Selon l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, nos installations sont dans un état de vétusté prononcé et la rénovation de près de 200 000 équipements constituera l’enjeu majeur pour l’avenir du sport en France dans les prochaines décennies.
Mais de ce dossier crucial en matière de sport de masse, de sport pour tous et d’accès au sport dans les territoires, il n’est nullement question dans cette proposition de loi.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. L’article 1er prévoit que les projets de construction ou de rénovation des onze stades précités réalisés sous le régime du BEA soient éligibles aux mêmes subventions, redevances et autres participations financières que s’ils étaient réalisés sous le régime de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP ».
Je note déjà qu’un dispositif du même type pour les partenariats public-privé, ou PPP, a été adopté ici même en 2009 sans que les sénateurs ne s’en soient réellement émus.
Par ailleurs, si l’on empêche l’adoption de cet article, le plus probable, pour les deux stades concernés, c’est que le régime du BEA sera abandonné au profit de la délégation de service public et que les collectivités territoriales finiront par être le financeur exclusif et intégral des rénovations de ces stades. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Ce n’est pas le but recherché !
M. Jean-Jacques Mirassou. Tu parles !
M. Alain Dufaut, rapporteur. Je vous avais clairement indiqué en commission ma conviction selon laquelle la mixité des financements était une voie d’avenir plutôt favorable aux collectivités. Je persiste à le penser. Aussi, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. Comme le rapporteur vient de le rappeler, l’objectif de cet article est de permettre la construction des stades dans les villes de Nancy et de Lens. Quant à Paris, l’affaire n’est pas terminée.
Comme cela vient d’être indiqué, les enceintes qui sont construites grâce à des partenariats public-privé bénéficient aujourd’hui des mêmes dispositions que celles qui sont construites sous le régime de la maîtrise d’ouvrage public.
D’ailleurs, le PPP a été utilisé pour la communauté urbaine de Lille, et je n’ai pas le souvenir que votre collègue Michelle Demessine s’en soit plaint.
Comme vous le savez, aujourd’hui le BEA a un régime différent des autres dispositifs. À nos yeux, il serait préférable d’établir une certaine neutralité entre ces différents dispositifs, comme l’a bien compris le sénateur socialiste Daniel Percheron.
L’objectif est le suivant : il s’agit, d’une part, d’alléger la dépense publique et de permettre que des financements privés soient attribués à des projets privés ; il s’agit, d’autre part de combler notre retard et, grâce au BEA, de permettre aux clubs de disposer d’actifs et donc d’assainir leur situation financière qui repose aujourd’hui sur les subventions publiques, sur les droits télévisés ou, pire, sur la « vente » de joueurs – d’ailleurs, beaucoup de clubs expliquent leurs problèmes par leur difficulté à « vendre » des joueurs.
Par ailleurs, on s’interroge sur les taux de remplissage des stades. Les difficultés de remplissage sont, en général, liées au manque de confort des stades. Au contraire, en Allemagne, grâce à cette rénovation, les taux de remplissage ont augmenté de plus de 50 %. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
J’ajoute deux précisions sur les choix de l’UEFA. D’une part, l’UEFA choisira des villes, plus précisément des villes hôtes, et non des stades. D’autre part, la date finale de sélection des stades risque effectivement d’être reportée. Cela vient non pas des difficultés rencontrées par les uns ou par les autres, mais du changement de statut de la Fédération française de football. Le président de cette instance estime qu’il est difficile de s’appuyer sur un conseil fédéral qui n’est pas nouvellement élu, qui n’a pas de légitimité afin de pouvoir proposer ces stades.
En conséquence, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Madame la ministre, je vais essayer de continuer mes explications.
Je remercie d’ailleurs le rapporteur de m’avoir, au détour d’une phrase, donné un petit coup de main pour m’inciter à poursuivre dans la voie du volontariat.
En effet, il nous a expliqué qu’au départ tous les stades étaient réalisés dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage public et qu’ensuite l’un de nos collègues, alors président de la communauté urbaine de Lille, avait fait voter au Sénat un amendement pour réaliser un PPP – un premier stade était ainsi franchi. Aujourd’hui, on en est à la reconnaissance des BEA. Demain, peut-être finira-t-on par reconnaître le modèle du stade lyonnais.
Le modèle de ce stade est-il unique en France ? Serions-nous un cas d’espèce posant des difficultés d’interprétation ? Non, puisque en région parisienne, à Nanterre, on va construire, sur le même modèle qu’à Lyon, un stade de rugby,…
M. Alain Gournac. Exact !
M. Gérard Collomb. … l’Arena de Nanterre. Le conseil municipal de Nanterre a suivi la même voie que nous mais avec plus de rapidité. Il a d’abord demandé, en juin 2010, une déclaration d’intérêt général, ou DIG, et révisera son plan local d’urbanisme, ou PLU, dans quelques semaines, en mai ou en juin, comme nous avions prévu de le faire pour le stade de Lyon.
Pourquoi, à Nanterre, on accorde la DIG en l’espace de deux mois, et, à Lyon, on ne l’accorde pas ? L’Olympique lyonnais l’avait demandée au mois de janvier 2010. Le 23 juillet, Mme Roselyne Bachelot-Narquin la signait, mais elle doit ensuite être publiée par le Premier Ministre. Depuis, elle est en souffrance.
Si j’avais fait un PPP, j’aurai pu profiter d’un certain nombre de choses. Si j’avais conclu un BEA, Lyon aurait été parmi les heureux élus. Si j’avais été à Nanterre, j’aurais obtenu ma DIG en deux mois. Qu’a-t-on fait à Lyon ? Je finis par me le demander. J’espère tout de même que la continuité dont nous faisons preuve dans la défense de ce projet finira par trouver une oreille attentive.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et objective !
(M. Guy Fischer remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est dommage !
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les projets de construction mentionnés au premier alinéa correspondent aux projets des clubs définitivement sélectionnés et qui accueilleront réellement l’Euro 2016.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Par dérogation aux dispositions de l’article L. 1511–2 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent apporter des aides aux projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir l’UEFA Euro 2016 ainsi que des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci. Les articles L. 113–1 à L. 113–3 et L. 122–11 du code du sport ne s’appliquent pas aux aides accordées à ce titre.
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l'article.
M. Gérard Collomb. L’article 2 permet de réaliser les stades prévus dans le cadre d’un BEA.
Or, à Lyon, nous n’avons pas suivi ce modèle, ce qui peut susciter les interrogations de nos collègues. Pour ce projet, qui n’est pas reconnu d’intérêt général, nous avons signé, avec le conseil général, le préfet du Rhône, la communauté urbaine de Lyon et les transports en commun de Lyon, le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise, ou Sytral, un contrat de partenariat avec l’Olympique lyonnais, en octobre 2008, pour finaliser ce projet. Que s’est-il passé depuis ?
Mme Troendle, vous vous demandez peut-être si ce stade n’est pas prévu à un mauvais emplacement. (Mme Catherine Troendle sourit.) Je vous rassure.
M. Gérard Collomb. D’ailleurs, l’un de vos collègues de la commune limitrophe, farouchement anti-stade, vient de publier un article il y a quatre jours.
Dans ce texte, il déclare que je fais erreur. Selon lui, il ne faut pas installer ce stade dans la commune de Décines, parce cela présenterait beaucoup d’inconvénients. Tout en me demandant de reconnaître mon erreur, il propose une solution : installer le stade dans sa commune située à cinq cents mètres du lieu prévu.
En effet, un stade dans une commune, c’est la taxe sur les spectacles et ce sont quelques centaines d’emplois créés ! Et le maire de cette commune pourra légitimement demander au président de l’Olympique lyonnais de s’engager à trouver du travail pour un certain nombre de jeunes au chômage.
Monsieur le président de séance, je connais même un certain nombre d’autres municipalités qui auraient réagi différemment si on avait construit le stade de l’Olympique lyonnais sur leur commune, du côté du Puisoz, par exemple (M. Jean-Jacques Mirassou sourit.), plutôt qu’à Décines !
Mes chers collègues, laissez les élus lyonnais régler des problèmes dont l’ampleur ne nécessite tout de même pas une décision d’État ou du Gouvernement ! Faisons ce qui est normal : donnons une déclaration d’intérêt général, une déclaration de reconnaissance, et la possibilité de réaliser tous les stades qui sont candidats à l’Euro 2016.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l’article.
M. Jean-Jacques Mirassou. L’article 2 est significatif, au plus mauvais sens du terme. Il cristallise en effet toutes les contradictions présentes dans le texte qui nous est proposé.
J’évoquerai d’abord une distorsion dans les propos que nous avons entendus dans cet hémicycle : on vante les lois universelles du sport, avec, dans le meilleur des cas, une espèce de naïveté qui consiste à nier la réalité de la pratique du football, pourtant, – cela a été évoqué par certains de mes collègues – en face du sport de masse, il existe ce qu’il est convenu d’appeler « le sport business » ou « le sport spectacle ».
Autrefois, l’un et l’autre étaient maintenus dans une totale continuité, l’un se nourrissant de l’autre et vice versa. Cette époque est définitivement révolue. Je ne sais pas s’il faut le regretter. Mais, comme ceux qui ont parlé avant moi, notamment M. Claude Bérit-Débat, je suis foncièrement opposé à cet état de fait.
Même si, par un artifice de ratio, madame la ministre, vous essayez d’exprimer le contraire, ce qui, par le biais de l’État, c’est-à-dire le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, devrait être dévolu à la pratique du plus grand nombre pour les besoins de la cause « ripera » vers ceux qui pratiquent le sport spectacle que j’évoquais tout à l’heure.
Si l’on considère, comme moi, que le sport est un véritable phénomène de société, alors, il y va de la responsabilité de l’État, qui doit donner les moyens à la pratique sportive du plus grand nombre de pouvoir exister, à travers le fonctionnement des clubs et la mise en place des infrastructures nécessaires.
L’un de nos collègues a évoqué l’indigence du parc sportif français. Il avait raison de le faire. Ce qui nous est proposé, c’est une entrave à la pratique sportive au bénéfice du plus grand nombre !
J’en viens à l’article 2 proprement dit. Faisons un peu de rétrospective : ceux-là mêmes qui, voilà moins de quatre mois, nous expliquaient que l’une des raisons fondamentales de la réforme des collectivités territoriales était, en abolissant la clause générale de compétence, d’empêcher la gabegie supposée des finances publiques du fait des choix budgétaires des élus locaux reviennent aujourd’hui par la fenêtre, si je puis dire, pour nous expliquer que, parce que les circonstances l’imposent, les mêmes collectivités territoriales seront condamnées, à partir de 2015, à « verser au pot ». En effet, la poussée de l’opinion publique mettra un certain nombre de collectivités territoriales en difficulté, et elles seront quasiment dans l’obligation de financer des équipements.
On peut se demander quand s’arrêtera la dérive qui consiste à obliger les collectivités territoriales à participer au financement d’équipements qui sont hors du champ de leurs compétences : une ligne à grande vitesse un jour, des infrastructures universitaires un autre jour. Et aujourd’hui, cerise sur le gâteau, à plus forte raison parce qu’il s’agit d’une question qui n’est pas réservée au cercle des initiés, on dit aux collectivités qu’elles sont « dans la seringue », si vous me permettez cette expression, madame la ministre, et qu’à terme elles devront cracher au bassinet.
Madame la ministre, si l’on continue ainsi, un jour viendra où les collectivités territoriales ne pourront plus supporter toutes les dépenses qu’on leur impose. Nous devrons alors nous demander – mais peut-être aurons-nous à ce moment franchi le seuil de l’irréversibilité – quel sera le sort des collectivités qui, encore et toujours, sont mises à contribution par un État qui, là comme ailleurs, se défausse continuellement. (M. Claude Bérit-Débat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l'article.
M. Jean-Jacques Lozach. L’article 2 est, dans son essence, un article de dérogation. Cela signifie que l’on aménage la loi parce que les pouvoirs publics n’ont pas su, ou pas voulu, anticiper un certain nombre d’exigences et de contraintes, notamment les exigences extrêmement strictes, certains diraient trop strictes, émanant de l’UEFA.
Pour ce faire, on triture des textes existants, en l’occurrence, le code général des collectivités territoriales et le code du sport : quid des lois de décentralisation qui confient aux régions le rôle de chef de file en matière d’action économique et d’aide aux entreprises ?
Vous remettez en cause tranquillement, discrètement, insidieusement, presque clandestinement, un volet primordial de la décentralisation. Les compétences des différentes collectivités ne seront plus bornées, puisque chacun pourra faire ce qu’il veut, alors que, dans le débat sur la réforme territoriale, les parlementaires de tous bords réclamaient davantage de clarification, une lisibilité accrue quant aux prérogatives exercées par les différents échelons territoriaux.
Par ailleurs, et M. Mirassou vient de le rappeler, a été différé à 2015 le devenir de la clause générale de compétence pour les départements et les régions, notamment dans le domaine sportif – il en est de même pour la culture et le tourisme. Mais, cette fois, le champ visé est beaucoup plus large qu’avec l’article 1er, puisque tous les projets de construction ou de rénovation impliquant un opérateur privé sont concernés.
Je constate que les sociétés sportives pourront désormais bénéficier de manière très large des aides des collectivités territoriales, car on relève considérablement les plafonds de subvention. Chacun l’a bien compris, une nouvelle fois, l’État veut se défausser sur les collectivités locales, qui sont pourtant déjà frappées de plein fouet par le gel des dotations de l’État, par les conséquences fiscales de la crise économique, par la suppression de la taxe professionnelle, par les transferts de charges nouvelles non compensées, ou encore par la quasi-disparition de l’autonomie fiscale des départements et des régions. (M. Michel Teston opine.)
M. Claude Bérit-Débat. Effectivement !
M. Jean-Jacques Lozach. Vous aurez, dans ce débat, beaucoup de mal à vous présenter comme les défenseurs des collectivités locales, collectivités que vous avez par ailleurs systématiquement fragilisées depuis de nombreux mois.
M. Ronan Kerdraon. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Mirassou. Et dénigrées aussi !
M. Jean-Jacques Lozach. Mais, comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, le budget des sports est bien maigre, puisqu’il est désormais inférieur au seul budget de la Ligue de football professionnel. La proclamation de l’année 2011 « année européenne du volontariat » n’y changera rien. Pour le financement public sportif, les collectivités représentent 76 % et l’État 24 %, et vous voulez une nouvelle fois déplacer le curseur, et bien sûr encore au détriment des collectivités.
Enfin, nous nous demandons si le dépôt de candidature de la France a été précédé de concertations suffisantes, notamment avec les associations d’élus, par exemple l’Association des maires de grandes villes de France ou bien encore l’Association des communautés urbaines de France.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Voguet, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Renar et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Lozach, Bérit-Débat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Jean-François Voguet. L’article 2 parachève les dispositions présentées à l’article 1er.
Aujourd’hui, l’octroi de financements publics aux entreprises est rigoureusement encadré par la loi, ce contrôle étant renforcé pour les sociétés sportives. Cet article 2 vise à lever les limites fixées par la loi afin de permettre à tous les niveaux de collectivités d’octroyer une subvention, prestation de service ou toute autre aide économique à une société sportive dégageant des recettes qui pourront être supérieures à 75 000 euros, et ce même lorsque cette société n’est pas en difficulté, que l’intérêt général n’est pas en jeu et qu’il n’y a pas de défaillance de l’offre privée. En outre, la région ne pourra plus contrôler les aides économiques versées par les autres niveaux de collectivités. Il s’agit de supprimer les cadres prévus par la loi afin de protéger des intérêts strictement marchands.
L’utilisation de l’argent public doit pourtant être encadrée et ne doit pas pouvoir servir les intérêts des grandes entreprises privées intéressées par un sport devenu, chacun le dit, marchandise, et bien éloigné des valeurs qu’il est censé porter.
Les finances des collectivités locales sont fortement dégradées. Les subventions accordées dans le cadre de l’UEFA, avec les pressions de lobbies dont la puissance est le corollaire de la masse d’argent que cette compétition brasse, seront autant d’aides en moins pour favoriser la pratique du sport amateur pour chacun.
Telles sont les raisons qui motivent notre amendement de suppression de l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Jean-Jacques Lozach. Dans son rapport thématique de 2009 intitulé « Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels », la Cour des comptes interpellait les pouvoirs publics sur l’urgence de remettre en ordre les relations des collectivités territoriales avec les clubs professionnels. Or, aujourd’hui, nous sommes face à un texte législatif de circonstances, qui, en outre, va totalement à l’encontre des recommandations de la Cour des comptes.
Celle-ci appelait, en effet, à « plus de vigilance, dans un contexte de contraintes budgétaires » et à « dégager les voies d’un partenariat plus équilibré et plus respectueux de la réglementation » entre collectivités locales et clubs sportifs professionnels. Elle mettait particulièrement en garde contre les risques liés à la réalisation de travaux et de nouveaux équipements sportifs pour lesquels elle estimait que « les collectivités n’appréhendent pas toujours de manière satisfaisante les risques financiers encourus, qui peuvent tenir aux dérives constatées dans la réalisation des travaux, à la plus ou moins grande fiabilité des bilans d’exploitation prévisionnels portant sur de longues périodes, mais aussi, même en cas de financement privé de l’équipement, à la prise en charge des infrastructures nécessaires au fonctionnement de l’équipement ».
Mais au lieu de vous engager dans cette voie de la sécurité juridique et de l’efficacité du dispositif d’encadrement du soutien public local au sport professionnel, vous avez choisi à nouveau de déréglementer.
Hier, les footballeurs contrevenaient à la loi en ne rémunérant pas eux-mêmes leurs agents : vous avez choisi de légaliser le paiement par les clubs. Aujourd’hui, la réglementation des concours financiers est trop souvent contournée pour alléger les charges d’exploitation des clubs professionnels et aboutir à un concours financier indirect : qu’à cela ne tienne, vous ouvrez les vannes du subventionnement des projets d’équipements des sociétés sportives pour l’Euro 2016 par les collectivités locales, et ce alors même que la compétence partagée « sport » a été l’une des questions qui étaient au cœur de la réforme territoriale.
Lors de cette réforme, le Gouvernement a fait le procès des financements croisés, financements croisés que vous nous proposez pourtant aujourd’hui, madame la ministre. Non seulement vous nous suggérez ni plus ni moins, pardonnez-moi l’expression, de nous asseoir sur le rôle de « chef de file » de la région en matière d’aide aux activités économiques, mais vous nous proposez également d’ouvrir, par dérogation à l’article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales, les financements croisés des communes, des groupements de communes, des départements et des régions aux projets de construction ou de rénovation de l’Euro 2016.
Nous nous interrogeons par ailleurs sur la compatibilité de ce nouveau régime d’aide avec le droit communautaire. Madame la ministre, vous vous étiez engagée à notifier cette proposition de loi à la Commission européenne. Êtes-vous en mesure d’informer notre assemblée de l’appréciation de ce dispositif par la Commission avant son vote que, de toute évidence, vous souhaitez conforme ?
Enfin, nous ne pouvons déconnecter cette proposition de loi du contexte économique du football. Plus de la moitié des clubs européens sont endettés pour un montant total de 15 milliards d’euros. Et la pérennité d’un club européen sur huit est mise en doute par un commissaire aux comptes.
En France, les déficits cumulés pour la Ligue 1 et la Ligue 2 atteignaient 180 millions d’euros en 2009-20010. Dans son rapport d’activité pour cette même saison, la DNCG, pointe le fait que seuls cinq clubs de Ligue 1 ont présenté un résultat net positif. Si les grands clubs comptent en partie sur leur nouveau stade pour augmenter leurs recettes, les ressources supplémentaires escomptées sont loin d’être garanties, d’où l’insistance sur la multifonctionnalité des stades. Même le Stade de France doit la majorité de ses recettes à des événements sans caractère sportif.
N’oublions pas non plus que des résultats sportifs décevants peuvent servir à dégrader l’équilibre financier d’un club. D’ailleurs, c’est en partie la rétrogradation de Strasbourg en Nationale qui a contraint la ville, l’an passé, à retirer sa candidature à l’organisation de rencontres lors de l’Euro 2016, la mise aux normes du stade de la Meinau devenant dans ce contexte, et du fait du peu de soutien de l’État, beaucoup trop lourde financièrement.
Ainsi, ouvrir les vannes du financement public à un secteur où prime la spéculation sur les transferts, et qui aurait mérité d’être régulé au préalable, nous paraît dangereux. C’est pourquoi nous regrettons que ce texte législatif d’organisation de l’Euro 2016 ne soit pas l’occasion de réaffirmer à la fois le rôle régulateur des pouvoirs publics, les missions de service public du football issues de la délégation de service public octroyée par l’État à la fédération, missions dont ce sport s’éloigne de plus en plus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. Monsieur Collomb, cette proposition de loi n’est pas exclusivement destinée au stade de Lyon.
M. Gérard Collomb. Ça, c’est clair !
M. Alain Dufaut, rapporteur. Il est donc inutile, lors de la discussion de chaque amendement, de revenir indéfiniment sur l’amendement que vous avez présenté et qui concerne la déclaration d’intérêt général. Sur ce point, mon cher collègue, le Sénat a tranché.
J’en viens aux deux amendements de suppression de l’article 2.
Je suis convaincu, je le répète, que les collectivités territoriales ont souvent tout intérêt à soutenir le club local lors de la construction d’un équipement ambitieux et à augmenter le montant de la redevance acquittée par le club, notamment dans le cas des concessions. Mais, il importe de le préciser, le présent article ne leur impose rien, la proposition de loi ouvre simplement une possibilité.
En ce qui concerne le rôle de chef de file de la région, nous sommes dans une situation particulière. Les communes d’implantation des stades ont un lien très fort avec le club défendant leurs couleurs. Dans ces conditions, il est tout à fait justifié de faire une exception au principe général.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. Même avis que M. le rapporteur.
Je précise simplement à M. Lozach que cette proposition de loi sera bien évidemment notifiée à la Commission européenne après son adoption définitive.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. M. le rapporteur nous dit que les collectivités locales ne sont pas obligées de participer au financement de la construction ou de la rénovation d’enceintes sportives et que les dispositions prévues ne concernent que les grands clubs qui sont soutenus sur le plan régional.
Comme l’ont dit un certain nombre de nos collègues, notamment Jean-Jacques Lozach, ouvrir la porte des dérogations – au code du sport et au code général des collectivités territoriales – va nous entraîner sur une pente irréversible. Demain, ce qui a été fait pour le sport servira d’exemple à d’autres opérations, et on nous dira qu’il faut intervenir.
J’en viens aux financements croisés.
S’ils n’ont pas été dénoncés par Jean-Jacques Mirassou, ces financements ont été montrés du doigt voilà quatre mois lors du même débat sur la réforme des collectivités territoriales : haro sur les financements croisés ! Or on nous impose, au travers de la présente proposition de loi, de réexaminer cette question.
Il en est de même pour la clause de compétence générale. On est un peu revenu sur ce qui avait été prévu, en disant qu’elle ne serait pas supprimée pour la culture, le tourisme et le sport jusqu’en 2015. Mais qu’en sera-t-il en 2016, année où l’Euro se déroulera en France ?
Je le redis à M. le rapporteur : à mes yeux, ses arguments ne sont pas recevables.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je suis stupéfait de la légèreté avec laquelle M. le rapporteur et Mme la ministre ont écarté le problème qui a été évoqué par moi-même tout à l’heure, ainsi que par Jean-Jacques Lozach et par Claude Bérit-Débat à l’instant.
Nous dénonçons le fait que, encore une fois, ceux-là mêmes qui ont posé comme principe intangible, en termes d’économie pour les collectivités locales, la réforme en question fassent maintenant très facilement un cadrage-débordement, ainsi qu’on le dit au rugby, comme si cela n’avait jamais existé.
Tout à l’heure, on a évoqué la suppression ou le gel des dotations de l’État. S’agissant de la taxe professionnelle, pour le coup, c’est encore plus « gratiné », serais-je tenté de dire, parce que les entreprises qui construiront ou moderniseront des stades seront souvent celles qui ont eu antérieurement quelques relations directes avec les communes concernées.
Les entreprises qui bénéficieront, en quelque sorte, des chantiers qui sont devant nous seront celles qui ont été exonérées très facilement de l’assujettissement à la taxe professionnelle et qui vont baisser la voilure des collectivités territoriales en termes de capacité d’investissement, précisément au moment où celles-ci seront dans l’obligation d’assumer les responsabilités que l’État ne veut pas supporter. Je trouve cela scandaleux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 13.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Collomb, Krattinger, Piras, Rebsamen et Sueur, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour les enquêtes publiques liées aux projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir l’UEFA Euro 2016 ainsi que les équipements connexes permettant le fonctionnement de ces enceintes, le chapitre III du titre VI de la loi n° 2010–788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement est applicable aux projets, plans, programmes ou autres documents de planification nécessaires à la réalisation desdits projets pour lesquels l’arrêté d’ouverture et d’organisation de l’enquête publique est publié à compter du premier jour du troisième mois après la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 123–19 du code de l’environnement.
La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Cet amendement vise en fait à être agréable à M. le rapporteur (Sourires.), qui disait à l’instant que cette proposition de loi n’était pas faite pour Lyon, ce que j’avais évidemment un peu remarqué depuis le début de nos travaux… Je voudrais juste que l’exemple de Lyon puisse servir aux autres.
Le présent amendement ne vise pas le cas de Lyon mais il peut intéresser un certain nombre de nos collègues qui s’engageront dans la réalisation de stades.
Il vise en effet à reprendre la loi Grenelle 2, qui, comme vous le savez, réforme le droit des enquêtes publiques.
Parmi les dispositions de cette loi, figure la possibilité de réaliser une enquête publique unique organisée par une seule personne publique lorsque plusieurs maîtres d’ouvrage sont concernés.
Toutefois, la loi Grenelle 2 qui a été adoptée n’entrera en vigueur que six mois après la publication du décret d’application prévu à l’article L. 123–19 du code de l’environnement. Comme cette publication n’a pas eu lieu, il n’y aura pas de procédure simplifiée pendant les six prochains mois.
Or, mes chers collègues, pour vous donner une idée de la difficulté de réalisation de ce type d’équipements, je dirai que, à Lyon, nous allons, tout de suite après la déclaration d’intérêt général, procéder à neuf enquêtes publiques : une concernant le plan local d’urbanisme, une relative au permis de construire « loi Bouchardeau », une pour l’accès nord du stade, une pour l’accès sud du stade, une qui a trait à la réalisation d’un parking d’accueil pour le stade, une autre concernant la loi sur l’eau pour les ouvrages du Grand Lyon, une autre encore concernant la loi sur l’eau pour les ouvrages de l’Olympique lyonnais, une relative aux transports en commun…
Mes chers collègues, c’est à ces petits amusements qu’ils ne connaissent pas encore qu’un certain nombre de nos collègues vont être confrontés.
Par exemple, afin de pouvoir répondre au problème de la sauvegarde de la faune et de la flore dans le cadre des projets que nous réalisons, il faut procéder à une enquête pour chaque saison de l’année : l’hiver, le printemps, l’été, l’automne.
Un délai d’un an est donc nécessaire pour pouvoir mener à bien ces différentes enquêtes. Il ne serait pas plus mal de simplifier. Autrement, où irons-nous ? Je vous le dirai dans un instant lors de mon explication de vote ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. Je ne voudrais pas être désagréable avec mon collègue Gérard Collomb. Je conçois avec lui que les décrets d’application de la loi Grenelle 2 se font beaucoup trop attendre,…
M. Gérard Collomb. Ah !
M. Alain Dufaut, rapporteur. … mais je pense aussi, mon cher collègue, qu’il n’y a aucune raison de penser que le décret nécessaire à l’application du présent amendement soit pris plus rapidement que ceux de la loi Grenelle 2. Je fais plutôt appel au Gouvernement, de manière que l’on accélère la parution du premier décret.
M. Gérard Collomb. Très bien !
M. Alain Dufaut, rapporteur. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. S’agissant des décrets de la loi dite « Grenelle 2 » qui permet de simplifier très nettement les procédures des enquêtes publiques, le ministère de l’écologie nous les promet pour le mois de septembre.
L’objet de votre amendement est en fait d’accélérer la mise en œuvre effective de ces décrets pour qu’ils soient opposables non pas dans les six mois mais dans les trois mois.
Simplement, ce choix des six mois, lorsque nous en avons débattu au sein de nos deux assemblées, en tout cas au sein du Sénat, avait pour objectif d’éviter que les projets en cours ne soient perturbés et que les dossiers d’enquêtes publiques les concernant ne doivent être complètement refaits.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Collomb, Krattinger, Piras, Rebsamen et Sueur, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les recours pour excès de pouvoir formés à l’encontre des actes administratifs en lien avec la construction ou la rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir l’UEFA Euro 2016 et des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci, sont jugés par les tribunaux administratifs compétents.
Le Conseil d’État connaît en appel des décisions rendues en premier ressort par les tribunaux administratifs.
Si elle fait droit à un recours, la juridiction administrative indique l’ensemble des moyens qui lui paraissent fondés et, selon les irrégularités relevées, à quel stade la procédure peut, le cas échéant, être reprise.
La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Concernant l’ensemble des dispositions applicables à la réalisation des stades de l’Euro 2016, je propose, au travers de cet amendement, une procédure juridique raccourcie afin que l’appel se fasse directement, après l’examen par les tribunaux administratifs, devant le Conseil d’État, de manière que les affaires ne soient pas pendantes pendant plusieurs années, et afin de pouvoir réaliser dans les temps l’ensemble des grandes enceintes sportives.
J’avais promis à M. le rapporteur une petite méditation sur les difficultés qui se présentent lors de la réalisation d’un certain nombre d’équipements, sportifs ou autres, dans notre pays. Je vous lirai donc la fin d’un article qu’a publié aujourd’hui Jean-Michel Aulas et dont je partage totalement la philosophie. Il a déclaré : « Les difficultés que rencontre le Stade des Lumières ne sont, hélas ! pas une exception. Sur tout le territoire national, il n’est pas un projet d’envergure servant l’intérêt général qui ne se heurte à l’opposition d’intérêts particuliers, notamment d’associations regroupant une minorité de riverains.
« Ces minorités agissantes, multipliant les recours, en viennent à bloquer tous les projets. Citons, par exemple, pour la seule ville de Paris : stade Jean-Bouin, extension de Roland-Garros, HLM de la Porte d’Auteuil, le nouvel hôpital Necker – dix ans de retard pour un projet en faveur des enfants malades –, la Fondation Louis Vuitton ou encore la rénovation du Forum des Halles et du Parc des Princes. »
Il conclut : « La France est en train de devenir le champion mondial des projets d’intérêt général bloqués : triste palmarès ! François Pinault a attendu, en vain, en France, pendant des années, un permis de construire que le maire de Venise lui a accordé en trois semaines pour édifier son musée d’art contemporain, que la France n’accueillera donc jamais.
« Puissions-nous éviter que de tels "dysfonctionnements" se reproduisent ! »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. Monsieur Collomb, l’article de Jean-Michel Aulas ne m’avait pas échappé. Je l’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce matin.
S’agissant de votre amendement, je comprends votre souci d’une procédure juridique raccourcie pour des besoins de calendrier, l’appel ayant lieu directement devant le Conseil d’État. Toutefois, cette disposition est de nature réglementaire et me paraît particulièrement exorbitante du droit commun, aussi importants que soient les projets de stade qui nous concernent.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. Je vous confirme que cet amendement est de nature non pas législative mais réglementaire. En outre, M. le garde des sceaux y est opposé, car la jurisprudence « constante » du ministère de la justice est aujourd’hui de recentrer le Conseil d’État sur son rôle de cassation et non sur son rôle d’appel.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je profite de l’examen de cet article et des différentes interventions de M. Collomb pour intervenir.
Il est bien évident que je ne vais pas m’exprimer sur le stade de Lyon, car nous en avons beaucoup entendu parler depuis une heure ou deux. On a un peu le sentiment, parfois, que cette proposition de loi a pour objet le grand stade de Lyon.
Je voudrais simplement dire à M. Collomb que, s’agissant de ses deux derniers amendements, je suis globalement dans le même état d’esprit que lui : nous sommes confrontés à une très grande complexité, au niveau national, pour réaliser un certain nombre de dossiers, d’opérations et de projets.
Les neuf enquêtes publiques qu’il vient de citer, nous les connaissons, hélas ! tous régulièrement, sans parler des études d’impact qui durent un an parce qu’il faut voir passer les quatre saisons, fleurir et faner les feuilles… Bref, il est très compliqué d’être certain que l’on ne pose pas de problème à son environnement. Notre système est extrêmement complexe.
J’achèverai cette courte intervention en signalant à M. Collomb que j’ai actuellement le plaisir de travailler à la réalisation d’un rapport sur la simplification des normes, dans tous les domaines.
Différentes associations auxquelles vous appartenez, comme celle qui réunit les maires de grandes villes de France, m’ont d’ailleurs fait un certain nombre de propositions – environ 700, me semble-t-il, chiffre que nous allons essayer de ramener à un niveau inférieur afin que ces propositions soient applicables.
J’espère donc que lorsque sera débattu dans notre assemblée un texte visant à simplifier les normes, nous irons tous dans le même sens au lieu d’ajouter de nouvelles dispositions. Il est fréquent, en effet, que des textes composés à l’origine de dix ou quinze articles en comportent une quarantaine à l’issue de la discussion, chacun ajoutant une « sauce » supplémentaire qui les complexifie.
J’espère donc – je le répète – que, si des propositions intéressantes émanent de chacun d’entre nous, nous irons tous dans le même sens pour simplifier la vie de nos collectivités et les rendre plus compétitives – pour permettre, par exemple, monsieur Collomb, que la réalisation du grand stade de Lyon ne nécessite qu’une seule enquête publique et non pas neuf. Sur ce point au moins, j’espère que nous pourrons nous donner mutuellement satisfaction. (M. Gérard Collomb sourit.)
3
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devions examiner cet après-midi, de 14 heures 30 à 18 heures 30, deux propositions de loi inscrites par le groupe UMP. À la suite de ces deux discussions, était prévue la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité européen. Nous devrons aborder cette déclaration à 18 heures 30 afin de la finir avant minuit, dans la mesure où nous sommes tenus à une ouverture de la séance demain matin à 9 heures.
Nous n’aurons pas le temps de prendre la proposition de loi de M. Lecerf. Je vous propose donc de renvoyer la question du report de son examen à la prochaine réunion de la conférence des présidents qui se tiendra mercredi 4 mai. (Assentiment.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De toute manière, nous n’avons pas le choix…
4
Organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016
Suite de la discussion et adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.
Nous en sommes parvenus à l’examen de l’article 3.
Article 3
Par dérogation aux dispositions du code de justice administrative déterminant les compétences des juridictions de premier ressort, les contrats passés par les personnes morales de droit public en lien avec la construction ou la rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir l’UEFA Euro 2016 et des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci ainsi qu’avec l’organisation et le déroulement de cette même compétition peuvent prévoir le recours à l’arbitrage avec application de la loi française.
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l’article.
M. Gérard Collomb. J’y renonce, monsieur le président, par souci de concision (M. Pierre Bordier applaudit.), mais je défendrai mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l'article.
M. Jean-Jacques Lozach. L’article 3 introduit de nouvelles dérogations, cette fois-ci à l’égard du code de justice administrative. Il s’agit en effet d’ouvrir le recours à l’arbitrage aux personnes publiques en cas de litige portant sur des contrats conclus pour l’organisation du championnat d’Europe des nations 2016.
On dépossède ainsi les tribunaux administratifs et judiciaires du règlement des conflits : voilà une curieuse vision de la justice et plus largement de l’État de droit.
La disposition que nous examinons emprunte donc une mauvaise direction : on simplifie à l’extrême, au risque de ne plus tenir compte des principes de base de notre système judiciaire et par conséquent de notre système démocratique.
La justice privée devient la référence. C’est inacceptable de notre point de vue, notamment dans la mesure où de l’argent public est en jeu.
À cet égard, je rappelle que le recours à l’arbitrage a été employé dans l’affaire Tapie, qui oppose le groupe Bernard Tapie au consortium de réalisation rattaché au Crédit lyonnais. À propos de ce dossier, Thomas Clay, doyen de la faculté de droit de Versailles et spécialiste de la question, a déclaré devant la commission des finances de l’Assemblée nationale : « Le dossier concerne de l’argent public ; or l’arbitrage est par nature confidentiel et il m’apparaît que confidentialité et argent public ne font pas bon ménage. […] Le dossier a une forte résonance politique, ce qui ne fait pas meilleur ménage avec l’obligation de confidentialité qui caractérise la pratique arbitrale. »
Tout laisse à penser que l’arbitrage n’est pas, tant s’en faut, la solution optimale pour résoudre les conflits – il en surviendra probablement – qui accompagneront les chantiers de l’Euro 2016, lesquels constituent des opérations à très fort impact environnemental.
À l’envi, l’arbitrage est une procédure rapide, qui épargnera peut-être quelques pertes de temps, et donc d’argent, nul ne l’ignore, et permettra sans doute aux travaux d’avancer plus rapidement.
Toutefois, selon nous, ce n’est une bonne façon de procéder. Les grands dossiers d’intérêt général ne sont certes pas toujours aisés à instruire ni à mettre en œuvre ; pour autant, on ne saurait modifier les règles de droit à sa convenance ! Si la justice administrative est lente, donnez-lui davantage de moyens, mais ne la contournez pas avec une telle légèreté pour vous réfugier dans une vulgaire procédure d’affaires.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Voguet, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Renar et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 14 est présenté par MM. Lozach, Bérit-Débat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 6.
M. Jean-François Voguet. Cet article prévoit le recours à l’arbitrage. C’est un mode juridictionnel de résolution des conflits dérogatoire au droit commun, qui consiste à résoudre à l’amiable des litiges dans le cadre d’une juridiction d’exception.
Ce régime de résolution des conflits pourra ainsi être privilégié dans le cadre de la construction et de la rénovation des enceintes sportives ou des équipements connexes en vue de l’Euro 2016, ainsi que de l’organisation et du déroulement de cette compétition, ce qui peut inclure des contrats de service et de prestation.
Le but est de contourner tout obstacle juridique qui ralentirait la construction ou la rénovation d’un stade avant la date de 2016, comme c’est le cas actuellement pour celui de l’Olympique lyonnais.
Il s’agit donc de permettre aux collectivités et à leurs partenaires privés de se prémunir contre de tels retards en évitant le recours au juge administratif, car l’arbitrage a la particularité de permettre de prévoir la date à laquelle le conflit doit être résolu.
Nous sommes formellement opposés à cet article qui, pour faciliter la réalisation d’équipements sportifs dans le cadre de l’UEFA, permettrait malheureusement toutes les compromissions.
De fait, alors que le recours à l’arbitrage est en principe interdit pour les personnes publiques, cet article consiste à contourner le droit administratif, quitte à contrevenir aux principes de garantie de l’ordre public et de la sécurité juridique. C’est la raison pour laquelle nous présentons un amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l'amendement n° 14.
M. Jean-Jacques Lozach. L’article 3 dépossède les tribunaux administratifs ou judiciaires du règlement des conflits liés à la construction et à la rénovation des enceintes sportives de l’euro 2016, ainsi que de leurs équipements connexes, pour permettre aux personnes publiques de recourir à l’arbitrage en cas de litige.
Sont concernés les contrats en lien avec la construction ou la rénovation des enceintes sportives et des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci, ainsi qu’avec l’organisation et le déroulement de l’événement, c’est-à-dire y compris les contrats entre les collectivités et l’UEFA, portant par exemple sur les conditions d’accueil et d’hébergement des équipes, comme les contrats de ville hôte.
Là encore, les contrats de partenariat sont pris pour modèle, puisque l’interdiction faite aux personnes morales de droit public de recourir à la procédure d’arbitrage, qui constitue un principe général du droit public, a déjà connu des exceptions, notamment pour les partenariats public-privé.
À nos yeux, cette exception supplémentaire est loin d’être neutre, car l’arbitrage c’est la justice des affaires, et des affaires internationales avant tout. Après les démêlés de l’affaire Tapie, l’on pourrait même dire que l’arbitrage c’est la justice de l’affairisme.
Votre argument principal pour justifier l’introduction de cette dérogation est celui de la rapidité, mais l’on peut penser que les péripéties juridiques de la concession du Stade de France ne lui sont pas étrangères, non plus que le principe, consubstantiel à la procédure d’arbitrage, de confidentialité absolue, qui se poursuit au-delà du rendu de la sentence.
Pour notre part, nous considérons que l’abandon de la justice ordinaire au profit d’une justice privée, dont la procédure est par nature confidentielle, pose problème lorsqu’il s’agit d’argent public, singulièrement en matière de défense de l’intérêt des contribuables.
Cette justice particulière, appliquée au secteur du football professionnel, ne va pas du tout dans le sens de la régulation par les pouvoirs publics que nous prônons. Elle est caractéristique de la vision exclusivement marchande que le Gouvernement se fait du sport. Avec ce texte, vous coupez encore un peu plus le lien entre, d’une part, le sport d’élite, le « sport business » et, d’autre part, le sport de masse, le sport amateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Tout d’abord, il est exact que le dispositif proposé à l’article 3 existe déjà pour les contrats de partenariat sans que cela pose de problème particulier.
Par ailleurs, le renforcement du recours à l’arbitrage est préconisé par de nombreux spécialistes du droit public, et notamment par le rapport du professeur Labetoulle sur ce sujet.
Tout le monde reconnaît qu’il s’agit d’un moyen de règlement des litiges plus souple et – vous l’avez dit, monsieur Lozach – plus rapide. Or cette proposition de loi vise précisément à répondre à la nécessité d’être à la fois plus souple et plus rapide.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. J’apporterai simplement quelques précisions sur l’arbitrage.
Premièrement, la décision de recourir à l’arbitrage doit être le fait des deux cocontractants, et ne peut donc être imposée unilatéralement. Cette décision doit ainsi être obligatoirement le choix de la collectivité.
Deuxièmement, le recours à l’arbitrage ne peut concerner que des contrats entre personnes publiques, et en aucun cas des décisions administratives unilatérales, je pense notamment aux décisions en matière d’urbanisme.
Enfin, il existe des précédents d’un tel recours à l’arbitrage, tels que les dérogations concernant la SNCF, La Poste ou RFF, Réseau ferré de France, qui ont souvent recours à ce système. J’ajoute que, dans le domaine du sport, on a toujours recours à l’arbitrage pour les contrats qui lient la ville hôte à l’UEFA.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 14.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Collomb, Piras, Rebsamen et Sueur, est ainsi libellé :
Après l’article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Quatre ans au plus tard à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions parlementaires compétentes un rapport faisant le bilan de sa mise en œuvre.
Cette évaluation sera, le cas échéant, accompagnée de propositions appropriées.
La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Madame la ministre, je regrette que notre collègue Jean-Jacques Hyest n’ait pas pu travailler sur cette proposition de loi, la commission qu’il préside n’ayant pas été saisie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons assez à faire !
M. Gérard Collomb. Je suis en effet convaincu que nous aurions fait un aussi bon travail que celui que nous avons accompli avec le rapporteur Jean-Patrick Courtois sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Nous avons en effet apporté des améliorations sensibles au texte initial : par exemple, quand je vois aujourd’hui les projets de pôle métropolitain fleurir en France, je me dis que nous n’avons pas fait un si mauvais travail que cela !
M. Jean-Patrick Courtois. Nous sommes d’accord.
M. Gérard Collomb. C’est pourquoi, étant un optimiste, je propose un dernier amendement qui vise à ce que, dans quatre ans, les assemblées parlementaires puissent examiner un rapport déposé par le Gouvernement afin de faire le bilan de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Peut-être faudra-t-il également élargir son champ, dès lors que les rapporteurs du texte, tant à l’Assemblée nationale que dans notre assemblée, ont estimé qu’il avait une portée trop restreinte et qu’une loi globale serait nécessaire.
Ce serait enfin, madame la ministre, – puisque je suis sûr que la position du Gouvernement évoluera, de sorte que le projet de construction d’un grand stade à Lyon se verra accorder dans quelque temps une déclaration d’intérêt général –, une façon de vous remercier, même a posteriori. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais simplement rassurer M. Collomb, qui vient d’évoquer le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest : il n’y a, entre le président Hyest et moi-même comme entre nos commissions respectives, aucune incompréhension ni différence de fond, et nous avons plaisir à travailler ensemble chaque fois que l’occasion s’en présente.
Je n’ai pas très bien compris ce que les pôles métropolitains venaient faire dans cette affaire.
M. Gérard Collomb. M. Hyest l’a compris, lui !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Je vous rassure : les pôles métropolitains qui figurent dans une loi que nous avons votée sont, en effet, tout à fait intéressants. C’est tellement vrai que la communauté d’agglomération dont je suis le fondateur a l’occasion, elle aussi, de rejoindre un pôle métropolitain.
M. Gérard Collomb. Vous pourrez dire merci à M. Hyest !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Vous le voyez, entre le président Hyest, la commission des lois et la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui, certes, n’est pas constituée uniquement de spécialistes du droit, il y a une profonde convergence d’analyse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. Cet amendement a déjà été repoussé en commission. Vous l’avez modifié, en faisant passer le délai de six ans à quatre ans, mais cela semble raisonnable eu égard au calendrier.
Je pense qu’un engagement de la ministre à produire un rapport faisant le bilan de la proposition de loi devrait suffire.
Comme vous l’avez dit, cela nous permettrait d’évoluer certainement vers un texte qui aurait une portée beaucoup plus générale.
Pour le moment, la commission émet donc un avis défavorable.
M. Jean-Patrick Courtois. « Pour le moment ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, ministre. Il conviendrait que vous retiriez votre amendement, monsieur Collomb. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
En effet, il serait de bonne gouvernance de vous rendre des comptes sur l’application de cette proposition de loi en 2015 – mais peut-être même avant –, année après année, et aussi sur quelques grands engagements que nous aurons à prendre ensemble dans le cadre de l’Assemblée du Sport. Il serait bon d’avoir chaque année un débat sur ces sujets.
M. Gérard Collomb. Je retire mon amendement !
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est retiré.
Article 4
(Suppression maintenue)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Avec ses millions de pratiquants, ses milliards de spectateurs et téléspectateurs, le sport est devenu le plus grand spectacle du monde. Mais l’organisation de ces grandes compétitions ne saurait être envisagée et financée dans n’importe quelles conditions.
Les équipements sportifs, pas seulement les enceintes à vocation essentiellement footballistique, doivent faire l’objet d’un plan global et cohérent, en accord avec les initiatives et les projets de l’échelon territorial. Il s’agit d’adapter progressivement les équipements sportifs à la nouvelle demande sociale et à la concurrence internationale. Il est devenu indispensable de rénover un parc français d’équipements sportifs conçus sur des bases architecturales formatées selon des normes d’un autre temps.
Mais cette ambition demande beaucoup plus qu’une proposition de loi élaborée à des fins conjoncturelles – en l’occurrence l’Euro 2016 – et visant à déroger au droit commun.
En effet, nous estimons que l’État doit rester le garant des fonctions sociales, éducatives et d’intégration liées aux activités physiques et sportives, le garant de l’accès de chacun au sport de son choix, ce qui passe, notamment, par un plan national de construction et de rénovation d’équipements sportifs.
Avant de conclure, je veux revenir sur la construction éventuelle – dont nous avons beaucoup parlé – du grand stade de Lyon.
Pour ce qui nous concerne, nous avons un sentiment de gêne à l’égard de notre cher collègue Gérard Collomb car nous ressentons la désagréable impression que, pour des raisons politiques diverses et variées, on n’hésite pas aujourd'hui à multiplier les obstacles afin que l’on ne parvienne pas, dans les délais raisonnables exigés par l’UEFA, à la concrétisation de ce grand stade.
Ainsi, pour toutes les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure, nous ne voterons pas ce texte car il est essentiellement d’opportunité et dérogatoire au droit commun ; il contourne les lois de décentralisation, incite les collectivités à financer plus alors qu’on les étrangle par ailleurs ; enfin, cette proposition de loi fait la part trop belle au « sport business ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Au terme de nos débats, rien n’étant venu modifier ce texte, vous comprendrez que le groupe CRC-SPG maintienne son vote négatif.
Par-delà l’ensemble des arguments que j’ai déjà développés, je souhaite brièvement, dans cette explication de vote, ajouter de nouvelles raisons qui justifient ce vote contre.
La première est liée au fait que, dorénavant, les stades des clubs de la Ligue 1 seront très hétérogènes et favoriseront des recettes dont les niveaux seront fort différenciés.
Ainsi, je le crois, vont se creuser de plus en plus des écarts favorisant véritablement deux catégories de clubs. Le foot de haut niveau à deux vitesses se met en place. Je ne suis pas sûr que cela va renforcer l’attractivité de notre championnat national.
D’autre part, on annonce partout que la rentabilité de ces nouveaux équipements ne pourra être trouvée que par l’augmentation de la fréquentation des matchs et par l’organisation en leur sein de nouvelles activités, telles que des spectacles.
Mais sommes-nous réellement assurés de ces potentialités de spectateurs sportifs sans que cela entraîne de fortes hausses du prix des places ? Sommes-nous réellement assurés de disposer de suffisamment d’activités culturelles de ce type pour rentabiliser ces nouveaux stades ? Je ne le crois pas.
Quand je dis « rentabiliser », c’est bien en termes financiers et non du point de vue social, car les investisseurs privés qui vont mettre de l’argent attendent un retour sur investissement et des dividendes.
De ce fait, les collectivités locales risquent à l’avenir d’être les pompiers qui viendront sauver ces stades.
De plus, dans certaines régions, les stades viendront en concurrence des salles de spectacles de type « zénith ».
Enfin, là où l’on va construire de nouveaux stades, que deviendront les anciens, dont la gestion sera à la charge exclusive des collectivités locales ?
En fait, aucune étude d’impact sérieuse n’a été faite.
Un autre point nous préoccupe. En plus du Stade de France et du Parc des princes, la région d’Île-de-France devrait voir à l’avenir la réalisation d’un nouveau stade à Nanterre et la fédération de rugby lance un appel d’offres pour la réalisation d’un stade de rugby pouvant, lui aussi, être construit dans cette région. À cela s’ajoute la rénovation des stades existants. Cela ne fait-il pas trop ? N’assiste-t-on pas à la formation d’une bulle inflationniste, qui risque fort d’éclater et qui finalement coûtera cher à la collectivité ?
Par ailleurs, – c’est important – ces équipements sont exclusivement réalisés au profit de deux sports. Pour les autres, il n’y a rien. N’est-ce pas la preuve que nous manquons cruellement d’une vision nationale ?
Madame la ministre, ne devriez-vous pas permettre et impulser la réflexion commune et la mise en cohérence qui semblent manquer aujourd’hui ?
Laisser le marché s’occuper de l’aménagement pour assurer une couverture optimale de notre territoire dans le domaine des équipements sportifs est, je crois, dangereux et illusoire. C’est la concurrence qui sévit alors, et non le développement harmonieux et durable.
Cette question des stades et des équipements sportifs montre bien la nécessité d’un vrai ministère des sports, avec de véritables moyens, qui ne joue pas seulement les arbitres illusoires et ne se satisfait pas seulement de ses missions régaliennes.
Selon nous, la puissance publique doit impulser une vraie politique publique en faveur du sport dans son ensemble et sur tout le territoire. Cela nous fait cruellement défaut aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Je l’ai dit d’emblée, je voterai ce texte, non pas qu’il soit parfait, mais il a au moins le mérite d’exister et il améliore plutôt la situation.
Je prendrai l’exemple d’un sport que je connais bien, le rugby, mais le problème des stades est à peu près le même dans tous les sports. Quand le Stade français joue à Charléty, enceinte qui compte environ 25 000 places, il y a 10 000 personnes. Quand il joue au Stade de France, il y en a 70 000, 75 000, voire 80 000. C’est la même équipe, mais le stade Charléty est beaucoup plus accessible que le Stade de France.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. C’est vrai !
M. François Fortassin. C’est la preuve que les spectateurs se rendent dans les enceintes modernes et spacieuses.
Les demi-finales du championnat d’Europe de rugby se sont jouées en Espagne : Stade toulousain-Biarritz à Saint-Sébastien, tout simplement parce qu’il y avait un stade de grande capacité, et Perpignan-Toulon au stade de Montjuic à Barcelone.
M. Jean-Patrick Courtois. Et Lyon ?
M. François Fortassin. Pour ma part, je préfère très nettement, ne serait-ce que sur un plan économique, que ces matchs se déroulent en France.
Et si l’on organise deux demi-finales à Marseille à un jour d’intervalle, c’est parce qu’il y a un stade pouvant accueillir 50 000 personnes.
Il me semble que le public préfère les enceintes grandes et confortables.
Par ailleurs, je n’oppose pas forcément le sport de masse au sport spectacle ou au sport professionnel, car on sait depuis très longtemps que lorsqu’une équipe, de football, de basket, de handball ou de rugby, obtient des résultats importants, le nombre de licenciés augmente. C’est bien la preuve que le sport spectacle peut tirer le sport de masse. Bien entendu, cela passe aussi par un travail qui doit être fait, notamment auprès des éducateurs, en dehors des structures.
Enfin, il y a un point sur lequel je dois dire mon incompréhension, mais peut-être n’ai-je pas été suffisamment attentif. On nous dit que les clubs de football sont, pour la plupart, dans le rouge ; ils connaissent des déficits parfois très importants, qui, très souvent, sont comblés par les collectivités territoriales sans que cela défrise qui que ce soit. Dès lors, je vois mal comment certains clubs peuvent considérer qu’ils vont subitement trouver les moyens financiers leur permettant de construire des stades à titre privé.
Certaines choses m’échappent, mais, Tarbes étant très éloignée de Lyon, peut-être est-ce dû au fait qu’entre les deux il y a le Massif central… (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, je voterai cette proposition de loi, avec certains de mes collègues du groupe RDSE, les autres émettront un point de vue différent.
M. le président. Vous connaissez ma position défavorable sur ce texte, que je ne peux exprimer en tant que président de séance. Je tenais à le préciser pour que cela soit très clair.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
5
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Organisation des travaux
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, tel qu’il est organisé et si les temps de parole sont respectés, le débat que nous allons entamer dans quelques instants devrait durer environ deux heures et demie.
Au nom de la commission des finances, je propose que nous poursuivions nos travaux jusqu’à leur achèvement sans les interrompre. Nous pourrions ainsi lever la séance aux alentours de vingt et une heures.
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé,… et votre vœu est exaucé, monsieur le rapporteur général de la commission des finances.
7
Projet de programme de stabilité européen
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat et d’un vote
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité européen, suivie d’un débat et d’un vote sur cette déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par vous présenter le « semestre européen », avant de vous indiquer de quelle manière nous avons établi le cadrage économique servant à l’ensemble des prévisions que mon collègue François Baroin vous exposera de façon plus détaillée.
Le semestre européen est une nouveauté. Il constitue la première réalisation concrète de la réforme de la gouvernance économique européenne dans laquelle la France a joué un rôle déterminant.
Souvenez-vous, voilà à peine un an, la Grèce se trouvait dans une situation financière extrêmement difficile. Sous l’impulsion du Président de la République et à l’occasion d’un certain nombre de réunions européennes, la notion de « gouvernement économique », au-delà de celle de « gouvernance économique », a véritablement vu le jour.
Le semestre européen trouvera la confirmation de son existence grâce à six directives qui sont actuellement discutées par le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne. Elles seront, je l’espère, adoptées avant la fin du mois de juin prochain, mettant enfin en place ce gouvernement européen que nous appelons de nos vœux pour compléter le cadre monétaire dans lequel l’euro évolue.
Cette première réalisation concrète a été décidée par les chefs d'État et de gouvernement lors du Conseil européen du 17 juin 2010. Elle consiste en un travail parlementaire articulé avec l'ensemble des communications et des coordinations qui s'effectuent à l’échelon du Parlement européen comme du Conseil européen, de telle sorte que les États membres soient mutuellement informés des projets en matière budgétaire ainsi qu'en matière de réformes au sens large, dans la mesure où celles-ci influent sur le cadre budgétaire dans lequel les États déterminent leur politique.
C’est dans ce contexte que le Conseil européen des 24 et 25 mars dernier a établi dans ses conclusions les priorités de politique économique. Il a souligné qu’« il fallait s’attacher en priorité à rétablir des situations budgétaires saines ainsi que la soutenabilité budgétaire, à réduire le chômage par des réformes du marché du travail et à déployer de nouveaux efforts afin de renforcer la croissance. Tous les États membres traduiront ces priorités en mesures concrètes, qu’ils incluront dans leurs programmes de stabilité ou de convergence et leurs programmes nationaux de réforme ».
À l’occasion de ce même Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé d'aller au-delà du pacte de stabilité et de croissance, qui nous amène à regarder essentiellement les compteurs du déficit et de la dette, pour que nous puissions définir ensemble un cadre macroéconomique, des objectifs de compétitivité, et nous communiquer mutuellement les moyens que nous mettons au service de ces politiques.
L’objectif du semestre européen est double : une meilleure coordination en amont de nos politiques économiques et une vision complète de ces mêmes politiques.
L’organisation de débats au premier semestre sur les programmes de stabilité et de convergence ainsi que sur les programmes de réformes structurelles permettra une meilleure coordination en amont de nos politiques économiques. C’est pleinement le sens du débat que nous avons aujourd’hui à Bruxelles, et au sein du G20, d’ailleurs, je livre cette information à la Haute Assemblée. Il s’agit certes de coordonner nos politiques économiques, d’avoir les mêmes analyses et les mêmes approches, mais surtout de nous assurer que les politiques économiques que nous mettons en œuvre dans nos régions et États respectifs sont positives au regard non seulement de nos intérêts nationaux mais également des intérêts des autres États qui participent à cette même économie mondiale aujourd'hui à l'œuvre.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments d’information que je souhaitais vous communiquer en guise d’introduction sur le semestre européen et sur la démarche qui est la nôtre : une zone monétaire, un pacte de stabilité et de croissance, mais aussi un pacte de compétitivité et de convergence qui nous amène à comparer, à évaluer et à mesurer les effets internes comme externes de nos décisions – les fameux spillovers, pour reprendre le jargon économique du G20 ou du Fonds monétaire international –, pour nous assurer de l’efficacité des politiques que nous déterminons.
J'en viens maintenant au cadrage macroéconomique que nous avons retenu.
Je vous rappelle que, à l'occasion de la clôture des comptes « France » de l'année 2010, nous avons constaté que l'économie française avait repris le chemin de la croissance. Ainsi, et c’est confirmé par l'INSEE, le taux de croissance s'est élevé à 1,5 %, conformément à la prévision inscrite dans le programme de stabilité du mois de janvier 2010 et dans le projet de loi de finances pour 2011.
La croissance n'est plus seulement alimentée par différents plans de relance, les nôtres et ceux qui avaient été engagés par les États voisins avec lesquels nous commerçons ; elle est désormais plus autonome, nourrie davantage par l’investissement privé que par l'investissement public et aussi par la consommation des ménages qui, en France, n'a à aucun moment fléchi depuis le début de la crise financière puis économique qui a frappé notre pays.
Pour 2011, je maintiens la prévision de croissance de 2 %, identique à celle du projet de loi de finances pour 2011. Nous avons tenu compte d'un certain nombre de facteurs, négatifs comme positifs.
Au nombre des facteurs négatifs, on peut bien entendu ranger la hausse du prix des matières premières, pas seulement les produits pétroliers, mais aussi les matières premières agricoles. Cette prise en compte nous a conduits à relever notre prévision d’inflation pour 2011 de 1,5 % à 1,8 %.
Deuxième facteur, qui présente celui-là des aspects négatifs mais aussi des aspects positifs, je citerai le niveau de l'euro, qui est plus élevé aujourd'hui qu'à l'époque à laquelle nous avons procédé à nos premières prévisions. Cela peut être préjudiciable pour les exportateurs qui ont leur base « coût » en euros, mais c’est évidemment bénéfique, dès qu'il s'agit de régler un certain nombre de factures, notamment énergétiques, et que les produits concernés sont vendus et cotés en valeur dollar.
Il est un troisième facteur négatif qui vient évidemment impacter l’année 2011 et nos prévisions : la situation catastrophique de l’économie japonaise, frappée au cours des dernières semaines par les catastrophes naturelles et leurs suites. Elles provoquent un fléchissement de l’économie japonaise, entre 1,5 % et 3 %, selon les estimations des différents économistes. Le tarissement qu’elles provoquent contraint, en outre, à trouver des sources alternatives pour les approvisionnements nécessaires à nos chaînes de fabrication sur un certain nombre de produits, notamment des produits électroniques stratégiques.
Mais les récents mois ont également permis de constater des évolutions positives.
Premier facteur positif, les créations d’emplois sont plus importantes qu’on ne le prévoyait à l’automne dernier : on compte 125 000 créations nettes d’emplois en 2010 et les prévisions révisées de l’INSEE pour 2011 indiquent 80 000 créations nettes. Le chiffre le plus récent en matière d’emploi, dont je dispose depuis quelques minutes, fait apparaître que, au titre du mois de février, le nombre des demandeurs d’emplois a diminué de 0,8 %, soit un peu plus de 20 000 demandeurs d’emplois en moins, ce qui confirme les tendances observées depuis l’année 2010, qui semblent ainsi confortées.
Deuxième facteur positif, les enquêtes de conjoncture réalisées par l’INSEE auprès des chefs d’entreprise font apparaître chez la plupart d’entre eux une appréciation positive, voire très positive, non seulement pour leurs carnets de commandes mais aussi pour leurs prévisions de reconstitution de stocks et pour la prévision d’activités pour l’année 2011, tout particulièrement sur le premier semestre.
Ce diagnostic est confirmé par les révisions à la hausse des prévisions effectuées par l’OCDE au titre du premier semestre et même de l’ensemble de l’année 2011. L’OCDE prévoit, en effet, un relèvement à plus 0,9 % et plus 0,7 % au titre de ces deux semestres. La prévision de l’INSEE est également révisée à la hausse, plus 0,6 % pour le premier trimestre et maintenue à plus 0,4 % pour le deuxième.
Troisième facteur positif, la consommation des ménages n’a pas fléchi depuis le début de la crise mesurée en trimestres. Pour l’instant, en dépit des craintes que pouvait susciter notamment l’extinction du dispositif de la prime à la casse, la consommation demeure bien orientée et continue à soutenir durablement la croissance française.
Tous ces facteurs, négatifs et positifs, tendent, de mon point de vue, à s’équilibrer, ce qui me semble justifier parfaitement le maintien de notre prévision de croissance à 2 %. Nous sommes, en cela, rejoints par la révision de croissance effectuée par l’OCDE il y a maintenant quelques semaines selon laquelle la France devrait connaître une croissance en augmentation de 2 %, voire d’un peu plus.
L’activité économique devrait s’accélérer pendant cette année 2011 grâce à quatre moteurs principaux.
Premièrement, je citerai le mouvement des exportations, qui ont augmenté sur les six derniers mois au même rythme que les exportations allemandes.
Deuxièmement, j’évoquerai l’investissement des entreprises et des ménages. Les chefs d’entreprise des industries manufacturières prévoient une augmentation de leurs investissements de l’ordre de 14 % sur l’année 2011. La réforme de la taxe professionnelle et l’incitation à l’investissement en équipements et biens mobiliers sur le territoire français sont en train de produire leurs effets.
J’ajoute, puisqu’il s’agit d’un indicateur souvent utilisé et dont la pertinence est établie, que le nombre des demandes de permis de construire déposés, tel qu’il a été mesuré au mois de mars, est en augmentation, sur une période de douze mois, de 17 %.
Il est un troisième moteur de nature, lui aussi, à soutenir l’activité pendant l’année 2011, le cycle des stocks. On s’aperçoit, en interrogeant les chefs d’entreprise, que le niveau de leurs stocks est bas. Contrairement à ce qui a prévalu dans un certain nombre de pays voisins, comme l’Allemagne, par exemple, ils ont très peu reconstitué leurs stocks pendant l’année 2010. Par conséquent, nous allons assister, au début de l’année 2011, à un important mouvement de reconstitution de ces stocks.
Enfin, je citerai comme quatrième et dernier moteur de croissance, les créations nettes d’emplois. L’INSEE les a chiffrées en volume pour le premier semestre à pratiquement 80 000. Nous espérons que le chiffre sera nettement supérieur à celui de l’année 2010. Je vous rappelle que l’économie française a créé 125 000 emplois nets au cours de l’exercice.
Pour 2012, je prévois une croissance qui sera portée à 2,25 %, à comparer aux 2 % pour 2011. L’activité s’accélérera grâce à la dynamique de l’investissement et grâce à la poursuite de l’amélioration du marché du travail. Elle s’accélérera également grâce à un certain nombre des réformes structurelles que nous avons engagées depuis 2008 : crédit d’impôt recherche, investissements d’avenir, suppression de la taxe professionnelle, réforme des retraites.
Toutes ces réformes devraient contribuer à renforcer la croissance. Sur une période de dix ans, nous évaluons l’impact direct de la réforme des retraites sur la croissance à 0,3 % par année.
Pour autant, les incertitudes pesant sur l’investissement international nous incitent à plus de prudence et m’ont amenée à réviser légèrement à la baisse – de 0,25 % - notre prévision de croissance pour 2012, initialement fixée à 2,5 %.
J’ai tenu compte du prix du pétrole, lequel se situe à un niveau nettement plus élevé que celui à partir duquel nous avions établi nos prévisions initiales. J’ai également intégré les crises liées au phénomène des dettes souveraines et aux difficultés de refinancement d’un certain nombre d’États, et pas seulement en Europe.
Ces éléments entraîneront sans aucun doute un effort de consolidation budgétaire important, en Europe et ailleurs, provoquant une probable diminution du volume de la demande adressée à la France par l’étranger.
Je voudrais vous dire, enfin, à quel point il nous paraît indispensable que la France respecte sa trajectoire des finances publiques.
Le déficit public de 2010 s’est révélé moins élevé que prévu. Initialement prévu à 8,5 % puis abaissé à 8,2 % et, plus récemment, à 7,7 %, le déficit public a été ramené à 7 %. Cela nous permet de rajuster à la baisse notre cible de déficit pour l’année 2011 à 5,7 %, contre les 6 % que nous avions initialement envisagés.
Je laisserai à François Baroin le soin de détailler la trajectoire de notre déficit. Je veux simplement rappeler ici l’engagement très ferme du Gouvernement : il s’agit de respecter cette trajectoire, quoi qu’il arrive et quelles que soient les conditions économiques.
Notre programme de stabilité prévoit un ajustement structurel total sur la période 2010-2013 supérieur à 4 points du produit intérieur brut, conformément à la demande qui nous avait été adressée par nos partenaires européens et à l’engagement que nous avons pris vis-à-vis d’eux.
Je veux également redire l’attachement du Gouvernement à faire porter l’essentiel de notre effort de consolidation budgétaire sur la réduction de la dépense plutôt que sur l’augmentation de la recette.
Cette maîtrise de la dépense passe notamment par le respect de la double norme selon laquelle les dépenses totales ne progresseront pas plus vite que l’inflation et les dépenses hors intérêts sur la dette et hors pensions des fonctionnaires seront stabilisées en euros constants.
Elle repose également sur un objectif ambitieux, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, le fameux ONDAM, qui est abaissé de 0,1 point en 2011, puis de nouveau en 2012, pour se stabiliser à plus 2,8 points par an.
Je veux souligner que, pour la première fois, le pays a tenu son ONDAM, ce qui a été vivement apprécié dans un certain nombre de cercles, je pense notamment aux analystes financiers.
La réforme des retraites de 2010 contribuera également à la maîtrise des dépenses sur la période. Sa montée en charge rapide permettra, en fait, de réduire le déficit public de 0,5 point de PIB dès 2013.
Je vous rappelle la double contribution de cette réforme absolument déterminante : d’abord, la réduction du déficit public de 0,5 point dès 2013 et l’augmentation de la croissance - tout simplement parce qu’il y a plus de travail dans l’économie - en période moyenne calculée sur dix ans de 0,3 %.
Nous allons également poursuivre l’effort de réduction des niches fiscales et sociales. Nous maintenons notre engagement de suppression de ces niches conformément au rythme inscrit dans la loi de programmation des finances publiques, c’est-à-dire pour un montant plancher de 11 milliards d’euros sur l’exercice 2011 et de 3 milliards d’euros par an par la suite.
Nous supprimerons, en priorité, les niches les moins efficaces du point de vue socio-économique.
Les recettes seront spontanément soutenues par le rebond de l’activité.
Les finances publiques bénéficieront de l’intensification de la reprise économique, d’autant que la solidité du système bancaire français et le niveau relativement bas de l’endettement des ménages permettront d’envisager une reprise plus dynamique que chez un certain nombre de nos partenaires, qui devront probablement consacrer une partie de leurs efforts budgétaires à la restructuration de ces secteurs.
Dans ce contexte, les recettes publiques devraient spontanément progresser un peu plus vite que l’activité économique en raison de leur retour progressif à la normale après la très forte baisse observée en 2009.
Ainsi, le programme table sur une élasticité moyenne des prélèvements obligatoires au PIB légèrement supérieur à l’unité sur la période 2011-2014.
En 2011 et en 2012, la dette publique commencera à véritablement s’infléchir, le ratio de dettes augmentant de 2,9 points et de 1,5 point respectivement.
À partir de 2013, le respect de notre trajectoire de finances publiques garantira un déficit d’exécution inférieur au solde théorique stabilisant la dette. On s’aperçoit, en poursuivant les prévisions, que le volume de notre dette diminuera ensuite très rapidement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le programme de stabilité que nous proposons de soumettre à la Commission européenne s’inscrit dans une double logique.
D’abord, il s’agit de renforcer la stratégie de consolidation budgétaire à laquelle nous appelle notre responsabilité avec, pour objectif, de ramener à 3 % le déficit dès 2013 et à 2 % en 2014. Ensuite, il nous faut nous focaliser sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises, de l’économie française en général, en accentuant un certain nombre de dépenses que nous consacrons à l’économie française sur les secteurs privilégiés indispensables que sont la recherche et le développement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, cette présentation intervient dans le cadre du nouveau calendrier qui institue ce rendez-vous avant que le programme ne soit transmis aux institutions européennes.
Je veux faire partager au Sénat cet important changement, cette étape décisive dans l’organisation que la France s’apprête à formaliser à travers les positions qu’elle va défendre et les engagements qu’elle va prendre. La réunion du couple exécutif-législatif à travers ce débat doit être l’occasion, pour chacun, de mesurer le caractère prioritaire de la signature de la France pour les politiques publiques que nous menons au nom de nos compatriotes.
Si nos finances publiques portent toujours les stigmates de la récession mondiale, une amélioration notable peut d’ores et déjà être constatée. Je ne reviens pas sur les éléments très positifs qui viennent d’être soulignés avec pertinence. Je voudrais revenir très rapidement sur la trajectoire récente de nos finances publiques, qui montre que la stratégie du Gouvernement est la bonne dans un tel contexte.
Premièrement, je me dois d’insister sur la réalité de la réduction du déficit public, plus importante que prévue. Elle témoigne du fait que les efforts du Gouvernement vont dans la bonne direction.
L’année 2010, comme vous le savez, s’est achevée sur un déficit public de l’ordre de 7 points de notre richesse nationale. Ce chiffre révèle une amélioration substantielle par rapport à l’objectif de départ retenu dans la loi de finances initiale pour 2010, objectif qui s’établissait à 8,5 % du PIB.
Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2011, la prévision du déficit public pour 2010 avait été une première fois révisée à la baisse, à 7,7 % du PIB. Nous arrivons à 7 % du PIB. C’est dire si l’addition des mesures proposées qui ont, à certains égards, nourri des débats animés, des débats de qualité, nous ont permis de montrer la pertinence de cette trajectoire ! Elles nous ont, surtout, permis d’être avec un temps d’avance aux rendez-vous qui font partie de nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens et de nos investisseurs.
La dette notifiée à la Commission européenne reflète cette amélioration. Elle s’établit, pour l’année dernière, à 81,7 % du PIB, contre 82,9 % prévus dans le dernier projet de loi de finances.
Ces bons résultats sont dus à plusieurs facteurs. Parmi les principaux, je citerai une reprise de l’économie et de l’emploi plus dynamique que ce qui avait été escompté.
Mme la ministre de l’économie a évoqué les derniers chiffres du chômage dont nous avons pris connaissance aujourd’hui : ils montrent la continuité de l’effort poursuivi en matière de création d’emplois et de réduction du chômage.
Autre bon résultat, je signale un coût de la réforme de la taxe professionnelle moins élevé que les prévisions.
Je citerai, enfin, le résultat d’un effort collectif de la part de l’ensemble des acteurs de la dépense publique.
L’an dernier, nous avons tenu notre engagement de maîtrise des dépenses de l’État. Nous respectons strictement le plafond autorisé et la norme de dépenses, qui a été construite sur une base de progression strictement limitée à l’inflation : le « zéro volume ».
Ne pas dépenser un euro de plus que l’autorisation donnée par le Parlement : c’est mon premier devoir de ministre du budget et la première règle budgétaire. Ce contrat est rempli.
Je rappelle, au passage, que ce plafond de dépenses a été construit sur le fondement d’une prévision d’inflation de 1,2 % pour 2010. Or l’inflation a été, en réalité, de 1,5 %. Le plafond n’ayant pas été revu à la hausse, cela représente, rétrospectivement, une moindre dépense d’environ 1 milliard d’euros. Je tiens à souligner devant vous, à l’occasion de ce débat, les efforts accomplis pour ne pas dériver de cette trajectoire que nous nous sommes imposée.
Par ailleurs, l’effort collectif réalisé en 2010 se traduit par une meilleure maîtrise des dépenses sociales, en particulier des dépenses d’assurance maladie.
La répétition étant l’un des piliers de la pédagogie, je rappelle que, pour la première fois depuis 1997, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, a été tenu. Il était fixé à 3 % en 2010 et a été établi à 2,9 % pour cette année.
Enfin, il me semble important de préciser devant la Haute Assemblée que les collectivités locales ont participé à cet effort global d’une manière non négligeable, via la modération de leurs investissements. Tout cela explique les résultats obtenus en matière de réduction de nos déficits publics, en amélioration par rapport à l’an dernier.
Deuxièmement, le programme de stabilité que nous vous présentons aujourd’hui s’inscrit résolument dans le prolongement de cette stratégie fondée sur la combinaison d’une maîtrise stricte et durable de la dépense publique et de réformes porteuses de croissance.
En effet, le Gouvernement est déterminé à être au rendez-vous des engagements qu’il a pris devant vous, et qui sont inscrits dans la loi de programmation des finances publiques. Notre objectif est de ramener le déficit public en deçà de 3 % en 2013. Pour y parvenir, nous nous étions fixé, à l’automne dernier, un calendrier clair : un déficit public ramené à 6 % du PIB en 2011, à 4,6 % en 2012, à 3 % en 2013 et à 2 % en 2014.
Compte tenu du déficit pour l’année 2010, dont le niveau est moins important que prévu, et du sérieux avec lequel nous avons préparé, avec vous, les textes financiers pour 2011, votés à l’automne 2010, nous sommes en mesure de réviser favorablement notre prévision pour cette année, et ce dès aujourd’hui.
Nous nous sommes donc fixé un nouvel objectif de 5,7 % de déficit public pour 2011. Ce nouveau seuil à atteindre ne répercute pas l’ensemble du 0,7 point de PIB, car une partie de cette amélioration est liée à des effets non reconductibles les années suivantes ; c’est le cas, par exemple, de la révision du coût de la réforme de la taxe professionnelle.
Pour l’année 2012, nous avons souhaité maintenir notre objectif de déficit public à 4,6 % du PIB. Les bons résultats obtenus en matière de réduction des déficits nous permettent d’éviter de prendre des mesures complémentaires pour compenser la légère révision à la baisse de l’hypothèse de croissance pour 2012, qui passe de 2,5 % dans la loi de programmation à 2,25 % dans le programme de stabilité qui vous est proposé.
Comme nous l’avons promis, nous tiendrons nos engagements chaque année, jusqu’en 2013 ; mais, pour autant, il n’est pas question de précipiter le rythme de réduction des déficits publics. L’effort exigé des Français est déjà considérable, et nous en avons conscience. Comme nous l’avons expliqué longuement lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2011, le Gouvernement ne souhaite pas l’accroître à nouveau, car cela signifierait renoncer à protéger les publics les plus fragiles et prendre le risque de casser un cycle de croissance encore convalescent. Nous demeurons donc en ligne avec nos engagements pris en loi de programmation des finances publiques.
Troisièmement, le projet de loi de finances pour 2012 sera construit dans le strict respect du budget triennal 2011-2013, dont il constitue la deuxième annuité.
Ce budget contribue de manière décisive au redressement des finances publiques, puisqu’il a été élaboré dans le respect d’une double norme de dépense, qui fait d’ailleurs l’objet d’un article dédié de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014.
Il s’agit, d’une part, d’une stabilisation en euros courants – le fameux « zéro valeur » ! – des crédits budgétaires et des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités locales, hors charge de la dette et des pensions des fonctionnaires de l’État. Nous assumons le passé, mais nous fixons une stabilisation des dépenses. On ne traitera donc pas du coût de la vie dans le cadre du déroulé de cette loi de programmation des finances publiques.
Il s’agit, d’autre part, d’une augmentation annuelle des crédits, qui sera toujours au maximum égale à l’inflation – le « zéro volume » – sur le périmètre de la norme élargie. Chaque année, c’est la norme la plus contraignante qui s’applique.
Le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux sera poursuivi en 2012. Cela se traduira par la suppression d’environ 30 000 emplois à temps plein. L’objectif triennal de réduction des dépenses de fonctionnement et d’intervention de 10 % sur trois ans impliquera une diminution de 2,5 % en 2012, après une baisse de 5 % en 2011. Là encore, nous ne nous éloignons pas de la trajectoire de nos engagements et du vote de la représentation nationale sur cette loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014.
Par ailleurs, comme en 2011, l’ensemble des concours de l’État aux collectivités locales seront stabilisés en valeur, à l’exception du Fonds de compensation pour la TVA, lequel connaît une dynamique autonome. C’est un point important, car le fait de sortir le FCTVA de cette norme de gel des dotations de l’État vis-à-vis des collectivités territoriales revient à favoriser le maintien, l’amplification et l’accélération de l’autonomie des collectivités territoriales, dans une logique d’investissement. Ce sera précieux et utile pour irriguer l’économie sur l’ensemble de notre territoire.
Les dépenses des autres administrations de sécurité sociale seront, elles aussi, contenues, en lien avec la montée en charge progressive de la réforme des retraites. Corrigée des revalorisations, la tendance des prestations vieillesse va effectivement grandement décélérer au cours des années à venir : plus 1,8 % en moyenne annuelle sur 2012-2014, contre une augmentation de 2,8 % en 2010 et 2011.
Je ne détaillerai pas le volet « recettes » du programme de stabilité que nous vous soumettons aujourd’hui. Je veux simplement rappeler, à ce titre, les engagements du Gouvernement, sur lesquels nous ne transigerons pas : pas d’augmentation généralisée des impôts ; une réforme de la fiscalité du patrimoine qui sera neutre pour les recettes fiscales de l’État sur l’ensemble de la période ; une hausse des recettes résultant essentiellement de la reprise de l’activité et de la réduction des dispositifs fiscaux dérogatoires.
Vous pouvez constater, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il y a au cœur de notre programme de stabilité pour 2011-2014, encore et toujours, la poursuite d’une stratégie de maîtrise des finances publiques, pour un retour rapide à l’équilibre de nos comptes.
L’objectif que le Gouvernement s’est assigné est inédit, mais il est réaliste, dans la mesure où nous récoltons, d’ores et déjà, les premiers fruits de cet effort collectif. Cela donne d’autant plus de crédibilité aux propos que nous tenons devant vous au nom du Gouvernement.
Nous voulons pérenniser cette démarche en inscrivant dans la Constitution de nouvelles règles qui viendront encadrer la gestion des finances publiques. L’objectif du Gouvernement est donc clair : inscrire nos efforts dans le long terme, afin de garantir notre modèle social et notre souveraineté nationale pour les générations futures. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’an dernier, en juillet 2010, pour la première fois, nous nous sommes exprimés par un vote afin de clôturer le débat d’orientation des finances publiques. Puis, en décembre de la même année, lors de la discussion de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, nous avons obtenu que soit décidé le principe d’un vote sur le programme de stabilité, avant sa transmission aux autorités communautaires.
Dans le même esprit, si le cheminement du projet de loi de révision constitutionnelle relatif à la gouvernance des finances publiques se déroule comme nous le souhaitons, le principe de ce vote devrait figurer dans la Constitution. Cet élément ne figure pas dans le texte initial du Gouvernement, mais il a fait l’objet d’un amendement voté par la commission des finances de l’Assemblée nationale, une initiative à laquelle s’associe naturellement la commission des finances du Sénat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il ne s’agit pas de simples questions de procédure ; nous touchons là au plus profond des enjeux politiques et sommes au cœur du rôle du Parlement.
Politiquement et économiquement, le programme de stabilité, même s’il se présente de manière austère et macroéconomique, est bien la norme supérieure en matière de finances publiques. Nous devons en prendre davantage conscience. Or un élément formel y fait peut-être obstacle : dans le document qui nous est soumis, le programme de stabilité est rédigé non pas en euros, mais dans une autre monnaie, le dixième de point de PIB…C’est une expression plus abstraite !
On peut naturellement traduire ces dixièmes de point de PIB en milliards d’euros courants, mais il faut bien comprendre qu’au niveau de l’Union européenne le point de PIB ou le dixième de point de PIB, qui est l’unité la plus neutre possible, est utilisé pour procéder à des comparaisons sur la base de documents provenant des différents États membres.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que, lors de la discussion de la loi de programmation, au mois de décembre dernier, nous avions obtenu du Gouvernement qu’il en modifie le libellé. Dorénavant, ce texte est bien rédigé en milliards d’euros courants, tant en termes de limite supérieure de dépenses que de mesures nouvelles relatives aux recettes, c’est-à-dire d’effort à réaliser.
Il est donc essentiel de prendre conscience, mes chers collègues, que ce texte, malgré sa présentation abstraite et austère, possède le caractère d’une norme supérieure. Il est tout aussi important, du point de vue de l’indépendance et de la souveraineté nationales, que nous prenions cette décision ici, au sein du Parlement français, avant que les autorités communautaires n’expriment leur propre vision et leurs éventuelles observations. C’est toute la logique de ce nouveau « semestre européen » que Mme Christine Lagarde a commenté pour nous de manière très utile.
Dorénavant, c’est en avril que commence au Parlement le cycle budgétaire. Ce projet de programme de stabilité sera examiné par les autorités communautaires, puis reviendra, en temps utile, en vue de la préparation des lois financières annuelles : la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances de l’État.
Je tiens cependant à souligner qu’il sera loisible aux assemblées parlementaires de se saisir de ces « retours », sous la forme, par exemple, de résolutions au sens de l’article 88-4 de la Constitution – n’est-ce pas, cher président Bizet ! –, compte tenu de l’analyse qui aura été faite par la Commission européenne et le Conseil européen et, le cas échéant, compte tenu des éléments, observations et correctifs éventuellement apportés à l’issue de cet examen.
Le présent programme de stabilité est naturellement différent des précédents, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous n’avons plus droit au double langage. À la vérité, nous n’avons jamais eu un tel droit ; néanmoins, nous l’avons pratiqué.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce que nous disions à l’Europe, nous ne le disions pas à nos concitoyens.
Mme Nicole Bricq. Et cela continue !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame Bricq, soyez assez équitable pour constater, avec nous, que le présent programme de stabilité est un peu meilleur que les précédents,...
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... et que, s’agissant tout au moins de la période la plus récente, l’évolution qu’il trace est bien conforme à la réalité. (Mme Nicole Bricq fait un signe de dénégation.)
C’est réellement la première fois, même si une alouette ne fait pas le printemps et qu’une telle hypothèse ne nous donne aucune certitude sur l’évolution que nos finances publiques connaîtront dans les années 2012, 2013 et 2014.
Il est clair que, aujourd’hui, de puissantes incitations s’exercent pour que nous ne cédions plus aux facilités et aux délices du double langage que nous étions trop habitués à pratiquer, qu’elles qu’aient été les formations politiques au Gouvernement, je m’empresse de le rappeler, car cette affaire a commencé en 1999.
Mme Nicole Bricq. Voilà dix ans que vous êtes aux affaires !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et si autocritique il doit y avoir, à mon sens, il serait bon qu’elle fût collective…
Depuis un an en particulier, plusieurs de ces incitations puissantes sont apparues.
La première – la plus évidente – est la crise des dettes souveraines. Il est tout à fait clair que le couple coût de l’endettement-proportion de l’endettement par rapport à la richesse nationale domine tout. Une matrice a été élaborée – elle figure dans le rapport écrit – et permet de voir où se situent les États qui aujourd’hui sont en grande difficulté ou sur la sellette. Leur situation se déduit simplement de la matrice.
Il est tout aussi clair que la soutenabilité de la zone euro dépend d’un mécanisme de solidarité mis en place à titre provisoire puis devant faire l’objet, à compter de 2013, d’un dispositif pérenne. Il est cependant tout aussi clair que ce dispositif de solidarité repose sur la crédibilité des grands États du cœur de la zone euro et que, pour financer le mécanisme de solidarité, il est indispensable que ces grands États bénéficient de la cotation la plus favorable possible et du coût d’endettement le plus bas possible.
Soyons-en bien conscients, mes chers collègues : lorsque nous nous battons aux côtés du Gouvernement pour la convergence vers les 3 % de déficit en 2013, nous défendons non seulement notre pays contre les risques de dérive et de nouvelle récession, mais aussi la zone euro elle-même, car nous ne savons pas ce qu’il adviendrait de nos économies réelles si nous vivions un scénario de discontinuité en la matière.
Ce sujet est essentiel ; tout dépend de la crédibilité du chemin de convergence vers un déficit de 3 % et une dette plafonnée à 60 % du produit intérieur brut.
Rappelons enfin que, à la fin de l’année 2013, ainsi que Mme la ministre vient de l’indiquer, nous atteindrons seulement le seuil au-delà duquel la dette en capital cessera d’augmenter. Jusque-là, et quels que soient nos efforts, elle continuera mécaniquement, arithmétiquement, inéluctablement de progresser en termes de proportion de la richesse nationale.
La réforme du pacte de stabilité constitue naturellement la deuxième de ces incitations. Mme la ministre en a rappelé le cheminement institutionnel : nous ne savons pas quel sera le contenu du pacte à l’issue des discussions actuelles.
En ce qui me concerne, je ne suis pas un grand admirateur des sanctions, surtout lorsqu’elles sont automatiques ou s’adressent à des pays déjà exsangues auxquels on demanderait par hypothèse de payer sur des ressources qu’ils ne peuvent plus se procurer des sommes très importantes qui seraient mises en pension auprès des autres États ou de l’Union européenne. Très sincèrement, je ne crois pas que de tels dispositifs, surtout s’ils sont présentés comme automatiques, puissent appartenir au monde réel.
Les États sauront cependant corriger les dispositions qui pourraient sembler trop doctrinaires dans l’approche de la Commission européenne. Le cheminement institutionnel permettra sans doute d’aboutir à une formule raisonnable, faisons-lui confiance.
Il n’en reste pas moins que, au bout de compte, plus de contraintes seront imposées, ce qui créera davantage de devoirs que par le passé.
Enfin, la troisième incitation est celle que – je l’espère – nous nous donnerons par la Constitution ; le débat sur ce sujet se tiendra très prochainement. Il s’agira de prendre en compte, année par année, en termes de plafonds de dépenses et de mesures nouvelles portant sur les recettes, les efforts à réaliser pour respecter la trajectoire fixée.
Cependant, et soyons-y très attentifs, mes chers collègues, cette règle de convergence ne sera opérante que si les hypothèses économiques sur lesquelles elle repose sont réalistes. Nous entrons ici dans un débat d’une grande ampleur que la commission des finances s’est efforcée de traiter dans son rapport écrit.
Nous faisons référence – car nous aussi vivons à notre façon le semestre européen – aux déplacements que nous venons de réaliser.
Nous nous sommes en effet rendus en Grande-Bretagne, où l’une des premières initiatives du nouveau gouvernement a été de créer un Office de responsabilité budgétaire pour fixer les hypothèses économiques, et aux Pays-Bas, où le Bureau central de planification créé après 1945 par Jan Tibergen est unanimement respecté par toutes les formations politiques, qui sont tenues de passer par son crible quand elles annoncent des programmes électoraux…
Nous sommes également passés par Berlin, où nous avons observé que le gouvernement fédéral se conforme toujours au consensus des conjoncturistes. Si je ne me trompe, une dizaine d’instituts travaillent très régulièrement sur la conjoncture allemande et, systématiquement, le gouvernement allemand retient la moyenne des prévisions issues de ces travaux.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est tentant ! Mais maintenant que le parti socialiste s’appuie sur les mêmes hypothèses que le Gouvernement… Le réalisme est universel !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, monsieur le ministre, nous persistons à penser que la fixation du taux de croissance par le Gouvernement n’est qu’une apparence. Il vaudrait mieux, pour établir les documents budgétaires, que vous vous détourniez de ce calice et que vous vous appuyiez sur des hypothèses à la fois prudentes et neutres.
En ce qui nous concerne, n’ayant pas beaucoup d’imagination, nous pensons toujours que le taux de croissance potentiel de l’économie, c’est-à-dire 2 %, est le taux le plus neutre, par construction, que l’on puisse trouver dans un tel équilibre pluriannuel.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et encore… La moyenne est de 1,6 % ! Retenir 2 %, c’est volontariste !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Par rapport au programme de stabilité de l’an dernier, plusieurs progrès réels ont été accomplis.
Tout d’abord, les hypothèses d’élasticité des recettes sont un peu plus prudentes ; 1,1 % du PIB au lieu de 1,2 %, c’est une différence qu’il convient de souligner.
S’agissant des autres observations que nous avions faites, elles doivent être réitérées concernant le taux de croissance – je viens de le faire – et, pour une part, concernant l’hypothèse d’évolution des dépenses publiques.
S’il est vrai que le taux de 0,6 % en volume est très volontariste, il a néanmoins été atteint pour la première fois en 2010, et ce pour diverses raisons, non seulement conjoncturelles – fin du plan de relance et modération des investissements des collectivités territoriales – que structurelles ; l’évolution de l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, les premiers effets de la réforme des retraites, la rigueur que l’État a imposée dans la gestion des dépenses des ministères.
Nous abordons donc avec intérêt cet exercice de prévision tout en observant que, pour une part, et pour les années 2012, 2013 et 2014, la réduction de la tendance d’évolution des dépenses publiques n’est pas complètement documentée. Comme il est indiqué dans le rapport écrit, à hauteur de 0,5 à 0,7 point de PIB il demeure des espaces d’incertitude ou zones d’ombre au sujet desquels le Gouvernement sera très vraisemblablement amené à donner des précisions, notamment si la Commission européenne le lui demande.
À ce stade, mes chers collègues, que peut-on dire en prévision de l’année 2012 ? J’avais lu avec grand intérêt les déclarations que M. le ministre avait faites au début du mois d’avril – je n’ose dire qu’elles étaient parues un 1er avril (Sourires) – concernant les efforts supplémentaires à faire, efforts qu’il chiffrait à 6 milliards d’euros dans l’hypothèse d’un taux de croissance de 2 % au cours de l’année 2012.
La commission des finances du Sénat a fait jouer une série de paramètres – les résultats de ces calculs figurent dans notre rapport – et a chiffré l’ordre de grandeur des efforts supplémentaires à fournir entre 6 milliards d’euros et 10 milliards d’euros.
Le raisonnement reste cependant identique à celui du Gouvernement. Il est d’ailleurs assez naturel que la commission des finances s’efforce d’être particulièrement prudente ; mes chers collègues, si nous ne l’étions pas, qui le serait dans notre République ?
Donc, s’il y a un regret à formuler, c’est que l’on n’ait pas anticipé dès aujourd'hui une telle évolution, qui paraît très vraisemblable. Au demeurant, à l’automne prochain, ce ne sera pas une décision plus agréable et plus facile à prendre. Au contraire, madame la ministre, monsieur le ministre, si l’on a péché par excès de pessimisme, il serait très porteur politiquement d’annoncer que la conjoncture permet d’atténuer les efforts déjà engagés.
Au total, mes chers collègues, ce document mérite tout notre intérêt sur le plan méthodologique comme sur le plan technique et en tant qu’il témoigne d’une volonté de convergence et de crédibilité.
Puisque 2012 sera une année tout à fait exceptionnelle, une année charnière, il est essentiel, et ce sera à la fois l’honneur de ce gouvernement et celui de la majorité parlementaire qui le soutient, que la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale de 2012 soient des documents particulièrement sérieux, crédibles, inattaquables. C’est en effet assurément sur le terrain de la crédibilité, du respect de la vérité et de la parole donnée que beaucoup de choses se joueront en 2012 ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. le président. J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe de l’Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste : 26 minutes ;
Groupe de l’Union centriste : 10 minutes ;
Groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche : 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 8 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe : 3 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, monsieur le ministre, comme nous sommes non pas au conseil d’administration de l’entreprise France mais au Parlement, je dirai ce que nous pensons de votre programme de stabilité sur le plan politique !
Il est question du programme de stabilité, mais encore faudrait-il s’accorder sur le diagnostic ! L’Europe est malade, profondément en crise. Elle est malade des politiques ultralibérales menées depuis des années et de leurs conséquences pour les peuples.
Les banques, les capitaux et les gros actionnaires, eux, se portent bien. Or ce que vous proposez, c’est de continuer à satisfaire les marchés en imposant toujours plus d’austérité aux peuples européens et toujours moins de solidarité à l’égard des peuples et des pays, par exemple de l’autre côté de la Méditerranée.
Ce qui se passe aujourd’hui avec les migrants tunisiens est honteux. Au lieu de conjuguer efforts et moyens pour faire face à une immigration exceptionnelle, d’ailleurs limitée en nombre et sans doute provisoire, les gouvernements actuels, et donc l’Union européenne, font la démonstration qu’ils ne sont capables que de démagogie et d’irresponsabilité, puisqu’ils ne font que distiller la peur et le rejet, attitude dont les conséquences politiques sont, on le sait, de plus en plus inquiétantes.
Madame, monsieur les ministres, vous nous présentez aujourd'hui, en sollicitant l’avis des groupes parlementaires, le projet de programme de stabilité européen, avant de le soumettre à la Commission européenne.
Le document dont vous avez tracé les grandes lignes, également intitulé Programme national de réforme 2011-2013, vise à évaluer la conformité de nos politiques publiques avec le « pacte de compétitivité » franco-allemand et autre « pacte pour l’euro ».
Or la discussion que nous avons ce soir anticipe sur une disposition du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques, qui a été déposé devant l’Assemblée nationale et sera examiné très prochainement.
Cette disposition prévoit en effet que le Parlement peut préalablement donner son avis sur le contenu dudit programme.
Notre débat n’a pourtant que les apparences de la démocratie.
En réalité, cette nouvelle façon de procéder, qui consiste à discuter dès maintenant des grandes orientations budgétaires et sociales du Gouvernement afin d’obtenir le feu vert de la Commission, a pour seul objectif de faire cautionner par le Parlement l’abandon de notre souveraineté nationale en matière de politique économique et sociale.
Cela figure clairement dans les conclusions du dernier Conseil européen des 24 et 25 mars dernier, dont je cite un passage : « Dans le cadre de la mise en œuvre de ces politiques et pour obtenir une large adhésion à ce processus […], les parlements nationaux, les partenaires sociaux, les régions et d’autres parties prenantes y seront pleinement associés. » Fort bien !
Cette nouvelle pratique découle directement de graves décisions prises lors du Conseil européen des 24 et 25 mars, décisions qui ont d’ailleurs été totalement éclipsées par la situation en Libye.
Désormais, en Europe, chaque gouvernement sera tenu de soumettre son budget dès le mois d’avril aux membres de la Commission, à charge pour ceux-ci de proposer des « recommandations » que les parlements nationaux seront fortement incités à suivre avant le vote de leurs propres budgets.
Un pays qui ne respecterait pas cette discipline budgétaire aveugle s’exposerait alors à des sanctions financières.
En outre, chaque pays sera tenu d’inscrire dans sa législation nationale le plafond de déficit public à ne pas dépasser.
C’est pour cette raison que vous prévoyez de graver l’interdiction des déficits publics dans le marbre de la Constitution. C’est une piètre parade, vous l’avouerez, pour empêcher toute alternative à votre politique.
D’un commun accord entre les gouvernements européens, la Commission s’est ainsi vu attribuer le pouvoir exorbitant d’examiner les projets budgétaires nationaux pluriannuels selon les seuls critères de l’équilibre financier et de la lutte contre les déficits publics, qui sont, avec la libre concurrence, les principaux piliers du dogme libéral.
C’est, une fois de plus, un grave abandon de souveraineté et un déni de démocratie.
Cette réunion du Conseil européen a marqué un inquiétant tournant dans l’histoire de la construction européenne. Il s’agit d’un pas de plus vers une Europe fédérale à direction autoritaire, toujours plus imprégnée d’idéologie ultralibérale.
On peut même considérer que, le 25 mars dernier, l’Europe a subrepticement changé de projet, et cela en pleine opacité.
En effet, en adoptant ce qu’il est convenu d’appeler le « pacte pour l’euro », les dirigeants européens ont mis sur pied une politique qui vise à contraindre leurs gouvernements respectifs à prendre des mesures antisociales, que ce soit en matière de politique salariale, avec la suppression du principe d’indexation des salaires sur les prix et avec la précarisation organisée des salariés par la « flexsécurité », ou bien encore en matière de réduction des allocations chômage.
On voit poindre de nouvelles réductions des retraites au moyen de l’allongement de la durée de cotisations et du recul mécanique de l’âge de départ.
En cette « année charnière », le contre-feu du Président de la République, qui a sorti de son chapeau une prime inégalitaire et aux contours encore mal définis pour les salariés des entreprises qui augmentent les dividendes versés à leurs actionnaires, ne peut faire illusion.
Ce que vivent les salariés, ce sont le blocage des salaires, par exemple ceux des fonctionnaires, ou l’augmentation a minima du SMIC, alors que le prix des produits courants indispensables augmente de façon inquiétante.
Toutes ces mesures sont liées, cohérentes ; elles font partie d’un même ensemble, car votre politique est conforme aux divers « pactes » et autres plans d’austérité concoctés avec la chancelière allemande lors des derniers conseils européens.
Ces « pactes » sont présentés comme étant la seule solution pour faire face à la crise financière dont la financiarisation de l’économie est responsable et dont les salariés font les frais, en particulier ceux des pays débiteurs, qui supporteront le coût des prêts irresponsables consentis aux banques par les États créanciers.
M. Mario Draghi, pressenti pour présider la BCE, ancien vice-président de la Banque Goldman Sachs, particulièrement impliquée dans la crise de 2008, est bien placé pour le savoir !
C’est socialement injuste et totalement contraire à la défense de l’intérêt général dont se prévalent volontiers nos démocraties européennes.
La religion qui inspire les mesures de votre programme de « stabilité et de croissance » – pour ma part, je préfère d’ailleurs employer le mot « austérité » – repose sur l’hypothétique amélioration de notre compétitivité économique. C’est un profond changement avec la conception fondée sur le développement par le progrès qui était, en 2000, celle de l’agenda de Lisbonne.
Aujourd’hui, il n’est plus question d’objectifs concrets de progrès, qu’ils soient économique, social ou culturel. Seul compte l’impératif de la compétitivité fondée sur les seuls critères de rentabilité !
Ces « pactes » rendent sceptiques les peuples d’Europe et suscitent souvent de fortes oppositions, comme l’a encore démontré la récente euromanifestation de Budapest. Les populations sont lucides. Elles comprennent que ces mauvaises réponses à la crise financière abaisseront leur niveau de vie, creuseront les inégalités, développeront le travail précaire et, au total, accentueront la mise en concurrence des salariés des différents pays. Mais n’est-ce pas le but ici ?
Outre l’injustice sociale qu’il porte en lui, le programme de stabilité que vous nous avez présenté sera à coup sûr économiquement inefficace : inefficace, car contraire à la croissance de l’économie. En effet, les règles qu’il pose en matière de fixation des salaires, qui traduisent votre refus d’augmenter le pouvoir d’achat, ne peuvent que brider la croissance.
En nous proposant ces mesures, vous vous alignez sans sourciller sur les désastreuses politiques conduites depuis dix ans par la Commission et par la Banque centrale européenne. J’en ai dénoncé les conséquences économiques et sociales, que nous vivons tous les jours, mais, en matière de croissance dans la zone euro, le résultat par rapport à d’autres régions du monde est tout aussi calamiteux.
Or voici maintenant que trois pays de cette zone sont au bord d’une faillite qui risque de s’étendre à d’autres pays plus importants !
Le plan de sauvetage de la Grèce ne fonctionne pas et le Portugal vient d’être sommé, par des marchés financiers qui refusent de prendre des risques, de se tourner vers l’Europe et le FMI.
Au lieu de vous interroger face à cette situation angoissante et d’examiner s’il ne conviendrait pas de changer radicalement l’orientation de la politique monétaire et de la politique budgétaire, vous persistez et suivez docilement la Commission et la Banque centrale européenne, lesquelles ne veulent pas remettre en cause des principes qui ont largement contribué à la crise.
Enfin, avec les instruments permettant d’imposer l’austérité dont il s’est doté, le dernier Conseil a en définitive décidé, en catimini, d’aller au-delà du traité de Lisbonne en modifiant celui-ci par révision simplifiée, c’est-à-dire sans consultation des parlements nationaux non plus que des citoyens.
Votre programme de stabilité n’est que la déclinaison française de décisions prises ailleurs, décisions qui appauvrissent les peuples et accentuent leur défiance à l’égard de la politique et des institutions européennes.
Comme viennent à nouveau de le montrer les élections en Finlande, ces décisions risquent aussi de jeter les citoyens européens dans les bras des eurosceptiques et de l’extrême droite.
Pour notre part, nous prônons un autre projet, une autre logique.
Je n’évoquerai qu’une mesure, qui me paraît aujourd'hui particulièrement intéressante : la création d’un fonds européen de développement social destiné à financer, à taux très bas ou nuls, des investissements publics créateurs d’emplois et tendant à développer la formation, la recherche, les services publics, les infrastructures et des réalisations en matière d’environnement.
Pour se dégager de l’emprise étouffante des marchés financiers, ce fonds devrait pouvoir utiliser la BCE, qui a compétence pour créer de la monnaie, afin de lui éviter de se soumettre aux exigences spéculatives des investisseurs.
Telles sont, madame, monsieur les ministres, les motivations profondes qui conduisent notre groupe à voter résolument contre ce projet de programme de stabilité que vous nous avez si brièvement présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la séance qui nous réunit ce soir est historique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Monsieur le ministre, vous avez d’ailleurs choisi de souligner d’entrée combien avait de sens, pour la France comme pour l’Europe, l’engagement conjoint et solennel de l’exécutif et du Parlement français sur le projet de programme pluriannuel de stabilité que le Gouvernement va transmettre à Bruxelles.
Le Sénat a maintenant la parole pour se prononcer sur cet acte qui engage le pilotage pluriannuel de nos finances publiques et, par voie de conséquence, la préparation du budget annuel.
Prévue par l’article 121 du traité sur l’Union Européenne, la transmission des programmes de stabilité est un jalon essentiel de l’information que la France donne de l’état de son économie et de ses finances à la Commission européenne et en premier lieu surtout, puisque nous sommes « liés » dans une démarche intergouvernementale, à nos partenaires européens.
Le programme pluriannuel 2011-2014 innove à la fois sur la forme et sur le fond.
Sur la forme, d’abord, le groupe de l’Union centriste se félicite de l’engagement pris par le Gouvernement de soumettre ce programme au vote du Parlement. Il s’en félicite et il vous en remercie, madame, monsieur les ministres.
La séance de ce soir donne un avant-goût des dispositions prévues par le projet de loi constitutionnel relatif à l’équilibre des finances publiques. Cette pratique ne peut que renforcer le chaînage vertueux des finances publiques avant même que l’on entre dans le cycle qu’inaugurera le collectif budgétaire du printemps.
C’est un gage de plus grande lisibilité des perspectives financières du pays et, j’ose le dire, madame Borvo Cohen-Seat, d’une procédure plus démocratique encore. Le principe du consentement à l’impôt, même lorsque nous sommes liés à vingt-sept, doit rester une base de la démocratie et nous nous donnons ici les moyens de respecter cet impératif.
Nous innovons ensuite sur le fond. Je note avec quelle prudence le Gouvernement a modifié ses prévisions de croissance pour 2011 et 2012 : désormais respectivement fixés à 2 % et 2,5 %, les taux de croissance prévisionnels pour ces deux années semblent fondés sur une analyse relativement réaliste des performances économiques du pays et c’est avec raison, me semble-t-il, que le rapporteur général qualifiait à l’instant ces taux de taux les plus « neutres ».
Je veux d’ailleurs saluer ici le travail réalisé par Philippe Marini dans son rapport sur le dernier projet de loi de programmation des finances publiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie.
M. Denis Badré. La commission des finances du Sénat a très justement pointé les failles et les limites des programmations pluriannuelles, qu’elles soient nationales ou européennes.
Sans une hypothèse de croissance crédible et solide, aucun gouvernement ne saurait avoir une estimation fiable de ses recettes et, sans objectifs ou plafond de dépenses, aucun gouvernement ne saurait assainir durablement ses finances publiques.
Ce que l’on pourrait appeler le « risque » budgétaire est désormais largement répandu dans les pays occidentaux. Ce risque pèse aussi, directement et indirectement, sur la France. L’heure n’est plus aux déclarations d’intentions ou aux présentations optimistes. Il nous faut faire preuve aujourd’hui d’un engagement très responsable en matière de finances publiques.
Il y a un an, presque jour pour jour, les Européens étaient au chevet de nos amis grecs, dont la dette publique faisait alors l’objet d’attaques spéculatives, assez largement justifiées, d’ailleurs.
L’Irlande, dès l’automne, a elle aussi vu sa dette souveraine l’entraîner dans la crise.
Le Portugal est dans la tourmente, sans perspectives financières encore vraiment restaurées.
On craint que d’autres pays ne suivent. Comme disait le fabuliste, « ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés » ! (Sourires.) Heureusement – solidarité oblige – personne ne meurt ! Et c’est d’abord aux spéculateurs que nous avons déclaré la guerre en affichant une solidarité européenne sans faille.
La contrepartie de cette solidarité est évidemment un droit de regard mutuel et une rigueur partagée. À ce titre, la France se doit d’être exemplaire. Ce n’est malheureusement pas encore tout à fait le cas.
Ainsi, nous n’avons pas voté un seul budget en équilibre depuis 1975. La limite de 3 % du PIB, fixée à l’article 126 du traité sur l’Union Européenne, n’a été respectée qu’une année sur deux au cours de la dernière décennie. En 2010, le déficit public a dépassé le triste record des 7 % de PIB, atteignant plus 130 milliards d’euros et projetant notre dette publique au-delà de 87 % du PIB dès l’an prochain.
La France vit à crédit sur le compte de ses enfants et de ses petits-enfants. Nous perdons en crédibilité, aux yeux de nos partenaires européens comme des marchés financiers.
Je ne voudrais pas que nous attendions que la note de notre signature soit dégradée pour prendre les mesures adéquates.
Les États-Unis eux-mêmes ne semblent plus à l’abri du risque souverain. L’administration du président Obama se prépare à rencontrer de grandes difficultés lors du vote du budget américain, au risque de remettre en cause 800 000 emplois de fonctionnaires à travers le pays. Alors que les inscriptions dans les agences de recherche d’emploi ont atteint leur record historique au mois de mars dernier, le froncement de sourcil d’une agence de notation peut faire trembler Wall Street. Le service de la dette américaine, qui couvre près de 14 000 milliards de dollars, est aujourd’hui suspendu au jugement de l’agence Standard and Poor’s.
Si même la première économie mondiale n’est plus à l’abri, qu’en sera-t-il de la France et d’une Europe en dehors de laquelle il existe peu de salut pour notre pays ?
La stabilité économique et budgétaire en Europe ne se décrète pas ; elle se construit, dans une concertation renforcée. C’est dans cette perspective que les parlements nationaux de l’Union européenne doivent orienter leurs efforts conjoints.
Le vote du budget est évidemment une prérogative nationale, qui ne peut être transférée à la Commission ou au Parlement européen. Il est de notre devoir et de notre responsabilité d’élus d’être vigilants quant à l’emploi des deniers publics. Cette évidence ne peut plus nous dispenser d’adopter une attitude de solidarité européenne, de solidarité tant face à la crise que dans la prévention des crises.
L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne nous a donné l’occasion de renforcer les dispositions prévues au titre XV de la Constitution. Comme cela fut programmé, les articles 88-4 et 88-6, évoqués à l’instant par Philippe Marini, donnent au Parlement des prérogatives claires à propos du contrôle du principe de subsidiarité. Il faut aujourd'hui aller plus loin.
Considérant que des questions présentant un caractère aussi important et un intérêt aussi européen que la défense, la garantie des dettes souveraines ou les budgets nationaux, voire les recettes du budget européen, donnent lieu à vote au sein des parlements nationaux, il nous faut construire le réseau de ces parlements nationaux qui, avec le Parlement européen, pourra appréhender ces questions et rendre compatibles ambitions communes et prérogatives nationales.
C’est vers une sorte de « conseil Écofin parlementaire » qu’il faut aller. J’ai eu l’honneur de représenter la commission des finances du Sénat à Bruxelles, lors d’une récente rencontre consacrée au semestre européen organisée avec les commissions des finances des parlements nationaux sur l’initiative de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. Cette réunion fut très utile et prometteuse.
Il nous faudra poursuivre en allant plus loin, en envisageant, notamment, d’éventuelles formes de contrôle. Un contrôle parlementaire concerté sera un gage de lisibilité et de démocratie budgétaire à offrir à l’Europe. Alors, le programme de stabilité prendra son plein sens. C’est cette idée que je défendrai lors de la prochaine réunion de la COSAC, la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, qui se tiendra à Budapest dans quelques jours et à laquelle j’assisterai avec mon collègue Jean Bizet.
En abordant cette question, nous sommes tout simplement en train de mettre en musique l’article 5 du traité de Lisbonne, qui consacre le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne. On n’avait sans doute pas vu, au moment du vote du traité, à quel point cet article serait nécessaire ni quelle en serait sa portée. C’est une réelle exigence imposée aux parlements nationaux dont nous essayons de nous montrer dignes ce jour.
En cet instant, il nous faut répondre à la question de confiance posée par le Gouvernement, au titre de l’article 50-1 de la Constitution. C’est dans un esprit de confiance – denrée rare en ces temps d’instabilité économique et financière – et de responsabilité que les sénateurs centristes soutiendront le Gouvernement lors du scrutin en approuvant la transmission à Bruxelles de ce programme de stabilité, non sans l’appeler, je l’ai indiqué, à faire encore beaucoup mieux à l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous entrons donc dans la procédure dite du « semestre européen ». Il s’agit de coordonner, avant l’adoption des budgets annuels nationaux – cela relativise encore plus l’exercice budgétaire de la fin de l’année – les politiques budgétaires et économiques de la zone euro en lien avec le pacte de stabilité et la stratégie Europe 2020, qui, au demeurant, s’éloigne fortement de celle qui avait été définie à Lisbonne.
Le pacte de stabilité fait l’objet en ce moment même d’un débat contradictoire au Parlement européen, ce qui peut poser à la France un problème de calendrier, puisque la coordination doit tenir compte des décisions qui seront prises lors des débats du Parlement et de la Commission, selon la procédure européenne.
Sur la forme, je reconnais un progrès par rapport à l’année dernière. Je rappelle que le Premier ministre avait dressé la trajectoire des finances publiques en début d’année dans un courrier, alors que nous n’avions débattu du projet de loi de programmation qu’au début du mois de novembre, quelques jours avant d’aborder l’examen du projet de loi de finances annuelle.
Comme l’a dit en commission le rapporteur général, il pourrait s’agir aujourd’hui d’une « actualisation approximative » de la loi de programmation.
En réalité, cet exercice devant être associé à l’examen, au mois de juin prochain, du projet de loi constitutionnelle qui est censé fixer des règles d’or supposées contraignantes pour réduire nos déficits, il a une portée tout autre.
Lors de la présentation au Conseil du semestre européen, la Commission européenne avait pris soin d’indiquer que « le nouveau cadre ne représente en rien une limite à la souveraineté des États nationaux. » Et pourtant, c’est bien le président de la Banque centrale européenne qui déclarait, voilà peu de temps, que nous étions dans une « quasi-fédération budgétaire ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Comprenne qui pourra !
Si tout cela se fait sous l’étroite surveillance des marchés, lors de la présentation devant nos collègues de la commission des finances de l’Assemblée nationale la semaine dernière, vous avez bien insisté, madame la ministre, et déclaré : « La France doit impérativement défendre son triple A ».
Mais un autre paramètre ne doit pas être oublié : les peuples, auxquels il va être demandé essentiellement de porter l’effort de redressement. Certains peuvent se réjouir de connaître une situation moins pire qu’ailleurs. Prenons garde cependant, mes chers collègues, au rejet, qui se manifeste un peu partout, de l’idée même d’Europe. Les événements délitent chaque jour un peu plus l’idée même d’une Europe unie.
Une procédure budgétaire, fût-elle constitutionnalisée, peut-elle se substituer aux choix démocratiques d’une politique et d’une stratégie économique, qui plus est à un an de l’échéance cardinale que constitue, nous le savons, l’élection présidentielle ? Certainement pas !
Reconnaissons que l’obstacle est de taille, eu égard à l’ampleur de nos déficits. Certes, la crise est passée par là et nous n’en sommes pas encore sortis, mais elle ne saurait exonérer la majorité sortante de ses responsabilités, car son bilan est négatif. Je ne citerai que quelques chiffres : un déficit public de 7 % à la fin de l’année dernière, alors qu’il s’élevait à 2,7 % voilà quatre ans ; une dette multipliée par deux en dix ans.
La Cour des comptes avait estimé à deux tiers l’impact des choix budgétaires que vous avez opérés. Au sujet de la trajectoire 2010-2013, elle note, dans son rapport annuel pour 2011, que le déficit structurel, qui atteignait 5 % du PIB en 2009, s’est encore aggravé, en raison des baisses durables de prélèvements obligatoires qui ne respectent pas les règles de la loi de programmation, à peine celle-ci votée.
Pour nous, socialistes, le rétablissement des comptes publics est un objectif à la fois de souveraineté politique et de justice. Nous ne pouvons pas ignorer le coût des déficits que vous avez accumulés pour le présent et l’avenir, et qui seront difficiles à résorber.
Encore faut-il articuler finement redressement économique, justice fiscale et responsabilité budgétaire. Or la trajectoire budgétaire que vous proposez n’est sous-tendue par aucune stratégie économique.
En 2007, vous aviez fait le choix du paquet fiscal pour, disiez-vous alors, « libérer les énergies » de ceux qui, parmi les plus aisés, étaient susceptibles de contribuer à la croissance, qu’il fallait aller chercher avec les dents. On sait ce qu’il en fut : une économie rentière s’est substituée à une économie productive.
Depuis, vous détricotez le paquet fiscal, sans pour autant remplacer votre stratégie de 2007 par une nouvelle stratégie économique susceptible de permettre à notre pays de retrouver le chemin de la croissance durable, solide et créatrice d’emplois pérennes.
N’oublions pas non plus que les stratégies budgétaires des pays voisins de la zone euro convergent, elles aussi, vers l’austérité, ce qui accentuera la faiblesse de la croissance et, ce faisant, compromettra le rétablissement budgétaire.
C’est le multiplicateur keynésien à l’envers qui est à l’œuvre.
Ces considérations macroéconomiques ne sont pas superflues, quand on voit que l’hypothèse de croissance sur laquelle repose la trajectoire que vous transmettez est manifestement optimiste et sa crédibilité, de ce fait, quelque peu amputée.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le taux retenu est le même que celui qui figure dans le programme socialiste !
Mme Nicole Bricq. Je vais y venir, monsieur le rapporteur général.
Vous avez seulement consenti à baisser votre prévision d’un quart de point pour 2012. Or il s’agit de l’année de tous les dangers. Le consensus économique table sur 1,8 % pour cette même année. Même Rexecode a publié un pourcentage identique en fin de semaine dernière. Vous, vous programmez une croissance de 2,25 % en 2012 et de 2,5 % dès 2013.
Monsieur le rapporteur général, j’ai entendu votre interpellation, que j’avais un peu anticipée lors de la préparation de cet exposé. Si ce dernier pourcentage a été avancé par le parti socialiste, précisons que le calendrier retenu n’est pas le même que le vôtre : il vise la période 2012-2017.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Donc, vous laissez filer la dette jusqu’en 2017 !
Mme Nicole Bricq. Attendez, monsieur le rapporteur général, je vais évoquer les recettes et les dépenses.
Le Gouvernement fait comme si les clignotants étaient ou passaient au vert durablement.
Selon votre scénario, madame la ministre, monsieur le ministre, la consommation se maintiendra alors que le pouvoir d’achat baisse, fait désormais avéré.
L’amélioration des exportations constatée lors des derniers trimestres de 2010, vous l’avez indiqué tout à l’heure, deviendra structurelle, alors qu’elle correspond à un effet de rattrapage consécutif à l’effondrement de 2009 et que l’évolution du commerce extérieur de notre pays sur une période de dix ans fait apparaître la perte chaque année de 0,4 point de PIB.
Donc, les entreprises investiront ; les taux d’intérêt seront modérément relevés ; l’inflation ne sera que conjoncturelle et le prix du baril de pétrole devrait se stabiliser.
Enfin, les collectivités locales, sommées de s’ajuster à la nouvelle donne fiscale et financière depuis 2010, modéreront leurs dépenses, alors qu’elles pourraient légitimement avoir des besoins de financement en milieu de cycle électoral, je pense aux élections municipales.
Monsieur le ministre, vous vous êtes tout à l’heure satisfait d’un chiffre définitif du déficit pour 2010 de 7 %, au lieu de 7,7 %, donnée qui avait déjà fait l’objet d’un réajustement. Vous le savez fort bien, mais je souhaite vous rappeler que les collectivités locales ont contribué pour moitié à la réduction du déficit l’année dernière.
En réalité, le scénario gouvernemental est un conte, mais sans fée ni prince charmant. Ce conte devrait nous conduire à un ajustement de 4 points de PIB, soit, pour satisfaire à votre demande justifiée, monsieur le rapporteur général, 80 milliards d’euros, que vous allez chercher en pressurant la dépense.
L’année dernière, et nous vous avions soutenu, vous aviez posé plusieurs questions, que je reprends en cet instant : « En cas de variation à la baisse de l’hypothèse de croissance, quels ajustements proposez-vous ? Une compression supplémentaire des dépenses, et laquelle ? Une hausse des prélèvements, et laquelle ? »
La commission chiffre par ailleurs dans son rapport une variation de 0, 5 point à la baisse de la croissance et une augmentation du ratio dépenses/PIB de 0, 25 point. Et si l’élasticité des recettes est moindre, l’impact sur le solde peut être double. J’en conclus que le rapporteur général n’est pas définitivement convaincu par la trajectoire qui nous est proposée…
De plus, force est de constater que la documentation dont nous disposons est très lacunaire : elle ne nous permet pas d’étayer la crédibilité de votre trajectoire, madame la ministre. Ces lacunes se constatent sur l’exécution budgétaire 2010, et a fortiori pour les années suivantes. Mais il ressort des travaux du rapporteur général que, s’agissant des dépenses documentées, l’objectif d’une croissance limitée à 0, 6 % n’est pas vérifié.
Concernant le volet « dépenses », vous confirmez la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, alors que nous ignorons encore quelles économies auront ainsi été réalisées sur la période passée, mais que nous pouvons tous apprécier très concrètement les dégâts causés au service public, notamment dans l’éducation nationale.
Vous souhaitez même étendre cette règle aux opérateurs de l’État ! À Pôle emploi, par exemple, la situation est déjà effrayante et elle deviendra catastrophique, pour les personnels comme pour les demandeurs d’emploi.
On ne connaît pas les économies permises par la réduction du nombre de fonctionnaires mais on sait en revanche que le gel du point d’indice pèsera sur la capacité de consommation.
Vous annoncez une augmentation de l’effort de réduction des niches fiscales, mais en renvoyant, sans plus de détails, à l’élaboration du budget de 2012 ! Je voudrais vous rappeler, monsieur le rapporteur général, madame la ministre, monsieur le ministre, que dans son projet, le parti socialiste, estime à 50 milliards d’euros les recettes que nous pourrions attendre de l’extinction des niches fiscales !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais ce serait récessif ! Comment faire 2,5 % de croissance avec tout cela ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quelle est votre hypothèse de croissance ?
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, vous avez qualifié ce chiffrage de « déraisonnable » et d’« irresponsable », ce qui est tout de même sévère.
Je voudrais vous faire remarquer que, ce matin, en commission, comme le président et le rapporteur général s’y étaient engagés l’année dernière, nous avons auditionné, outre le directeur du budget et la directrice de la législation fiscale, M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances. En effet, vous avez demandé à l’IGF, l’Inspection générale des finances – avec retard, mais mieux vaut tard que jamais – un travail de chiffrage et d’évaluation. Or, pour la seule partie que la direction du budget et la direction de la législation fiscale classent en niche fiscale, l’IGF parvient à une estimation de 100 milliards d’euros. Si l’on y ajoute les niches que vous avez « déclassées », qui représentent au moins 70 milliards d’euros, le travail auquel nous comptons nous atteler en 2012 n’est ni irresponsable ni déraisonnable.
M. François Marc. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, vous assurez que les différentes mesures annoncées seront neutres, qu’il s’agisse de la sortie de l’impôt sur la fortune pour 300 000 foyers - effective dès 2011 – de la baisse significative des taux pour ceux qui resteront assujettis à l’ISF, ainsi que de la suppression du bouclier fiscal, qui n’interviendra qu’en 2012. Des mesures neutres ? Mais vous n’en apportez aucune preuve. Au chèque fiscal qui devait encore être remis à une certaine dame en 2012 – cela fait tout de même tache en année électorale – vous allez substituer une déduction de l’ISF (Sourires.)
Néanmoins, pour les comptes publics, cela ne change rien ! Il faudra que vous nous assuriez de la neutralité de cette mesure ; à nos yeux, c’est un tour de passe-passe. Encore une fois, vous continuez votre politique de cadeaux !
Pour ce qui est maintenant des recettes, madame la ministre, il faut observer que les prélèvements obligatoires augmentent : ils retrouveront dès l’année prochaine leur niveau de 2007. Et on ignore encore si vous avez intégré à vos calculs la nouvelle niche, qui accompagnera la prime versée dans les entreprises privées – je fais allusion à celle qu’a demandée le chef de l’État. Il est vrai que le débat intragouvernemental à ce sujet n’est pas conclu, et que la confusion règne.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quelle horreur !
Mme Nicole Bricq. Quoi qu’il en soit, votre coefficient d’élasticité est sans rapport avec votre hypothèse de croissance. J’en conclus que vous voulez masquer la hausse des prélèvements obligatoires.
Vous répétez à l’envi qu’il n’y aura pas de hausse généralisée des prélèvements obligatoires, mais il suffit de faire une simple addition pour constater qu’il y aura bien hausse de ces prélèvements.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est une réduction des dépenses fiscales !
Mme Nicole Bricq. Soit ! Si je fais cette rapide démonstration, c’est pour souligner que vous serez bien téméraires si vous persistez à nous qualifier de « taxeurs » quand il s’agira de dresser le bilan de la législature !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avec 50 milliards d’euros !
Mme Nicole Bricq. Et encore n’ai-je évoqué que le budget de l’État ! Or le budget social - j’en reviens à l’hypothèse macroéconomique - est particulièrement sensible à l’évolution de la croissance et de l’emploi. Cela pose une nouvelle fois la question de la fragilité des prévisions de recettes des administrations de la sécurité sociale.
En conclusion, le passé ne plaide pas en faveur des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans, car ceux-ci n’ont pas respecté les programmations des finances publiques. Le respect de la trajectoire actualisée n’est pas davantage assuré. Nous n’avons aucune visibilité quant aux choix qui seraient faits en 2012 si l’hypothèse de croissance n’était pas au rendez-vous.
Enfin et surtout, la diminution des déficits ne fait pas à elle seule une politique. Il faudrait assurer un équilibre entre mesures de désendettement et soutien à la croissance, par l’emploi, notamment. Or les études les plus récentes démontrent que la fragilité de la reprise pourrait au mieux stabiliser les chiffres du chômage, et cela dans le meilleur des cas. Cet équilibre que nous cherchons – désendettement mais soutien à la croissance, dans le respect d’un rythme compatible avec l’état de notre pays - ne se retrouve pas dans votre programme de stabilité.
Oui, il faut assainir nos finances publiques, mais en prenant le temps nécessaire par une politique économique appropriée, et sans casser la consommation. Votre programme pèche par défaut de crédibilité et ne s’appuie pas sur une stratégie économique qui viserait à utiliser les marges de manœuvre dont nous disposons encore. Ce sont deux raisons suffisantes qui justifient notre opposition au programme que vous nous présentez (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quelle illusion !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Depuis le traité de Maastricht, la France a renoncé à sa souveraineté monétaire. On en voit aujourd’hui le résultat : l’euro fort convient à l’Allemagne du fait de sa spécialisation économique ; il convient beaucoup moins à la France, dont la croissance s’en trouve ralentie, le chômage maintenu à un niveau proche de 10 % et le commerce extérieur en déficit structurel : plus de 50 milliards d’euros en 2010.
Au prétexte que la zone euro est fragile, rassemblant dix-sept pays économiquement et politiquement hétérogènes – il eût fallu s’aviser plus tôt de ce vice de conception initial ! – le Gouvernement propose aujourd’hui au Parlement de renoncer à la souveraineté budgétaire de la France, à travers un document intitulé Programme de stabilité de la France 2011-2014.
Ce document ne fait qu’anticiper les engagements du « Pacte de stabilité » dit Merkel-Sarkozy, adopté par le Conseil de l’euro du 11 mars et entériné par le Conseil européen des 24 et 25 mars 2011. On observe ainsi ce paradoxe : une crise financière, privée à l’origine, peut aboutir à une austérité publique généralisée, durable, et sans précédent ; à la constitutionnalisation ou, en France, à la semi-constitutionnalisation de l’interdiction des déficits publics, par voie de lois organiques ; à un nouveau décrochage des salaires ; au recul automatique de l’âge de la retraite.
C’est pour sauver l’euro - ses promoteurs nous assuraient depuis des années qu’il nous sauverait des périls extérieurs - que le Conseil européen nous invite à « une coordination renforcée des politiques économiques pour la compétitivité et la convergence ». Cette coordination s’intègre au projet de réforme constitutionnelle préparé par le Gouvernement et dont le Parlement doit débattre avant l’été. Il s’agit essentiellement de mettre le budget de l’État sous tutelle, en créant des « lois-cadres d’équilibre des finances publiques » dont les dispositions s’imposeront « de manière intangible » aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Le tout est assorti d’un dispositif coercitif qui, in fine, pourrait être adopté selon une règle de majorité inversée.
C’est sans doute par ironie que le Gouvernement propose également d’inscrire dans la Constitution le principe d’une transmission systématique à l’Assemblée nationale et au Sénat du « programme de stabilité de la France », avant qu’il ne soit adressé à la Commission européenne. En réalité, c’est un simulacre de consultation. Tout cela résulte du travail effectué en commun par vos fonctionnaires, madame la ministre, et par les fonctionnaires de la Commission européenne.
C’est un programme de rigueur budgétaire et sociale à perpétuité que vous nous demandez d’entériner, au terme d’une consultation de pure forme.
La double norme d’évolution des dépenses de l’État – zéro volume et zéro valeur, hors intérêts et pensions – aboutira à la poursuite de la révision générale des politiques publiques, à la baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement de l’État, dont 5 % dès 2011, et de 10 % des dépenses d’intervention ; au gel enfin des dotations aux collectivités locales.
Par ailleurs, le ralentissement de la progression de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie de 3 % à 2,8 % par an se traduira par la hausse de 5 % du ticket modérateur sur les services médicaux et par la baisse du taux de remboursement des médicaments.
En réalité, comme l’a bien montré M. Marini, tout cet exercice repose sur une accumulation d’hypothèses optimistes. Vous avez légèrement réduit le taux de croissance de l’économie pour 2011-2012, mais vous le maintenez à 2, 5 % pour 2013-2014. Qu’est-ce qui justifie un pareil optimisme ? Essentiellement la reprise escomptée de la demande mondiale à hauteur de 6,5 % par an à compter de 2013, laquelle fait ressortir a contrario la très faible croissance de la zone euro. Comment mieux reconnaître la perte complète d’autonomie de celle-ci, incapable de programmer elle-même une stratégie de croissance et d’investissement pour favoriser, par exemple, la résorption du chômage ou la nécessaire transition énergétique ?
La zone euro est la lanterne rouge de la croissance et le ruban bleu du chômage à l’échelle mondiale parce que ses gouvernements ont choisi de maintenir l’euro comme la monnaie la plus surévaluée au monde : c’est un choix de classe, comme on disait, à juste titre en l’occurrence ; c’est le choix des possédants, de ceux qui détiennent les actifs financiers. Mais ce n’est pas le choix des peuples – on l’a vu en 2005 – et encore moins le choix de la jeunesse, dont l’avenir est sacrifié sur l’autel de la rentabilité financière !
Le document qui nous est soumis est, au fond, un choix de résignation.
Les hypothèses macroéconomiques associées au programme sont dépassées. Qu’on en juge.
La parité de l’euro avec le dollar ? On table sur 1, 40 dollar, alors que nous en sommes déjà à 1,46 dollar. Je rappelle que l’euro était à 1, 16 dollar lors de son lancement et qu’il était à 0, 82 dollar en 2000 !
Le prix du baril de pétrole ? Il a dépassé les 100 dollars, et il est orienté à la hausse.
Ajoutons à cela l’augmentation des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne de 25 points de base – pour commencer ! –, à rebours de l’action menée par les autres banques centrales et de ce que serait une politique de change sensée, visant à freiner le renchérissement de l’euro.
Enfin et surtout, comment ne pas anticiper l’effet des politiques de rigueur partout mises en œuvre en Europe ? Comme l’a écrit M. Marini, aux pages 41 et 42 de son rapport d’information, la Grèce est, d'ores et déjà, « en situation de défaut virtuel », tandis que la situation de l’Irlande et du Portugal est « intenable ».
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Chevènement. La dette explosera de nouveau, et cela de deux façons : d'une part, par l’abondement inévitable du Fonds européen de stabilisation financière, d’ici à 2013, puis du mécanisme européen de stabilité qui s’y substituera – sauf à provoquer une nouvelle crise de liquidité bancaire, car nos établissements de crédit sont engagés dans ces pays –, et, d'autre part, par le biais des moins-values fiscales liées au ralentissement de la conjoncture.
Ainsi, le serpent se mord la queue : le contribuable français est doublement sollicité, pour réduire la dette de la France et pour financer celle des pays susceptibles de faire défaut.
Dans les hautes sphères, on s’interroge maintenant sur la réduction du ratio de la dette à 60 % du PIB. Permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que cet effort supposerait un excédent budgétaire de trois points de PIB pour l’Italie et de 1,3 point de PIB pour la France !
C’est vraiment une cure d’austérité à perpétuité que prévoit cette programmation, quintessence du pacte dit « de compétitivité ».
Un tel programme vide la démocratie de tout contenu. Quelle aurait été sa signification s’il avait été présenté en 2007, alors que vous exerciez déjà les mêmes fonctions, madame la ministre ? Il aurait interdit le sauvetage des banques, le plan de relance et le grand emprunt ! (Mme la ministre sourit.)
Mais je vous vois acquiescer : au fond, vous savez bien que j’ai raison.
M. Jean-Pierre Chevènement. Le programme de stabilité de la France pour la période 2011-2014 interdira au parti socialiste, si son candidat est élu à la présidence de la République, de financer son programme, dont ses responsables évaluent eux-mêmes le coût à 25 milliards d’euros pour la législature 2012-2017, mais qu’un journal comme Les Échos, dans son édition du 20 avril dernier, chiffrait à une somme cinq fois supérieure.
M. Albéric de Montgolfier. Un article à lire ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Chevènement. Je ne me lancerai pas dans une querelle de chiffres, mes chers collègues.
Il faut changer de logique, madame la ministre,…
Mme Nicole Bricq. Il reste un an pour cela !
M. Jean-Pierre Chevènement. … pour répondre aux aléas économiques et politiques qui sont prévisibles dans les quatre ans qui viennent. Or, ce que vous nous proposez, c’est de mettre définitivement la démocratie en vacances.
Votre programme de stabilité débouchera sur une récession européenne qui rendra encore plus inaccessibles les objectifs de réduction des déficits et de la dette que vous nous assignez, comme on le voit déjà en Grèce et au Portugal.
Il est temps de concevoir pour l’Europe une sortie de crise par le haut, comme aux États-Unis : en effet, seule la croissance peut permettre de réduire les déficits et la dette.
On attendrait de la France qu’elle mette l’accent sur une initiative européenne de croissance fondée sur la relance salariale dans les pays les plus importants de la zone euro et sur la réforme des statuts de la Banque centrale européenne, et cela pour, premièrement, introduire la croissance et l’emploi au rang des missions de la BCE et lui permettre de racheter les titres de dette sur les marchés autant que de besoin ; deuxièmement, modifier les textes européens qui s’opposent, par exemple, au lancement d’un grand emprunt ou à une politique industrielle, au nom du dogme fondateur de la concurrence ; troisièmement, enfin, rééchelonner les dettes publiques autant qu’il le faudra, en mobilisant, notamment, l’épargne des résidents, à l’exemple de ce que fait le Japon.
Toutefois, ne rêvons pas : ce changement de logique n’est pas à l’ordre du jour avec vous, madame la ministre.
Le choix de la monnaie unique a été une monumentale erreur – il serait temps de le reconnaître ! – qu’ont commise solidairement la plupart des dirigeants de la droite ainsi que, hélas, la quasi-totalité des responsables socialistes. J’adjure ceux-ci de chercher une solution autre qu’une intégration politique toujours plus poussée de la France à une Europe qui, dans l’état actuel des textes et des rapports de force, ne peut signifier que l’engloutissement de la République dans un nouvel empire, celui des marchés financier.
Il est temps que la France propose pour l’Europe une autre orientation, fondamentalement différente. Il est temps de changer les règles du jeu de la zone euro, si l’on ne veut pas voir s’ouvrir la crise de cette expérimentation passablement hasardeuse.
Une chaîne de récifs, sociaux, économiques et politiques, se laisse voir à l’horizon. Des élections générales auront lieu en France, en Allemagne et en Italie en 2012-2013. Plutôt que de programmer un avenir qui n’aura pas lieu, madame la ministre, il serait temps que vous vous prépariez à d’autres hypothèses et que vous fassiez preuve d’imagination – vous n’en manquez pas, j’en suis sûr. Aude sapere, disaient les hommes de la Renaissance : « Osez penser », madame la ministre !
Demain, il faudra faire face. Votre « plan A » ne marchera pas,…
Mme Nicole Bricq. Quant au plan B…
M. Jean-Pierre Chevènement. … même si on lui ajoute les mesures de super-rigueur que le rapporteur général de notre commission des finances appelle de ses vœux.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Chevènement. Pour conclure, madame la ministre, puisque votre plan A ne marchera pas, il serait utile d’avoir préparé quelques solutions de rechange, dans l’intérêt de la France, mais aussi dans celui de l’Europe tout entière, car vous ne réconcilierez pas les citoyens avec cette dernière si elle ne redevient pas elle-même synonyme de progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes en train de vivre un renforcement sans précédent de la gouvernance économique de la zone euro.
Souvenons-nous : lorsque l’euro a été lancé, un grand scepticisme régnait chez les économistes de l’autre côté de l’Atlantique. On nous disait : « L’Europe n’est pas une zone monétaire optimale. Lorsqu’une crise vraiment grave se produira, le résultat sera l’éclatement de la zone euro. »
Ce discours a resurgi voilà deux ans. Aujourd’hui, on l’entend beaucoup moins. En effet, face à la crise, l’Europe est finalement parvenue à une riposte commune. Une nouvelle gouvernance économique a commencé à se mettre en place.
Certes, le processus n’est pas achevé : il ne le sera qu’en 2013, avec l’entrée en vigueur du nouveau mécanisme européen de stabilité. Toutefois, la réforme est déjà bien engagée. Les deux organismes européens de supervision financière, chargés de renforcer la surveillance bancaire, sont déjà en place. Le Fonds européen de stabilisation financière apporte un soutien à trois pays.
Le premier « semestre européen » a commencé en janvier dernier. Désormais, la coordination des politiques s’effectuera durant les six premiers mois de l’année, donc avant que les décisions budgétaires pour l’année à venir ne soient prises par les États membres. Et cette coordination porte à la fois sur les politiques qui visent à assurer la discipline budgétaire – je parle des « programmes de stabilité et de convergence » – et sur celles qui tendent à lever les obstacles à la croissance et à l’emploi – les « programmes nationaux de réforme ». La coordination sera donc autrement plus efficace.
Les six propositions législatives tendant à renforcer le pacte de stabilité et de croissance, conformément aux conclusions du groupe présidé par Herman Van Rompuy, sont toujours en cours d’examen, mais un accord politique s’est d’ores et déjà dégagé au sein du Conseil. Ces propositions organisent non seulement une surveillance budgétaire plus étroite, mais aussi un contrôle des déséquilibres macro-économiques, avec un nouveau système de sanctions.
La discipline budgétaire devrait se trouver raffermie grâce aux changements exigeants apportés aux volets préventif et correctif du pacte. Nous ne devons pas sous-estimer l’ampleur du défi pour la France : il s'agit de réduire la part de notre dette supérieure à 60 % du PIB d’un vingtième par an, ce qui représentera un effort considérable.
Par ailleurs, les déséquilibres macroéconomiques devront être détectés en amont, grâce au suivi d’un tableau d’indicateurs. Il s'agit d’une nouveauté d’une grande importance. Si ce dispositif avait été en place, nous aurions su que, malgré les succès du gouvernement espagnol au regard des critères de Maastricht, l’économie outre-Pyrénées fonctionnait à crédit, ce qu’a révélé l’éclatement de la bulle immobilière. L’exemple de l’Espagne apporte bien la preuve de la nécessité d’une gouvernance économique européenne qui ne se limite pas à la discipline budgétaire.
Pour faire respecter ce nouveau « règlement de copropriété », pour reprendre l’expression qu’utilise Laurent Wauquiez, de nouvelles règles seront introduites pour les sanctions financières, ce qui permettra d’obtenir des États membres la correction de leurs déséquilibres budgétaires ou macroéconomiques.
La procédure retenue pour l’adoption des sanctions reposera sur la majorité inversée, c’est-à-dire qu’il faudra une majorité qualifiée au Conseil pour écarter les sanctions. Je sais que le rapporteur général de notre commission des finances n’aime pas cette automaticité, mais le dernier mot reste au Conseil, c'est-à-dire au politique.
Le droit de regard politique du Conseil sera préservé au moment d’apprécier la situation, mais, ensuite, il sera très difficile à un État de se soustraire aux sanctions, comme on l’a vu dans le passé.
Parallèlement, vingt-trois États ont adhéré au « Pacte pour l’euro plus ». Ce document doit nous permettre d’aller plus loin dans le sens de la convergence européenne, de renforcer la compétitivité, de favoriser l’emploi, d’améliorer la viabilité des finances publiques, d’affermir la stabilité financière et de réfléchir à la coordination des politiques fiscales : autant de moyens de faire converger les politiques économiques, et non pas seulement budgétaires, des États membres.
Il s'agit d’un progrès important, car il fonde le socle d’une croissance saine et durable. En effet, il nous faut des économies compétitives pour financer le modèle social européen et assurer sa pérennité.
Considéré globalement, ce train de réformes constitue un ensemble impressionnant. Or il touche directement les compétences centrales du Parlement, notamment le vote du budget national. Désormais, la procédure budgétaire se situera beaucoup plus clairement qu’autrefois dans un cadre européen.
Cette évolution pose évidemment la question de la place des deux assemblées dans ce nouveau cadre. C’est un enjeu de démocratie, un problème de légitimité de cette nouvelle gouvernance.
Comment insérer notre assemblée dans le semestre européen ? Celui-ci, je le rappelle, comprend quatre principales étapes : en janvier, la Commission européenne présente l’examen annuel de la croissance ; en mars, le Conseil européen de printemps adopte des orientations stratégiques sur les politiques à suivre ; à la fin du mois d’avril, les États membres présentent leurs programmes de stabilité et leurs programmes nationaux de réforme ; enfin, en juin ou en juillet, le Conseil européen d’été formule des orientations spécifiques pour chaque État membre.
Notre débat d’aujourd’hui donne une première réponse, tout à fait essentielle, quant à notre insertion dans ce processus.
La loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 prévoit en effet, à partir de 2011, un débat suivi d’un vote sur le programme de stabilité. Cette règle devra être consolidée le moment venu, lorsque nous examinerons le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques.
Par ailleurs, notre commission des finances a d’ores et déjà fait savoir qu’elle prendrait les initiatives nécessaires pour que le Sénat s’exprime de nouveau, par le vote d’une résolution, lorsque la Commission européenne se sera officiellement prononcée sur le programme de stabilité.
J’ajouterai que les deux réunions du Conseil européen, décisives dans le calendrier, donneront lieu à des débats préalables, qui nous permettront de nous exprimer sur les orientations stratégiques.
Nous aurons donc, à l’échelon national, les outils nécessaires pour jouer notre rôle. Il faudra les compléter par un instrument à l’échelon européen.
Puisque, désormais, la préparation du budget national fait l’objet d’une coordination européenne, il est indispensable que les parlements nationaux se concertent. Le président de l’Assemblée nationale, appuyé par celui du Sénat, a proposé qu’une conférence budgétaire se tienne chaque année au mois de mai pour assurer cette concertation entre les commissions des finances des parlements nationaux, en y associant les commissions compétentes du Parlement européen.
Cette proposition a été évoquée lors de la dernière conférence européenne des présidents de parlements, et elle a été particulièrement bien reçue. Nous irons donc vraisemblablement dans ce sens, et, à titre personnel, je le souhaite fortement.
On le voit, la mise en place du semestre européen ne doit donc pas être perçue comme un recul du contrôle parlementaire. Au contraire, elle peut être une chance pour l’utilité et la pertinence du débat budgétaire, car, désormais, nous disposerons, avant d’examiner les projets de loi de finances, d’informations et d’évaluations provenant des institutions européennes.
Chacun continuera à prendre ses responsabilités, mais dans une clarté bien plus grande. Il sera de plus en plus difficile, pour un gouvernement, de présenter au parlement des estimations irréalistes lorsqu’elles auront été publiquement critiquées par les institutions européennes. Nous pourrons de moins en moins nous payer de mots.
Cela me conduit à formuler une remarque plus générale. Notre vie publique ne s’est pas encore pleinement adaptée à la construction européenne, plus exactement à l’ampleur de notre engagement européen. L’Union européenne gère notre monnaie et nos relations commerciales extérieures ; elle assure le bon fonctionnement du marché où évoluent nos entreprises ; elle inspire une grande partie de notre droit, oriente de nombreuses politiques nationales, encadre les politiques économique et budgétaire. Bref, la construction européenne est d’ores et déjà au cœur de la vie nationale au quotidien. Il faut la mettre aussi au cœur de notre vie politique et administrative si nous voulons que le débat politique ne soit pas faussé.
Quand on voit, à un an de l’élection présidentielle, refleurir les promesses les plus étonnantes – il est vrai que c’est le printemps ! –, manifestement totalement incompatibles avec la discipline qu’impose le partage d’une même monnaie, on mesure le chemin qui reste à parcourir.
Le projet de programme de stabilité européen qui nous est aujourd’hui présenté a le grand mérite de poser clairement le principe d’un déficit public ramené à moins de 3 % du PIB en 2013 « quelle que soit la conjoncture » et de mettre l’accent à la fois sur la réduction de la dépense publique et sur celle des dépenses fiscales et des « niches » sociales.
En même temps, le projet de programme de stabilité européen se situe clairement dans l’optique du « pacte pour l’euro plus », en annonçant un approfondissement des réformes structurelles, notamment dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de l’innovation et de la concurrence, c’est-à-dire dans les domaines qui peuvent influer sur notre potentiel de croissance.
Nous sommes bien là dans l’esprit de la nouvelle gouvernance économique de l’Union européenne. Celle-ci n’est pas et ne doit pas être seulement synonyme de gestion plus serrée des finances publiques. Elle doit être aussi, conformément à ce qui a été convenu entre les chefs d’État ou de gouvernement, un moyen d’améliorer ensemble la compétitivité et la situation de l’emploi et de corriger les déséquilibres économiques.
Pour éviter que les efforts consentis au même moment dans tous les pays de la zone euro en matière de discipline budgétaire ne pèsent sur la croissance, il faut que cette discipline commune s’accompagne de réformes structurelles coordonnées, ainsi que d’une réorientation concertée des dépenses vers les investissements d’avenir, qu’il s’agisse des dépenses publiques européennes ou des dépenses publiques nationales.
Contrairement à ce que soutiennent les tenants d’un keynésianisme sommaire, très éloigné d’ailleurs des vues nuancées du grand économiste anglais, la maîtrise de la dépense publique n’est pas en elle-même ennemie de la croissance. Toute la question est d’intégrer cette maîtrise nécessaire à une démarche d’ensemble qui prépare l’avenir.
C’est dans cet esprit que mon groupe apporte son soutien au projet de programme de stabilité européen qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, pour la première fois depuis que la France transmet son projet de programme de stabilité et de croissance à la Commission européenne, celui-ci est préalablement présenté au Parlement, aujourd'hui à la Haute Assemblée et, le 2 mai prochain, à l’Assemblée nationale.
En décembre dernier, à l’occasion de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le Parlement s’était saisi de la question de l’articulation des lois de programmation pluriannuelle et des lois de finances avec les programmes de stabilité, mais aussi avec l’élément nouveau que constitue le « semestre européen ».
Adopté par les ministres des finances de l’Union européenne en septembre 2010, cet instrument de coordination des politiques budgétaires des États membres, dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, est opérationnel depuis cette année, à travers un cycle de surveillance annuel établi de mars à juillet.
Le groupe UMP tient à saluer le travail du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, à l’origine de cette nouvelle procédure visant à renforcer les dispositions européennes sur la gouvernance économique. Celle-ci constitue indéniablement une première étape dans l’assainissement des finances publiques des États membres.
Ce nouveau cycle a donc été amorcé avec les avis stratégiques rendus les 24 et 25 mars dernier par le Conseil européen sur les principaux défis économiques à venir. Dans le cycle du semestre européen, nous en sommes actuellement au stade de la prise en compte de ces avis par les États membres pour la révision de leurs politiques budgétaires au travers de l’élaboration de programmes nationaux de stabilité.
Le présent projet de programme de stabilité européen sera transmis à la Commission européenne au début du mois de mai, une fois le vote intervenu dans nos deux assemblées.
En juin ou en juillet prochain seront rendus les avis du Conseil européen et du Conseil ECOFIN sur les différents programmes de stabilité transmis par les États membres et, à l’automne, nous nous retrouverons pour le traditionnel examen du projet de loi de finances.
C’est dans le cadre de ce cycle que le Sénat, sous l’impulsion de sa commission des finances, avait inscrit dans la loi de programmation des finances publiques l’obligation de l’examen par le Parlement, sous la forme d’un débat suivi d’un vote, du projet de programme de stabilité que le Gouvernement transmet à Bruxelles chaque année.
Pour notre rapporteur général, Philippe Marini, dont je tiens à saluer la qualité et la pertinence du rapport d’information, il s’était agi d’une « question de principe » : depuis qu’il existait des programmes de stabilité, ces derniers avaient relevé du seul exécutif, alors qu’il s’agissait d’engagements sur les finances publiques, sous forme de programmation quadriennale, très importants d’un point de vue politique. Selon nous, c’était là une négation des pouvoirs du Parlement et de la souveraineté nationale. Nous nous félicitons de ce que la voix du Parlement ait été entendue.
Le Gouvernement nous a donc transmis son projet de programme de stabilité de la France pour 2011-2014, document de cadrage macro-économique qui définit la trajectoire des finances publiques pour la période indiquée, assorti d’un « programme national de réforme 2011-2014 » articulé selon dix lignes directrices.
Les objectifs définis par le Conseil européen en mars dernier sont la lutte contre le chômage et le renforcement des politiques de l’emploi, le développement de politiques favorables à la croissance et l’assainissement des finances publiques.
C’est au regard de ces objectifs que le projet de programme de stabilité dont nous débattons aujourd’hui a été établi.
Ainsi, le groupe UMP soutient et approuve la poursuite, par le Gouvernement, de l’effort de réduction du déficit public, réaffirmée dans le programme de stabilité. Est confirmé l’objectif d’une réduction du déficit public à 4,6 % du PIB en 2012 et à 3 % en 2013.
Atteindre cet objectif passe par la réduction des dépenses de l’État, qui seront gelées hors service de la dette et hors pensions, tandis que la hausse des dépenses d’assurance maladie sera limitée à 2,8 % par an. La réduction des niches fiscales demeure également une priorité, ce dont nous nous réjouissons, avec un objectif de 11 milliards d’euros en 2011, puis de 3 milliards d’euros par an.
Ces objectifs chiffrés en matière de mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires constituaient la principale innovation de la dernière loi de programmation des finances publiques. Nous sommes particulièrement satisfaits qu’ils soient réaffirmés dans le programme de stabilité. Le niveau des prélèvements obligatoires devrait ainsi revenir, en 2012, à ce qu’il était en 2007, à savoir 43,2 %.
L’augmentation des recettes fiscales liée à la sortie de crise devrait également contribuer à la réduction du déficit public.
En effet, moins de chômage – 125 000 emplois marchands ont été créés en 2010 et, d’après le programme de stabilité, 160 000 devraient l’être en 2011 –, c’est davantage de recettes au titre de l’impôt sur le revenu, une amélioration de la santé des entreprises, la reprise économique se confirmant, davantage de recettes provenant de l’impôt sur les sociétés, et plus de consommation, c’est davantage de recettes au titre de la TVA.
N’oublions pas que la crise fut essentiellement responsable de la chute, en 2009, des recettes issues de l’IRPP, de l’impôt sur les sociétés et de la TVA, à hauteur respectivement de plus de 4 milliards d’euros, de 20 milliards d’euros et de plus de 4 milliards d’euros.
Par ailleurs, notre groupe se félicite de ce que le programme de stabilité réaffirme la poursuite, en 2012, des efforts visant au non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, qui fera économiser au budget de l’État 30 000 équivalents temps plein. Nous saluons également l’extension de ces efforts aux opérateurs publics, qui devront réduire leurs effectifs de 1,5 % chaque année, ce qui représente un effort comparable à celui de l’État.
En outre, rappelons que les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, qui devraient être mises en place après l’adoption prochaine du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques, garantiront l’équilibre des comptes publics à un horizon donné.
En conclusion, le groupe UMP tient à saluer les efforts du Gouvernement. La France doit apparaître exemplaire, car elle constitue, avec l’Allemagne, le moteur de l’Union européenne. Alors que certaines économies européennes vacillent, notre sens de la responsabilité revêt une importance essentielle pour la préservation de la zone euro.
Le maintien de notre note « triple A » récompense nos efforts, mais nous devons conserver ce niveau d’exigence et expliquer à nos compatriotes le sens de nos réformes. Celle des retraites fut exemplaire à cet égard.
Outre les efforts sur le fond réalisés par le Gouvernement pour préserver l’équilibre de nos finances publiques et, au-delà, celui de la zone euro, saluons également l’effort qu’il a fourni sur la forme, en l’occurrence en termes de sincérité. La révision à la baisse, dans le projet de programme de stabilité, de la prévision de croissance pour 2012 en est l’illustration. Ainsi, le taux prévisionnel a été abaissé de 2,5 % à 2,25 % du PIB. La croissance dans la zone euro pourrait, en effet, être plus modeste que prévu, du fait de la hausse du cours des matières premières, avec notamment le scénario d’un prix du baril de pétrole supérieur à 100 dollars, mais aussi de l’appréciation de l’euro par rapport au dollar et des efforts de rigueur budgétaire consentis dans un certain nombre de pays.
Toutefois, il existe aussi des éléments positifs, que met en lumière le projet de programme de stabilité.
Dans les toutes prochaines années, un surplus de croissance pourrait être apporté, en France, par les bénéfices résultant des investissements d’avenir prévus dans le cadre du grand emprunt et qui seront alors pour la plupart réalisés. Une amélioration – possible – du marché de l’emploi serait également bénéfique, ainsi que le maintien de la bonne tenue de la consommation des ménages.
Au regard des éclaircissements apportés, du maintien des efforts et du discours de vérité tenu par Mme et M. les ministres, dont je tiens à saluer la qualité de la présentation, le groupe UMP votera ce projet de programme de stabilité européen. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la tenue du présent débat est un motif légitime de satisfaction et de fierté pour le Parlement : sur l’initiative de la commission des finances du Sénat, les projets de programme de stabilité seront dorénavant systématiquement soumis à notre examen et à notre vote.
Ce nouveau rendez-vous prévu à notre calendrier s’inscrit dans la mise en place du « semestre européen », qui doit permettre de mieux synchroniser, et ainsi de rationaliser, les procédures budgétaires au sein d’une Union européenne au rôle renforcé. L’Européen convaincu que je suis s’en réjouit. Cependant, j’estime que les temps difficiles que nous traversons doivent nous inciter à davantage d’audace encore ; j’y reviendrai.
Cette première étape en appelle une seconde, au mois de juin prochain, lorsque la Commission européenne aura rendu son avis sur le projet de programme de stabilité qui nous est aujourd’hui soumis. Je souhaite que nous enrichissions notre séquence d’examen du projet de loi de règlement et le traditionnel débat d’orientation budgétaire avec la discussion d’une proposition de résolution européenne permettant de prendre en compte les observations des autorités communautaires.
Notre message est clair : le Parlement doit être en situation d’intervenir dans le débat à toutes les étapes du processus ; la transparence l’exige, la démocratie l’impose.
À plus long terme, il est indispensable que le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques donne corps à ce schéma et, sans vouloir anticiper outre mesure sur les discussions à venir, j’approuve par avance la démarche des commissions des lois et des finances de l’Assemblée nationale, qui veulent aller plus loin que l’obligation de simple transmission d’un document au Parlement prévue par le texte du Gouvernement et souhaitent inscrire dans la Constitution le principe d’un vote sur le projet de programme de stabilité.
Je pense même qu’il faut gravir une marche supplémentaire : le vote sur une déclaration du Gouvernement présente un caractère exagérément binaire,…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … et aboutit soit à désavouer celui-ci, soit à lui signer un « chèque en blanc ».
Mme Nicole Bricq. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De ce point de vue, l’issue du scrutin de ce soir ne me paraît guère faire de doute. Mais quel sera son sens ? Où les excellentes remarques et réserves de notre rapporteur général seront-elles prises en compte ?
Dès aujourd’hui, je préconise que nous nous emparions plus complètement du nouvel instrument qui nous est donné et que nous concevions, dans le cadre de la prochaine révision constitutionnelle, un nouveau type de résolutions, inspiré de celui qui est prévu à l’article 88-4 et permettant au Parlement, sur la proposition des commissions des finances, d’exprimer un point de vue nuancé qui valorisera d’autant mieux nos travaux. Sur ce point, les interventions de ce soir ont montré l’existence d’un vrai consensus.
D’autres sujets nous attendent à l’horizon du débat constitutionnel du mois de juin. Mais l’un, en particulier, m’apparaît d’ores et déjà clairement mis en exergue par le projet de programme de stabilité : je veux parler de la nécessaire consolidation du budget de l’État et de celui de la sécurité sociale. Pourrons-nous longtemps encore continuer de les scinder artificiellement, alors que cette approche éclatée est source de complexité, d’inefficacité, et n’a d’équivalent chez aucun de nos partenaires ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La réponse à cette question est évidemment négative. Pis, nos travaux ainsi coupés en tranches rendent les comptes publics illisibles. Ils nous privent de toute possibilité de faire preuve d’une pédagogie apte à prévenir l’illusionnisme, voire la démagogie.
J’en viens au fond.
Je ne reprendrai pas ici les analyses très complètes et percutantes de Philippe Marini. La trajectoire annoncée de nos finances publiques est la bonne, et le cap fixé à l’automne dernier est incontestablement maintenu. Il faut s’en féliciter et vous en féliciter, madame, monsieur les ministres, sans réserve.
Je suis le premier à me réjouir sincèrement du constat, établi par le projet de programme de stabilité que vous vous apprêtez à transmettre à Bruxelles, de l’amélioration des soldes publics en 2010 et en 2011. Passer de 7,7 à 7 points de déficit et pouvoir afficher 5,7 points dès cette année, au lieu des 6 points prévus, ce n’est pas rien, et la performance mérite d’être saluée.
Mais enfin, nous savons fort bien, les uns et les autres, la part prépondérante prise par des phénomènes de caractère exceptionnel dans ces bonnes surprises. La faible croissance des dépenses en 2010 et en 2011 aura été obtenue en grande partie, la première de ces deux années, par la diminution de l’investissement public local, et, la seconde, par la fin du plan de relance.
Pour la suite, les mesures susceptibles de nous permettre d’atteindre la cible ne sont pas toutes encore décrites dans votre programme, tant s’en faut, d’où notre scepticisme sur votre capacité à tenir l’objectif ambitieux d’une progression en volume des dépenses publiques limitée à 0,6 % par an. Le constat en a été fait dans la loi de finances pour 2011. Au lendemain des conférences sur la réduction des déficits publics, le Président de la République avait annoncé une baisse de 5 % des dépenses de fonctionnement et des crédits d’intervention dès 2011. Cette diminution sera en fait de 0,5 %, de 1 % dans le meilleur des cas !
Notre question, aussi simple qu’essentielle, est donc la suivante : le présent programme de stabilité rompt-il enfin avec les pratiques consistant à bâtir les budgets à venir sur des prévisions délibérément optimistes ou, pour le dire plus pudiquement, « volontaristes » ? Hélas, la réponse est non, en particulier sur le point crucial des prévisions de croissance.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques. L’encre du rapport Marini d’octobre dernier est à peine sèche que je dois, une nouvelle fois, à mon grand regret, porter le fer dans la plaie : il n’est tout simplement pas réaliste de continuer à afficher des anticipations de croissance de 2,5 %, quitte à ramener ensuite ce chiffre à 2 %, puis à 2,25%, pour les deux premières années de la programmation,…
M. François Marc. Il faut une autre politique et de la croissance !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … alors que notre histoire récente souligne la vanité, pour ne pas dire l’inanité, de telles projections.
Certes, me direz-vous, il existe des « conventions de langage »… Même certains partis politiques, lorsqu’ils font des projections pluriannuelles, retiennent eux aussi une prévision de croissance de 2,5 %.
Mme Nicole Bricq. Pas selon le même calendrier !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Disons que ce consensus est quelque peu suspect !
M. François Marc. Ils peuvent le faire ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certainement ! (Nouveaux sourires.)
Il faut le marteler : depuis le début des années 2000, la croissance a été en moyenne de 1,5 % et n’a été égale ou supérieure à 2,5 % que deux fois. Le consensus des conjoncturistes s’établit aujourd’hui à 1,7 % pour 2011 et 2012.
Le constat doit d’autant plus être pris au sérieux que l’on ne voit pas, dans le programme de réforme, l’esquisse d’une refonte ambitieuse de la fiscalité, des prélèvements obligatoires, qui passe par l’indispensable allégement des coûts pesant sur les facteurs de production, notamment le travail, et l’augmentation inéluctable de l’impôt de consommation, à savoir la TVA. Je sais que ce débat est tabou, mais je m’impatiente néanmoins de le voir ouvert devant l’opinion publique. En clair, il n’y a rien, dans ce programme de réforme, qui soit susceptible de doper la compétitivité d’une économie languissante, condamnée à subir la mondialisation au détriment de son industrie et de son dynamisme. Ne cédons pas à la tentation du repli sur soi pour trouver un prétexte à l’immobilisme !
L’effort supplémentaire d’ajustement à l’automne prochain sera-t-il de 6 milliards d’euros, comme l’a donné à penser M. le ministre au début du mois, dans un article du journal Les Échos ? S’agira-t-il de 10 milliards d’euros, comme le suggère le rapporteur général, si les hypothèses retenues ne se réalisent pas ? Peu importe ! Le plus vite sera le mieux, car le risque le plus grave que nous encourons, pour le dire de la façon la plus synthétique, c’est celui d’un manque dramatique de crédibilité.
Crédibilité, d’abord, à l’égard de nos partenaires européens, dans un cadre qui sera nécessairement de plus en plus fédéral, en tout état de cause plus contraignant, si nous voulons réussir l’indispensable intégration de nos économies. De ce point de vue, je souhaite que la prochaine révision constitutionnelle permette la mise en œuvre effective de la « règle de sincérité », qui impose de construire les lois financières à partir d’hypothèses prudentes, de façon à éviter le double langage et à crédibiliser la trajectoire de convergence en ne laissant de place qu’aux « bonnes surprises ».
Crédibilité, ensuite, à l’égard des investisseurs qui détiennent notre dette souveraine et les clefs du maintien de notre notation « triple A », c’est-à-dire de notre indépendance.
Crédibilité, enfin, à l’égard de nos concitoyens, qui nous témoignent, élection après élection, leur exaspération croissante d’être tenus pour des enfants mineurs, incapables de comprendre des forces et des enjeux qui les dépassent. Il faut rompre avec l’inquiétude et l’angoisse mortifères qui ont gagné notre société. Nos compatriotes condamnent les faux-semblants, les simulacres de réforme et les joutes politiciennes, parce qu’ils sont prêts à entendre un langage de vérité.
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’exercice qui nous réunit aujourd’hui s’inscrit dans une démarche plus large de révision du pacte de stabilité européen.
J’exprimerai en conclusion le souhait, madame, monsieur les ministres, que la France joue pleinement son rôle dans la mise en place de mécanismes réellement contraignants, c’est-à-dire qu’elle manifeste, aux côtés de nos partenaires, l’absolue nécessité de respecter un code de bonne conduite collective, seul à même de nous ramener sur les chemins de la compétitivité. Cela suppose sans doute encore un petit effort, mais notre avenir est à ce prix, et la confiance aussi ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur cette déclaration.
Conformément à l’article 39, alinéa 3 bis, de notre règlement, il va donc être procédé à un scrutin public ordinaire ; aucune explication de vote n’est admise.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 197 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 151 |
Le Sénat a approuvé la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité européen.
8
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet, Mlle Sophie Joissains, MM. François Zocchetto, Richard Yung, Jean-Pierre Sueur et Mme Éliane Assassi ;
Suppléants : M. Alain Anziani, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Dominique de Legge, François Pillet et Mme Catherine Troendle.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 28 avril 2011 :
De neuf heures à treize heures :
1. Proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l’impôt sur les sociétés et à favoriser l’investissement (n° 321, 2010-2011).
Rapport de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances (n° 428, 2010-2011).
2. Proposition de résolution instituant une « journée nationale de la laïcité » (n° 269, 2010-2011).
À quinze heures :
3. Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures quinze à vingt heures quinze :
4. Proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle et d’information des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat (n° 355, 2010-2011).
Rapport de M. René Garrec, fait au nom de la commission des lois (n° 436, 2010-2011).
5. Proposition de loi visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique (n° 354, 2010-2011).
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 434, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 435, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART