Article 18 ter
(Non modifié)
L’article L. 2141–1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, définit les règles de bonnes pratiques applicables à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. » – (Adopté.)
TITRE VI
ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION
Article 19 A
I. – L’article L. 1244–2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le début de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigé : « Le consentement des donneurs et, s’ils font partie d’un couple,... (le reste sans changement). » ;
2° (Supprimé)
II. – Après l’article L. 1244–4 du même code, il est rétabli un article L. 1244–5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1244–5. – La donneuse bénéficie d’une autorisation d’absence de son employeur pour se rendre aux examens et se soumettre aux interventions nécessaires à la stimulation ovarienne et au prélèvement ovocytaire. Lorsque la donneuse est salariée, l’autorisation est accordée dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 1225–16 du code du travail. »
III. – Le troisième alinéa de l’article L. 2142–1 du code de la santé publique est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les activités cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation relatives aux spermatozoïdes en vue de don ne peuvent être pratiquées que dans des organismes et établissements de santé publics, ou dans des organismes et établissements de santé privés à but non lucratif.
« Les activités cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation relatives aux ovocytes en vue de don peuvent être pratiquées dans des organismes et établissements de santé publics ou privés, des laboratoires de biologie médicale autorisés par l’Agence régionale de santé après avis de l’Agence de la biomédecine.
« Aucune rémunération à l’acte ne peut être perçue par les praticiens au titre de ces activités. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous voterons l’article 19 A tel qu’il résulte des travaux de l’assemblée. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Alain Milon, rapporteur. Merci !
M. Guy Fischer. En effet, comme nous l’avions exprimé à l’occasion de la première lecture, nous considérons que l’interdiction pour une personne n’ayant pas encore procréé de procéder à un don de gamètes n’était plus justifiée d’un point de vue tant médical que sociétal.
Les conditions actuelles du don d’ovocytes, si elles ne sont pas totalement dénuées de risques, le risque zéro n’existant pas, se sont considérablement améliorées, au point que cette interdiction, qui n’était qu’une mesure de protection pour les femmes, n’est aujourd’hui plus nécessaire.
Par ailleurs, cette interdiction est quelque peu datée d’un point de vue social. De fait, elle excluait du don d’ovocytes les femmes qui ne souhaitent pas devenir mères, ce qui est leur droit le plus légitime. Cette réalité, nous nous devons de l’entendre, de la comprendre et de la respecter. Nous devons admettre que certaines femmes, sans doute minoritaires, ne souhaitent pas, pour elles, fonder de famille tout en voulant participer à l’établissement d’une famille pour d’autres femmes. Nous ne considérons pas, contrairement à l’une de nos collègues – elle se reconnaîtra ! –, que la grossesse « constitue tout de même le rôle essentiel de la femme ».
Pour nous, le rôle essentiel d’une femme, s’il en est un, c’est d’être pleinement une citoyenne, maîtresse de sa destinée et de son corps.
Nous voterons donc cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50 rectifié ter, présenté par Mme Hermange, M. de Legge, Mme Payet, MM. Gilles et Leleux, Mme B. Dupont, MM. Vial, Lardeux, Vasselle, Bailly, Bécot, Falco, Cazalet et de Montgolfier, Mme Des Esgaulx, M. Revet, Mme Rozier, MM. del Picchia, Darniche, B. Fournier, Lorrain, Marini, Pozzo di Borgo, Laménie et Huré, Mmes Henneron et Mélot, MM. Retailleau et Badré, Mme Hummel et M. P. Blanc, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement, dont la discussion va être particulièrement suivie par un certain nombre de personnes qui sont présentes dans les tribunes du public, vise à supprimer la possibilité, ouverte par un amendement voté en commission des affaires sociales, d'autoriser le don d'ovocytes dans des centres privés lucratifs.
Il répond à une inquiétude des professionnels des CECOS. En effet, la France a toujours posé comme principe que toute activité de don de cellules ou d’organes humains devait être réalisée exclusivement dans le secteur de santé à but non lucratif.
À un moment, d’ailleurs, où la Caisse nationale d’assurance maladie s'étonne des dépassements d'honoraires dans le secteur de santé privé, il est étonnant de proposer que le don puisse être réalisé dans le secteur privé.
Y a-t-il une logique à ouvrir le don d'ovocytes et seulement celui-ci au secteur privé ? La pénurie de donneuses a été avancée pour justifier cette évolution, mais on ne comprend pas très bien comment leur nombre pourrait croître en maintenant les règles éthiques jusqu’alors établies.
Enfin, le don de gamètes ou la cession d'embryon sont des activités très particulières qui demandent, au-delà de l'aspect technique médical, un savoir-faire autre. C'est ainsi que, pour certains dossiers, les aspects génétiques, notamment pour l'appariement, psychologiques et éthiques sont majeurs et nécessitent parfois de recourir à des avis de commissions nationales comme celle de la Fédération française des CECOS, qui regroupe les centres publics.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
ou privés
insérer les mots :
à but non lucratif
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme Guy Fischer l’a dit voilà quelques instants, nous voterons cet article. Malgré tout, au sein de cet article, il nous semble – je rejoins presque Marie-Thérèse Hermange sur ce point – qu’il importe de maintenir l’exclusivité du don dans les établissements publics ou privés à but non lucratif.
Au travers de notre amendement, nous proposons d’ajouter, à l’alinéa 8, après l’adjectif « privés », la mention « à but non lucratif » pour nous assurer que le don se fera dans des conditions qui garantissent la gratuité, ce qui nous paraît important.
Nous avons eu ce matin une discussion intéressante à ce sujet, au cours de laquelle M. le rapporteur me faisait remarquer que le dernier alinéa de cet article précisait bien que les praticiens ne pourraient percevoir aucune rémunération à l’acte au titre de ces activités et que la référence aux cliniques privées visait à pallier l’absence d’établissement public susceptible de recevoir ce don dans certaines zones géographiques.
J’ai bien entendu cette explication ce matin. Je vais écouter à nouveau les explications de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État. Cependant, si je peux partager avec Marie-Thérèse Hermange la volonté de maintenir la compétence exclusive du secteur public ou privé à but non lucratif pour vraiment garantir la gratuité du don, je ne suis pas d’accord avec la proposition qu’elle fait de supprimer carrément tout ce paragraphe.
Je ne voterai donc pas son amendement, même si je peux entendre ses explications qui rejoignent en partie notre position. Sa proposition va beaucoup plus loin que ce qu’elle veut bien nous dire ce soir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. En l’occurrence, l’avis de la commission rejoint l’avis du rapporteur. (Sourires.) Je le précise pour marquer une distinction avec l’article sur la recherche au sujet duquel les avis divergent.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 50 rectifié ter puisque le fait de donner la compétence au secteur public, au secteur privé à but non lucratif et au secteur privé, dans les mêmes conditions éthiques pour tout le monde, permet aux femmes de bénéficier d’un accès plus facile à l’AMP. Il nous a donc semblé illogique de supprimer la possibilité d’avoir accès au secteur privé, dans les mêmes conditions éthiques et de rémunération que dans le secteur public.
Quant à l’amendement n° 30, je n’y avais pas porté assez d’attention ce matin. Je répète que les activités d’AMP peuvent s’exercer dans le secteur public, dans le secteur privé à but non lucratif et dans le secteur privé, dans les mêmes conditions éthiques et de rémunération. Tout le monde serait alors d’accord.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. L’argumentation que je vais développer vaudra pour les deux amendements.
La suppression de l’extension au secteur privé des activités liées au don d’ovocytes permettrait finalement de maintenir le droit en vigueur.
Il faut savoir que la possibilité d’accès à l’AMP est un droit fondamental. Or, force est de le constater, il existe des disparités en la matière sur le territoire. Un rapport de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, a préconisé d’ouvrir partiellement ces activités au secteur privé à but lucratif afin d’assurer une proximité suffisante de tous avec les centres de recueil des dons.
Certes, les activités de conservation, d’appariement, de distribution d’ovocytes reviennent naturellement au secteur public et au secteur privé à but non lucratif. Néanmoins, compte tenu de cette disparité sur le territoire, le Gouvernement ne souhaite pas aller aussi loin que la commission et veut maintenir la compétence du secteur privé à but lucratif, s’agissant du don d’ovocytes. L’avis est donc défavorable sur les amendements nos 50 rectifié ter et 30.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 30 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 19 A, modifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article 19 A.)
Article 19 C
La technique de congélation ultra-rapide des ovocytes est autorisée. Cette autorisation peut être retirée dans les conditions fixées par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 2141–1 du code de la santé publique. – (Adopté.)
Article 19
L’article L. 2141–1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« L’assistance médicale à la procréation s’entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des embryons, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle. La liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine. Un décret en Conseil d’État précise les modalités et les critères d’inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16–8 du code civil, l’efficacité, la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l’enfant à naître. L’Agence de la biomédecine remet au ministre chargé de la santé, dans les trois mois après la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique, un rapport précisant la liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation ainsi que les modalités et les critères d’inscription des procédés sur cette liste.
« Toute technique visant à améliorer l’efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent article fait l’objet, avant sa mise en œuvre, d’une autorisation délivrée par le directeur général de l’Agence de la biomédecine après avis motivé de son conseil d’orientation.
« Lorsque le conseil d’orientation considère que la modification proposée est susceptible de constituer un nouveau procédé, sa mise en œuvre est subordonnée à son inscription sur la liste mentionnée au même premier alinéa.
« La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L’Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Le mot : « recommandations » est remplacé par le mot : « règles » ;
b) Sont ajoutés les mots : « fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ». – (Adopté.)
Article 19 bis
L’article L. 2141–11 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue par l’article L. 2141–1, selon les conditions déterminées par cet article. » – (Adopté.)
Article 20
L’article L. 2141–2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. » ;
2° Au dernier alinéa :
a) À la première phrase, les mots : «, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans et consentant » sont remplacés par les mots : « et consentir » ;
b) Après la première phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils doivent être mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité ».
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
…° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou d’une femme célibataire en âge de procréer » ;
…° Au deuxième alinéa, après les mots : « l’infertilité », sont insérés les mots : « d’un couple ou d’une femme célibataire ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à élargir l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux femmes célibataires médicalement infertiles. En France, une femme célibataire peut tout à fait adopter un enfant. En revanche, l’accès à l’AMP lui est refusé. Nous sommes là face à une véritable incohérence juridique. À cet égard, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a, dès 2008, mis en exergue cette anomalie et a recommandé d’ouvrir l’accès à l’AMP aux femmes célibataires médicalement infertiles.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 1 rectifié est présenté par M. Desessard et Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet.
L'amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 13 rectifié est présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 3, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Au début de la première phrase du dernier alinéa, les mots : « L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans et consentant » sont remplacés par les mots : « Les personnes formant le couple doivent être vivantes, en âge de procréer et consentir ».
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
M. Jean Desessard. Cet amendement, qui vise à modifier l’article 20, va dans le sens des réalités sociales et sociétales actuelles, comme l’avait exposé ma collègue Alima Boumediene-Thiery lors de la première lecture. En effet, l’assistance médicale à la procréation devrait permettre à des personnes à l’origine d’un projet parental de pouvoir être aidées, que le couple soit composé ou non de personnes de sexe différent.
L’infertilité médicale ne devrait pas être le seul élément pris en compte pour l’accès à l’assistance médicale à la procréation, et ces techniques devraient également être accessibles aux couples souffrant d’infertilité sociale.
Chaque année, de nombreux couples de femmes se rendent notamment en Belgique, aux Pays-Bas ou en Espagne, afin d’avoir recours aux techniques dites « d’insémination » inaccessibles en France aux couples composés de personnes de même sexe.
Je rappelle que la méthode est à ce point devenue populaire qu’en Belgique les cliniques de fertilité ont dû mettre en place différents dispositifs réservés aux couples français de femmes. Le corps médical belge prend donc le relais, la législation française étant à la traîne.
Cet amendement permettrait de rétablir la rédaction du texte adopté par le Sénat en première lecture et d’éviter ainsi que ces couples ne se rendent en Belgique ou aux Pays-Bas pour concevoir des « bébés Thalys », malheureuse expression née des insuffisances du droit français qui ne leur permet pas d’avoir recours à l’AMP sur notre territoire.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 20 tel que le Sénat l’avait adopté en première lecture.
Il s’agit d’ouvrir l’accès à l’assistance médicale à la procréation à l’ensemble des couples en âge de procréer, que leur infertilité soit médicale ou sociale.
La société, les structures familiales évoluent et le législateur doit accompagner ces évolutions. L’ouverture de l’AMP aux couples homosexuels répond aux attentes des Français. Pourtant, elle n’est autorisée en France qu’aux couples hétérosexuels stériles. Cette hypocrisie conduit beaucoup de Françaises, qui souhaitent bénéficier de ces techniques, à partir en Belgique, en Espagne ou au Danemark, pays dans lesquels l’AMP a été ouverte à toutes les femmes.
L’assistance médicale à la procréation devrait être élargie à tous les couples qui peuvent justifier d’un projet parental cohérent, que le couple soit ou non composé de personnes de sexe différent, d’autant que des études réalisées par des psychologues et des sociologues montrent que les enfants élevés par des couples homosexuels ne se portent ni mieux ni moins bien que les autres enfants.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement, comme ceux qui viennent d’être défendus respectivement par M. Desessard et par Mme Françoise Laborde, vise à rétablir la rédaction de l’article 20, tel que voté par le Sénat en première lecture, pour ouvrir l’AMP à tous les couples infertiles, qu’il s’agisse d’une infertilité médicale ou sociale. Je ne développe pas plus, car mes collègues l’ont déjà fait.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 22.
M. Guy Fischer. Comme les précédents, cet amendement vise à rétablir la rédaction que le Sénat avait adoptée en première lecture, qui prévoyait la possibilité pour tous les couples d’accéder à l’assistance médicale à la procréation.
Nous avions donc décidé, en première lecture, d’ouvrir cette possibilité aux couples homosexuels féminins, ce qui constituait un premier pas vers la reconnaissance de l’homoparentalité.
Nous ne sommes pas étonnés de ne pas avoir été suivis dans cette direction par l’Assemblée nationale, et nous craignons de ne pas l’être non plus ce soir. Certains de nos collègues ont même vu leurs propositions repoussées par une application très large de l’article 40 de la Constitution.
À nos yeux, l’avancée que nous avions votée était double : si un couple veut un enfant et entend bénéficier d’une AMP, il doit pouvoir y avoir droit. On ne peut réclamer des « preuves de vie commune ». On le sait, elles transforment théoriquement le médecin en auxiliaire de police, chargé d’enquêter dans la vie privée des couples. Mais on sait aussi que cette vérification n’est, précisément à cause de cette intrusion, quasiment jamais effectuée par les médecins.
À côté de la volonté et du consentement qui sont, selon nous, les seules conditions expressément nécessaires, la rédaction que nous avions retenue visait à étendre l’AMP aux couples infertiles socialement, c’est-à-dire les couples homosexuels, particulièrement les couples de femmes. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de prendre de nouveau cette décision courageuse – et je vous y engage – qui ne fera qu’accompagner l’évolution inéluctable de la famille. Oui, il faut l’admettre aujourd’hui, il existe des familles monoparentales et des familles homosexuelles, avec des enfants qui grandissent sans la moindre difficulté ou, en tout cas, dans des conditions semblables à celles que connaissent tous les enfants de couples dits « normaux ». Les vieilles rengaines qui prédisaient à ces enfants qu’ils seront homosexuels parce que leurs parents le sont n’ont heureusement plus cours aujourd’hui.
Nous le savons tout simplement parce que ces familles existent. La société, en l’occurrence, évolue plus vite que la loi. Celle-ci a bien du mal à la rattraper ; pourtant, la jurisprudence est de plus en plus favorable à ces familles nouvelles, comme en témoigne la possibilité de l’adoption pour les femmes seules.
Mes chers collègues, le bien-être de l’enfant n’est pas dans le maintien indéfectible d’un ordre social supposément supérieur. Le couple homme-femme est et restera toujours le couple « de référence ». Cependant, on ne peut occulter le fait que la nature et les aléas de la vie de chacun peuvent donner lieu à la création de couples différents, mais néanmoins légitimes.
Mme Annie David. Et aimants !
M. Guy Fischer. En effet. Ce qui compte, c’est l’amour que portent les parents à leur enfant et, à cet égard, il n’est nul besoin que ceux-ci soient un homme et une femme.
L’infertilité médicale doit pouvoir être soignée, mais il faut ajouter la possibilité de résoudre une infertilité sociale et mettre fin à une discrimination trop pesante pour nombre de couples désireux d’élever des enfants avec amour.
Il n’y a pas lieu de laisser la place à une culpabilisation du couple, à un contrôle impossible à mettre en œuvre. Le consentement, la volonté, l’amour, voilà ce qui doit prévaloir lorsqu’on veut bénéficier d’une AMP. Et c’est pourquoi on doit ouvrir cette possibilité à tous les couples.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 25 rectifié bis est présenté par M. Retailleau.
L'amendement n° 35 rectifié quinquies est présenté par Mme Hermange, M. de Legge, Mme Hummel, M. Badré, Mmes Mélot et Henneron, MM. Huré, Laménie, Pozzo di Borgo et Marini, Mme Payet, MM. du Luart, Gilles, Leleux, Vial, Vasselle, Bailly, Bécot, Falco, Cazalet et de Montgolfier, Mme Des Esgaulx, M. Revet, Mme Rozier et MM. del Picchia, B. Fournier, Lorrain, Beaumont et P. Blanc.
L'amendement n° 48 rectifié quater est présenté par M. Darniche, Mme B. Dupont et M. Lardeux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. L'objectif de cet amendement est de rétablir le texte du code de la santé publique dans sa formulation actuelle, qui exige deux ans de vie commune pour les couples non mariés.
Bien entendu, la dimension de l’amour, de l’affection, est importante, mais ce qui doit d’abord prévaloir, ce n’est pas le droit « à l’enfant », mais le droit « de l’enfant », c’est-à-dire sa sécurité.
Exiger que le couple puisse justifier de deux années de vie commune est une garantie qui assure la sécurité à l’enfant.
Chacun connaît le parcours du combattant des couples qui veulent adopter un enfant, cela dure des années…
M. Alain Milon, rapporteur. Pour l’AMP aussi !
M. Bruno Retailleau. On peut estimer que ce délai de sécurité de deux ans passera très vite et qu’il paraît nécessaire pour assurer un cadre parfaitement stable à l’enfant. C’est différent du mariage qui est un cadre privilégié de la filiation. Le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs rappelé il y a quelques mois. Mais dans le cas de couples qui ne sont pas unis par le mariage, cette exigence de deux années de lien privilégié me semble nécessaire comme garantie de la stabilité du couple et donc de la sécurité de l’enfant.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié quinquies.
M. Dominique de Legge. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre Bruno Retailleau.
J’ajouterai simplement que, d’un strict point de vue juridique, on ne peut pas mettre sur le même plan le mariage et le PACS. Dans un cas, il y a présomption de filiation, dans l’autre, il n’y a pas présomption de filiation. Dans un cas, il y a possibilité de mettre un terme au PACS de façon unilatérale et sans délai ; dans le cas du mariage, chacun le sait, la procédure est tout à fait différente.
C’est la raison pour laquelle il nous paraît souhaitable de revenir aux dispositions antérieures : distinguer, d’une part, le mariage et, d’autre part, les deux années de vie commune lorsque les personnes ne sont pas liées par le mariage.