Sommaire
Présidence de M. Jean-pierre raffarin
Secrétaires :
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Anne-Marie Payet.
2. Médecine du travail. – Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale : M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé ; Mme Anne-Marie Payet, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, M. Marc Laménie, Mmes Jacqueline Alquier, Françoise Laborde, M. Jean-Pierre Godefroy.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Mme Annie David, M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 1 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 2 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendement n° 32 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy.
Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des amendements nos 2 et 32.
Amendement n° 3 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 33 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 4 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendement n° 50 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde.
Amendement n° 34 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Jacqueline Alquier.
Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des amendements nos 4, 50 rectifié et 34.
Amendement n° 5 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 6 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 7 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 8 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendement n° 35 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Jacqueline Alquier.
Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David. – Rejet des amendements nos 8 et 35.
Amendement n° 9 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 36 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 11 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendement n° 10 de Mme Annie David. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 38 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Jacqueline Alquier.
Amendements identiques nos 12 de Mme Annie David et 39 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Annie David, M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 13 de Mme Annie David. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 37 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Jacqueline Alquier.
Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Isabelle Debré. – Rejet des amendements nos 36, 11, 10, 38, 12, 39, 13 et 37.
Amendement n° 40 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 14 de Mme Annie David et 51 rectifié de M. Yvon Collin. – Mmes Annie David, Françoise Laborde, le rapporteur, MM. le ministre, Jean-Pierre Godefroy. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 15 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 16 de Mme Annie David. – Mme Isabelle Pasquet
Amendement n° 41 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Jacqueline Alquier.
Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des amendements nos 16 et 41.
Amendement n° 17 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Annie David.
Amendement n° 18 de Mme Annie David. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 49 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde
Amendement n° 42 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 20 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Annie David, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Isabelle Debré. – Rejet des amendements nos 18, 49 rectifié, 42 et 20.
Amendement n° 43 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 44 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 3
Amendement n° 21 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 22 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 23 de Mme Annie David. – Mmes Annie David, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 45 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 24 de Mme Annie David. – Mme Isabelle Pasquet.
Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des amendements nos 45 et 24.
Adoption de l'article.
Mme Annie David.
Amendement n° 28 de Mme Annie David. – Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 48 rectifié de M. Yvon Collin. – Mmes Françoise Laborde, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 46 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 6
Amendement n° 29 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Mme Annie David.
Amendement n° 30 de Mme Annie David. – Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Amendement n° 47 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mmes Jacqueline Alquier, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 31 de Mme Annie David. – Mmes Isabelle Pasquet, le rapporteur, M. le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David, M. Jean-Pierre Fourcade, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.
Adoption définitive, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. le ministre.
3. Décisions du Conseil Constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
4. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
5. Saisine du Conseil constitutionnel
7. Demande de retour à la procédure normale pour la discussion de projets de loi
8. Modification de l'ordre du jour
MM. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement ; le président.
9. Certificats d'obtention végétale. – Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Demande de réserve de l’article 14. – MM. Rémy Pointereau, rapporteur de la commission de l’économie ; Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. – La réserve est ordonnée.
Amendement n° 6 rectifié de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Patrick Ollier, ministre. – Rejet.
Amendement n° 46 de M. Gérard Le Cam. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, Patrick Ollier, ministre ; Daniel Raoul, Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Daniel Raoul.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 14
Amendement n° 14 de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Patrick Ollier, ministre. – Rejet.
Amendement n° 15 de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Patrick Ollier, ministre. – Rejet.
Amendement n° 16 de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Patrick Ollier, ministre. – Rejet.
Amendement n° 17 de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Patrick Ollier, ministre. – Rejet.
Amendement n° 56 rectifié de M. Christian Demuynck et sous-amendements nos 60, 61 rectifié de M. Gérard Le Cam, 65 rectifié, 66 rectifié de Mme Marie-Christine Blandin et 64 de M. Daniel Raoul. – M. Christian Demuynck, Mmes Annie David, Marie-Christine Blandin, M. Daniel Raoul.
Amendement n° 54 de M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 34 de Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 35 de Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 55 de M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 18 de M. Daniel Raoul.
MM. le rapporteur, Patrick Ollier, ministre ; Daniel Raoul, Mmes Annie David, Marie-Christine Blandin. – Rejet des sous-amendements nos 60, 66 rectifié et 61 rectifié ; adoption des sous-amendements nos 65 rectifié, 64 et de l'amendement no 56 rectifié modifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article 14 (précédemment réservé)
M. le président.
Amendement n° 8 de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Patrick Ollier, ministre ; Mme Marie-Christine Blandin. – Retrait.
Amendement no 25 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin
Amendement n° 7 rectifié bis de M. Daniel Raoul. – M. Daniel Raoul.
MM. le rapporteur, Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. – Rejet de l’amendement no 25 ; adoption de l’amendement no 7 rectifié bis.
Amendement n° 10 rectifié de M. Daniel Raoul. – M. Daniel Raoul.
Amendement n° 27 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin.
MM. le rapporteur, Bruno Le Maire, ministre ; Daniel Raoul, Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet des amendements nos 10 rectifié et 27.
Amendement n° 26 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 11 de M. Daniel Raoul. – M. Daniel Raoul.
MM. le rapporteur, Bruno Le Maire, ministre. – Rejet des amendements nos 26 et 11.
Amendement n° 28 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 12 de M. Daniel Raoul. – M. Daniel Raoul.
Amendement n° 9 rectifié bis de M. Daniel Raoul. – M. Daniel Raoul.
MM. le rapporteur, Bruno Le Maire, ministre. – Rejet des amendements nos 28 et 12 ; adoption de l’amendement no 9 rectifié bis.
Amendement n° 13 rectifié de M. Daniel Raoul. – M. Daniel Raoul.
Amendement n° 29 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin.
MM. le rapporteur, Bruno Le Maire, ministre. – adoption de l’amendement no 13 rectifié, l’amendement no 29 devenant sans objet.
Amendements nos 30 et 31 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, Bruno Le Maire, ministre. – Rejet de l’amendement no 30 ; retrait de l’amendement no 31.
Amendement n° 32 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, Bruno Le Maire, ministre. – Rejet.
Amendement n° 33 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, Bruno Le Maire, ministre. – Rejet.
MM. Daniel Raoul, Bruno Le Maire, ministre.
Adoption de l'article modifié.
Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Cambon, Daniel Raoul, Mme Françoise Laborde, M. le rapporteur.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
10. Saisine du Conseil constitutionnel
11. Communication du Conseil constitutionnel
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-pierre raffarin
vice-président
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Médecine du travail
Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à l’organisation de la médecine du travail (proposition n° 709, texte de la commission n° 721, rapport n° 720).
Mes chers collègues, nos travaux pourront débuter dès que M. le ministre en aura terminé avec une communication téléphonique importante… (M. le ministre pénètre dans l’hémicycle.)
Dans la discussion générale, la parole est donc à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, mon retard est inexcusable, mais je souhaite néanmoins vous donner une explication : à l’instant, je m’entretenais au téléphone avec le P-DG du groupe qui comporte, en son sein, l’enseigne Monoprix, au sujet du salarié dont il est question dans les médias depuis hier. Je tenais à lui faire part de ma position et à entendre ce qui serait décidé, ce matin, dans cette affaire. Voilà pourquoi j’étais encore au téléphone à l’instant, ce qui a causé mon retard. Je vous prie de bien vouloir accepter, sinon mes excuses, du moins cette explication.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous allons examiner en deuxième lecture doit nous permettre de faire aboutir la réforme de la médecine du travail.
Je tiens à saluer le travail de votre rapporteur, Anne-Marie Payet, et de la commission. La concertation que vous avez menée avec Guy Lefrand, rapporteur à l’Assemblée nationale, pour rapprocher les positions est, à mon sens, exemplaire et a permis d’améliorer significativement le texte, en prenant en compte le point de vue des deux chambres.
Cette réforme était attendue, et je vais vous en rappeler les différentes étapes.
En 2008, alors ministre du travail, j’ai proposé aux partenaires sociaux d’ouvrir une négociation sur ce thème.
Il y a eu sept séances de négociation. Elles n’ont pas abouti à un accord, mais elles ont permis d’avancer sur des points essentiels, comme la définition des missions de la médecine du travail.
Une longue concertation avec les organisations syndicales et patronales s’est ensuivie. Je tiens à saluer leur travail. Vingt-quatre réunions de concertation ont eu lieu avec Xavier Darcos et Éric Woerth, deux de mes successeurs au ministère du travail, qui ont présenté les grandes orientations de cette réforme au COCT, le conseil d’orientation sur les conditions de travail.
Ces orientations ont été débattues au Parlement, dans le cadre de la loi portant réforme des retraites.
Cette réforme attendue était indispensable, la situation actuelle n’étant plus tenable. J’ai pu vérifier, lors de la dernière réunion du COCT que j’ai présidée, le 29 avril dernier, que ce sentiment était partagé par la très grande majorité des parties prenantes, notamment les partenaires sociaux.
La médecine du travail doit impérativement évoluer et se moderniser, pour répondre à de nouveaux défis.
Ces défis, vous les connaissez. Ce sont notamment la prévention de la pénibilité du travail et de la désinsertion professionnelle, qui ont été au cœur des débats que nous avons eus lors de la réforme des retraites : nous savons que nous vivons plus longtemps ; nous allons travailler un peu plus longtemps ; nous devons donc travailler mieux.
Nous sommes également confrontés aux risques liés à de nouvelles formes d’organisation du travail, comme les risques psychosociaux et les troubles musculo-squelettiques.
Se présentent également à nous les défis de la prévention en milieu de travail, du suivi de la traçabilité des expositions ou de l’éducation à la santé au travail en entreprise.
Voilà pourquoi il est nécessaire, aujourd’hui, d’avoir de vrais services de prévention de proximité, avec des médecins dont la place est réaffirmée au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Il faut permettre aux services de santé au travail de mieux couvrir les différentes catégories de travailleurs.
Cette proposition de loi permet d’apporter des réponses concrètes à ces enjeux de santé au travail. Elle a été régulièrement enrichie, lors des débats, sur la définition des missions des services de santé au travail, par exemple, où l’accent a été mis sur la prévention de certaines addictions – notamment grâce à vous, madame le rapporteur – ou sur la prévention de la désinsertion professionnelle, liée plus ou moins directement à des facteurs d’usure au travail, ces derniers conduisant à des restrictions d’aptitude qui empêchent d’occuper certains postes de travail.
Sur la gouvernance des services de santé au travail interentreprises, votre assemblée avait retenu une présidence tournante. Je me souviens que ce point avait fait l’objet de débats. Je voudrais saluer l’équilibre qui a été trouvé, auquel vous avez contribué, madame le rapporteur, grâce à vos échanges avec Guy Lefrand : la présidence revient au représentant des employeurs et la fonction de trésorier est confiée à un représentant des salariés.
C’est un gage de transparence, notamment dans le domaine financier. Le Gouvernement soutient cet équilibre. Je sais que, pour les partenaires sociaux, le plus important, aujourd’hui, est de voir aboutir la réforme dans sa totalité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à cette réforme, nous pourrons améliorer les conditions de travail et la qualité de la vie au travail, promouvoir une véritable culture de la prévention, dont je parlais à l’instant, et développer l’approche collective des risques au plus près des entreprises et des territoires – cela tient au cœur de notre président de séance –, dans le respect de l’indépendance nécessaire et légitime des médecins du travail.
Nous en avons tous conscience, ici, la santé au travail est non pas seulement un sujet de spécialistes, mais également un enjeu pour l’entreprise, les managers et pour notre société dans son ensemble.
En effet, une entreprise qui néglige la santé de ses salariés ne peut pas être compétitive, à court, à moyen et à long terme.
La santé au travail répond également à une attente croissante de la société tout entière. Si la santé au travail tient autant de place aujourd’hui, c’est parce que la valeur travail est prépondérante. Nous devons bien comprendre que travailler plus a du sens, mais que travailler mieux est aussi important.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, que je vous invite à voter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons à nouveau aujourd’hui, en deuxième lecture, la réforme de la médecine du travail, dont nous avons déjà beaucoup débattu.
M. le ministre ayant rappelé les différentes étapes et les principaux éléments, monsieur le ministre, je concentrerai mon propos sur les points restant en discussion.
La navette parlementaire a pleinement démontré son intérêt : l’Assemblée nationale, qui souscrivait aux objectifs de la réforme proposée, en a amélioré le texte, tant sur la forme que sur le fond.
Elle a par exemple intégré la prévention et la réduction de ce que l’on appelle la « désinsertion professionnelle » dans les missions des services de santé au travail. Il s’agit d’un complément cohérent avec l’ensemble des politiques publiques menées depuis quelques années en matière d’inaptitude au travail, notamment par la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la sécurité sociale.
Confier explicitement cette mission aux services de santé au travail renforcera nécessairement l’interaction entre les différents acteurs concernés, ce qui est positif.
À ce stade, seuls deux sujets restent véritablement en débat.
J’évoquerai, d’abord, le fonctionnement de l’équipe pluridisciplinaire.
La reconnaissance de la pluridisciplinarité doit être le cœur et le moteur de la réforme : le monde du travail s’est profondément transformé et, avec lui, les risques d’altération de la santé des travailleurs. Il est aujourd’hui nécessaire de faire appel à des compétences complémentaires à celles des médecins, que ce soit pour adapter les postes de travail et éviter les troubles musculo-squelettiques, pour limiter les expositions au bruit ou aux produits dangereux, ou encore pour prendre en compte les risques psychosociaux.
En outre, dans un contexte de démographie médicale tendu, le temps clinique du praticien sera mieux préservé dès lors que ce dernier pourra confier certaines tâches non médicales à d’autres spécialistes.
Notre rédaction de première lecture n’était pas suffisamment précise sur ce sujet. L’Assemblée nationale est utilement revenue au texte initial de la proposition de loi en précisant : « Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers ». Dans la mesure où il est précisé, par ailleurs, que les « médecins animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire », nous aboutissons à une formulation parfaitement cohérente, puisque chaque médecin devra animer et coordonner une équipe dont il fera bien partie.
J’en viens maintenant au second sujet, le plus discuté, celui de la gouvernance.
Tout d’abord, je crois utile de rappeler une avancée essentielle qui fait consensus : les conseils d’administration seront dorénavant strictement paritaires, alors qu’ils sont aujourd’hui, le plus souvent, composés aux deux tiers de représentants des employeurs.
De ce fait, a été introduite la notion de voix prépondérante du président, qui est indispensable dans tout organe paritaire pour pouvoir débloquer certaines situations exceptionnelles. Je pense sincèrement, d’après la teneur des auditions que j’ai pu conduire, qu’une telle disposition ne doit pas inspirer d’inquiétude ou nous conduire à avoir une vision manichéenne des choses : dans les faits, les décisions sont prises de manière plutôt consensuelle et partagée.
Plus largement, l’importance de cette question me semble surestimée par rapport à l’enjeu global de la réforme. Certains ont soutenu qu’il aurait fallu s’inspirer de l’exemple des prud’hommes, mais la situation y est radicalement différente : le président du tribunal n’a pas de voix prépondérante ; il est là pour organiser les débats et, en cas de partage des votes, l’affaire est renvoyée devant une formation, en nombre impair, présidée par un juge d’instance. Une telle procédure ne peut pas être transposée aux services de santé au travail, qui sont des associations dans lesquelles les conseils d’administration délibèrent sur des questions de gestion ou d’organisation interne.
Nos débats se sont ensuite focalisés sur la présidence du conseil. Plusieurs configurations ont été successivement envisagées.
Il fut question, d’abord, d’un président élu parmi les représentants des employeurs et d’un vice-président élu parmi les représentants des salariés. C’était la position de la commission mixte paritaire lors du débat sur la réforme des retraites ; c’était aussi celle des auteurs de la proposition de loi initiale et de notre commission en première lecture.
Il fut question, ensuite, d’un président et d’un trésorier élus alternativement parmi les deux collèges. C’était la position du Sénat en première lecture.
L’Assemblée nationale a trouvé une position intermédiaire : celle d’un président élu parmi les représentants des employeurs et d’un trésorier élu parmi les représentants des salariés.
Cette formule consacre un équilibre satisfaisant entre deux impératifs : la responsabilité de l’employeur, d’une part, et la participation des salariés aux décisions qui touchent à la santé et à la sécurité au travail, d’autre part.
En effet, aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur « prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cette responsabilité personnelle constitue une obligation de résultat et, selon la jurisprudence, l’employeur doit en assurer l’effectivité. C’est d’ailleurs pourquoi l’entreprise finance les services de santé au travail.
De ce fait, il est logique que les représentants des entreprises adhérentes assument la présidence du conseil d’administration du service de santé au travail ; cette responsabilité est intimement liée à celle que l’employeur supporte vis-à-vis de ses salariés.
Parallèlement, il est tout aussi légitime que les représentants des salariés aient les moyens d’assurer un contrepoids au sein du conseil d’administration, ce que le poste de trésorier permet pleinement.
Mes chers collègues, l’Assemblée nationale a évolué dans sa position, faisant une partie du chemin pour se rapprocher de celle du Sénat. À nous maintenant d’en faire autant.
Je me félicite également de ce que nos collègues députés aient finalement conservé, parmi les missions des services de santé au travail, celle de la prévention de la consommation de drogue et d’alcool sur le lieu de travail. C’est une précision à laquelle je tiens particulièrement et j’avais moi-même pris l’initiative de l’introduire dans le texte par voie d’amendement. Trop souvent, ces questions demeurent taboues, et la médecine du travail peut contribuer à changer cet état de fait. J’espère, monsieur le ministre, que les conventions d’objectifs et de moyens intégreront cette priorité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons tous être conscients de l’urgence de la réforme, car la médecine du travail traverse une crise sans précédent. Nous avons beaucoup débattu, nous avons amélioré le texte, notamment en renforçant par plusieurs mesures importantes l’indépendance du médecin du travail. Je crois sincèrement que nous aboutissons à une solution équilibrée, ouvrant la voie à une amélioration de la prise en charge de la santé au travail.
Pour ces raisons, la commission des affaires sociales a adopté le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale sans modification et souhaite que le Sénat fasse de même aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi fut initialement déposée par les sénatrices et sénateurs du groupe Union centriste, qui entendaient ainsi reprendre à leur compte le dispositif contenu dans la réforme des retraites mais censuré par le Conseil constitutionnel. Nous revenant aujourd’hui après les travaux de l’Assemblée nationale, elle n’est pas ou plus – permettez-moi de le dire – acceptable. Je ne partage donc pas votre avis, madame le rapporteur !
Lors de l’examen en première lecture de cette proposition de loi par le Sénat, nous avions déjà fait part de nos insatisfactions, lesquelles, malheureusement, demeurent. À notre sens, ce texte reste principalement inspiré par une conception patronale, tant dans les objectifs confiés à la médecine du travail que dans le mode de financement et d’organisation prévu pour cette dernière. D’ailleurs, les organisations syndicales ne s’y sont pas trompées, refusant de négocier sur la base de ces propositions.
Si nous ne rejetons pas tout dans cette proposition de loi, force est de constater que nous oscillons depuis le début entre petites satisfactions et grands mécontentements.
C’est notamment le cas pour ce qui concerne les équipes pluridisciplinaires. Nous l’avons dit et continuons à le penser, le fait que des équipes pluridisciplinaires puissent se constituer et intervenir dans les entreprises constitue une avancée majeure pour les salariés.
La pluridisciplinarité, gage d’une approche globale de la santé des salariés, permettra d’appréhender pleinement aussi bien les atteintes physiques – les troubles musculo-squelettiques feront ainsi l’objet d’un meilleur suivi avec l’intervention des ergonomes – que les troubles psychiques. Pour ces derniers, la présence d’auxiliaires médicaux permet parfois de libérer la parole des salariés, lesquels n’osent pas toujours parler à des médecins.
Pour autant, cette approche pluridisciplinaire ne sera une chance pour les salariés de notre pays qu’à la condition que les intervenants bénéficient des mêmes conditions de protection vis-à-vis de leurs employeurs que les médecins du travail eux-mêmes. Je regrette d’ailleurs que la règle de « l’entonnoir » ne nous permette pas de revenir sur les dispositions prévues en la matière, les articles 5 ter à 5 quinquies ayant été adoptés conformes.
De surcroît, si nous nous réjouissons que les souffrances psychiques soient intégrées au champ des missions des services de santé au travail, nous regrettons que la rédaction de l’article L. 4622-10 du code du travail proposée par l’article 1er tende à réduire la médecine du travail à de simples priorités, qui plus est locales.
Je vous invite, mes chers collègues, à analyser cette rédaction au regard des situations réellement vécues par les salariés de notre pays.
Selon une étude menée par Eurostat, en Europe, 28 % des travailleurs seraient exposés à au moins un facteur susceptible d’affecter de manière défavorable leur bien-être mental, soit 56 millions de travailleurs.
De son côté, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail soulignait que les consultations pour risque psychosocial étaient devenues, en 2007, la première cause de consultation pour pathologie professionnelle en France.
Pour autant, bien qu’un accord national interprofessionnel sur le stress au travail ait été signé en 2008, les employeurs refusent toujours de reconnaître le lien entre travail et souffrance. Cette situation a connu son paroxysme avec les déclarations choquantes du président de France Télécom, parlant de « mode » pour mentionner les trop nombreux suicides de ses salariés. Si ceux-ci constituent la « partie émergée de l’iceberg », ce qui n’est pas sans nous inquiéter, le nombre de suicides trouvant leurs origines dans l’entreprise devrait nous inviter, comme le préconisent les deux rapports parlementaires publiés sur le mal-être au travail, à légiférer pour mieux protéger les salariés. L’Union nationale pour la prévention du suicide évalue à environ 400 le nombre de suicides qui seraient liés au travail.
Dans ce contexte, il est à craindre que les troubles psychiques ne continuent à être minorés et que la médecine du travail ne reste centrée sur les atteintes physiques.
Pour nous, il n’y a en la matière qu’une priorité : faire de la santé au travail une composante à part entière de la santé publique, ce qui exige la mobilisation de moyens humains et financiers.
Tout cela, mes chers collègues, est incompatible avec les mesures dérogatoires prévues dans la proposition de loi. Disant cela, je vise particulièrement l’article 6, qui prévoit ni plus ni moins que de substituer aux médecins du travail, formés à reconnaître et à prévenir les maladies professionnelles, des médecins généralistes. Et je n’aborde pas, par manque de temps, la possibilité donnée à un employeur de nommer deux salariés pour s’occuper des questions de prévention. Voilà autant d’éléments qui nous semblent peu compatibles avec l’idée que nous nous faisons d’une médecine du travail de qualité.
Il aurait mieux valu traiter de la démographie médicale, du manque annoncé de médecins du travail ou de la revalorisation de cette profession, même si cela ne découle pas forcément de la loi, plutôt que de chercher à pallier la pénurie. J’aurais également aimé, si j’avais eu un peu plus de temps, évoquer la question des moyens.
Je terminerai en revenant sur la question épineuse, mais ô combien centrale, de la gestion des services de santé au travail.
Nous avions trouvé, au Sénat, la solution de compromis suivante : des conseils d’administration composés paritairement de représentants d’employeurs et de salariés, ce qui était une avancée notable par rapport à la règle des deux tiers ; une présidence alternativement assurée par un représentant des employeurs et un représentant des salariés, ce qui permettait d’éviter que des abus ne soient commis et était gage d’une gestion à la fois rigoureuse et véritablement « co-élaborée » entre tous les membres du conseil d’administration.
De cette gestion paritaire, qui nous avait conduits à nous abstenir, il ne reste plus rien, ou si peu. Si le conseil d’administration demeure composé pour moitié de représentants des salariés, la présidence sera, elle, toujours confiée à un représentant du patronat et disposera par ailleurs d’une voix prépondérante. Certes, les représentants des salariés se verront confier la trésorerie des services de santé au travail, ce qui permettra sans doute d’éviter, comme ce fut le cas par le passé, que les fonds dédiés à la santé au travail ne soient orientés vers d’autres missions et d’autres publics. Mais, au final, ces salariés ne pèseront que peu de chose face aux orientations stratégiques définies par le conseil d’administration. Comment pourrait-il en être autrement quand vous remplacez la présidence alternée, seul véritable contre-pouvoir, par un droit de veto patronal ?
En définitive, la proposition de loi se borne à limiter la médecine du travail à des priorités définies par le patronat. Elle ouvre la possibilité de réduire les missions des services de santé au travail en fonction des réalités locales. Elle refuse d’aborder la question de la responsabilité des employeurs sur les dégradations de l’état de santé des salariés survenues après leurs périodes d’activité, et, disant cela, je pense particulièrement au drame de l’amiante, monsieur le ministre. Elle laisse béante la nécessaire rénovation de l’inaptitude des salariés. Dans ce contexte, comment peut-on la soutenir ?
Si la médecine du travail a en effet besoin de renouveau, elle ne se limite pas aux services de santé au travail et ne doit pas non plus répondre seulement aux desiderata du patronat ; c’est pourtant ce qui est acté au travers de cette proposition de loi. Même si certaines organisations syndicales de salariés souhaitent la voir adoptée rapidement, elles la jugent bien timide en matière de droits nouveaux.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, alors qu’ils attendaient beaucoup de cette réforme, sont déçus en constatant les insuffisances, les manques criants du texte, mais aussi les reculades majeures intervenues depuis son examen par la Haute Assemblée. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la proposition de loi. (Mme Françoise Laborde et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mes chers collègues, la réforme de la médecine du travail est attendue de longue date. Intégrée dans le projet de loi portant réforme des retraites, puis supprimée pour une question de forme, elle nous réunit de nouveau aujourd’hui grâce à une initiative sénatoriale, celle de notre ancien collègue M. Nicolas About. Je m’en réjouis.
Il est temps, en effet, de donner un nouveau souffle au dispositif de la médecine du travail.
Les signes de dysfonctionnements se sont multipliés au cours des dernières décennies, notamment avec la forte augmentation des maladies professionnelles et la désaffection dont souffre le métier de médecin du travail.
L’émergence de nouveaux risques, de pathologies telles que les troubles musculo-squelettiques, voire de drames liés aux conditions de travail et au stress, nous appelle à revoir notre législation, afin de resserrer les liens entre médecine du travail et santé publique. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il s’agit d’un véritable enjeu de société.
Il faut notamment admettre que le médecin du travail ne peut pas tout, et qu’il doit aujourd’hui partager avec d’autres professionnels de la santé au travail son champ d’intervention.
La proposition de loi inscrit donc le principe de l’équipe pluridisciplinaire au cœur de la réforme, comme l’a rappelé Mme le rapporteur.
Cette équipe peut comprendre, outre le médecin du travail qui « l’anime et la coordonne », des infirmiers, des intervenants en matière de risques professionnels – par exemple en cancérologie –, des assistants de service de santé au travail, etc. : en réalité, toute une gamme de professionnels à même de jouer un rôle de prévention.
En effet, le présent texte vise surtout à permettre au médecin du travail de mener une action de prévention au sein des entreprises, ce qui va bien au-delà des traditionnelles visites individuelles obligatoires.
Le médecin du travail verra sa tâche facilitée par une meilleure prise en compte de ses observations : dorénavant, celles-ci pourront concerner non plus seulement des situations individuelles, mais aussi les risques pour la santé générale des travailleurs.
De plus, l’action des services de santé au travail s’inscrira dans une contractualisation au niveau régional, ce qui permettra, je pense, une gestion dynamique des priorités de santé identifiées au niveau local, en accord avec une démarche collective.
J’ajoute que le Sénat, lors de l’examen du texte en première lecture, s’est penché sur les conditions d’exercice de la profession, en renforçant les garanties d’indépendance des médecins. Mme le rapporteur Anne-Marie Payet, que je félicite pour la qualité de son travail – j’adresse également des félicitations à tous nos collègues qui ont participé aux nombreuses auditions –, a prévu d’assimiler les médecins du travail à des salariés protégés, notamment en cas de rupture conventionnelle ou anticipée.
Le texte adopté par le Sénat en première lecture était donc déjà très abouti, et il a été peu remanié par l’Assemblée nationale.
Un point, cependant, a focalisé l’attention, et fait encore l’objet de débats : la gouvernance des services de santé au travail, plus précisément la présidence de leur conseil d’administration. Cette question avait déjà fait l’objet d’une négociation lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites par la commission mixte paritaire.
Notre commission a choisi de retenir le dispositif voté par nos collègues députés, auquel je souscris également.
Je rappelle que, en première lecture, notre assemblée avait adopté un amendement prévoyant une présidence alternée entre les représentants des employeurs et ceux des salariés, ce qui présentait un certain nombre d’inconvénients.
Tout d’abord, une présidence alternée du conseil d’administration est susceptible d’entraîner des blocages intempestifs. Or, si l’on veut mener à bien cette réforme, nous devons nous prévenir de ce risque.
Ensuite, n’oublions pas que, aux termes de la loi, les employeurs ont le devoir d’organiser les services de santé au travail ; ils sont personnellement responsables de la sécurité et de la santé. Les dépenses liées à la santé au travail sont financées par les employeurs.
De toute évidence, la présidence de ces services doit revenir à un représentant des employeurs.
Soucieux d’apaiser les inquiétudes, les députés ont néanmoins tenu à renforcer l’influence des salariés : les postes de trésorier et de président de la commission de contrôle sont confiés aux représentants des salariés, ce qui assure un véritable équilibre entre les parties. Je pense que nos collègues de l’Assemblée nationale sont ainsi parvenus à établir un compromis satisfaisant.
Nous ne pouvons pas nous permettre de prolonger une nouvelle fois les débats. Voilà déjà plus de trois ans que cette réforme est amorcée au travers non seulement de l’élaboration de rapports, notamment celui de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail à laquelle ont participé Jean-Pierre Godefroy et Gérard Dériot, entre autres, mais aussi de la négociation entre partenaires sociaux, sans parler d’autres contributions.
L’ensemble des parties en présence attendent désormais avec impatience la réforme du dispositif de la médecine du travail. Je pense que, de l’avis de tous, ou presque, il n’y a pas lieu de modifier la rédaction actuelle du texte.
Vous l’aurez compris, le groupe UMP soutiendra bien évidemment cette proposition de loi qui vise à améliorer réellement, et au plus vite, la prise en charge de la santé au travail. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les vicissitudes de cette réforme de la médecine du travail. Différents rapports ont révélé, depuis longtemps, les dysfonctionnements du secteur de la médecine du travail.
Nous ne contestons pas la nécessité d’une réforme de fond qui, cependant, ne doit pas organiser la disparition d’un des piliers de notre droit du travail.
Cette réforme doit avoir deux objectifs majeurs : améliorer la santé au travail, notamment la prévention, et remédier au manque crucial de médecins spécialisés dans les années à venir.
Pour nous, les deux problèmes sont liés : comme la médecine du travail n’a pas la place qui lui revient, elle subit la désaffection des étudiants en médecine. Or le texte qui nous est soumis n’améliore pas les choses. La réforme qui est proposée risque même, au contraire, de disqualifier le médecin.
Qui souhaitera devenir médecin du travail si l’exercice de cette profession implique de se référer à un projet de service, ou d’accepter l’intervention des autres membres de l’équipe pluridisciplinaire qui ne présentent pas les mêmes garanties d’indépendance que le médecin lui-même ?
En outre, ces médecins n’auront pas la confiance des salariés, qui considèrent souvent que les médecins du travail sont à la solde des employeurs.
C’est pourquoi les questions de gouvernance de la médecine du travail et d’indépendance des intervenants sont fondamentales.
Lors des débats en première lecture, nous avions amélioré ensemble les dispositions du texte relatives à la gouvernance des services de santé au travail. Nous en étions revenus à la rédaction adoptée très largement par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, grâce à un amendement de la commission des affaires sociales.
Cette rédaction, il faut le rappeler, correspondait aussi aux recommandations de la mission sur le mal-être au travail, qui a estimé qu’il fallait revaloriser la profession de médecin du travail et réaffirmer l’indépendance des services de santé au travail, notamment en les rattachant à une structure paritaire. L’adoption de cet amendement nous avait même permis de nous abstenir lors du vote sur ce texte, en première lecture.
La majorité, à l’Assemblée nationale, a défendu la préférence patronale : le texte prévoit, certes, de créer un conseil d’administration composé à parts égales de représentants des employeurs et des salariés, mais avec une présidence revenant de droit aux employeurs, sous prétexte que les financeurs doivent être les décideurs. Heureusement, ce n’est pas toujours le cas !
Quant à la liberté d’association, elle ne peut pas non plus être invoquée, puisque vous n’hésitez pas à imposer un trésorier issu du collège des représentants des salariés, ce qui est tout à fait contraire à la liberté d’association !
Nous aurons l’occasion de reparler de cette question ; nous avons en effet déposé un amendement tendant à permettre au Sénat de revenir, sur ce point, au texte qu’il a adopté par deux fois. Cependant, nous ne nous faisons guère d’illusions. La commission des affaires sociales du Sénat a fait aujourd’hui profil bas. Encore une fois, nos collègues de droite se rangeront derrière leurs états-majors et derrière la majorité de l’Assemblée nationale !
Mme Isabelle Debré. C’est un procès d’intention !
Mme Jacqueline Alquier. Dans ce schéma, ce sont les employeurs qui définiront les priorités d’intervention des services de santé au travail. Au travers des contrats d’objectifs et de moyens, et de leur adaptabilité aux réalités locales, tout semble fait en sorte d’éviter que les médecins du travail n’abordent pas les questions qui fâchent ! Cela est d’autant plus vrai que les directeurs des services de santé au travail, désignés par les employeurs, sont investis d’importantes prérogatives, notamment dans la définition des priorités d’action.
Ce texte contient ainsi en germe le risque que la médecine du travail se transforme en un service de santé publique au rabais, dirigé par des employeurs qui souhaitent seulement s’exonérer de leurs responsabilités en matière de santé au travail.
Le recours à des équipes pluridisciplinaires, qui constitue certainement une nécessité, ne doit pas s’accompagner d’une moindre indépendance des interventions en matière de santé au travail. Or ce texte ne garantit à aucun moment l’indépendance des membres de l’équipe pluridisciplinaire. Seule l’indépendance du médecin du travail est garantie, comme cela nous est rappelé fort utilement dans le texte même de la proposition de loi.
Comment, face à des directeurs de service nommés par le patronat, l’indépendance des professionnels de la santé placés sous leur autorité pourra-t-elle être garantie ?
Nous défendrons donc des amendements visant à garantir l’indépendance de l’ensemble des membres de l’équipe des services de santé au travail. Nous craignons en effet que cette proposition de loi, qui ne résout pas les problèmes de démographie médicale, n’ait pour conséquence le remplacement des médecins du travail par d’autres membres des services de santé qui, eux, ne seront pas indépendants.
Nous voyons bien, dans ce texte, que les injonctions du MEDEF ne sont pas loin !
Un autre point d’achoppement, qui est aussi la suite logique de cette mainmise patronale, concerne le risque de confusion entre la nécessaire prise en compte des risques professionnels par les employeurs et la prévention en matière de santé au travail par le médecin : la gestion des risques dépend exclusivement de l’employeur. C’est à lui de prendre les mesures qui s’imposent pour l’organisation de son activité, afin de prévenir la survenance d’accidents. Le médecin doit, quant à lui, l’alerter sur les menaces qui pèsent sur la santé des travailleurs. Il ne faut pas mélanger les rôles.
Enfin, ce texte n’apporte pas de solution à la question fondamentale de la pénurie de médecins du travail.
Plus de la moitié des médecins en activité sont âgés de plus de cinquante-cinq ans. Cela signifie que, dans trois ans, dans près des trois quarts des services de santé au travail, chaque médecin devra suivre en moyenne 3 300 salariés. Comment, dans ces conditions, un médecin peut-il remplir correctement ses missions ?
Vous considérez la désaffection dont souffre cette spécialité, et vous cherchez des solutions ailleurs : recours à des médecins non spécialistes, à des internes, à d’autres membres de l’équipe pluridisciplinaire, privatisation de certains services.
Il est à notre avis possible de s’y prendre autrement. En redonnant ses lettres de noblesse à cette profession, on pourrait enrayer ce mouvement de désaffection.
Ce qu’il aurait fallu, c’est une réforme qui s’attaque aux vrais obstacles à la prévention, et qui permette de renforcer les effectifs et les moyens de la médecine du travail.
Il est urgent que les employeurs prennent clairement conscience de leur responsabilité dans l’augmentation des maladies professionnelles, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Malheureusement, votre proposition de loi ne va pas dans ce sens.
Elle ne résout aucun des problèmes fondamentaux auxquels la médecine du travail est confrontée, qu’il s’agisse de l’indépendance des services de santé au travail, de la meilleure prise en compte des nouveaux problèmes de santé au travail ou de la démographie médicale.
Nous défendrons des amendements ayant tous pour objet de responsabiliser les employeurs et de favoriser la reconnaissance de l’indépendance des services de santé au travail.
Ce qu’il faut, c’est rendre la médecine du travail plus à même d’aider les salariés, en raison, notamment, des nouvelles formes de maladies professionnelles, en renforçant l’indépendance des médecins et des équipes pour que cette discipline soit aussi plus attractive pour de jeunes médecins.
Les services de santé au travail ont pour mission exclusive, conformément à une disposition concernant les médecins au travail qui a été reprise, d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. C’est cela qu’il faut garantir.
Comme souvent, nous sommes d’accord sur le constat. Mais nous sommes persuadés qu’il est impératif de préserver une médecine du travail indépendante, véritablement au service de la santé des millions de salariés de notre pays, ce que ne permet pas le texte que nous examinons aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, six mois après l’adoption en première lecture de la présente proposition de loi par le Sénat, nous arrivons au terme de son examen, puisque le Gouvernement et la commission souhaitent un vote conforme, ce que je regrette.
Même si ce texte a évolué, force est de constater qu’il soulève encore bien des inquiétudes. Je pense, principalement, à la question de la gouvernance. Nous avions permis une certaine avancée puisque nous avions adopté une administration par un conseil paritaire dont la présidence était assurée alternativement par un représentant des employeurs et par un représentant des salariés. Nous étions parvenus à un véritable paritarisme au sein du conseil d’administration, gage d’une plus grande indépendance des médecins. Ce fut en vain ! L’Assemblée nationale n’a pas souhaité nous suivre, et le texte qui nous est soumis aujourd’hui réserve la présidence du conseil aux représentants des employeurs.
Une telle régression est pour nous inacceptable : il n’est pas concevable que ce soit toujours le même syndicat qui occupe ce poste. Et je regrette profondément que la commission n’ait pas jugé opportun de revenir à la rédaction que nous avions adoptée en première lecture. Je reste convaincue que le président et le trésorier doivent être élus alternativement parmi les représentants des employeurs et parmi ceux des salariés. C’est pourquoi j’ai de nouveau déposé, avec plusieurs membres du groupe RDSE, un amendement en ce sens.
Je regrette également les conditions dans lesquelles cette supposée réforme de la médecine du travail a été menée. J’avoue avoir espéré, comme beaucoup d’entre nous dans cet hémicycle, que le Gouvernement prendrait le temps d’engager un vrai débat avec les organisations syndicales pour parvenir à une réforme ambitieuse qui réponde aux attentes des salariés et aux besoins des médecins du travail. Il n’en est rien.
Alors que les effectifs des médecins concernés s’effondrent et que le nombre de maladies professionnelles augmente, la nécessité d’une réforme de la médecine du travail, instituée en 1946, fait l’unanimité. Cette réforme est d’ailleurs urgente. Mais, monsieur le ministre, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ! La présente proposition de loi n’est qu’un copier-coller des dispositions introduites par voie d’amendements dans le projet de loi portant réforme des retraites, au mépris de toute concertation, dispositions qui ont à l’époque été censurées par le Conseil constitutionnel, lequel les a considérées comme un cavalier législatif.
Il aurait pourtant été souhaitable d’aborder la question de la pénurie des médecins du travail. Voilà un an, un rapport avait déjà mis en exergue ce problème. En 2009, plus de 55 % des médecins du travail étaient âgés de plus de cinquante-cinq ans. Dans quatre ans, plus de 4 000 médecins auront atteint ou dépassé l’âge légal de départ à la retraite ; leur nombre s’élèvera à plus de 5 600 dans moins de dix ans. Au total, en 2020, la population des médecins du travail aura donc perdu 80 % de ses effectifs ! Vers qui les salariés pourront-ils se tourner ? Et gardons à l’esprit que chacun des 6 000 professionnels en exercice suivent en moyenne 3 500 salariés. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les médecins du travail puissent remplir correctement leurs missions ?
La médecine du travail est donc en danger ! Et n’oublions pas que dix années sont nécessaires pour former un médecin et que moins de quatre-vingts étudiants en médecine optent chaque année pour la médecine du travail, spécialité qui souffre d’une mauvaise image. Le médecin du travail devrait être pérennisé et reconnu comme un expert qui a toute sa place dans le déploiement des politiques de santé publique.
Après l’avoir affirmé lors de la première lecture, je le répète aujourd'hui : le texte que nous examinons aurait dû être l’occasion de revaloriser ce métier tant décrié, de faire évoluer les mentalités, d’autant que la prévention en matière de santé au travail est un enjeu majeur. Il est primordial de continuer à améliorer les conditions de travail et la prévention des risques professionnels, à un moment où les maladies professionnelles et les risques psychosociaux ne cessent d’augmenter.
Si les troubles musculo-squelettiques constituent à l’heure actuelle la première cause de maladies professionnelles, la souffrance au travail se répand de plus en plus, comme nous le constatons malheureusement. Parfois, les tensions au travail aboutissent à des situations de souffrance psychique, de stress, de découragement, de conflit, de réels traumatismes.
Comme l’a fait remarquer Jacqueline Alquier, depuis quelques années, les suicides et les tentatives de suicide sur le lieu de travail font régulièrement la une de l’actualité. Près de 400 suicides par an seraient liés à l’activité professionnelle. C’est la raison pour laquelle les médecins du travail ont un rôle très important à jouer au niveau de la prévention et que leur indépendance est primordiale, même si leur position au sein de l’entreprise est compliquée puisqu’ils subissent parfois des pressions et ont souvent le sentiment de ne servir à rien.
La médecine du travail doit évoluer. Or la présente proposition de loi n’apporte pas la bonne réponse.
Pour toutes ces raisons, et comme en première lecture, la majorité des membres du RDSE voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, nous excusons bien volontiers votre petit retard s’il s’agit d’éviter qu’une sanction trop lourde ne soit prononcée à l’encontre du salarié d’un magasin Monoprix qui, en fin de compte, n’a commis qu’une erreur bénigne.
Avant que la présente proposition de loi ne soit définitivement adoptée, le Gouvernement et le rapporteur souhaitant un vote conforme, permettez-moi de rappeler à quel point le parcours de cette réforme de la médecine du travail aura été chaotique.
Trop longtemps repoussé, le chantier a finalement été ouvert voilà un peu plus de trois ans, mais les réunions se sont succédé sans qu’aucun accord puisse être signé entre patronat et syndicats. Nul besoin de revenir aujourd’hui sur les responsabilités des uns ou des autres dans cet échec. Surprenant tout le monde, le Gouvernement a alors décidé de greffer cette réforme par voie d’amendements sur celle des retraites. Force est de constater que ce choix a cristallisé les positions et largement envenimé le débat avant que le Conseil constitutionnel n’invalide ce volet au mois de novembre dernier, l’estimant sans lien avec le projet de loi initial.
Finalement, c’est donc par le biais de cette proposition de loi déposée par le groupe centriste à la fin de l’année dernière que nous allons aboutir à cette réforme qui aurait dû être, si ce n’est consensuelle, tout au moins partagée, mais qui, en réalité, laissera un sentiment d’inachevé à de nombreux acteurs de la médecine du travail.
La France a fait le choix d’une organisation spécifique de la santé au travail fondée sur la prévention et reposant sur un corps de médecins spécialistes du travail. La mission qui lui a été assignée, à savoir éviter toute altération de la santé du fait du travail, est l’une des plus grandes conquêtes sociales du siècle dernier. Nous sommes lucides et considérons comme nécessaire de faire évoluer les services de santé au travail ; mais nous restons très attachés à cette spécificité de la médecine du travail préventive.
C’est pourquoi, tout en réaffirmant notre ferme volonté de garder un exercice médical spécifique au milieu du travail, nous souscrivons à la pluridisciplinarité et à la régionalisation des services de santé au travail. Les dispositions renforçant l’indépendance des médecins du travail sont, elles aussi, très importantes et nous semblent aller dans le bon sens, bien qu’elles soient encore largement insuffisantes par rapport à la réalité que nous connaissons tous.
Mais la question sur laquelle nous ne pouvons plus vous suivre, et vous le savez, monsieur le ministre, est celle de la gouvernance des services de santé au travail. C’est l’un des principaux dysfonctionnements de la médecine du travail. Nous aurions pu espérer sur ce point un consensus politique et syndical, c’est-à-dire une présidence alternée.
Nous sommes convaincus que l’une des pistes importantes pour répondre à la situation constatée – ce constat peut d’ailleurs être partagé – consiste à impliquer les organisations syndicales de salariés et donc à mettre en place un véritable paritarisme, tel que l’avait d’ailleurs proposé la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail que j’ai eu l’honneur de présider. L’idée du paritarisme renvoie au dialogue social ; elle constitue en ce sens un progrès. Mais nous rejetons avec fermeté la conception du paritarisme qui nous est proposée et qui inclut une présidence permanente des employeurs pour ce qui concerne les services de santé au travail.
C’est bien la remise en question de la rédaction adoptée par le Sénat par deux fois à l’unanimité qui est aujourd’hui au cœur de notre désaccord. C’est également l’une des principales raisons pour lesquelles nous ne pourrons voter en faveur de l’adoption de la présente proposition de loi si les amendements que nous avons déposés, notamment celui qui porte sur la gouvernance, ne sont pas adoptés.
Certes, la médecine du travail est financée par les employeurs, et ce parce qu’elle renvoie à la responsabilité directe de l’employeur. Mais ce mode de financement ne doit pas avoir pour conséquence une emprise patronale majeure sur le système ne lui offrant pas l’indépendance nécessaire à sa mission. Cette question est cruciale, car il ne peut y avoir de véritable santé au travail sans une indépendance des acteurs de la prévention.
Le schéma retenu par l’Assemblée nationale – présidence patronale, trésorerie dévolue aux représentants des salariés – n’est pas satisfaisant : les organisations représentatives des salariés devront gérer ad vitam aeternam la trésorerie de services dont ils ne maîtriseront ni les ressources ni les décisions ou les objectifs puisqu’il est prévu que le patronat ait une voix prépondérante. C’est un leurre, à moins de supprimer cette voix prépondérante.
Monsieur le ministre, je souhaite en cet instant faire une petite digression, qui n’est toutefois pas sans lien avec le présent texte. C’est pour la raison précitée que je suis opposé à toute modification de la gouvernance du FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Vous avez soumis aux associations un projet de décret visant à confier la majorité des sièges aux représentants de l’État et des employeurs, et la présidence non plus à un magistrat indépendant, mais à un membre de la Cour des comptes ou du Conseil d’État choisi par le Gouvernement.
L’argument utilisé, que je réfute, est le même que celui qui a été évoqué à propos de la médecine du travail : « celui qui paie décide ». Je vous le rappelle, le FIVA ayant pour vocation de se substituer aux procédures judiciaires, nous, législateur, avons conçu son conseil d’administration comme un premier degré de juridiction. C’est pourquoi il est présidé par un magistrat indépendant, membre de la Cour de cassation, et repose sur un équilibre entre les parties ; ni les représentants des « payeurs » – État et employeurs – ni les représentants des « bénéficiaires » – associations de victimes et organisations syndicales de salariés – ne disposent de la majorité. C’est cet équilibre, dans lequel le président joue un rôle d’arbitre, qui assure une certaine équité à l’indemnisation.
Imaginer donner aux « payeurs », qui sont aussi les responsables de cette catastrophe sanitaire, laquelle, je le rappelle, aura fait près de 100 000 morts d’ici à 2020, le droit de décider librement du montant des indemnisations des victimes est, à mon avis, une véritable gageure.
Les associations des victimes de l’amiante en sont persuadées, ce projet de reprise en main du conseil d’administration du FIVA n’a qu’une seule finalité, hormis ne plus perdre de temps à discuter avec les associations, comme l’ont clairement annoncé les services de l’État, à savoir faire des économies sur le dos des victimes. J’avoue que je partage la crainte de celles-ci. Depuis plusieurs années, les fonds relatifs à la question de l’amiante, FIVA comme FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, sont accusés de coûter cher à la sécurité sociale, et, pour certains, la tentation est grande de remettre en cause les fondements de ces indemnisations.
Cette nouvelle composition, au-delà de la baisse des indemnisations qu’elle annonce, est en soi un véritable déni du droit des victimes à une réparation intégrale de leurs préjudices, tel qu’il a bien été prévu par la loi. C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, en tant qu’ancien rapporteur de la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante du Sénat, d’y renoncer.
Monsieur le ministre, même si cette question est quelque peu hors sujet, j’avais à cœur, pour cette intervention qui sera peut-être ma dernière au Sénat en raison du prochain renouvellement du mois de septembre, de vous alerter sur ce point qui inquiète beaucoup tous les salariés victimes de l’amiante.
Pour en revenir au présent texte, nous ne le voterons pas, à regret, tous nos amendements ayant été rejetés en commission ; ou alors il faudrait que ces derniers soient votés en séance plénière…
Pourtant, je vous l’assure – et nous l’avions indiqué à votre prédécesseur, Éric Woerth –, nous étions disposés dès le départ à trouver un consensus sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. J’interviendrai bien sûr dans la discussion des articles, mais je souhaite d’ores et déjà répondre à chacun des orateurs qui viennent de s’exprimer au cours de la discussion générale.
Madame Payet, le travail accompli avec Guy Lefrand a été non seulement exemplaire, mais également très constructif, et c’est pourquoi la deuxième lecture de ce texte au Sénat se présente particulièrement bien.
Vous avez évoqué le rôle des services de santé au travail dans la prédiction de certaines addictions, notamment dans la lutte contre l’alcoolisme et le syndrome d’alcoolisme fœtal, sujets qui vous tiennent au cœur depuis bien longtemps. Je ne peux que vous rejoindre sur ce point : ils concernent travail et santé publique.
Je ne peux pas vous laisser affirmer, madame David, que les organisations syndicales ont refusé de négocier sur les propositions qui vous sont soumises. Certes, les sujets abordés ne sont pas faciles, mais si vous interrogez la CFDT, la CGT-FO, vous constaterez que, sur un certain nombre de points, un large consensus s’est dégagé, comme les contacts bilatéraux en témoignent. Ces organisations préfèrent que le présent texte soit adopté, pour éviter une sorte de no man’s land, de vide juridique, politique, social en la matière.
Vous avez dit également – rapidement, certes, mais vous l’avez dit tout de même – que cette proposition de loi comportait des points positifs, notamment en ce qui concerne les équipes pluridisciplinaires ; je vous en suis reconnaissant.
Monsieur Laménie, vous avez raison de souligner, à l’instar de Mme David, la pertinence de la pluridisciplinarité. Vous avez notamment évoqué les troubles musculo-squelettiques, TMS. Pour bien les soigner, il faut connaître les conditions de travail ; par exemple, dans une entreprise de transformation de viande, il faut étudier les postes de travail, les gestes, les charges. Dès lors, la présence d’un ergonome est un gage de réussite supplémentaire. Votre intervention décrit donc bien la réalité du monde du travail, ainsi que les besoins qui en découlent.
Mme Alquier a raison de relever la situation de la démographie médicale avec son paradoxe. Notre pays est celui qui compte le plus de médecins du travail. Nous devrions donc, à mon sens, étudier la solution des passerelles de reconversion. Je pense notamment à la validation des acquis de l’expérience, VAE, que la loi HPST a rendue plus facile. Il faut revaloriser l’image de la profession.
Le développement de la pluridisciplinarité nous aidera à aller dans cette direction. Toutefois – je le dis aussi à l’intention de Mme Laborde –, on ne peut pas réformer une société par décret, et on ne peut pas davantage modifier la pyramide des âges par une loi. Il faut, je le répète, améliorer l’image.
Nous avons fait en sorte, avec les partenaires sociaux, de nous donner les moyens d’avancer. Le cadre que prévoit d’instaurer cette proposition de loi est un préalable indispensable.
Par ailleurs, j’ai déjà contacté Laurent Wauquiez, le nouveau ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, afin que les textes réglementaires relatifs à la démographie médicale soient rapidement pris.
Je tiens à dire à M. Godefroy que nous partageons son souci de préserver l’indépendance des médecins du travail. J’ai été sensible au fait que l’amendement que j’avais présenté ait été adopté à l’unanimité par le Sénat ; je pense qu’il s’agissait d’un point important.
Concernant le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, FIVA, beaucoup de choses ont été dites ou écrites. Je peux vous dire qu’il n’y aura pas de modification dans la composition de son conseil d’administration. Il me semble important de le répéter, encore et encore. Le seul changement qui interviendra porte sur la présidence : le président pourra désormais être choisi soit parmi les membres de Cour de cassation, soit parmi ceux du Conseil d'État ou de la Cour des comptes.
Mme Annie David. Choisi par qui ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Ces institutions ont à maintes reprises fourni la preuve de leur totale indépendance ; nous venons d'ailleurs d’en avoir un exemple.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu’aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er
(Non modifié)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Les articles L. 4622-2 et L. 4622-4 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-2. – Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. À cette fin, ils :
« 1° Conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
« 2° Conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;
« 3° Assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;
« 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.
« Art. L. 4622-4. – Dans les services de santé au travail autres que ceux mentionnés à l’article L. 4622-7, les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail en toute indépendance. Ils mènent leurs actions en coordination avec les employeurs, les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et les personnes ou organismes mentionnés à l’article L. 4644-1. » ;
2° La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie est complétée par des articles L. 4622-8 à L. 4622-10 ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-8. – Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées par des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire.
« Art. L. 4622-9. – Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail prévus à l’article L. 4631-1.
« Art. L. 4622-10. – Les priorités des services de santé au travail sont précisées, dans le respect des missions générales prévues à l’article L. 4622-2, des orientations de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, d’amélioration des conditions de travail, ainsi que de son volet régional, et en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre le service, d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, d’autre part, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
« Les conventions prévues à l’article L. 422-6 du code de la sécurité sociale sont annexées à ce contrat.
« La durée, les conditions de mise en œuvre et les modalités de révision des contrats d’objectifs et de moyens prévus au premier alinéa sont déterminées par décret. » ;
3° L’article L. 4622-8 devient l’article L. 4622-15 ;
3° bis Le chapitre III du titre II du livre VI de la quatrième partie est complété par un article L. 4623-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 4623-8. – Dans les conditions d’indépendance professionnelle définies et garanties par la loi, le médecin du travail assure les missions qui lui sont dévolues par le présent code. » ;
4° L’intitulé du chapitre IV du même titre II est ainsi rédigé : « Actions et moyens des membres des équipes pluridisciplinaires de santé au travail » ;
5° Le même chapitre IV est complété par un article L. 4624-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624-4. – Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les conditions d’application du présent chapitre. » ;
6° Le titre IV du livre VI de la quatrième partie est ainsi modifié :
a) À son intitulé, après le mot : « Institutions », sont insérés les mots : « et personnes » ;
b) Il est ajouté un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail
« Art. L. 4644-1. – I. – L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
« Le ou les salariés ainsi désignés par l’employeur bénéficient, à leur demande, d’une formation en matière de santé au travail dans les conditions prévues aux articles L. 4614-14 à L. 4614-16.
« À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur peut faire appel, après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, en son absence, des délégués du personnel, aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative, disposant de compétences dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail.
« L’employeur peut aussi faire appel aux services de prévention des caisses de sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité dans le cadre des programmes de prévention mentionnés à l’article L. 422-5 du code de la sécurité sociale, à l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et son réseau.
« Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes et organismes mentionnés au présent I. Ces conditions sont déterminées par un décret en Conseil d’État.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
I bis. – Le 6° du I entre en vigueur à la date de publication des décrets prévus au II de l’article L. 4644-1 du code du travail et au plus tard le 1er juin 2012.
II. – L’habilitation d’intervenant en prévention des risques professionnels délivrée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi vaut enregistrement, au sens de l’article L. 4644-1 du code du travail, pendant une durée de trois ans à compter de la date de promulgation de la présente loi.
III. – À l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Notre pays est la lanterne rouge de l’Europe dans la plupart des indices de santé au travail. Par exemple, les ouvriers continuent à vivre moins longtemps que les cadres, et dans des conditions sanitaires et médicales moins favorables que celles des autres catégories socioprofessionnelles.
Le groupe CRC-SPG n’entend donc pas nier qu’il existe aujourd’hui un besoin criant de réformer la médecine du travail. Je l’ai dit tout à l’heure, le nombre de personnes atteintes de maladies professionnelles augmente et la pénurie de médecins du travail est connue depuis longtemps.
Les vingt dernières années ont été marquées à la fois par des crises médicales majeures, causées par les conditions de travail – je pense notamment à la contamination par l’amiante – et par une diminution constante des effectifs de médecins du travail ; à cet égard, je partage les inquiétudes qu’a exprimées M. Godefroy. Dans le même temps, la responsabilité des pouvoirs publics a été engagée du fait de leur carence fautive dans la prise de mesures de prévention des risques liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante. Bref, tout est à reconstruire.
À notre sens, cette reconstruction doit être menée en concertation avec les partenaires sociaux, et non contre eux, comme cela se passe aujourd’hui, même si, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la majorité des organisations syndicales souhaitent que soit adoptée la petite partie qui sera mise aux voix aujourd'hui.
Réformer la médecine du travail dans un sens favorable aux salariés était donc un projet ambitieux, puisque tout ou presque était à repenser.
Nous n’étions pas hostiles à la création d’un corps de médecins du travail sous la tutelle de la sécurité sociale, que certains ont proposée à Mme Dini. Cependant, en cette matière comme s'agissant des conséquences sociales de l’inaptitude, la proposition de loi n’est pas assez ambitieuse. Pire, tant par la manière dont elle définit les missions de la médecine du travail que par l’organisation qu’elle prévoit, la proposition de loi tend à créer le trouble et à renforcer la prédominance des employeurs sur les représentants des salariés, au détriment de la santé de ces derniers.
Je regrette par exemple que, en contradiction avec les dispositions de la directive européenne du 12 juin 1989 sur la sécurité et la santé des travailleurs au travail, la présente proposition instaure une confusion entre les compétences des médecins du travail et celles de l’employeur. Les activités d’aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail relèveront ainsi de la responsabilité de l’employeur, tandis que la surveillance de la santé des travailleurs reviendra aux médecins du travail.
Tout cela nous conduit à nous interroger, monsieur le ministre. À qui revient, au final, la mission, capitale pour les salariés, d’assurer la prévention, c’est-à-dire d’éviter que l’activité professionnelle ait une conséquence sur la santé physique ou psychique des salariés ? S’il revient aux équipes pluridisciplinaires d’apporter des réponses médicales, les employeurs ne peuvent se détourner de ce sujet ; ils ne peuvent se contenter de gérer les risques, ils doivent en prendre conscience et s’efforcer, par tous les moyens, notamment par des modifications des conditions et des modes d’organisation du travail, d’éviter que ces risques se réalisent.
Toutefois, en confiant à la présidence des services de santé au travail, SST, qui échoit automatiquement au représentant du patronat, la charge de définir les priorités de ces services, vous transférez l’essentiel des missions actuellement confiées aux médecins du travail aux directeurs et présidents des SST, tout en déresponsabilisant les employeurs.
Lors de l’examen de cette proposition de loi en première lecture, certains de nos collègues appartenant à la majorité ont justifié cette disposition en soutenant, comme Mme Payet vient de le faire, que, le financement de la médecine du travail étant à la charge des patrons, il n’était pas illogique qu’ils président les SST. Cependant, raisonner ainsi revient à oublier que, si les employeurs financent la médecine du travail, c’est parce que c’est le travail lui-même qui porte atteinte à la santé des travailleurs. On ne peut se prévaloir d’un mode d’organisation du travail qui affecte, blesse et parfois tue les salariés pour justifier la prépondérance patronale !
Nous considérons de même que la faculté donnée aux employeurs de nommer des salariés pour « s’occuper », en lieu et place du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, CHSCT, des questions de santé et de prévention, constitue un recul démocratique sans précédent et une mesure inquiétante. En effet, contrairement aux membres du CHSCT, ces salariés ne seront pas protégés et seront donc vulnérables face aux décisions arbitraires de l’employeur. Peu formés, non protégés et ne disposant pas des mêmes prérogatives que les CHSCT, on voit mal comment ils pourraient être vraiment utiles en matière de préservation de la santé des salariés.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.
M. Jean-Pierre Godefroy. L’article 1er précise que les services de santé au travail, SST, « ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». À cette fin, ils doivent notamment conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les mesures nécessaires pour prévenir et réduire la pénibilité au travail.
Lors de l’examen de la réforme des retraites, vous vous en souvenez, les dispositions relatives à la prise en compte de la pénibilité ont fait l’objet de vifs débats.
À l’époque, nous avions dénoncé un dispositif à la fois profondément injuste et bien trop limité. De fait, ce dispositif est injuste dans la mesure où il ne vise que les salariés souffrant d’une incapacité physique de travail, écartant ainsi ceux qui ont vu leur espérance de vie réduite par l’exposition à des produits cancérigènes sans qu’il y ait de traces physiques pour l’attester. Il est également limité, puisqu’il ne s’agit que d’accorder une retraite anticipée de quelques mois à des personnes pourtant usées et cassées par leur travail et qui, pour la plupart d’entre elles, se retrouvent exclues du marché du travail dès la cinquantaine. La situation de certains employés de la verrerie de Givors, appartenant à l’entreprise BSN, illustre ces effets différés.
Aujourd’hui, nous pouvons ajouter que ce dispositif, entré en vigueur il y a tout juste une semaine, est très restrictif, dans la mesure où les conditions pour en bénéficier sont draconiennes et où la constitution du dossier s’apparente à un parcours du combattant. Pour l’instant, ce sont moins de 400 dossiers qui ont été déposés dans les caisses de retraite, alors que, je vous le rappelle, le dispositif était censé concerner 30 000 personnes par an, pour un coût de 300 millions d’euros. Signalons au passage que, dans de nombreuses caisses, les assurés n’ont pas pu déposer leurs dossiers avant le 1er juillet, au motif que les caisses n’étaient « pas prêtes ».
Il est certes trop tôt pour dresser un bilan définitif. Toutefois, monsieur le ministre, je constate que tout a été fait pour limiter la population concernée. J’en veux pour preuve les décrets d’application, qui ont tant durci le dispositif que beaucoup d’assurés s’en trouvent aujourd’hui exclus.
En outre, pour ceux qui peuvent encore y prétendre, fournir les pièces justificatives relève du parcours du combattant. C’est ainsi que les salariés dont le taux d’incapacité est compris entre 10 % et 20 % doivent notamment justifier de 17 années d’exposition à des facteurs de risque précisément décrits : contraintes physiques marquées – manutention de charges, postures pénibles, etc. –, travail de nuit, environnement agressif – bruit, agents chimiques, etc. Or il n’est pas simple de retrouver ces attestations, parfois anciennes, d’autant que certaines entreprises ont disparu entre-temps ; ce problème s’est posé pour les victimes de l’amiante.
Voilà ce que je tenais à dire, monsieur le ministre, avant que nous examinions les amendements déposés sur l’article 1er, qui doit prendre en compte les effets différés de la pénibilité du travail.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er.
En effet, celui-ci prévoit de confier à l’employeur, sans contre-pouvoir suffisant, la gestion des services de santé au travail, SST. Et pour cause : cet article 1er n’a pas fait l’objet de négociations avec les partenaires sociaux, mais exprime la seule position du MEDEF, qui est partisan d’un affaiblissement du rôle de la médecine du travail dans l’entreprise.
Alors que, en première lecture, le Sénat avait retenu l’idée d’une gestion alternée, garantissant l’indépendance des SST, l’Assemblée nationale a modifié le texte en prévoyant que ces services soient administrés par un conseil dont la présidence reviendra obligatoirement au représentant des employeurs.
Cette dilution de la responsabilité des médecins et cette restriction de l’indépendance des SST illustrent la reprise en main de la médecine du travail par les employeurs et traduisent une régression sans précédent de cette médecine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Les auteurs de cet amendement, qui vise à supprimer l’article 1er, le justifient par leur opposition au système de gouvernance que l’article 1er instaurerait. Or ce système est instauré par l’article 3 et non par l’article 1er. En effet, ce dernier se contente de définir les missions des SST et de consacrer la notion d’équipe pluridisciplinaire.
Supprimer l’article 1er signifie donc supprimer la pluridisciplinarité. Celle-ci doit au contraire être reconnue et renforcée. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Conduisent des actions préventives et de diagnostic en santé au travail, dans le but d’éviter toute altération de la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous souhaitons, par cet amendement, faire figurer le terme de « prévention » parmi les missions des SST. En effet, la préservation de la santé au travail doit inclure la prévention, qui désigne une action en amont afin d’empêcher l’altération de la santé. Or si, à cette tribune, plusieurs personnes ont insisté sur la notion de prévention, le terme n’est pas inscrit dans l’article 1er.
Force est de constater que, aujourd’hui, la prévention est bien souvent conçue comme une meilleure information dispensée aux travailleurs ou même aux chefs d’entreprise et aux cadres chargés d’encadrer des équipes de salariés. Or il est important de dépasser la simple information pour mener des actions : il faut que le médecin du travail puisse intervenir et organiser des formations. Par exemple, pour prévenir l’apparition de troubles musculo-squelettiques, il est fondamental d’apprendre aux salariés travaillant sur des postes informatiques comment se tenir face à l’écran.
Par cet amendement, nous voulons affirmer qu’il ne suffit pas de parler de prévention pour empêcher l’altération de la santé. C’est pourquoi il faut inscrire la notion de prévention dans la loi.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et en vue d’éviter la survenue de pathologies à effet différé
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement a pour objet de mentionner la prévention des pathologies à effet différé parmi les actions que conduisent les SST.
L’article 1er indique que les SST ont pour mission de suivre les travailleurs tout au long de leur parcours professionnel, afin d’éviter toute altération de leur santé. Toutefois, le parcours professionnel affecte la santé des travailleurs au-delà de leur seule période d’activité : le salarié qui part en retraite n’est pas une autre personne ; son corps ne se métamorphose pas, mais conserve les effets des conditions de travail auxquelles il a été soumis.
Notre amendement s’appuie notamment sur l’expérience acquise en matière d’exposition à des substances cancérogènes. L’exposition à l’amiante, aux éthers de glycol, à des poussières de bois ou de ciment, à des adjuvants chimiques, comme ce peut être le cas dans l’industrie agro-alimentaire, par exemple, provoque des pathologies pouvant se déclarer jusqu’à trente-sept ans après l’exposition.
Un nouveau scandale est d’ailleurs en train d’éclater, comme je l’ai mentionné tout à l'heure. En effet, après avoir, pendant des décennies, respiré des substances toxiques sans protection appropriée, les ouvriers retraités des verreries de la vallée du Gier sont atteints, dans des proportions anormales, de cancers des voies respiratoires et digestives.
L’un des retraités atteints, qui connaît parfaitement son état et sait quelle sera l’issue, nous a dit : « Pour moi, c’est trop tard. Mais, pour ceux qui sont encore dans les verreries, il faut qu’on fasse quelque chose. Je ne veux pas qu’ils crèvent comme nous autres. » C’est un propos, monsieur le ministre, que j’avais déjà entendu dans la bouche d’ouvriers contaminés par l’amiante !
Ce type d’événements interroge la médecine du travail. Il est indispensable d’orienter son action vers la prévention de ces situations, tant par l’action dans les entreprises en direction des employeurs, des salariés et des intervenants extérieurs, que par la recherche et la transmission des observations faites par les praticiens.
Je relève qu’à l’alinéa 5 il est fait mention de la prévention en matière de consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail. C’est un aspect certes non négligeable, et je souscris pleinement à ces actions – Anne-Marie Payet le sait bien –, mais il y a bien d’autres comportements qui ont un effet différé sur la santé.
De plus, il est bien évident que, si le mal-être au travail peut être la cause de la consommation, au travail ou ailleurs, d’alcool ou de drogue, la consommation reste le fait du salarié.
Nous proposons d’aller au-delà de ce ciblage un peu trop restreint et de donner un rôle prépondérant à la médecine du travail, en partenariat avec les spécialistes d’autres disciplines, dans la recherche des causes des pathologies qui frappent les retraités. Ce serait d’ailleurs, monsieur le ministre, un élément d’intérêt professionnel et intellectuel important pour revaloriser la médecine du travail aux yeux des étudiants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’amendement n° 2 a pour objet d’apporter des modifications rédactionnelles. Par exemple, à la place du verbe « préserver », les auteurs de l'amendement préfèrent employer l’expression « actions préventives ».
En outre, l’amendement reprend l’expression « éviter toute altération de la santé », qui est déjà inscrite à l’alinéa 3.
Il me semble plus important de permettre à cette réforme d’entrer en vigueur, car elle répond à une véritable urgence, plutôt que d’apporter des modifications essentiellement rédactionnelles.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Le Sénat a déjà rejeté en première lecture un amendement identique à l’amendement n° 32, la précision apportée ne paraissant pas nécessaire. Sont en effet uniquement visées les pathologies à effet différé, ce qui est redondant avec la mission générale de préservation de la santé des travailleurs de la médecine du travail.
L’avis de la commission est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements.
Madame David, je ne suis pas sûr de vous convaincre, mais, très sincèrement, il me semble que l’amendement n° 2 est satisfait.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Élaborent, en lien avec les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un document retraçant les risques professionnels auxquels les salariés ont été exposés ou ont pu être exposés durant leur activité professionnelle. Ce document est remis aux salariés une fois qu’ils ont cessé leur activité professionnelle.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Le présent amendement prévoit la création d’un document retraçant les risques professionnels auxquels les salariés ont pu être exposés durant l’exercice de leur activité professionnelle.
Ce document est adressé de manière obligatoire à tous les salariés qui cessent leur activité professionnelle et est élaboré en lien avec les comités d’hygiène et de sécurité.
Les maladies professionnelles ne se déclarent pas nécessairement pendant l’exercice de la profession : elles peuvent mettre de nombreuses années à se développer et n’apparaître ainsi qu’une fois l’activité cessée.
Dans de tels cas, le salarié doit apporter la preuve du lien direct entre son ancienne activité et sa maladie, lien très complexe à établir, mais qui conditionne malheureusement la réussite d’une action en responsabilité contre l’employeur.
L’élaboration du document dont nous proposons la création dans cet amendement aura pour effet de faire perdurer la responsabilité de l’employeur au-delà des seules périodes d’activité et donc de faciliter les démarches engagées à fin de réparation des torts causés aux employés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Il est défavorable, car l’amendement est déjà satisfait.
En effet, l’article 60 de la loi portant réforme des retraites prévoit que le médecin du travail constitue un « dossier médical en santé au travail », qui retrace les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement est en effet satisfait par la loi portant réforme des retraites : avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Après les mots :
les délégués du personnel
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et les intervenants en prévention des risques professionnels. » ;
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement vise à préciser que les personnes avec lesquelles les médecins du travail ont une action coordonnée sont nécessairement des intervenants diplômés ou qualifiés en matière de protection et de prévention des risques professionnels de nature physique ou mentale.
Il doit toujours en être ainsi, que ces intervenants soient salariés du service de santé au travail, d’une entreprise adhérente au service de santé au travail ou d’un organisme extérieur.
Il convient donc de lever l’ambiguïté qui découle de la rédaction de la fin de l’alinéa 8, la référence à l’article L. 4644-1 du code du travail ayant pour effet de mélanger les organismes spécialisés tels que l'Institut national de recherche et de sécurité, l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics ou l’Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, avec les salariés que l’employeur désignera pour s’occuper de la prévention dans l’entreprise.
Rien ne garantit que ces salariés disposent des qualifications et des diplômes leur permettant de collaborer efficacement avec le médecin du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement, déjà présenté en première lecture et rejeté par le Sénat, tend à supprimer la coordination entre les médecins du travail et les personnes ou organismes désignés par l’employeur pour prévenir les risques professionnels.
Cela me paraîtrait très dommageable pour la qualité et l’efficacité de la protection des travailleurs. Il est au contraire important d’impliquer ensemble tous les acteurs concernés.
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4622-8. – Les médecins animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail. Cette équipe comprend des assistants en prévention des risques pour la santé des travailleurs placés sous la responsabilité du médecin du travail. Elle assure les missions des services de santé au travail. Pour les activités de prévention, les médecins du travail peuvent faire appel aux intervenants en prévention des risques professionnels. Ces équipes peuvent être complétées par des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Madame le rapporteur, monsieur le ministre, sans doute allez-vous juger que cet amendement rédactionnel est satisfait, mais, pour notre part, nous estimons qu’il est important, car il replace au premier plan le rôle d’animation et de coordination de l’équipe pluridisciplinaire par les médecins du travail.
Cet amendement a par ailleurs une autre vertu, celle d’expliciter la notion d’assistant en la limitant aux assistants en prévention des risques pour la santé des travailleurs placés sous la responsabilité du médecin du travail.
Vous le savez, nous tenons fermement à cette dimension de prévention. À cet égard, monsieur le ministre, je ne suis pas aussi sûre que vous du fait que l’amendement n° 2 soit satisfait, n’étant pas certaine que préservation et prévention soient nécessairement synonymes.
C’est aussi la raison laquelle nous avons déposé cet amendement n° 4.
Dans ce dispositif, les médecins du travail doivent avoir une place centrale, ce que cet amendement tend à garantir, notamment parce qu’il précise que les équipes pluridisciplinaires de santé au travail ne peuvent être complétées par des assistants de services de santés au travail et des professionnels qu’après avis des médecins du travail.
M. le président. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Après les mots :
assurées par
insérer les mots :
les médecins du travail et
et supprimer les mots :
des médecins du travail,
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Comme nos collègues, nous souhaitons réaffirmer le rôle prééminent du médecin du travail au sein de l’équipe pluridisciplinaire : ce sont les médecins qui conduisent avec l’équipe pluridisciplinaire les activités, et leur pouvoir est central.
Or la rédaction actuelle laisse à penser que le médecin du travail est « noyé » au sein de l’équipe pluridisciplinaire, ce qui n’est pas souhaitable. Il est donc essentiel de rappeler qu’il doit occuper une place charnière dans l’organisation de la médecine du travail pour un meilleur suivi des salariés.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Remplacer le mot :
comprenant
par le mot :
autour
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. L’objet de cet amendement est très simple.
Le groupe socialiste soutient pleinement une démarche pluridisciplinaire de la médecine du travail, indispensable en matière de prévention des risques.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue l’essentiel. L’équipe pluridisciplinaire doit fonctionner autour d’une personne référente qui ne peut être que le médecin du travail, en raison de sa compétence particulière en matière de santé.
Il ne saurait être question de « noyer », comme l’a dit Mme David, le médecin du travail dans une équipe pluridisciplinaire qui serait dirigée par le directeur du service de santé, lui-même nommé par un conseil d’administration présidé par un représentant des employeurs. La ficelle est un peu trop grosse pour ne pas se voir !
Il ne peut non plus être question de gérer la pénurie organisée de médecins du travail en la dissimulant dans la pluridisciplinarité. Cette dernière est utile, mais les compétences d’un ingénieur ergonome ou d’un infirmier, si grandes soient-elles, ne sauraient suppléer celles d’un médecin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 4, car la rédaction qu’elle a adoptée est tout aussi claire que celle qu’il propose.
En outre, cet amendement retire les infirmiers des équipes pluridisciplinaires, ce qui n’est guère approprié et même dommageable au bon fonctionnement de la médecine du travail.
L’amendement n° 50 rectifié tend à revenir exactement à la position adoptée finalement par le Sénat en première lecture concernant les équipes pluridisciplinaires, qui était très imprécise.
L’Assemblée nationale est revenue au texte initial de la proposition de loi, ce qui est plus satisfaisant en termes d’organisation et d’efficacité de la médecine du travail.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Quant à l’amendement n° 34, il n’est pas correctement formulé. Son adoption reviendrait à écrire : « Les missions sont assurées par une équipe pluridisciplinaire autour des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques et des infirmiers. » On ne comprendrait donc pas comment est composée l’équipe pluridisciplinaire.
L’avis est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le refus de l'employeur de se conformer aux prescriptions du médecin du travail doit être motivé par écrit.
« En cas de contentieux liés à l'altération ou à la dégradation de l'état de santé du salarié, en lien avec son activité professionnelle, le refus de l'employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. En première ligne pour défendre la santé des salariés, les médecins du travail souffrent parfois de leur manque d’autonomie par rapport à l’employeur ou au directeur des services de santé au travail. Beaucoup s’interrogent sur l’efficacité de leur action et sont frustrés par le manque d’effectivité de leurs préconisations, l’employeur n’étant pas tenu de donner suite aux mesures visant à préserver la santé des salariés.
Dans l’intérêt des salariés et pour renforcer la responsabilité de l’employeur vis-à-vis du médecin, nous proposons que, lors d’un contentieux lié à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin soit opposable à l’employeur et même qu’il soit motivé par écrit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement, déjà présenté en première lecture et rejeté par le Sénat, prévoit une procédure que crée justement l’article 2 de la présente proposition de loi.
Par ailleurs, l’expression « lui est opposable » est peu claire. La responsabilité de l’employeur est de toute façon prévue aux articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, que la proposition de loi ne modifie pas.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement est satisfait : donc retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-8-1. – Les personnels concourant aux services de santé au travail bénéficient des dispositions de la sous-section 2 de la section unique du chapitre III du titre II du livre VI de la quatrième partie du présent code.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à protéger les personnels qui concourent aux services de santé au travail et, partant, les salariés et leur santé en adoptant les conditions permettant l’exercice de leur activité professionnelle en toute indépendance.
Nous souhaitons ainsi que soient appliqués à ces personnels les mêmes dispositifs de protection que ceux dont jouissent les médecins du travail en matière de licenciement.
La procédure de licenciement doit être particulière afin de garantir l’indépendance de ces personnels de santé : avis du comité d’entreprise, autorisation de l’inspecteur du travail, etc.
Il n’y a pas de raisons pour que les infirmiers, ergonomes et autres personnels ne soient pas, comme les médecins de l’entreprise, particulièrement protégés contre les licenciements.
De la sorte, l’entreprise ne pourra pas exercer sur leur activité de pressions pouvant aller à l’encontre des intérêts des salariés comme des objectifs de protection de la santé publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement tend à étendre le statut très protecteur accordé aux médecins du travail à l’ensemble des « personnels concourant aux services de santé au travail ».
Nous avions déjà eu à examiner des amendements de ce type en première lecture et le Sénat s’y était déclaré défavorable.
En outre, cette rédaction est très large puisqu’elle s’étend à des personnels administratifs qui n’ont pas de lien particulier avec les missions de prévention et de conseil des médecins du travail vis-à-vis des employeurs.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame le rapporteur, je ne dirai pas comme vous que le statut du médecin du travail est « très » protecteur.
Certes, il est protecteur, et c’est indispensable pour lui assurer une certaine indépendance dans l’entreprise, notamment quand il s’agit de médecins de l’entreprise, ce qui concerne surtout les grosses entreprises.
On a assisté à suffisamment de drames dans nombre d’entreprises, notamment dans de grosses entreprises qui avaient leur propre médecin, pour considérer qu’il est nécessaire de prendre des précautions !
Si des médecins d’entreprise peuvent prendre des mesures adaptées aux conditions de travail difficiles de certains ouvriers, c’est justement grâce à leur statut protecteur.
Je veux bien reconnaître que la rédaction de notre amendement n’est pas suffisamment précise. Elle laisse entendre en effet que les personnels administratifs sont concernés et bénéficient de la même protection que les médecins du travail.
Pour remédier à cette ambiguïté, vous auriez pu nous proposer une rectification, que nous aurions acceptée, et qui aurait consisté à écrire ainsi le début de la phrase : « Seuls les personnels intervenant dans le domaine précis de la santé, de la prévention et de la préservation de la santé des travailleurs bénéficient…. ».
En l’état actuel des choses, je maintiens cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Madame David, je confirme que le statut du médecin du travail est protecteur. Nous avons conscience que cette protection est justifiée. Vous constaterez, d’ailleurs, que la proposition de loi la renforce.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-8-1. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 4623-1 ou des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’exercice des professions réglementées concernées, une formation spécifique, dont le contenu est fixé par décret, est obligatoire pour les personnels concourant aux services de santé au travail.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. À l’heure actuelle, le médecin du travail reçoit une formation spécifique, imposée par des textes réglementaires et sanctionnée, après plusieurs années d’études pratiques et théoriques, par un diplôme spécialisé.
Or, avec la proposition de loi, les personnels qui vont concourir aux services de santé au sein des équipes pluridisciplinaires n’auront, semble-t-il, pas le même niveau de formation spécialisée en médecine du travail, même s’il est évident que ces formations doivent être différentes en fonction de la place occupée au sein de l’équipe.
Sur le fond, les médecins de santé au travail ont les mêmes qualités que les médecins généralistes, mais la médecine de santé au travail présente des spécificités : il faut aller dans les entreprises, connaître les postes de travail, déterminer les influences qu’ils peuvent avoir sur la santé des travailleurs.
Or, si le médecin du travail n’est plus un médecin spécialisé en médecine du travail, si d’autres membres de l’équipe pluridisciplinaire interviennent sans avoir reçu une formation spécifique, la réforme risque de se traduire, à terme, par un affaiblissement du suivi des salariés au travail.
La question du nombre de médecins en santé au travail est importante. Mais, au lieu de renforcer les effectifs et l’efficacité de ces services de santé au travail, cette réforme dilue la spécialisation de la santé au travail. Nous sommes donc inquiets quant aux conséquences qu’elle peut avoir.
Avec le système actuel, très spécifique, différents scandales ont pu éclater. Je pense à l’amiante ou aux suicides de salariés au travail. Si, demain, la spécificité de la médecine du travail est fragilisée, on peut redouter une explosion du nombre de cas dans les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Sur l’initiative du groupe CRC-SPG, le Sénat a judicieusement inscrit le principe d’une formation à destination des salariés désignés au sein de l’entreprise pour prendre en charge des activités de protection et de prévention des risques professionnels.
De son côté, le présent amendement tend à prévoir une formation spécifique obligatoire pour « les personnels concourant aux services de santé au travail ». La formulation est peu précise : le médecin du travail doit-il se former en médecine du travail ? L’intervenant en prévention des risques qui, puis-je le rappeler, est agréé en tant que tel, doit-il se former pour faire son travail ? Tous ces spécialistes ont, naturellement, une formation adaptée à leur métier.
En outre, tout employeur est déjà soumis à diverses obligations en termes de formation professionnelle. J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4622-10. - Outre la réalisation des missions qui leur sont confiées par l’article L. 4622-2 du même code, les services de santé au travail ont en charge la protection et de la promotion de la santé et de la sécurité au travail et, en lien avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, l’amélioration des conditions de travail. Ils peuvent également mettre en œuvre les orientations spécifiques contenues dans un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre le service, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, si des risques particuliers inhérents à l’activité professionnelle ou à l’entreprise existent. Ces contrats sont soumis pour avis aux organisations d’employeurs et organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je vous l’ai dit tout à l’heure, nous sommes opposés à la notion de priorité dans les missions des services de santé au travail tel que l’établit cet alinéa 12, que nous voulons donc rédiger différemment.
En effet, la santé au travail est une problématique qui doit être abordée de manière globale, et non sous l’angle d’axes qui seront sélectionnés par le président du service de santé au travail. Ce dernier sera toujours un employeur et aura une voix prépondérante. De telles dispositions reviennent, au final, à diminuer le rôle que les services de santé peuvent jouer dans le dépistage, la prévention et le soin des autres maladies qui ne seraient pas, elles, jugées prioritaires ou que le président du SST n’aurait pas envie de voir aborder.
Nous estimons qu’il n’y a pas de priorité à déterminer, si ce n’est la réalisation globale des missions de santé au travail telles qu’elles sont déterminées dans le code du travail.
En outre, l’alinéa 12 introduit la notion d’adaptation aux réalités locales, mais seulement pour réduire les missions attribuées à ces services.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, d’adopter un nouvel alinéa qui prend en compte des risques particuliers inhérents à certaines activités professionnelles. Nous reprenons l’idée d’un contrat pluriannuel d‘objectifs et de moyens mais sans établir une quelconque priorité.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
et en fonction des réalités locales
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Les missions des services de santé au travail constituent pour tous les SST une priorité en soi. Elles doivent donc faire l’objet d’une pleine application sur l’ensemble du territoire. Il ne saurait être question de les adapter en fonction de moyens différenciés et, éventuellement, insuffisants.
La mise en place de priorités n’est souvent qu’une gestion de la pénurie organisée, comme nous le voyons dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Ici, c’est de la démographie médicale et des moyens du SST qu’il est question. Mais la problématique à l’égard de nos concitoyens est la même : diminution des moyens pour tout ce qui concerne les services publics et la protection sociale.
De plus, il ne doit pas être potentiellement porté atteinte à l’égalité entre les travailleurs sur l’ensemble du territoire.
Nous refusons que les réalités locales puissent être utilisées dans un sens autre que la justification de moyens supplémentaires, adaptés à des situations de risques d’une particulière gravité.
Les missions des services de santé au travail ne sauraient être précisées au gré de circonstances locales, par définition variables et évoluant dans le temps.
La jonction dans le même alinéa des contrats d’objectifs et de moyens avec les réalités locales, forcément diverses, est un symbole très inquiétant pour l’avenir de la médecine du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’amendement n° 8 tend à réécrire l’alinéa 12 de l’article 1er. Sa première phrase est redondante avec la définition des missions générales des services de santé au travail, puisqu’elle répète, par exemple, que l’une de leurs missions est l’amélioration des conditions de travail, ce qui est déjà écrit à l’alinéa 5.
Il me semble que la rédaction adoptée par notre commission est plus claire. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 35, déjà présenté en première lecture et rejeté par le Sénat, tend à supprimer l’adaptation « en fonction des réalités locales » des priorités des services de santé au travail. Aller dans ce sens serait dommageable pour la qualité et l’efficacité de la prévention des risques. Pourquoi refuser de mettre l’accent dans le Nord-Cotentin, par exemple, sur les risques inhérents à l’industrie nucléaire et ayant un impact sur la santé et la sécurité au travail ? On ne peut pas dire que tous les bassins d’emploi sont uniformes ! L’adaptation aux réalités locales permet d’améliorer la prise en charge des salariés.
L’avis est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable. Sans prise en compte des réalités locales, comment pourra-t-on apporter aux saisonniers des Hautes-Alpes, par exemple, une prévention spécifique ? C'est la raison pour laquelle il faut se donner cette souplesse. On garde bien un cadre national et une ambition nationale, mais en se réservant la capacité de coller, le cas échéant, au terrain.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.
Mme Annie David. Certes, il faut savoir coller au terrain ! Certes, il faut savoir coller aux réalités du monde du travail dans le secteur où se trouvent ces services de santé au travail !
Mais je pense qu’il faut laisser faire les équipes pluridisciplinaires, les médecins du travail, celles et ceux qui, dans ces services de santé au travail, connaissent le mieux la réalité du terrain. En maintenant dans le texte ces quelques mots « en fonction des réalités locales », vous allez empêcher les uns et les autres d’œuvrer sur l’ensemble des réalités locales. En fait, vous obtiendrez l’inverse de ce que vous recherchez ! Vous allez canaliser encore un peu plus les actions des SST. Et qui va définir les priorités, monsieur le ministre ?
Pour une fois, c’est vous qui voulez tout préciser dans la loi. Or, en l’occurrence, je pense que ces précisions ne seront pas positives pour les équipes pluridisciplinaires. Bien au contraire, celles-ci auront moins de latitude pour choisir les dossiers sur lesquels elles doivent intervenir en priorité.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Chaque année, les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national sont invitées par l'agence régionale de santé à se prononcer sur l'adéquation entre les moyens prévus aux contrats mentionnés à l'alinéa précédent et les missions que doivent réaliser les services de santé au travail. » ;
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement, que nous avons déjà proposé en première lecture, prévoit que, chaque année, les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national sont invitées par l’Agence régionale de santé, l’ARS, à se prononcer sur l’adéquation entre les moyens prévus aux contrats mentionnés dans le présent article. Il s’agit de contrats d’objectifs et de moyens conclus avec l’État et les organismes de sécurité sociale concernés, après avis des organisations syndicales et patronales et des Agences régionales de santé précisant les missions que doivent réaliser les services de santé au travail.
Par cet amendement, nous entendons renforcer le rôle des partenaires sociaux en les dotant d’un outil supplémentaire pour mettre en garde les acteurs de la santé au travail contre l’inadéquation ou l’insuffisance des moyens mis à disposition pour atteindre les objectifs fixés dans ces contrats. Cette question est centrale. Tous les professionnels que nous avons rencontrés nous le répètent : la médecine du travail manque de moyens. Cette insuffisance revêt des formes variées, à commencer par la pénurie de professionnels ou de formations spécifiques complémentaires.
C’est une telle situation que nous voulons prévenir par cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement me paraît satisfait. Je rappelle que les services de santé seront dorénavant administrés par un conseil d’administration composé à parité de représentants des salariés et des employeurs. Par ailleurs, le contrat d’objectifs et de moyens est bien conclu après avis des organisations représentatives.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il est satisfait dans son esprit.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Je suis un peu surprise de la réponse qui m’est faite. Les représentants des salariés seront-ils forcément issus d’organisations syndicales représentatives au niveau national ?
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 26 et 27
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 28
Supprimer les mots :
À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités,
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le texte proposé pour l’article L. 4644-1, qui figure aux alinéas 26 à 30, débute ainsi : « L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ».
Il indique également que ces salariés suivront une formation à leur demande si les compétences internes à l’entreprise sont insuffisantes.
Qui évaluera si les compétences sont suffisantes ou non ? La question demeure posée. Apparemment, l’employeur et lui seul. Il ne fera, en effet, appel à des intervenants extérieurs qu’après avis du CHSCT ou des délégués du personnel. Que se passe-t-il en cas de carence ?
Le fait que la santé et la sécurité des salariés soient de la responsabilité de l’employeur n’implique pas que les personnels ne puissent pas demander une intervention extérieure s’ils sont convaincus qu’un danger existe.
Par ailleurs, comment sont évalués les moyens dont disposeront ces équipes de prévention dans les entreprises et leur degré d’autonomie par rapport à l’employeur ?
II est évident qu’en pratique deux questions demeurent. D’abord, de quel budget les actions de protection et de prévention disposeront-elles ? Ensuite, de quelle manière sera-t-il tenu compte des observations et des demandes de ces « préventeurs maison » ?
Quel sera leur degré d’autonomie, notamment si les propositions impliquent des dépenses ?
À quel point leur responsabilité sera-t-elle engagée en cas d’accident, alors même qu’ils sont eux-mêmes salariés, et donc sous l’autorité de l’employeur ?
À toutes ces questions, nous n’obtenons aucune réponse.
On nous objecte que ces alinéas ne sont que la transposition de l’article 7 de la directive du 12 juin 1989.
Est-ce à dire que toute directive européenne est un texte sacré ? Faut-il comprendre que le législateur, qu’il soit français ou de tout autre État européen, doit se soumettre, même s’il voit immédiatement les dangers du texte, même s’il voit clairement les lobbies qui sont à l’origine de la directive ? Nous ne devons pas oublier que nous sommes les garants de l’intérêt général et, en l’espèce, de la santé et de la sécurité des travailleurs. C’est pour nous un intérêt supérieur à tous les intérêts financiers !
On le voit bien, le système de protection français se trouve de ce fait tiré vers le bas. Nous devrions nous opposer à ce que l’Europe remette en cause les acquis des luttes sociales menées par les travailleurs de notre pays.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 26 et 27
Supprimer ces alinéas.
II. – En conséquence, alinéa 28
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 4644-1. - I. – L’employeur fait appel, après avis du comité…
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’objet de cet amendement est très simple. Il s’agit de supprimer la possibilité pour les employeurs de désigner un ou plusieurs salariés supposés compétents et chargés de « s’occuper » – ce terme semble particulièrement inapproprié – « des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise ».
Pour toutes les raisons que nous avons déjà développées au cours de la navette parlementaire, nous considérons que la désignation organisée aux alinéas 26 et 27 remet profondément en cause le rôle des CHSCT et des représentants du personnel.
Nous proposons donc que l’employeur fasse obligatoirement appel, après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, en son absence, des délégués du personnel, aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 26 et 27
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4644-1. I. – Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail s'occupe des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'entreprise. À défaut, un ou plusieurs délégués du personnel sont chargés de cette activité et, en absence de ces derniers, un délégué de site est mis en place selon des modalités définies par décret en Conseil d'État.
« Les personnes mentionnées à l'alinéa précédent peuvent saisir à tout moment les médecins du travail ou le service de médecine du travail.
« Un ou plusieurs salariés du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les délégués du personnel, les délégués de site chargés du suivi des questions de santé au travail doivent recevoir une formation en matière de santé au travail dans les conditions prévues aux articles L. 4614-14 à L. 4614-16.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement tend à réécrire les alinéas 26 et 27, qui prévoient de laisser à l’employeur le soin de désigner un ou plusieurs salariés. Nous proposons au contraire de renforcer les missions confiées aux CHSCT et d’organiser leur substitution dans les entreprises qui n’en sont pas dotées.
Ce faisant, nous entendons réaffirmer le rôle central et crucial des CHSCT, dont l’existence est sans cesse menacée par le MEDEF. La proposition de loi vide cet organe de son contenu en prévoyant la nomination par le chef d’entreprise d’un salarié chargé de la protection et de la prévention des risques professionnels. Monsieur le ministre, que se passera-t-il quand le salarié nommé par le chef d’entreprise émettra un avis contraire à celui du CHSCT ? Comment le différend sera-t-il réglé ?
Par conséquent, il nous semble souhaitable que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail s’occupe des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise. À défaut, un ou plusieurs délégués du personnel devront être chargés de cette activité et, en l’absence de ces derniers, un délégué de site sera mis en place selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.
Le Gouvernement a déjà émis un avis défavorable sur un amendement ayant le même objet, au prétexte qu’il constituait une remise en cause du pouvoir de direction du chef d’entreprise. Nous ne pouvons accepter un tel argument. En effet, je rappelle que l’employeur dispose de trois pouvoirs sur ses salariés : un pouvoir de direction qui s’exprime par le lien de subordination, un pouvoir réglementaire concernant la vie de l’entreprise et un pouvoir disciplinaire.
En quoi le fait de décider que la protection et la prévention des risques professionnels au sein de l’entreprise relèvent de la compétence du CHSCT et non de celle des salariés nommés par le patron remet-il en cause le pouvoir de direction de ce dernier ?
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour ces salariés, le licenciement ou la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail dans les conditions prévues à l’article L. 2421-3.
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement s’inscrit dans la suite logique de l'amendement n° 36. Les salariés des équipes de prévention et de protection des risques professionnels, s’ils veulent remplir leurs missions, devront formuler des propositions pour améliorer la protection des salariés. Certaines d’entre elles induiront un coût financier, une réorganisation, voire, dans des cas extrêmes, un arrêt d’activité de telle ou telle équipe. Quelle sera alors la réaction de l’employeur ?
Nous pouvons craindre que ces salariés ne soient victimes de harcèlement, de sanctions, menacés de mutation ou de licenciement pour faute sous un prétexte quelconque. Ce n’est pas là affaire d’imagination : c’est bien plutôt le fruit de l’expérience, y compris de médecins du travail dans des services de la santé au travail d’entreprise. Nous proposons donc que, puisqu’ils traitent des mêmes questions, ces salariés désignés bénéficient de la protection prévue pour les membres du CHSCT à l’article L. 2421-3 du code du travail, qui dispose que le licenciement d’un membre du CHSCT est soumis au comité d’entreprise et, à défaut, pour autorisation à l’inspecteur du travail.
M. le président. Les amendements nos 12 et 39 sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 39 est présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 27
Supprimer les mots :
, à leur demande,
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 12.
Mme Annie David. Lors de l’examen de la proposition de loi en première lecture, le Sénat a adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement prévoyant que le salarié désigné par l’employeur pour s’occuper de la prévention des risques bénéficie, à sa demande, d’une formation. Même si cette possibilité est déjà prévue par le code du travail pour les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, comme l’a fait remarquer Mme le rapporteur, « cet ajout peut être utile, car il concerne les salariés désignés par l’employeur ».
Cette mesure constitue pour nous une importante avancée dans la reconnaissance de l’importance de la formation en matière de santé au travail. Les médecins du travail consacrent un tiers de leur temps d’activité à la formation. Comme nous le rappelions en première lecture, au regard de l’apparition de nouvelles formes de troubles musculo-squelettiques et de l’émergence rapide de troubles psychosociaux très divers, il est impératif de mettre en place une véritable formation dans ce domaine. La complexité et la diversité des problèmes inhérents à la protection et à la prévention des risques professionnels de l’entreprise nous conduisent à proposer une rédaction plus contraignante de l’alinéa 27.
C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, qui tend à prévoir que la formation est obligatoire et n’est pas soumise à la demande du salarié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 39.
M. Jean-Pierre Godefroy. La rédaction de l’alinéa 27 ne fait que confirmer notre profonde réticence à l’égard de cette disposition qui prévoit que l’employeur désigne les salariés en charge des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
De deux choses l’une : ou ces salariés sont les « préventeurs » compétents et confirmés que l’on nous décrit ou il convient de leur assurer une formation pour qu’ils le deviennent.
Il s’agit donc d’un amendement de précaution qui vise à supprimer la mention selon laquelle la formation serait accessible aux salariés désignés « à leur demande ». D’une part, il n’est pas certain qu’ils en fassent spontanément la demande ; d’autre part, il se peut qu’ils en soient dissuadés.
Nous proposons donc d’inverser le dispositif : la formation est systématique, sauf si la compétence du salarié désigné est avérée.
Au demeurant, étant donné les modifications qui interviennent régulièrement dans les processus de production, il est indispensable que les connaissances soient actualisées. Cela exige des actions de formation, qui doivent alors être obligatoires et non pas laissées à la discrétion des salariés désignés, et ce dans l’intérêt de tous les salariés de l’entreprise, mais aussi de leurs responsables.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 27
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces derniers ne peuvent pas être licenciés sans autorisation préalable de l'inspection du travail, durant la période d'accomplissement des missions visées à l'alinéa précédent, et durant une période de douze mois suivant la fin de celle-ci.
« L'employeur qui décide d'opter pour la nomination d'un ou plusieurs salariés pour s'occuper des activités de protection et de prévention est tenu d'opérer ce choix parmi les salariés recrutés par son entreprise en contrat à durée indéterminé et dont la période d'essai et de renouvellement est expirée.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Il s’agit d’un amendement de repli qui tend à instaurer un garde-fou au dispositif prévu à l’article 1er. Il vise à protéger les salariés en charge des missions de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise. En effet, ces salariés peuvent être amenés à formuler des observations, à proposer des modifications ou à demander l’intervention d’acteurs extérieurs à l’entreprise, notamment l’inspection du travail ; autant de décisions qui peuvent entrer en contradiction avec les intérêts de la direction de l’entreprise.
Afin qu’ils ne puissent être intimidés ou sanctionnés, nous proposons que ces salariés ne puissent être licenciés sans autorisation préalable de l’inspection du travail durant la période d’accomplissement desdites missions et durant une période de douze mois suivant la fin de celles-ci.
De plus, nous demandons que l’employeur qui décide d’opter pour la nomination d’un ou plusieurs salariés pour s’occuper des activités de protection et de prévention soit tenu d’opérer ce choix parmi les salariés recrutés par son entreprise en contrat à durée indéterminé et dont la période d’essai et de renouvellement est expirée.
Mes chers collègues, vous ne pouvez ignorer les risques qui sont attachés à ces missions nouvelles des salariés. En protégeant les salariés, nous renforçons l’effectivité des missions prévues à l’article 1er. Par conséquent, vous avez toutes les raisons de voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer les mots :
les compétences
par les mots :
des qualifications reconnues par des titres ou des diplômes
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Le terme « compétences » pour qualifier les intervenants en prévention des risques professionnels est beaucoup trop flou. Il ne s’agit pas d’entrer dans la logique du soupçon, mais il faut veiller à ce que le texte que nous votons soit applicable de manière efficace.
La profession de « préventeur », qui se développe actuellement, particulièrement dans de grandes entreprises, recouvre des compétences très diverses. Il convient donc de préciser, au regard des activités de l’entreprise et des risques professionnels encourus par les travailleurs, quelles sont exactement les compétences des personnes auxquelles il est fait appel et de veiller à ce que celles-ci soient suffisantes et adaptées aux situations.
Le moyen le plus simple d’y parvenir est d’exiger des qualifications reconnues par des titres ou des diplômes. Cela permettra aussi aux intervenants de disposer d’une crédibilité suffisante auprès de l’employeur et de l’ensemble des services extérieurs : médecine du travail, inspection du travail et autres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces huit amendements en discussion commune.
L'amendement n° 36 tend à supprimer la désignation par l’employeur d’un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques. Or la commission a estimé que cette disposition nouvelle pouvait utilement compléter la prise en compte des préoccupations liées à la santé et à la sécurité des salariés.
Contrairement à ce qui est écrit dans l’objet de l'amendement n° 11, la proposition de loi ne remet pas du tout en cause les missions ou le rôle des CHSCT, qui sont définis dans d’autres articles du code du travail et que cette proposition de loi ne modifie aucunement.
L'amendement n° 10 tend à supprimer une disposition innovante du texte, la désignation par l’employeur d’un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise. Il s’agit pourtant d’un complément intéressant aux activités de la médecine du travail et qui est directement en lien avec la responsabilité de l’employeur. Or on ne peut confondre cette responsabilité avec les actions des CHSCT, lesquels sont des organes élus par les salariés. C’est ce qu’ont tendance à faire les auteurs de cet amendement.
L'amendement n° 38 tend à soumettre à l’autorisation de l’inspecteur du travail le licenciement ou la rupture conventionnelle d’un salarié désigné par l’employeur pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels. Cette mesure n’est pas à même d’inciter l’employeur à recourir aux compétences internes à l’entreprise, ce qui est dommage en termes de dynamique et de ressources humaines.
Sur les amendements identiques nos 12 et 39, je répondrai qu’il semble préférable de conserver une certaine souplesse dans la loi ; en tout état de cause, le devoir de formation est général pour l’employeur.
L'amendement n° 13 prévoit que les salariés désignés par l’employeur pour s’occuper de la prévention des risques professionnels ont une protection identique à celle des délégués du personnel en cas de licenciement. Cela ne peut que décourager les employeurs et empêcher le développement d’une relation de confiance sur la prévention des risques. Peu d’employeurs utiliseront cette procédure si l’amendement est adopté : ils feront appel à des organismes extérieurs, alors qu’il est sûrement plus pertinent d’engager une dynamique au sein de l’entreprise elle-même.
Enfin, selon les auteurs de l'amendement n° 37, les seules compétences possibles sont celles qui sont reconnues par un titre ou un diplôme. Si leur possession est en effet un élément d’évaluation d’une qualification, il serait réducteur de s’en tenir à ce seul critère ; cela pourrait même priver l’entreprise des expériences acquises en son sein, ce qui ne serait pas un signal positif adressé aux salariés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Il s’agit, avec ce texte, de procéder à la transposition littérale d'une directive européenne, qui ne peut être ni restrictive ni extensive. Par conséquent, tous les amendements qui visent à s'écarter de ce principe ne peuvent recueillir notre approbation.
Par ailleurs, un problème de fond se pose. L'employeur est responsable, y compris pénalement, de la santé au travail de ses salariés. Si une personne qu’il a désignée émet un avis contraire au sien, c'est sa responsabilité en tant qu’employeur qui sera engagée.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je souhaite revenir sur les explications qui nous ont été apportées à la fois par la commission et par le Gouvernement.
Madame le rapporteur, vous avez raison, dans l'objet de l’amendement n° 11, il est précisé que « la désignation par l’employeur d’un ou plusieurs salariés pour s’occuper des actions de prévention et de protection remet en cause le rôle des CHSCT ». Cela ne figure pas dans le texte de l'amendement car il est évident que le Gouvernement ne pouvait s'attaquer au code du travail pour remettre en cause le CHSCT : les partenaires sociaux n'auraient jamais accepté de discuter de ce texte dans ces conditions. Il n’en reste pas moins que la mesure que prévoit cette proposition de loi constitue bel et bien une atteinte au CHSCT et à ses missions, puisqu’elle offre à l'employeur la possibilité de nommer discrétionnairement des salariés pour qu'ils s'occupent des problèmes de santé au sein de l'entreprise.
Selon vous, les protections que nous demandons par le biais de ces différents amendements décourageraient les employeurs de nommer des salariés responsables de la sécurité de la santé au travail. Mais c’est une forme d’aveu, madame le rapporteur ! Cela signifie en creux que les employeurs veulent absolument choisir les salariés en charge de ces actions de prévention et de protection, afin que ceux-ci répondent à leurs desiderata au lieu de s’attacher à résoudre les problèmes posés par la santé des travailleurs au sein de l'entreprise. Si ces salariés étaient protégés, les employeurs n’auraient plus aucune prise sur eux.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous nous expliquez qu’il faut laisser un peu de souplesse. Mais, tout à l'heure, alors que nous proposions d’introduire plus de souplesse concernant les priorités, vous nous avez au contraire objecté qu’il fallait être plus précis, afin de prendre en compte les problématiques locales du bassin de vie où intervient tel service de santé au travail.
Tout à l'heure, si nous demandions plus de souplesse, c’était pour permettre aux services de santé au travail d’avoir les mains un peu plus libres pour intervenir sur l’ensemble des secteurs qu’ils jugeaient utiles. Si, maintenant, nous plaidons pour moins de souplesse, en effet, c’est parce que nous ne voulons pas que les salariés désignés pour s’occuper de la prévention des risques professionnels aient en permanence une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Vous nous dites par ailleurs qu’il s’agit, avec ces dispositions, de la transposition littérale d’une directive. Mais, vous savez fort bien, monsieur le ministre, que chaque pays peut transposer les directives en fonction de sa propre législation. Certes, cette directive dispose que les employeurs peuvent nommer des salariés pour s’occuper de la santé des travailleurs, mais elle ne dit pas de quelle façon nous devons organiser cela dans notre code du travail. Nous avons donc tout à fait la possibilité d’apporter ces précisions.
Pour toutes ces raisons, nous maintiendrons l’ensemble des amendements que nous avons déposés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je partage l’essentiel des propos de notre collègue Annie David, mais je tiens à revenir sur deux points.
Selon Mme le rapporteur, le fait d’accorder une protection aux salariés désignés comme « préventeurs » dissuaderait les responsables de l’entreprise de les choisir. Mais si tel est le cas, j’ai de quoi être inquiet, car cela signifie que l’on veut garder un moyen de pression sur les salariés ainsi désignés !
Mme Annie David. Exactement !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour ma part, je ne vois pas d’inconvénient à ce que l’on nomme des « préventeurs » en matière de santé au travail, bien au contraire ! Mais le meilleur moyen de rendre ce dispositif efficace est de leur accorder une certaine indépendance, de façon qu’ils puissent au moins s’exprimer librement sans risquer de perdre leur emploi.
Or vous leur refusez précisément cette protection au prétexte que les employeurs ne désigneront plus les personnes en question. C’est bien l’aveu qu’on veut donner aux employeurs la possibilité de désigner des personnes sur lesquelles ils seront en mesure de faire pression !
Par ailleurs, j’aimerais demander à M. le ministre une précision : quelle sera la responsabilité juridique des « préventeurs » nommés par l’employeur s’il advient un problème et qu’il leur est alors reproché de ne pas avoir signalé l’existence du risque à l’origine de ce problème ? Revient-il au responsable de l’entreprise, patron ou directeur, de couvrir ces « préventeurs » ou ces derniers encourront-ils des poursuites ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Je veux bien vous croire, monsieur le ministre, mais j’aimerais en avoir la certitude, car il s’agit d’un point extrêmement important, et la rédaction proposée n’est pas très claire. Mieux vaudrait qu’il n’y ait aucune ambiguïté en la matière. Il importe que ces « préventeurs » soient dégagés de toute responsabilité en cas d’accident grave. Je connais, dans ma région, des entreprises où se produisent des accidents du travail à répétition !
Monsieur le ministre, pouvez-vous me donner des assurances en la matière ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Godefroy, la jurisprudence est claire : la responsabilité de l’employeur implique une obligation de résultat. Le pouvoir de direction du chef d’entreprise ne se découpe pas, ne se partage pas, ne se délègue pas.
Tels sont les éléments que je puis vous apporter en tant que ministre, monsieur Godefroy. Bien sûr, le directeur général du travail, qui est présent, pourrait être encore plus précis, mais il n’a pas le droit de prendre la parole… (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je voterai contre ces différents amendements, mais je tiens surtout à souligner que je regrette la suspicion dont font preuve, depuis le début de cette discussion, certains de nos collègues à l’égard des chefs d’entreprise.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Isabelle Debré. Réfléchissez : quel est l’intérêt des chefs d’entreprise ?
Mme Annie David. De gagner de l’argent !
Mme Isabelle Debré. Leur intérêt, c’est que leurs salariés soient heureux dans leur travail, qu’ils soient en bonne santé (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est un monde enchanté que vous décrivez là ! On voit le contraire tous les jours !
Mme Annie David. On ne vit pas chez les Bisounours !
Mme Isabelle Debré. … ne serait-ce, si l’on tient à leur prêter un comportement très calculateur, que dans un objectif de productivité et de rentabilité !
Je ne comprends donc pas cette suspicion à l’égard des chefs d’entreprise, et je tenais vraiment à dire que je la regrette. (M. André Reichardt applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 39.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Compléter cet alinéa par les mots :
et intervenant exclusivement dans ce domaine
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a pour objet de parer à une évolution qui est préjudiciable au professionnalisme des organismes de prévention des risques.
Un mouvement de concentration et de rachat d’entreprises est en marche dans le secteur des organismes spécialisés dans la sécurité au travail. Il s’agit d’opérations de concentration dans les services aux entreprises, ayant pour objectifs la réalisation d’économies d’échelle et l’amélioration de la compétitivité. Pourquoi pas ? Mais il en résulte que ces organismes privés comportent différentes branches offrant divers services et que le secteur de la prévention des risques n’est plus qu’un centre de profits parmi d’autres.
Aussi, lorsqu’une entreprise fait appel aux services d’un tel organisme à titre de consultant, ce peut être dans des domaines très différents en même temps. On est alors en droit de s’interroger : n’y a-t-il pas un risque sérieux que les préconisations en matière de prévention et de protection des salariés d’une entreprise soient minorées, afin de préserver les autres marchés de consulting, des marchés souvent plus gratifiants et plus rémunérateurs ?
Nous devons prémunir les salariés contre cette dérive. C’est pour cette raison que nous proposons qu’il ne soit possible de recourir qu’à des entreprises intervenant uniquement dans la prévention des risques au travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement a déjà été présenté en première lecture et rejeté par le Sénat. Il prévoit que les intervenants extérieurs compétents en matière de prévention des risques professionnels auxquels peut faire appel un employeur devraient être des personnes « intervenant exclusivement dans ce domaine ».
Est-ce à dire qu’une personne habilitée, mais occupant 10 % de son temps à faire autre chose que de la prévention des risques, est moins compétente ? Ce qui est important, c’est la qualité de la procédure de reconnaissance de la qualification, et non pas une pratique « exclusive ».
En outre, qui contrôlera que l’intervenant intervient exclusivement dans ce domaine ?
La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. J’entends les arguments de Mme le rapporteur, mais il est tout à fait possible qu’une société ait à réaliser, pour la même entreprise, une étude de productivité et une étude sur la santé des travailleurs. Je ne prétends pas qu’il soit impossible de combiner les deux, mais elles peuvent aussi être antinomiques.
Dès lors, on ne peut que s’inquiéter : l’étude de productivité risque d’être privilégiée au détriment de l’étude portant sur les risques professionnels. Cela vaut pour toute grande entreprise.
Il faudrait, pour le moins, prévoir que, en cas de contrat passé avec une société réalisant des études de productivité ou, par exemple, de réorganisation technique des chaînes de production, cette société ne puisse pas simultanément être sollicitée pour mener une étude sur la prévention des risques.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Je comprends la préoccupation de notre collègue Jean-Pierre Godefroy. Il reste que la précision qu’il veut apporter vise non pas des sociétés comme celles qu’il a évoquées, mais les personnes dont il est question à l’alinéa 28. Son amendement ne répond donc pas à sa préoccupation.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 51 rectifié est présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 34
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 14.
Mme Annie David. Comme le rappelait notre collègue députée Martine Billard lors des débats à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a pris l’habitude de prévoir des dispositions législatives pour casser les accords signés entre les partenaires sociaux, et cela, bien sûr, en vue d’un alignement par le bas.
L’alinéa 34, que nous vous proposons de supprimer, prévoit ainsi que « les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques ». Cette disposition ne se justifie pas.
Comme vous le savez, les partenaires sociaux peuvent toujours renégocier un accord. Or le jeu de la hiérarchie des normes veut que, à partir du moment où la loi est modifiée, les accords ne puissent ignorer les nouvelles dispositions légales. Cependant, rien n’empêche de maintenir la partie des accords qui est plus favorable que la loi. C’est le principe même de notre droit du travail.
Par ailleurs, je profite de cette occasion pour répondre à notre collègue Isabelle Debré, qui nous a accusés, il y a un instant, de suspicion à l’égard des chefs d’entreprise.
Mme Isabelle Debré. Je n’ai pas porté d’accusations, ce n’est pas ma manière de faire : j’ai formulé des regrets !
Mme Annie David. Soit !
Quoi qu'il en soit, qu’elle me permette de lui répondre en évoquant la suspicion que les membres de la majorité nourrissent, par exemple, à l’égard des demandeurs d’emploi : ils les soupçonnent sans cesse d’être des fraudeurs ou de ne pas vouloir trouver de travail.
Mme Isabelle Debré. Je n’ai jamais dit cela !
M. Jean-Pierre Fourcade. Quel rapport ?
Mme Annie David. Et que dire de la suspicion que vous avez à l’égard des familles de demandeurs d’asile,…
Mme Isabelle Debré. Cela n’a rien à voir avec le texte !
Mme Annie David. … dont les motivations réelles seraient tout autres que ce qu’ils prétendent et que nous ne saurions donc accueillir chez nous ?
Mme Isabelle Debré. Je ne parle pas comme cela !
Mme Annie David. Eh bien oui, j’éprouve quelque suspicion à l’égard de certains employeurs…
Mme Isabelle Debré. Voilà !
Mme Annie David. …quand je vois autour de moi beaucoup de femmes et d’hommes souffrir de maladies professionnelles parce que leurs employeurs ont pris soin, non pas de la santé de leurs salariés, mais de leur propre portefeuille ! (M. André Reichardt s’exclame.)
Oui, je l’avoue, j’éprouve un peu de suspicion à leur égard !
Mme Isabelle Debré. Voilà qui est clair maintenant !
Mme Annie David. Et je ne la regrette pas : bien au contraire, je la revendique !
Mme Isabelle Debré. Eh bien, moi, je regrette cette suspicion !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 51 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise également à supprimer l’alinéa 34, par lequel vous remettez en cause les accords collectifs dérogatoires, en rendant caducs ceux qui comporteront des obligations en matière d’examens médicaux différentes de celles qui sont prévues par la loi.
Il s’agit là d’une véritable régression pour la santé des salariés, puisque seront notamment concernés les accords plus favorables que la loi. Je pense que c’est inacceptable.
Alors que vous voulez reculer l’âge de la retraite, il serait raisonnable que la médecine du travail joue son rôle pour que le salarié puisse partir à la retraite en bonne santé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’alinéa 34, que tendent à supprimer ces deux amendements identiques, est une mesure transitoire permettant de mettre à jour les obligations en matière d’examens médicaux réalisés par les médecins du travail.
Il est en effet logique de remettre à plat, à l’occasion de la réforme en cours, ces dispositions diverses pour les rendre plus opérationnelles et efficaces. Peut-être serait-il d’ailleurs utile de prévoir une fréquence plus rapide pour certaines professions que les deux ans prévus aujourd’hui dans le code du travail ?
Cette période de nécessaire évaluation justifie cet alinéa et la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais à mon tour, m’immisçant en quelque sorte dans le dialogue impromptu qui vient de se nouer entre nos collègues Annie David et Isabelle Debré, répondre brièvement à celle-ci.
Ce que vous avez dit tout à l'heure à propos des employeurs, ma chère collègue, relève un peu de la Bibliothèque rose. Nous souhaiterions tous que les choses se passent comme vous le dites, mais ce n’est pas le cas !
Je vous rappelle que, dans ma région, sur un chantier de très important pour la production d’énergie dans notre pays, l’Autorité de sûreté nucléaire et l’inspection du travail ont tout récemment constaté de graves accidents du travail dissimulés !
Mme Annie David. Voilà la vraie vie !
M. Jean-Pierre Godefroy. L’entreprise principale a été amenée à renvoyer de façon expéditive dans leurs pays un certain nombre de salariés étrangers, car les conditions de sécurité et même les obligations du code du travail n’étaient pas remplies !
Bien évidemment, personne ici ne considère que tous les patrons, tous les responsables d’entreprise se soucient des risques professionnels ou de la santé de leurs salariés comme d’une guigne. Là n’est pas notre propos. En revanche, tout n’est pas rose !
Pour en revenir à l’exemple que j’ai pris, sur le chantier en question, deux personnes sont mortes à la suite d’un accident du travail en l’espace de trois mois !
Par conséquent, il est impossible de ne pas prendre en compte ces problèmes,...
M. André Reichardt. Mais pourquoi stigmatiser systématiquement ?
M. Jean-Pierre Godefroy. ... d’autant qu’ils en entraînent d’autres pour les familles de ces accidentés du travail. Or nos amendements visaient précisément à tenter d’éviter ces problèmes-là !
Mme Annie David. Exactement !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous n’avons pas une discussion littéraire ! Nous sommes à un moment important de l’examen d’un texte relatif à l’organisation de la médecine du travail, à la sécurité et à la santé au travail des salariés.
Permettez-moi néanmoins de vous dire que, selon moi, entre la Bibliothèque rose et Dickens ou Zola, il reste quand même de la place pour le dialogue social dans ce pays ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Dans le cas précis, c’était bien du Zola, monsieur le ministre !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 51 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4624-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624-3. – I. – Lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver.
« L’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
« II. – Lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur d’une question relevant des missions qui lui sont dévolues en application de l’article L. 4622-3, il fait connaître ses préconisations par écrit.
« III. – Les propositions et les préconisations du médecin du travail et la réponse de l’employeur, prévues aux I et II, sont tenues, à leur demande, à la disposition du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l’article L. 4643-1. »
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Cet article 2 organise le dialogue entre le médecin du travail et l’employeur, lorsque le premier constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs.
En effet, l’article L. 4624-1 du code du travail prévoit que le médecin du travail est habilité à proposer à l’employeur des mesures individuelles, notamment d’adaptation de poste, dès lors que l’activité professionnelle en question peut porter atteinte à la santé du salarié.
Il prévoit également que l’employeur est tenu de prendre en considération ces observations. Cette obligation est toutefois tempérée par la suite du deuxième alinéa de ce même article : bien que tenu de prendre en considération les remarques et propositions formulées par le médecin du travail, l’employeur n’est pas tenu de réaliser les adaptations proposées dès lors qu’il motive son refus.
L’article 2 de cette proposition de loi n’apporte en la matière que peu d’innovations, dans la mesure où il est précisé que les observations du médecin du travail doivent être formulées par écrit, tout comme le refus de l’employeur. Cette exigence de formalisme s’explique sans doute par une volonté de transparence, bien légitime en la matière. Mais celle-ci n’est que partielle puisque ces écrits ne sont pas automatiquement transférés aux CHSCT ou aux inspecteurs du travail, qui sont pourtant des acteurs incontournables s’agissant de la protection de la santé des travailleurs. Le CHSCT joue un rôle particulier dans le domaine de la prévention.
L’inspection du travail joue également un rôle important que l’on ne peut réduire à la phase de sanctions. En effet, si les agents de l’inspection du travail peuvent procéder à des rappels à la loi, ils ont également une mission de conseil importante en matière de prévention. Dans certains cas, les plus graves, dès lors que les travailleurs sont exposés à des dangers graves et imminents, ils peuvent aller jusqu’à saisir le juge des référés pour voir ordonnée toute mesure propre à faire cesser le risque, telle que la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, produits dispositifs ou autres.
Les compétences particulières de ces deux structures, certes différentes, supposent une circulation la plus fluide possible de l’information. Aussi regrettons-nous qu’en vertu de cet article les écrits du médecin du travail et de l’employeur ne soient tenus à disposition que sur demande. Dans une véritable perspective de prévention, il conviendrait, au contraire, d’exiger un transfert automatique.
Par ailleurs, l’alinéa 3 de l’article 2 prévoit, comme c’est déjà le cas, que l’employeur peut ne pas suivre les recommandations du médecin du travail. Or celles-ci reposent sur des compétences médicales et une expertise clinique du salarié. Par conséquent, de par son refus, même exprimé par écrit, l’employeur peut ne pas satisfaire à l’obligation qui lui incombe en vertu de la loi de tout mettre en œuvre pour préserver la santé des salariés.
Par ailleurs, nous regrettons que la loi ne prévoie pas de situations intermédiaires, par exemple la possibilité pour l’employeur de formuler des propositions d’adaptation de postes qui, si elles ne sont pas nécessairement celles qui ont été formulées par le médecin du travail, au moins s’en rapprochent. Cela aurait pourtant permis de tenir compte des exigences de préservation de la santé du salarié et d’éviter que la situation ne se conclue par une déclaration d’inaptitude dont nous connaissons tous les conséquences sociales sur les salariés.
Enfin, nous regrettons que le refus de l’employeur de se conformer aux préconisations du médecin du travail ne puisse pas être opposable à l’employeur dans l’éventualité où le travailleur malade engagerait une action en responsabilité.
Les évolutions intervenues en 2002 à l’occasion de l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation dans l’affaire Sté Everite c/ Gerbaud met en avant l’obligation de sécurité de l’employeur résultant du contrat de travail en matière d’accident ou de maladie professionnelle. Il résulte donc du contrat de travail que l’employeur est tenu à une obligation de résultat au regard de la santé de ses salariés.
Pour autant, bien que, selon la jurisprudence, l’employeur ne puisse pas s’exonérer de sa responsabilité au motif qu’il n’était pas informé du risque, la faute inexcusable de l’employeur ne se présume pas. La charge de la preuve de celle-ci échoit à la victime ou à ses ayants droit.
Nous considérons, pour notre part, que le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin du travail, qui est compétent en la matière, devrait être opposable à l’employeur, c’est-à-dire constituer la preuve du manquement à ses obligations.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le cas échant, il propose, en lien avec le médecin du travail, des solutions alternatives compatibles avec la prévention et la protection des salariés dont il a la responsabilité.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement va évidemment dans le sens de l’intervention que vient de faire ma collègue Isabelle Pasquet.
Il peut arriver que des employeurs soient en désaccord avec les préconisations du médecin du travail. Il peut aussi arriver que l’employeur approuve la nécessité de modifier les conditions de travail des salariés sans pour autant partager l’ensemble des préconisations formulées par le médecin du travail ; cela se produit même régulièrement dans les faits.
Tirant les conséquences de cette situation, nous proposons, par cet amendement, qu’en cas de désaccord entre le médecin du travail et l’employeur ce dernier puisse proposer des solutions autres que celles qui sont préconisées par le médecin, mais permettant toutefois au salarié concerné de bénéficier d’une adaptation de poste. Le salarié qui accepterait cette adaptation aurait naturellement la possibilité de renoncer ou bien d’accepter, et, si cette adaptation ne se révélait ni suffisante ni satisfaisante, de demander une nouvelle expertise du médecin du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement tend à ajouter une phase supplémentaire dans la procédure créée par la proposition de loi pour instaurer un dialogue entre l’employeur et le médecin du travail en cas de risque pour la santé des travailleurs. À ce stade, il ne me semble pas utile de surcharger la procédure.
En outre, la phrase proposée dans l’amendement a une portée normative faible puisqu’elle ne s’applique que « le cas échéant ».
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis étonnée par ces deux avis défavorables car, pour une fois, ce que nous proposons est plutôt favorable à l’employeur ! (Sourires.) En effet nous proposons que, si ce dernier trouve les demandes du médecin un peu trop contraignantes, il puisse en faire d’autres qui le soient moins, pourvu qu’elles prennent en compte la santé du travailleur.
Ainsi, même quand nous proposons des aménagements qui vont dans le sens de l’employeur, nous ne sommes pas entendus ! C’est vraiment à ne plus rien comprendre, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Godefroy. Sauf s’il faut à tout prix voter le texte conforme !
Mme Annie David. Certes !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
sont
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
transmises sans délais à l'inspecteur du travail ou au contrôleur du travail, au médecin inspecteur du travail ou aux agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l'article L. 4643-1 ainsi qu'aux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à défaut aux délégués du personnel.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. À l’occasion de mon intervention sur l’article 2, j’ai regretté que la démarche de transparence dans laquelle vous vous engagiez n’aille pas jusqu’à prévoir une communication automatique des courriers des médecins du travail et de l’employeur à l’inspection du travail et au CHSCT.
Ces courriers sont pourtant très importants dans la mesure où il s’agit de préconisations des médecins dans leurs missions de prévention, du refus de l’employeur de s’y conformer et donc, éventuellement, de la preuve que ce dernier a délibérément fait supporter un risque à ses salariés.
Avec cet amendement, nous proposons de rendre ce transfert automatique, afin que le CHSCT et l’inspection du travail puissent disposer de tous les renseignements utiles à leurs actions, tels que le déclenchement du droit d’alerte ou de retrait.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
sont tenues
supprimer les mots :
, à leur demande,
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Nous proposons que les propositions et préconisations du médecin du travail ainsi que la réponse de l’employeur soient systématiquement tenues à la disposition du CHSCT, des délégués du personnel, de l’inspecteur du travail, du médecin du travail et des agents des services de prévention de la sécurité sociale et des organismes de branche.
Il s’agit d’exiger, non que ces documents soient envoyés, mais qu’ils soient prêts à être transmis immédiatement en cas de demande des services mentionnés.
Cet amendement apporte en outre une clarification rédactionnelle : comment tenir, à la demande d’une instance, des documents à la disposition de celle-ci ? Ils sont tenus à disposition ou ils ne le sont pas ! À moins que cette maladresse rédactionnelle ne réponde à une intention... Devoir tenir des documents à disposition immédiatement et à tout moment empêche toute modification a posteriori, en cas de demande tardive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. La présentation de l’objet de l’amendement n° 16 n’est guère nuancée et ses auteurs ne précisent pas que cet article crée une nouvelle protection pour les salariés, comblant par là même, à la demande des représentants des médecins du travail, un vide juridique.
Évidemment, les CHSCT et les délégués du personnel seront tenus informés de l’échange entre l’employeur et le médecin du travail, ne serait-ce que parce que ce dernier participe aux travaux des CHSCT.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 16.
L’amendement n° 41 apporte une précision rédactionnelle qui n’est pas décisive. En effet, au lieu d’écrire que les propositions du médecin du travail sont tenues, « à leur demande », à la disposition du CHSCT ou, à défaut, à celle d’autres personnes dûment mentionnées, il prévoit que ces propositions sont tenues à leur disposition. Supprimer les mots « à leur demande » n’est pas très utile. De toute façon, le médecin du travail participe aux réunions du CHSCT. Ce lien permettra de faire circuler les informations pertinentes.
La commission est donc également défavorable à l’amendement n° 41.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. – En cas de contentieux lié à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. En l’état actuel de sa rédaction, l’article 2 permet à l’employeur de refuser d’appliquer les recommandations formulées par le médecin du travail sur les améliorations des conditions de travail ou les aménagements de postes qu’il conviendrait d’adopter pour que la santé d’un ou de plusieurs salariés ne soit pas altérée du fait de leur activité professionnelle.
Cette faculté de refus a de quoi surprendre – même si l’on peut se l’expliquer ! –, notamment dans le cas où rien n’est proposé en compensation, surtout si l’on considère que les préconisations du médecin reposent à la fois sur ses compétences particulières et que ses missions lui sont attribuées par décision des services de santé au travail, dont, je le rappelle, le président sera forcément un employeur et aura voix prépondérante.
Notre amendement a donc vocation à faciliter les démarches judiciaires des salariés dans l’hypothèse où ceux-ci seraient contraints d’engager une action en justice pour obtenir réparation d’un préjudice consécutif à une maladie ou un accident professionnel. Il s’agit de rendre opposable à l’employeur son propre refus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Nous retrouvons la notion d’« opposabilité », qui est juridiquement peu définie.
Sur la même question, l’Assemblée nationale a adopté une coordination beaucoup plus décisive à l’article 12 de la proposition de loi. Elle a étendu le champ des infractions aux règles relatives à la médecine du travail prévues à l’article L. 4745-1 du code du travail. Il s’agit d’une avancée concrète qui satisfait à l’objectif des auteurs de l’amendement. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La section 2 du chapitre II du même titre II est complétée par un article L. 4622-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-11. – Le service de santé au travail est administré paritairement par un conseil composé :
« 1° De représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes ;
« 2° De représentants des salariés des entreprises adhérentes, désignés par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« Le président, qui dispose d’une voix prépondérante en cas de partage des voix, est élu parmi les représentants mentionnés au 1°. Il doit être en activité.
« Le trésorier est élu parmi les représentants mentionnés au 2°.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 3 de la présente proposition de loi revêt une grande importance puisqu’il fixe les modalités de la gouvernance des services de santé au travail et qu’il est en grande partie à l’origine du refus des organisations syndicales de signer l’accord national interprofessionnel.
Force est de le constater, en revenant sur l’accord obtenu au Sénat et qui prévoyait une présidence alternée du conseil d’administration des services de santé au travail, vous avez radicalement changé la donne : le paritarisme que nous appelions de nos vœux est aujourd’hui singulièrement rétréci. Certaines organisations syndicales parlent d’ailleurs d’un « paritarisme de façade ».
Certes, on va désormais passer, s’agissant de la composition du conseil d’administration, d’une répartition nettement favorable aux employeurs – deux tiers des sièges pour les représentants du patronat, un tiers pour les représentants des salariés –, à une répartition strictement paritaire, mais on peut légitimement se demander à quoi cette avancée servira en définitive si le président du conseil d’administration, disposant d’une voix prépondérante, doit être toujours un employeur…
Rien ne sert en effet de renforcer la place des salariés dans la gouvernance des services de santé au travail s’il en résulte un usage systématique, par les représentants des employeurs, de leur droit de veto.
Dans la rédaction qui nous en est aujourd’hui soumise, l’article 3 n’est pas très éloigné des souhaits initiaux du MEDEF : que les représentants des salariés soient seulement associés et ne puissent pas voter. Sans doute le pourront-ils, mais la portée de leur vote sera limitée par la faculté donnée aux représentants des employeurs d’avoir le dernier mot : c’est un peu comme si leurs avis devaient être de simples vœux, dont la réalisation dépendrait du bon vouloir des employeurs…
Un tel dispositif ne peut nous satisfaire. Aussi avons-nous déposé plusieurs amendements tendant à rétablir la version de la proposition de loi qui résultait de nos travaux en première lecture.
Une présidence tournante garantirait l’indépendance des médecins du travail et l’adéquation des missions qui leur sont confiées aux besoins réellement constatés sur le terrain. Une alternance pourrait en effet conduire à la remise en cause d’un plan insuffisant ou mal construit.
Je veux enfin répondre, monsieur le ministre, à un argument que j’ai entendu et qui ne me paraît pas fondé. On a prétendu que le principe de l’alternance paritaire à la tête du conseil d’administration des services de santé au travail pourrait être inconstitutionnel. Or, s’il est contraire à la Constitution d’inscrire dans la loi que la présidence du conseil d’administration des services de santé au travail est exercée alternativement par un représentant des employeurs et un représentant des salariés, le schéma inverse, qui réserve la présidence aux seuls employeurs, l’est tout autant !
Pour ces raisons, nous ne pouvons pas voter l’article 3 dans sa forme actuelle, surtout si nous considérons le rôle important joué par le président d’un service de santé au travail dans la définition des priorités de ce service, c’est-à-dire de la politique de santé au travail applicable au sein des entreprises adhérentes. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé, à parts égales :
« 1° De représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes ;
« 2° De représentants des salariés d'entreprises adhérentes désignées par des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l'un parmi les représentants des organisations professionnelles d'employeurs et l'autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l'âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d'une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous avons déjà largement exposé notre position sur la gouvernance des services de santé au travail ; aussi n’entrerai-je pas dans les détails de la rédaction que nous vous proposons d’adopter. Il s’agit de revenir à la version de l’article 3 qui résultait des travaux en première lecture de notre assemblée.
Sur ce point, notre désaccord avec le Gouvernement est fondamental. Il reflète celui qui est apparu entre les organisations syndicales et les organisations patronales. Faut-il rappeler que celui-ci avait conduit à l’échec de la négociation et au refus des syndicats de signer l’accord national interprofessionnel ?
La question de la gouvernance occupe une place centrale dans ce débat. En effet, les missions des services de santé au travail sont définies par le conseil d’administration, lequel serait systématiquement présidé par un représentant des employeurs, celui-ci disposant d’une voix prépondérante.
Cette architecture inquiète les organisations syndicales, qui voient en elle une mise sous tutelle de la médecine du travail.
La présidence alternée, telle que nous l’avions proposée et obtenue, permettrait d’éviter une telle situation ; elle nous paraît être une mesure sage et utile.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 4622-11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé :
« 1° De représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes ;
« 2° De représentants des salariés d'entreprises adhérentes désignées par des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l'un parmi les représentants des organisations professionnelles d'employeurs et l'autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l'âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d'une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Nous vous proposons de rétablir la version de la proposition de loi que nous avions votée en première lecture.
Celle-ci était fidèle à la position que notre assemblée avait très largement adoptée lors de la discussion de la loi portant réforme des retraites. Elle marquait une avancée notable dans le mode de gouvernance des services de santé au travail interentreprises. Nous avions prévu de confier alternativement les postes de président et de trésorier aux représentants des employeurs et des salariés.
Je tiens à rappeler que cette formule figurait en outre parmi les recommandations de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. Elle constitue un gage de protection efficace de la santé des travailleurs et aussi de gestion transparente des services de santé au travail interentreprises.
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-11. – Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé, à parts égales :
« 1° De représentants des entreprises adhérentes, désignés par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« 2° De représentants des salariés d’entreprises adhérentes désignées par des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l’un parmi les représentants des organisations professionnelles d’employeurs et l’autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l’âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d’une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous proposons, nous aussi, de rétablir l’article 3 dans la version conforme à la position sur laquelle le Sénat s’était très largement accordé au moment de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites.
On a rappelé que la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail, que j’ai eu l’honneur de présider, avait recommandé cette position ; et elle l’avait fait à l’unanimité.
Mme Annie David. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Une telle unanimité est d’autant plus significative qu’elle s’est rarement manifestement lors de l’examen au Sénat du projet de loi portant réforme des retraites. Il n’en est que plus regrettable que, à l’Assemblée nationale, la majorité n’ait pas retenu le dispositif adopté ici en première lecture.
Le texte, tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale, a l’apparence de l’équilibre, mais il n’en a que l’apparence. En réalité, le partage des fonctions qui nous est proposé ne change rien : le système demeure figé.
On nous dit que ce choix est lié à la responsabilité de l’employeur concernant la sécurité dans l’entreprise ; cela est vrai, mais seulement dans « son » entreprise ! Or c’est de services interentreprises qu’il est question. Et un employeur n’est pas responsable de ce qui survient dans une autre entreprise que la sienne. Le droit ne connaît aucune responsabilité collective des employeurs en matière de santé et de sécurité. L’argument n’est donc pas recevable.
Si l’on pousse à son terme le raisonnement qu’a tenu la majorité à l’Assemblée nationale, et que peut-être elle tient malheureusement ici, les SST, les services de santé au travail, ne devraient pas même disposer d’un conseil d’administration paritaire puisque les employeurs sont seuls responsables de la sécurité et de la santé dans les entreprises…
Mais, comme il faut bien maintenir les apparences, on a trouvé un biais, car il ne faut surtout pas abandonner la présidence du conseil d’administration ! Ainsi, le président choisit le directeur, lequel, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 9 de la présente proposition de loi, « met en œuvre, en lien avec l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail et sous l’autorité du président, les actions approuvées par le conseil d’administration dans le cadre du projet de service pluriannuel ». Le médecin du travail n’est même pas mentionné ! Toute l’autorité est dans les mains du président, systématiquement issu des rangs des employeurs.
Il s’agit d’une caricature de paritarisme ! Le représentant des syndicats de salariés à qui va échoir le poste de trésorier sera pris dans un piège. Il n’aura aucune autonomie ; il n’aura que le droit de refuser sa signature, ce qui n’aura pas grande conséquence.
Sans doute la transparence sera-t-elle améliorée, et c’est déjà une avancée considérable au regard des pratiques que nous connaissons. Mais il n’y en a pas d’autre !
Le texte que nous avions adopté était à la fois juste et astucieux.
Juste, parce qu’une présidence tournante instaurait un vrai paritarisme, élément important de dialogue social et gage d’équilibre comme d’efficacité. Pourquoi ce qui vaut pour tant d’organismes paritaires à l’échelle nationale, comme l’assurance chômage, qui gère des milliards d’euros, ne pourrait-il pas valoir pour les services de santé au travail ?
Astucieux, parce que nous avions trouvé le moyen d’assurer une vraie parité et une vraie transparence, en soumettant également à l’alternance la fonction de trésorier : quand le président était un employeur, le trésorier devait être un salarié, et réciproquement.
Que restera-t-il de cette réforme ? La conviction que, pour certains, rien ne doit troubler un système bien établi ! Pourtant, derrière cette question, en apparence purement administrative, ce qui est en jeu, c’est la santé et la sécurité des travailleurs.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Préalablement à sa prise de fonctions, le président est tenu de recevoir une formation en matière de santé au travail dans les conditions prévues aux articles L. 4614-14 à L. 4614-16.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de bon sens. L’article 3 accorde une voix prépondérante aux présidents des conseils d’administration des services de santé au travail interentreprises, dont nous avons bien mesuré qu’ils disposeront de pouvoirs très importants, y compris lorsqu’il s’agit de définir les priorités et les missions des services placés sous leur autorité.
En d’autres termes, fort d’un droit de veto, le président du conseil d’administration déterminera les missions confiées au SST, en particulier aux médecins du travail. Comme ce pouvoir ne s’exercera pas seulement à l’égard de l’entreprise qu’il dirige, il est possible qu’il ne dispose pas des éléments d’information, en particulier techniques, qui lui permettraient de prendre les mesures les plus adaptées pour préserver la santé des différents salariés concernés.
En première lecture, nous avions obtenu que les salariés nommés par l’employeur pour l’aider puissent bénéficier d’une formation s’ils en font la demande.
Si l’amendement n° 20 n’était pas adopté, nous nous trouverions dans une situation absurde : le donneur d’ordres serait encore moins compétent que la personne censée les exécuter…
Afin que les présidents des conseils d’administration des services de santé au travail soient, au contraire, en état de prendre les mesures les plus adaptées aux besoins des salariés, nous proposons qu’ils puissent, eux aussi, bénéficier d’une formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Les amendements nos 18, 49 rectifié et 42 sont très proches. Ils tendent à rétablir le principe de la présidence alternée du conseil d’administration des services de santé au travail, exercée tantôt par un représentant des employeurs, tantôt par un représentant des salariés.
Cette question est certes importante, je n’en disconviens pas, mais je considère qu’il serait très dommageable, pour la médecine du travail elle-même, que l’ensemble de la réforme achoppe sur elle. L’apport essentiel de cette proposition de loi, ne l’oublions pas, est la reconnaissance de la pluridisciplinarité.
La crise que connaît la médecine du travail est profonde et sans précédent. C’est pourquoi la réforme doit être mise en œuvre de manière urgente.
De surcroît, la solution trouvée à l’Assemblée nationale marque une avancée décisive, qui me paraît aujourd’hui constituer un équilibre satisfaisant s’agissant de la gouvernance des services de santé au travail.
L’honnêteté doit enfin conduire à rappeler que la plupart des syndicats ne sont pas favorables à la présidence alternée.
La commission est, par conséquent, défavorable à ces trois amendements.
Pour ce qui est de l’amendement n° 20, je rappelle que le conseil d’administration est chargé de gérer le service de santé au travail, non de prendre des décisions qui relèvent de la compétence du seul médecin. Prévoir que le président du conseil d’administration serait tenu de recevoir une formation dans le domaine de la santé au travail est donc injustifié. Sans compter que, en tant qu’employeur responsable de ses propres salariés, il dispose déjà de certaines compétences.
L’avis est donc également défavorable.
Mme Annie David. Les entreprises sont diverses !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Il me semble que, avec le partage portant sur les fonctions de président et de trésorier, un véritable équilibre a été trouvé.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je comprends bien qu’on se dirige vers un vote conforme. De reste, cela avait été annoncé et nous nous en doutions déjà. Il reste que les arguments qui nous sont opposés ne sont vraiment pas convaincants.
Il est bien évident que le président du conseil d’administration du service de santé au travail est responsable de la santé des travailleurs de son entreprise. Mais, par définition, différentes entreprises sont représentées au sein d’un service de santé au travail interentreprises, et elles peuvent appartenir à des secteurs très divers. Dans ces conditions, le responsable de telle entreprise peut ne pas avoir connaissance des conditions de travail dans telle ou telle autre, ni savoir quelles mesures doivent être prises pour protéger la santé de ceux qui y travaillent.
Bien sûr, ce n’est pas le président seul qui prendra les décisions, mais c’est bien lui qui disposera d’une voix prépondérante et orientera les discussions au sein du conseil d’administration ! S’il décide de mettre en œuvre une politique, il aura les moyens de la faire accepter.
Il me paraît donc nécessaire qu’avant d’exercer ses fonctions il puisse acquérir une connaissance plus générale des conditions de travail, d’hygiène et de sécurité dans les entreprises.
Je regrette donc que même l’amendement n° 20 ne soit pas accepté.
Je regrette également que, à propos d’un débat aussi important et concernant la médecine du travail, qui a besoin d’une réforme d’ensemble – M. le ministre et Mme Payet ont raison sur ce point –, nous ne soyons pas davantage entendus.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je crois que, sur la médecine du travail, tout a été dit. Je souhaite donc élargir un peu mon propos.
Je regrette que notre assemblée, après avoir pris sur trois textes des positions tout à fait conformes aux souhaits de nos concitoyens, ait été conduite à se déjuger.
Au sujet de la fin de vie, notre débat fut très intéressant et très approfondi. La commission des affaires sociales avait émis un avis favorable sur la proposition de loi que j’avais eu l’honneur de présenter. Mais celle-ci est restée sans suite...
Au moment de la discussion de la loi relative à la bioéthique, le Sénat avait pris des positions conformes, me semble-t-il, aux souhaits des Français, et qui allaient dans le sens des évolutions de notre société. Vous avez été finalement contraints de revenir quelque peu en arrière.
Sur cette question de la médecine du travail, le Sénat avait adopté une position à mes yeux équilibrée en prévoyant la parité des sièges et la présidence alternée des services de santé au travail interentreprises, conformément aux recommandations de la mission sur le mal-être au travail.
Ayant travaillé sur chacun de ces trois textes, j’ai nourri l’espoir, à trois reprises, que le Sénat serait entendu à la fois par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement, parce que les propositions de notre assemblée rejoignaient les aspirations de nos concitoyens.
Or, pour la troisième fois consécutive, nous sommes obligés de « battre en arrière », comme l’on dit dans la marine. C’est fort dommage !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je voterai contre ces amendements, bien qu’ils aient pour objet, au moins pour trois d’entre eux, de revenir à la position initiale du Sénat.
La rédaction de compromis à laquelle nous sommes parvenus renforce considérablement le contrôle des salariés sur la gestion des services de santé au travail interentreprises puisqu’il est prévu que le trésorier ainsi que le président de la commission de contrôle seront élus parmi eux.
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« À titre expérimental, le conseil d’administration du service de santé au travail peut décider que le président et le trésorier sont élus, en alternance :
« - l’un parmi les représentants des entreprises adhérentes désignés par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« - l’autre parmi les représentants des salariés des entreprises adhérentes, désignés par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« Au 31 décembre 2017, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’évaluation sur l’application de cette disposition.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement fait suite à une discussion fort intéressante que nous avons eue en commission, à l’initiative de sa présidente, Muguette Dini, et de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe
La question a été ainsi posée : n’est-il pas possible, dans les départements où les représentants des employeurs et des salariés semblent pouvoir se mettre d’accord, de procéder à une expérimentation de présidence et de trésorerie tournantes et alternées ?
C’est après avoir procédé à des consultations que nos collègues ont suggéré cette possibilité. Mais, si le texte est aujourd’hui voté conforme, le dispositif sera figé dans la loi et rien ne pourra être entrepris.
Au-delà de nos différences d’appréciation, ici, au Sénat, nous étions tombés d’accord sur une rédaction. C’est assez rare pour être souligné ; cela montre notre attachement au dialogue social et notre préoccupation à l’égard de la santé des salariés.
Les conclusions de la mission sur le mal-être au travail allaient dans le même sens.
Parce que cette solution, comme nous venons de le dire, est gage d’un vrai paritarisme, parce qu’elle permet une vraie transparence, parce qu’il n’y a aucune raison de ne pas appliquer dans les services de santé au travail ce qui se fait dans des organismes qui gèrent des milliards d’euros, nous étions favorables à cette présidence alternée.
J’ai cru comprendre que l’exercice de cette présidence par les seuls représentants des employeurs nous mettait tous plus ou moins mal à l’aise, alors que ce sont la santé, la sécurité et même la vie des salariés qui sont en jeu.
C’est pourquoi nous demandons que les partenaires sociaux puissent, s’ils le souhaitent, expérimenter une présidence alternée, dans le respect du dialogue social. À l’issue de l’expérimentation, celle-ci devra faire l’objet d’une évaluation afin que les partenaires sociaux rendent éventuellement le dispositif pérenne.
L’expérimentation était la clef de voûte de la politique du Gouvernement. Pourquoi, alors, ne pas autoriser, à titre expérimental, là où les partenaires sociaux le souhaitent, une présidence alternée des services de santé au travail ? Nous verrons bien si cela fonctionne ! Pour ma part, je serais prêt à en faire le pari, car je suis convaincu que, en matière de santé au travail, les employeurs comme les salariés ont les mêmes objectifs et doivent pouvoir s’entendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement de repli vise à mettre en place une présidence alternée à titre expérimental.
Sur la forme, l’absence de durée fixée à l’expérimentation ferait courir un risque d’inconstitutionnalité à la mesure, si elle était adoptée.
Sur le fond, cette expérimentation présente en effet un intérêt, mais je préfère que nous adoptions ce texte conforme pour que la réforme entre en vigueur rapidement. J’estime que la question de la présidence alternée n’est pas le cœur de cette réforme.
Mme Annie David. Si, elle l’est !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Nous pourrons adopter l’expérimentation dans un second temps, une fois le paritarisme bien installé.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
Le texte adopté par la commission permet, à mon avis, de trouver en toute transparence un juste équilibre entre les exigences du dialogue au sein du conseil d’administration et celles de l’efficacité opérationnelle.
D’ores et déjà, la gouvernance de certains services déroge à cette règle générale, notamment à Nice. Ces conditions dérogatoires seront précisées dans le décret d’application de la présente loi, qui renverra sur ce point au règlement intérieur du service.
Je tenais à préciser l’état d’esprit du législateur, de façon que les futurs décrets d’application de ce texte y restent fidèles.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. Monsieur Godefroy, allez-vous exprimer votre satisfaction en retirant cet amendement ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Satisfaction, c’est peut-être un grand mot, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
Cela étant, je remercie M. le ministre de cette précision et, comme je sais qu’il tiendra parole, je retire mon amendement. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !
M. le président. L'amendement n° 43 est retiré.
L'amendement n° 44, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les représentants des salariés bénéficient des dispositions de l’article L. 2411-1 du code du travail. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 44 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 4121-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« 9° Réaliser un livret d’information sur les risques auxquels les salariés peuvent être exposés, les droits et les procédures en matière de santé au travail et donner les instructions appropriées aux travailleurs ainsi que les coordonnées du service de santé au travail. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’article L. 4121–2 du code du travail est celui qui pose les principes généraux de la prévention et, plus précisément, les engagements des employeurs en la matière.
Nous proposons d’y ajouter un alinéa imposant à l’employeur de remettre à chaque salarié, lors de son embauche, un livret d’information recensant les risques auxquels les salariés peuvent être exposés.
Il s’agit naturellement des risques connus et prévisibles, à l’image des maladies respiratoires pour les salariés des boulangeries industrielles ou encore des troubles musculo-squelettiques pour les travailleurs contraints de travailler dans des postures d’ores et déjà identifiées comme causes potentielles de pathologies.
Nous proposons également que ce livret informe les salariés des procédures en matière de santé. En effet, ceux-ci méconnaissent trop souvent les possibilités légales leur permettant de faire valoir leurs droits en ce domaine, notamment dans les petites entreprises où les implantions syndicales sont quasi inexistantes.
Cet amendement nous semble d’autant plus important que cette proposition de loi, si elle devait être adoptée, modifierait considérablement le cadre actuel. La disposition que nous proposons d’y ajouter nous apparaît comme un outil complémentaire confié aux salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement est satisfait.
Prévoir que tout employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise, doit réaliser un « livret d’information » constitue une contrainte très importante, alors même que le droit actuel, plus souple, satisfait à cet objectif. En effet, l’article L. 4121–2 prévoit que l’employeur donne les instructions appropriées aux travailleurs.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la rapporteur, je n’ai pas en tête les termes exacts de cet article, mais celui-ci ne précise pas que l’employeur donne les instructions en question par écrit. C’est bien pourquoi notre proposition visant à ce que soit réalisé un livret d’information à l’intention des salariés nous paraît compléter utilement cet article. Nous maintenons donc notre amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais nous, nous souhaitons voter conforme cette proposition de loi !
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 3,
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4622-3 du code du travail, il est inséré un article L. 4622-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-3-1. – Au titre des objectifs de prévention tels que définis à l’article L. 4622-3, la consultation médicale professionnelle constitue une activité clinique individuelle qui renseigne sur les objectifs, la nature et les conditions d’exercice du travailleur, notamment les risques professionnels et psychosociaux, auxquels il est susceptible d’être exposé.
« Chaque salarié bénéficie obligatoirement, au moins tous les douze mois, d’une consultation médicale.
« Lors de cet entretien individuel, le salarié est informé sur l’influence du travail sur sa santé, sur les risques qu’il encourt et les moyens de les prévenir.
« La consultation médicale professionnelle répond aux obligations déontologiques et légales en matière d’aide à l’accès aux droits sociaux, en particulier en ce qui concerne la rédaction de certificats médicaux constatant les atteintes à la santé dues au travail.
« Conformément aux articles L. 1111-2 du code de la santé publique et L. 4624-1 du présent code, la consultation médicale professionnelle s’exerce dans l’intérêt premier de la santé du travailleur et de son maintien ou retour dans l’emploi.
« Le volet “santé au travail” du dossier mentionné aux articles L. 1111-14 et suivants du code de la santé publique constitue le support permettant le plein exercice des missions dévolues au médecin du travail. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous entendons renforcer la place des consultations médicales, qui sont, pour bon nombre de salariés, la seule visite médicale de l’année.
Le rôle du médecin du travail est extrêmement important puisqu’il a une fonction préventive qui consiste à éviter l’altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail.
À cet effet, les visites périodiques des médecins du travail sont censées lui permettre de vérifier que les recommandations formulées par le CHSCT ont bien été respectées et, en outre, de contrôler régulièrement la santé des salariés.
De très nombreux rapports, à l’image du rapport Gosselin, ont mis en évidence l’importance de ces visites médicales. Or celles-ci sont beaucoup trop espacées, notamment en raison du manque criant de médecins du travail.
Le déficit médical actuel, qui ne cesse de s’accroître en raison de la pénurie grandissante de médecins du travail, nuit à cette notion de prévention. Celle-ci ne peut que reposer sur un double objectif : le constat clinique et la régularité des consultations médicales.
C’est ce qui justifie cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire, de manière très détaillée, dans la partie législative du code du travail, le principe et les modalités de la « consultation médicale professionnelle ». Il prévoit notamment qu’une telle consultation doit avoir lieu au moins tous les douze mois.
Il pose en fait la question de la périodicité de la visite médicale. Depuis 2004, elle est censée avoir lieu au moins tous les vingt-quatre mois ; or nous savons très bien que cette obligation n’est déjà pas respectée.
Surtout, sa fréquence ne doit pas forcément être uniforme pour tous les postes de travail.
C’est pourquoi la proposition de loi prévoit une période de transition et d’évaluation pour fixer les nouvelles modalités de la visite médicale du travail pour les salariés.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3 bis
(Non modifié)
La même section 2 est complétée par un article L. 4622-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-11-1. – L’organisation et la gestion du service de santé au travail sont placées sous la surveillance :
« 1° Soit d’un comité interentreprises constitué par les comités d’entreprise intéressés ;
« 2° Soit d’une commission de contrôle composée pour un tiers de représentants des employeurs et pour deux tiers de représentants des salariés. Son président est élu parmi les représentants des salariés. » – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
La même section 2 est complétée par des articles L. 4622-11-2 et L. 4622-12 ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-11-2. – Dans le service de santé au travail interentreprises, une commission médico-technique a pour mission de formuler des propositions relatives aux priorités du service et aux actions à caractère pluridisciplinaire conduites par ses membres.
« Art. L. 4622-12. – (Non modifié) »
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
aux priorités du service et aux actions à caractère pluridisciplinaire conduites par ses membres
par les mots :
aux missions qui leur sont confiées dans le cadre de l’article L. 4622–2
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Même si beaucoup, ici, souhaitent un vote conforme, nous continuerons de défendre nos amendements. Chacun est dans son rôle !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Annie David. L’article 4 de cette proposition de loi prévoit l’élaboration d’un projet de service pluriannuel par les services de santé au travail interentreprises et confère une valeur législative, et non plus réglementaire, à la commission médico-technique.
Nous estimons, pour notre part, qu’il n’est pas acceptable de réduire le champ de compétence des commissions médico-techniques aux priorités du service, alors que l’objectif de préservation et de prévention en santé au travail est un objectif général.
Si nous ne sommes pas opposés à ce qu’un plan pluriannuel définisse les missions des services de santé au travail, il faut cependant que cette définition soit l’œuvre d’une direction réellement paritaire et que ce plan soit de nature à intégrer la totalité des missions dévolues aux services de santé au travail.
Sur le fond, nous craignons fort que la limitation de l’action de ces derniers à des priorités de service ne soit en réalité qu’une mesure comptable destinée à gérer la pénurie de médecins en concentrant leurs missions ou à réduire les coûts de cette médecine, que certains employeurs estiment trop importants.
Par cohérence avec nos positions et avec les amendements que nous avons déjà présentés, nous préconisons donc de confier à la commission médico-technique le soin de formuler des propositions quant aux actions à mener dans les entreprises pour éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Là encore, la rédaction de l’objet de cet amendement laisse perplexe. Sur mon initiative, la commission et le Sénat ont conforté l’existence et la place de la commission médico-technique au sein des services de santé au travail et, si vous lisez bien cet article, vous verrez que celle-ci a aussi pour mission de formuler des propositions relatives aux actions à caractère pluridisciplinaire conduites dans le service. Elle n’est donc pas cantonnée aux priorités du service.
Notre formulation est à la fois souple et ambitieuse ; il reviendra aux différents partenaires de faire vivre cette commission.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Permettez-moi de relire toute la phrase en cause : « Dans le service de santé au travail interentreprises, une commission médico-technique a pour mission de formuler des propositions relatives aux priorités du service et aux actions à caractère pluridisciplinaire conduites par ses membres ».
Comme je vous l’ai déjà dit tout à l’heure, nous ne sommes pas favorables à ce que les services de santé au travail se voient assigner des objectifs prioritaires pour la simple raison que leur conseil d’administration sera présidé par un représentant des employeurs, lequel disposera d’une voix prépondérante. Or, si l’on continue à laisser faire les employeurs, nous ne sommes pas près de voir diminuer le nombre des morts dans les entreprises, et je pèse mes mots ! Le cas de l’amiante en porte témoignage.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5 bis
(Non modifié)
L’article L. 1237-15 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les médecins du travail, la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, après avis du médecin inspecteur du travail. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
Pour les médecins du travail
insérer les mots :
et les professionnels membres d’une équipe pluridisciplinaire de santé
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les intervenants en prévention des risques professionnels et les infirmiers, le licenciement est soumis à l’autorisation de l’inspecteur du travail dans les conditions prévues à l’article L. 4623-5.
« De même, la rupture avant l’échéance du terme du contrat de travail à durée déterminée en raison d’une faute grave ou à l’arrivée du terme lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail dont dépend le service de santé au travail. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. En vertu de la pluridisciplinarité, les personnels infirmiers seront de plus en plus souvent amenés à réaliser des actes paramédicaux. Il est donc nécessaire que ces personnels bénéficient d’une protection contre tout licenciement abusif.
Cette proposition figure en toutes lettres dans le rapport de MM. Dellacherie, Frimat et Leclercq, La santé au travail. Vision nouvelle et professions d’avenir : « L’indépendance technique des infirmières “santé travail”, qui, pour deux tiers d’entre elles, travaillent dans les entreprises et ne dépendent pas d’un service de santé au travail, serait en outre garantie par l’attribution du statut de salariées protégées. »
Ce même rapport précise que cette garantie statutaire devrait d’abord bénéficier à « celles qui réalisent des actes médicaux sur délégation expresse du médecin du travail ».
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
médecins du travail
insérer les mots :
et les personnels concourant aux services de santé au travail
La parole est à Mme Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 5 bis tend à renforcer la garantie accordée aux médecins du travail en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail.
Nous nous réjouissons que les médecins du travail puissent bénéficier d’une telle protection en cas de rupture conventionnelle. Toutefois, nous considérons que l’ensemble des personnels concourant aux services de santé au travail devrait jouir d’une protection identique.
Nous aurions certes préféré étendre cette protection à l’ensemble des causes de rupture de contrat de travail, mais la règle de l’entonnoir nous en empêche et nous ne pouvons qu’amender cet article 5 bis, c'est-à-dire prévoir des protections en cas de rupture conventionnelle, procédure qui, ce n’est un secret pour personne, permet de contourner les règles applicables aux licenciements.
Sans revenir sur ce que nous avons dit précédemment, je rappelle que, à nos yeux, seule la garantie effective de l’indépendance et de l’autonomie de tous les acteurs des services de santé au travail peut assurer la protection réelle de la santé des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’amendement n° 45 vise à étendre la protection statutaire à tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire. Le Sénat a déjà examiné et rejeté plusieurs amendements de ce type. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 24 tend à élargir la protection statutaire aux personnels concourant aux services de santé au travail. Sa rédaction englobe ainsi des personnes sans lien direct avec la santé au travail mais qui, par exemple, effectuent des tâches administratives. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 6
(Non modifié)
I. – Au chapitre V du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code, il est inséré un article L. 4625-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 4625-2. – Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code.
« Ces dérogations concernent les catégories de travailleurs suivantes :
« 1° Artistes et techniciens intermittents du spectacle ;
« 2° Mannequins ;
« 3° Salariés du particulier employeur ;
« 4° Voyageurs, représentants et placiers.
« L’accord collectif de branche étendu après avis du Conseil national de l’ordre des médecins peut prévoir que le suivi médical des salariés du particulier employeur et des mannequins soit effectué par des médecins non spécialisés en médecine du travail qui signent un protocole avec un service de santé au travail interentreprises. Ces protocoles prévoient les garanties en termes de formation des médecins non spécialistes, les modalités de leur exercice au sein du service de santé au travail ainsi que l’incompatibilité entre la fonction de médecin de soin du travailleur ou de l’employeur et le suivi médical du travailleur prévu par le protocole. Ces dispositions ne font pas obstacle à l’application de l’article L. 1133-3.
« En cas de difficulté ou de désaccord avec les avis délivrés par les médecins mentionnés au septième alinéa du présent article, l’employeur ou le travailleur peut solliciter un examen médical auprès d’un médecin du travail appartenant au service de santé au travail interentreprises ayant signé le protocole. »
I bis. – En l’absence d’accord étendu dans un délai de douze mois à compter de la date de promulgation de la présente loi, un décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs.
II. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation du recours à des médecins non spécialisés en médecine du travail prévu à l’article L. 4625-2 du code du travail, dans un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 6 prend prétexte d’une situation réellement alarmante pour apporter des réponses qui le sont tout autant.
Nous partageons le constat selon lequel certaines catégories professionnelles sont peu couvertes par la médecine du travail, voire ne le sont pas du tout, du fait de la multiplicité des employeurs ou des conditions d’exercice de leur activité. Quoi qu'il en soit, l’absence ou la quasi-absence d’accès à la médecine du travail peut constituer des facteurs aggravants dans l’apparition de maladies professionnelles.
Je ne prendrai qu’un exemple, celui des VRP – voyageurs représentants et placiers –, qui sont appelés à se déplacer beaucoup, à dormir à l’hôtel, et sont peu présents au siège même de leur entreprise. Ces déplacements, souvent effectués en voiture, provoquent les souffrances physiques consécutives à la posture assise prolongée, mais aussi des souffrances psychiques résultant à la fois des pressions économiques qui pèsent sur les VRP et des phases répétées d’éloignement de leurs proches.
Pour nous, il serait inadmissible que, prenant prétexte de ce que leur suivi médical est trop difficile ou trop espacé, on en vienne à renoncer purement et simplement à l’accès de ces salariés à la médecine du travail. Or c’est précisément ce qui nous est proposé avec l’article 6, celui-ci prévoyant que les médecins généralistes se substituent aux médecins du travail.
Ce n’est pas être désobligeant à l’égard des médecins de ville que de dire que leur formation ne leur donne pas les compétences suffisantes pour diagnostiquer des maladies professionnelles, pour établir le lien entre une pathologie et une activité professionnelle ou encore pour proposer à l’employeur des mesures de protection telles celles qui sont visées à l’article 2 de cette proposition de loi.
Par ailleurs, cet article donne à croire que la médecine du travail pourrait être pratiquée indistinctement par des médecins expressément formés à l’exercice de cette spécialité et par d’autres qui n’auraient pas suivi ce parcours spécifique.
On peut d’ailleurs se demander si cette expérimentation ne porte pas en germe la disparition pure et simple de la médecine du travail : s’opérant progressivement, cette disparition suivrait le rythme de l’extinction programmée du corps des médecins du travail. En effet, il ne faut pas perdre de vue que 55 % d’entre eux ont plus de cinquante-cinq ans et que, du fait d’une revalorisation insuffisante de la profession, les nouvelles vocations sont rares.
D’autres pistes devraient être explorées à l’issue de cette expérimentation. Pourquoi ne pas offrir à ces salariés de dépendre, à titre exceptionnel, de services de santé au travail d’autres entreprises du même secteur professionnel ? Pourquoi ne pas créer, à l’échelle départementale, des unités mobiles qui seraient susceptibles d’accueillir ces professionnels au gré de leurs déplacements ?
En tout état de cause, ces dispositions ne nous satisfont pas et nous voterons contre cet article.
Monsieur le président, cette intervention vaudra défense de notre amendement n° 28.
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement de suppression de l’article 6 a déjà été présenté en première lecture et rejeté par le Sénat.
Aujourd’hui, certaines professions sont très mal suivies par la médecine du travail. Cet article entend remédier à cette situation, notamment en prévoyant un suivi spécifique par un médecin d’une autre spécialité ayant reçu une formation adaptée, dans le cadre d’un protocole.
La France est l’un des rares pays à attribuer une sorte de monopole aux médecins du travail. C’est peut-être l’héritage de notre histoire économique et de l’essor pris par les médecins d’usine au cours du XIXe siècle.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Or ce modèle atteint ses limites face aux nouvelles formes d’emplois. Je ne crois pas que les pays dotés d’une autre organisation soient dans une situation catastrophique en termes d’accidents du travail et de prévention des risques professionnels, bien au contraire.
En conséquence, cet article permet d’expérimenter de nouvelles méthodes et constitue une des solutions à mettre en œuvre face à la crise actuelle de la médecine du travail.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Collin et Vall, Mme Laborde et MM. Fortassin, Plancade et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
quelle que soit la durée de leur temps de travail
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Pour être aussi brève que possible, je dirai simplement que, parmi les salariés visés à l’alinéa 6, ceux qui travaillent à temps partiel ne font l’objet d’aucune disposition en matière de médecine du travail et ne bénéficient par conséquent d’aucun suivi médical.
C’est pourquoi nous proposons d’apporter cette précision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle de la proposition de loi : en effet, ce texte vise les salariés des particuliers employeurs, sans précision ; tous sont donc couverts, quelle que soit la durée du travail. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Ces médecins doivent être titulaires d’une habilitation délivrée par l’autorité administrative conditionnée par le suivi d’une formation spécifique dont le contenu est fixé par décret. Le protocole précise les modalités d’exercice au sein du service de santé au travail et l’incompatibilité entre la fonction de médecin de soin du travailleur ou de l’employeur et le suivi médical du travailleur prévu par le protocole.
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Cet article est dangereux en ce qu’il prévoit des dérogations au droit commun de la médecine du travail.
Ces dérogations concernent quatre professions : les intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés des particuliers employeurs et les VRP. En effet, ces professionnels n’ont pas accès à la médecine du travail lorsqu’ils travaillent de manière fractionnée.
Des négociations de branche étaient en cours pour ces quatre professions sur le thème de la santé au travail. L’article 6 a donc pour objet de donner une base légale aux résultats de ces négociations, en vue d’aboutir à des dérogations. Se pose donc déjà la question de savoir où en sont ces négociations.
Ces professions connaissent des difficultés qui peuvent conduire au développement de troubles spécifiques : anorexie chez les mannequins, troubles psychosociaux liés au stress engendré par la précarité pour les intermittents et les salariés des particuliers, par les déplacements incessants et l’exigence de résultats souvent impossibles à atteindre pour les VRP. Tout cela peut conduire à développer des addictions ou des tendances autodestructrices.
Or la précarité et le fractionnement qui caractérisent ces professions justifient des précautions particulières. II convient notamment que ces travailleurs bénéficient régulièrement d’un examen par un médecin ayant suivi une formation spécifique, et non par un généraliste.
Le présent texte n’apporte aucune des garanties suffisantes à la préservation de la santé de ces professionnels soumis à des conditions de travail particulières. Notre amendement vise donc à le renforcer sur ce point en y insérant l’exigence d’une habilitation délivrée par une autorité administrative, en lieu et place d’un simple protocole de gré à gré entre un médecin non spécialisé et un SST.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement renvoie à un décret le soin de fixer le contenu de la formation nécessaire à un praticien non spécialiste en médecine du travail pour réaliser le suivi médical des professionnels mentionnés aux alinéas précédents. Cette précision est superflue dès lors que l’accord de branche qui organise ces dérogations doit être étendu par l’autorité administrative pour être mis en œuvre. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article additionnel après l’article 6
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le huitième alinéa de l’article L. 422-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1°ter Imposition d’une cotisation supplémentaire en cas de non-respect par l’employeur des obligations découlant de l’article L. 4622-1 du code du travail ; ».
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Selon un rapport de la CNAM rendu public le 2 août 2010, les accidents du travail seraient en baisse notable : ils auraient diminué de 7 % l’an dernier et 50 000 accidents du travail auraient ainsi été évités. Cependant, à y regarder de plus près, il s’agit d’une baisse en trompe-l’œil, qui procéderait moins de l’amélioration des conditions de travail des salariés que de l’explosion des destructions d’emplois liées à la crise économique.
D’ailleurs, toujours selon ce rapport, si depuis quinze ans les accidents du travail ont tendance à baisser, les maladies professionnelles, elles, se propagent de manière importante. C’est notamment le cas des troubles musculo-squelettiques et des troubles liés au stress. Cet amendement s’inscrit dans ce contexte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent indirectement de créer une cotisation supplémentaire à la charge de l’employeur lorsque celui-ci ne respecte pas ses obligations dans le champ de la médecine du travail. Or des peines sont déjà prévues à l’article L. 4741-1 du code du travail en cas d’infraction à ces obligations. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
(Non modifié)
La section 2 du chapitre II du même titre II est complétée par un article L. 4622-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-13. – Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre le service de santé au travail et son président, son directeur ou l’un de ses administrateurs doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.
« Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées au premier alinéa est indirectement intéressée.
« Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre le service de santé au travail et une entreprise si le président, le directeur ou l’un des administrateurs du service de santé au travail est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.
« Lorsque les dispositions des trois premiers alinéas sont applicables au président du service de santé au travail ou à l’un de ses administrateurs, il ne peut prendre part au vote sur l’autorisation sollicitée.
« Lorsque les conventions portent sur des opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles, elles font uniquement l’objet d’une communication au président et aux membres du conseil d’administration. » – (Adopté.)
Article 8
(Non modifié)
L’article L. 4623-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter, après délivrance d’une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l’ordre des médecins, à titre temporaire, un interne de la spécialité qui exerce sous l’autorité d’un médecin du travail du service de santé au travail expérimenté. » – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code est complétée par un article L. 4622-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-14. – Le directeur du service de santé au travail interentreprises met en œuvre, en lien avec l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail et sous l’autorité du président, les actions approuvées par le conseil d’administration dans le cadre du projet de service pluriannuel. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 9 définit le rôle des directeurs des services de santé au travail.
Bien sûr, nous ne sommes pas opposés à ce qu’un directeur puisse veiller à la coordination des différents acteurs de ces SST. Nous ne sommes pas non plus opposés à ce que la loi fixe ses missions et ses relations avec l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse de l’équipe pluridisciplinaire ou du conseil d’administration.
Mais cet article engendre plus de craintes qu’il n’en apaise. En effet, il est étroitement lié aux articles 1er et 3, qui traitent de la gouvernance des services de santé au travail et de l’indépendance des professionnels concernés dans le cadre de leurs missions.
Nous avons déjà démontré que, en confiant systématiquement la présidence du conseil d’administration des SST aux employeurs, avec voix prépondérante, l’article 3 menace l’indépendance des médecins du travail.
Nous avons également démontré que l’article 1er, en réduisant l’activité de la médecine du travail aux priorités définies par le conseil d’administration des SST, portait atteinte aux missions confiées à celle-ci depuis 1946.
Avec l’article 9, nous sommes bien au croisement de ces deux articles. En effet, le directeur d’un SST est placé sous l’autorité du président du conseil d’administration, doté de compétences étendues et d’un pouvoir très centralisateur. En outre, les directeurs ont pour mission exclusive de mettre en œuvre les actions définies par le conseil d’administration.
Les directeurs des SST ne bénéficient d’aucune autonomie et sont réduits à n’être que de simples courroies de transmission de décisions, décisions prises de surcroît dans un cadre trop peu démocratique. D’ailleurs, ils ne pourront pas s’extraire de cette situation dans la mesure où ils sont économiquement dépendants des employeurs qui participent aux conseils d’administration des SST et les dirigent.
Ils sont également fragilisés face à ces derniers dans la mesure où, contrairement aux médecins du travail, ils ne bénéficient pas de mesures spécifiques de protection en cas de licenciement. À moins, bien sûr, que le directeur du SST ne soit d’une docilité parfaite, notamment parce qu’il serait en outre le représentant d’organisations patronales au sein d’autres structures. Je vous laisse à penser quels conflits d’intérêts résulteraient, à l’évidence, d’une telle situation…
Quant aux médecins du travail, dépourvus de toute autonomie, ils deviennent de simples exécutants des consignes qui leur sont transmises par le conseil d’administration des SST, via le directeur.
Jusqu’à présent les médecins du travail pouvaient entreprendre toutes les actions qu’ils estimaient légitimes et qui leur semblaient correspondre aux besoins des salariés. Ce temps et révolu : le directeur du service de santé au travail, qui n’est que le subordonné du président du conseil d’administration, nécessairement un employeur et disposant d’une voix prépondérante, veillera au respect de ses directives par les médecins du travail.
Afin de rappeler notre opposition à cette conception de la médecine du travail, nous voterons contre l’article 9.
J’ajoute, monsieur le président, que cette intervention vaut défense de l’amendement no 30.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Il me semble important de créer dans la loi le poste de directeur de service de santé au travail.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
en lien avec
insérer les mots :
le médecin du travail et
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Notre amendement tend à réinsérer dans la mise en œuvre des actions du conseil d’administration celui qui est au cœur de toute action des SST, à savoir le médecin du travail.
Même si nous ne sommes pas opposés à la pluridisciplinarité, qui est indispensable dans la prévention des risques professionnels, nous regrettons que le rôle du médecin du travail soit progressivement dilué dans une équipe pluridisciplinaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui n’est pas cohérent avec la position que le Sénat a adoptée à l’article 1er de la proposition de loi en ce qui concerne l’équipe pluridisciplinaire. Les médecins en sont partie prenante, l’animent et la coordonnent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 11
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 717-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° (Suppression maintenue) ;
2° Après la deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Par exception aux dispositions de l’article L. 4622-11 du code du travail, le service de santé au travail est administré paritairement selon les modalités prévues au troisième alinéa de l’article L. 723-35 du présent code. »
II. – L’article L. 717-7 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles apportent également leur contribution à la prévention de la pénibilité. » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de fonctionnement des commissions sont précisées par un accord collectif national étendu ou, à défaut, par décret. » ;
3° Les deux dernières phrases du quatrième alinéa sont ainsi rédigées :
« Les membres employeurs bénéficient d’une indemnité forfaitaire représentative du temps passé d’un montant égal à celui prévu par l’article L. 723-37 pour les administrateurs du troisième collège de la caisse de mutualité sociale agricole. Les frais de déplacement exposés par les membres de la commission, les salaires maintenus par les employeurs ainsi que les cotisations sociales y afférentes et les indemnités représentatives du temps passé sont pris en charge par le Fonds national de prévention créé en application de l’article L. 751-48 et, dans les départements d’outre-mer, par le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles géré par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. » ;
4° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Un décret détermine les conditions d’application du présent article. » ;
5° (Suppression maintenue)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
(Non modifié)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° A Au premier alinéa de l’article L. 4745-1, la référence : « L. 4623-7 » est remplacée par les références : « L. 4624-3 et L. 4644-1 » ;
1° Les articles L. 5132-12, L. 7214-1 et L. 7424-4 sont abrogés ;
2° Le 5° de l’article L. 7221-2 est ainsi rédigé :
« 5° À la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie. » ;
3° L’article L. 7211-3 est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° À la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie. » ;
4° L’article L. 5132-17 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5132-17. – Un décret détermine la liste des employeurs habilités à mettre en œuvre les ateliers et chantiers d’insertion mentionnée à l’article L. 5132-15. » – (Adopté.)
Article 13
(Non modifié)
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 717-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 4625-2 du code du travail ne s’applique pas aux voyageurs, représentants et placiers dont les employeurs sont mentionnés au premier alinéa du présent article. » ;
1° bis La première phrase du premier alinéa de l’article L. 717-2 est ainsi rédigée :
« Des décrets déterminent les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des services de santé au travail en agriculture, ainsi que les conditions d’application des articles L. 4622–10, L. 4622–12, L. 4625-1 et L. 4644-1 du code du travail. » ;
1° ter Le même article L. 717-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail en agriculture et les conditions d’application des articles L. 4624-1 et L. 4622-14 du code du travail. » ;
2° et 3° (Suppressions maintenues)
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous avions déjà défendu en première lecture la suppression de l’article 13, qui prévoit les adaptations nécessaires à l’application dans le secteur agricole des dispositions introduites par la proposition de loi. Nous avions alors déploré le renvoi à des décrets dont nous ignorons évidemment le contenu.
Sans m’étendre sur l’objet de cet amendement, je tiens néanmoins à souligner la situation éminemment grave des salariés agricoles migrants. Il peut s’agir soit de travailleurs communautaires, soit de travailleurs bénéficiant d’un contrat de l’Office des migrations internationales, soit de travailleurs étrangers sans-papiers ou sans titre de travail dans l’agriculture française. Ce sont des salariés quasi permanents, soumis à un statut de saisonnier qui bénéficie essentiellement à l’employeur et qui leur interdit toute possibilité de régularisation.
Se sont également développées les sociétés de prestations de service et d’intérim basées en Espagne ou dans des pays d’Europe de l’Est qui mettent à la disposition des exploitants français une main-d’œuvre étrangère.
Tout cela aboutit à une précarisation généralisée du salariat agricole. Ces salariés sont des ouvriers captifs, du fait du renouvellement discrétionnaire de leur contrat de travail d’une année sur l’autre. Cela rend l’application du code du travail, notamment de ses dispositions relatives à la santé et sécurité, très théorique pour l’ensemble de ce salariat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’article 13 apporte des précisions judicieuses pour l’organisation des services de santé au travail en agriculture. Nul ne peut contester que le secteur agricole présente des spécificités. Dans la mesure où cet article contribue à adapter la réforme à ce secteur, la commission ne peut qu’être défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je serai bref puisque nos interventions dans la discussion générale et lors de l’examen des articles suffisent à expliquer notre vote sur l’ensemble de cette proposition de loi.
Je dirai une fois de plus mon regret que nous n’ayons pas pu avancer sur la question, essentielle à nos yeux, de la gouvernance, qui constitue toujours un point de blocage. En première lecture, le Sénat y avait apporté une réponse satisfaisante qui, si elle avait été rétablie, aurait été de nature à modifier la décision du groupe socialiste de voter contre le texte.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous avons exprimé au cours de cette discussion, comme nous l’avions déjà fait en première lecture, notre déception quant aux orientations définies par ce texte.
La médecine du travail ne se limite pas aux services de santé au travail. Elle constitue un vrai sujet. Aujourd'hui, les entreprises sont devenues des lieux où, outre des maladies professionnelles, se développe beaucoup de souffrance. C’est pourquoi ce sujet aurait dû donner lieu à de réelles négociations, impliquant tous les partenaires sociaux, et à un débat approfondi, susceptible de déboucher sur une vraie réforme.
Cette vraie réforme devrait régler le problème de la démographie médicale, sachant que nous allons à coup sûr manquer de médecins du travail dans les toutes prochaines années.
Elle devrait aussi permettre de revoir les conditions de la déclaration d’inaptitude. C’est un thème qui me tient à cœur, car, vous le savez, monsieur le ministre, une déclaration d’inaptitude a souvent pour conséquence le licenciement du salarié. Or vous ne proposez rien pour remédier à cette situation.
En première lecture, nous nous étions abstenus en dépit des lacunes du texte, car nous avions obtenu qu’il y ait une vraie gestion paritaire des services de santé au travail, avec une présidence tournante, et pas simplement une gestion « 50-50 ».
Cette proposition, qui figurait d’ailleurs dans le rapport de la mission d’information sur le mal-être au travail, présidée par Jean-Pierre Godefroy et dont le rapporteur était notre collègue Gérard Dériot, membre du groupe UMP, avait d’ailleurs été adoptée à l’unanimité. Or, aujourd'hui, parce qu’on a entendu les sirènes du MEDEF, on revient sur cette mesure !
C’est vrai, certaines organisations syndicales restent favorables à ce texte, même si elles regrettent fortement le recul sur la gestion paritaire, car elles considèrent que son adoption permettra que des équipes pluridisciplinaires puissent enfin intervenir dans les services de santé au travail. Je crois qu’elles se font des illusions en estimant que ce texte est un premier pas qui ouvre la voie à d’autres avancées.
Mais, monsieur le ministre, je ne suis pas persuadée que vous ayez envie de les entendre et d’engager très prochainement une véritable réforme de la médecine du travail ; nous ne pouvons que regretter.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC-SPG voteront contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP votera le texte tel qu’il est issu de nos débats, c'est-à-dire conforme à celui qu’avait adopté l’Assemblée nationale.
Nous sommes moins préoccupés, je le dis à mes collègues de gauche, par la pluridisciplinarité de l’organisation de la médecine du travail que par la qualité des médecins du travail. C’est pourquoi je souhaite attirer l’attention de M. le ministre sur un problème que nous observons avec la mise en œuvre des dernières réformes hospitalières et de la régionalisation des soins, à savoir la formation de l’ensemble des acteurs de terrain.
Il a été plusieurs fois souligné, au cours du débat, que de nombreux médecins du travail étaient âgés et qu’il allait falloir consentir un effort important pour renouveler quelque peu le cursus des études de ces médecins et leur donner une formation plus adaptée aux missions qui leur sont confiées.
Pour l’heure, du fait du vote conforme, le texte sera opérationnel immédiatement, et c’est pour nous une raison supplémentaire de le soutenir. Du reste, nous remercions Mme le rapporteur et Mme la présidente de la commission, qui ont parfaitement joué leur rôle à cet égard.
Bien entendu, nous saluons la constance avec laquelle nos collègues de l’opposition ont soutenu leurs amendements, mais j’ai le souvenir que nous avions été censurés par le Conseil constitutionnel pour avoir inscrit de telles dispositions dans la loi portant réforme des retraites.
C’est la cinquième fois, me semble-t-il, que nous discutons de cette question au sein des deux assemblées. Une réforme s’imposait : la voici ! Nous la voterons sans aucune arrière-pensée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Je précise bien que je m’exprime en cet instant au nom du groupe de l’Union centriste, qui a été à l’origine de cette proposition de loi. Telle qu’elle résulte de nos travaux, celle-ci est d’ailleurs quasiment identique au texte que nous avions déposé.
Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir rassurés sur le fait que des dérogations aux règles de la gouvernance pourraient être envisagées. Il me semble en effet intéressant que l’on puisse procéder autrement là où l’on en aura fait le choix. Je voulais intervenir sur ce sujet lors de l’examen d’un amendement de M. Godefroy, mais ce dernier l’a retiré.
Bien entendu, nous voterons cette proposition de loi.
Reprenant, pour conclure, mon rôle de présidente de la commission des affaires sociales, je tiens à remercier le ministre et tous mes collègues présents, ainsi que toutes les personnes qui nous ont permis de travailler efficacement sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 267 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 152 |
Le Sénat a définitivement adopté la proposition de loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous venons d’achever l’examen d’une proposition de loi d’origine sénatoriale, et j’en remercie très sincèrement la Haute Assemblée. L’adoption définitive de ce texte avant la fin de la session extraordinaire va nous permettre de travailler avec les partenaires sociaux et les parlementaires les plus investis dans ce dossier, afin de préparer les décrets d’application et réussir, le plus rapidement possible, à tout mettre en ordre.
Cette réforme constituait un enjeu important. J’ai bien conscience, après avoir entendu les uns et les autres, que le vote de ce texte ne réglera pas tout ; il était toutefois indispensable pour améliorer les choses.
À Mme la présidente de la commission, Muguette Dini, à Mme le rapporteur, Anne-Marie Payet, ainsi qu’à l’ensemble des sénateurs qui ont œuvré sur cette question, je veux dire ma reconnaissance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
3
Décisions du Conseil Constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du vendredi 8 juillet 2011, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2011-146 et 2011-147 QPC).
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Je rappelle au Sénat que la liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Muguette Dini, MM. Alain Milon, Jean-Pierre Fourcade, Jean-Louis Lorrain, Yves Daudigny, Jacky Le Menn et Guy Fischer.
Suppléants : M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David et Catherine Deroche, MM. Jean-Marc Juilhard et Ronan Kerdraon, Mmes Raymonde Le Texier et Catherine Procaccia.
5
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du vendredi 8 juillet 2011, par le président du Conseil constitutionnel, que celui-ci a été saisi, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi fixant le nombre de conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
6
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Michel Bouvard, président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, le rapport sur les opérations de cet établissement en 2010, établi en application de l’article L. 518-10 du code monétaire et financier.
Il a en outre reçu de M. Philippe Chalmin, président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, le premier rapport annuel de cet organisme, établi en application de l’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime.
Le premier a été transmis à la commission des finances et le second à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
7
Demande de retour à la procédure normale pour la discussion de projets de loi
M. le président. Par lettre en date du 7 juillet 2011, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, a demandé que les dix conventions fiscales inscrites à l’ordre du jour du Sénat soient examinées selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
La commission des finances a proposé que les dix projets de loi fassent l’objet d’une discussion générale commune.
Il en est ainsi décidé.
Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale commune, d’un temps global de deux heures.
8
Modification de l'ordre du jour
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Afin de répondre à la demande du groupe CRC-SPG que vous venez d’évoquer, monsieur le président, le Gouvernement propose d’adapter l’ordre du jour de la semaine prochaine, en profitant de l’espace qui s’est libéré mardi 12 juillet après-midi, avant le débat et le vote sur la demande d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées en Libye.
En cette fin de session extraordinaire, il est naturel que l’ordre du jour subisse quelques modifications.
M. le président. Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, a demandé, par lettre en date du 7 juillet 2011, que les dix conventions fiscales inscrites à l’ordre du jour du Sénat soient examinées selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Par ailleurs, M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, vient de demander que la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques débute le lundi 11 juillet 2011 après-midi et que l’examen de toutes les conventions internationales, initialement prévu le mercredi 13 juillet 2011, soit avancé au mardi 12 juillet 2011, en début d’après-midi.
En conséquence, l’ordre du jour des lundi 11, mardi 12 et mercredi 13 juillet 2011 s’établit comme suit :
Lundi 11 juillet 2011
À 10 heures :
1°) Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique relatif aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution (texte de la commission n° 716, 2010-2011) et le projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique (texte de la commission n° 717, 2010-2011) ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale commune, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le vendredi 8 juillet 2011) ;
2°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française (texte de la commission n° 719, 2010-2011) ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le vendredi 8 juillet 2011) ;
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
3°) Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l’équilibre des finances publiques (n° 687 rectifié, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le vendredi 8 juillet 2011 ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le lundi 11 juillet 2011) ;
Mardi 12 juillet 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales ;
À 14 heures 30 :
2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Anguilla relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 629, 2010-2011) ;
3°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises, relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 630, 2010-2011) ;
4°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Belize relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 631, 2010-2011) ;
5°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sa majesté le Sultan et Yang Di-Pertuan de Brunei Darussalam relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 632, 2010-2011) ;
6°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 634, 2010-2011) ;
7°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth de la Dominique relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 635, 2010-2011) ;
8°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Cook relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 633, 2010-2011) ;
9°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales (texte de la commission n° 627, 2010-2011) ;
10°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Libéria relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission n° 636, 2010-2011) ;
11°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Ile de Man en vue d’éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs (texte de la commission n° 625, 2010-2011) ;
(À la demande du groupe CRC-SPG, il a été pris acte du retour à la procédure normale pour ces dix projets de loi. Ces projets feront l’objet d’une discussion générale commune ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 11 juillet 2011) ;
12°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial (texte de la commission n° 727, 2010-2011) ;
13°) Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Serbie, d’autre part (texte de la commission n° 609, 2010-2011) ;
14°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière administrative (texte de la commission n° 723, 2010-2011) ;
(Pour les trois projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ; selon cette procédure simplifiée, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le lundi 11 juillet 2011, à dix-sept heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;
15°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense ainsi qu’un échange de lettres (texte de la commission n° 725, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 11 juillet 2011) ;
À 18 heures :
16°) Débat et vote sur la demande du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées en Libye, en application du troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution ;
(La conférence des présidents :
- a accordé un temps de parole de quinze minutes au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;
- a fixé à vingt-cinq minutes le temps attribué au groupe UMP et au groupe socialiste et à quinze minutes le temps attribué aux autres groupes, les sénateurs non-inscrits disposant de cinq minutes.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 11 juillet 2011.
Le vote sur la demande d’autorisation donnera lieu à un scrutin public ordinaire. Aucune explication de vote n’est admise.)
Mercredi 13 juillet 2011
À 9 heures 30 :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 12 juillet 2011) ;
2°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure (A.N., n° 3299) ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 12 juillet 2011) ;
À 14 heures 30 :
3°) Suite éventuelle de la deuxième lecture de la proposition de loi tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure ;
4°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (texte de la commission n° 742, 2010-2011) ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 12 juillet 2011) ;
5°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi sur le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels (texte de la commission n° 736, 2010-2011) ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 12 juillet 2011) ;
6°) Navettes diverses.
9
Certificats d'obtention végétale
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale (proposition de loi n° 720 [2009-2010], texte de la commission n° 619, rapport n° 618).
Demande de réserve
M. Rémy Pointereau, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Afin de permettre à M. le ministre Bruno Le Maire, qui devrait pouvoir nous rejoindre aux alentours de seize heures trente, de participer à la discussion des amendements relatifs aux semences de ferme, la commission de l’économie sollicite la réserve de l’article 14.
Je profite également de cette intervention pour remercier M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, d’être présent parmi nous, pour poursuivre l’examen de ce texte, qui avait été interrompu mercredi dernier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement est favorable à cette demande de réserve.
M. le président. La réserve est de droit.
Je souhaite associer la présidence aux remerciements que M. le rapporteur vient d’adresser à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 12.
Chapitre Ier (suite)
DISPOSITIONS MODIFIANT ET COMPLÉTANT LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Article 12
Après l’article L. 623-23 du même code, il est inséré un article L. 623-23-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 623-23-1. – Le certificat d’obtention végétale est déclaré nul, par décision de justice, s’il est avéré :
« 1° Soit qu’il a été attribué à une personne qui n’y avait pas droit, à moins qu’il ne soit transféré à la personne qui y a droit ;
« 2° Soit qu’à la date à laquelle il a été délivré, la variété ne satisfaisait pas aux conditions mentionnées aux deux premiers alinéas de l’article L. 623-2 ou, dans le cas où le certificat a été essentiellement délivré sur la base des documents et renseignements fournis par l’obtenteur, à celles prévues aux 2° et 3° de l’article L. 623-2. »
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, MM. Yung, Daunis et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
conditions mentionnées
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
à l’article L. 623-2.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. L’article 12 vise à insérer dans le code de la propriété intellectuelle, après l’article relatif aux conditions de déchéance du droit d’obtention, un article traitant des cas de nullité du COV, le certificat d’obtention végétale, en conformité avec l’article 21 de la convention UPOV, l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales.
Pour que le COV soit déclaré nul, il faut, bien entendu qu’une décision de justice soit prise, mais aussi, d’une part, que le COV ait été attribué à une personne qui n’y avait pas droit et, d’autre part, que la variété ne satisfasse pas aux conditions mentionnées à l’article L. 623-2 du code de la propriété intellectuelle, qui définit l’obtention végétale.
On observe toutefois qu’une différence est opérée entre les conditions de nullité, selon qu’il s’agit ou non d’un certificat délivré sur la base de documents et renseignements fournis par l’obtenteur et relatifs aux critères H et S, à savoir l’homogénéité et la stabilité.
Nous ne comprenons pas les raisons d’une telle distinction et nous souhaitons donc, au travers de cet amendement, y mettre un terme, d’autant que nous ne sommes pas favorables à ce qu’un certificat soit délivré uniquement sur la base des renseignements ou des essais fournis par l’obtenteur.
Lors de la discussion de la première partie du texte, vous avez, mes chers collègues, adopté un amendement du groupe socialiste qui allait dans ce sens. Je vous invite donc aujourd’hui à voter en faveur de cet amendement de coordination.
Enfin, s’agissant de l’organisation de nos travaux, et au regard des modifications de l’ordre du jour que vous venez d’annoncer, monsieur le président, je me demande s’il était vraiment indispensable que le Sénat siège cet après-midi. Les travées clairsemées de cet hémicycle m’inciteraient à répondre par la négative… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cet amendement vise à simplifier les conditions de nullité des certificats d’obtention végétale.
La nullité serait toujours prononcée par décision de justice, et il faudrait par ailleurs que la variété ne corresponde plus aux conditions de distinction, d’homogénéité et de stabilité – les critères DHS – qui avaient permis sa reconnaissance.
Cet amendement ayant par conséquent pour objet de simplifier la rédaction de la proposition de loi, la commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Votre intention est louable, monsieur Raoul.
La proposition de loi initiale reprenait à la lettre les termes de la convention UPOV, mais il est vrai que l’on peut s’en écarter sans que cela pose de difficultés particulières au regard de l’enjeu de ratification de ce texte.
Le Gouvernement émet donc à son tour un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Soit qu’il concerne une espèce du domaine public existant à l’état naturel, ou résultant des pratiques paysannes traditionnelles ou endémiques. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Mes collègues Gérard Le Cam et Mireille Schurch auraient aimé participer à la deuxième partie de la discussion de cette proposition de loi, mais ils sont malheureusement retenus par des obligations dans leurs départements respectifs. Je tâcherai de porter au mieux leur parole dans ce débat.
Je voudrais tout d’abord m’élever contre la réserve de l’article 14. Le débat avait déjà été interrompu, mais voilà que vous modifiez à présent l’ordre d’examen des articles. Tout cela est bien compliqué et, pour tout dire, n’est pas très sérieux !
J’en viens à l’amendement n° 46.
Nous avions déjà évoqué la possibilité de l’appropriation d’un droit sur des variétés marginalement modifiées. Il convient aussi d’envisager celle de l’appropriation d’un droit sur une espèce existante. Il serait en effet aberrant de maintenir un droit sur une espèce pour laquelle on se rendrait compte qu’elle existait déjà, à l’état naturel ou dans des cultures paysannes, au moment de l’octroi du certificat d’obtention végétale.
Il s’agit là d’un amendement de bon sens, qui vise de surcroît à préserver les espèces du domaine public ainsi que les pratiques paysannes traditionnelles et endémiques, qui sont autant de richesses pour l’agriculture nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cet amendement prévoit un nouveau cas de nullité du certificat d’obtention végétale, lorsque la variété relève du domaine public.
Une telle précision paraît superflue, dans la mesure où un certificat ne peut être accordé que si la variété est nouvelle, distincte, homogène et stable, ces conditions étant définies à l’article L. 623-2 du code de la propriété intellectuelle.
Une variété du domaine public, connue et utilisée, par exemple, dans le cadre de pratiques paysannes traditionnelles ne pourrait pas remplir les conditions fixées à l’article L.623-2 précité et, partant, recevoir de certificat.
De plus, la nullité s’appliquerait si un COV avait été attribué par erreur.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Madame David, je voudrais d’abord vous répondre concernant l’ordre du jour.
Nous sommes tous soumis à une exigence de disponibilité : moi-même, il me faut aujourd’hui remplacer M. Le Maire, qui se trouve en ce moment avec le Président de la République. Il nous rejoindra à seize heures trente.
Nous devons, les uns et les autres, faire un effort en cette fin de session extraordinaire. L’ordre du jour est en effet bousculé, mais c’est traditionnellement le cas à cette période.
Mme Annie David. Je suis là !
M. Patrick Ollier, ministre. Moi aussi, madame !
Par ailleurs, la réserve d’un article jusqu’à la fin du texte est tout à fait conforme à la Constitution.
Mme Annie David. Ce n’est pas très sérieux !
M. Patrick Ollier, ministre. C’est l’application de la Constitution et du règlement, il n’y a rien là d’extraordinaire !
Sur l’amendement n° 46, je partage l’avis de M. le rapporteur, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, le COV ne peut concerner une variété préexistant dans le milieu naturel, car le critère de nouveauté, qui est indispensable pour obtenir ce certificat, ne serait alors pas respecté.
Ensuite, si je suis personnellement favorable aux pratiques paysannes traditionnelles, il n’en demeure pas moins qu’une telle terminologie, floue sur le plan juridique, ne pourrait qu’encourager dérives et abus.
Pour ces deux raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je m’abstiendrai sur cet amendement. Celui-ci est en effet partiellement satisfait, puisqu’une variété existant dans la nature ne peut faire l’objet d’un COV.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je voterai cet amendement, au nom de mes amis écologistes, avec quelque malice néanmoins, puisque je considère que tout vient de la nature, qui résulte de 3,5 milliards d’années d’évolution, et des pratiques paysannes traditionnelles ou endémiques, qui se sont transmises au cours de 20 000 ans de protohistoire.
En conséquence, cet amendement montre bien qu’il peut y avoir tentative de confiscation, dès lors que la pratique des COV est confortée.
M. le président. Je confirme à Mme Blandin que le vote avec malice est un vote ! (Sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 46.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
L’article L. 623-24 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 611-7 est également applicable aux certificats d’obtention végétale, les inventions y étant entendues comme les obtentions, les brevets comme les certificats d’obtention végétale et la commission de conciliation comme celle instituée par un décret spécifique au domaine particulier des obtentions végétales. »
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, sur l'article.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de mon collègue Richard Yung, très attaché à la notion de propriété intellectuelle, en particulier pour ce qui concerne les salariés.
L’article 13 vise à étendre aux obtentions végétales les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives aux droits des inventeurs salariés. Nous soutenons cette disposition, car elle va dans le bon sens en mettant sur un pied d’égalité les salariés auteurs d’inventions et ceux qui créent et développent les variétés. Ces derniers pourront donc normalement bénéficier d’une rémunération supplémentaire, si la création de la nouvelle variété est réalisée dans le cadre d’une mission inventive, ou d’un juste prix, si elle est effectuée en liaison avec l’entreprise.
Cependant, il est à craindre que ce droit ne demeure théorique. Notre sentiment d’inquiétude provient du fait que les salariés auteurs d’inventions sont actuellement peu reconnus et mal rémunérés.
En effet, la loi du 26 novembre 1990 relative à la propriété industrielle a renvoyé aux conventions collectives, aux accords d’entreprise et aux contrats individuels de travail le soin de déterminer le mode de calcul. Or les dispositions prévues dans les conventions collectives, lorsque celles-ci existent, sont floues et incomplètes, voire irrégulièrement appliquées. Quant à celles qui figurent dans les accords d’entreprise, elles sont quasiment inexistantes. Il en va de même pour les contrats individuels de travail.
Dans un contexte qui pourrait être défavorable à l’innovation, certains inventeurs salariés du secteur privé sont contraints de saisir, parfois d’ailleurs au prix de leur licenciement, la Commission nationale des inventions de salariés, la CNIS, ou le tribunal de grande instance, afin de faire appliquer leurs droits.
Une telle situation est inacceptable et nous souhaiterions que le Gouvernement prenne une initiative concrète, afin de mieux récompenser les inventeurs salariés. Il ne suffit pas de sauter dans son fauteuil, en criant « innovation » ; il faut aussi donner aux créateurs des moyens et une juste récompense de leur travail.
M. le président. Je rappelle que l’article 14 a été réservé jusqu’à la fin du texte.
Articles additionnels après l'article 14
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « les plus » sont supprimés.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Il s’agit pratiquement d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cet amendement vise à subordonner la reconnaissance d’une organisation interprofessionnelle à la présence de toutes les organisations professionnelles représentatives de la production agricole et non à la seule présence des organisations les plus représentatives.
Il s’agit de rouvrir un débat qui a déjà eu lieu lors de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Soulignons également, monsieur Raoul, que vous préconisez l’adoption d’un tel principe pour toutes les interprofessions et pas seulement pour celle des semences.
Au demeurant, cet amendement s’apparente fortement à un cavalier législatif.
M. Daniel Raoul. Oh !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. La mesure proposée n’entretient qu’un rapport lointain avec l’objet du texte, à savoir l’adaptation du système français de protection intellectuelle pour y intégrer les variétés végétales et non l’organisation générale de la profession agricole.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. La vigilance de M. le rapporteur n’a pas été trompée ! Cet amendement n’est absolument pas rédactionnel.
J’émettrai en même temps l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 14, 15 et 16, qui ont le même objet. Tous sont des cavaliers législatifs, monsieur Raoul, vous ne l’ignorez pas ! (M. Daniel Raoul sourit.) Votre sourire me démontre que j’ai raison…
M. Le Maire a toujours veillé à ce que l’ensemble des organisations professionnelles représentatives soient associées aux travaux qu’il engage. Il s’agit d’organisations de droit privé régies par la loi de 1901 relative au contrat d’association. En l’état actuel du droit, la représentation pluraliste des organisations professionnelles au sein des interprofessions est permise, à condition qu’il y ait un accord entre les professions concernées pour travailler sur des actions communes.
Par ailleurs, je rejoins tout à fait les arguments de M. le rapporteur. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 14, 15 et 16.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « est subordonnée », sont insérés les mots : « à la représentation de l'ensemble des organisations syndicales d'exploitants agricoles à vocation générale habilitées à siéger nationalement et ».
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Je suppose que cet amendement va subir le même sort que le précédent. Les mêmes arguments vont probablement être avancés.
J’ai essayé de passer en douceur,…
Mme Françoise Laborde. C’était bien essayé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le prélèvement de ces cotisations est subordonné à la représentation, dans les organisations interprofessionnelles concernées par des accords étendus, de l'ensemble des organisations syndicales d'exploitants agricoles à vocation générale habilitées à siéger nationalement. » ;
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. L'article L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime habilite les interprofessions à prélever sur tous les membres des professions les constituant, que ces membres soient adhérents ou non, des cotisations résultant des accords étendus.
Cet amendement vise à conditionner le prélèvement des cotisations à la représentation dans l'interprofession de l’ensemble des syndicats agricoles à vocation générale. Comme vous pouvez le constater, je suis fidèle à ma logique ! Je tiens à le redire, les engagements qui avaient été pris concernant la pluralité de la représentation syndicale n’ont pas été tenus. Cette question faisait l’objet de l’amendement n° 15, que je n’ai pas défendu pour faire gagner un peu de temps à notre assemblée.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que les engagements pris par M. Le Maire ici même, au banc des ministres, lors de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, soient tenus ! Il faut que les dispositions soient mises en application, ce qui permettra de faire évoluer les choses.
Mme Françoise Laborde. Ne peut-on pas attendre M. Le Maire ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Monsieur Raoul, vous allez encore plus loin que tout à l’heure ! (M. Daniel Raoul s’exclame.) Cet amendement prévoit en effet que le prélèvement des cotisations résultant d’accords étendus n’est possible que si les interprofessions concernées comprennent l’ensemble des organisations représentatives des exploitants agricoles au niveau national.
Il faut savoir que la notion de « représentativité » est définie au sein des chambres d’agriculture, ce qui permet aux uns et aux autres d’être représentés.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui, comme le précédent, ne présente pas de lien direct avec l’objet du texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur Raoul, pour les raisons que j’ai déjà évoquées, je suis défavorable à cet amendement.
Cependant, la question que vous posez s’adresse au ministre de l’agriculture. Par conséquent, je demande aux membres de son cabinet de faire en sorte qu’il vous réponde tout à l’heure, lorsqu’il sera arrivé.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 632-8-1 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « autorités administratives compétentes », sont insérés les mots « et à tous les cotisants qui en font la demande ».
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Contrairement à ce que prétend M. le rapporteur, je ne fais pas de surenchère ! Cet amendement vise en effet à faire respecter la pluralité, non pas au sein de l’interprofession, mais au regard des autorités administratives.
Toutefois, j’imagine que M. le rapporteur et M. le ministre vont m’apporter la même réponse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Il paraît légitime de devoir transmettre les justifications de l’utilisation des fonds prélevés. Ce débat a déjà eu lieu lors de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Quoi qu’il en soit, la commission est défavorable à cet amendement, dont les dispositions sont éloignées de l’objet de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur Raoul, cet amendement n° 17 est aussi un cavalier législatif !
Par ailleurs, il est satisfait : soit le cotisant est membre d’une organisation membre de l’interprofession et, dans ce cas, il peut s’adresser à l’organisation qui le représente pour avoir accès aux documents ; soit il ne l’est pas et il a alors la possibilité d’accéder aux documents auprès des pouvoirs publics.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Raoul, l’amendement n° 17 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
On peut toujours, il est vrai, s’adresser à la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, mais il serait plus simple que chacun ait accès, d’une façon normale, à ces documents.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15
Les trois premiers alinéas de l’article L. 623-25 sont remplacés par les deux alinéas ainsi rédigés :
« Sous réserve des dispositions de l’article L. 623-24-1, toute atteinte volontaire portée aux droits du titulaire d’un certificat d’obtention végétale tels qu’ils sont définis à l’article L. 623-4 constitue une contrefaçon qui engage la responsabilité civile de son auteur. Au sens du présent article, sont également considérées comme une atteinte au droit du titulaire d’un certificat d’obtention végétale les utilisations incorrectes ou abusives de la dénomination de la variété qui fait l’objet d’un certificat d’obtention.
« Le titulaire d’une licence d’office visée aux articles L. 623-17 et L. 623-20, le titulaire d’une licence obligatoire visée à l’article L. 623-22-3 et, sauf stipulation contraire, le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peuvent exercer l’action prévue au premier alinéa si, après mise en demeure, le titulaire du certificat n’exerce pas cette action. » – (Adopté.)
chapitre Ier bis
CONSERVATION DES RESSOURCES PHYTOGÉNÉTIQUES FRANCAISES POUR L'AGRICULTURE ET L'ALIMENTATION
(Division et intitulé nouveaux)
Article 15 bis (nouveau)
Le chapitre préliminaire du titre VI du livre VI du code rural et de la pêche maritime est complété par trois articles ainsi rédigés :
« Art. L. 660-2. – La conservation des ressources phytogénétiques françaises pour l'agriculture et l'alimentation est organisée, dans l'intérêt général, pour les besoins de la recherche scientifique, de l'innovation et de la sélection variétale appliquée, et notamment pour éviter la perte irréversible de ressources phytogénétiques stratégiques.
« Pour être enregistrée comme ressource phytogénétique française pour l'agriculture et l'alimentation, une ressource phytogénétique doit satisfaire aux conditions suivantes :
« 1° Présenter un intérêt particulier pour la recherche scientifique, l'innovation ou la sélection variétale appliquée ;
« 2° Ne pas figurer au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées ;
« 3° Ne pas faire l'objet d'un certificat d'obtention végétale.
« Art. L. 660-3. – Est identifiée comme ressource phytogénétique patrimoniale française toute ressource phytogénétique satisfaisant aux conditions d'enregistrement définies à l'article L. 660-2 et bénéficiant d'une reconnaissance en tant qu'élément du patrimoine agricole et alimentaire national vivant, notamment en raison du fait qu'elle est représentative de l’agriculture française, présente ou passée, qu’elle a été diffusée sur le territoire ou qu’elle est emblématique d’une région.
« La conservation des ressources phytogénétiques patrimoniales françaises est organisée, dans l'intérêt général, dans des conditions de nature à faciliter l'accès des citoyens et de la communauté internationale à des échantillons de ces ressources compte tenu de leur intérêt global pour l’agriculture et l’alimentation.
« Ces ressources sont intégrées dans la collection nationale des ressources phytogénétiques mentionnée à l'article L. 660-1.
« Art. L. 660-4. – Les conditions d'enregistrement et de reconnaissance des ressources phytogénétiques définies aux articles L. 660-2 et L. 660-3 ainsi que les modalités de conservation et de valorisation des échantillons de ces ressources sont précisées par décret. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre préliminaire du titre VI du livre VI du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Son intitulé est ainsi rédigé :
« La conservation des ressources phytogénétiques pour l'agriculture et l'alimentation » ;
2° Il est complété par trois articles L. 660-2 à L. 660-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 660-2. - La conservation des ressources phytogénétiques pour l'agriculture et l'alimentation est organisée, dans l'intérêt général en vue de leur utilisation durable, en particulier pour la recherche scientifique, l'innovation et la sélection variétale appliquée, dans le but d’éviter la perte irréversible de ressources phytogénétiques stratégiques.
« Pour être enregistrée comme ressource phytogénétique pour l'agriculture et l'alimentation, une ressource phytogénétique d’une espèce végétale cultivée ou bien d’une forme sauvage apparentée doit satisfaire aux conditions suivantes :
« 1° Présenter un intérêt actuel ou potentiel pour la recherche scientifique, l'innovation ou la sélection variétale appliquée ;
« 2° Ne pas figurer au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées, sauf dans des cas précisés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, notamment en cas de variétés de conservation
« 3 ° Ne pas faire l'objet d'un certificat d'obtention végétale.
« Art. L. 660-3. - Est identifiée comme ressource phytogénétique patrimoniale toute ressource phytogénétique satisfaisant aux conditions d'enregistrement définies à l'article L. 660-2 et notoirement connue comme faisant partie de l’histoire agricole, horticole, forestière et alimentaire nationale, sur le territoire national, notamment du fait qu'elle est représentative de cette histoire, qu'elle a été diffusée ou est présente sur le territoire ou qu'elle est emblématique d'une région.
« La conservation des ressources phytogénétiques patrimoniales est organisée, dans l'intérêt général, dans des conditions de nature à faciliter l'accès des citoyens et de la communauté internationale à des échantillons de ces ressources compte tenu de leur intérêt global pour l'agriculture et l'alimentation.
« Ces ressources sont intégrées dans la collection nationale des ressources phytogénétiques mentionnée à l'article L. 660-1.
« Art. L. 660-4. – Les conditions d'enregistrement et de reconnaissance des ressources phytogénétiques définies aux articles L. 660-2 et L. 660-3 ainsi que les modalités de conservation et de valorisation des échantillons de ces ressources sont précisées par décret. »
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. L’article 15 bis, introduit par la commission, était nécessaire, puisqu’il permet de définir la manière dont la France va constituer, conserver et mieux partager ses ressources phytogénétiques.
Par ailleurs, il nous met en mesure de respecter nos obligations internationales contractées dans le cadre du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, le TIRPAA, ainsi que dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique.
Par cet amendement, il s’agit de répondre à certaines préoccupations qui se sont exprimées visant à élargir l’ensemble des ressources phytogénétiques inscrites au catalogue des collections et partagées. Plusieurs objectifs sont visés.
Le premier concerne la caractérisation française. En effet, après des années de débats, un consensus s’est fait jour, dans la communauté internationale, pour considérer que l’attribution d’une nationalité aux ressources phytogénétiques n’a pas de sens, notamment en raison de la circulation historique de ces ressources depuis les débuts de l’agriculture.
Le deuxième objectif répond au souci de ne pas restreindre les collections aux espèces végétales cultivées, en y associant les formes sauvages apparentées.
Le troisième objectif revient à ne pas limiter les ressources conservées à celles dont on connaîtrait déjà l’intérêt. Il convient d’y inclure celles qui possèdent un intérêt éventuel ou, comme précisé, potentiel, ainsi que l’ont proposé certains de mes collègues.
Le quatrième objectif tend à retenir l’hypothèse que des variétés anciennes de ces collections peuvent être remises en marché grâce, notamment, aux lois consécutives au Grenelle de l’environnement, qui ont ouvert un plus grand nombre de possibilités en la matière. J’ai donc proposé qu’une variété inscrite au catalogue officiel, sur des listes particulières, puisse conserver sa place dans les collections, s’il en était ainsi décidé par M. le ministre.
Enfin, pour être totalement conforme aux objectifs du TIRPAA, il me semble important d’utiliser la notion de développement durable au titre des objectifs de conservation de cette ressource et de définir ce que nous entendons par « ressource patrimoniale ». Selon moi, cette qualification suppose que la ressource en question est notoirement connue comme faisant partie de l’histoire agricole, horticole, forestière et alimentaire nationale.
M. le président. Le sous-amendement n° 60, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Amendement n° 56, alinéa 6
Après les mots :
dans l'intérêt général
insérer les mots :
pour garantir que les générations futures pourront disposer des ressources nécessaires à leur alimentation, y compris celles dont on ignore aujourd'hui l'éventuel intérêt futur, pour leur intérêt patrimonial, culturel et gastronomique, et
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Mon intervention vaudra également pour le sous-amendement n° 61 rectifié, monsieur le président.
Selon nous, il est nécessaire de compléter l’amendement n° 56 rectifié, afin d’assurer la cohérence du dispositif : en effet, l’un des objectifs affichés est d’éviter la perte irréversible de « ressources phytogénétiques stratégiques » ; mais que recouvre une telle qualification a priori ?
On trouve régulièrement de nouveaux intérêts à des espèces qui auraient pu être qualifiées, à d’autres moments, de « mauvaises herbes ». En vérité, de même que nous ne connaissons qu’une infime partie des espèces peuplant ce monde, nous ignorons l’essentiel des propriétés de celles qui sont recensées. Nous ne pourrons accéder à cette connaissance que si ces espèces sont conservées, toute perte de ressource phytogénétique étant en effet, par nature, irréversible.
Que savons-nous des besoins que ressentiront les générations futures ? Bien sûr, ces dernières subissent un évident problème de représentation. Mais le concept de développement durable, tel qu’il a été développé par Mme Brundtland en 1987, et auquel vous êtes si attachés, mes chers collègues, inscrit au cœur de nos préoccupations ces générations futures dont nous ne devons pas compromettre la capacité à répondre à leurs propres besoins.
En outre, la conservation des ressources phytogénétiques françaises n’est jamais qu’un des aspects de la politique de protection de la biodiversité. Celle-ci constitue, dois-je le rappeler, un patrimoine précieux adossé à nos terroirs et notre culture, sans oublier notre gastronomie, qui font notre réputation à travers le monde !
L’objet de ce sous-amendement est de rappeler ces objectifs, qui dépassent les besoins économiques immédiats de la recherche ou de la sélection.
M. le président. Le sous-amendement n° 65 rectifié, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Amendement n° 56 rectifié, alinéa 6
Après les mots :
sélection variétale appliquée,
insérer les mots :
pour leur intérêt patrimonial, culturel et gastronomique,
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. L’article 15 bis vise à inscrire enfin dans la loi le concept de collection nationale, qui comprend la somme des collections identifiées par des certificats d’obtention végétale et favorise la pérennité des variétés anciennes.
Comme l’a dit Christian Demuynck, ce concept est l’un des fruits du long travail effectué dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qu’une heureuse initiative de la commission a permis de valider juridiquement dans ce texte.
J’en profite pour préciser qu’il existe non seulement des variétés anciennes, mais aussi des variétés locales, tout aussi rares, mais d’apparition plus récente. Pour dire les choses plus simplement, ces collections ne sont pas muséales, elles représentent aussi la biodiversité dans tout son dynamisme.
Néanmoins, tant le texte de l’article 15 bis que celui de l’amendement de Christian Demuynck donnent un cadre beaucoup trop étroit aux ressources concernées. Par exemple, le fait de « présenter un intérêt pour la recherche scientifique ou l’innovation » constitue un critère laissant supposer que la société, à un temps t, sait ce qui sera ou non utile pour la recherche. Or il est impossible de le deviner.
Permettez-moi de prendre un exemple dans le règne animal pour vous montrer que tout n’est pas aussi simple : quand l’académicien des sciences Yvan Le Maho se penche, durant des années, sur la vie et les pérégrinations des manchots empereurs, qui peut imaginer qu’il fera une découverte scientifique collatérale très importante, en isolant un peptide présent dans l’estomac des pères manchots privés de nourriture par leur immobilité pendant la garde des œufs, qui empêche la dégradation du dernier bol alimentaire pour en faire la première bouchée du poussin ?
Parions qu’avant lui, s’il y avait eu un registre des animaux pouvant présenter une utilité pour la recherche, le manchot empereur n’en aurait sans doute pas fait partie !
Pourtant, cette substance offre d’ores et déjà de nombreuses possibilités pour la conservation des aliments. C’est donc l’ensemble du patrimoine génétique végétal qui mérite d’être sauvegardé. N’en limitons pas les possibilités par la loi !
Au-delà des imprévus, souhaitables au demeurant, de la démarche scientifique et de la recherche, pouvant conduire à la découverte de substances pharmaceutiques, et au-delà du principe même de patrimoine, qui est moins restrictif que celui qui a été retenu dans le texte de la commission, je souhaite, par ce sous-amendement, que soient mentionnés l’intérêt culturel et l’intérêt gastronomique en tant qu’il justifie la conservation des ressources phytogénétiques.
La notion d’intérêt culturel renvoie, par exemple, au gui des druides ou à la mythique mandragore. Quant à la mention de l’intérêt gastronomique permettra, elle permettra de garantir, notamment, la sauvegarde de la truffe noire, menacée par le défrichement, la monoculture et les engrais.
Cette disposition est, de surcroît, cohérente avec le classement de notre gastronomie au patrimoine immatériel de l’humanité et pourra bénéficier à de célèbres cuisiniers, heureux d’avoir retrouvé des herbes aromatiques oubliées.
Ce que les ouvriers de l’institut Vavilov ont su faire à Saint-Pétersbourg, en plein assaut des armées ennemies, pour sauver leurs collections de céréales, pommes de terre et autres légumes, alors que sévissait la famine, nous devons être capables de le faire en période de paix et d’alerte en matière de biodiversité.
M. le président. Le sous-amendement n° 66 rectifié, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
Amendement n° 56 rectifié, alinéa 7
Après les mots :
pour l’agriculture et l’alimentation
insérer les mots :
faisant partie de la collection nationale
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Le sous-amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Amendement n° 56, alinéa 11
Après les mots :
à l'article L. 660-2 et
insérer les mots :
pouvant garantir que les générations futures pourront disposer des ressources nécessaires à leur alimentation, y compris celles dont on ignore aujourd'hui l'éventuel intérêt futur, ou
Ce sous-amendement a été défendu.
Le sous-amendement n° 64, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Amendement 56 rectifié, alinéa 12
Après les mots :
accès des citoyens
insérer les mots :
, de toute personne physique ou morale
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Notre collègue Christian Demuynck ayant déposé un amendement visant à rédiger l’article 15 bis, j’ai transformé l’amendement n° 18 que j’avais déposé en sous-amendement à l’amendement n° 56 rectifié.
Il y est précisé que la conservation des ressources phytogénétiques patrimoniales françaises est organisée dans des conditions de nature à faciliter l’accès des citoyens et de la communauté internationale à des échantillons de ces ressources.
Je souhaite préciser que les exploitants agricoles doivent aussi avoir accès à ce patrimoine variétal public, libre de droit et présentant toujours un intérêt agronomique.
Ce sous-amendement prévoit par conséquent que toute personne physique ou morale doit pouvoir accéder à des échantillons des ressources phytogénétiques.
Au vu du cadre normatif international et européen auquel nous sommes soumis, le nœud du problème en matière de COV est de trouver un accord sur les conditions de rémunération des obtenteurs, ce qui permettrait d’autoriser officiellement les semences de ferme.
Mais il faut aussi permettre l’accès des agriculteurs aux semences libres de droit. À défaut, le marché des semences protégées pourrait être considéré comme captif !
À titre d’exemple, je prendrai le cas d’un agriculteur que je connais. Il est installé dans la commune de Savennières, qui est située dans mon département. Il cultive toujours des variétés anciennes de légumes, plus par loisir que par intérêt économique. Ce faisant, il contribue à la préservation du patrimoine phytogénétique, mais il ne peut même pas, théoriquement, les donner, contre rémunération, à un organisme de recherches comme l’INRA. Heureusement, cela se fait en coulisses, la proximité géographique le permettant. Pour faire court, les chercheurs viennent directement se servir dans son potager. Il serait plus simple que toute personne physique ou morale dispose d’un libre accès à un tel patrimoine.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
intérêt général
insérer les mots :
pour garantir que les générations futures pourront disposer des ressources nécessaires à leur alimentation, y compris celles dont on ignore aujourd'hui l'éventuel intérêt futur, pour leur intérêt patrimonial, culturel et gastronomique,
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
sélection variétale appliquée,
insérer les mots :
pour leur intérêt patrimonial, culturel et gastronomique,
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il est également défendu.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
pour l'agriculture et l'alimentation
insérer les mots :
faisant partie de la collection nationale
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. C’est un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
à l'article L. 660-2 et
insérer les mots :
pouvant garantir que les générations futures pourront disposer des ressources nécessaires à leur alimentation, y compris celles dont on ignore aujourd'hui l'éventuel intérêt futur, ou
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il convient de prendre en compte l'ensemble des objectifs de la conservation des ressources phytogénétiques.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
des citoyens
insérer les mots :
, des exploitants agricoles
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. L’amendement n° 56 rectifié tend à réécrire l’article 15 bis, qui vise à instaurer un système permettant d’alimenter le dispositif national de conservation des variétés anciennes. C’est une excellente initiative !
Par rapport au texte de la commission, Christian Demuynck propose deux modifications principales.
Tout d’abord, il retire la condition de non-inscription au catalogue, nécessaire pour faire entrer une variété dans la collection nationale des ressources à conserver. En effet, des variétés anciennes sont inscrites au catalogue des variétés de conservation, et il serait dommage qu’elles ne puissent pas figurer parmi les ressources phytogénétiques françaises pour l’agriculture et l’alimentation, lesquelles ont vocation à être partagées au niveau international.
Ensuite, il prévoit de verser à la collection nationale les ressources phytogénétiques dites « patrimoniales », qui doivent être notoirement connues et faire partie de l’histoire agricole nationale.
Ces précisions étant tout à fait utiles et permettant une mise en œuvre plus efficace du TIRPAA, la commission est favorable à l’amendement n° 56 rectifié.
Les auteurs du sous-amendement n° 60, qui reprend en fait l’amendement n° 54, proposent une double modification du texte de la commission : d’une part, ils orientent la politique de conservation vers un objectif, celui de garantir aux générations futures les ressources nécessaires à leur alimentation ; d’autre part, ils précisent que les variétés végétales sont conservées pour leur intérêt à la fois patrimonial, culturel et gastronomique.
À mon sens, plus on ajoute de termes, plus on restreint les possibilités de conservation des ressources phytogénétiques.
Ce sous-amendement s’inscrit dans l’esprit du texte de la commission et de sa réécriture par l’amendement de M. Demuynck. Toutefois, on peut se demander si la rédaction préconisée n’est pas contraire à l’objectif recherché, puisqu’elle limite la politique de conservation des ressources aux variétés anciennes qui présentent un intérêt patrimonial, culturel et gastronomique. Or l’objet de cette conservation devrait être plus large. Les ressources phytogénétiques patrimoniales françaises ne représentent qu’une fraction des ressources à conserver. Elles font d’ailleurs l’objet de l’article L. 660-3 du code rural et de la pêche maritime, tel qu’introduit par ce texte.
Par ailleurs, nos collègues entendent orienter la politique de conservation en direction des générations futures, alors que celle-ci peut aussi se doter d’objectifs à plus court terme. La commission a donc émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 65 rectifié présenté par Mme Blandin est similaire à la seconde partie du sous-amendement n° 60 défendu par Mme David. Il appelle donc les mêmes commentaires et un même avis défavorable.
Par son sous-amendement n° 66 rectifié, Mme Blandin souhaite préciser que les ressources phytogénétiques à conserver font partie de la collection nationale prévue à l’article L. 660-1 du code rural et de la pêche maritime. Or le texte prévoit que seules les ressources d’intérêt patrimonial alimentent ladite collection nationale. La rédaction du sous-amendement englobe toutes les catégories dans la collection nationale et donne à cette dernière un contenu trop large, de nature à restreindre son intérêt. La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.
Quant au sous-amendement n° 61 rectifié, il vise également à garantir aux générations futures les ressources nécessaires à leur alimentation. Encore une fois, personne ne peut contester un tel objectif. Toutefois, la rédaction retenue laisse, là aussi, planer un sous-entendu : dès lors que l’on ne parviendrait pas à prouver que l’on agit pour les générations futures, la conservation ne serait plus possible !
Même si le cas est théorique, il me semble préférable de ne pas introduire de trop nombreuses conditions : mieux vaut retenir une définition large, qui permettra de conserver un plus grand nombre de variétés. La commission émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 61 rectifié.
Le sous-amendement n° 64 vise à permettre un accès spécifique des exploitants agricoles aux ressources phytogénétiques.
Tant dans le texte de la commission que dans celui de l’amendement n° 56 rectifié, l’accès aux ressources phytogénétiques conservées est limité aux seuls citoyens. M. Raoul souhaite l’étendre aux agriculteurs, d’où sa proposition d’inclure les personnes physiques ou morales. Cela permettra à tous ceux qui font partie d’une SCEA ou d’un GAEC d’avoir accès aux ressources conservées dans la collection nationale.
Conformément à ce que nous avions demandé, cette proposition formulée à l’amendement n° 18 a été fort opportunément réintroduite sous la forme d’un sous-amendement. La commission y est donc favorable.
Enfin, les amendements nos 54, 34, 35, 55 et 18 étant le miroir de l’ensemble de ces sous-amendements, ils appellent les mêmes commentaires de la part de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, force est de constater que, si nous convergeons vers les mêmes objectifs, nous privilégions des formulations différentes. Je m’efforcerai de clarifier, point par point, la position du Gouvernement, qui est d’ailleurs quasiment conforme à celle de la commission.
Je profite de l'examen de l’amendement n° 56 rectifié pour rendre hommage à M. Demuynck, lequel est à l’origine de cette proposition de loi. J’ai le souvenir d’avoir eu avec lui de longues discussions sur ces sujets lorsque j’étais président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement de réécriture de l'article 15 bis. M. Demuynck propose en fait d’instaurer un système permettant d’alimenter le dispositif national de conservation des variétés anciennes. Pour déterminer les espèces sauvages pouvant être versées aux collections, il retient uniquement celles qui sont apparentées à des espèces cultivées, et donc susceptibles de présenter effectivement un intérêt pour l’agriculture et l’alimentation. Une telle restriction est logique dans la mesure où les autres espèces sauvages n’ont pas vocation à entrer dans le dispositif. M. Demuynck prévoit en outre de verser dans les collections les variétés anciennes inscrites au catalogue, donc non protégées.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 60, car il vise à restreindre la conservation des ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation, celle-ci devant obéir à une double condition : garantir aux générations futures des denrées alimentaires en quantité suffisante et présenter un intérêt patrimonial, culturel et gastronomique.
Il n’est pas opportun, madame David, d’introduire une telle restriction. Mieux vaut en rester à la formulation mentionnant comme objectif la défense de l'intérêt général.
Madame Blandin, la notion d’« intérêt gastronomique » que vous proposez au sous-amendement n° 65 rectifié ne semblant pas adaptée au Gouvernement, celui-ci vous suggère de faire plutôt référence à un « élément du patrimoine agricole et alimentaire national vivant ». Si vous acceptiez une telle modification, à laquelle je suis certain que la commission ne verrait aucun inconvénient, le Gouvernement serait en mesure d’émettre un avis favorable sur votre sous-amendement. (Mme Marie-Christine Blandin acquiesce.)
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Patrick Ollier, ministre. Sur le sous-amendement n° 66 rectifié, en revanche, je suis désolé d’émettre un avis défavorable : on ne gagne pas à tous les coups ! (M. Daniel Raoul s’esclaffe.) M. le rapporteur ayant fourni toutes les explications nécessaires en la matière, je n’y reviens pas.
Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 61 rectifié, qui tend à modifier la définition des ressources phytogénétiques patrimoniales en y incluant celles qui possèdent un intérêt alimentaire potentiel. Or il convient de distinguer les ressources phytogénétiques en général des ressources phytogénétiques patrimoniales.
À l’instar de la commission, le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 64. Il est légitime que chacun puisse avoir accès aux ressources phytogénétiques patrimoniales, les personnes physiques comme les personnes morales. C’est une précision utile, que nous acceptons.
Sur les amendements nos 54, 34, 35, 55 et 18, je fais mienne la position exposée par M. le rapporteur.
M. le président. Madame Blandin, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre, s’agissant du sous-amendement n° 65 rectifié ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je l’accepte, et je rectifie mon sous-amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 65 rectifié bis, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Amendement n° 56 rectifié, alinéa 6
Après les mots :
sélection variétale appliquée,
insérer les mots :
en tant qu'élément du patrimoine agricole et alimentaire national vivant
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ainsi rectifié ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 65 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 66 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 61 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 64.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, mes chers collègues, même si je me réjouis de la possibilité qui est offerte d’inscrire des variétés anciennes au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées, j’attire votre attention sur le fait que tout ne sera pas réglé pour autant, car il restera à déterminer les personnes responsables de cette inscription.
Je reprends l’exemple que je vous donnais tout à l’heure de cet agriculteur cultivant par plaisir des variétés anciennes de légumes. Qui sera tenu de payer les frais d’inscription et le maintien des cultures en plein champ ? Lui-même, l’autorité publique, l’INRA ou les coopératives de professionnels intéressés par ces variétés anciennes ?
On l’a bien vu tout à l’heure, en l’absence d’inscription, la commercialisation n’est pas possible. Autrement dit, on assiste à une forme de troc entre l’INRA et ce cultivateur pour récupérer un patrimoine génétique particulier. Sans doute faudra-t-il donc aller plus loin en la matière.
M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 56 rectifié.
Mme Annie David. Nous nous abstiendrons sur cet amendement visant à réécrire l’article 15 bis.
D’une manière générale, il n’est pas tenu compte dans cette proposition de loi des obligations issues du TIRPAA. Je pense notamment aux dispositions de l'article 14, dont l’examen a été retardé, ce que je regrette. Je tiens tout de même à intervenir à ce sujet au nom de ma collègue Mireille Schurch, qui, comme je le disais tout à l’heure, est retenue dans son département.
Depuis toujours, les agriculteurs produisent, échangent, ressèment leurs semences et multiplient leurs plants.
Auparavant, ils étaient libres de les multiplier pour leur propre usage aussi longtemps qu’ils le voulaient : c’était l’exercice d’un droit inaliénable et non une dérogation aux droits des obtenteurs. Les autres sélectionneurs pouvaient utiliser gratuitement les variétés protégées pour développer leur propre matériel.
C’est au travers de ces pratiques que des centaines de milliers d’agriculteurs ont pu créer et renouveler, chaque année, la biodiversité cultivée, biodiversité qui, comme vous le savez, est aujourd’hui fortement érodée.
Ce que vous proposez, avec l'article 14, c’est de mettre hors la loi une grande partie du mode de vie et de la culture paysannes, simplement pour accroître les profits des DuPont, Bayer, Syngenta et autres Monsanto. En effet, avec votre proposition de loi, les semences de ferme ne seront plus automatiquement autorisées et seule une liste d’espèces faisant l’objet d’un décret en Conseil d’État pourra bénéficier d’une exception.
Cette interdiction des semences de ferme équivaut à opérer un transfert de valeurs considérable des agriculteurs vers les entreprises de l’agrobusiness. En généralisant l’obligation faite aux agriculteurs de payer des royalties pour toutes les semences de ferme sans distinction, vous ne cherchez pas à accroître la liberté de ces professionnels, bien au contraire.
L’Union française des semenciers a d’ailleurs récemment demandé de porter les royalties pour le blé tendre de 30 % à 50 % des droits de licence exigés pour la multiplication de semences destinées à la commercialisation. Une telle augmentation reviendrait à instaurer une distorsion de concurrence et à interdire, de fait, les semences de ferme.
Selon la Confédération paysanne, l’application de cette proposition ne manquera pas d’entraîner une charge supplémentaire sur le revenu des agriculteurs évaluée à environ 35 millions d’euros, qui s’accompagnera d’une augmentation du prix des semences commerciales résultant d’une moindre concurrence des semences de ferme.
Dans cette période dramatique de crise que traverse le monde agricole, votre proposition est tout simplement surréaliste.
De plus, vous faites du non-paiement de ces royalties un délit.
Comme l’a indiqué Gérard Le Cam lors de la discussion générale, nous sommes opposés à l’élargissement du champ d’application de la contrefaçon auquel procède le texte. C’est au semencier de prouver qu’il y a contrefaçon.
Ainsi, alors qu’ils ont contribué à lutter contre la pénurie de semences commerciales que nous avons connue en 2009 et que nous connaîtrons peut-être encore cette année du fait de la sécheresse, certains agriculteurs sont menacés de poursuites en contrefaçon devant les tribunaux pour avoir ressemé leur propre récolte. Tout cela est inacceptable !
Les échanges de petites quantités de semences entre agriculteurs sont à la base des sélections paysannes en vue d’une adaptation locale qui relève de l’exception de sélection et non de la contrefaçon.
Le recours aux semences de ferme permet de diminuer l’emploi de produits phytosanitaires, d’adapter les doses de traitement de semences aux nécessités de chaque parcelle et l’utilisation de mélanges variétaux. Et je ne reviens pas sur tous les avantages environnementaux induits, que nous avons déjà évoqués.
Les dispositions prévues dans cette proposition de loi sont complètement inadaptées aux pratiques agricoles. Une large partie des agriculteurs ressèment leurs semences, de nombreux petits maraîchers sèment et vendent sur le marché des variétés de pays, locales, voire familiales. Cela correspond à des usages coutumiers.
Comment distinguer avec précision des variétés très proches les unes des autres à partir de leurs seuls caractères morphologiques, alors qu’elles évoluent très rapidement dès qu’elles sont cultivées sans sélection ?
Si nous admettons que le travail des chercheurs doit être rémunéré, plusieurs questions se posent néanmoins. Quelle recherche voulons-nous ? Dans quel but et par qui sera-t-elle développée ? La charge de sélectionner de nouvelles variétés reviendra-t-elle aux agriculteurs ou aux entreprises semencières ? Comment financer la protection des variétés végétales ? Comment faire encore coexister deux visions différentes de l’agriculture ?
On ne pourra répondre à ces questions tant que ne sera pas inscrite dans la loi la reconnaissance positive des droits des agriculteurs sur leurs semences. Or tel n’est pas l’objet de cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle, au regard des débats qui ont déjà eu lieu, j’indique dès à présent que les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Dans la rédaction proposée par M. Demuynck comme dans le texte originel, il est fait référence à l’objectif d’« éviter la perte irréversible de ressources phytogénétiques stratégiques ».
Or il n’est pas de ressources phytogénétiques que nous pouvons identifier comme stratégiques pour l’avenir de l’humanité : du fait du hasard, de la diversité, des croisements, c’est toute la nature qui est, par essence, stratégique, en inventant des possibles dont on ne sait pas s’ils serviront demain.
C’est la raison qui justifie mon abstention sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 15 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 54, 34, 35, 55 et 18 n’ont plus d’objet.
chapitre II
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 16
I. – Les dispositions modifiées ou nouvelles des articles L. 623-4, à l'exception de celles relatives aux variétés essentiellement dérivées définies au III, et des articles L. 623-22-3, L. 623-22-4 et L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle sont applicables aux certificats d’obtention délivrés avant l’entrée en vigueur de la présente loi. Ces dispositions s’appliquent également aux certificats d’obtention délivrés pour les demandes de certificat enregistrées avant l’entrée en vigueur de la présente loi.
II. – Les articles L. 623-24-1 à L. 623-24-5 du même code sont applicables aux certificats d’obtention végétale délivrés avant l’entrée en vigueur de la présente loi.
III. – (nouveau) Le IV de l'article L. 623-4 du même code ne s'applique pas aux variétés essentiellement dérivées dont l'obtenteur aura, avant l'entrée en vigueur de la présente loi, fait des préparatifs effectifs et sérieux en vue de leur exploitation, ou que l'obtenteur aura exploitées avant cette date. – (Adopté.)
Article 17
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises et dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
M. le président. Nous en revenons à l’article 14, précédemment réservé.
Chapitre Ier
DISPOSITIONS MODIFIANT ET COMPLETANT LE CODE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE (suite)
Article 14 (précédemment réservé)
Après la section 2 du chapitre III du titre II du livre VI du même code, il est inséré une section 2 bis ainsi rédigée :
« SECTION 2 BIS
« Semences de ferme
« Art. L. 623-24-1. – Par dérogation à l’article L. 623-4, pour les espèces énumérées par un décret en Conseil d’État, les agriculteurs ont le droit d’utiliser sur leur propre exploitation, sans l’autorisation de l’obtenteur, à des fins de reproduction ou de multiplication, le produit de la récolte qu’ils ont obtenu par la mise en culture d’une variété protégée.
« Art. L. 623-24-2. – Sauf en ce qui concerne les petits agriculteurs au sens du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, l’agriculteur doit une indemnité aux titulaires des certificats d’obtention végétale dont il utilise les variétés.
« Art. L. 623-24-3. – Lorsqu’il n’existe pas de contrat entre le titulaire du certificat d’obtention végétale et l’agriculteur concerné, ou entre un ou plusieurs titulaires de certificats d'obtention végétale et un groupe d'agriculteurs concernés, ou d'accord interprofessionnel conclu dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime, les conditions d’application de la dérogation définie à l’article L. 623-24-1, y compris les modalités de fixation du montant de l’indemnité visée à l’article L. 623-24-2, sont établies par le décret en Conseil d’État prévu par l’article L. 623-24-1.
« Art. L. 623-24-4. – Lorsque les agriculteurs ont recours à des prestataires de services pour trier leurs semences, ces opérations de triage doivent être faites dans des conditions permettant de garantir la parfaite correspondance des produits soumis au triage et celle des produits en résultant.
« En cas de non-respect de ces conditions, les semences sont réputées commercialisées et regardées comme une contrefaçon au sens de l’article L. 623-25.
« Art. L. 623-24-5. – Le non-respect par les agriculteurs des conditions d’application de la dérogation définie à l’article L. 623-24-1 leur fait perdre le bénéfice des dispositions de la présente section. »
M. le président. Je rappelle qu’il a été décidé, pour la clarté de nos débats et à la demande de la commission de l’économie, de procéder à l’examen séparé de l’amendement n° 47 tendant à rédiger cet article.
L’amendement n° 47, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après la section 2 du chapitre III du titre II du livre VI du même code, il est inséré une section 2 bis ainsi rédigée :
« Section 2 bis
« Licence implicite en faveur des agriculteurs
« Art. L. 623-24-1 - La cession à un agriculteur de matériel de multiplication de la plus basse catégorie entraîne implicitement la concession d'une licence autorisant l'agriculteur à utiliser sur sa propre exploitation, à des fins de reproduction et de multiplication, le produit de la récolte par la mise en culture de la variété acquise sans limite de durée.
« Art. L. 623-24-2 - Le prix de cession de matériel de reproduction de la plus basse catégorie à un agriculteur sera sensiblement équivalent au prix de cession du même matériel pour la production sous licence de matériel de multiplication de la catégorie suivante dans la même région.
« Art. L.623-24-3 - Le titulaire d'un certificat d'obtention végétale ou son représentant est tenu de fournir à tout agriculteur, à la demande de celui-ci, une déclaration relative aux possibilités locales d'approvisionnement en matériel de multiplication de la plus basse catégorie. Dans sa demande, l'agriculteur devra spécifier ses noms et adresse, la ou les variétés pour lesquelles il sollicite des informations relatives aux possibilités locales d'approvisionnement. Le titulaire ou son représentant est tenu de communiquer à l'agriculteur, sous un délai d'au plus dix jours ouvrés, un lieu effectif d'approvisionnement distant d'au plus cent kilomètres de l'adresse mentionnée dans la demande d'information.
« À défaut de réponse ou dans le cas d'une réponse négative, l'agriculteur demandeur pourra, exceptionnellement et dérogativement, s'approvisionner, pour les variétés mentionnées dans la demande d'information, en matériel de multiplication d'une catégorie suivante auprès d'un autre agriculteur ou d'un producteur sous licence de matériel de multiplication. L'accord de licence implicite prévu à l'article L. 623-24-1 sera étendu au matériel de multiplication ainsi acquis. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 8, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
l’article L. 623-4
insérer les mots :
et afin de sauvegarder la production agricole
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. L’article 14 tend à insérer une nouvelle section relative à la dérogation aux droits de l’obtenteur en faveur des agriculteurs dans notre législation nationale, et plus précisément dans le code de la propriété intellectuelle, au sein du chapitre qui concerne les obtentions végétales, à la suite des sections portant sur la délivrance des COV et sur les droits et obligations attachés à ceux-ci.
Comme je l’ai dit en commission, la convention UPOV laisse à chaque État membre la possibilité de restreindre le droit de l’obtenteur sur toute variété, afin de permettre aux agriculteurs d’utiliser, à des fins de reproduction et de multiplication sur leur propre exploitation, le produit de la récolte qu’ils ont obtenu par la mise en culture d’une variété protégée. La seule condition posée est la sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur – or je suis un défenseur de la propriété intellectuelle et de la recherche sur les semences ! –, ce qui rend nécessaire une contrepartie financière dont nous discuterons dans un instant.
Je tiens aussi à vous rappeler, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le règlement communautaire de base prévoit explicitement une dérogation à la protection communautaire des obtentions végétales pour vingt et une espèces. Cette dérogation est justifiée à l’article 14 de la convention UPOV dans les termes suivants : « afin de sauvegarder la production agricole ».
Ces quelques mots sont d’un intérêt majeur, car ils permettent de reconnaître l’importance de la pratique de la semence de ferme au regard de la pérennité de notre agriculture.
On l’a déjà dit, l’autoproduction de semences sur une exploitation permet une plus grande souplesse pour ce qui concerne les emblavements, des économies substantielles et un enrobage plus adapté des semences.
Cette pratique est assez répandue, puisque, en France, on note que 60 % des surfaces de céréales à paille sont cultivées en semences de ferme. Le pourcentage est de 55 % pour les pois protéagineux, 30 % pour le colza et 25 % pour les pommes de terre.
Monsieur le rapporteur, vous avez vous-même tenu à nous proposer en commission une modification du titre de cette section. Vous préférez reconnaître explicitement la pratique des semences de ferme plutôt que de parler de dérogation en faveur des agriculteurs. Je vous suis sur ce terrain.
Vous avez précisé qu’il vous paraissait juste que les agriculteurs aient toujours la possibilité de semer leur récolte année après année, et qu’il s’agissait d’un « droit ancestral ».
Ainsi, nous sommes tous d’accord. Dans ces conditions, pourquoi ne pas préciser dans notre législation nationale que la pratique des semences de ferme, aussi appelée « privilège de l’agriculteur », présente un intérêt majeur pour l’agriculture dans son ensemble ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Je vous confirme que nous souhaitons supprimer le mot « dérogation » et conserver la seule mention des semences de ferme.
L’ajout que vous proposez tend à signifier que, sans semences de ferme, il n’est point de salut, et qu’il faudrait avoir recours à celles-ci partout.
L’Anjou, dont vous êtes l’élu, monsieur le sénateur,...
M. Daniel Raoul. Le jardin de la France !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. ... produit beaucoup de semences. Vous allez donc à l’encontre des intérêts de votre région, ce que je regrette.
Vous souhaitez préciser, au travers de cet amendement, que le régime d’autorisation des semences de ferme vise à sauvegarder la production agricole. Or cette précision, qui concerne la finalité de l’autorisation des semences de ferme, aurait mieux sa place dans un exposé des motifs que dans le texte lui-même.
Certes, l’article 14 du règlement européen 2100/94 souligne la finalité des semences de ferme, mais les textes européens mélangent souvent exposés des motifs et dispositifs. Sur ce point, on ne peut pas calquer nos textes sur le droit européen.
Par ailleurs, je me permets de vous alerter sur un effet pervers de cet amendement, qui aurait pour effet de restreindre les utilisations possibles des semences de ferme, dont le seul but serait désormais de préserver la production. Ne serait-il pas regrettable, monsieur Raoul, que l’agriculteur soit mis en demeure de prouver que les semences de ferme représentent le seul moyen dont il dispose pour sauvegarder sa production ?
L’utilisation de semences de ferme doit demeurer une simple faculté pour l’agriculteur, qui ne doit pas avoir à se justifier. Il doit seulement respecter le cadre légal fixé, et notamment l’obligation de verser des droits, ou une indemnité, aux obtenteurs. Certains exploitants ne sèment que des semences certifiées sur leur exploitation ; nous ne devons pas les inciter à faire le contraire.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Daniel Raoul. C’est un procès d’intention !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Je partage l’avis de la commission, pour les raisons exposées par le rapporteur.
M. Daniel Raoul. Cela m’aurait étonné...
M. Patrick Ollier, ministre. Il est vrai que votre amendement, monsieur le sénateur, est conforme aux règlements européens ; mais, comme l’a dit M. le rapporteur, la précision que vous apportez relève de l’exposé des motifs, et non du dispositif de la loi. Or c’est une loi que nous élaborons !
Par ailleurs, votre amendement tend à restreindre le privilège accordé à l’agriculteur en matière de semences de ferme aux seuls cas où l’objectif est la sauvegarde de la production agricole. Nous ne pouvons vous suivre sur ce point.
Le droit à l’utilisation des semences de ferme pour l’agriculture ne doit pas être restreint à ces seuls cas. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, comme ne manquera pas de vous le confirmer M. le ministre de l’agriculture (M. le ministre chargé des relations avec le Parlement se tourne vers M. le ministre de l'agriculture.), auquel je souhaite de poursuivre ce débat dans les meilleures conditions possibles.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je tiens à saluer l’attitude de mon collègue Daniel Raoul, qui fait honneur à la fonction de législateur en faisant abstraction des intérêts exclusifs des entreprises de son territoire pour élever le débat au niveau de l’intérêt général.
Au travers de son amendement, il a bien démontré, et M. le rapporteur l’a souligné, que l’on ne saurait se passer, en matière agricole, ni des semences de ferme ni du travail des obtenteurs. Les deux facteurs contribuent à favoriser la production agricole, que nous ne devons pas concevoir à court terme, mais à longue échéance, dans sa diversité.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. L’interprétation faite par M. le rapporteur et M. le ministre de cet amendement m’incite à penser que sa rédaction n’est sans doute pas optimale. Son objet ayant été débattu à l’occasion de l’examen d’un autre article, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 25 est présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet.
L’amendement n° 49 est présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
les espèces énumérées par un décret en Conseil d’État
par :
toutes les espèces
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 25.
Mme Marie-Christine Blandin. Selon le rapport de M. Pointereau, cet article a pour ambition de sécuriser la pratique des semences de ferme, laquelle ne se décline pas de façon identique selon que l’on se réfère à la convention UPOV, à la réglementation européenne ou à ce qui se dit en France.
On remarquera d’ailleurs l’imprécision à cet égard de la rédaction de la convention UPOV, où l’on peut lire qu’il peut y être recouru « dans des limites raisonnables, et sous réserve de sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur ». Ces termes relèvent du « flou » évoqué par M. le rapporteur, à propos d’un amendement qu’il souhaitait repousser pour ce motif. En effet, les termes « raisonnables » et « légitimes » ne peuvent qu’être empreints de subjectivité et dépendent de la posture que l’on adopte.
Nous connaissons une situation de pénurie des semences destinées notamment aux semis de cultures fourragères dérobées, que l’on sème entre deux temps de cultures principales. Le besoin s’en fait particulièrement sentir quand la sécheresse oblige à avancer la date de la récolte des céréales, ou pour les couverts hivernaux des terres destinées à des semis de printemps.
La présente disposition, qui entraîne de facto une limitation du droit des agriculteurs à utiliser leurs semences de ferme, est particulièrement inadéquate dans ces circonstances.
Les semences de ferme sont, depuis toujours, largement utilisées, et ne sont pas interdites en France pour la plupart des cultures agricoles. Puisque le concept de légitimité a été évoqué, les écologistes considèrent que le droit des agriculteurs à ressemer une partie de leurs récoltes est un droit immémorial et fondamental, les graines étant autant le résultat de l’évolution et du travail des sociétés paysannes que de l’obtenteur qui a apporté sa touche finale.
Il semble donc incorrect de renvoyer cette question à un décret, dont nous n’avons même pas l’assurance qu’il ira au-delà des vingt et une espèces aujourd’hui concernées.
L’avenir de l’humanité passe par la satisfaction des besoins alimentaires : concentrer entre les mains de quelques grands sélectionneurs le droit à la reproduction restreint les possibilités d’évolution, fige les génomes, aboutit à une dangereuse homogénéisation des variétés, standardise ce qui est offert.
Après l’année de la biodiversité et la mobilisation de la communication gouvernementale, après un an de réflexion collective sur la stratégie nationale pour la biodiversité avec le groupement national des semences et plants, le GNIS, et le Réseau semences paysannes, il semble étrange de vouloir réduire la biodiversité, qui devrait être cultivée par tous les moyens et ne saurait donc faire l’objet d’un décret.
M. le président. L’amendement n° 49 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, MM. Yung, Daunis et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
les espèces énumérées par un décret en Conseil d’État
par les mots :
les espèces énumérées par le règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales ainsi que pour d’autres espèces qui peuvent être énumérées par un décret en Conseil d’État
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. La rédaction proposée à l’alinéa 4 de l’article 14 pour l’article L. 623-24-1 du code de la propriété intellectuelle, dispose que, par dérogation au droit exclusif du titulaire du COV, les agriculteurs ont le droit d’utiliser sur leur propre exploitation, sans autorisation de l’obtenteur, et à des fins de reproduction ou de multiplication, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture d’une variété protégée.
Il est également précisé que la liste des espèces concernées par cette dérogation, dite « privilège de l’agriculteur », sera fixée par décret. Pourquoi renvoyer une telle liste à un décret, alors que le règlement européen propose déjà une liste d’espèces de plantes agricoles concernées par cette dérogation au droit de l’obtenteur ?
Je vous rappelle que, dans cette liste, nous trouvons vingt et une espèces de plantes agricoles, ainsi qu’une autre espèce spécifique au Portugal, qui sont regroupées en quatre catégories : plantes fourragères, céréales, pommes de terre, plantes oléagineuses et à fibres.
Je vous propose de préciser dans le code de la propriété intellectuelle que les semences de ferme seront autorisées au niveau national pour ces vingt et une espèces recensées au niveau européen. Selon nous, c’est la base minimale sur laquelle nous devons travailler.
En revanche, il ne faut pas renoncer à la possibilité d’étendre, au niveau national, cette dérogation à d’autres espèces qui seraient énumérées par décret, par exemple des espèces de plantes agricoles plus adaptées aux conditions de culture qui existent dans les régions françaises et aux conditions pédoclimatiques de nos territoires.
Cet amendement porte donc sur la possibilité d’étendre la liste par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. La convention UPOV de 1991 ne justifie l’autorisation des semences de ferme que par le caractère courant de cette pratique dans les territoires. Prévoir un régime général d’autorisation de ces semences, comme vous le souhaitez, madame Blandin, ne serait donc pas conforme au droit international.
Par ailleurs, le renvoi à un décret des conditions d’application de ce régime introduit une plus grande souplesse.
Même si la commission est défavorable à l’amendement n° 25, l’avis qu’elle va émettre sur l’amendement n° 7 rectifié bis devrait vous satisfaire partiellement.
Celui-ci a pour objet de permettre d’étendre la liste européenne des vingt et une espèces pouvant être utilisées comme semences de ferme.
Cette mesure d’harmonisation du droit national avec le droit européen ne soulève pas de difficultés particulières et préserve la souplesse nécessaire pour adapter le périmètre d’autorisation des semences de ferme.
La commission est donc favorable à l’amendement n° 7 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser mon absence en début d’après-midi. Celle-ci ne fut d’ailleurs pas inutile, puisque j’ai œuvré pour porter le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique de 2 000 à 2 500 euros, répondant ainsi aux attentes des petits agriculteurs , en particulier des maraîchers, d’Île-de-France notamment.
Mme Marie-Christine Blandin. Tout à fait !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’en viens aux amendements que nous examinons.
Même si les intentions de ses auteurs sont louables, l’amendement n° 25, qui vise à étendre à l’ensemble des espèces le droit des agriculteurs à utiliser leurs semences de ferme, va trop loin, comme l’a indiqué M. le rapporteur.
La convention UPOV de 1991, dont nous avons parlé à plusieurs reprises depuis le début de ce débat, ne justifie l’autorisation des semences de ferme que par le caractère traditionnel de cette pratique. Élargir le champ du dispositif à l’ensemble des espèces végétales serait en contradiction avec cette convention. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 7 rectifié bis, beaucoup plus ciblé et conforme à la réglementation UPOV.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 52, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après les mots :
leur propre exploitation
insérer les mots :
et d’échanger avec d’autres agriculteurs
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est fait mention des échanges au compte de l’exploitation.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, MM. Yung, Daunis et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 623-24-2. – L’agriculteur doit une indemnité aux titulaires des certificats d’obtention végétale dont il utilise les variétés pour produire des semences de ferme sauf dans les cas suivants :
« - il s’agit d’un petit agriculteur au sens du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales ;
« - il utilise le produit de la récolte des semences de ferme à des fins d’autoconsommation sur son exploitation ;
« - il utilise les semences de ferme pour des cultures réalisées en application d’obligations agro-environnementales ;
« - il est confronté à des difficultés d’approvisionnement sur le marché des semences.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, c’est probablement sur ce point que nos chemins vont diverger.
Cet amendement vise les cas dans lesquels les pratiques ne sont pas soumises au paiement d’une rémunération.
La pratique des semences de ferme est autorisée sous réserve du versement d’une rémunération aux obtenteurs, afin de préserver, conformément à la convention UPOV, les intérêts légitimes de ces derniers.
Il est en revanche prévu d’exonérer explicitement de ce paiement les petits agriculteurs, au sens de la définition européenne, c’est-à-dire ceux qui ne cultivent pas d’espèces végétales sur une surface supérieure à celle qui est nécessaire pour produire quatre-vingt-douze tonnes de céréales.
Ce critère devrait d’ailleurs faire l’objet d’une précision, car, suivant la méthode de culture retenue, intensive ou non, et le volume d’intrants utilisés, il est évident que les surfaces varient. Peut-être faudrait-il ainsi spécifier les rendements à l’hectare.
J’en reviens à l’amendement n° 10 rectifié.
Tout d’abord, l’expression « dont il utilise les variétés », qui figure dans la rédaction actuelle de l’article 14, est impropre. Pour éviter toute confusion, je précise d’emblée que seuls sont concernés les agriculteurs qui utilisent des variétés protégées pour produire des semences de ferme et non ceux qui mettent en culture ces dernières.
Ensuite, je souhaite, mes chers collègues, vous proposer de retenir d’autres cas pour lesquels un agriculteur qui recourt, à des fins de reproduction ou de multiplication, au produit de la récolte obtenu à la suite de la mise en culture d’une variété protégée peut être exonéré de l’obligation de payer une indemnité à l’obtenteur de la variété concernée.
Il s’agit d’exonérer les agriculteurs qui pratiquent l’autoconsommation du produit de la récolte des semences de ferme. Je vous rappelle que tel est actuellement le cas pour le blé tendre, au titre de l’accord intervenu au niveau interprofessionnel. La rémunération des obtenteurs, sous la forme d’une CVO, ou contribution volontaire obligatoire – quel oxymore ! –, n’est due par les agriculteurs que lors de la collecte de la récolte par les collecteurs agréés, c’est-à-dire lorsqu’il y a volonté de mise sur le marché et de commercialisation. La récolte utilisée sur l’exploitation pour nourrir le bétail ou pour l’autoconsommation n’est pas concernée.
Je souhaite que cette exonération soit explicitement prévue pour tous les types de culture si de tels accords devaient être étendus. La recherche d’une plus grande autonomie des exploitations agricoles, notamment celles qui pratiquent la polyculture et l’élevage, est un objectif majeur à atteindre, eu égard, notamment, à la situation difficile à laquelle sont confrontés les éleveurs.
L’autre cas d’exonération que je vous propose d’adopter, mes chers collègues, concerne les cultures réalisées en application d’obligations environnementales. Citons à titre d’exemple la couverture hivernale des sols, imposée par la directive Nitrates. Il est logique d’autoriser la pratique des semences de ferme sans paiement de droits pour ces couverts végétaux, qui permettent d’enrichir les sols, de rompre le cycle des maladies ou de piéger le nitrate.
Ces deux exonérations respectent la finalité du certificat d’obtention végétal, qui est un droit de propriété intellectuelle permettant de protéger des variétés en cas de commercialisation.
Quand les semences de ferme ne sont pas destinées à être vendues, quand le produit de la récolte obtenue à partir de ces semences n’est pas commercialisé, voire échangé par le biais du troc, il paraît justifié de prévoir des exonérations de CVO.
D’ailleurs, monsieur le ministre, lorsque vous vous étiez exprimé sur ce sujet mercredi dernier, vous aviez souligné que, dans le cas du certificat, la protection est limitée aux usages commerciaux de la variété.
Par le biais du présent amendement, je souhaite aussi prévoir un autre cas d’exonération, dans l’hypothèse d’une difficulté d’approvisionnement sur le marché des semences. Je me réfère à cet égard aux conditions climatiques exceptionnelles que nous connaissons cette année et qui auront inévitablement des conséquences – nous le constatons d’ores et déjà – sur le volume des récoltes, la disponibilité des semences pour les semis et la couverture hivernale, que j’ai évoquée précédemment. Dans ces conditions probables de tensions et de perturbations importantes sur le marché des semences, la pratique des semences de ferme sera souvent incontournable. Dès lors, comment accepter de soumettre les agriculteurs au paiement d’une contribution financière ?
Mes chers collègues, la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat sur le présent amendement. Ce sujet, dont nous avons longuement discuté en commission et mercredi dernier, intéresse les membres de la commission et tous ceux qui étudient les problèmes agricoles ou ont exercé, voire exercent encore, une activité dans ce domaine.
Certes, à la suite des discussions que j’ai pu avoir avec M. le rapporteur, je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement. Si vous le rejetez, vous vous voilerez la face, mes chers collègues ! En effet, la plupart des pratiques que j’ai évoquées ont lieu sur le terrain et ne sont pas contrôlables. J’en veux pour preuve les usages de certains membres de la commission, exploitants agricoles, dont je ne citerai pas les noms. Cessons donc l’hypocrisie !
En conséquence, il serait souhaitable d’autoriser l’exonération de CVO uniquement pour ce qui concerne l’autoconsommation sur l’exploitation. Il n’est pas question que ces produits sortent de celle-ci, que ce soit par le biais de la mise sur le marché ou du troc.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 27 est présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet.
L'amendement n° 48 est présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Après les mots :
l’agriculteur
insérer les mots :
qui effectue une sélection conservatrice visant à reproduire les caractères distinctifs et uniquement les caractères distinctifs de la variété protégée ou qui commercialise sa récolte sous la dénomination de la variété protégée
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 27.
Mme Marie-Christine Blandin. Du triptyque « évolution naturelle, travail des sociétés paysannes et mise au point des obtenteurs », vous souhaitez, par le présent texte, protéger le dernier stade et empêcher la spoliation des obtenteurs.
Nous vous proposons de définir précisément les cas dans lesquels il y a effectivement spoliation.
Celle-ci se reconnaît à une véritable contrefaçon, c’est-à-dire à une reproduction des caractères distinctifs de la variété protégée ou même à une tentative de commercialisation d’une variété un peu différente sous le nom de la variété initiale protégée, comme ces montres ou sacs à main vendus sous le manteau ou dans des boutiques peu scrupuleuses.
Pour la matière vivante, dont nous débattons, il est important de prendre en compte l’évolution de la plante après sa reproduction et son développement, ainsi que de considérer le travail effectué sur cette semence par l’agriculteur. Si ce professionnel n’effectue pas une sélection conservatrice, à même de conférer à la génération suivante les avantages présentés par la semence, et qu’il ne se sert pas de la dénomination de la variété protégée lors de sa récolte, rien ne justifie qu’il paye une indemnité à l’obtenteur.
Précisons d’ailleurs que les semenciers se protègent non seulement par le biais de la loi, mais aussi par les méthodes qu’ils utilisent : travaillant en général sur six générations de semences avant de commercialiser leurs variétés distinctes, homogènes et stables, ils mettent entre les mains de l’agriculteur des graines qui ont peu de chance de conserver très longtemps leurs qualités initiales, s’il s’avérait que l’agriculteur les reproduise plusieurs fois.
M. le président. L’amendement n° 48 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 53, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'indemnité ne peut dépasser 30 % des montants dus pour la production sous licence de matériel de reproduction.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 10 rectifié et 27 ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. L’amendement n° 10 rectifié s’inscrit dans le prolongement de l’amendement n° 4 rectifié bis déposé à l’article 4 et soulève un réel problème.
Il vise à suspendre le paiement de l’indemnité lorsque l’agriculteur produit à la ferme ses semences à partir de semences protégées, pour ensuite alimenter son bétail, effectuer ses couverts végétaux, ou encore se prémunir contre une éventuelle rupture d’approvisionnement en semences certifiées en cas de sécheresse ou de gel.
Bien que les obligations agro-environnementales puissent être respectées en recourant à des variétés qui ne sont plus protégées et sont tombées dans le domaine public, la mesure proposée me paraît toutefois aller trop loin à cet égard.
Quant à la rupture d’approvisionnement, on pourrait admettre que soit créée, au titre de l’article 10, une nouvelle licence d’intérêt public permettant de remédier à une telle situation.
Pour ce qui concerne l’autoconsommation, il est difficile d’accepter en l’état la proposition que vous nous soumettez, monsieur Raoul. J’en conviens, les éleveurs subissent des crises répétitives et sont confrontés à des difficultés toujours plus nombreuses. J’en veux pour preuve la sécheresse qui sévit cette année. Toutefois, ils se livrent à un acte commercial lorsqu’ils vendent leur bétail. Si une variété d’aliment permet d’améliorer la qualité du lait ou de la viande, ou encore d’engraisser plus vite les animaux, pourquoi l’obtenteur ayant permis une telle avancée ne recevrait-il pas une rémunération pour son travail ?
On pourrait aussi considérer qu’il existe une distorsion de concurrence entre les éleveurs qui achètent des semences certifiées et ceux qui reproduisent les mêmes semences à la ferme : les uns financeraient la recherche à travers les royalties versées pour chaque sac de semences, à l’inverse des autres. Ainsi, un exploitant pratiquant seulement l’élevage sans faire aucune culture et qui, par conséquent, achète la totalité de ses céréales à un fabricant d’aliments pour bétail se verrait répercuter, par celui-ci, la CVO.
Je souligne au passage que deux espèces, les pois et l’orge fourragère, posent problème. En effet, l’autoconsommation étant importante, la recherche est complètement sinistrée, faute de rémunération pour les obtenteurs. En conséquence, il ne reste plus beaucoup de variétés qui évoluent. Il faut donc protéger les droits de l’obtenteur, car ces filières pâtissent de la situation actuelle.
Enfin, ni la convention UPOV de 1991 ni le droit européen ne permettent une telle exonération du paiement de l’indemnité d’utilisation de semences de ferme.
Si nous adoptions l’amendement n° 10 rectifié en l’état, nous serions confrontés à deux problèmes. Tout d'abord, il serait impossible de déposer les instruments de ratification de la convention UPOV, car la loi française serait contraire à cette dernière. En outre, notre périmètre de protection du droit de propriété intellectuelle serait totalement différent selon que les COV sont nationaux ou européens. Le risque serait alors que plus aucun obtenteur ne dépose de COV au niveau national, tous s’orientant vers la protection européenne, plus onéreuse mais plus large.
Pour autant, je réitère l’ouverture que j’avais faite lors de la discussion de l’article 4. En effet, même si la question de l’autoconsommation est une question sensible, j’estime qu’il faut la régler dans un cadre négocié. Du reste, cela a été possible concernant le blé tendre, puisque l’accord interprofessionnel de 2001 permet d’exonérer l’autoconsommation. Pourquoi ne pourrait-on en faire de même pour d’autres variétés ? Je rappelle que le coût pour l’agriculteur, 0,50 euro par tonne de blé vendue, équivaut à environ 3 ou 4 euros par hectare. Il ne s’agit donc pas de sommes considérables (M. Christian Demuynck opine.), mais elles permettraient de satisfaire les obtenteurs.
Aussi, je propose la formulation suivante, qui pourrait recueillir votre accord, monsieur Raoul :
« Compléter l’alinéa 5 par une phrase ainsi rédigée :
« Sans porter atteinte aux intérêts légitimes des titulaires de certificats d’obtention végétale, l’accord interprofessionnel mentionné à l’article L. 623–24–3 peut, pour des usages qu’il définit, exonérer les agriculteurs du paiement de cette indemnité. »
Certes, l’autoconsommation n’est pas explicitement citée comme l’un des usages pouvant donner lieu à une exonération totale du paiement de l’indemnité, mais cela s’explique par le fait que l’autoconsommation n’est pas le seul cas envisageable. Cette rédaction plus ouverte me paraît plus favorable aux agriculteurs.
La commission de l'économie s’en était remise à la sagesse de notre assemblée concernant l’amendement n° 10 rectifié. Nous serions prêts, monsieur Raoul, à émettre un avis favorable si vous rectifiez votre amendement dans le sens de ma proposition. À défaut, la commission émettra, je le regrette, mon cher collègue, un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 27, qui vise à limiter l’obligation de verser une indemnité aux seuls multiplicateurs ou vendeurs de semences utilisant la dénomination de la variété protégée. Il prévoit de n’exiger une indemnité pour l’utilisation de semences de ferme qu’auprès des seuls agriculteurs multiplicateurs.
Cette solution me paraît quelque peu curieuse. En effet, si l’agriculteur multiplicateur avait le droit de produire des semences de ferme et de les vendre sous la dénomination de la variété protégée, on peut se demander quelle différence il y aurait entre la semence de ferme du multiplicateur et la semence certifiée.
Je remarque au passage que l’amendement considère comme semences de ferme des semences ayant vocation à être vendues pour être utilisées hors de la ferme où elles ont été produites. C’est donc une vision totalement contraire à l’esprit de la proposition de loi et aux dispositions internationales qui régissent la protection de la propriété intellectuelle.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Raoul, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur, s’agissant de l’amendement n° 10 rectifié ?
M. Daniel Raoul. Lors de l’examen du texte en commission, M. le rapporteur et moi-même avons discuté de cette question pendant près d’une heure.
M. le président. Vous n’êtes pas obligés de recommencer…
M. Daniel Raoul. Pour information, je signale qu’il existait alors une majorité en faveur de mon amendement. Toutefois, le président de la commission a souhaité, pour conserver de bonnes relations avec le ministère, ce que je peux comprendre, s’en remettre à la sagesse du Sénat, c'est-à-dire notamment demander l’avis du Gouvernement. Je savais bien à quoi cela aboutirait.
Je voudrais vous rappeler le cadre de la convention UPOV, à partir d’un exemple précis. Dans la fameuse bande des cinq mètres, la convention permet de prendre en compte la valeur de la récolte. Quelle est la valeur de la récolte pour l’ensemencement de la bande des cinq mètres, obligatoire pour des raisons environnementales ? Il n’y en a pas. Il pourrait en aller de même de l’ensemencement ou de l’emblavement hivernaux : quelle est la valeur de la récolte ? Or, je le répète, la convention UPOV prévoit explicitement de prendre en compte la valeur de la récolte.
Je maintiens donc mon amendement en l’état. Mon objectif n’est pas de déplaire à M. le rapporteur, mais la rédaction qu’il propose ne me satisfait pas, d’autant qu’elle n’a aucune valeur normative. En effet, elle prévoit qu’un accord interprofessionnel « peut » exonérer les agriculteurs du paiement de l’indemnité… Vous auriez pu ajouter « notamment », ce qui aurait augmenté la précision. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. S’agissant de l’amendement n° 10 rectifié, l’avis est défavorable, même si, au travers de cet amendement, monsieur Raoul, vous soulevez un problème réel, celui de l’autoconsommation.
Je vous appelle, monsieur le sénateur, à reconsidérer votre position au sujet de la rédaction proposée par M. le rapporteur. En effet, je considère que celle-ci permet de mieux cibler l’amendement et de traiter les questions de la recherche sur les variétés fourragères, de la rentabilité de l’élevage et de la rémunération du travail des obtenteurs.
À mon sens, la proposition de M. le rapporteur est la bonne solution. Elle permet de ne pas écarter totalement la question de l’autoconsommation, qui est effectivement une véritable question.
J’ajoute que, s'agissant des couverts hivernaux, que vous venez d’évoquer, monsieur Raoul, il n’est pas besoin de dérogation spécifique puisqu’il existe déjà des variétés, notamment de moutarde, qui sont hors dérogation ; cela répond à votre préoccupation.
J’estime que la rédaction proposée par M. le rapporteur permet de répondre, de manière ciblée et conforme à la réglementation de l’UPOV, à votre préoccupation au sujet de l’autoconsommation.
Concernant de l’amendement n° 27, le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons qu’a exposées M. le rapporteur.
M. le président. Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous reprendre à votre compte la rédaction que vous avez proposée à M. Raoul, et à laquelle M. le ministre s’est montré favorable ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Je le répète, si M. Raoul accepte ma proposition, l’amendement ainsi rectifié recueillera un avis favorable de la commission. À défaut, celle-ci s’en tiendra à un avis de sagesse plutôt défavorable.
M. le président. Monsieur Raoul, qu’advient-il de votre amendement ?
M. Daniel Raoul. Étant donné que nous n’en sommes qu’à la première lecture, nous avons amplement le temps d’étudier cette question de l’autoconsommation et de la pratique des éleveurs, qui me paraît relativement importante.
Je n’ai pas voulu citer de noms, monsieur le rapporteur, mais vous vous souvenez comme moi des témoignages, et non des moindres, que nous avons entendus en commission.
Je maintiens donc mon amendement en l’état. La rédaction de M. le rapporteur est certes acceptable, mais je ne saisis pas sa valeur ajoutée. Je le répète, elle prévoit seulement qu’un accord interprofessionnel « peut » exonérer les agriculteurs du paiement de l’indemnité. D’autres critères présents dans la convention UPOV, y compris la valeur de la récolte, auraient pu être pris en compte.
Quant à ce que vous proposez, monsieur le ministre, concernant les couverts hivernaux, notamment la moutarde, je ne répondrai pas que celle-ci me monte au nez… Vous le savez, la maîtrise des crucifères est un véritable problème : elles sont si tenaces qu’on les retrouve dix ans après avoir curé un ruisseau. Votre proposition ne me semble donc pas la solution idéale pour éviter leur prolifération.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 27.
Mme Marie-Christine Blandin. Sans doute me suis-je mal exprimée, puisque M. le rapporteur et moi-même ne nous sommes pas bien compris. Aussi, je souhaite apporter une précision.
Cet amendement vise à s’assurer que l’agriculteur qui paie est seulement celui qui effectue une sélection reproduisant les caractères distinctifs d’une variété protégée par un COV ou bien celui qui commercialise un peu autre chose, mais en lui donnant le nom d’une espèce protégée par un COV.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La moitié des indemnités dues par les agriculteurs abonde un fonds de soutien à la recherche en vue de financer des programmes collectifs de recherche sur les espèces dites mineures ainsi que sur des variétés adaptées à des conduites culturales diversifiées et permettant de répondre à la réduction des intrants.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Actuellement, les royalties sur les semences sont réparties ainsi : 15 % pour la recherche et 85 % pour les obtenteurs.
Le rapport de la commission de l'économie insiste sur deux objectifs que partagent les écologistes : la satisfaction des besoins alimentaires et le dynamisme de la recherche.
Le financement de la recherche doit avant tout conforter l’intérêt public. Si celui-ci rencontre l’intérêt des firmes semencières, le marché ira vers elles et leurs bénéfices seront garantis. Du reste, les budgets publics les aident déjà largement, ne serait-ce que via le crédit d’impôt, qui, je le rappelle, représente plus de 5 milliards d’euros de défiscalisation, dont 80 % profitent aux multinationales et aux très grosses entreprises.
Paradoxalement, les 15 % des royalties consacrés à la recherche peuvent être utilisés par les entreprises contre l’intérêt général ; je pense notamment aux recherches sur les hybrides F1 et à la mise au point de gènes exterminant le pouvoir germinatif de la graine.
Les agriculteurs manquent aujourd'hui de parcours de culture adaptés aux exigences environnementales, notamment celles qui sont liées aux modifications climatiques. Ce manque avait été clairement exprimé dans le cadre de l’atelier Biodiversité du Grenelle de l’environnement, y compris par les représentants des chambres d’agriculture.
L’INRA n’a que trop accompagné l’adaptation de quelques variétés uniques à tous les substrats, à toutes les altitudes, à coups de sélection, d’engrais chimiques et de pesticides de plus en plus pointus. Cette sorte de partenariat public-privé au bénéfice du privé s’est développée d’une manière d’autant plus consensuelle que beaucoup de firmes semencières sont aussi des fabricants de pesticides, voire, dans le cas de Monsanto, qui, et c’est heureux, n’est pas une entreprise française, de défoliants, comme cet « Agent Orange » utilisé durant la guerre du Vietnam.
Les moyens manquent aujourd'hui aux laboratoires qui, à partir des écosystèmes existants, cherchent les semences et les modes de culture les plus adaptés localement et les moins dépendants des intrants. Le principe « moitié-moitié » que je propose pour les indemnités dues, au bénéfice de la recherche publique, est un système plus équitable. Je rappelle qu’une part importante des semences commerciales vendues par les obtenteurs sont issues de semences prélevées dans les champs, sans procédure ni acte de consentement de la part des paysans qui les ont sélectionnées et conservées si longtemps.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un tiers des indemnités dues par les agriculteurs abonde un fonds de soutien à la recherche en vue de financer des programmes collectifs de recherche sur les espèces dites mineures ainsi que sur des variétés adaptées à des conduites culturales diversifiées et permettant de répondre à la réduction des intrants.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Actuellement, dans le cadre de l’accord blé tendre conclu en 2001, il a été décidé que 15 % seulement du montant des CVO, les cotisations volontaires obligatoires, prélevées sur les agriculteurs lors de la collecte du blé serviraient à alimenter le FSOV, le Fonds de soutien à l’obtention végétale, ce qui représente chaque année environ 1 million d’euros sur 7 millions d’euros collectés.
Le FSOV permet de financer des programmes de recherche collectifs dans le domaine du blé tendre.
Si ces accords collectifs entre représentants des obtenteurs et représentants des agriculteurs sont généralisés, notamment dans le cadre des interprofessions et pour l’ensemble des cultures, nous estimons que la répartition doit être revue : nous proposons de porter la part reversée au FSOV à un tiers des CVO.
Cet amendement peut donc être considéré comme un amendement de repli par rapport à l’amendement que vient de défendre Mme Blandin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Madame Blandin, votre amendement n° 26 est en complète contradiction avec votre amendement n° 23, qui visait à supprimer les droits d’obtention, dont vous proposez maintenant de prélever la moitié !
Mme Marie-Christine Blandin. Ce n’est pas contradictoire !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cet amendement n° 26, qui vise donc à mutualiser la moitié des indemnités dues par les agriculteurs aux obtenteurs pour utilisation de semences de ferme, constitue en fait une création puis une affectation de taxe.
Son montant de 50 % est vraisemblablement incompatible avec la convention UPOV, qui prévoit qu’une exception peut être créée aux droits exclusifs de l’obtenteur au bénéfice de l’agriculteur, mais cela « dans des limites raisonnables » et « sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur ».
L’atteinte aux droits de l’obtenteur paraît excessive : non seulement il ne pourrait prétendre à une indemnité représentant la totalité de la royaltie qu’il exige sur les semences certifiées, mais en plus il perdrait la liberté d’utilisation de la moitié de l’indemnité qui lui serait reversée par l’utilisateur de semences de ferme.
La commission émet donc un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, elle est également défavorable à l’amendement n° 11.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement y est défavorable : il ne paraît pas opportun d’inscrire le principe d’un tel fonds dans la loi.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 28 est présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet.
L'amendement n° 50 est présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour défendre l’amendement n° 28.
Mme Marie-Christine Blandin. S’il n’existe aucun contrat entre les titulaires des certificats d’obtention végétale et les agriculteurs, l’alinéa 6 de l’article 14 renvoie les conditions de rémunérations à un décret.
Je ne suis pas certaine qu’il appartient à l’État de se substituer aux titulaires des COV, qui sont responsables de l’application des dispositions prévues par cet article, qui a pour seul objectif de généraliser la contractualisation entre titulaires de COV et agriculteurs.
L’accord interprofessionnel qui existe depuis 2001 pour le blé tendre et que le Gouvernement souhaite généraliser par décret n’est pas conforme au règlement européen (CE) n° 2100/94 puisqu’il prévoit le prélèvement de royalties sur l’ensemble des semences de ferme, y compris les semences de variétés du domaine public ou de variétés sélectionnées et conservées par les agriculteurs qui ne sont pas protégées par un COV.
D’ailleurs, ces royalties sont collectées par l’intermédiaire d’une taxe parafiscale, alors que cette collecte doit se faire sans le concours de l’autorité publique.
M. le président. L’amendement n° 50 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 623–24–3. – Les conditions d’application de la dérogation définie à l’article L. 623-24-1, y compris les modalités de fixation du montant de l’indemnité visée à l’article L. 623–24–2 sont arrêtées dans le cadre d’accords interprofessionnels conclus dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime ou de contrats entre le titulaire du certificat d’obtention végétale et l’agriculteur concerné, ou entre un ou plusieurs titulaires de certificats d'obtention végétale et un groupe d'agriculteurs concernés.
« Par défaut, elles sont établies par un décret en Conseil d’État. Les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat sont consultées sur ce projet de décret.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur nos positions, je souligne, mes chers collègues, qu’avec cet amendement nous donnons la priorité à la conclusion d’accords professionnels collectifs, notamment dans le cadre des interprofessions.
Il faut renverser la logique en s’inspirant de l’accord blé tendre de 2001 pour la mise en place effective du droit de propriété lié au COV et les accords sur les montants de rémunération.
La mise en place d’un système de royalties sans accord des différents acteurs, par voie de décret, serait une erreur. Il faut que les secteurs concernés, et en particulier la profession agricole, soient disposés et prêts à accepter un accord. Autrement dit, il faut un accord « gagnant-gagnant » entre les obtenteurs et les agriculteurs.
La formulation de l’alinéa 6 de l’article 14 sur les conditions d’application de la dérogation liée aux semences de ferme doit donc dans un premier temps clairement donner la priorité à la conclusion d’accords interprofessionnels. Il faut par conséquent deux phrases distinctes pour deux étapes différentes.
Il est nécessaire de donner du temps à la négociation collective afin de sauvegarder au mieux les intérêts légitimes des deux parties et de parvenir à une véritable acceptation de cet outil de protection de la propriété intellectuelle.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Raoul, Yung, Daunis et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
à l’article L. 623–24–2,
Insérer les mots :
dont le montant est sensiblement inférieur au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété,
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Dans l’article 14 du règlement communautaire de base, il est précisé que les agriculteurs sont tenus de payer une rémunération équitable à l’obtenteur qui doit être « sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété ».
Le présent amendement a pour objet d’intégrer cet encadrement du montant de la rémunération due par l’agriculteur à l’obtenteur dans la législation nationale puisque aucun encadrement n’est pour l’instant prévu.
Bien sûr, la formulation « sensiblement inférieur » n’est pas très précise, mais le deuxième règlement d’application (CE) n° 2605/98 de la Commission a précisé qu’en l’absence d’accord le montant de la rémunération pouvait aller jusqu’à 50 % des montants dus pour la production sous licence de matériel de multiplication.
Nous proposons donc de modifier l’alinéa 6 pour indiquer qu’en l’absence d’accord le décret qui fixera les conditions d’application de la présente dérogation aux droits de l’obtenteur, y compris les modalités de fixation du montant de l’indemnité due, devra préciser que le montant des royalties doit être « sensiblement » – j’insiste de nouveau sur cet adverbe, laissé à l’interprétation de M. le ministre – inférieur au montant perçu pour la production sous licence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. L’amendement n° 28 vise à supprimer les dispositions encadrant les conditions de fixation de l’indemnité due par les agriculteurs aux obtenteurs pour utilisation de semences de ferme.
Or, si le recouvrement est l’affaire des obtenteurs, la fixation des règles pour permettre de s’accorder sur les montants des indemnités dues est bien du ressort de la loi. L’intervention publique se fait non pas au moment du recouvrement, mais lors de la fixation des règles. Il est donc tout à fait légitime que l’État intervienne.
Par ailleurs, il suffit que le texte soit en conformité avec le droit international fixé par la convention UPOV de 1991.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Avec l’amendement n° 12, vous proposez, monsieur Raoul, d’apporter deux modifications au texte de la commission.
La première vise à donner la priorité à l’accord interprofessionnel pour fixer l’indemnité due par les utilisateurs de semences de ferme, ce qui est déjà précisé dans le texte.
La seconde modification tend à prévoir la consultation des commissions parlementaires compétentes sur le projet de décret fixant le régime par défaut d’indemnisation des obtenteurs par les agriculteurs utilisant des semences de ferme, procédure lourde puisqu’il faudrait réunir les commissions de l’économie pour fixer les prix pour le blé, pour les pommes de terre, etc., ce qui ne me paraît pas de surcroît être leur rôle.
La commission est donc également défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 9 rectifié bis précise que l’indemnité due par l’agriculteur en cas d’utilisation de semences de ferme doit être d’un montant inférieur à celle qui est due en cas de production de matériel sous licence.
Sur ce point, monsieur Raoul, nous sommes tout à fait d’accord.
Cette disposition est d’ailleurs conforme à la convention européenne, qui prévoit un niveau minimal de 50 %.
Certes, l’expression « sensiblement inférieur », qui laisse plus de latitude, est imprécise. Le Larousse donne ainsi deux définitions de l’adverbe « sensiblement » : « d’une manière très perceptible », ce qui correspond à ce que l’on recherche, ou « à peu de chose près ; presque autant », « indique de légères variations ».
Au regard de la convention européenne, il vaudrait donc mieux, me semble-t-il, préciser que l’indemnité doit être significativement inférieure à celle qui est due en cas d’achat de matériel sous licence, la différence devant être plus que sensible.
Néanmoins, la commission émet un avis favorable, car cet amendement va dans le bon sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos28 et 12, qui compliquent inutilement la procédure.
En revanche, comme M. le rapporteur, il est favorable à l’amendement n° 9 rectifié bis.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
permettant de garantir
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
la traçabilité des produits issus de variétés faisant l’objet de certificat d’obtention végétale.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Dans le règlement européen de base, il est d’abord précisé que le produit de la récolte peut être préparé en vue de la mise en culture par l’agriculteur lui-même ou par un prestataire de services puisque les États membres peuvent établir un plan de l’organisation de la préparation dudit produit de la récolte, notamment en vue de garantir que le produit soumis à préparation est identique à celui qui résulte de la préparation.
Dans l’alinéa 7, il est prévu que ces opérations de triage doivent être faites dans des conditions permettant de garantir la parfaite correspondance des produits soumis au triage et celle des produits en résultant.
Cette rédaction peut prêter à confusion. C’est bien de conformité à la variété protégée qu’il s’agit.
Ayant tenté une nouvelle rédaction, je l’espère, plus précise que celle de mon amendement initial, je propose donc, mes chers collègues, de prévoir que les opérations de triage permettront une traçabilité des produits issus de variétés faisant l’objet de COV.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
sauf dans le cas de multiplication de semences de variétés du domaine public ou sélectionnées à la ferme pour les adapter au milieu local à des fins d'autoconsommation
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement de « repêchage » a pour objet de promouvoir à nouveau, dans d’autres termes et plus modestement, les pratiques d’autoconsommation.
Il serait regrettable que les agriculteurs qui utilisent les semences de ferme aient l’impression que les parlementaires les considèrent a priori comme des contrefacteurs en puissance. Leur pratique est fondée, ancienne et utile, d’intérêt général, je n’y reviens pas.
Il est donc nécessaire d’ajouter aux conditions dans lesquelles il n’y a pas lieu de payer une taxe deux circonstances : d’abord, l’autoconsommation, qui ne saurait être considérée comme une spoliation par l’obtenteur, puisque rien n’entre dans un circuit de commercialisation et qu’il n’y a donc aucune concurrence ; ensuite, de façon jointe, l’adaptation aux conditions particulières locales.
Ce second cas va dans le sens des préconisations du Gouvernement, à savoir la maîtrise des intrants chimiques et l’adaptation aux changements climatiques. Il va aussi dans le sens de la santé humaine, comme de la préservation des écosystèmes.
Dans ce cas non plus, il n’y a pas concurrence illicite, puisque, comme on peut le lire en page neuf du rapport, la filière semencière, avec ses 2,4 milliards d’euros, vise à consolider son rôle de premier producteur en Europe et de deuxième exportateur mondial, avec un chiffre d’affaires de 0,9 milliard d’euros, ce qui implique des sélections multicompatibles, très éloignés du secteur de l’adaptation locale et de l’autoconsommation.
Cet amendement serait donc indolore pour les firmes et constituerait en même temps un vrai message de confiance adressé aux agriculteurs concernés. Il donnerait la sécurité juridique à l’autoconsommation, comme aux travaux d’usager in situ, qui ne s’appellent ni recherches ni innovations mais servent à toute la société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. L’amendement n° 13 rectifié vise à préciser que seules les variétés protégées par un COV sont concernées par l’obligation de parfaite correspondance entre produits soumis au triage et produits résultant du triage. Il me semble tout à fait intéressant de pouvoir étendre cette problématique aux variétés non protégées et de pouvoir encadrer les seules variétés protégées.
Aussi, monsieur Raoul, la commission émet un avis favorable, une fois de plus ! (M. Daniel Raoul sourit.) Vous le voyez, beaucoup de vos amendements sont retenus et cette réaction est équilibrée. Par conséquent, j’espère qu’à la fin de la discussion nous aurons un avis également favorable de votre part sur l’ensemble du texte. (Sourires.)
M. Christian Demuynck. Ce n’est pas sûr !
M. Daniel Raoul. C’est bien tenté !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Quant à l’amendement n° 29, il est satisfait par l’amendement n° 13 rectifié. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis ennuyé, monsieur le président, parce que l’on donne systématiquement satisfaction à M. Raoul et pas à Mme Blandin. Je trouve que la parité n’est pas respectée ! (Sourires.)
J’émets néanmoins un avis favorable sur l’amendement n° 13 rectifié de M. Raoul et un avis défavorable sur l’amendement n° 29 de Mme Blandin.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 29 n'a plus d'objet.
Je constate par ailleurs que l’amendement n° 13 rectifié a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 51, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 30, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf dans le cas d’échanges de petites quantités de semences entre agriculteur au vue d’une adaptation locale qui relève de l’exception de sélection
Madame Blandin, puisque vous êtes l’auteur de cet amendement et du suivant, l’amendement n° 31, peut-être l’un des deux recueillera-t-il un avis favorable ? (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, vous avez la parole pour défendre l’amendement n° 30, ma chère collègue.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, j’espère que vous placez ces amendements sous de bons auspices. (Nouveaux sourires.) Mais, avec l’amendement n° 30, il s’agit, hélas ! d’échanges, qui sont vraiment regardés à la loupe.
Pourtant, l’échange régulier de petites quantités de semences, en favorisant certains croisements, permet aux paysans de renouveler la diversité et la variabilité indispensables à l’adaptation de leurs variétés à la diversité des terroirs, aux changements climatiques et à l’évolution des besoins humains. Si les agriculteurs échangent leurs semences, ce n’est pas pour en faire un commerce parallèle. Bien au contraire, ils le font car ils ont besoin de renouveler la biodiversité en permanence.
Souvenez-vous les tabous de mariage entre frères et sœurs, les rencontres festives, à l’inverse, entre villages et tribus, si bien décrites par Claude Lévi-Strauss, qui évitaient la consanguinité et favorisaient, par le brassage de gênes, l’évitement de l’expression de quelques gènes abîmés.
Les échanges de semences ont exactement les mêmes vertus.
Vouloir, par des règles commerciales, aller contre cette sorte de revitalisation du patrimoine génétique, ce n’est pas seulement aller contre l’histoire, c’est aussi aller contre l’avenir.
La France a signé le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, le TIRPAA, qui reconnaît les droits des agriculteurs au titre de la contribution qu’ils apportent à la conservation de la biodiversité, mais qu’ils ont également apportée et qu’ils apporteront. Cela passe par le droit de disposer de leurs récoltes, mais aussi d’échanger ces semences.
Quand l’industrie semencière souhaite créer une nouvelle variété, elle peut échanger librement des semences avec des centres de ressources génétiques, dans le but de sélectionner ces semences pour, ensuite, les inscrire. Aussi, il paraîtrait légitime de permettre aux agriculteurs de bénéficier du même droit, notamment dans le cas d’échanges de petites quantités de semences dans le but d’une adaptation locale.
J’anticipe l’éventuelle critique de M. le rapporteur sur le caractère un peu flou de la formulation « petites quantités ». Qu’à cela ne tienne ! Je suis tout à fait prête à rectifier mon amendement pour y inscrire le mot « raisonnables ». N’a-t-il pas trouvé ce mot extrêmement précis tout à l’heure ? (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 623–24–5. - Conformément au règlement CE n° 2100/94 du 27 juillet 1994 la responsabilité du contrôle de l’application du présent article ou des dispositions adoptées au titre du présent article incombe exclusivement aux titulaires de certificats d'obtention végétale. Dans l’organisation de ce contrôle, ils ne peuvent pas avoir recours aux services d’organismes officiels. Toute information pertinente est fournie sur demande aux titulaires par les agriculteurs et les prestataires d’opérations de triage à façon; toute information pertinente peut également être fournie par les organismes officiels impliqués dans le contrôle de la production agricole, si et seulement si cette information a été obtenue dans l’exercice normal de leurs tâches, sans charges ni coûts supplémentaires. Ces dispositions n’affectent en rien, la législation communautaire et nationale ayant trait à la protection des personnes en ce qui concerne le traitement et la libre circulation des données à caractère personnel. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le COV et son application relevant du domaine privé, il convient de ne pas impliquer l’État dans des missions de domaine privé qui ne relèvent pas de sa compétence.
D’ailleurs, dans le cas du brevet, c’est au titulaire de celui-ci qu’il incombe de détecter la violation et de la dénoncer. On ne voit donc pas pourquoi, dans le cas du COV, cela ne serait pas identique.
Je vais prendre un autre exemple, celui de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, l’HADOPI. C’est la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, ce sont les éditeurs de musique qui cherchent celui qui a téléchargé. Ce n’est pas la police !
J’espère que la majorité et le Gouvernement, après avoir inventé et mis en œuvre la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, laquelle a décimé les services publics et supprimé les postes de fonctionnaires utiles aux citoyens, ne vont pas maintenant inventer des dépenses publiques au service des seuls intérêts privés des firmes !
J’espère donc que cet amendement juste et économe sera voté.
Je tiens également à attirer votre attention sur le fait que les semences de ferme doivent être mises à part étant donné qu’elles ne relèvent pas d’une quelconque dérogation aux droits de l’obtenteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Sur l’amendement n° 30, c’est vrai qu’il est peu précis pour les quantités. Prenons l’exemple de 100 kilogrammes de graines de carotte. C’est une petite quantité.
Mme Marie-Christine Blandin. Raisonnable !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cela permet néanmoins de semer 1 000 hectares de carottes maraîchères.
Mme Marie-Christine Blandin. Tout à fait !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Vous le voyez, ce n’est pas neutre !
Cette précision est peu utile, car l’exception du sélectionneur permet déjà l’utilisation de semences protégées pour en produire d’autres, nouvelles. On imagine assez bien, d’ailleurs, que ce travail de recherche ne nécessite pas d’énormes quantités de semences. Les petites quantités révèlent que nous sommes dans un cas de recherche plutôt que dans le cadre d’une production à grande échelle.
Aussi, l’avis est défavorable.
L’amendement n° 31 vise à appliquer en droit national la même règle qu’en droit européen, prévoyant que seuls les obtenteurs sont compétents pour contrôler l’application des dispositions relatives aux semences de ferme.
Cette restriction n’est pas imposée par la convention UPOV de 1991, mais a été adoptée par le règlement européen afin de ne pas impliquer les autorités publiques dans le dispositif. Ainsi, les données publiques ne peuvent être fournies que si elles existent déjà. Il n’appartient pas à l’État de créer un appareil statistique ou de recouvrement spécifique pour l’indemnité due en cas d’utilisation de semences de ferme.
Je m’interroge : cette interdiction ne rend-elle pas incontrôlable le respect des droits de propriété intellectuelle des obtenteurs ? Le sujet étant très technique, je souhaite entendre le Gouvernement.
En tout état de cause, il faudrait retirer de l’amendement les mots « Conformément au règlement CE n° 2100/94 du 27 juillet 1994 ».
Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement. Vous le voyez, même si l’avis n’est pas favorable, on arrive peu à peu à trouver des points d’accord avec Mme Blandin. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 30 qui, comme l’a indiqué M. le rapporteur, n’est pas conforme au droit européen.
L’amendement n° 31 paraît peu utile car, pour que l’État puisse intervenir dans le contrôle de dispositions du domaine privé, la loi doit le prévoir, ce qui n’est pas le cas.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, n’autoriserait pas l’État à intervenir ou à transmettre des informations aux obtenteurs. De ce point de vue, nous estimons que l’amendement est inutile.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 31.
M. le président. Madame Blandin, l’amendement n° 31 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je le retire, monsieur le président, car je fais confiance à la CNIL.
M. le président. L’amendement n° 31 est retiré.
L'amendement n° 32, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 623–24–6. - Pour l'application de l’article 9 du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, la politique agricole encourage la contribution des agriculteurs à la conservation des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. En conséquence, elle reconnaît leurs droits de sélectionner, de conserver, de réutiliser, d’échanger et de vendre leurs propres semences dans le cadre et pour leur production agricole courante. Lorsque la ressource utilisée au départ est protégée par un certificat d’obtention végétale ou contient l'expression d'un gène breveté, les droits de l’obtenteur ne s’étendent aux semences de ferme que si elles sont reproduites avec une sélection conservatrice visant à reproduire les caractères distinctifs de la variété protégée ou si la récolte est commercialisée sous la dénomination de la variété protégée. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous touchons ici au cœur du sujet, la nature du métier d’agriculteur.
Se tourner vers l’avenir, s’adapter à une démographie importante, demandeuse d’aliments en quantité et en qualité, s’appuyer sur la recherche, ne devait pas se traduire obligatoirement par un fractionnement des tâches, privant l’agriculteur de la mission de sélection des semences.
Que certaines firmes en aient fait leur spécialité est une chose. Qu’elles veuillent aujourd’hui empêcher que d’autres le fassent en est une autre.
C’est comme si les fabricants de produits cuisinés ou de pâte à tarte toute faite, qui se sont spécialisés dans ce créneau, venaient maintenant demander au législateur d’empêcher les pères et mères de famille de s’employer à faire de la cuisine !
Cet amendement est une application du TIRPAA, et une protection de pratiques qui ont permis l’existence des sociétés sédentaires.
Les tomates « cœur de bœuf » redécouvertes, les variétés de pommes reinette acides, les courges qui se délitent en spaghettis une fois cuites, ne sont pas le fruit des obtenteurs, mais la redécouverte sur les marchés par des consommateurs avides de produits goûteux, de fruits et légumes préservés par des jardiniers « amateurs » au sens étymologique du terme.
Il en est de même pour les céréales, que redécouvrent certains boulangers et nutritionnistes. Car ce qui est bon pour la commodité de texture souhaitée par l’agroalimentaire ne l’est pas forcément pour la qualité de notre alimentation.
C’est grâce au droit de culture et d’échange que des générations de paysans ont créé, conservé et renouvelé des centaines de milliers de variétés différentes. Les paysans doivent donc être reconnus à juste titre comme les principaux acteurs de la conservation des espèces. En choisissant à chaque génération les plus belles plantes pour les multiplier, le paysan favorise leur adaptation naturelle aux conditions locales non homogénéisées et plus dépendantes des engrais et des pesticides.
Au-delà du métier de paysan, que l’on ne saurait amputer, au-delà de la biodiversité cultivée, qui ne saurait se limiter aux plaquettes de communication, cet amendement ouvre la mise en conformité de la France par rapport à sa signature à Nagoya, en permettant demain la reconnaissance des droits collectifs d’usage de certaines communautés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Madame Blandin, c’est un amendement que vous recyclez régulièrement ! Nous avons déjà largement débattu de ce sujet. Vous ouvrez une alternative de plus aux semences de ferme.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour application des articles 5 et 6 du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l'agriculture, il est instauré une taxe sur les semences non librement reproductibles. Le produit de cette taxe sera destiné à encourager et soutenir la recherche publique pour la sélection et la mise sur le marché de semences reproductibles, les efforts des agriculteurs pour gérer et conserver les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et leur implication dans des programmes de sélection participative qui renforcent la capacité de mise au point de variétés spécifiquement adaptées aux différentes conditions sociales, économiques et écologiques, y compris dans les zones marginales. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Qui, sur les travées du Sénat, a peur de la recherche ?
Personne, au contraire, même si, monsieur le ministre, vous sembliez vous en inquiéter dans votre déclaration liminaire, lorsque nous avons commencé l’examen de ce texte !
La présence assidue des écologistes dans les débats parlementaires consacrés à la recherche, à l’université, aux grandes institutions, devrait rassurer ceux qui vous ont mal conseillé pour cette alarme.
Nous tenons tant à la recherche en agronomie que, dans les collectivités territoriales où des responsabilités nous ont été confiées, au-delà du financement des laboratoires « classiques », nous avons mis en place des dispositifs participatifs, qui allient la demande des professionnels et des citoyens pour construire des programmes, l’expertise d’usage des agriculteurs et les protocoles rigoureux des chercheurs de l’INRA, comme en Île-de-France sur les variétés de blé panifiables.
Nous proposons d’apporter des financements à ce type de recherche, tournée vers la sélection participative, appuyée sur des savoir-faire de terrain, orientée vers la diversité et l’adéquation aux besoins comme au sol et au climat, au nom de leur contribution remarquable à la biodiversité cultivée. Leurs travaux s’inscrivent résolument dans la mise en œuvre des priorités ratifiées par le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.
Pour permettre ce financement, nous proposons une taxe sur les semences sélectionnées ou transformées, mais rassurez-vous, pas toutes, seulement celles qui ont été transformées pour être rendues infertiles et non reproductibles.
C’est une urgence : la biodiversité cultivée a subi une érosion de 75 %, selon les derniers rapports de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO. La mise au point et la commercialisation des semences hybrides F1, ou de génomes privés de leur capacité reproductive, faites par les firmes semencières contribuent à cet appauvrissement.
Comme le rappelle Laurent Urban, ancien directeur de recherche à l’INRA, les plantes issues de ce type de semences sont figées dans leur capacité d’adaptation à un environnement changeant. Figées, elles ne peuvent participer à l’avenir de l’humanité. Elles méritent donc une petite taxe pour financer beaucoup de recherche !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cet amendement tend à créer une taxe supplémentaire,...
M. Christian Cambon. Une de plus !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. ... ce qui est encore en contradiction avec l'amendement n° 23 que vous avez défendu, madame Blandin, qui visait à ne plus faire payer de droits aux agriculteurs.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce ne sont pas les mêmes !
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Je comprends tout à fait votre objectif. Il s’agit probablement d’un amendement d’appel, puisque le dispositif est peu opérationnel : ni l’assiette, ni le taux, ni les modalités de recouvrement de cette taxe ne sont précisés.
Sur le fond, l’instauration d’une taxe sur les semences n’est certainement pas le meilleur moyen d’encourager la recherche sur des variétés végétales nouvelles adaptées aux nouveaux enjeux.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'article.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu ce que vous avez « engrangé » concernant les cultures biologiques. D’ailleurs, je vous remercie de votre action dans ce domaine.
Ainsi que m’y a invité M. Ollier lorsque j’ai présenté les amendements nos 14, 15, 16 et 17 tendant à insérer des articles additionnels après l'article 14 afin que soit assurée une représentation pluraliste des organisations professionnelles agricoles dans le collège des producteurs au sein des organisations interprofessionnelles, je vous interroge sur ce sujet.
Nous avions déjà défendu ces quatre amendements lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche au Sénat, au mois de mai 2010. À l’époque, monsieur le ministre, vous nous aviez fait part de votre conviction : « le sens de l’histoire est d’aller vers une représentation plurielle des organisations syndicales », « c’est selon moi souhaitable ». À vous entendre, cette évolution se produirait inévitablement, de façon spontanée. Pourtant plus d’un an plus tard, nous n’y sommes pas encore !
Nous avons tous en mémoire la situation de blocage des mois d'octobre et de novembre derniers lors de la crise de l’interprofession laitière : la demande légitime des syndicats minoritaires n’ayant pas été entendue par leurs partenaires, ils ont été réduits à agir de façon désespérée pour donner un écho à leurs revendications ! Il est vraiment regrettable d’en arriver là.
Monsieur le ministre, les pouvoirs publics étant à l’origine de la reconnaissance des organisations interprofessionnelles et, par conséquent, de l’extension des accords, nous estimons que leur représentativité doit être garantie par la loi. Selon nous, seules des dispositions législatives peuvent résoudre une situation conflictuelle et rétablir un climat de confiance et de concertation entre les différents représentants du monde agricole.
Certes, je le sais, aux mois d'octobre et de novembre derniers vous avez étendu les invitations, mais cela n’équivaut pas à une reconnaissance dans les organisations interprofessionnelles.
Il nous semble important d’assurer aujourd’hui cette responsabilité dans la loi. Or on nous a répondu que ces amendements étaient des cavaliers législatifs. Je veux bien le croire ; d’ailleurs, nous savons y faire. (Sourires.) Toutefois, certains cavaliers peuvent avoir une portée, et point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. Ces amendements portent aussi sur l’interprofession semencière, qui, comme nous venons de le voir, a un grand rôle à jouer pour établir les conditions d’application de la dérogation permettant les semences de ferme. Cette ouverture à toutes les organisations agricoles représentatives permettrait au GNIS de gagner en légitimité.
Monsieur le ministre, même si nos amendements ont déjà été rejetés, je souhaite connaître votre position sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je serai très bref car nous nous éloignons quelque peu de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale.
Monsieur le sénateur, j'ai toujours indiqué que j'étais favorable à ce que les discussions sur l'avenir de l'agriculture soient les plus ouvertes possibles et fassent une place à tous les syndicats représentatifs du monde agricole, la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs, la Coordination rurale, la Confédération paysanne. Quel que soit le sujet – le problème des pailles, comme c’est actuellement le cas, ou celui de l'élevage –, nous associons l'ensemble des organisations syndicales représentatives.
Se pose ensuite la question des interprofessions. Elles sont de droit privé. J’ai déjà dit qu'il me semblait intéressant et utile qu'un dialogue s'amorce entre l'ensemble des organisations syndicales sur l'ouverture des interprofessions : il a commencé, mais n'est pas achevé. Pour ma part, je ne verrais que des avantages à ce que les interprofessions prennent l'initiative de s'ouvrir. Cependant, c'est aux interprofessions elles-mêmes de prendre cette décision, puisqu’il s’agit d’organisations de droit privé. Par ailleurs, le comportement responsable des uns et des autres est l'une des conditions de cette ouverture.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, cette fois il s'agira véritablement d'une explication de vote sur l'article 14. (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – M. Christian Cambon proteste.) Mon cher collègue, ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas long et de surcroît je pourrai écourter mon explication de vote sur l’ensemble du texte.
Nos divergences portent essentiellement sur l'amendement n° 10 rectifié, et donc sur l'autoconsommation. J'espère que, sur cette question, la navette parlementaire permettra des avancées. Toutefois, même si je suis favorable aux autres dispositions prévues, dans la mesure où cet amendement n'a pas été adopté, je voterai contre l'article 14. C'est un point de friction.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Tout n'est pas mauvais dans ce texte. Toutefois, nous avons formulé un grand nombre de propositions à l'article 14 sur lesquelles nous fondions beaucoup d’espoir.
Je tiens à souligner quelques points positifs.
Non, monsieur le rapporteur, vous ne m'avez pas tout refusé. Ainsi, même si vous avez transformé l’amendement sur le patrimoine alimentaire vivant, l’esprit qui en avait été à l’origine est préservé. De cela, je vous remercie.
Je tiens également à souligner que l'article 15 évoque la contrefaçon en cas d'atteinte « volontaire » aux droits de l’obtenteur. Cela correspond à un amendement au texte de M. Jean Bizet que nous avons discuté voilà plusieurs années et que les écologistes avaient alors porté, tendant à éviter que les chutes de graines ou les pollinisations par le vent qui apportent des contaminations dans un champ ne fassent peser sur le propriétaire de celui-ci la responsabilité d'avoir dérobé un patrimoine inscrit, alors qu'il en aurait été simplement la victime passive.
Cependant, vous n'avez pas été plein de sollicitude.
Quand l’UPOV défend les intérêts « légitimes » de l’obtenteur, cela ne vous pose pas de problème. En revanche, quand M. Raoul parle de représentation « légitime » des organisations minoritaires, vous êtes contre !
Quand l’UPOV évoque les limites « raisonnables » des semences de ferme, cela ne vous pose pas non plus de problème. Mais quand il est question, à l’occasion d’un amendement sur la possibilité d'échange, de « quantités raisonnables », vous vous y opposez !
Qui plus est, des raisons majeures me conduisent à refuser ce texte.
D’abord, vous n'avez pas accepté d’affirmer la nécessaire transparence dans les certificats d'obtention végétale, quand les semences concernées portent un gène qui a été transformé et dont la transformation est issue d'un brevet.
Ensuite, les renseignements sont fournis exclusivement par l’obtenteur. Or, pour avoir participé durant plusieurs mois à la mission commune d’information sur le Mediator, je peux témoigner que les renseignements fournis par le fabricant nous ont laissé un goût assez amer.
Enfin, nous ne nous montrons pas dignes des accords que nous avons signés. Je pense à la convention sur la diversité biologique de Nagoya, au traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. Nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux à venir.
Pour toutes ces raisons, les écologistes voteront contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du contexte agricole particulièrement concurrentiel, il est aujourd’hui indispensable que notre pays puisse développer la recherche afin de promouvoir des produits de qualité. L’innovation est l’une des clés de la compétitivité de nos filières agricoles comme du respect de l’environnement et elle contribue à la biodiversité.
En France, la recherche agronomique est assise sur un modèle original de protection de la propriété intellectuelle : le certificat d’obtention végétale, ou COV. Ce modèle permet de défendre un juste équilibre entre protection du propriétaire et intérêt de l’utilisateur. Aussi, notre pays se doit de conforter la spécificité du COV, puisque la filière semencière française est une référence.
Le groupe UMP a tenu à faire inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement cette proposition de loi, présentée par notre collègue Christian Demuynck, que je souhaite saluer ici au nom de mes collègues, texte qui vise trois enjeux majeurs pour l’avenir de l’agriculture française.
Il s’agit, premièrement, de consolider notre modèle de protection de la propriété intellectuelle sur les obtentions végétales. Il convient, deuxièmement, de fournir à nos agriculteurs un cadre juridique précis en matière d’utilisation des semences de ferme, c’est-à-dire des graines issues de la récolte. Il faut, troisièmement, garantir la pérennité de l’effort de recherche en matière de variétés végétales, en garantissant sa juste rémunération.
Cette proposition de loi donnera un nouveau signe concret de l’engagement de notre pays en matière de recherche et d’innovation. Dans l’intérêt bien compris des agriculteurs, elle clarifie et simplifie les conditions d’utilisation de semences de variétés protégées.
Je tiens enfin à saluer l’excellent travail de notre rapporteur, Rémy Pointereau, qui a permis que des améliorations essentielles soient apportées au texte. La commission a notamment souhaité favoriser la conservation des collections de variétés anciennes ; elle a tenu également à inscrire dans le texte la reconnaissance du droit des agriculteurs à utiliser des semences de ferme.
Aussi, l’ensemble du groupe UMP votera cette proposition de loi qui engage l’avenir de notre filière végétale et tout un pan de notre recherche. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. En tant qu’élu d'une ville qui accueille l'Office communautaire des variétés végétales, l’OCVV, la Station nationale d’essais de semences, la SNES, ainsi qu’un certain nombre d'organismes spécialisés dans les semences et représentant d'un territoire qui compte de nombreux obtenteurs, je considère que cette proposition de loi comporte des avancées considérables, notamment en matière de propriété intellectuelle, et, à ce titre, j’aurais pu la voter. Toutefois, par déformation professionnelle et parce que nous examinons ce texte en première lecture, je me contenterai d’une abstention positive.
Il est une autre raison, bien plus importante qui me conduit à adopter cette position. J’ai soulevé avec l'amendement n° 10 rectifié le problème de l'autoconsommation. Pourtant, il n’a pas été adopté. Il s’agissait de mettre fin à une hypocrisie : ainsi que cela a été évoqué très longuement en commission, – j’ai des noms, de ceux qui y ont témoigné en ce sens – tout le monde a recours à cette pratique sans le dire et, comme vous le savez, c’est incontrôlable. Pourquoi alors ne pas reconnaître l’existence de cette pratique dans un texte ?
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous un aspect technique, la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise touche en réalité à l’avenir de secteurs clés de notre économie nationale, celui, bien sûr, des semences dans lequel nous avons un leadership à pérenniser et celui de l’agriculture.
Les membres du groupe RDSE sont, bien entendu, favorables à certaines des évolutions proposées dans ce texte.
Ce texte permet de consolider le modèle français de protection de la propriété intellectuelle face aux tenants du brevet. Le certificat d’obtention végétale constitue une juste reconnaissance de la propriété industrielle sur l’innovation dans le domaine du végétal, tout en laissant l’accès à la variété nouvelle pour la sélection.
La France a été pionnière dans la mise en place de ce certificat, adopté maintenant par soixante-neuf pays ; il était évidemment paradoxal qu’elle n’ait pas encore adapté sa propre législation aux standards internationaux.
Quand on voit l’orientation prise par la Commission européenne en matière de droit de la propriété intellectuelle, il y a de quoi être inquiet. Il faut empêcher l’appropriation indue par quelques prédateurs de ce patrimoine commun qu’est la nature. Puisse ce texte renforcer ce message et non être la première marche vers la brevetabilité du vivant !
La place qu’occupe la recherche française dans le secteur « semences et plants » est très dynamique et remarquable. Elle a permis d’élaborer de nouvelles variétés végétales de nature à favoriser la hausse des rendements agricoles, tout en réduisant la consommation d’intrants grâce à une résistance accrue aux maladies et à une meilleure adaptation à l’environnement.
Il est donc tout à fait légitime et nécessaire de rémunérer le travail des chercheurs. Encore faut-il que ce travail soit orienté sur l’amélioration des variétés au profit des agriculteurs et de l’environnement ! Or certaines firmes se dirigent vers le verrouillage des semences par la sélection de variétés hybrides, non reproductibles à la ferme.
Par ailleurs, le texte autorise l’utilisation de semences de ferme sur la même exploitation et sous réserve d’une indemnisation de l’obtenteur.
Il était temps de sortir d’une situation insensée où des agriculteurs étaient menacés de poursuites en contrefaçon devant les tribunaux pour avoir ressemé leur récolte !
Rappelons que la totalité des semences industrielles sont issues de variétés sélectionnées par des dizaines de générations de paysans. La multiplication d’une partie de la récolte à la ferme est aussi le seul moyen de pouvoir adapter les variétés à la diversité des terroirs.
Nous avions exprimé quelques réserves, lors de la discussion générale, sur l’étendue de la dérogation en faveur des agriculteurs. L’article 14, tel qu’il a été adopté, ne nous satisfait pas totalement. Nous regrettons notamment que tous les amendements de notre collègue Daniel Raoul n’aient pas trouvé un écho favorable.
Toutefois, le groupe RDSE votera ce texte,…
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme Françoise Laborde. … tout en souhaitant que la question de l’autoconsommation et de l’alimentation du bétail soit réglée au cours de la navette parlementaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Christian Demuynck de nous avoir permis de remettre l’ouvrage sur le métier, cinq ans après l’adoption par le Sénat d’un projet de loi relatif aux obtentions végétales, devenu caduc.
La proposition de loi qui nous est soumise était attendue non seulement par une grande majorité de professionnels, qu’il s’agisse des sélectionneurs, des obtenteurs, des multiplicateurs ou des agriculteurs, mais également par un grand nombre d’organismes qui gèrent la filière semences.
Elle nous permet à la fois de nous mettre en conformité avec la convention UPOV de 1991 et de protéger les obtenteurs et la recherche, les multiplicateurs et les agriculteurs, sans confisquer la propriété intellectuelle. Il s’agit, me semble-t-il, d’un texte tout à fait équilibré.
Si nos variétés végétales faisaient l’objet d’un brevet comme aux États-Unis, leurs obtenteurs, je dirais même les inventeurs, pourraient s’en accaparer la propriété, restreignant ainsi l’accès de chacun au patrimoine naturel. En effet, l’inventeur qui détient un brevet a des droits sur tous les produits développés, même s’ils sont différents.
C’est donc pour éviter cette privatisation des ressources naturelles qu’a été mis au point le COV, le certificat d’obtention végétale, qui est conforté par ce texte.
Concernant la pratique des semences de ferme sur des variétés protégées qui était jusqu’à maintenant purement et simplement interdite en droit français, elle deviendra autorisée si l'Assemblée nationale adopte le texte dans la rédaction issue de nos travaux.
Il est important que tous les agriculteurs conservent le droit d’exploiter des variétés protégées dans la mesure où un juste retour à l’obtenteur ait lieu dans les conditions prévues par les accords interprofessionnels, qui, eux, jugeront notamment de l’acceptabilité ou non de l’exonération de l’autoconsommation, comme c’est le cas pour le blé. À cet égard, je salue notre collègue Daniel Raoul, qui s’est battu pour faire adopter l’amendement n° 10 rectifié, mais il était difficile de lui répondre favorablement. Élu d’une région très favorable aux semences, il a, je le sais, une parfaite connaissance du sujet.
Quoi qu’il en soit, la solidarité doit se manifester en faveur du progrès génétique, car il faudra, à terme, développer la productivité pour nourrir 9 milliards d’individus. C’est une question de sécurité alimentaire. À l’heure des changements climatiques, il faut que nous fassions des progrès sur nos variétés.
Avant de conclure, permettez-moi de remercier les membres de l’opposition, notamment Mme Blandin, qui a tenté d’amender le texte. Nous avons répondu à quelques-unes de ses attentes, concernant, en particulier, la collection nationale de ressources phytogénétiques (M. Daniel Raoul opine.), qui constitue une avancée.
Par ailleurs, je remercie le ministre M. Bruno Le Maire d’avoir mené la discussion de cette proposition de loi à son terme et accepté un certain nombre d’avancées. Je voudrais également remercier l’ensemble de nos collègues UMP, de l’Union centriste et du RDSE, notre collègue Françoise Laborde venant d’indiquer que son groupe allait voter ce texte. En ces derniers jours de session extraordinaire, merci à tous d’avoir été présents aujourd'hui, car nous avons repris l’examen de ce texte après une coupure d’une dizaine de jours. Mes remerciements vont également au président Emorine et aux services de la commission pour notre travail en commun, ainsi qu’aux conseillers.
Pour conclure, je citerai Jules Verne : « C’est à force de répandre le bon grain qu’une semence finit par tomber dans un sillon fertile. » Je souhaite qu’il en soit ainsi, avec ce texte, pour l’avenir des semences françaises.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
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Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du vendredi 8 juillet 2011, par M. le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
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Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 8 juillet 2011, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011–175 QPC et 2011–176 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 11 juillet 2011 :
À dix heures :
1. Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique relatif aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et le projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique.
Rapport de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat (n° 715, 2010–2011).
Texte de la commission (n° 716, 2010–2011).
Texte de la commission (n° 717, 2010–2011).
2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.
Rapport de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat (n° 718, 2010–2011).
Texte de la commission (n° 719, 2010–2011).
À quinze heures et, éventuellement, le soir :
3. Projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l’équilibre des finances publiques (n° 687 rectifié, 2010–2011).
Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 732, 2010–2011).
Avis de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 705, 2010–2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART