Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par MM. Cazeau, Godefroy et Michel, Mmes Le Texier, Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « devant le président du tribunal de grande instance ou le magistrat désigné par lui, qui s’assure au préalable que le consentement est libre et éclairé » sont remplacés par les mots : « par écrit » ;
d) À la deuxième phrase du dernier alinéa, les mots : « par le procureur de la République » sont remplacés par les mots : « par l’équipe médicale ».
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement, qui est dans le même esprit que celui qu’ont présenté nos collègues du groupe CRC-SPG, vise à revenir au texte du Sénat au sujet du consentement et de la simplification en matière de prélèvement de cellules hématopoïétiques.
Mon seul argument tiendra dans le rappel des propos d’un de nos collègues députés : « Les prélèvements de cellules souches hématopoïétiques s’effectuent soit dans la partie osseuse soit dans le sang périphérique, pratique que facilitent les nouvelles technologies. Dans ces conditions, faire intervenir le tribunal de grande instance, voire le procureur de la République, revient à prendre un fusil pour tuer une mouche. La simplification opérée par le Sénat allait dans le bon sens. »
Je ne peux que regretter que l’on retienne cette procédure qui allonge les délais, car, contrairement à ce que déclarait Mme la secrétaire d’État, les magistrats sont trop peu nombreux pour traiter ces questions dans de brefs délais.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car la suppression du recours au juge limite la protection du donneur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Le titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1241-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le prélèvement de cellules hématopoïétiques du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que de cellules du cordon et du placenta ne peut avoir lieu qu’en vue d’un don, à des fins thérapeutiques ou scientifiques et à la condition que la femme, durant sa grossesse, ait donné son consentement par écrit au prélèvement et à l’utilisation de ces cellules, après avoir reçu une information sur les finalités de cette utilisation. Ce consentement est révocable sans forme et à tout moment tant que le prélèvement n’est pas intervenu. Le don peut être dédié à l’enfant né ou aux frères ou sœurs de cet enfant en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement. » ;
2° Le dernier alinéa de l’article L. 1243-2 est ainsi rédigé :
« Seules peuvent être préparées, conservées, distribuées ou cédées les cellules du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que les cellules du cordon et du placenta prélevées dans les conditions mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 1241-1. Chacun de ces établissements consacre une part de son stockage au don dédié mentionné au dernier alinéa du même article L. 1241-1. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 1245-2, les mots : « ainsi que le placenta » sont remplacés par les mots : « , à l’exception des cellules du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que des cellules du cordon et du placenta, ».
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 7 tend à encadrer les conditions de collecte et d’utilisation des cellules hématopoïétiques du sang de cordon et du sang placentaire, ainsi que des cellules du cordon et du placenta.
Notre opinion sur cet article tel qu’il ressort des travaux de nos deux assemblées est mitigée.
Naturellement, nous nous félicitons du fait que les parlementaires aient clairement fait le choix de l’interdiction des banques autologues, c’est-à-dire des banques privées à vocation personnelle ou commerciale.
De la même manière, nous saluons l’initiative de notre collègue Marie-Thérèse Hermange, qui a proposé que le sang issu du cordon ombilical ou du placenta soit considéré comme les organes du corps humain, ce qui en interdit de fait la commercialisation.
Nous nous réjouissons également que la commission ait réécrit cet article afin d’affirmer que le don de ces éléments ne peut être fait qu’à titre gratuit. Cette disposition est cohérente à la fois avec le principe de non-commercialisation prévu à cet article et avec la conception du « don à la française », mais cette précision méritait d’être apportée.
Nous sommes toutefois plus réservés sur un second aspect du travail de réécriture de notre commission, celui qui touche à la possibilité de dérogation au caractère allogénique des banques de collectes de sang issu du placenta ou du cordon.
L’Assemblée nationale avait supprimé la mise en place d’un lieu de stockage spécial destiné au don dirigé, autorisé à titre dérogatoire. Nous considérons que cette dérogation, qui dépasse de loin la simple expérimentation, est contraire aux principes fondamentaux qui doivent prévaloir dès lors qu’il s’agit du don d’organes, singulièrement les principes d’anonymat et d’altruisme.
Nous comprenons bien entendu que des familles puissent avoir besoin de cette dérogation, mais nous redoutons qu’elle ne puisse emporter des conséquences négatives et qu’elle ne soit la première étape sur la voie de l’individualisation du don. Aussi avons-nous décidé de déposer un amendement supprimant ce caractère dérogatoire.
Néanmoins, malgré cette réserve d’importance, nous avons fait le choix de voter cet article, considérant que son adoption était de nature à mettre un terme aux tentations de ceux, à commencer par cinquante députés de la majorité parlementaire, qui plaident en faveur de l’instauration de banques privées à vocation commerciale.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de réserver un don à une personne issue de la famille de l’enfant né.
Il est très difficile de devoir écarter une possibilité de don. Cela fait partie des doutes qui nous habitent. Mais le don intrafamilial, s’il est tout à fait légitime lorsqu’il s’agit du don d’organes, ne peut être étendu à toutes les formes de don.
À nos yeux, l’autorisation de la pratique du « bébé-médicament » – terminologie que récuse notre collègue Annie David – n’est pas opportune, et ce pour plusieurs raisons, les plus importantes étant d’ordre philosophique.
Cette pratique contrevient à notre vision du don altruiste, gratuit, anonyme, consenti. En l’occurrence, ce sont les parents qui décident pour l’enfant. On peut même dire que l’enfant naît, au mieux, d’une double volonté : celle d’avoir un enfant, mais aussi celle de soigner un autre enfant.
La privatisation du don ôte tout fondement à celui-ci puisque, par définition, en l’occurrence, le consentement du donneur, c'est-à-dire le bébé, n’est pas relevé. On peut d’ailleurs s’interroger sur la perception que cet enfant, devenu grand, aura de sa naissance. Malgré ce que lui diront ses parents, il aura certainement toujours l’impression d’avoir été un enfant « utile », et pas seulement un enfant voulu.
Le changement de perspective dans la notion de don qu’induit la possibilité de la naissance de bébés-médicaments est discutable. Il introduit en effet le fait que le don puisse être privé, c’est-à-dire qu’il soit soustrait à nos principes de non-privatisation du corps humain et de ses composés.
Nous sommes, vous l’avez compris, très circonspects quant à la possibilité ouverte par la rédaction actuelle de ce texte. Ce don ne pouvant être assimilé à un don intrafamilial « classique », nous considérons, au nom de nos principes éthiques, qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir une possibilité de privatisation du don.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement puisque notre collègue propose de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 3 de l’article 7, dont je vous rappelle les termes : « Par dérogation, ce don peut être dédié à l’enfant né ou aux frères ou sœurs de cet enfant en cas de nécessité thérapeutique avérée dûment justifiée lors du prélèvement. »
Il ne s’agit donc pas ici du double diagnostic préimplantatoire, le DPI-HLA, mais simplement du prélèvement des cellules hématopoïétiques du sang de cordon et de placenta.
Si l’enfant qui subit le prélèvement a besoin de soins impliquant l’utilisation du sang de cordon, il est normal qu’il soit prioritaire, au même titre que pourrait l’être son frère ou sa sœur.
La commission est défavorable à cet amendement, car elle considère qu’il convient de laisser à l’enfant né malade la possibilité de profiter des cellules hématopoïétiques, des cellules souches de son sang de cordon et de placenta.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car l’alinéa 3 de l’article 7 ne s’oppose en rien au caractère anonyme du don.
Par ailleurs, la possibilité de faire un don de sang de cordon à un membre de la fratrie est prévue dans la législation actuelle. Il n’y a pas de raison d’interdire cette pratique à visée curative ou thérapeutique pour soigner l’enfant né ou un membre de la fratrie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. L’article 7 est le fruit d’un travail important réalisé depuis plus de deux ans au Sénat, travail qui a contribué à donner une impulsion aux découvertes du professeur Gluckman et d’un professeur de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Je tiens d’ailleurs à saluer l’écoute que nous avons eue à la fois de la part de nos collègues et du Gouvernement.
Il n’y a pas lieu, me semble-t-il, de s’inquiéter des conséquences de la dernière phrase de l’alinéa 3 de l’article 7. Elle vise des banques intrafamiliales dans des situations très précises. Le sang de cordon présente la particularité de permettre de soigner certaines pathologies affectant des populations africaines, notamment la drépanocytose. Avec 800 000 naissances et une population très diversifiée, nous aurions intérêt à encourager l’usage de ces thérapies, y compris hors de notre territoire.
La pratique de la banque intrafamiliale vise quasi exclusivement des soins destinés à des enfants atteints de pathologies spécifiques. C’est pourquoi je demande au Sénat d’adopter l’article 7 dans sa rédaction actuelle. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
TITRE III
DIAGNOSTIC PRÉNATAL, DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE ET ÉCHOGRAPHIE OBSTÉTRICALE ET FŒTALE
Article 9
I. – (Non modifié)
II. – L’article L. 2131-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2131-1. – I. – Le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité.
« II. – Toute femme enceinte reçoit, lors d’une consultation médicale, une information loyale, claire et appropriée sur la possibilité de recourir, à sa demande, à des examens de biologie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse.
« III. – Le prescripteur, médecin ou sage-femme, communique les résultats de ces examens à la femme enceinte et lui donne toute l’information nécessaire à leur compréhension.
« En cas de risque avéré, la femme enceinte et, si elle le souhaite, l’autre membre du couple sont pris en charge par un médecin et, le cas échéant ou à sa demande, orientés vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Ils reçoivent, sauf opposition de leur part, des informations sur les caractéristiques de l’affection suspectée, les moyens de la détecter et les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge adaptée du fœtus ou de l’enfant né. Une liste des associations spécialisées et agréées dans l’accompagnement des patients atteints de l’affection suspectée et de leur famille leur est proposée.
« IV. – En cas de risque avéré, de nouveaux examens de biologie médicale et d’imagerie à visée diagnostique peuvent être proposés par un médecin, le cas échéant membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, au cours d’une consultation adaptée à l’affection recherchée.
« V. – Préalablement à certains examens mentionnés au II et aux examens mentionnés au IV du présent article, le consentement prévu au troisième alinéa de l’article L. 1111-4 est recueilli par écrit auprès de la femme enceinte par le médecin ou la sage-femme qui prescrit ou, le cas échéant, qui effectue les examens. La liste de ces examens est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé au regard notamment de leurs risques pour la femme enceinte, l’embryon ou le fœtus et de la possibilité de détecter une affection d’une particulière gravité chez l’embryon ou le fœtus.
« VI. – Préalablement au recueil du consentement mentionné au V et à la réalisation des examens mentionnés aux II et IV, la femme enceinte reçoit, sauf opposition de sa part dûment mentionnée par le médecin ou la sage-femme dans le dossier médical, une information portant notamment sur les objectifs, les modalités, les risques, les limites et le caractère non obligatoire de ces examens.
« En cas d’échographie obstétricale et fœtale, il lui est précisé en particulier que l’absence d’anomalie détectée ne permet pas d’affirmer que le fœtus soit indemne de toute affection et qu’une suspicion d’anomalie peut ne pas être confirmée ultérieurement.
« VII. – Les examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal sont pratiqués dans des laboratoires de biologie médicale faisant appel à des praticiens en mesure de prouver leur compétence, autorisés selon les modalités prévues au titre II du livre Ier de la sixième partie et accrédités selon les modalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre II de la même partie. Lorsque le laboratoire dépend d’un établissement de santé, l’autorisation est délivrée à cet établissement.
« VIII. – La création de centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, mentionnés au III, dans des organismes et établissements de santé publics et privés d’intérêt collectif est autorisée par l’Agence de la biomédecine. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. - Des examens de biologie médicale et d'imagerie permettant d'évaluer le risque que l'embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse sont proposés à toute femme enceinte au cours d'une consultation médicale.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La nouvelle rédaction de l’article 9 proposée par l’Assemblée nationale marque, selon nous, un recul malvenu. Sous couvert de promouvoir une information loyale, claire et appropriée, il vise en fait à rendre plus difficile la pratique des diagnostics prénataux.
Avec une telle mesure, le couple a une véritable démarche à entreprendre pour que soient réalisés des examens prénataux. Auparavant, notre texte prévoyait que les couples se verraient proposer systématiquement ces examens ; avec la nouvelle rédaction de l’article 9, ils doivent prendre l’initiative de les demander.
Nous le savons, nombre de nos collègues souhaitent que le diagnostic prénatal soit pratiqué d’une manière plus restrictive, pour des raisons philosophiques que je respecte. On nous parle des interruptions médicales de grossesse décidées à la suite de la détection de maladies graves. D’aucuns prononcent même le mot « eugénisme ». Chacun est libre de son opinion, mais cette nouvelle rédaction porte clairement le sceau des lobbies intégristes les plus durs.
M. André Lardeux. Il ne faut pas fantasmer, mon cher collègue !
M. Guy Fischer. Je ne les cite pas ! (Si ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
La notion d’information « loyale, claire, et appropriée » laisse une curieuse impression de dénigrement du diagnostic prénatal. Cela fait partie de ces choix philosophiques et religieux que nous ne partageons pas tous et qui ont été fortement exprimés ces quinze derniers jours.
Il ne s’agit pas de viser particulièrement ces personnes qui, par choix religieux, sont très réservées sur les interruptions médicales de grossesse et, partant, sur les diagnostics prénataux.
Soyons clairs : on ne peut qu’être admiratif devant le dévouement que les familles portent à leurs enfants atteints de troubles génétiques graves.
Mais nous devons également considérer d’autres faits. La vie de ces familles et de leurs enfants est très difficile. Handicap mental, espérance de vie très réduite : ce sont des pathologies extrêmement lourdes, dont les effets, tant sur les enfants atteints que sur l’entourage familial, sont incalculables. Certaines pathologies sont si lourdes qu’elles anéantissent la vie de familles entières.
Nous ne pouvons pas occulter le fait que de nombreux couples ne souhaitent pas assumer une telle charge, sans parler de ceux, très nombreux, qui n’en ont même pas la capacité matérielle.
Oui, la détection de maladies très handicapantes lors d’un DPN est très souvent suivie d’une IMG. Mais ce choix n’est en rien automatique : il est mûri. Et parce que ce choix est toujours difficile, il faut le respecter.
C’est pour cette raison que la possibilité de réaliser des DPN ne peut être rendue plus difficile. Ces diagnostics doivent être proposés expressément, et non de manière détournée, en instaurant un filtre supplémentaire. En dernier recours, et si le DPN établit la présence d’une maladie très grave, le couple dispose de l’information la plus large lors de la décision relative à l’interruption médicale de grossesse. Ceux qui souhaiteraient conserver leur enfant peuvent le faire. Les autres doivent de toute manière savoir si leur enfant est porteur ou non d’une maladie grave.
Le sens de notre amendement, qui vise à rétablir l’alinéa 4 de l’article 9 dans sa version initiale, est donc le suivant : clarifier la procédure en essayant de rendre plus simple la décision du couple de réaliser un diagnostic prénatal. (M. René-Pierre Signé applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Des examens de biologie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse sont proposés, lorsque les conditions médicales le nécessitent, à toute femme enceinte au cours d’une consultation médicale.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. L’objet de cet amendement est de revenir à la rédaction que l’Assemblée nationale avait adoptée en première lecture, qui est plus claire que sa nouvelle rédaction, même s’il faut reconnaître que cette dernière est meilleure que celle que le Sénat avait votée.
Le problème du diagnostic prénatal tient d’abord au ciblage d’une affection particulière : la trisomie 21. Il ne s’agit pas de dénier tout choix pour les familles, mais il convient simplement de se demander s’il n’est pas préoccupant d’instaurer en France une proposition systématique du dépistage centrée sur une seule maladie.
En outre, avec cette pratique, on s’éloigne de l’usage habituel du dépistage. Le dépistage, en général, est lié à la recherche d’une affection et à l’existence d’un risque pour une population, par exemple parce que la femme enceinte a atteint un certain âge ou qu’il existe un problème héréditaire potentiel.
Mme la présidente. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne, Mme Hermange et M. Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer le mot :
reçoit
par les mots :
se voit proposer
2° Remplacer les mots :
loyale, claire et appropriée sur la possibilité de recourir, à sa demande,
par le mot :
relative
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Le code de déontologie médicale, contenu dans le code de la santé publique, indique clairement que c’est au médecin d’ajuster sa prescription à un examen objectif de la situation du patient. Pour quelle raison en irait-il autrement dans le cadre du suivi de grossesse ? La distinction qu’un médecin établit entre ses patients est non pas une atteinte au principe de justice mais bien une adaptation personnelle du médecin à chaque cas particulier.
Il serait par ailleurs absurde et traumatisant d’informer chaque femme enceinte de tous les risques potentiels de maladies et de handicaps qu’elle-même et son bébé encourent. Vouloir tout dépister est illusoire et fait perdre en sérénité la médecine prénatale.
Si ce dépistage n’est destiné qu’à la trisomie 21, il est alors l’instrument de l’organisation d’une pratique eugénique, condamnée par l’article 16-4 du code civil et punie de vingt ans de réclusion criminelle par le code pénal.
En effet, le dépistage de cette affection a comme conséquence quasi inéluctable l'interruption médicale de grossesse. Parce que la proposition de dépistage ainsi ciblée devient une obligation pour le médecin, la formulation de l'alinéa 4 de l’article 9 correspond bien à la mise en œuvre d'une pratique eugénique tendant à la sélection des personnes trisomiques, ce qui est en contradiction avec la loi.
Il est utile d'avoir en mémoire les recommandations du rapport du Conseil d'État sur la révision des lois de bioéthique : « L'eugénisme peut être désigné comme l'ensemble des méthodes et pratiques visant à améliorer le patrimoine génétique de l'espèce humaine. Il peut être le fruit d'une politique délibérément menée par un État et contraire à la dignité humaine. Il peut aussi être le résultat collectif d'une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents dans une société où primerait la recherche de l’"enfant parfait", ou du moins indemne de nombreuses affections graves. »
Le Conseil d’État ajoute : « Le cas de la trisomie 21 appelle à la vigilance : en France, 92 % des cas de trisomie 21 sont détectés, contre 70 % en moyenne européenne, et 96 % des cas ainsi détectés donnent lieu à une interruption de grossesse, ce qui traduit une pratique individuelle d'élimination presque systématique des fœtus porteurs.
« Il convient de rester vigilant afin que la politique de santé publique ne contribue pas, par effet de système, à favoriser un tel comportement collectif, mais permette au contraire la meilleure prise en charge du handicap. Il importe également de veiller à ce que le développement des "prédispositions" génétiques ne se traduise pas par des interruptions de grossesse, sans lien avec le niveau des risques encourus par l'enfant à naître. »
Mme la présidente. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne, Mme Hermange, M. Amoudry et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
appropriée
par les mots :
adaptée à sa situation
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. L'enjeu est de préserver l'équilibre entre la place de la femme enceinte et celle du médecin dans le dialogue médical. L'exigence d'une information « loyale, claire et appropriée » place le curseur du côté de l'autonomie présumée de la femme enceinte, une autonomie en fait limitée pour diverses raisons : sentiment d'infériorité par rapport à la connaissance médicale, fragilité liée à l'état de grossesse, pression sociale… En outre, on rend l'obligation d'information systématique.
Pour rétablir un peu la marge de manœuvre du médecin dans l'information délivrée, cet amendement prévoit de remplacer le terme « appropriée » par les termes « adaptée à sa situation », ce qui permettrait au médecin de dire, par exemple : « Dans votre situation, le risque est très faible. »
Il s'agit ainsi de rétablir le nécessaire équilibre dans le dialogue entre médecin et patiente, sans trop présumer de l'autonomie de la femme enceinte. Cela renforce donc sa liberté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 20 tend à revenir à la rédaction que le Sénat avait adoptée en première lecture, qui était d’ailleurs celle du projet de loi initial.
La commission a toutefois approuvé la nouvelle rédaction adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, qui, selon nous, n’a pas une portée très différente, mais qui apaise surtout certaines craintes.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 24 rectifié, la commission a émis un avis défavorable.
Le Sénat a supprimé en première lecture les mots « lorsque les conditions médicales le nécessitent », que le présent amendement tend à rétablir. L’Assemblée nationale a suivi le Sénat en deuxième lecture.
Je l’ai dit dans mon propos introductif, outre qu’il rencontre l’opposition de la quasi-totalité des professionnels et des sociétés savantes, cet amendement remet en question le principe d’autonomie des patients, leur droit à être informés, ainsi que l’égalité de traitement entre les femmes, et il fait peser une responsabilité accrue sur les professionnels.
La commission sollicite le retrait de l’amendement n° 45 rectifié – à défaut, elle émettra un avis défavorable – au profit de l’amendement n° 44 rectifié, qui, selon elle, apporte une précision utile et importante.