M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour présenter l'amendement n° 48 rectifié quater.
M. Philippe Darniche. L’article L. 2141–2 du code de la santé publique énonce que les candidats à l’assistance médicale à la procréation doivent être un couple, formé d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer : la loi exige des demandeurs qu’ils remplissent les conditions exigées par la nature pour la procréation, afin de garantir à l’enfant une filiation crédible.
En plus d’une filiation crédible, la loi entend garantir à l’enfant à naître une certaine stabilité du couple parental, c’est pourquoi elle exige que le couple soit marié ou atteste d’une vie commune depuis deux ans.
Certes, l’Assemblée nationale a dispensé les couples pacsés et concubins de ce délai de deux ans, ce que je considère ne pas être un progrès pour l’enfant, dont l’intérêt passe ici clairement après celui des adultes.
En raison de l’engagement qui le fonde et le caractérise, le mariage est le cadre privilégié pour accueillir la famille, ce qui justifie qu’il bénéficie d’un traitement spécifique en matière de filiation comme d’adoption, ainsi que le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans une décision en date du 6 octobre 2010.
Certes, les couples non mariés sont libres d’avoir des enfants, et ce sans condition de délai. Mais en matière d’assistance médicale à la procréation, la société est sollicitée pour réaliser et financer le projet d’enfant. Aussi, le législateur doit, me semble-t-il, privilégier le meilleur pour les enfants, ce qui est déjà fait en matière d’adoption.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission des lois du Sénat a conclu en février 2010 au rejet d’une proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité. La commission a estimé que c’est « l’exigence de sécurité pour l’enfant qui justifie de réserver aux couples mariés la possibilité d’adopter conjointement ». En effet, la commission reconnaît que « le statut conjugal du couple ne détermine en rien la compétence éducative des parents, mais il définit en revanche la sécurité juridique apportée à l’enfant », alors que « le PACS est un contrat essentiellement patrimonial sans destination familiale spécifique, à la différence du mariage » et qui « ne vise pas, contrairement au mariage, la constitution d’une famille ». Le PACS est « une forme de conjugalité qui, en cas de séparation des parents, apporte moins de sécurité à l’enfant que le mariage ».
Ce que la commission des lois du Sénat a dit concernant l’adoption ne peut être contredit s’agissant de l’AMP. Dans les deux cas, la société est sollicitée pour réaliser le désir d’enfant : elle doit alors privilégier les meilleures conditions d’accueil de celui-ci.
C’est pourquoi je propose à mon tour de maintenir la rédaction actuelle de l’article L. 2141–2 du code de la santé publique, qui exige deux ans de vie commune pour les couples non mariés, ce qui a le mérite de s’assurer, bien sûr, d’une part, de l’infécondité du couple et, d’autre part, de sa stabilité quand il s’apprête à accueillir un enfant.
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par Mme Payet et MM. Détraigne, Amoudry et Merceron, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité
par les mots :
d'au moins deux ans
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à rétablir le texte de l'article L. 2141–2 du code de la santé publique tel que prévu par la loi du 6 août 2004.
Dans l'intérêt de l'enfant, un projet parental nécessite de la stabilité. Le mariage, institution fondée sur l'engagement entre un homme et une femme, est également un acte fondateur de filiation. Il paraît donc le plus à même d'apporter cette stabilité. À défaut de mariage, l'exigence d'une vie commune stable d'au moins deux ans est raisonnable, ce délai présentant aussi l’intérêt de s’assurer de l’infécondité du couple.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?
M. Alain Milon, rapporteur. Concernant l’amendement n° 4 rectifié, qui tend à ouvrir l’accès à l’AMP aux femmes seules, la commission émet un avis défavorable, conformément à l’avis du rapporteur.
Sur les amendements identiques nos 1 rectifié, 3 rectifié, 13 rectifié et 22, la commission émet un avis défavorable car ils ouvrent l’accès de l’AMP aux couples homosexuels. Cet avis est contraire à celui du rapporteur.
Les amendements identiques nos 25 rectifié bis, 35 rectifié quinquies et 48 rectifié quater visent carrément à supprimer les alinéas 4 à 6 de l’article 20.
Je voudrais rappeler que ces alinéas ont été mis en place par la commission des affaires sociales. Ils proviennent d’amendements de la commission des lois présentés par notre collègue François-Noël Buffet. Nous les avions votés, l’Assemblée nationale les a supprimés pour revenir au texte initial. Nous avons repris l’amendement de M. Buffet et voté l’amendement de la commission des lois dans le cadre de la commission des affaires sociales et vous proposez de nouveau de le supprimer. La commission émet donc un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 47 rectifié, il maintient la présomption de stabilité pour le PACS et fixe une durée minimale qui semble, pour la commission, avoir peu de sens puisque le traitement d’infertilité préalable à l’AMP dure plus de deux ans. La commission émet donc également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement no 4 rectifié, ainsi que sur les amendements identiques nos 1 rectifié, 3 rectifié, 13 rectifié et 22. Bien évidemment, je ne porte aucun jugement sur les femmes célibataires infertiles qui souhaitent avoir un enfant ni même sur l’homoparentalité, mais il est nécessaire, me semble-t-il, de réserver l’accès à l’AMP aux couples confrontés à un problème d’infertilité médicalement constatée.
S’agissant des amendements identiques nos 25 rectifié bis, 35 rectifié quinquies et 48 rectifié quater, je demande leur retrait car on considère ici la stabilité de couples mariés ou témoignant de deux ans de vie commune, excluant les couples pacsés.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis plutôt favorable sur l’amendement n° 47 rectifié de Mme Payet, qui vise, finalement, à revenir à la rédaction initiale du projet de loi, non pas au texte de 2004, mais au projet qui vous a été soumis en première lecture. Je considère que le PACS est un acte juridique qui témoigne lui aussi d’une volonté de vie commune. Il est donc intéressant et opportun, me semble-t-il, de le maintenir dans le dispositif.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’amendement n° 4 rectifié.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mon explication de vote vaudra pour tous les amendements faisant l’objet de la discussion commune.
Avec l’article 20, et contrairement à ce qui a été fait dans un certain nombre de pays de l’Union européenne, la majorité de notre assemblée refuse, ce soir, d’accorder le bénéfice de l'AMP aux couples homosexuels. (Effectivement ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Tel est le constat que nous faisons.
Ce sujet de société fait actuellement débat (Mme Bernadette Dupont opine.), et nous allons accentuer encore l’écart qui existe entre l'évolution de l'opinion publique et nos institutions.
Au cours de cette discussion, nous avons même anticipé sur celle qui aura lieu à propos de l'article 23 relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, et force est de constater qu’il existe une distorsion forte entre la majorité et l’opposition.
Pour ma part, je tiens à souligner que nous sommes en totale opposition avec les positions de la majorité. En dépit des positions courageuses du rapporteur, que je tiens à saluer et qui montrent à quel point ce débat crée des distorsions plus grandes encore, la commission a, dans sa majorité, implacablement refusé toute évolution.
J’y ai fait allusion voilà quelques instants et cet après-midi lors de la discussion générale, la majorité sénatoriale confirme ici que, sur injonction du Président de la République, de M. Sarkozy (Signes de dénégation sur plusieurs travées de l’UMP.), et du Gouvernement…
M. Guy Fischer. … elle ne laissera absolument rien passer !
M. André Reichardt. Mais non !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 1 rectifié, 3 rectifié, 13 rectifié et 22.
Mme Annie David. Mes chers collègues, j'ai bien entendu vos arguments, mais, comme je l’ai déjà dit tout à l'heure, nous ne partageons pas les mêmes convictions.
En réalité, ce n’est pas les deux années de vie commune que vous voulez réintroduire dans cet article, mais vous voulez bel et bien interdire aux couples pacsés de pouvoir bénéficier de l’assistance médicale à la procréation. De fait, vous interdisez aux couples homosexuels de recourir à cette possibilité, car telle est bien votre volonté.
En effet, les couples homosexuels n'ont pas aujourd'hui en France le droit de se marier. Le seul moyen pour eux de témoigner de leur amour et de leur volonté de vie commune est de contracter un PACS. Vous l'avez d’ailleurs rappelé, le PACS sert à lier deux personnes en remplacement du mariage. Vous interdisez donc le mariage aux homosexuels, ne leur laissant que la possibilité de se pacser, et vous interdisez maintenant aux pacsés la possibilité de recourir à l’assistance médicale à la procréation ! Il est vrai qu’il y a une certaine logique dans votre raisonnement, que je ne partage évidemment pas.
Par ailleurs, vous avez parlé de la sécurité des enfants, arguant du fait que les enfants accueillis au sein d'un couple marié seraient plus en sécurité. Alors là, j'aimerais bien que l'on m’explique pour quelles raisons un couple lié par un PACS serait moins sécurisant ou, en tout cas, plus dangereux pour un enfant !
Vous avez la volonté d'interdire aux couples homosexuels d'avoir des enfants, mais de là à dire qu’il est très dangereux pour un enfant de vivre au sein d’un couple homosexuel, vous dépassez, me semble-t-il, un petit peu la ligne ! Cela revient à porter un jugement tout à fait détestable sur les couples homosexuels.
D’ailleurs, cela a été dit, les couples homosexuels ont parfois déjà des enfants, et ces derniers se portent aussi bien que les autres. Qu’en est-il de la situation des enfants dans les familles qui se déchirent en cas de divorce ? (Mme Raymonde Le Texier opine.) Sincèrement, je ne vois pas pourquoi un enfant serait plus en danger au sein d’un couple pacsé que d’un couple marié.
En refusant de voter ces amendements identiques, vous voulez vraiment marquer votre opposition à la possibilité pour les couples homosexuels d'avoir des enfants. Ce n’est pas du tout l’intérêt de l'enfant qui vous guide ici.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. L'amendement n° 13 rectifié que notre groupe a déposé vise à permettre aux couples composés de personnes du même sexe de recourir à la procréation médicale assistée. Nous l'avions déjà déposé en première lecture, car il constitue une véritable avancée sociale.
En 2011, la famille est bien loin de ce qu'elle était en 1950. Certains le déplorent, mais je suis plutôt de ceux qui se félicitent des nouveaux modes de vie et des nouveaux types d'organisation familiale : chacun doit pouvoir être libre de choisir la manière dont il veut vivre sa vie en famille.
Certains enfants nés d'une mère vivant avec une autre femme se retrouvent, à la mort de leur mère, orphelins, sans que l'autre femme n’ait aucun droit sur l'enfant, alors qu'ils ont vécu ensemble et que l'enfant considère cette femme comme sa deuxième mère. Dans l'intérêt de l'enfant, on doit absolument éviter de telles situations juridiques inextricables.
En tant que législateurs, essayons de rester neutres. Accordons à nos concitoyens qui veulent donner de l'amour à des enfants la possibilité de le faire. Au nom de quoi devrions-nous leur interdire d'avoir des enfants ?
Au-delà de la question de l'assistance médicale à la procréation, je tiens à le souligner, l'Assemblée nationale est revenue sur d'autres éléments majeurs, privant ainsi ce texte de ses avancées les plus significatives. Ainsi, la suppression de l'amendement visant à ouvrir le bénéfice de l'assistance médicale à la procréation peut être analysée à la lumière de l'esprit général qui a prévalu au Palais-Bourbon.
En effet, les positions prises par nos collègues députés semblent avoir été beaucoup influencées par de très nombreux lobbies, ainsi que par les Églises, notamment l'Église catholique. Cette dernière a multiplié les déclarations dans les médias et cinquante-trois députés ont fait motion sur la question capitale que constitue la recherche sur les embryons. L'Assemblée nationale a donc fait également marche arrière dans ce domaine.
Nous ne pouvons que déplorer ces prises de position, qui transforment un texte progressiste et humaniste en une révision insignifiante de la précédente loi de bioéthique.
Ces amendements identiques sur l'assistance médicale à la procréation rendraient le projet de loi que nous examinons aujourd'hui un peu moins inutile, ce qu’il risque de devenir à l’issue de nos travaux. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de les voter.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je voudrais répondre à notre collègue Annie David.
Je ne voterai pas ces amendements identiques, mais pas, pour ce qui me concerne, et sans doute aussi pour ce qui concerne mes collègues, pour les raisons que vous avez indiquées. Je n'ai jamais entendu dire qu’il y avait enfance en danger lorsque les enfants sont élevés par deux femmes ou deux hommes.
Mme Annie David. C'est ce qui a été dit tout à l'heure !
Mme Isabelle Debré. Vous le savez, je lutte depuis plus de vingt ans, bien avant d'entrer dans la vie politique, contre la maltraitance des enfants au sein d'une association dans laquelle je milite encore très activement. Nous assurons le suivi de nombreux enfants maltraités, et ils évoluent souvent au sein de couples constitués d’un homme et d’une femme. Je ne crois donc pas qu'un enfant soit en danger sous prétexte qu'il est élevé par deux femmes ou deux hommes ; je ne le crois vraiment pas.
En revanche, à titre personnel, je ne souhaite pas – c’est mon avis ! –, en tant que législateur, donner aujourd'hui le droit d'enfanter à tous. Voilà ce qui me choque. D’ailleurs, si on donnait ce droit aux couples de femmes, quid des couples d’hommes ? Il faudrait aller jusqu'au bout et leur accorder également ce même droit.
M. Charles Gautier. Bien sûr !
Mme Isabelle Debré. Comme je n'ai pas accepté la gestation pour autrui pour les couples d’hommes, je ne voterai pas, par logique, suivant en cela ma conviction – et je comprends que certains ne la partagent pas – ces amendements identiques. Toutefois, encore une fois, ce n’est certainement pas au motif que l’on mettrait des enfants en danger. (Très bien ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Charles Gautier. Cela revient au même !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié, 3 rectifié, 13 rectifié et 22.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 233 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 148 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié bis, 35 rectifié quinquies et 48 rectifié quater.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 20 ter
L’avant dernier alinéa de l’article L. 2141-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce consentement ne peut être recueilli qu’après le succès de l’assistance médicale à la procréation ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mmes Hermange et B. Dupont et M. Darniche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 2141–3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai d'un an après la promulgation de la présente loi, la cryoconservation des embryons est interdite. Seuls trois embryons au plus peuvent être conçus à la demande du couple et doivent être réimplantés. » ;
2° L'avant-dernier alinéa est supprimé.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, si la lettre diffère quelque peu, l’esprit de cet amendement est identique à celui qu’a déposé Mme Marie-Thérèse Hermange.
Nous sommes tous d’accord sur le constat, à savoir un stock de 150 000 embryons surnuméraires. Ce fait est choquant. Or, avec la vitrification ovocytaire, nous avons l’occasion de mettre un terme à la fabrication d’embryons surnuméraires.
L’avancée scientifique que constitue cette technique-là va et doit permettre de faire progresser le mieux-disant éthique. Pourquoi s’en priver et continuer à fabriquer des embryons surnuméraires si ce n’est plus nécessaire pour mettre en œuvre un projet parental, puisque, grâce à la technique de conservation des ovocytes, on peut procéder différemment ? C’est du bon sens !
Mes chers collègues, on ne peut pas à la fois refuser une extension sans limite du stock des embryons surnuméraires et, en même temps, refuser des amendements visant à limiter le nombre d’embryons surnuméraires !
En 1994, les techniques de conservation ont été autorisées uniquement parce que, à l’époque, on ne pouvait pas conserver les ovocytes. Mutatis mutandis, nous devrions être cohérents avec cette ligne-là.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. de Legge, Mme Payet, MM. Gilles et Leleux, Mme B. Dupont, MM. Vial, Lardeux, Vasselle, Bailly, Bécot, Falco, Cazalet et de Montgolfier, Mme Des Esgaulx, M. Revet, Mme Rozier, MM. del Picchia, B. Fournier, Darniche, Marini, Pozzo di Borgo, Laménie et Huré, Mmes Henneron et Mélot, MM. Retailleau et Badré, Mme Hummel et MM. Lorrain, Beaumont et P. Blanc, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 2141–3 du code de la santé publique, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai d'un an après la promulgation de la présente loi, seuls trois embryons au plus peuvent être conçus à la demande du couple et doivent être réimplantés. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. L’objectif de limitation du nombre d’embryons conservés inscrit par les députés dans le projet de loi ne sera effectif que si l’on précise le nombre d’embryons autorisés par tentative.
De plus, autoriser la vitrification ovocytaire n’a de sens que si cette technique s’accompagne d’un encadrement éthique, sans quoi elle ne servira qu’à faire basculer progressivement la fonction médicale de l’assistance médicale à la procréation en technique de convenance.
En outre, il s’agit d’un amendement de cohérence, puisque tout le monde s’accorde pour dire que la vitrification ovocytaire permettra de ne plus avoir d’embryons surnuméraires. Il est effectivement opportun de rappeler qu’en 1994 l’impossibilité de conserver les ovocytes avait été un argument pour autoriser la conservation des embryons.
Mais nous connaissons les problèmes que cela pose : le stock d’embryons congelés s’élève aujourd’hui à plus de 150 000. Si nous ne limitons pas le nombre des embryons, le stock augmentera encore !
C’est la raison pour laquelle je propose, au travers de cet amendement, de limiter à trois le nombre d’embryons par tentative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 26 rectifié de M. Retailleau vise à interdire, dans un délai d’un an après l’entrée en vigueur de la loi, la cryoconservation des embryons et à limiter à trois le nombre d’embryons conçus, ceux-ci devant être obligatoirement implantés, afin de supprimer la création d’embryons surnuméraires.
Or, monsieur Retailleau, ces mesures sont redondantes avec le texte actuel du projet de loi que nous avons, en première lecture, adopté conforme avec le texte de l’Assemblée nationale.
L’article 22 dispose que, dans les cas d’assistance médicale à la procréation, le nombre d’embryons conçus « est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation, compte tenu du procédé mis en œuvre ».
L’objectif de l’amendement est donc satisfait par le texte actuel, d’autant que le nombre retenu par l’amendement de trois embryons est arbitraire et n’a pas à figurer dans la loi.
Par ailleurs, il me semble inadapté de fixer la fin d’une technique de conservation des embryons un an après l’entrée en vigueur du texte. Cela interdirait à tous les couples qui s’engagent dans une procédure d’assistance médicale à la procréation de conserver, de la manière la plus sûre, les embryons conçus même pour avoir des enfants dans l’avenir.
Il faudrait donc s’engager dans une nouvelle procédure de conception d’embryons chaque fois qu’un couple stérile souhaiterait avoir un enfant, ce qui multiplie les risques d’échec et paraît devoir soumettre le couple à des conditions physiques et psychologiques difficiles et inutiles.
De plus, avec cet amendement, le couple serait placé devant le fait de choisir le nombre d’embryons qui seront conçus. Je ne pense pas que cela soit médicalement possible, les équipes ne maîtrisant pas à l’unité près le nombre d’embryons créés.
Enfin, concevoir un, deux ou même trois embryons au maximum, c’est prendre un risque majeur d’échec de l’assistance médicale à la procréation, car tous les embryons conçus ne sont pas viables.
À l’inverse, si plusieurs embryons conçus sont viables, pourquoi faudrait-il les implanter en une seule fois à la femme ? C’est ce à quoi obligerait le texte de l’amendement, ce qui impliquerait donc une grossesse de triplés si le couple ne se résignait pas à détruire les embryons viables. Cela me semble médicalement risqué et sans doute attentatoire aux droits des femmes.
En résumé, mon cher collègue, cet amendement vise à dicter aux équipes qui pratiquent l’assistance médicale à la procréation la façon d’accomplir leurs actes. Il fait passer le fait de ne pas concevoir d’embryons surnuméraires avant la possibilité pour un couple d’avoir des enfants.
Je n’ai pu développer tous ces arguments en commission ce matin, et cela a pu contribuer à ce que celle-ci émette, contrairement à sa position antérieure, un avis favorable sur cet amendement. Mais, vous l’avez compris, mes chers collègues, si la commission avait, la première fois, émis un avis défavorable, elle est cette fois-ci favorable à l’amendement, contre l’avis du rapporteur.
Quant à l’amendement n° 34 rectifié quater, il a pour seule différence avec celui de M. Retailleau de ne pas interdire la cryoconservation. Comme pour l’amendement n° 26 rectifié, la commission y est favorable alors que le rapporteur y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je rejoins tout à fait les arguments du rapporteur sur ces deux amendements.
Permettez-moi de rappeler les termes de l’article 19 s’agissant de la PMA : « La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. »
Compte tenu de l’encadrement d'ores et déjà prévu par le dispositif, lequel met un frein à la multiplication des embryons, il faut, à mon sens, se confronter à la réalité : supprimer la cryoconservation des embryons aboutirait à diminuer très sensiblement les chances de succès de l’AMP pour les couples infertiles.
Mettons-nous cela en tête, une stimulation suivie d’une ponction permet de recueillir, en moyenne, neuf ovocytes, sachant que seuls quatre ou cinq d’entre eux pourront être transférés à l’issue de leur fécondation.
En général, deux embryons sont transférés pour éviter les grossesses multiples. Si l’on veut s’épargner les stimulations répétées et/ou les grossesses multiples, il est nécessaire de continuer à recourir à la cryoconservation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais porter à votre connaissance ce qui s’est passé en Italie : alors que les autorités avait effectivement aboli la possibilité de congeler les embryons au profit de la vitrification des ovocytes, la Cour constitutionnelle a abrogé cette mesure d’interdiction, au motif, précisément, qu’elle diminuait considérablement les chances de succès de l’assistance médicale à la procréation.
Je suis donc défavorable aux amendements nos 26 rectifié et 34 rectifié quater, qui, finalement, visent la même restriction en termes de transfert et de congélation d’embryons.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je retire mon amendement, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 34 rectifié quater de Mme Hermange.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur l’amendement n° 34 rectifié quater.
M. Bernard Cazeau. Je tiens simplement à souligner, monsieur le président, que l’adoption de l’amendement de M. Retailleau aurait constitué une véritable catastrophe.
Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mon cher collègue, de ce que vous proposez ! Cela va à l’encontre des familles et des praticiens qui exercent cette technique.
Même si l’amendement n° 34 rectifié quater est un peu plus restrictif, nous refusons, pour ce qui nous concerne, de franchir le pas de cette porte !
Madame Hermange, vous savez très bien que la cryoconservation des embryons, comme des ovocytes et des gamètes, est absolument indispensable dans le cadre des connaissances actuelles, surtout pour les personnes qui veulent en bénéficier.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je préciserai simplement cinq points.
Premièrement, pour ce qui concerne les embryons, le chiffre de trois est inspiré des bonnes pratiques médicales de l’AMP.
Deuxièmement l’article 19, tel qu’il est actuellement rédigé, ne précise absolument pas les procédés qui permettront d’atteindre l’objectif de limitation du nombre d’embryons conservés.
Troisièmement, seule l’adoption de l’amendement n° 34 rectifié quater permettra de ne pas avoir de stock.
Quatrièmement, cet amendement ne vise pas à interdire la congélation d’embryons, car nous avons pris en compte la réalité des pratiques médicales.
Cinquièmement, je ne suis pas sûre, à ce jour, que la France soit pionnière en matière d’AMP.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’insiste pour que le vote qui a été émis ce matin en commission soit renouvelé.