Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà qui est clair !
M. Jacques Mézard. Cette formule est en effet assez originale dans le code de procédure pénale !
« … les faits reprochés au prévenu et les éléments à charge et à décharge figurant dans le dossier. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En deux, trois, quatre phrases ?...
M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, je ne doute pas que vous nous expliquerez votre conception de la concision procédurale, en fonction des faits de surcroît !
Si je poursuis la lecture de cet article, « dans son rapport oral, le président ne doit pas manifester son opinion sur la culpabilité du prévenu ». Encore heureux ! Ce n’est tout de même pas une nouveauté dans notre droit pénal !
M. Jacques Mézard. Évidemment !
M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, je crois comprendre que vous me traitez de conservateur ; permettez-moi de vous dire que vous parlez en expert ! (M. le garde des sceaux sourit.)
« À l’issue de son rapport », prévoit encore l’article 3, le président « donne lecture de la qualification légale des faits objets de la poursuite ».
Et cela continue… Comme vous l’avez vous-même dit hier, au lieu de traiter de trente à quarante affaires dans une même journée, avec ce système, on en traitera dorénavant quatre.
Il s’agit d’une invention qui, à défaut d’être originale, est absolument surréaliste, je l’ai déjà dit, et je plains les magistrats des deux cours d’appel qui vont être chargées du fardeau de l’expérimentation de cette réforme. Avec la bienveillance qui vous caractérise, monsieur le garde des sceaux, vous allez sans doute me dire dans la foulée qu’il s’agira des cours d’appel de Riom et Limoges…
M. Jacques Mézard. Les magistrats de Riom seront très contents, mais je suis certain que le bilan qu’ils remettront au terme de six mois au Gouvernement – quel qu’il soit alors – et au Parlement permettra de considérer que leur douloureuse expérimentation aura eu une utilité fondamentale, celle de démontrer la nécessité du retour à l’état antérieur !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces trois amendements de suppression de l’article 3 expriment l’opposition de principe de leurs auteurs à la fois à la création des tribunaux correctionnels citoyens et à l’existence même des citoyens assesseurs, donc à deux éléments qui constituent autant de clés de voûte du projet de loi. La commission ne peut donc qu’y être défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’avancerai exactement les mêmes arguments : nous sommes là au cœur du projet de loi. Je suis donc défavorable à tout amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. M. Mézard s’est arrêté en trop bon chemin et, sans reprendre ce qu’il a dit, je vais donc continuer la lecture de l’article 3.
La rédaction de l’alinéa 11 est, elle aussi, tout à fait extraordinaire : le président « veille » – terme dépourvu de tout caractère normatif – « à ce que les citoyens assesseurs puissent prendre utilement connaissance des éléments du dossier ».
Je plains ceux qui ont rédigé cette phrase ! Elle n’a aucune portée, aucun sens. Si le président ne « veille » pas, que se produira-t-il ? Rien ! Si les citoyens assesseurs ne peuvent pas prendre « utilement » connaissance du dossier, qu’arrivera-t-il ? Rien !
On sait comment les choses se passent réellement pour les magistrats assesseurs au tribunal correctionnel : si le président arrive, avec sous le bras la pile des dossiers qu’il a jusque-là conservés dans son bureau pour préparer les débats, un quart d’heure ou une demie heure avant l’audience, un magistrat assesseur qui se trouvera alors dans la salle des délibérés pourra, très rapidement, découvrir les couvertures desdits dossiers.
Le président du tribunal correctionnel citoyen, qui sera évidemment déchargé de plusieurs de ses autres fonctions, pourra étudier ses dossiers très à l’avance, mais qu’en sera-t-il pour les assesseurs, citoyens et magistrats ? Auront-ils les dossiers à leur disposition, pour en prendre « utilement » connaissance, la veille, l’avant-veille, dans les huit jours avant l’audience ? Nous n’en savons rien, monsieur le garde des sceaux !
Tout cela serait risible s’il ne s’agissait pas de juger des citoyens et de permettre à des victimes de faire valoir leurs droits. Ce projet de loi traduit une grande désinvolture par rapport à ce qu’est l’œuvre de justice mais, comme l’a dit mon collègue Jacques Mézard, cette procédure sera supprimée en 2014 !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Jean-Pierre Michel vient de démontrer excellemment pourquoi l’article 3 nous paraît non seulement inefficace mais nuisible. Hier, monsieur le garde des sceaux, vous avez nié que la présence des citoyens assesseurs ait en quoi que ce soit pour objectif de durcir les condamnations prononcées…
Mme Catherine Tasca. … et vous nous avez conté à ce propos une belle histoire. Il s’agirait, selon vous, d’une « éducation à la citoyenneté » et vous nous avez beaucoup émus avec l’exemple d’un ancien juré d’assises dont la vie a été embellie par cette expérience.
Mme Catherine Tasca. Avec le dispositif prévu à l’article 3, nous allons de complication en complication, allongeant de ce fait la durée de l’audience, et d’imprécision en imprécision.
Ainsi, le président du tribunal correctionnel ou l’un des magistrats assesseurs désigné par lui doit, dans son rapport oral, non seulement veiller à ce que les citoyens assesseurs puissent prendre utilement connaissance des éléments du dossier, mais également ne pas manifester son opinion sur la culpabilité du prévenu pour ne pas les influencer. C’est là une pétition de principe. Qui mesurera cette objectivité ? En effet, les citoyens assesseurs n’auront ni les informations, ni les moyens de disposer de celles-ci en cours d’audience, ni le temps de se faire une opinion personnelle.
Quand on connaît les difficultés extrêmes auxquelles font actuellement face les tribunaux pour organiser les audiences, on ne peut que s’inquiéter de ces innovations, qui multiplient les obstacles au bon fonctionnement de la justice.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souscris bien évidemment aux propos de nos collègues.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous forcez en quelque sorte à légiférer. Même si nous avons indiqué que nous ne voterions pas ce texte, nous nous retrouvons, au fond, entraînés dans une machine infernale, car nous nous sentons responsables de ce que fait le législateur.
Chacun d’entre nous a pu s’enquérir de l’avis de tel ou tel magistrat ou professionnel de la justice, car il n’y a pas eu de véritable concertation. Certes, vous avez procédé à toute une série d’auditions, monsieur le rapporteur, mais je veux souligner le fait que nous n’avons pas pu y participer – pour ce qui me concerne, en tout cas, mais je pense ne pas être la seule dans ce cas ! –, car nous avons reçu le calendrier des auditions alors même que vous aviez déjà auditionné les trois quarts des personnes concernées. (M. le rapporteur s’étonne.) Je ne sais si cela est dû à un problème de correspondance ou à une tout autre raison – je ne veux porter aucun jugement en la matière –, mais c’est un fait.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit, procédant en quelque sorte à une synthèse de vos auditions, que la solution retenue était, à peu de chose près, satisfaisante. Mais ce n’est absolument pas le cas ! Une fois que la majorité aura décidé de créer ces tribunaux correctionnels citoyens, prévoyant la présence de deux citoyens assesseurs, qu’adviendra-t-il de la mise en œuvre des dispositions prévues ? Il faut bien se préoccuper de la manière dont ils vont fonctionner. En l’occurrence, avec un minimum de concertation, vous auriez pu dégager quelques principes ou pratiques, sur lesquels les participants auraient pu s’accorder !
Vous nous assénez un certain nombre de vérités, mais nous voyons bien que le dispositif prévu ne peut pas fonctionner, en tout cas dans l’optique de l’égalité des citoyens devant la justice et d’une bonne appréhension, par les citoyens assesseurs qui siégeront au tribunal, de la mission qui leur incombe. Dès lors qu’il ne leur sera pas donné lecture du dossier d’instruction au cours de l’audience – vous l’avez d’ailleurs dit vous-même ! –, parce que c’est impossible, que retiendront-ils ? Auront-ils lu un certain nombre d’éléments à la va-vite, cinq minutes avant le début de l’audience, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue Jean-Pierre Michel ? Il faut organiser différemment les audiences. La précipitation et le manque de concertation – par « concertation », j’entends engager une discussion pour savoir comment appliquer la loi ! – ne contribuent pas, nous le savons parfaitement, à maintenir les bonnes pratiques de la justice.
On dit aux législateurs : « Votez le projet de loi et dormez tranquilles. » Mais non ! Ce n’est pas de bonne législation !
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Je me pose la question suivante. Aux assises – en tout cas, jusqu’à aujourd’hui, mais sans doute plus demain ! –, le président du tribunal procédait à la lecture intégrale d’un certain nombre de pièces du dossier. Certes, la procédure était longue et peut-être rébarbative, mais elle avait au moins l’avantage de ne pas remettre en cause l’impartialité de la cour, car l’ensemble des éléments était exposé aux jurés.
Avec ce nouveau dispositif, le président procédera à un rapport synthétique. Mais qui garantira l’impartialité de cette présentation ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La défense !
Mme Virginie Klès. Et comment la garantira-t-on ? Inévitablement, les avocats des deux parties – les deux, j’y insiste – auront tout intérêt à créer en permanence des incidents d’audience pour remettre en cause les procédures, qui risqueront d’être annulées. C’est ce que vous appelez « améliorer l’efficacité de la justice » ! J’ai beaucoup de mal à comprendre !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je veux bien entendre toutes les critiques du monde, mais je tiens à préciser à Mme Klès que l’arrêt de renvoi est déjà rédigé par un magistrat. Pourquoi serait-il rédigé de manière plus impartiale que le rapport que rédigera le président du tribunal correctionnel, qui est, lui-même, un magistrat ? Le magistrat est, par définition, impartial ; en tout cas, c’est la conception que j’en ai ! Ne remettez pas sans cesse en cause l’impartialité du président du tribunal, car cela dessert notre justice. Au contraire, nous pouvons être plutôt fiers de notre justice, notamment ces jours-ci…
Monsieur Michel, je comprends parfaitement ce que vous avez dit, mais je tiens à vous indiquer que les technologies modernes entrent aujourd’hui dans les tribunaux. La plupart des dossiers sont numérisés, et ils le seront de plus en plus. Il sera donc facile de tirer une copie du dossier pour permettre aux citoyens assesseurs d’en prendre connaissance.
Par ailleurs, vous estimez que le verbe « veiller » n’a pas de valeur normative. C’est sûrement vrai, puisque vous le dites, monsieur le sénateur… Mais permettez-moi de vous faire remarquer que vous avez vous-même voté, dans le cadre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, dite loi Guigou, l’article préliminaire du code de procédure pénale, qui dispose : « L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. » N’était-ce pas reconnaître que ce verbe n’est pas si mauvais que cela ? Sinon, il n’aurait pas été utilisé !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 47 et 122 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 461-2. - Avant l’ouverture des débats relatifs à la première affaire qu’ils sont appelés à examiner au cours de l’audience, le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant : "Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre le prévenu, de ne trahir ni ses intérêts, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux des victimes ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous rappeler que le prévenu est présumé innocent ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions".
« Chacun des citoyens assesseurs, appelé individuellement par le président, répond en levant la main : "Je le jure".
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise non pas à supprimer l’article 3, monsieur le garde des sceaux, mais à vous faire une proposition !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Enfin !
M. Jacques Mézard. Voilà qui témoigne de notre souci d’engager un dialogue constructif sur ce projet de loi dont nous avons souligné les innombrables défauts.
Hier, lorsque j’ai défendu la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, j’ai dit à M. le rapporteur, spécialiste estimé – et estimable ! – de la loi pénitentiaire, qu’il s’était embarqué dans une galère. J’ajoute ici qu’il a dû beaucoup ramer. La preuve en est, il a, à plusieurs reprises, justifié des dispositions en disant qu’il s’inspirait de la procédure applicable aux cours d’assises. Mais, pour ce qui concerne le serment, la procédure en vigueur devant les cours d’assises n’est plus invoquée en exemple !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh non !
M. Jacques Mézard. Je constate simplement, monsieur le garde des sceaux, que les arguments sont manifestement réversibles ! Vous avancez l’exemple de la cour d’assises uniquement lorsqu’il est utile à votre démonstration !
Cet amendement de repli – de pur repli, ajouterai-je, pour insister, une fois encore, sur notre souci premier d’élaborer ensemble la loi – vise à renforcer la portée du serment que devront prêter les citoyens assesseurs en reprenant, à quelques nuances près, le texte du serment des jurés de cours d’assises.
Le texte actuel n’impose aux citoyens assesseurs que le serment que doivent tenir les assesseurs des tribunaux pour enfants et des juges de proximité. Or ces derniers bénéficient de conditions de recrutement beaucoup plus sélectives et présentent des garanties beaucoup plus probantes, eu égard à leur expérience.
Les citoyens assesseurs n’étant recrutés que du seul fait du hasard – parfois, nous l’avons constaté, le hasard est un peu dirigé ! –, comme les jurés d’assises, ils doivent prêter le même serment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Permettez-moi, tout d’abord, monsieur le président, de profiter de l’occasion pour répondre à notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat.
Bien évidemment, les auditions de la commission des lois étaient ouvertes, comme d’habitude, à l’ensemble de nos collègues qui souhaitaient y participer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jacques Mézard. Nous ne savions pas qu’elles étaient ouvertes !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne sais pas s’il y a eu un décalage dans les convocations, mais nos délais de travail étaient relativement contraints.
Je n’ai jamais dit que toutes les auditions auxquelles j’ai assisté ont donné lieu à l’expression d’un enthousiasme généralisé. Des avis différents se sont exprimés, parfois même très différents, et j’en ai d’ailleurs partiellement tenu compte, dans la mesure où le texte issu des travaux de la commission présente des évolutions importantes par rapport au projet de loi initial.
Je pense, par exemple, au refus de scinder les cours d’assises en une cour d’assises allégée et une cour d’assises dont la composition serait identique à celle qui existe actuellement.
Je pense également aux deux plus importantes organisations représentatives de magistrats, qui ont émis des avis radicalement contraires sur la concertation : …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … l’Union syndicale des magistrats a estimé qu’elle avait été rarement autant consultée, et de manière aussi importante, tandis que le Syndicat de la magistrature affirmait le contraire.
Je pense, enfin, aux représentants des juges des enfants, qui n’étaient pas favorables aux évolutions de l’ordonnance du 2 février 1945 ou encore à l’Association nationale des juges de l’application des peines, qui n’était pas favorable à la présence de citoyens assesseurs au sein des tribunaux et des chambres de l’application des peines.
Telle est la diversité des avis exprimés ! Bien évidemment, je n’ai jamais eu l’intention, ni qui que ce soit d’ailleurs, de me réserver le monopole des auditions ; j’aurais été, au contraire, très heureux de compter davantage de collègues parmi nous.
J’en reviens maintenant à l’amendement n° 103 rectifié.
Monsieur Mézard, vous ne me prendrez pas en flagrant délit d’incohérence : votre amendement permet d’améliorer le texte.
M. Yvon Collin. Ah !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Aussi la commission a-t-elle émis un avis favorable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À condition qu’il soit rectifié !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Rien n’échappe à la vigilance du président de la commission des lois ! (Sourires.) Je vous demande effectivement, mon cher collègue, de bien vouloir remplacer, dans la première phrase, le terme « jurés » par celui de « citoyens assesseurs ». Mais je suis sûr que vous en serez d’accord…
M. Jacques Mézard. Tout à fait, monsieur le rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 103 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 461-2. - Avant l’ouverture des débats relatifs à la première affaire qu’ils sont appelés à examiner au cours de l’audience, le président adresse aux citoyens assesseurs, debout et découverts, le discours suivant : "Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre le prévenu, de ne trahir ni ses intérêts, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux des victimes ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous rappeler que le prévenu est présumé innocent ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions".
« Chacun des citoyens assesseurs, appelé individuellement par le président, répond en levant la main : "Je le jure".
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le serment des jurés est probablement l’un des plus beaux textes de notre code de procédure pénale, en ce qu’il contient pratiquement tous les grands principes. Son contenu a d’ailleurs peu changé depuis l’article 312 du code d’instruction criminelle, sauf le début, qui était le suivant : « Vous jurez et promettez devant Dieu et devant les hommes (Exclamations.) d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées », etc. Manquait également le rappel du principe de la présomption d’innocence.
Pour ma part, je suis très favorable à ce serment parce qu’il est extrêmement pédagogique. On y retrouve, je le répète, les grands principes qui fondent notre justice pénale : la présomption d’innocence, l’intime conviction, le devoir d’écouter et d’instruire, en quelque sorte, à charge et à décharge, ainsi que le secret des délibérations, qui fonde toute bonne décision de justice collégiale. Il est donc essentiel que les citoyens assesseurs l’écoutent et se prononcent sous ce serment.
C’est la raison pour laquelle nous sommes très heureux que M. Mézard apporte, avec cet élément essentiel, sa pierre à la loi nouvelle que nous élaborons, ce dont je le remercie. Ainsi, il ne sera pas tout à fait étranger à la création de ce nouveau tribunal correctionnel. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
Ils ne doivent pas manifester leur opinion.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous souhaitons modifier le treizième alinéa de l’article 3, fidèles à l’esprit constructif que vous venez de relever, monsieur le garde des sceaux – vous n’avez d’ailleurs pas indiqué qu’il était aussi possible d’ajouter dans la formule du serment : « en votre âme et conscience » !
À l’article 3, il est indiqué que les citoyens assesseurs « ont le devoir de ne pas manifester leur opinion ». Selon nous, il serait plus logique de préciser qu’ils « ne doivent pas manifester leur opinion ».
L’objet de cet amendement est donc une simple rectification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Bien que nous ne pensions pas qu’une telle modification fera la une des journaux, la commission est favorable à cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l’article 3.
Mme Virginie Klès. Monsieur le président, je souhaite répondre au Gouvernement.
Monsieur le ministre, je veux bien entendre tous les arguments du Gouvernement, même si je n’y souscris pas. Mais je n’accepte pas que vous nous fassiez dire ce que nous n’avons pas dit !
Nous n’avons jamais remis en cause l’impartialité des magistrats. C’est le Gouvernement qui l’a fait ! (M. le ministre et M. le président de la commission des lois protestent.) Selon lui, en effet, il faut que les citoyens acceptent mieux les jugements, autrement dit qu’ils les comprennent et ne remettent pas en cause leur impartialité.
Nous, nous avons seulement dit que, tel que vous le présentez, le texte de ce projet de loi va à l’encontre de ce que vous préconisez, à savoir une meilleure compréhension et une plus grande confiance du citoyen dans sa justice.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est de la finasserie !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Klès, je m’efforce d’écouter tous les orateurs, y compris vous-même ! Or il me semble avoir entendu demander à plusieurs reprises : « Qui garantira l’impartialité du président quand il fera son rapport ? ». (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut changer la loi !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour moi, ce qui garantit l’impartialité du président, c’est le fait qu’il soit magistrat et c’est une raison suffisante, car sa qualité de magistrat le conduit forcément à être impartial. Telle est ma conception (Mme Virginie Klès proteste.), mais vous avez tout à fait le droit d’avoir une autre opinion !
Je ne cesse de le répéter depuis hier : pour moi, un magistrat est, de par sa qualité, une personne impartiale. Il a été formé pour cela et a appris à l’être.
La pédagogie étant fondée sur la répétition, surtout lorsqu’on ne veut pas entendre, ...
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. ... je répète également que le Gouvernement a prévu la présence de citoyens assesseurs, car juger est un acte de citoyenneté. Pardonnez-moi, mais telle est ma façon de voir les choses.
Maintenant, vous pouvez dire ce que vous voulez, ...
Mme Virginie Klès. Non, je ne peux pas !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. ... mais, même si vous n’acceptez pas mes arguments, entendez-les dans un premier temps et combattez-les ensuite, cela ne me pose aucun problème !
Mme Virginie Klès. À moi, si, parce que je ne peux plus vous répondre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, pardonnez-moi cette expression quelque peu triviale, mais vous nous faites le coup du pompier pyromane !
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous avez posé le postulat que les décisions rendues étaient vraies, valides et justes…
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais, dans l’intervalle, vous expliquez qu’un dispositif supplémentaire est nécessaire, car ces décisions, bien que justes, sont mal comprises par la population.