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Débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011
M. le président. L’ordre du jour appelle un débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis évidemment très heureux de pouvoir m’exprimer devant vous à la veille d’un Conseil européen important.
En effet, les dossiers à gérer sont nombreux, et nous savons tous la valeur prééminente que le Sénat accorde à l’élaboration de la stratégie européenne de la France.
À cet égard, permettez-moi de saluer une nouvelle fois le travail rigoureux de Jean Bizet au sein de la commission des affaires européennes. Je souhaite aussi rendre hommage au travail en profondeur effectué par les sénateurs sur les questions européennes pour que notre représentation nationale puisse disposer d’un éclairage de qualité. Je pense, notamment, aux deux derniers rapports rédigés, pour l’un, par MM. Jacques Blanc et Didier Boulaud sur l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, et, pour l’autre, par MM. Jean-François Humbert et Simon Sutour sur la Grèce et la zone euro.
Ne nous cachons pas les réalités. Depuis 2007, l’Union européenne fait face à de nombreuses turbulences : crise du fonctionnement des institutions, crise financière et économique, crise de la dette souveraine, attaques spéculatives contre la zone euro, ou encore, dernièrement, dans un autre registre, tensions vives aux frontières de l’espace Schengen.
Faut-il pour autant désespérer de la cause européenne ? N’est-il pas plutôt nécessaire de revenir au message de Jean Monnet, qui déclarait : « L’Europe se fera dans les crises. Elle sera la somme des solutions qu’on apportera à ces crises » ? Et si nous avons assurément notre lot de crises, nous ne manquons pas non plus de solutions !
L’Union européenne n’est pas restée paralysée face aux dangers.
Alors que cette période restera sans doute dans l’Histoire comme l’un des grands moments de test de la solidité de l’édifice européen, nous nous sommes systématiquement employés à défendre la construction européenne, à consolider l’essentiel, à tenter de faire bouger les lignes, à nouer des compromis, à définir des solutions, à écarter les dangers et, progressivement, à faire en sorte que l’Europe puisse réagir et repartir de l’avant. Le prochain Conseil européen illustrera une nouvelle fois ce mouvement et ces efforts.
Nous avancerons dans quatre directions principales, qui sont toutes importantes : la concrétisation de la nouvelle gouvernance économique européenne, le renforcement de la gouvernance de l’espace Schengen, la rénovation de la politique de voisinage et, surtout, la conclusion des négociations d’adhésion avec la Croatie, qui prennent une dimension historique toute particulière s’agissant de cette zone géopolitique.
J’évoquerai tout d’abord la gouvernance économique européenne.
Le Conseil européen nous permet de mettre concrètement en œuvre la nouvelle procédure de coordination des politiques économiques et d’approuver le traité mettant en place le mécanisme européen de stabilité.
Revenons quelques instants sur ce qui vient de se passer. Les efforts portés par le Président de la République face à la crise de l’euro ont été engagés dans deux directions.
D’une part, il était urgent de réagir face à la crise elle-même, afin d’empêcher qu’elle ne détricote l’ensemble de l’édifice de l’euro, l’un des principaux acquis de la construction communautaire.
D’autre part, et dans le même temps, il fallait tirer des leçons structurelles quant à la conception même de l’euro, afin de remédier à ses faiblesses initiales. En l’occurrence, la leçon à retenir est fort simple : une monnaie commune n’est pas viable sans racines économiques communes !
Ce Conseil européen sera aussi l’occasion pour les chefs d’État et de gouvernement de rappeler les nouveaux engagements pris au titre du Pacte pour l’euro plus. Cette initiative, que nous avons défendue avec nos amis allemands, vise à accélérer la convergence des politiques économiques, comme le souhaitaient les Français, toutes tendances politiques confondues, depuis des années.
Parmi les éléments de cette convergence figurent l’instauration d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés – en cas de succès, ce serait un progrès considérable dans la coordination européenne ! –, la mise en place d’une fiscalité énergétique, les efforts réalisés dans la conception d’une taxe sur les transactions financières – cette idée, qui est soutenue par la France, progresse auprès de nos partenaires – ainsi que l’intensification de la lutte contre les pratiques fiscales dommageables.
Est-il normal, par exemple, que Google réalise des chiffres d’affaires considérables dans les différents États membres, perçoive l’ensemble de ses bénéfices en Irlande et parvienne, via le système dit du « Double Irish », à se soustraire à la quasi-totalité de la fiscalité européenne ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bonne question et heureuse prise de conscience !
M. Laurent Wauquiez, ministre. Je me réjouis du soutien qui vient d’être exprimé par M. le rapporteur général de la commission des finances.
Les progrès qui pourront être réalisés sur les quelques sujets que je viens d’évoquer seront évidemment décisifs pour la consolidation durable de l’euro et pour la coordination économique au sein de l’Union.
Ce Conseil européen offrira également l’occasion de signer le traité intergouvernemental sur le mécanisme européen de stabilité. Ce dispositif, qui sera doté de 500 milliards d’euros de capacité de prêt effective, constitue la meilleure réponse que nous pouvions apporter aux spéculateurs pariant sur le détricotage de l’euro. C’est le choix d’une solidarité européenne qui a été fait. En effet, nous avons toujours été convaincus, et nous pouvons en être fiers, que les attaques lancées contre la Grèce visaient en réalité notre monnaie commune.
Nous pouvons également mesurer le chemin parcouru de ce point de vue. Certes, on peut toujours pointer telle ou telle faiblesse de l’euro. Néanmoins, observons les progrès accomplis depuis deux ans ! Voilà deux ans à peine, il n’existait aucun mécanisme de défense de l’euro ; aujourd'hui, nous disposons d’une capacité de prêt effective de 500 milliards d’euros pour réagir en cas d’attaque spéculative.
Le Conseil européen abordera également la question du « paquet législatif » sur la gouvernance économique dans la perspective des discussions qui ont lieu encore en ce moment entre le Conseil et le Parlement européen.
Enfin, ce Conseil européen devrait clore le premier exercice du « semestre européen ». L’objectif est d’évaluer les engagements souscrits par les États membres dans leurs programmes nationaux de réforme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprendrez évidemment que je souhaite évoquer le cas de la Grèce.
Sur ce dossier, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont clairement rappelé que tout serait fait pour défendre la zone euro. L’identité de vues franco-allemande, qui n’était pas évidente a priori, a pu être dégagée le 17 juin dernier à Berlin, ouvrant ainsi la voie à l’adoption de nouvelles mesures de soutien à la Grèce.
Alors que le débat public français n’a bien souvent rien à voir avec celui qui est mené en Allemagne, il est tout de même très intéressant de noter que les dirigeants de nos deux pays ont chaque fois été capables de parvenir à des positions communes, faisant ainsi évoluer notre approche de la crise grecque. C’est sur cette base que des décisions concrètes seront prises par les ministres des finances le 3 juillet prochain.
Comme vous le savez, le principe d’une aide supplémentaire à la Grèce a été acté, et le compromis franco-allemand a permis que ses modalités soient précisées.
J’y insiste : les créanciers privés participeront, sur une base volontaire, à l’effort de financement de la dette grecque, vraisemblablement par des opérations de roulement de la dette arrivée à maturité.
Pour autant, et il ne doit subsister aucun doute sur ce point, restructurer ne signifie nullement admettre un quelconque défaut de paiement. Nous excluons totalement cette option, car elle reviendrait à faire payer…
M. François Marc. Les contribuables !
M. Laurent Wauquiez, ministre. … l’ensemble des pays de la zone euro, ce que ne nous voulons en aucun cas.
La troïka formée par le FMI, la Commission européenne et la BCE travaille activement à un accord technique avec Athènes. À très court terme, le déboursement de la cinquième tranche de 12 milliards d’euros du plan de soutien devrait intervenir au début du mois de juillet prochain, après le vote d’un nouveau train de mesures par le parlement grec.
Grâce aux dispositions qui ont été adoptées, la Grèce peut aujourd'hui se financer sur les marchés financiers à moyen terme à un taux d’environ 5 %. D’après les différents économistes, sans ces mesures, les taux seraient de 25 % !
Quant aux hypothèses selon lesquelles la Grèce sortirait de l’euro qui ont été envisagées par certains, elles sont tout simplement absurdes : dès lors que la dette grecque est établie en euros, ce scenario aboutirait à une explosion de l’endettement du pays.
Les Grecs doivent naturellement prendre leurs responsabilités. Nous avons conscience que cela leur demandera de très lourds efforts et ne sera pas facile. Pour autant, le gouvernement de Georges Papandréou a pris des décisions courageuses, nous ne pouvons que le souligner. Il a présenté une nouvelle stratégie budgétaire, qui comprend des mesures d’économies et de privatisation, pour lever environ 50 milliards d’euros. Ce plan courageux doit être adopté par le Parlement grec et tenu de bout en bout.
En prenant un peu de recul, en examinant la situation passée et présente de la France, nous nous apercevons que la crise de la Grèce est celle d’un pays qui n’a pas su prendre des réformes à temps et qui a laissé s’accumuler et dériver des déficits devenus insupportables.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
M. Laurent Wauquiez, ministre. Tous les efforts décidés par le gouvernement français, qui sont parfois difficiles à accomplir, vont dans le sens de l’intérêt général. Il faut l’expliquer à l’opinion publique. L’objectif est précisément d’éviter que la France ne soit, à son tour, prise dans la tourmente. Nous devons tout faire pour que notre pays soit protégé et n’ait pas à connaître les difficultés que traversent aujourd'hui la Grèce, l’Irlande et le Portugal.
Il faut du courage politique si nous voulons mener notre pays à bon port. J’en suis convaincu : lorsque nos compatriotes voient les difficultés auxquelles doit faire face le peuple grec, parce son gouvernement n’a pas su prendre, à temps, les mesures courageuses qui s’imposaient, ils comprennent que notre action a pour objectif non pas de les punir, mais, bien au contraire, de les protéger et de faire en sorte que notre pays n’ait jamais, à quelque moment de son histoire, à connaître un tel destin.
J’en viens maintenant au deuxième enjeu de ce Conseil européen, à savoir la réforme de la gouvernance de Schengen.
Ce point a été inscrit à l’ordre du jour à la demande de la France. Qu’il n’y ait aucune ambiguïté : la libre circulation des personnes est un acquis fondamental de l’Europe. C’est même l’une des matérialisations les plus concrètes pour nos compatriotes des apports de l’Europe. Nous devons le préserver et il n’est pas question de le remettre en cause. Toutefois, maintenir un acquis ne suppose pas d’être myope vis-à-vis des difficultés de la politique européenne. À l’évidence, Schengen, aujourd'hui, a besoin d’être réformé et renforcé.
C’est précisément le sens des propositions que le chef de l’État a faites conjointement avec l’Italie le 26 avril dernier. Ces propositions ont donné le tempo de la séquence que viendra clore le Conseil européen qui se tiendra demain.
Renforcer Schengen, c’est d’abord le doter d’une véritable direction politique, qui lui fait actuellement défaut. Comme Claude Guéant l’a rappelé, il faut qu’il y ait un pilote et que nos concitoyens sachent de qui il s’agit.
Par ailleurs, renforcer Schengen suppose d’avoir une défense européenne commune qui soit plus efficace. Oui, la défense de nos frontières communes passe par une approche commune. Je me suis rendu à Varsovie, au siège de l’agence Frontex. J’ai constaté, à cette occasion, que ses capacités opérationnelles devaient être renforcées. La France plaide pour la création en son sein d’un corps d’inspecteurs européens, en attendant, le moment venu, la mise en place d’un système européen de garde-frontières.
Renforcer Schengen, c’est enfin lui donner plus de flexibilité. Nous devons pouvoir réagir en cas de crise. L’analogie avec les difficultés que rencontre l’euro est éclairante. Les systèmes européens ne peuvent pas tenir sur la durée sans une capacité de réaction en cas de crise. Ce qui faisait défaut à l’euro, c’était un système de défense en cas d’attaque spéculative. Ce qui fait défaut à Schengen, c’est un système de défense si un État membre n’arrive pas à faire face à une crise migratoire. C’est tout le sens de la proposition française.
Nous voulons qu’il soit possible de rétablir de façon temporaire des frontières intérieures, dans le cadre d’une coopération communautaire, pour faire face soit à des situations exceptionnelles, comme l’arrivée massive de migrants, soit à la défaillance systématique d’un État en matière de sécurité de ses frontières extérieures.
Il s’agit non pas de détricoter la dimension communautaire de Schengen, mais, au contraire, de la renforcer. Il s’agit non pas d’affaiblir Schengen, mais, au contraire, de lui donner du muscle. Si nous voulons que nos compatriotes croient en la possibilité d’une réponse européenne, nous ne devons pas être aveugles à la nécessité de pouvoir apporter des réponses en temps de crise.
Ce qui s’est passé à Lampedusa est terriblement fragilisant pour le système de Schengen. Que nous puissions réagir dans de tels cas de figure est impératif si nous voulons que nos compatriotes conservent leur confiance en l’Europe. Cela suppose également la mise en œuvre d’un régime européen d’asile, la poursuite d’une politique équilibrée en matière de visa, la définition d’une relation mutuellement bénéfique avec les pays du voisinage Sud.
J’en viens au troisième enjeu du prochain Conseil européen, à savoir la politique européenne de voisinage.
La réforme engagée est essentielle pour ne pas manquer le train de l’Histoire. Souvent, le Sénat a été aux avant-postes ; bien avant d’autres, il a insisté sur les enjeux historiques du printemps arabe. Le Conseil européen évoquera, bien sûr, les crises qui se déroulent en Libye, en Syrie, au Yémen, ainsi que notre initiative pour relancer le processus de paix.
Cependant, l’enjeu est aussi de définir clairement les objectifs et les modalités de l’action de l’Union européenne. Selon moi, cet objectif peut se définir assez simplement : investir dans la démocratie.
Notre histoire, notamment au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, nous prouve qu’il ne peut y avoir de transition démocratique réussie sans un accompagnement fort. La réussite démocratique doit être en même temps économique et sociale.
Le Conseil européen devra donc fixer les bases des différentes propositions faites par la Haute représentante et par la commission. Il s’agit d’appuyer les évolutions démocratiques et de soutenir les sociétés civiles. Je salue, une nouvelle fois, le processus courageux et nécessaire engagé par le roi Mohamed VI au Maroc. Nous ne devons pas uniquement nous concentrer sur des pays tels que la Tunisie et l’Égypte. Nous ne devons pas oublier ceux qui cheminent avec prudence et constance, en essayant d’éviter les difficultés pouvant naître d’une révolution brusque.
Il s’agit également de soutenir une croissance économique durable et solidaire et d’organiser la mobilité des populations. Tout cela suppose des moyens et des ressources financières nouvelles. L’Union européenne doit être à la hauteur de ce défit historique. C’est la raison pour laquelle les crédits européens pour les seize pays couverts ont été augmentés de 1,2 milliard d’euros, ce qui portera cette enveloppe à 7 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle le niveau de prêts de la Banque européenne d’investissement à la Méditerranée a été relevé, pour être porté à 6 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle nous envisageons l’extension du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, aux pays du sud de la Méditerranée, ce qui représente 2,5 milliards d’euros. C’est enfin la raison pour laquelle la France plaide avec acharnement pour que le ratio « deux tiers-un tiers » continue de bénéficier au voisinage Sud. Ce n’est pas au moment où la rive sud de la méditerranée a besoin de nous qu’il faut l’abandonner !
N’oublions pas cette leçon simple de l’histoire que nous a léguée par Braudel : l’Europe a été prospère quand la rive nord et la rive sud de la Méditerranée commerçaient ensemble et maintenaient un équilibre.
Ce soutien financier de l’Union européenne passe aussi par une implication dans l’Union pour la Méditerranée et par un meilleur appareillage entre l’Union pour la Méditerranée et l’Union européenne.
Je conclurai mon intervention en évoquant un sujet historique dont chacun, ici, mesure l’importance, je veux parler de la poursuite de l’élargissement de l’Union européenne aux Balkans avec les négociations d’adhésion de la Croatie, dont le Conseil européen pourra constater la conclusion.
En pensant l’Europe, nous devons avoir en tête les enjeux financiers et économiques, ainsi que le développement des d’infrastructures, naturellement. Toutefois, nous ne devons jamais oublier pour autant les enjeux historiques, notamment la préservation de la paix sur le continent européen. Dans un monde aujourd'hui traversé par des crises brutales, pouvant déstabiliser une région du jour au lendemain, l’Europe est un profond facteur de stabilité. Nous le mesurons pleinement avec la Croatie et la Serbie, pays théâtres de massacres il y a à peine quinze ans, pour qui l’horizon européen a été un puissant facteur de paix. C’est aussi cela l’Europe, ne l’oublions jamais. Le président Pompidou était particulièrement attaché à cette dimension.
La clôture de l’adhésion de la Croatie est, de ce point de vue, particulièrement importante. La France l’a voulue, la France l’a soutenue, mais la France a aussi souhaité que la clôture des négociations se fasse sur des bases saines. Nous avions été amenés, monsieur le président de la commission des affaires européennes, à évoquer ce sujet ensemble. Le but n’est pas d’élargir l’Union européenne, sabre au clair, pour donner satisfaction à tel ou tel pays. Si nous voulons être crédibles, si nous voulons que les États qui entrent dans l’Union européenne ne rencontrent pas de difficultés par la suite, l’élargissement doit s’opérer sur des bases extrêmement saines, en tenant compte de critères d’évaluation stricts et en respectant rigoureusement l’acquis communautaire.
De ce point de vue, la France a plaidé pour une nouvelle approche. Jusqu’à présent, après la clôture des négociations, s’ouvrait une période d’environ deux ans et demi avant l’entrée effective au sein de l’Union européenne, période au cours de laquelle l’effort se relâchait, car les pays avaient le sentiment d’avoir franchi la ligne d’arrivée. Un temps très précieux était alors perdu.
La France a donc défendu, en bonne entente avec le gouvernement croate, le principe d’un suivi durant la phase intermédiaire, assez longue, entre la clôture des négociations et l’adhésion. La Croatie a accompli des efforts remarquables d’adaptation durant cette période, je tiens à le souligner avec force.
Au cours de cette phase de préadhésion, nous avons pu nous assurer que la lutte contre la corruption progressait, que les réformes envisagées pour la justice étaient bien mises en place et que le programme de privatisation était correctement mené. Nous avons pu également apporter tout l’accompagnement nécessaire aux Croates, pour qu’ils cheminent jusqu’au bout sur le sentier européen.
Il s’agit d’un véritable changement dans notre approche des négociations d’adhésion, qui devrait nous permettre de poser des bases plus solides que dans le passé.
Je suis convaincu que la Croatie peut être une histoire à succès particulièrement précieuse pour la suite de l’élargissement européen. Sur ce territoire, l’Europe panse ses plaies, soigne ses blessures, qui viennent souvent de très loin dans notre histoire commune, et adresse un profond message d’espoir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, l’Europe traverse des crises. Non, l’Europe n’est pas un grand corps malade ! Face aux tensions, aux défis, l’Europe est capable de réagir, même dans la douleur et la difficulté. Elle trouvera des réponses grâce à une plus grande coordination et à un renforcement de l’Union. Pour la France, cela suppose que nous jouions totalement notre rôle, celui d’un pays proactif, profondément pro-européen, capable de proposer des initiatives.
En cette année 2011 où nous allons commémorer le centenaire de la naissance de Georges Pompidou, rappelons-nous la vision de la France et de l’Europe qu’il nous a léguée. Selon lui, l’avenir et l’influence d’un pays comme le nôtre au XXIe siècle passaient incontestablement par l’Europe. Néanmoins, ce levier d’influence européen n’a de sens pour la France que si notre pays est au premier plan des initiatives, s’il participe d’une avant-garde cherchant à renforcer systématiquement, à travers les crises et les épreuves, la coordination européenne, la convergence et la capacité à construire notre avenir commun. C’est ce que nous ferons dans les deux jours qui viennent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pas besoin de souligner l’importance du Conseil européen du 24 juin prochain. La reprise économique qui commence à s’affermir peut être mise en danger par les séquelles de la crise sur les finances publiques. Le Conseil européen doit apporter une réponse crédible, sinon nous connaîtrons de nouvelles turbulences.
Comme la Grèce se trouve au centre des difficultés, la commission des affaires européennes a confié à deux de ses membres, Jean-François Humbert et Simon Sutour, le soin d’examiner la situation de ce pays. Leur rapport, que je vous invite à lire, car il est bien sûr de qualité, vient d’être publié. Je crois pouvoir en tirer quelques enseignements pour notre débat d’aujourd’hui.
Tout d’abord, il ne faut surtout pas stigmatiser le peuple grec. Certains clichés, certaines caricatures ne devraient pas avoir cours entre Européens.
M. Jacques Blanc. Très bien !