Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1281, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Fouché. Madame la ministre, en cette période de difficultés financières, nombreuses sont les personnes qui s’interrogent sur ce qu’il est advenu des accords passés entre l’État et les banques à la suite de la crise de 2008, époque à laquelle le système bancaire avait été vivement contesté.
Le Gouvernement avait alors mis en place un vaste plan de financement de l’économie avec des moyens en faveur des banques, dont un apport de 75 milliards d’euros de garanties. En contrepartie, la ministre de l’économie avait exigé de nouvelles règles. Nous avons donc adopté en ce sens plusieurs textes l’année dernière. Je pense à la loi de régulation bancaire et financière et à la loi portant réforme du crédit à la consommation.
Au travers de ces lois, le Gouvernement avait lancé une réforme nécessaire de notre système bancaire.
S’agissant de la loi portant réforme du crédit à la consommation, de nombreux particuliers nous interpellent au sujet des problèmes qu’ils rencontrent avec certaines banques. En effet, pour de très faibles découverts, d’importants frais d’intervention et agios sont prélevés.
Il m’a été rapporté par des personnes que j’ai reçues, comme de nombreux autres élus, à ma permanence, qu’un dépassement de quelques euros du découvert autorisé, souvent compris entre 300 et 400 euros, pouvait entraîner, à chaque fois, des frais bancaires allant de 30 à 40 euros, auxquels s’ajoutent des agios de plus en plus importants.
Rien de tout cela n’est de nature à permettre aux personnes concernées de sortir de leurs difficultés, même ponctuelles. De multiples événements de ce type peuvent conduire les ménages à avoir recours en permanence à des crédits, ce qui peut les entraîner dans des situations de surendettement catastrophiques.
Afin d’anticiper ces situations d’endettement et de permettre une meilleure clarté des tarifs bancaires, nous avons adopté les différents textes que j’ai évoqués tout à l’heure.
Sur cette question importante pour les personnes en situation fragile, je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez nous indiquer l’état d’avancement de la mise en place des différentes mesures, ainsi que les dispositions qui pourraient être prises afin de réguler l’ensemble de ces frais bancaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous demande d’excuser l’absence de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui m’a demandé de vous répondre.
Le 1er mai dernier, les deux derniers tiers de la loi portant réforme du crédit à la consommation sont entrés en vigueur, amenant un bouleversement dans les pratiques de distribution du crédit à la consommation, notamment dans les magasins. Ces changements étaient nécessaires.
Il était urgent en effet d’encadrer le crédit renouvelable et de protéger les ménages en supprimant les abus et les excès de ce type de crédit.
Depuis donc le 1er mai, les cartes de fidélité des magasins ont changé de visage. Avant la réforme, elles pouvaient conduire leurs détenteurs à entrer en crédit malgré eux. Un consommateur pouvait souscrire une carte sans même être prévenu qu’un crédit renouvelable y était associé. S’il faisait ultérieurement un paiement avec sa carte, le crédit pouvait être activé automatiquement. Payer comptant nécessitait d’être vigilant et de penser à le demander explicitement.
Aujourd'hui, la logique est inversée : les cartes de fidélité associées à un crédit ont obligatoirement une fonction de paiement au comptant qui est activée en priorité. Les consommateurs ne peuvent plus entrer en crédit malgré eux. Ils ont désormais le choix entre crédit classique et crédit renouvelable pour leurs achats importants. Pour toutes les demandes de crédit de plus de 1 000 euros en magasin ou à distance, si les vendeurs proposent un crédit renouvelable, ils ont désormais l’obligation de proposer un crédit classique en alternative.
Les durées de remboursement et le coût des crédits renouvelables vont également diminuer.
Avant la réforme, les consommateurs pouvaient être séduits par des mensualités faibles qui entraînaient souvent des durées de remboursement abusivement longues. Mais un crédit qui n’en finit pas de se rembourser est un crédit qui coûte cher au consommateur.
La loi prévoit désormais une vitesse minimale de remboursement des crédits renouvelables, pour empêcher les abus : elle garantit un remboursement en trois ans après chaque utilisation pour un crédit de moins de 3 000 euros, en cinq ans si le crédit dépasse 3 000 euros.
La loi a enfin renforcé les sécurités à l’entrée en crédit, en particulier en magasin. Les prêteurs ont désormais l’obligation de vérifier la solvabilité des emprunteurs. En cas de crédit sur le lieu de vente ou à distance, cette vérification reposera sur une fiche remplie par le vendeur et par le consommateur, un véritable « point budget ». Pour les crédits de plus de 3 000 euros, les informations contenues dans cette fiche devront être étayées par des justificatifs.
La loi a également instauré un comité chargé de préfigurer la création d’un registre national des crédits aux particuliers, qui rendra ses conclusions en juillet. La création de ce registre a pour objectif d’améliorer encore l’évaluation de la solvabilité des consommateurs et de prévenir le surendettement.
Par la loi du 1er juillet 2010, le Gouvernement a également voulu adopter des mesures fortes pour améliorer l’accompagnement des personnes qui connaissent des difficultés d’endettement.
Depuis le 1er novembre 2010, les mesures de la loi destinées à mieux accompagner les personnes surendettées sont applicables.
La durée des plans de surendettement est réduite, passant de dix ans à huit ans.
La durée d’inscription des personnes surendettées au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, passe de dix ans à cinq ans. Ce sont 120 000 personnes qui sont sorties du fichier dès le 1er novembre 2010.
La loi accélère les procédures de surendettement, parce qu’une procédure qui dure est difficile à vivre au plan personnel comme au plan familial : la Banque de France dispose désormais de trois mois, au lieu de six mois, pour décider de l’orientation des dossiers de surendettement. La durée de 95 % des procédures de rétablissement personnel est réduite, passant de dix-huit mois à six mois.
La loi suspend les voies d’exécution ouvertes aux créanciers contre les biens des personnes surendettées : la procédure de surendettement doit être le temps du règlement des difficultés et non celui du harcèlement.
La loi impose aux banques d’assurer la continuité des services bancaires des personnes surendettées pour empêcher les fermetures sauvages de comptes bancaires quand une banque apprend que l’un de ses clients est surendetté.
Depuis le 1er novembre 2010, la loi aide enfin les personnes surendettées à trouver des solutions.
Les commissions de surendettement ne pourront plus refuser aux personnes surendettées qui sont propriétaires de leur logement l’accès aux procédures de surendettement, car la procédure de surendettement doit permettre à tous de trouver des solutions.
Le but de l’ensemble de ces mesures est d’encadrer le crédit à la consommation pour empêcher les abus et les excès, afin de prévenir le surendettement et de mieux accompagner les personnes surendettées, en créant donc les conditions d’un crédit responsable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la ministre, j’ai bien noté tous les efforts réalisés par le Gouvernement. Aucun de ses prédécesseurs n’en avait fait autant dans ce domaine !
Dans cette question, j’ai tenu à évoquer les petits découverts de ces personnes qui cumulent souvent fragilité financière et précarité professionnelle. Je souhaite que le Gouvernement reste attentif à ces cas, qu’il empêche les abus et qu’il suive de près les pratiques des banques, qui sont loin d’être toujours tout à fait correctes.
difficultés financières des communes confrontées à des risques industriels majeurs
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la question n° 1271, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, je tiens à remercier M. Gérard Longuet d’avoir accepté de me répondre.
Vivant dans le département du Rhône, à proximité de ce que nous appelons « la vallée de la chimie », j’ai souhaité attirer l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur les mesures financières à mettre en œuvre en faveur des communes confrontées à des risques industriels majeurs.
De nombreuses contraintes pèsent en effet sur les maires de ces communes, particulièrement les plus pauvres. C’est le cas de Pierre-Bénite, dans le département du Rhône, qui détient, avec la ville de Saint-Fons, le double record d’être la ville la plus proche d’un site Seveso – Arkema – et d’abriter la population la plus pauvre des villes concernées.
L’Association nationale des communes pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, AMARIS, souligne d’ailleurs que vivent dans les zones à risques majoritairement des foyers aux revenus modestes, voire non imposables. Le centre-ville est constitué d’un bâti très dégradé, mais la plupart des projets de constructions nouvelles ou d’amélioration de l’habitat sont bloqués.
C’est également le cas de plusieurs communes situées dans le département de l’Isère, et concernées par des plans de prévention des risques technologiques, ou PPRT. Je pense notamment au PPRT de Jarrie, qui s’applique à quatorze communes, couvrant 4 700 habitations individuelles, dont 1 000 sont dans le périmètre d’expropriation, 42 000 appartements, 680 commerces ou activités, mais également plusieurs établissements publics.
Or le plan de prévention des risques technologiques, s’il est une nécessité en matière de sécurité, ne réglera pas, loin s’en faut, l’ensemble des problèmes financiers auxquels sont confrontés les particuliers, les communes et les entreprises « non Seveso ».
En effet, les habitants sont contraints de réaliser des travaux pour assurer leur sécurité et le Gouvernement a fait passer, en loi de finances, de 40 % à 30 % le crédit d’impôt consenti au titre des travaux de protection du bâti des particuliers, ce qui remet en question la participation des industriels et des communes qui s’étaient pourtant engagés, en juin 2010, à l’époque où le Gouvernement avait fait l’effort d’augmenter ce crédit d’impôt.
La même loi de finances pour 2011 a, en outre, abaissé le plafond des travaux, le faisant passer de 30 000 euros à 10 000 euros. Enfin, cet avantage fiscal ne concerne que les zones de prescription, les zones de recommandation en étant exclues.
Quant à la ville de Pierre-Bénite, dont j’ai cité l’exemple tout à l’heure, la plupart de ses équipements publics se situent en périmètre de prescription sur le bâti et elle n’a donc pas les moyens d’entretenir son patrimoine, sauf à alourdir fortement la fiscalité des ménages.
Au total, en France, ce sont près de mille maires qui, étant confrontés à de tels problèmes, souhaitent ardemment des moyens exceptionnels pour pouvoir conserver le tissu industriel et les emplois de leur commune tout en améliorant le cadre de vie de leurs administrés. Face à de telles situations, seule la solidarité nationale pourrait permettre de desserrer l’étau qui enserre ces communes.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il adopter pour répondre à l’attente de ces élus locaux ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, que je tiens à mon tour à remercier d’avoir bien voulu répondre à M. Guy Fischer, retardé ce matin pour des raisons tout à fait indépendantes de sa volonté.
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Cher Guy Fischer, en ma qualité d’élu local, je partage votre préoccupation. Il s’agit d’un sujet majeur, sur lequel je pense que nous aurons encore à travailler ensemble.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, a pris connaissance avec intérêt de votre question portant sur le financement des plans de prévention des risques technologiques, plans dont l’impact, tant sur les communes que sur les riverains, fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de ses services.
Elle rappelle néanmoins que les PPRT, instaurés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003, ont pour objectif d’améliorer et de pérenniser la coexistence des sites industriels dits « à risques » avec les riverains, particuliers ou acteurs économiques.
Au travers des PPRT, il s’agit de définir collectivement les conditions d’un aménagement durable conciliant le développement urbain et l’industrie.
À cet effet, le PPRT définit divers types de mesures. Tout d’abord, des mesures de réduction des risques à la source dans les installations industrielles sont prises dans le cadre de la réglementation des installations classées, avant même que le PPRT ne soit approuvé. Ces mesures sont, bien évidemment, intégralement financées par les industriels.
Ensuite, des mesures foncières d’expropriation et de délaissement peuvent éventuellement être prescrites par les PPRT dans les zones restant soumises à un risque grave pour la vie humaine. Ces mesures sont prises en charge par les industriels, l’État et les collectivités percevant la contribution économique territoriale, dans le cadre de conventions tripartites.
Enfin, dans les zones d’aléas moins importants que ceux qui entraînent des mesures d’expropriation, mais toujours graves pour la vie humaine, la loi prévoit que des prescriptions de renforcement du bâti peuvent être décidées. Ces travaux, dont le coût ne peut excéder 10 % de la valeur vénale du bien, sont à réaliser par le propriétaire. À cet égard, la loi de finances pour 2011 a prévu un crédit d’impôt à hauteur de 30 % du montant des travaux et avec une assiette éligible de 10 000 euros pour un ménage.
Certes, ce dispositif est encore insuffisant. C’est la raison pour laquelle les services de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet travaillent en lien avec les représentants du monde industriel et des collectivités afin d’améliorer cette aide, via notamment la création d’un dispositif complémentaire qui soutiendrait davantage les particuliers.
Comme indiqué précédemment, le PPRT peut également être l’occasion, en particulier dans les communes fortement concernées par les risques accidentels, de réorienter globalement l’urbanisme. C’est le cas, monsieur Fischer, des communes que vous avez citées.
Aussi, concernant les communes en grande difficulté, il est possible de prévoir des modes de financement complémentaires et d’inciter à la participation d’autres acteurs, y compris les industriels ou d’autres collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, la réponse que vous portez à ma connaissance ne peut me satisfaire pleinement, car, en la matière, il est autant question de justice sociale que de sécurité. Pourquoi les habitants subiraient-ils une triple peine : vivre dans une zone à risques, voir leur bien inéluctablement dévalorisé et avoir à payer des travaux imposés ? De surcroît, cette situation concerne majoritairement des foyers aux revenus modestes, voire des foyers non imposables, et donc dans l’impossibilité de faire face à des travaux dont le coût moyen estimé serait compris entre 10 000 et 15 000 euros par foyer.
Ne serait-il pas envisageable de se doter plutôt d’outils d’urbanisme ? Pourquoi, par exemple, ne pas créer une nouvelle opération programmée d’amélioration de l’habitat, une « OPAH risques », afin que l’État puisse aider les propriétaires, occupants comme bailleurs, à effectuer au mieux leurs travaux?
J’en viens aux communes. Je me suis procuré quelques éléments chiffrés sur les coûts qu’elles doivent supporter sans soutien de l’État. À Pierre-Bénite, cela équivaut, en termes de masse salariale, au poste de manager des risques – il faut un véritable responsable –, à une partie du poste de chef de projet, une partie du poste de directeur général, une partie du poste de collaborateur du maire, ainsi qu’à des postes dans les services d’urbanisme réglementaire, pour un total d’environ 100 000 euros. Le système d’appel automatisé coûte pour sa part 3 600 euros.
En outre, les travaux sur les bâtiments publics pour la mise aux normes face aux risques entraînent, en général, un surcoût de 3 % pour une construction neuve, et le double en réhabilitation. Pour les travaux actuellement envisagés, le surcoût est évalué à 40 000 euros. Soit un total de 143 600 euros !
Pis, aucune aide n’est prévue pour financer le déplacement, sur la commune, d’un stade situé en zone d’expropriation.
J’en appelle donc non seulement au Gouvernement, mais également à l’ensemble de mes collègues : mille maires sont concernés ! Il est urgent que nous nous réunissions autour d’une table pour trouver des solutions.
disparition d'un mathématicien à alger en 1957
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 1265, adressée à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur la disparition, en 1957, à Alger, de Maurice Audin, jeune mathématicien français.
Maurice Audin était un opposant, membre du Parti communiste algérien, interdit en septembre 1955. Il était père de trois enfants.
Maurice Audin a organisé en septembre 1956, avec d’autres membres de sa famille, l’exfiltration à l’étranger de Larbi Bouhali, premier secrétaire du PCA. Pour cette raison, il a été arrêté à son domicile, le 11 juin 1957, par le capitaine Devis, le lieutenant Philippe Erulin et plusieurs militaires du 1er régiment étranger de parachutistes. Depuis, plus personne n’a eu de nouvelles de Maurice Audin !
Les pouvoirs publics ont jusqu’à présent laissé entendre que Maurice Audin se serait, par la suite, évadé. Pourtant, de nombreux éléments, dont l’enquête de l’historien Pierre Vidal-Naquet, établissent qu’il est mort sous la torture. Or, jusqu’à ce jour, la République n’a pas reconnu l’assassinat et, sur le plan judiciaire, l’affaire s’est terminée en 1962 par un premier non-lieu, puis en 2002 par un second.
Néanmoins, l’exigence de vérité sur la disparition de Maurice Audin n’a jamais cessé de s’exprimer. Il est en effet plus que jamais nécessaire de révéler la vérité sur les atrocités commises pendant cette guerre coloniale qui a fait des centaines de milliers de morts.
C’est la raison pour laquelle je vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour contribuer au rétablissement des faits. Cela comprend notamment la levée du secret défense concernant les documents en lien avec cette affaire, point sur lequel achoppe aujourd’hui la manifestation de la vérité.
Je crois que la France, cinquante-cinq ans après les faits, doit la vérité, ne serait-ce qu’à la femme et aux enfants de Maurice Audin.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Madame Borvo Cohen-Seat, vous interrogez le Gouvernement sur une affaire très grave, présente dans la mémoire de tous ceux qui, dans notre pays, souhaitent mieux comprendre ce qu’a été, pour l’ensemble de nos compatriotes, la guerre d’Algérie.
Universitaire, militant pour l’indépendance de l’Algérie, Maurice Audin a été porté disparu en 1957, à la suite de son arrestation à Alger par des militaires français. Une plainte a été déposée par son épouse dès le 4 juillet 1957. Cette plainte a conduit à un non-lieu, prononcé en avril 1962, pour insuffisance de charges.
Si les proches, la famille, les amis politiques de Maurice Audin ont soutenu de façon constante que ce dernier était décédé au cours d’une séance de torture – appelons un chat un chat – conduite par des officiers du renseignement de l’armée française, il semble que les pouvoirs publics aient au contraire considéré à l’époque que Maurice Audin s’était évadé durant un transfert de son lieu de détention et qu’il n’avait plus donné de signes de vie depuis cette évasion.
En 2001, l’épouse de Maurice Audin a souhaité déposer une nouvelle plainte pour séquestration et crime contre l’humanité après les révélations d’un général sur cette affaire. Un nouveau non-lieu a toutefois été prononcé par la justice française en juillet 2002.
Dans le cadre de cette dernière procédure judiciaire, et c’est la précision que je tenais à vous apporter, le ministère de la défense n’a, à aucun moment, été saisi par le magistrat instructeur d’une quelconque demande de déclassification ou de communication d’informations éventuellement liées à cette affaire qui seraient protégées par le secret de la défense nationale.
Mes prédécesseurs et moi-même n’avons jamais eu à nous prononcer sur une telle demande, pas plus d’ailleurs que la Commission consultative du secret de la défense nationale, dont l’avis est requis, en pareil cas, aux termes de l’article L. 2312-1 du code de la défense.
Madame la sénatrice, je tiens à vous assurer, et je vous prie de croire à ma forte conviction personnelle, que, si des faits nouveaux qui justifieraient la réouverture de l’information judiciaire devaient être portés à la connaissance de la justice, il va sans dire que le ministère de la défense et des anciens combattants, qui ne peut que souscrire à l’exigence de vérité que vous avez évoquée, étudierait avec bienveillance, dans le respect des procédures prévues par la loi, toute éventuelle demande de déclassification de documents protégés qui lui serait adressée.
En effet, plus de cinquante ans après les faits, il semblerait raisonnable que la France mette enfin sa conscience en paix avec le souvenir de la tragédie algérienne, sous tous ses aspects, et l’affaire Maurice Audin est l’un de ceux qui méritent d’être totalement connus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais vous comprendrez sans doute qu’elle ne puisse pas me satisfaire.
Je souscris bien évidemment à votre constat - aucune procédure judiciaire n’a véritablement abouti -, mais je tiens à préciser que Mme Josette Audin avait écrit au Président de la République, en juin 2007, pour lui demander que le mystère incompréhensible, vous l’avouerez, de la disparition de son mari soit éclairci, sans que l’on ait jugé bon de lui répondre...
Pourtant, des faits nouveaux ont été versés au dossier : le général Aussaresses a notamment avoué avoir ordonné au lieutenant Charbonnier d’interroger Maurice Audin au moment de son arrestation. L’hypothèse selon laquelle l’interrogatoire se serait achevé par la mort de la personne interrogée paraît donc tout à fait plausible, et le contraire n’a pas été démontré.
J’espère donc que l’existence d’éléments nouveaux pourra être prise en considération pour que la France et, en l’occurrence, votre ministère, accepte de lever le secret défense sur des informations qui, de toute façon, existent.