Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le garde des sceaux, sur l’initiative de son président, la commission des lois a chargé deux de ses membres de réaliser un rapport sur la situation des structures d’enfermement des mineurs, qui est, nous le savons tous, très inégale.
En ce qui concerne la question des moyens, si le budget de votre ministère a augmenté de 8,5 % entre 2008 et 2011, les crédits de la PJJ ont baissé de 6,3 % au cours de la même période. En effet, les moyens supplémentaires qui vous ont été accordés ont été affectés majoritairement aux établissements pénitentiaires et aux structures d’enfermement.
J’ajoute que, dans le même temps, la PJJ a perdu 6 % de ses emplois. Il est en outre prévu de supprimer 143 unités en milieu ouvert, au profit, précisément, de la création de structures d’enfermement, alors même qu’aucun vrai bilan du fonctionnement de ces établissements n’a été dressé.
Vous réduisez le nombre d’emplois et de structures en milieu ouvert pour tout miser sur les structures d’enfermement : voilà une raison supplémentaire d’adopter ces amendements de suppression !
Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Monsieur le garde des sceaux, je n’ai nulle intention de contester votre définition des ITEP. Peut-être l’établissement que j’ai évoqué n’est-il pas ou plus un ITEP. Je vérifierai quel est exactement son statut, mais en tout cas il accueille bien des mineurs délinquants ayant commis des faits de violences graves, placés non par la maison départementale des personnes handicapées, mais par la justice.
Mme Virginie Klès. Il est possible qu’il ait un double statut. Quoi qu’il en soit, par habitude, nous parlons bien de l’ITEP « Les Rochers ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote.
Mme Bernadette Dupont. Je souhaite attirer l’attention sur un document relatif à la justice des mineurs diffusé par l’UNICEF et que nous sommes probablement nombreux à avoir reçu. Il comporte notamment un article très intéressant de Guy Gilbert, qui a créé un établissement d’accueil pour délinquants difficiles dans les Hautes-Alpes. Tout en reconnaissant que des centres fermés sont nécessaires, Guy Gilbert juge absolument essentiel qu’ils offrent des activités gratifiantes aux jeunes, afin de leur permettre d’évoluer. (MM. Michel Bécot et Alain Gournac applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Dans un centre éducatif fermé, on trouve des formateurs, des conseillers de la PJJ, des psychologues. On y dispense des formations de base et professionnelles, on y pratique des activités sportives… Il ne faut pas confondre centres éducatifs fermés, dont la vocation, comme leur nom l’indique, est d’abord éducative, établissements pour mineurs, à orientation plus carcérale, et quartiers pour mineurs dans les prisons !
Je le répète, il convient de disposer d’une palette de réponses, mais, dans tous les cas, des activités doivent être proposées, y compris aux jeunes placés en milieu carcéral, conformément aux préconisations de la loi pénitentiaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35, 76 et 141 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 75 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 10-2 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifié :
1° Au I, le mot : « treize » est remplacé par le mot : « seize » ;
2° Le III est supprimé.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre opposition à l’article 21 ne vise pas seulement l’extension du champ des dispositions permettant de placer un mineur de 13 à 16 ans sous contrôle judiciaire ; nous n’y sommes pas hostiles seulement parce qu’il tend à faciliter le placement en centre éducatif fermé : nous formulons une opposition de principe au placement des moins de 16 ans sous contrôle judiciaire. Il s’agit d’une décision grave, qui doit demeurer exceptionnelle !
Il faut tenir compte du fait qu’un mineur de 13 ans est encore un enfant. Tous les professionnels de l’enfance soulignent qu’il y a des paliers dans l’apprentissage, des étapes dans la voie vers la maturité. Il convient de ne pas oublier que la répétition est inhérente à la justice des mineurs, qui doit précisément s’inscrire dans le cadre de cet apprentissage, et que la recherche de l’adhésion aux mesures prises par le juge est un élément essentiel de l’efficacité de la justice des mineurs.
Or, une nouvelle fois, vous entretenez la confusion entre éducation et sanction.
En outre, comme nous l’avions d’ailleurs déjà dénoncé en 2007, le contrôle judiciaire des mineurs constitue de fait une forme de chantage à la détention. J’insiste sur le fait que nous parlons ici d’enfants âgés de 13, de 14 ou de 15 ans. Avant l’entrée en vigueur de la loi Perben du 9 septembre 2002, les mineurs de moins de 16 ans ne pouvaient être placés sous contrôle judiciaire en matière correctionnelle.
Depuis lors, la législation n’a cessé de se durcir, par exemple avec la loi du 5 mars 2007. Cela illustre, s’il en était encore besoin, votre volonté de mettre en cause la justice des mineurs en la calquant, mesure après mesure, sur celle des adultes.
L’inflation pénale de ces dix dernières années n’a manifestement absolument rien réglé. Vous persistez dans une voie qui n’est vraiment pas la bonne !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les auteurs du présent amendement proposent de supprimer les dispositions de l’ordonnance du 2 février 1945 permettant de placer un mineur de 13 à 16 ans sous contrôle judiciaire. Cela ne paraît pas opportun à la commission.
Je rappelle tout d’abord que les conditions permettant de placer un mineur de moins de 16 ans sous contrôle judiciaire sont d’ores et déjà restrictives. Il faut qu’il encoure cinq ans d’emprisonnement et qu’il ait déjà été condamné précédemment ou qu’il encoure une peine de sept ans d’emprisonnement.
L’article 21 du projet de loi prévoit d’ajouter une nouvelle hypothèse de placement sous contrôle judiciaire pour les mineurs âgés de 13 à 16 ans : la commission d’un délit de violences volontaires ou d’agression sexuelle puni de cinq ans d’emprisonnement.
Dans le cas de certaines infractions graves, le contrôle judiciaire permet d’imposer au mineur des mesures appropriées : interdiction de rencontrer la victime ou les complices de l’infraction, de se rendre dans certains lieux. Il permet, également, d’envisager le placement du mineur en centre éducatif fermé, où il bénéficiera d’une prise en charge éducative renforcée.
Il serait dangereux de se priver de cette possibilité, notamment au regard de la protection des victimes. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Nous voterons cet amendement.
Monsieur le garde des sceaux, même si elle est élue de Versailles, vous ne pouvez répondre à Mme Dupont, à propos des centres éducatifs fermés : « tout va très bien, madame la marquise » ! (Sourires.)
Si tel était le cas, pourquoi la commission des lois aurait-elle demandé à deux parlementaires, MM. Jean-Claude Peyronnet et François Pillet, de rédiger un rapport sur les centres éducatifs fermés, qu’ils remettront au mois de juillet prochain et dont le titre, paraphrasant celui d’un rapport de M. Hyest sur la situation de nos prisons, sera : « Les centres éducatifs fermés, une honte pour la République » ? Nous verrons alors si vous tiendrez le même discours idyllique qu’aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Michel, si vous connaissez déjà les conclusions de la mission d’information confiée à nos deux collègues, à quoi bon la poursuivre !
M. Alain Gournac. C’est formidable !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, il existe des disparités entre centres éducatifs fermés. Cependant, si, avec un coût de journée de 600 euros, on ne parvient pas à proposer des activités aux mineurs accueillis, c’est que quelque chose ne va pas ! Je connais des établissements relevant de l’échelon départemental où on fait beaucoup dans ce domaine avec des moyens moins importants.
J’ajoute qu’il peut arriver qu’une évaluation débouche sur des conclusions positives !
M. Alain Gournac. Pas pour M. Michel !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est du devoir du Parlement d’évaluer la mise en œuvre des dispositifs qu’il a adoptés, afin de les faire évoluer en cas de besoin et d’identifier les éventuelles difficultés. En l’espèce, si certains établissements fonctionnent très bien, il y aurait beaucoup à dire sur d’autres ; peut-être conviendrait-il même, dans certains cas, de revoir les conditions d’agrément. La Chancellerie mène elle aussi des enquêtes. Il ne s’agit pas d’avoir des soupçons a priori, mais si le fonctionnement de certains établissements est déficient, nous le dirons !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Article additionnel après l'article 21
Mme la présidente. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 20-8 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est abrogé.
II. – En conséquence, au cinquième alinéa (3°) de l’article 11 de la même ordonnance, les mots : « ou à celles d’une assignation à résidence avec surveillance électronique » sont supprimés.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’ensemble des professionnels insistent sur le fait que le placement sous surveillance électronique n’est absolument pas adapté aux mineurs, a fortiori à ceux de 13 ans. Cette mesure attentatoire aux libertés, déjà souvent difficile à supporter pour les majeurs, le sera encore plus pour les mineurs.
Le non-respect d’une mesure de placement sous surveillance électronique peut être sanctionné par la mise en détention provisoire. Recourir à ce dispositif est donc une décision grave. Étendre sa mise en œuvre à un public fragile, mal inséré, qui connaît souvent une situation familiale déstructurée, c’est aller droit à l’échec et prendre le risque de rendre plus fréquente la détention provisoire.
L’assignation d’un jeune à résidence avec surveillance électronique s’apparente à un enfermement au sein de sa famille, à du gardiennage, voire à un abandon, avec souvent pour seul horizon la télévision et la console de jeu ! C’est tout le contraire d’un projet d’accompagnement. Le recours à la technologie ne constituera jamais un moyen d’aider un jeune à sortir de la délinquance.
Dans le rapport qu’il vient de remettre au Président de la République, le député Yvan Lachaud propose « que les mesures de contrôle judiciaire soient assorties d’un placement sous bracelet électronique qui assurera que le jeune sera effectivement chez lui aux heures où il n’est pas censé être à l’école ». Or, si j’en crois un communiqué de presse de l’Élysée, le Président de la République vous a demandé, monsieur le garde des sceaux, d’étudier dans les meilleurs délais les conditions de la mise en œuvre des propositions contenues dans ce rapport. Au moment où nous examinons des dispositions relatives à la surveillance électronique, il serait bon que vous nous disiez ce que vous entendez précisément faire.
Pour ce qui nous concerne, nous demeurons opposés à la surveillance électronique, avec ou sans bracelet, pour les mineurs. Nous proposons donc de supprimer toute possibilité d’application de ce dispositif aux mineurs, afin de ne pas mettre le doigt dans un engrenage très dangereux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les auteurs de l’amendement proposent donc de supprimer la possibilité de placer un mineur sous surveillance électronique dans le cadre d’un aménagement de peine.
Je précise d’emblée que nous parlons ici de surveillance électronique fixe, les dispositions relatives au placement sous bracelet électronique mobile n’étant pas applicables aux mineurs.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le placement sous surveillance électronique constitue une modalité d’aménagement de la peine d’emprisonnement dont il serait dommage de se priver.
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il permettrait, par exemple, à un mineur engagé dans une démarche de réinsertion de reprendre une scolarité ou une formation professionnelle en apprentissage, tout en continuant à exécuter sa peine dans les conditions fixées par le juge des enfants. En toute hypothèse, l’accord du mineur et de ses représentants légaux est requis.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous avons vraiment un désaccord de fond, madame Assassi ! Vous assimilez l’assignation d’un jeune à résidence dans sa famille à une mesure d’enfermement. (M. Alain Gournac s’esclaffe.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur Gournac, arrêtez de rire, vous ne connaissez rien au sujet !
M. Alain Gournac. C’est incroyable !
Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. le garde des sceaux a la parole !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il va de soi que les juges ne décideront d’assigner un jeune à résidence dans sa famille que si cette dernière est en mesure de l’accueillir.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Votre manque de confiance envers les magistrats me sidère ! Vous faites à tout bout de champ de grandes déclarations sur la considération qui leur est due, mais dès que l’on aborde des questions concrètes, c’est la suspicion généralisée !
Pour ma part, j’estime que la famille est le meilleur endroit pour accueillir les enfants. Toutefois, cela n’est pas toujours possible, c’est pourquoi il faut parfois recourir au placement, par exemple en foyer.
Par ailleurs, il convient d’éviter autant que possible l’emprisonnement pour les mineurs.
Mmes Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat. Sur ce point, nous sommes d’accord !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tel est le principal objet du placement sous surveillance électronique fixe. Ce gouvernement, je le rappelle, a réduit tous les ans le nombre des mineurs emprisonnés.
Je ne vois donc pas ce qui peut être gênant dans cette affaire ! Au contraire, placer le jeune mineur sous surveillance électronique fixe dans sa famille lorsque celle-ci est en mesure de l’accueillir dans des conditions satisfaisantes est une bonne chose pour lui.
Je ne doute pas, madame Assassi, que, convaincue par ces arguments, vous accepterez de retirer cet amendement. À défaut, j’espère que le Sénat le rejettera à une forte majorité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Madame Assassi, l'amendement n° 77 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 22
I. – Après l’article 10-2 de la même ordonnance, il est inséré un article 10-3 ainsi rédigé :
« Art. 10-3. – Les mineurs âgés de seize à dix-huit ans peuvent être placés sous assignation à résidence avec surveillance électronique dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale, lorsqu’ils encourent une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans. Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés sous assignation à résidence avec surveillance électronique, selon les mêmes conditions et modalités, que dans les cas où, en application de la présente ordonnance, ils peuvent être placés sous contrôle judiciaire. Les dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile ne sont toutefois pas applicables aux mineurs. »
II. – (Non modifié) Au premier alinéa de l’article 11 de la même ordonnance, après la référence : « l’article 10-2 » sont insérés les mots : « et les obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 36 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 78 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 142 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Jean-Pierre Michel. Certes, monsieur le garde des sceaux, tout doit être mis en œuvre pour éviter à un jeune un placement en établissement pénitentiaire pour mineurs. Il serait d’ailleurs bienvenu que la commission des lois constitue un groupe de travail sur le fonctionnement de ces structures, car on sait bien que celui-ci n’est pas satisfaisant. Cela vous inciterait peut-être à demander au directeur des services pénitentiaires et à celui de la protection judicaire de la jeunesse de mieux se concerter à ce propos.
Je pourrais citer, parmi d’autres exemples, celui de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Lavaur, qui est en pleine crise. Le personnel pénitentiaire et celui de la PJJ placé sous l’autorité du directeur ne savent plus très bien où est leur place, alors que les mineurs sont d’une violence inouïe.
Il faut donc bien entendu éviter l’emprisonnement des mineurs, mais la disposition que vous présentez nous semble totalement inadaptée à la psychologie et au comportement d’un jeune déstructuré. De surcroît, un bracelet électronique n’empêchera pas le mineur de se rendre dans le hall de l’immeuble si l’appartement où il vit se trouve au rez-de-chaussée. Le placement sous surveillance électronique ne servira donc à rien ! En revanche, il aura une incidence négative sur le plan psychologique.
Il y a d’autres moyens, monsieur le garde des sceaux, d’éviter le placement en établissement pénitentiaire pour mineurs ou en centre éducatif fermé : le recours à un service d’action éducative en milieu ouvert. Mais, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, vous avez fermé plusieurs de ces structures.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 78.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Psychologiquement, le placement sous bracelet électronique est déjà difficile à supporter pour les adultes ; ce sera encore pis pour des mineurs en grande difficulté.
M. Alain Gournac. Que proposez-vous ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il faut éviter l’emprisonnement des mineurs, je suis d’accord, mais ne présentez pas l’assignation à résidence avec surveillance électronique comme une bonne solution pour des mineurs en souffrance ! Ce n’est pas le cas !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 142 rectifié.
M. Jacques Mézard. Ma position est mesurée en ce qui concerne le placement sous surveillance électronique, même si j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 22.
Comme l’a rappelé à juste titre M. le rapporteur, il s’agit ici du placement sous surveillance électronique fixe, et non du bracelet électronique mobile.
M. Jacques Mézard. Il s’agit, effectivement, de deux choses différentes.
Ce que nous dénonçons, c’est l’alignement de plus en plus systématique de la législation des mineurs sur celle des majeurs. D’ailleurs, cela a amené M. le rapporteur à présenter fort opportunément un amendement de clarification, car, selon ses propres termes, « la rédaction retenue par le projet de loi semble indiquer qu’un mineur de seize à dix-huit ans pourrait être assigné à résidence sous surveillance électronique dès lors qu’il peut être placé sous contrôle judiciaire – c’est-à-dire dès lors qu’il encourt une peine d’emprisonnement –, alors que le code de procédure pénale réserve cette possibilité aux auteurs présumés d’infractions punies d’au moins deux ans d’emprisonnement ».
Le Gouvernement proposait en l’occurrence pour les mineurs un dispositif encore plus répressif que celui qui s’applique aux majeurs. Je rends hommage à la commission et à son rapporteur d’avoir réagi. Néanmoins, cela est révélateur de la philosophie qui sous-tend les textes de la Chancellerie…
Pour le reste, vous avez raison, monsieur le garde des sceaux : il faut faire confiance aux magistrats et se garder de tout dogmatisme. Cela étant, il eût été intéressant de prévoir un bilan du fonctionnement du dispositif au terme d’une période donnée, de manière à pouvoir envisager, le cas échéant, des évolutions. En effet, sur le terrain, dans les familles, face à la fratrie, aux parents, la situation du mineur peut être très difficile. Le placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique peut avoir des avantages et représenter un progrès à certains égards, mais ce ne sera pas vrai dans tous les cas et à tous points de vue. Il est donc délicat d’avoir une position tranchée en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je voudrais d’abord préciser que la commission des lois a clarifié ce qu’elle considérait être une ambiguïté de rédaction, sans aucunement penser que celle-ci résultait d’une mauvaise intention du Gouvernement.
Pour le reste, j’attire l’attention sur le fait que cette mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, intermédiaire entre le contrôle judiciaire et la détention provisoire, permettra de limiter le recours à l’incarcération pour les mineurs. Comme l’a dit M. Mézard, il s’agira d’un bracelet électronique fixe, qui n’interdira pas au mineur de descendre dans le hall de son immeuble ou dans le parc voisin, puisque c’est à des heures précises qu’il devra être présent au domicile de ses parents.
J’ajoute que l’accord des parents sera indispensable et qu’un encadrement du mineur est prévu afin que la mesure puisse être pleinement efficace. On considère généralement que, pour les majeurs, c’est au bout de six mois que le bracelet électronique devient insupportable. Il n’est pas question d’en prolonger le port au-delà de cette durée en ce qui concerne les mineurs. Il ne sera bien sûr pas toujours pertinent d’avoir recours à cette mesure. Il convient, selon la commission, de ne pas écarter cette possibilité, dont l’utilisation relève en tout état de cause de l’appréciation du juge et est conditionnée à l’accord des parents.
La commission est donc défavorable à ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je sais parfaitement que le contrôle électronique n’est pas la panacée ; c’est une solution parmi d’autres.
M. Philippe Dallier. Voilà !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vaut-il mieux être placé en prison ou sous surveillance électronique ?
M. Michel Bécot. C’est une bonne question !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est au juge qu’il appartiendra de trancher. Notre rôle est de lui offrir les deux possibilités, et il prendra sa décision en pleine responsabilité, en fonction de la personnalité du mineur et de la capacité de sa famille à l’accueillir.
M. Philippe Dallier. Exactement !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je rappelle que les dispositions prévues sont relativement restrictives, puisqu’il faudra tout de même que le mineur soit poursuivi pour un crime ou un délit grave. Ne tombons pas non plus dans l’angélisme : certains mineurs sont des délinquants lourds. Il s’agit non pas de les stigmatiser, mais de les aider à retrouver un comportement qui leur permettra de vivre normalement dans la société. Pour cela, le juge aura une mesure supplémentaire à sa disposition.
Aujourd’hui, un peu plus de 7 000 personnes sont placées sous surveillance électronique fixe. C’est l’un des moyens, je le rappelle, prévus par la loi pénitentiaire pour l’aménagement de la peine.
Je recevrai la semaine prochaine les procureurs généraux et les procureurs, afin de leur rappeler l’intérêt que présente cette mesure, qui doit être davantage utilisée. Mon objectif est que, à la fin de l’année, elle concerne 12 000 personnes, étant entendu que cet élargissement du public concerné entraînera inévitablement une augmentation du nombre des incidents.
S’agissant du bracelet électronique mobile, quelque 250 personnes en sont actuellement équipées. Il s’agit de types de délinquants très particuliers, soumis à un système très lourd de surveillance pour contrôler le respect de zones d’exclusion. Un avertissement est envoyé lorsque la personne s’approche d’une de ces zones, et les forces de police ou de gendarmerie interviennent si elle n’en tient pas compte. Cela est tout à fait différent de la surveillance électronique fixe, dont il est question à l’article 22 du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que c’est le juge qui décidera. Mais quel juge ? Il faut aussi avoir à l’esprit qu’avec l’évolution des textes qui se dessine, il y aura de moins en moins de spécialistes de la psychologie de l’enfance dans les juridictions pour mineurs.
M. Mézard l’a fort justement souligné, on sait que le bracelet électronique est déjà difficile à supporter et à gérer pour des adultes au-delà d’une période de six mois. Qu’en sera-t-il pour un enfant, dont la psychologie est très particulière ? Un enfant de 13 ans n’est plus du tout le même à 14 ans et 15 ans. Un adolescent évolue très vite. Donc, quel spécialiste de la psychologie de l’enfance sera à même de juger de l’utilité et de l’efficacité d’un placement sous surveillance électronique ?
Ce sont là à mon sens de réelles questions, et je partage complètement l’avis de M. Mézard sur ce sujet. Il est certainement trop tôt pour mener une expérimentation. Peut-être aurions-nous dû, sans même parler du principe de la surveillance électronique, prendre un peu de recul et le temps de la réflexion avant d’avancer aussi vite sur cette question.