Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous savez très bien que ce n’est pas cela dont il s’agit !
M. Philippe Richert, ministre. Idem si nous comparons le poids de l’Ariège par rapport à la Haute-Garonne. Il est aujourd'hui de 13,5 %, contre 16,6 % une fois que la réforme sera adoptée.
Les exemples que vous avez vous-même choisis montrent que vos affirmations ne correspondent pas à la réalité !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je parlais des conseillers généraux !
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble plus que jamais nécessaire de passer à la phase ultérieure. Je vous demande donc d’adopter de nouveau le projet de loi, afin de pouvoir remettre l’ouvrage sur le métier. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comptez sur nous : nous avons justement l’intention de le remettre sur le métier !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des motions.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (procédure accélérée) (n° 697, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai voté naguère les lois de décentralisation présentées par Pierre Mauroy et Gaston Defferre. Je me souviens – peut-être certains d’entre vous étaient-ils déjà membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat ? – de la ferveur avec laquelle nous les avons adoptées.
Par la suite, nous avons voté la loi de 1992, qui a permis de réaliser de grands progrès, puis la loi de 1999, qui comportait également des avancées significatives. Quel édifice ! Quel enthousiasme ! Quel changement ! Quel mouvement !
M. Jean-Pierre Sueur. Elle fut moins marquante, monsieur le ministre. Mais, je vous l’accorde, elle a existé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a eu une autre loi entre-temps !
M. Jean-Pierre Sueur. À présent, nous sommes à nouveau rassemblés autour de ce projet de loi, élaboré non pas par vous, monsieur le ministre, mais par vos prédécesseurs. Sans doute d’ailleurs eût-il été différent si vous l’aviez rédigé vous-même…
Toujours est-il que vous voilà contraint de défendre une nouvelle fois un texte dont bien des sénateurs, et ce sur toutes les travées, ne voulaient pas ; quant aux autres, ils ont manifesté un enthousiasme quelque peu frelaté, voire forcé.
Je n’aurai pas l’impudence de revenir longuement sur des épisodes que vous connaissez parfaitement. Je pense ainsi à ce vote acquis au Sénat, contre l’avis du Gouvernement, par 335 voix contre 5 pour indiquer que l’on ne parlerait pas des compétences. Voilà qui était extraordinaire ! Saisi d’une grande loi de décentralisation, le Sénat décide par 335 voix contre 5 qu’il faut parler de tout, sauf des compétences !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas ça !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne rappellerai pas non plus ce vote acquis, avec le précieux concours du président de séance – ce n’était pas vous, monsieur Frimat –, par deux voix de majorité. C’est dire combien l’enthousiasme était faible !
Monsieur le président de la commission des lois, je ne vous parlerai pas de cette extraordinaire commission mixte paritaire qui faillit échouer. Après une suspension de séance, un amendement de M. Détraigne – je tiens à le mentionner, tant son rôle fut majeur en la circonstance – portant sur le seuil nécessaire pour se maintenir au second tour des futures élections territoriales fit passer la rédaction de « au moins égal à 12,5 % » à « égal au moins à 12,5 % » ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Devant cette illumination syntaxique, le groupe centriste s’est, comme par extraordinaire, rangé sous la bannière de la loi. Et il y eut une majorité d’une voix en commission mixte paritaire. Que de signes du destin ! (Mêmes mouvements.)
Voilà comment on peut présenter les choses si l’on croit à la tragédie racinienne ou cornélienne. Sinon, on peut dire : « C’est comme cela, parce que c’est comme ça », ce qui a le mérite d’être plus prosaïque.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas voir que cette affaire était mal partie, qu’elle était embourbée dès le départ, que personne n’en voulait, sauf peut-être un haut personnage à l’Élysée, et que vous avez finalement dû faire tous les efforts possibles pour en arriver là ?
Où en sommes-nous aujourd'hui ? À la deuxième censure du Conseil constitutionnel ! Vous savez, quand quelque chose commence mal, cela se voit et ça continue jusqu’au bout.
Pour notre part, nous regardons la réalité des collectivités locales de ce pays. Évoquons d’abord les finances, sujet qui préoccupe tous les élus.
Les élus locaux voient que la réforme de la taxe professionnelle, quelles qu’en soient les motivations, a eu pour effet de diminuer leurs ressources. Ils constatent également que les dotations de l’État ne sont plus ce qu’elles étaient auparavant.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah bon ?
M. Jean-Pierre Sueur. Comme cela m’a été dit ici, si nous ne voulons pas que notre pays finisse comme la Grèce, nous devons prendre des mesures. Soit ! Mais il y a beaucoup à faire s’agissant des dotations de l’État aux collectivités locales, notamment sur la péréquation, qui est si nécessaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ça, c’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. On pourrait s’y prendre autrement.
En outre, nous sommes très préoccupés par l’absence de « prévisibilité ». Bien des élus locaux sont incapables de dire aujourd'hui quelles seront leurs ressources l’année prochaine, en raison des effets subséquents de la réforme de la taxe professionnelle ou des évolutions des dotations de l’État.
Parlons aussi des compensations. Nous avons vu tellement de dotations censées compenser à 100 % les exonérations d’impôts locaux décidées par l’État qui se terminaient funestement par une variable d’ajustement. Nous pourrions en faire l’historique.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La suppression de la vignette automobile ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Hyest, pensez à l’effet de la réforme de la taxe professionnelle, à l’évolution des dotations ou même à des sujets plus techniques. Pour ma part, j’ai posé une question, sans avoir obtenu de réponse à ce jour, sur les communes situées à proximité d’une centrale nucléaire. Pour l’année 2011, on nous a indiqué qu’elles percevraient les mêmes sommes qu’auparavant.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, mais, pour l’année 2012, deux décrets doivent paraître. Où sont-ils, monsieur le ministre ? Nulle part ! Les communes sont dans l’incertitude financière la plus totale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Triomphez autant que vous le voulez, mais ne nous racontez pas d’histoires !
M. Éric Doligé. N’attisez pas les inquiétudes !
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis la vérité, mon cher collègue ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Vous avez dit la vôtre, je dis la mienne.
Venons-en à la question des compétences.
Si quelqu’un ici peut m’expliquer comment les nouvelles compétences seront mises en œuvre, je le félicite. Relisez donc les conclusions de la commission mixte paritaire !
Je rappelle que certaines dispositions s’appliqueront en 2012, d’autres en 2013, d’autres en 2014, d’autres encore en 2015, l’essentiel entrant en vigueur à une date indéfinie, indéterminée et inconnaissable. Bravo pour la lisibilité ! Le dessin est à peu près aussi clair que le dessein. On nage dans l’improvisation la plus totale. Personne n’y comprend rien, hormis que les compétences des collectivités locales sont en recul.
Cette réforme est donc aussi peu reluisante en matière de finances que de compétences.
Je veux maintenant insister sur un autre point qui préoccupe nombre d’élus locaux.
Monsieur le ministre, lorsque nous évoquions à cette tribune une « recentralisation », vos prédécesseurs s’insurgeaient, affirmant qu’il ne s’agissait nullement de cela. Mais beaucoup d’élus locaux sont aujourd'hui particulièrement inquiets quand ils entendent les propos du ministre de l’intérieur. Je parle bien du ministre de l’intérieur, et non du ministre chargé des collectivités territoriales ; je sais faire la différence, mais je connais aussi la solidarité gouvernementale.
M. Jean-Pierre Sueur. Toujours est-il que, selon certaines instructions, telle communauté de communes devrait se marier avec telle autre, tel ou tel syndicat devrait être supprimé…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce ne sont pas des instructions ! Ce sont des suggestions !
M. Jean-Pierre Sueur. Des suggestions appuyées alors !
Monsieur le ministre, les élus sont évidemment pour la simplification. Si un syndicat ne sert à rien, autant le supprimer, mais, quand il existe, c’est souvent parce qu’on ne peut pas faire autrement. C’est notamment le cas pour nombre de syndicats intercommunaux de regroupement interscolaire, les SIRIS, qui recouvrent des écoles appartenant à deux communautés de communes ou à deux cantons différents. De même, quand il y a un syndicat de rivière, c’est souvent parce que la rivière coule dans trois cantons, voire dans quatre, et dans plusieurs communautés de communes. Je le répète, tout le monde est d'accord pour supprimer les syndicats inutiles. Mais respectons ceux qui correspondent à une nécessité concrète !
Nous sommes, et c’est heureux, tous attachés à l’intercommunalité. Si l’on veut qu’elle évolue, il me semble important d’appliquer ce qui, pour le coup, figure dans la loi : toute commune devra appartenir à une communauté de communes, avec un seuil de 5 000 habitants, sauf exception. Mais, au-delà, je vous en supplie, monsieur le ministre, respectons les libertés locales !
Pourquoi l’intercommunalité a-t-elle fonctionné dans ce pays ? Comment les communautés de communes se sont-elles développées ?
M. Pierre Bordier. C’est hors sujet !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout simplement, parce que, en 1992, ici même au Sénat – je m’en souviens très bien –, nous avions décidé de ne pas toucher aux communes et de confier aux élus locaux, et non aux représentants de l’État, la responsabilité de fixer les périmètres.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas toujours le cas !
M. Jean-Pierre Sueur. L’initiative locale a peut-être présenté des inconvénients, mais elle a surtout eu l’immense avantage de permettre à 94 % ou à 95 % des communes d’être membres d’une intercommunalité. La liberté communale a donc été bénéfique.
En 1992, si le gouvernement de l’époque avait décidé de confier la responsabilité au préfet de fixer le périmètre des intercommunalités, il n’y aurait pas eu de loi, faute de majorité, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, pour la voter. Aujourd'hui, n’allons pas au-delà de ce que prévoit la loi !
Certes, il est juste que l’État veille à la cohérence d’ensemble, puisque c’est son rôle, mais respectons la liberté des collectivités locales, car elle est bénéfique.
Puisqu’il me faut conclure, mes chers collègues, je tenterai…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... de revenir au sujet !
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis en plein dans le sujet, monsieur Hyest. D’ailleurs, permettez-moi de féliciter le rapporteur, que vous suppléez, qui a commencé son rapport par une magnifique phrase sur laquelle j’ai médité avant de venir : « Après la décision […] du 23 juin 2011 – par laquelle le Conseil constitutionnel a clarifié sa jurisprudence sur la priorité du Sénat […] ».
M. Jean-Pierre Sueur. Qu’en termes choisis cela est écrit ! En fait, pour employer une formule plus prosaïque, le Gouvernement s’est « planté ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Il n’a pas vu qu’il était inscrit dans la Constitution que les projets de loi concernant l’organisation des collectivités territoriales devaient être soumis en premier lieu au Sénat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr qu’il l’a vu !
M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur nous explique donc en des termes très fleuris que le Conseil constitutionnel a clarifié sa jurisprudence.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, c’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. En réalité, le Gouvernement s’est tout simplement trompé, comme il s’était également trompé la fois précédente !
Mes chers collègues, je plaide sans espoir, mais vous savez bien que « les chants désespérés… »
M. André Dulait. « … sont les chants les plus beaux ! »
M. Jean-Pierre Sueur. Parfaitement, mon cher collègue ! (Sourires.)
Le Gouvernement s’obstine jusqu’en ce jour de juillet à vouloir faire voter un texte qui ne passe pas dans le cœur des élus locaux. Si la réforme a été adoptée au Parlement, c’est parce qu’il fallait bien respecter le système majoritaire. Mais au fond de vous-mêmes, mes chers collègues, vous savez que ce n’est pas celle qui était attendue. Il ne s’agit pas de la troisième étape de la décentralisation, qui est nécessaire pour que notre pays continue de se moderniser et pour que les collectivités aillent de l’avant.
Je vous demande une ultime réflexion. En tout cas, soyez certains que nous en reparlerons, et l’avenir nous dira qui avait raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur a posé beaucoup de questions. Cependant, je rappelle que l’objet du projet de loi est de fixer le nombre de conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région et que, en l’occurrence, le Sénat doit voter sur une question préalable, c’est-à-dire sur une motion tendant à empêcher la poursuite de nos délibérations sur ce texte.
Mon cher collègue, tous ces débats ont déjà eu lieu. La réforme a été adoptée et le principe du conseiller territorial a été acté. Certes, le tableau a été annulé à deux reprises. La première fois, parce que l’écart du quotient électoral n’était pas conforme au principe des 20 %, et nous avons corrigé le tir. La deuxième fois, ce dont nous nous réjouissons, parce que la priorité du Sénat n’avait pas été respectée. Reste que la jurisprudence n’était pas fixée sur ce point.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est inscrit dans la Constitution !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certains l’avaient prédit, et pas seulement dans l’opposition, mais il nous est parfois difficile de voter des exceptions d’irrecevabilité, même si, dans le cas présent, cela aurait peut-être pu contraindre le Gouvernement à déposer prioritairement le tableau devant le Sénat.
En ce qui concerne le conseiller territorial, vous pouvez toujours remettre en cause le Conseil constitutionnel, mais je vous ferai la même réponse que celle que j’ai faite un jour à un Premier ministre, dont je tairai le nom,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Dites-le nous ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agissait de M. Balladur.
… qui se plaignait d’une décision du Conseil constitutionnel sur le droit d’asile. À l’époque, j’étais rapporteur du texte à l’Assemblée nationale. Je lui ai répondu que l’on ne devait jamais critiquer une décision du Conseil constitutionnel. Si l’on en est mécontent, il existe une autorité supérieure au Conseil constitutionnel : le Constituant ! Nous avons donc réuni le Parlement en congrès à Versailles et nous avons modifié la Constitution en matière de droit d’asile.
Sans revenir sur toutes les dispositions contenues dans la loi de réforme des collectivités territoriales, je rappelle que la création du conseiller territorial a été validée par le Conseil constitutionnel. La libre administration des collectivités locales est respectée par cette réforme. Quant à la clause de compétence générale, je me permets de vous renvoyer aux considérants du Conseil constitutionnel, elle n’a jamais existé en droit. C’est un mythe que nous nous sommes acharnés à dénoncer lors de l’examen du texte, notamment avec Jean-René Lecerf. La seule autorité qui ait compétence générale dans un pays centralisé comme le nôtre, c’est l’État. Pour le reste, il s’agit de compétences attribuées aux collectivités locales. Bien entendu, il y a le droit d’initiative, ce qui est autre chose, mais il ne s’agit pas d’une clause de compétence générale.
Puisque la procédure est aujourd'hui respectée, nous devons voter ce tableau, qui respecte pleinement la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’égalité devant le suffrage. Je vous propose donc, mes chers collègues, de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Je partage les analyses de M. Hyest et je demande, au nom du Gouvernement, le rejet de cette motion.
Je souhaite revenir plus précisément sur deux points, même si Jean-Pierre Sueur a soulevé beaucoup de questions malgré sa volonté d’abréger le débat.
Premièrement, M. Sueur trouve anormal que nous présentions un texte pour préciser le rôle de certaines assemblées et de certains élus – les conseillers territoriaux – sans délimiter en même temps les compétences du conseil général et du conseil régional. Il ne serait pas acceptable de préciser les modalités de l’élection sans définir les compétences des collectivités en question.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu !
M. Philippe Richert, ministre. Cher Jean-Pierre Sueur, vous le savez mieux que moi, mais vous avez uniquement fait semblant de l’oublier, la loi du 2 mars 1982 ne traitait pas non plus des compétences : elle renvoyait sur ce point à des textes ultérieurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, les textes de 1984 et de 1985 !
M. Philippe Richert, ministre. C’est exactement ce que nous faisons aujourd'hui. Je vous remercie donc de m’avoir permis de le rappeler, car il s’agit d’un point important.
Deuxièmement, vous avez évoqué le besoin de péréquation. Il est légitime que les collectivités très riches donnent pour celles qui sont plus pauvres. Vous avez pris l’exemple des communes sur lesquelles se trouve une centrale nucléaire. Nous savons très bien qu’il s’agit de communes riches. Or vous regrettez qu’elles ne puissent plus bénéficier demain des mêmes ressources qu’avant la réforme. Vous réclamez donc plus de péréquation…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … sans en faire !
M. Philippe Richert, ministre. … et, surtout, vous demandez que l’on ne touche pas aux communes les plus riches. Il est très difficile de faire de la péréquation sans mettre à contribution les collectivités les plus riches !
En vous écoutant précisément, on découvre des nuances au fil de votre intervention. Je suis sûr que vous le faites à dessein pour permettre au débat d’avancer. Sachez que j’ai compris le message. Comprenez à votre tour que le Gouvernement ne puisse être qu’opposé à la motion que vous avez présentée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Il a déjà parlé !
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis désolé de déplaire à Mme Debré en reprenant la parole, mais je souhaite…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Parler encore d’autre chose !
M. Jean-Pierre Sueur. … apporter quelques précisions après ce que vient de dire M. le ministre au sujet des communes riveraines des centrales nucléaires.
Il n’est pas vrai, monsieur le ministre, que les communes riveraines d’une centrale nucléaire soient riches.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah bon ?
M. Jean-Pierre Sueur. Certaines ont des ressources non négligeables, mais d’autres ont profité de la proximité d’une centrale nucléaire pour construire de nombreux équipements !
M. Charles Pasqua. Qu’est-ce que ça peut vous faire ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Pasqua, je vous invite à venir à Ousson-sur-Loire ou à Lion-en-Sullias pour leur annoncer qu’elles font partie des communes riches !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous parlez des communes riveraines, nous des communes sièges !
M. Jean-Pierre Sueur. Il n’est pas exact, j’insiste sur ce point, de dire que toutes les communes riveraines d’une centrale nucléaire sont riches. Il existe des situations très contrastées, et certaines de ces communes ne savent absolument pas aujourd'hui quelles seront leurs ressources en 2012.
Pour 2011, la question a été réglée, je vous en ai donné acte, mais pas pour 2012. Deux décrets doivent être publiés, et j’aimerais bien savoir à quelle date ils paraîtront. Ces communes sont dans le flou et ne peuvent pas préparer leur avenir.
Je vous invite, avec M. Doligé, à vous rendre dans les communes que j’ai citées. Vous pourrez vous rendre compte par vous-mêmes qu’elles ne baignent pas dans l’opulence !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 5.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (n° 697, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux pas dire que je sois satisfaite d’être appelée, une nouvelle fois, à examiner un texte fixant le nombre des conseillers territoriaux dans chaque département et dans chaque région. Nous pensons que le Parlement a autre chose à faire que de débattre plusieurs fois d’un même projet de loi du fait d’erreurs manifestes, de coups tordus volontaires, accumulés par le Gouvernement dans le contenu de ce texte et dans les procédures employées.
Malheureusement, cet entêtement à tordre les règles républicaines n’a pas trouvé devant lui une majorité de parlementaires pour l’empêcher de perdurer. Ce n’est pourtant pas faute de vous avoir alertés, mes chers collègues, notamment quand notre groupe soulevait, le 7 juin dernier ici même, l’exception d’irrecevabilité par une motion de procédure défendue par notre collègue Jean-François Voguet, au motif de l’inconstitutionnalité de nombreux aspects de ce texte.
Vous aviez alors, monsieur le ministre, demandé à votre majorité de rejeter cette motion, sans contester pourtant notre argumentation. En revanche, notre rapporteur, lui, contestait nos arguments, en particulier celui qui soulevait l’obligation qu’un tel texte soit déposé devant le Sénat en première lecture.
Pour ne pas insister, je vous renvoie, mes chers collègues, au compte rendu de cette séance et vous appelle à méditer sur ce que le Gouvernement vous amène parfois à dire et à faire. En effet, vous avez été tout de même 187 sénateurs et sénatrices à déclarer constitutionnel un texte de loi jugé inconstitutionnel quelques jours plus tard. Cela devrait vous faire réfléchir.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est en général un texte voté que le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnel…
Mme Éliane Assassi. Vous comprenez très bien ce que je veux dire, monsieur Hyest !
Le Gouvernement n’est pas toujours bon conseilleur et vous perdez bien souvent tout sens de la mesure et de votre mission en acceptant des textes contraires à notre droit fondamental.
Ainsi, par deux fois et pour des raisons différentes, le Conseil constitutionnel a censuré ce tableau de répartition départemental et régional du nombre de conseillers territoriaux. C’est donc la troisième fois que nous y revenons, et ce n’est peut-être pas la dernière. En effet, d’autres motifs d’inconstitutionnalité ont été et seront encore soulevés par les groupes de l’opposition et risquent d’être retenus par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une prochaine saisine.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
Mme Éliane Assassi. Il est donc urgent que nous prenions le temps d’un examen sérieux afin d’être assurés de légiférer sur un texte enfin constitutionnellement recevable, que l’on en approuve ou non le contenu.
C’est la première raison de notre demande de renvoi devant la commission des lois de notre assemblée. Laisser du temps au temps est une nécessité, car cela nous permettra de mieux comprendre l’ensemble des enjeux portés par ce projet de loi, qui pourtant semble simple, ou qui nous est en tout cas présenté comme tel.
Mais, chaque fois que nous sommes appelés à discuter de la répartition du nombre de conseillers territoriaux, nous nous rendons mieux compte des différents problèmes que ce projet de loi soulève sur le terrain de sa propre légalité, mais aussi sur son application et sur ses liens avec d’autres réglementations en cours et à venir.
Ainsi, cette question semble de plus en plus liée aux schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, actuellement en débat dans tous les départements. Lors de notre dernière discussion, nous étions les seuls à faire état du lien existant entre les intercommunalités et le périmètre des futurs cantons. Dorénavant, ce lien semble reconnu par tous et cela commence même à se dire publiquement.
La question a même été soulevée lors des débats organisés par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et elle est présente dans le rapport que la délégation vient de rendre à propos de la mise en place des SDCI. Plusieurs sénateurs ont fait référence à cette question.
Aussi, permettez que nous insistions sur cet aspect important concernant le rapport entre la définition des futurs périmètres communautaires et les futurs cantons. Nul ne peut penser que les préfets aient réfléchi aux périmètres des intercommunalités en oubliant leur réflexion sur le contour des futurs cantons.
La diminution drastique du nombre d’EPCI, avec dans le même temps l’augmentation du nombre des communautés d’agglomération et des communautés urbaines créent de nouveaux territoires élargis, qui permettront sans doute d’accueillir en leur sein un ou plusieurs cantons.
La diversité sociologique, et électorale, rassemblée dans ces nouveaux territoires permettra aussi, sans aucun doute, des découpages cantonaux favorisant de nouveaux équilibres politiques ; le charcutage électoral que vous allez conduire en sera facilité !
Ce sont d’ailleurs ces raisons qui nous ont motivés et amenés à lancer un appel à la vigilance de l’ensemble des élus locaux du haut de cette tribune le 7 juin dernier, lors d’une de nos interventions dans la discussion générale, sur ce même projet de loi.
Aussi, afin d’éviter le télescopage de ces nouveaux découpages territoriaux, intercommunautaires et cantonaux, et empêcher que ceux-ci ne s’entremêlent, il nous faut, à notre avis, découpler dans le temps les deux procédures et les deux réflexions. C’est la deuxième raison qui motive notre demande de renvoi de ce texte devant la commission des lois de notre assemblée.
Par ailleurs, chacun se souvient certainement que, dès l’origine de la réforme des collectivités locales, il était prévu que le projet de loi n°61, intitulé « Élection des conseillers territoriaux et renforcement de la démocratie locale », nous permette de légiférer sérieusement sur cette question. Or, alors que nous n’entendions plus parler de ce texte, vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, que celui-ci nous serait soumis à l’automne et qu’il permettrait d’apporter les correctifs nécessaires et urgents à la réforme du 16 décembre 2010. Ainsi, nous aurons une nouvelle fois à débattre des conseillers territoriaux, dans quelques semaines, à partir de ce projet de loi n°61.
Dès lors, puisque rien ne justifie la précipitation du Gouvernement à faire adopter dès maintenant ce projet de loi – je vous rappelle en effet que les élections des conseillers territoriaux, s’ils voient le jour, ne se dérouleront qu’en 2014 –, nous demandons que le tableau de répartition que nous examinons aujourd’hui soit introduit dans le débat parlementaire que nous aurons sur le projet n°61.
Il n’y a donc pas lieu de débattre aujourd’hui de cette question. C’est pourquoi nous vous demandons le renvoi de ce texte devant la commission des lois, dans l’attente de l’examen du projet de loi n°61 que vous nous avez annoncé, monsieur le ministre. C’est la troisième raison qui motive cette motion de renvoi que je vous présente aujourd’hui.
Enfin, nous considérons que le Parlement ne dispose pas actuellement de l’ensemble des éléments nécessaires à sa prise de position éclairée sur cette question.
En effet, par-delà les fortes disparités du nombre de conseillers territoriaux entre départements, que nous avons déjà dénoncées et qui mettent en cause le principe constitutionnel d’égalité de chaque citoyen devant l’expression de sa souveraineté, nous ne disposons d’aucun des éléments qui serviront de base au prochain découpage cantonal.
Nous ne disposons d’aucune information sur les principes à respecter pour définir les circonscriptions électorales de ces conseillers territoriaux dont on nous demande aujourd’hui d’avaliser le nombre. Ainsi, quelles règles de variation possibles du nombre d’habitants ou d’électeurs par canton seront appliquées ? Nul ne le sait. Les écarts à la moyenne se calculeront-ils par département ou par région ? Nul ne le sait.
En fait, nous sommes, dans l’état actuel des informations fournies par le Gouvernement, dans l’ignorance la plus totale des réelles possibilités d’application de ce projet de loi, que l’on nous demande pourtant d’approuver aujourd’hui.
Les nombres d’élus par département et par région que l’on nous demande d’adopter seront-ils suffisants pour permettre un juste équilibre entre chaque canton, dans chaque département et dans chaque région ?