M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je pense à peu près la même chose que le président-rapporteur de la commission des lois.
Madame Assassi le sait, l’amendement est sans lien avec la réforme qui est soumise à la Haute Assemblée. Je rappelle que les syndicats sont naturellement consultés dans d’autres cadres prévus par la loi.
Par conséquent, l’avis est défavorable.
M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° 70 rectifié est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 40 de la Constitution est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je tiens à rappeler qu’il y a quelque temps le président Arthuis avait déposé, dans un débat de nature assez proche – il s’agissait de la révision constitutionnelle de 2008 –, un amendement tendant à la suppression du fameux article 40 de la Constitution, qui dispose qu’aucune mesure ne peut être proposée par voie d’amendement parlementaire si elle entame l’équilibre général des ressources de l’État, notamment en créant une charge nouvelle non compensée par une recette correspondante.
L’exposé des motifs de cet amendement, que nous confessons avoir repris pour une bonne part, mettait en évidence quelques aspects essentiels du débat, notamment le fait que l’existence de l’article 40 n’avait empêché ni l’émergence d’une dette publique inégalée en temps de paix civile ni l’apparition de déficits, et encore moins la floraison ininterrompue des niches fiscales et règles dérogatoires.
Il faut dire que nous avons été largement accoutumés à ces exercices, nombre de nos débats budgétaires des dernières années ayant exclusivement consisté à discuter à l’infini de niches fiscales les plus diverses et parfois les plus incongrues, de l’instauration du bouclier fiscal à l’exonération des œuvres d’art au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, en passant par le régime de taxation des plus-values ou celui des stock-options !
L’article 40 fait partie, faut-il le rappeler, de l’arsenal des dispositions dont peut user et parfois abuser le Gouvernement pour faire passer, même en force, une partie des dispositions qu’il entend intégrer dans une loi de finances.
Force est de constater qu’il est souvent invoqué pour éviter qu’un débat ne puisse trouver place au milieu de la discussion budgétaire, ce qui constitue de fait un rempart efficace contre les sujets susceptibles de créer des clivages, y compris parmi ceux qui sont censés apporter leur soutien au texte de la loi de finances.
Cela dit, au vu du débat que nous venons d’avoir dans le cadre de l’article 1er du projet de loi, on peut se demander si l’article 40 peut encore avoir la moindre utilité, puisque le verrou que l’on vient de poser sur la discussion budgétaire avec les lois-cadres semble encore plus solide et efficace.
Nous aurions, en quelque sorte, un article 40 tombant comme une feuille morte, devenu quasiment inutile puisque l’on vient de trouver, par la lettre de l’article 34, un outil plus puissant encore à l’égard de l’initiative parlementaire.
Cela dit, franchement, en dernier lieu, plutôt que de se focaliser sur la recevabilité financière, ne serait-il pas temps de partir de l’idée simple qui veut que le débat suffit à donner quitus à quelques propositions, même budgétaires, et que c’est la force de persuasion de ceux ou de celles qui les portent qui permettra, le cas échéant, de les fixer dans le texte de la loi ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faisons confiance, une bonne fois pour toutes, à l’intelligence et à la responsabilité des élus de la nation que sont les parlementaires, et supprimons l’article 40 ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Bel applaudissent.)
M. Bernard Frimat. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq et M. Bernard Frimat. Favorable !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, cela pourrait être le cas si le Sénat votait une « super-disposition » en termes de monopole des finances publiques.
Mme Nicole Bricq. C’est ce que vous avez fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah non, justement pas !
Mme Nicole Bricq. Mais si !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On a beau dire tout ce que l’on veut sur l'article 40, il est nécessaire.
Mme Nicole Bricq. Plus maintenant !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et il a toujours fonctionné, même si le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 14 décembre 2006, a rappelé au Sénat la nécessité d’instaurer un contrôle immédiat et sans discussion de la recevabilité financière des amendements, autrement dit une procédure analogue à celle qui existe à l’Assemblée nationale.
Je comprends parfaitement, monsieur le président de la commission des finances, qu’il vous soit extrêmement désagréable d’assumer cette lourde responsabilité constitutionnelle. (M. Jean Arthuis sourit.) Mais, je l’ai dit, depuis le temps, vous devez vous y être habitué, d’autant que cela va de pair avec votre sens de la rigueur budgétaire, qui ne vous empêche pas de dormir ! En tout cas, vous veillez à régler les problèmes en douceur, en apportant, quand il le faut, des explications à nos collègues.
Bien sûr, on peut toujours se fonder sur l’esprit de responsabilité des parlementaires, mais la suppression de l'article 40 pourrait ouvrir la voie à une multiplication d’amendements de portée financière. Il n’est qu’à se rappeler toutes les fois où ont été proposées par cette voie des mesures qui n’étaient pas financées. À mon sens, l'article 40 permet aux parlementaires, si ce n’est au Gouvernement, de garder une certaine vertu.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 64.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mesdames Assassi et Borvo Cohen-Seat, vous comprendrez aisément que le Gouvernement ne puisse en aucune façon être favorable à votre amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, je ne comprends pas !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je suis sûr au contraire que vous avez compris, car la raison est toute simple : il faut un minimum d’instruments de discipline.
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Charles Gautier. Ah, la discipline !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais qui n’est pas discipliné ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Dès lors que le Sénat ne semble pas vouloir du monopole fiscal des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, le seul instrument de discipline qui nous reste est l'article 40 de la Constitution.
Ce dernier a montré ses vertus, même si, c’est vrai, le fait d’avoir à obéir à une certaine discipline et de se trouver ainsi enserré dans des règles strictes peut parfois poser problème. Il reste que l’article 40 est tout à fait nécessaire à une bonne gestion des finances publiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne pouvez pas nous faire cela, monsieur le ministre !
Mme Éliane Assassi. C’est incohérent !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, alors, là, je ne comprends pas vos explications respectives !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne nous étonne pas !
Mme Nicole Bricq. Vous avez plaidé pendant deux heures pour un dispositif double, couplant l’instauration des lois-cadres d’équilibre des finances publiques à celle du monopole fiscal. Car même dans la version proposée par la commission des lois et approuvée par la commission des finances, ce monopole, vous l’acceptez ! C’est tout de même ce que vous nous expliquez depuis le début de l’après-midi !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’article 40, on en parle depuis 1958 !
Mme Nicole Bricq. Vous soutenez qu’un tel dispositif est propice à sauvegarder nos finances publiques, à empêcher de ce point de vue tant les embardées parlementaires que les sorties de route gouvernementales. Encore faudrait-il arriver à l'équilibre ; nous n’y sommes pas, j’en ai longuement parlé.
Si vous êtes conséquents et que vous croyez réellement en l’efficacité du dispositif que vous avez fait voter à l'article 1er, vous n’avez plus aucune raison de continuer à défendre ce qui devient un archaïsme dans la procédure législative, c'est-à-dire l’article 40 de la Constitution.
Nous avons eu effectivement un débat analogue il y a deux ans. Aujourd'hui, a fortiori, il est devenu encore plus nécessaire d’abandonner l'article 40 en rase campagne. Si vous ne le faites pas, c’est la preuve que vous ne croyez pas à la vertu de ce que vous avez voté il n’y a même pas une demi-heure !
M. Charles Gautier. Bien sûr !
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Ce problème de l'article 40 est suffisamment important pour que l’on y insiste.
Je garde pour ma part un souvenir particulier de la révision constitutionnelle de 2008, qui nous avait permis d’avoir un très beau débat sur le maintien – ou la suppression – de l'article 40 de la Constitution.
Au groupe socialiste, nous étions partisans de la seconde solution, trouvant là un point d’accord avec le président du groupe de l’Union centriste de l’époque. Ce dernier, si ma mémoire est bonne, avait expliqué que le Gouvernement disposait déjà d’arguments et de moyens en si grand nombre qu’il n’était vraiment pas utile d’en ajouter : autres temps, autres mœurs...
Le vote sur cette question avait finalement été relativement serré, et cela peut s’expliquer : l'article 40 avait fait la démonstration par l’absurde qu’il ne nous protégeait en aucun cas du déficit.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Un petit peu, tout de même !
M. Bernard Frimat. Cette mesure « magique » de contrainte à l’égard du Parlement avait montré toute son inefficacité.
Depuis, la majorité a réfléchi et a trouvé – enfin ! – de merveilleux éléments à inscrire dans la Constitution pour nous préserver d’une telle malédiction. Cependant, une demi-heure après s’être réjouie d’avoir inventé les lois-cadres d'équilibre des finances publiques et une version très adoucie du monopole, qui, en définitive, revient à le maintenir, force est de constater que l'article 40 devient sans objet.
M. Didier Guillaume. Bien dit !
M. Bernard Frimat. Ou si l'article 40 a encore un objet, c’est que la révision constitutionnelle n’en a aucun !
M. Didier Guillaume. Eh voilà !
M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, il faut choisir.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Bernard Frimat. Si vous nous proposez des réformes en peau de lapin, il est tout de même extraordinaire de nous en faire l’aveu aussi vite, alors que la loi n’est même pas encore votée. Que de discours enflammés avons-nous entendus au nom du bon sens : devant la nécessaire maîtrise des finances publiques, la calamité du déficit, le fait que nous allions nous retrouver dans la situation de la Grèce, le poids des agences de notation, nous aurions trouvé la parade extraordinaire qui allait nous protéger à tout jamais, je veux parler de cette réforme constitutionnelle et de l’insertion du ixième alinéa de l'article 34 !
M. Didier Guillaume. Il a raison !
M. Bernard Frimat. Éliane Assassi et ses collègues tirent donc, avec beaucoup d’opportunité, les conséquences d’une telle modification.
Si votre nouvel instrument est aussi merveilleux, pourquoi maintenez-vous cette procédure, source de désagrément permanent pour le président de la commission des finances ?
Je regrette, à cette heure, que mon ami Pierre-Yves Collombat ait dû nous quitter. Chacun connaît le combat titanesque qu’il livre avec Jean Arthuis sur l'article 40 : les épisodes qui l’émaillent – ô combien douloureux, mais toujours empreints d’une réelle courtoisie ! – alimentent régulièrement nos débats et sont ponctués, de temps à autre, par un rappel au règlement.
Nous avions l’occasion de nous détacher d’un élément douloureux et perturbant. Voilà une occasion que, je le sens, vous allez rater.
M. Didier Guillaume. Courage !
M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, en hommage à ce que vous venez de voter, pour ne pas vous désavouer en une demi-heure de temps, ralliez-vous à l’amendement n° 64. Ce faisant, puisque nous savons maintenant que le texte repartira à l’Assemblée nationale, vous permettrez aux députés d’avoir, eux aussi, la possibilité d’un débat sur ce sujet de l'article 40, qui serait alors non pas encore abrogé, mais en voie de l’être.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Bernard Frimat. Redonnez au Parlement tout son rôle, laissez-le débattre de ses initiatives financières.
Je m’arrêterai là, monsieur le président. Sinon, j’ai tellement de raison de plaider pour la suppression de l'article 40 que je craindrais de dépasser mon temps de parole !
M. Jean Desessard. Continuez, il vous reste quarante secondes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le garde des sceaux, je suis au regret de vous dire que nous n’allons évidemment pas retirer notre amendement. Nous avons d’ailleurs trouvé tout à fait curieux que vous vous y opposiez, tant, en réalité, l'article 40 de la Constitution n’a plus de raison d’être : il tombe,…
M. Jean Desessard. Comme un fruit mûr, comme un abricot !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … faute de ne plus avoir la moindre utilité.
Dans ces conditions, ou la majorité vote votre texte ou elle ne le vote pas ; mais si elle le vote, elle se doit évidemment, par cohérence, de supprimer l'article 40.
Je suis par ailleurs très étonnée que M. le président Arthuis, qui s’est pourtant prononcé pour cette suppression, n’ait pas enfin trouvé dans le nouveau dispositif la parade pour ce faire et qu’il ne soutienne pas notre amendement.
M. Charles Gautier. Il devrait être le premier à l’approuver !
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour une fois que nous pouvons être d’accord, monsieur Arthuis, tout de même !
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Je remercie Éliane Assassi d’avoir rappelé le débat que j’avais suscité lors de la discussion du projet de loi de réforme constitutionnelle de 2008.
Par un souci de provocation qui avait finalement assez bien fonctionné, j’avais déposé un amendement tendant à supprimer l'article 40 de la Constitution.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était donc une plaisanterie !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas de l’humour corrézien, c’est de l’humour mayennais !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On entend décidément beaucoup de plaisanteries en ce moment !
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Je voulais mettre en évidence que l’accumulation de déficits et l’endettement étaient le fait non pas du Parlement, mais des initiatives des gouvernements successifs.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous propose une réforme constitutionnelle qui équilibre les contraintes, puisqu’il s’impose à lui-même un article 40.
Si, à l’époque, l’on avait supprimé l'article 40, je me serais au fond privé d’une succession d’échanges avec Pierre-Yves Collombat.
M. Charles Gautier. Eh oui !
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. C’eût été dommage, car, au fil de nos rencontres, lui et moi avons pu confronter nos idées et établir une compréhension mutuelle.
Un sénateur du groupe socialiste. Très bien !
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Me priver d’une telle opportunité eût été une sorte de punition. (M. Didier Guillaume s’exclame.)
Je remercie donc l'ensemble de mes collègues qui n’avaient pas rendu possible une telle suppression, laquelle m’aurait privé, en outre, d’une correspondance assez abondante avec Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres de son groupe. Sur un certain nombre de textes, je dois en effet avouer que leur créativité est sans limite, ce qui me contraint à faire application de l'article 40.
Les mesures que le Sénat vient de voter, tendant à repousser la présentation d’une loi financière, m’amènent à penser que l'article 40 est absolument indispensable (Mme Nicole Bricq s’exclame.), faute de quoi nous risquerions de nous retrouver, au bout de quelques semaines ou de quelques mois, avec une corbeille bien pleine de dispositions coûteuses. Tout arbitrage serait alors extrêmement difficile. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incompréhensible !
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Mettez-vous à la place de nos concitoyens : comment pourraient-ils lire les intentions du Parlement…
M. Bernard Frimat. Quel aveu !
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. … et se rendre compte des moyens engagés pour les concrétiser ?
Ce que nous venons de voter m’amène à penser que l'article 40 a sa place dans notre Constitution et peut nous aider à prévenir certaines formes d’addiction à la dépense publique.
Mme Nicole Bricq. Alors, vous n’y croyez pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Parlement ne pourra plus débattre !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Chers collègues de la majorité, c’est tout de même incroyable :…
Mme Nicole Bricq. Ah oui !
M. Jean Desessard. … je n’ai pratiquement entendu de votre part que le mot « vertu » et ses multiples déclinaisons depuis le début de l’après-midi ! Ainsi, le Premier ministre serait vertueux en plus d’être formidable, le Président de la République encore davantage ! Et quel adjectif employez-vous pour parler de vous-mêmes, les sénateurs de la majorité ? Vertueux, bien évidemment !
Mais, alors, votre vertu, qu’est-ce que vous la défendez : un cadenas par-ci, un verrou par-là, un autre encore là, et ainsi de suite ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Une ceinture de chasteté !
M. Jean Desessard. À croire que vous ne seriez pas si vertueux. Si encore vous vous disiez emplis de désirs, prêts à tout dépenser, on comprendrait votre ardeur à vouloir poser des verrous partout ! (Nouveaux sourires.)
Mais c’est tout le contraire qui se produit : vous vous parez de toutes les vertus tout en verrouillant chaque strate du dispositif ; dès lors, comment peut-on vous croire ?
J’en viens à la seconde partie de mon intervention, et c’est à vous que je m’adresserai, monsieur le rapporteur, car ce que vous avez dit est grave. Je reprends vos propos : « À force de dépenser ici ou là, regardez où nous en sommes. » Comme si c’étaient les dépenses induites par les parlementaires qui avaient conduit au déficit.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai jamais dit cela !
M. Jean Desessard. C’est formidable de refaire ainsi l’histoire.
D’abord, si de telles mesures ont été votées dans l’hémicycle, avec le soutien de la majorité, c’est le signe, me semble-t-il, qu’elles étaient de bon sens et justifiées (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) et que chacun, en toute vertu, a pris la bonne décision. Il est tout de même un peu facile de soutenir, quelques années après, que l’on a dépensé allégrement !
Non, monsieur le rapporteur ! Le déficit est le fruit d’une politique économique et fiscale.
Il ne faut pas laisser croire que ce sont les sénatrices et les sénateurs qui ont décidé, à un moment donné, de dépenser de l’argent en votant telle subvention ou en soutenant tel projet, car c’est faux : ce qui nous prive des recettes nécessaires permettant d’équilibrer les finances publiques, c’est votre politique fiscale ! (M. Didier Guillaume applaudit.)
M. Charles Gautier. Très bien !
M. Didier Guillaume. Il a quasiment convaincu l’hémicycle !
Mme Nicole Bricq. Vous n’êtes pas cohérents, mes chers collègues !
Article 2 bis (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 41 de la Constitution, les mots : « ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 » sont remplacés par les mots : «, est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 ou est contraire au vingtième alinéa de l’article 34 ou au deuxième ou au quatrième alinéa de l’article 72-2 ».
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L’amendement n° 8 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 31 est présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° 42 est présenté par M. Emorine, au nom de la commission de l'économie.
L’amendement n° 54 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement visant à substituer au monopole des lois financières un dispositif de validation des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires par les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.
Ce dispositif de validation rend inutile une procédure d’irrecevabilité, pour le moins bizarre, à l’égard des amendements et propositions de loi qui ne respecteraient pas le monopole, et qui plus est rattachée à l’article 41 de la Constitution, alors qu’il s’agit d’une inconstitutionnalité.
Je rappelle qu’aux termes de l’article 41 de la Constitution le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité lorsqu’une proposition n’est pas du domaine de la loi, mais du domaine du règlement. En l’occurrence, cet article 2 bis tend à ajouter une excroissance bizarre et incompréhensible.
Il convient donc de supprimer l’article 2 bis, et, par coordination, l’article 9 bis, qui sont inutiles. Tel est l’objet de cette série d’amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales, pour présenter l’amendement n° 8.
Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales. Il a été défendu.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
M. Bernard Frimat. Je considère, pour ma part, que notre amendement, bien que identique, n’a pas été défendu.
Je conviens que l’argumentation de M. le rapporteur est cohérente par rapport à l’amendement qu’il a fait adopter. Pour ce qui nous concerne, tout en étant défavorables aux lois-cadres, nous avions manifesté notre accord, en commission des lois, pour supprimer l’article 2 bis, car cet article, que nous tenons pour un compromis boiteux issu de l’Assemblée nationale, est, je tiens à le répéter, une scorie, une lapalissade constitutionnelle.
Je ne veux pas que l’on puisse supposer que nous demandons la suppression de l’article 2 bis parce que nous nous sommes ralliés à la position du président de la commission des lois. Nous poursuivons le même objectif, mais pour des raisons différentes.
Nous avons considéré que la proposition de M. Hyest de supprimer l’article 2 bis évitait au Sénat de sombrer dans le ridicule en adoptant une disposition, issu, je le répète, d’un compromis boiteux voté par les députés, qui signifie en substance : fermons les yeux sur l’irrecevabilité, et nous pourrons, dans le temps du débat parlementaire, faire perdurer l’opération et conserver le monopole – tout en ayant une pratique permettant d’y échapper ! –, à la seule condition de nous assurer, comme nous le reverrons à l’article 9 bis, que l’inconstitutionnalité soit déclarée.
On poussait le ridicule, dans la rédaction initiale, jusqu’à dire que le Conseil constitutionnel devait déclarer contraire à la Constitution ce qui est contraire à la Constitution...
Je pense que l’on peut se débarrasser de ces scories, tout en étant en profond désaccord avec le rapporteur sur les raisons d’opérer ce nettoyage juridique élémentaire.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Cet amendement a été défendu.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 42.
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Il a été défendu.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 54.
Mme Éliane Assassi. Je considère qu’il a été défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. L’article 2 bis représentait, pour l’Assemblée nationale, un dispositif permettant d’équilibrer la loi constitutionnelle, en préservant l’initiative parlementaire tout en adoptant le principe du monopole fiscal.
Compte tenu de la position que vient d’adopter le Sénat sur cette question du monopole fiscal au travers de ces six amendements, je m’en remettrai, sur ce point, à la sagesse du Sénat.
Toutefois, il est évident que le débat devra se poursuivre lors de la deuxième lecture, dans l’objectif commun de trouver un véritable accord entre les deux chambres du Parlement et le Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 8, 15 rectifié, 31, 42 et 54.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 2 bis est supprimé.
Je constate par ailleurs que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Article 3
L’article 42 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « constitutionnelle, », sont insérés les mots : « des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, » ;
2° À la seconde phrase du dernier alinéa, après les mots : « non plus », sont insérés les mots : « aux projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, ».
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. C’est un amendement de cohérence par rapport à la suppression des lois-cadres : il est donc devenu sans objet. (M. le rapporteur et M. le garde des sceaux opinent.)
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3